Nations Unies

CMW/C/DZA/CO/2

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

25 mai 2018

Original : français

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de l’Algérie *

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l’Algérie (CMW/C/DZA/2) à ses 379e et 380e séances (CMW/C/SR.379 et 380), les 10 et 11 avril 2018. À sa 395e séance, le 20 avril 2018, le Comité a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la soumission du deuxième rapport périodique de l’État partie, de ses réponses écrites à la liste des points à traiter (CMW/C/DZA/Q/2/Add.1) et des informations additionnelles fournies pendant le dialogue par la délégation multisectorielle conduite par Lazhar Soualem, Directeur des droits de l’homme, du développement social, des affaires culturelles, scientifiques et techniques internationales du Ministère des affaires étrangères, et composée de représentants du Ministère du travail, de l’emploi et de la sécurité sociale, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la justice, du Ministère de l’intérieur, des collectivités locales et de l’aménagement du territoire, de la Direction générale de la sûreté nationale et de la Mission permanente d’Algérie auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations à Genève. Le Comité a également apprécié le dialogue franc, ouvert et constructif engagé avec la délégation.

3.Le Comité note que l’Algérie, en tant que pays d’origine de travailleurs migrants, a réalisé des progrès dans la protection des droits de ses ressortissants travaillant à l’étranger. Le Comité note cependant que l’État partie est confronté, en tant que pays de transit et de destination, à un certain nombre de défis importants en matière de protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille présents sur son territoire.

4.Le Comité constate qu’un certain nombre de pays dans lesquels les travailleurs migrants algériens sont employés ne sont pas encore parties à la Convention, ce qui pourrait constituer un obstacle à l’exercice des droits des travailleurs migrants au titre de la Convention.

B.Aspects positifs

5.Le Comité note avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour promouvoir et pour protéger les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation, aux soins de santé et à l’enregistrement des naissances.

6.Le Comité note avec satisfaction la ratification par l’État partie des traités internationaux ci-après ou l’adhésion à ceux-ci :

a)Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, en septembre 2016 ;

b)La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, en septembre 2016 ;

c)La Convention du travail maritime, telle qu’amendée (2006) de l’Organisation internationale du Travail (OIT), en juillet 2016.

7.Le Comité note avec satisfaction l’adoption des mesures législatives suivantes :

a)La loi no 14-01 amendant le Code pénal pour introduire de nouvelles dispositions relatives à la lutte contre la discrimination, en février 2014 ;

b)La loi no 12-06 relative aux associations prévoyant la possibilité pour des étrangers en situation régulière de créer des associations étrangères, c’est-à-dire des associations ayant leur siège sur le territoire national mais dirigées totalement ou partiellement par des étrangers, en janvier 2012 ;

c)Le décret exécutif no 10-137 modifiant et complétant le décret no 86-61 du 25 mars 1986 fixant les conditions d’admission, d’études et de prise en charge des étudiants et stagiaires étrangers, garantissant aux étudiants étrangers boursiers les mêmes droits que les étudiants algériens, en mai 2010.

8.Le Comité note avec satisfaction l’adoption des mesures institutionnelles et politiques suivantes :

a)La création, par décret présidentiel, du Comité interministériel chargé de coordonner les activités liées à la prévention et à la lutte contre la traite des personnes, en septembre 2016 ;

b)La création, en mars 2017, du Conseil national des droits de l’homme à la suite de l’amendement constitutionnel de mars 2016 ;

c)L’adoption du programme quinquennal de développement 2010-2014 qui a favorisé le recours à la main-d’œuvre étrangère qualifiée dans différents secteurs.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 73 et 84)

Législation et application

9.Le Comité note que, selon l’article 150 de la Constitution de l’État partie, les instruments internationaux priment les lois internes. Le Comité demeure toutefois préoccupé par le fait que l’article 81 de la Constitution, qui exclut les migrants en situation irrégulière de la protection de la loi, et la législation nationale, en particulier les lois no 81‑10 du 11 juillet 1981 relative aux conditions d’emploi des travailleurs étrangers, no 08‑11 du 25 juin 2008 relative aux conditions d’entrée, de séjour et de circulation des étrangers en Algérie, no 90-11 du 21 avril 1990 relative aux relations de travail, ainsi que no 09-01 du 25 février 2009 modifiant et complétant l’ordonnance no 66-156 du 8 juin 1966, portant Code pénal, introduisant dans le Code pénal l’incrimination de la traite des personnes, n’ont pas encore été mis en conformité avec les dispositions de la Convention. Le Comité est également préoccupé par le manque d’informations concernant l’application de la Convention par les tribunaux nationaux.

10.Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour harmoniser sa Constitution et sa législation nationale avec les dispositions de la Convention. Le Comité invite également l’État partie à fournir, dans son troisième rapport périodique, des informations sur l’application de la Convention par les tribunaux nationaux.

Déclarations et réserves

11.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie a formulé une réserve au sujet de l’article 92, paragraphe 1, de la Convention, qui pourrait entraver le plein exercice des droits des migrants au titre de la Convention.

12. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour retirer sa réserve à l’article 92, paragraphe 1, de la Convention.

Articles 76 et 77

13.Le Comité note que l’État partie n’a pas encore fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications d’États parties et de particuliers concernant des violations des droits consacrés par la Convention.

14. Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

Ratification des instruments pertinents

15.Le Comité note que l’État partie a ratifié presque tous les principaux traités des droits de l’homme, ainsi que plusieurs conventions de l’OIT. Il note toutefois que l’État partie n’a pas encore ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention de 1975 sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires) (no 143) de l’OIT et la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’OIT.

16. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager, dans les meilleurs délais, de ratifier les conventions mentionnées dans le paragraphe ci-dessus.

Politique et stratégie globales

17.Le Comité prend note de l’adoption d’un certain nombre de programmes et de projets relatifs à la migration, ainsi que de la mise en œuvre du plan d’action pour la promotion de l’emploi et la lutte contre le chômage. Il est cependant préoccupé par l’absence d’une politique globale et stratégique dans le domaine des migrations.

18. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer une stratégie globale pour la migration de main-d’œuvre, conformément aux dispositions de la Convention, tenant compte des besoins particuliers de chaque sexe, qui soit appuyée par des ressources humaines, techniques et financières suffisantes, et un mécanisme de suivi pour en assurer la mise en œuvre.

Coordination

19.Le Comité note la mise en place d’un dispositif de coordination et d’échange d’informations pour une meilleure cohérence dans l’action des Directions de l’emploi de wilaya, de l’Agence nationale de l’emploi et des services de l’Inspection de wilaya du travail en matière de gestion, de suivi et de contrôle de l’emploi de la main-d’œuvre étrangère. Il regrette cependant que l’État partie ne dispose pas d’un ministère ou autre organisme chargé d’assurer la coordination de la mise en œuvre de la Convention aux niveaux national et local.

20. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager la mise en place d’un organe approprié doté d’un mandat clair et chargé d’assurer la coordination interministérielle de la mise en œuvre de la Convention aux niveaux national et local, aux fins de la mise en œuvre effective des droits protégés par la Convention. Il conviendrait notamment d’allouer à cet organisme des ressources humaines, techniques et financières suffisantes, et de fournir des services de renforcement des capacités aux ministères et aux organismes chargés des questions liées aux migrations.

Collecte de données

21.Tout en prenant note des programmes en cours pour renforcer les capacités de l’Office national des statistiques afin de lancer des enquêtes sur la migration de main-d’œuvre, le Comité est préoccupé par le manque de données statistiques, fournies par l’État partie, sur les flux migratoires à destination et en provenance de l’État partie, ainsi que sur les migrations en transit à travers celui-ci, notamment celles concernant les travailleurs migrants et les membres de leur famille en situation irrégulière, ainsi que sur d’autres questions liées aux migrations, y compris les travailleurs migrants en détention dans l’État partie et les travailleurs migrants qui sont ressortissants de l’État partie et détenus dans l’État d’emploi, ainsi que le nombre d’enfants migrants non accompagnés ou séparés de leurs parents dans l’État partie. Ces informations auraient permis au Comité d’évaluer précisément dans quelle mesure et par quels moyens les droits consacrés par la Convention sont mis en œuvre dans l’État partie.

22. Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un système national d’information sur les migrations afin de collecter des données statistiques et des informations, tant qualitatives que quantitatives, relatives aux migrations et portant sur tous les aspects de la Convention. Cette base de données centralisée devrait comprendre des renseignements détaillés sur le statut de tous les travailleurs migrants dans l’État partie, y compris ceux qui sont en transit, les émigrants et les travailleurs migrants en situation irrégulière. Le Comité recommande à l’État partie de compiler des informations et des statistiques ventilées par sexe, par âge, par nationalité et/ou par origine, par motif d’entrée et de sortie et par type de travail effectué, conformément à la cible 17.18 des objectifs de développement durable, afin d’orienter efficacement les politiques migratoires et de favoriser l’application des différentes dispositions de la Convention. Le Comité recommande également à l’État partie de coopérer avec ses représentations diplomatiques et consulaires à l’étranger afin de rassembler des données sur les migrations, notamment sur la situation des migrants en situation irrégulière et les victimes de la traite. Lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir des renseignements précis, concernant par exemple les travailleurs migrants en situation irrégulière, le Comité demande à l’État partie de lui communiquer des informations fondées sur des études ou des estimations.

Suivi indépendant

23.Le Comité note avec satisfaction que le Conseil national des droits de l’homme a été institué par voie constitutionnelle en 2016. Il prend toutefois note que le statut « B » a été attribué, en 2010, à l’ancienne Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme par le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, en raison notamment du manque de transparence dans le processus de sélection, de nomination et de révocation des membres du Conseil, de l’insuffisance des mesures prises pour garantir leur indépendance et de l’absence d’interaction avec la société civile.

24. Le Comité recommande à l’État partie de solliciter une assistance technique auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en vue de garantir que l’institution nationale est pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), notamment en ce qui concerne l’indépendance de ses membres. Le Comité recommande également à l’État partie de fournir au Conseil les moyens humains, techniques et financiers dont il a besoin pour pouvoir s’acquitter efficacement de son mandat, y compris pour apporter une protection aux travailleurs migrants et pour traiter leurs plaintes.

Formation et diffusion de la Convention

25.Le Comité note les efforts fournis par l’État partie en matière d’éducation, de formation et de sensibilisation aux droits de l’homme. Le Comité est toutefois préoccupé par le manque d’informations et de programmes de formation portant spécifiquement sur la Convention et les droits qui y sont consacrés, et par la diffusion insuffisante de telles informations auprès des parties prenantes, notamment les autorités nationales et locales, le personnel chargé de l’application des lois, les juges, les procureurs, les agents consulaires concernés, les travailleurs sociaux, ainsi que les organisations de la société civile, les universités, les médias, les travailleurs migrants eux-mêmes et les membres de leur famille.

26.Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer des programmes d’éducation et de formation portant sur la Convention et de veiller à ce que cette formation soit dispensée à tous les agents publics et aux autres personnes qui travaillent dans des domaines liés aux migrations, y compris au niveau local. Il lui recommande également de veiller à ce que les travailleurs migrants aient accès à l’information sur les droits que leur reconnaît la Convention, et de collaborer avec les universités, les organisations de la société civile et les médias pour diffuser des informations sur la Convention et pour promouvoir son application.

Participation de la société civile

27.Le Comité est préoccupé par le fait que :

a)La société civile dans l’État partie ne se sent pas suffisamment impliquée dans la mise en œuvre de la Convention, ou consultée à cet égard ;

b)Des responsables d’organisations intervenant dans la défense des droits des migrants auraient été victimes de mesures d’intimidation et d’arrestations, et de détentions et de licenciements arbitraires.

28. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’envisager des mesures plus volontaristes pour faire participer systématiquement la société civile et les organisations non gouvernementales à la mise en œuvre de la Convention, y compris dans les pays où sont employés des travailleurs migrants algériens, et à la négociation et à la surveillance des accords bilatéraux ;

b) De s’abstenir de toutes représailles contre les défenseurs des droits des migrants et de garantir que toute sanction prise contre des personnes exerçant pacifiquement leur droit à la liberté d’expression et d’association est immédiatement levée et que ces personnes sont dédommagées et réhabilitées ;

c) De reconnaître publiquement et explicitement le rôle fondamental joué par la société civile et les défenseurs des droits de l’homme pour renforcer la démocratie et l’état de droit en Algérie, ainsi que l’importance de leur engagement auprès des institutions publiques à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier auprès du Gouvernement, des ministères, du Parlement et du système judiciaire.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Principe de non-discrimination

29.Le Comité note que le cadre constitutionnel et législatif de l’État partie contient des dispositions contre la discrimination, notamment dans les domaines de l’emploi, de la santé et de l’éducation. Le Comité regrette toutefois que :

a)La législation nationale en matière d’emploi et de conditions de travail ne couvre pas tous les motifs de discrimination interdits énumérés dans la Convention (voir l’article premier, paragraphe 1, et l’article 7 de la Convention) ;

b)Selon les informations reçues, les travailleurs migrants, en particulier subsahariens, fassent fréquemment l’objet de discrimination en ce qui concerne l’accès et les conditions d’emploi et de travail par rapport aux citoyens algériens ;

c)Les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière dans le secteur informel et en transit, ainsi que ceux des travailleurs migrants algériens qui travaillent à l’étranger et des membres de leur famille ne soient pas suffisamment respectés ;

d)Les travailleurs migrants d’origine subsaharienne soient victimes de discrimination raciale et souffrent de représentations racistes dans les discours prononcés par certaines personnes publiques et dans certains médias, y compris sur les réseaux sociaux.

30. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment en modifiant sa législation, pour :

a) Garantir que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui se trouvent sur son territoire ou sous sa juridiction, qu’ils soient pourvus ou non de documents, jouissent sans discrimination des droits consacrés par la Convention, conformément à son article premier, paragraphe 1, et à son article 7 ;

b) Prévenir la discrimination raciale contre les travailleurs migrants, en particulier subsahariens, en matière d’emploi, notamment en renforçant les inspections de leurs conditions de travail et en engageant des poursuites contre les employeurs pour exploitation économique ;

c) Veiller à ce que tous les travailleurs migrants en situation irrégulière, dans le secteur informel et en transit, bénéficient de l’égalité de traitement avec les nationaux ;

d) Lutter contre la discrimination et la stigmatisation sociale et raciale envers les travailleurs migrants, particulièrement les migrants subsahariens, et prendre des mesures efficaces afin que tout propos ou tout acte de violence à caractère raciste ou l’incitation à commettre de tels actes soit enregistré, fasse l’objet d’enquêtes et de poursuites, et veiller à ce que les responsables soient sanctionnés et les victimes indemnisées ;

e) Adopter une loi contre le racisme et contre toute discrimination raciale, et mener des campagnes de sensibilisation et d’éducation à ce sujet.

Accès à un recours effectif

31.Le Comité note qu’il existe, selon l’État partie, plusieurs voies de recours ouvertes aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille face à un abus de pouvoir ou à une violation de leurs droits. Il est toutefois préoccupé par l’insuffisance des informations fournies sur le nombre d’affaires et/ou de procédures engagées par des travailleurs migrants ou des membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière, pour violations de leurs droits reconnus par la Convention. Il est également préoccupé par des informations selon lesquelles les travailleurs migrants et les membres de leur famille, surtout ceux en situation irrégulière, font face à de nombreux obstacles lorsqu’ils souhaitent exercer un recours utile, parmi lesquels le refus explicite des autorités d’enregistrer leur plainte, la crainte de se faire arrêter en se déplaçant au commissariat, ou encore l’impossibilité de déposer plainte en raison de procédures expéditives d’arrestation, de détention ou d’expulsion.

32. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre les mesures nécessaires pour lever tous les obstacles auxquels font face les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière, lorsqu’ils souhaitent exercer un recours utile, et de veiller à ce que ceux-ci aient, en droit comme en pratique, les mêmes possibilités que les ressortissants algériens d’accéder à la justice, y compris à la justice transfrontalière, et d’obtenir réparation devant les tribunaux lorsque les droits qui leur sont reconnus par la Convention ont été violés ;

b) De prendre des mesures supplémentaires pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, du contenu de leurs droits et des recours judiciaires et autres qui leur sont ouverts en cas de violation des droits qui leur sont reconnus par la Convention ;

c) De mettre en place des «  pare-feux  » entre les services d’immigration et les services publics afin de permettre aux travailleurs migrants, y compris ceux en situation irrégulière, d’accéder à la justice, aux services de police, à la santé, à l’éducation, à la sécurité sociale et au logement, sans crainte d’être arrêtés, détenus ou déportés par les autorités.

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Exploitation par le travail et autres formes de mauvais traitements

33.Le Comité prend note des efforts fournis par l’État partie concernant la prévention du travail forcé. Cependant, il est préoccupé par la continuité et la persistance de cette pratique, en particulier à l’encontre des travailleurs migrants, notamment ceux en situation irrégulière, souvent victimes de travail forcé, d’abus et d’autres formes d’exploitation telles qu’une rémunération insuffisante ou des heures de travail excessives. Le Comité relève avec préoccupation la situation des femmes migrantes en situation irrégulière qui travaillent comme employées domestiques et qui sont exposées à l’exploitation économique mais aussi sexuelle. Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les mesures prises à l’encontre des employeurs recourant au travail forcé et à d’autres formes d’exploitation.

34. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que l’Inspection du travail contrôle de manière plus régulière les conditions de travail des travailleurs migrants en situation régulière et irrégulière, en étendant l’application de la Convention au secteur informel, y compris les travailleuses et les travailleurs domestiques, et en rapportant systématiquement les cas d’abus aux autorités, conformément aux objectifs de développement durable (cible 8.8) ;

b) De veiller à ce que tous les travailleurs migrants, en particulier les travailleuses migrantes employées comme domestiques, aient accès à des mécanismes efficaces pour porter plainte contre ceux qui les exploitent et violent leurs droits et soient dûment informés des procédures disponibles pour sanctionner les auteurs et permettre aux victimes d’obtenir réparation ;

c) D’intensifier ses efforts pour mettre en œuvre son dispositif juridique et pour imposer des sanctions appropriées aux employeurs qui exploitent des travailleurs migrants, en particulier les travailleuses domestiques, ou qui les soumettent au travail forcé et leur infligent des sévices.

35.Tout en notant que l’État partie a criminalisé la torture (articles 263 bis, 263 ter et 263 quater du Code pénal), le Comité est extrêmement préoccupé par les informations reçues selon lesquelles les travailleurs migrants en situation irrégulière sont victimes de violences physiques, psychologiques et sexuelles, de violences extrêmes pouvant même entraîner la mort, ainsi que de divers mauvais traitements de la part de certains services de sécurité, notamment lors d’arrestations et d’expulsions collectives, et de groupes criminels dans l’État partie. D’après ces informations, le Comité note que, parmi les victimes de ces violences, se trouvent des enfants non accompagnés et des femmes enceintes. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas donné d’informations sur les mesures prises pour redresser cette situation et pour fournir la protection nécessaire aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille.

36. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures et d’intensifier ses efforts visant à remédier d’urgence aux problèmes de mauvais traitements et autres actes de violence commis contre les travailleurs migrants et les membres de leur famille, quels que soient les auteurs de ces actes. En particulier, le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille aient accès à des mécanismes de plaintes indépendants, à des services de conseils légaux et à des interprètes, ainsi qu’à des tuteurs pour les enfants migrants non accompagnés ;

b) Veiller à ce que tout acte de torture ou traitement cruel, inhumain ou dégradant, ainsi que toute atteinte à la vie des travailleurs migrants fassent l’objet d’enquêtes et d’investigations ;

c) Veiller à ce que les auteurs de tels actes soient traduits en justice et que les victimes aient accès à des réparations adéquates ;

d) Organiser, pour les fonctionnaires de police et les agents de contrôle aux frontières, des formations sur le respect des droits de l’homme, le non-usage de la violence et plus particulièrement sur le contenu de la Convention.

Privation arbitraire de biens

37.Le Comité prend note de l’explication fournie par la délégation de l’État partie concernant la mise en place, en 2003, de commissions mixtes algéro-marocaines chargées d’examiner les cas d’expropriation de biens légitimes de travailleurs migrants algériens expulsés du Maroc en 1973 et de travailleurs migrants marocains expulsés d’Algérie en 1975, y compris leurs biens immobiliers, leurs liquidités et objets de valeur, leurs salaires, leurs fonds bloqués dans les comptes d’établissements bancaires, ainsi que leurs cotisations sociales. Le Comité est néanmoins préoccupé par le gel des négociations bilatérales qui devaient permettre d’identifier, de part et d’autre, les personnes dont les droits consacrés dans la Convention ont été violés, et de réparer les préjudices matériels et moraux subis.

38.Le Comité rappelle sa précédente recommandation à l’État partie ( CMW/C/DZA/CO/1, par. 25) et, dans l’esprit de coopération entre les deux pays conformément aux termes de la Convention, l’encourage à prendre toutes les mesures nécessaires pour relancer les négociations bilatérales avec le Maroc afin de garantir la restitution des biens confisqués à leurs propriétaires légitimes ou leurs ayants droit, ou d’assurer qu’une indemnisation juste et adéquate leur est offerte, conformément à l’article 15 de la Convention.

Régularité de la procédure, détention et égalité devant les tribunaux

39.Le Comité note que la loi no 09-02 du 25 février 2009, modifiant et complétant l’ordonnance no 71-57 du 5 août 1971, relative à l’assistance judiciaire, fait bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite « tout étranger en séjour régulier sur le territoire national et dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir ses droits en justice ». Il est cependant préoccupé par :

a)Le fait que les travailleurs migrants en situation irrégulière, y compris ceux en transit, sont exclus du champ d’application de la loi susmentionnée, hormis dans des cas exceptionnels soumis à la saisine d’un juge et d’un octroi gracieux du droit à l’assistance judiciaire ;

b)La criminalisation de la migration irrégulière prévue par la loi no 08-11 du 25 juin 2008 relative aux conditions d’entrée, de séjour et de circulation des étrangers en Algérie, ainsi que la pénalisation de toute personne quittant le territoire algérien d’une façon clandestine, conformément à la loi no 09-01 du 25 février 2009 ;

c)L’absence de donnée statistique sur les cas de placement en rétention administrative ou détention judiciaire de travailleurs migrants et des membres de leur famille pour des motifs liés à la migration irrégulière ;

d)Les conditions inadéquates de détention dans les « centres d’attente » destinés à l’hébergement provisoire des migrants en situation irrégulière en attendant leur expulsion ;

e)Les informations selon lesquelles la détention administrative des étrangers en attente d’expulsion peut se prolonger indéfiniment.

40. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’amender la loi n o  09-02 du 25 février 2009 relative à l’assistance judiciaire pour s’assurer que ce droit est garanti pour tous les travailleurs migrants, y compris ceux en situation irrégulière ;

b) D’amender la loi n o  08-11 du 25 juin 2008 relative aux conditions d’entrée, de séjour et de circulation des étrangers en Algérie et la loi n o  09-01 du 25 février 2009 afin de dépénaliser la migration irrégulière, le Comité considérant que, conformément à son observation générale n o  2 (2013) sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille, le fait d’entrer, de sortir et de séjourner dans un pays sans y être autorisé ou sans être en possession des documents nécessaires ou de demeurer dans un pays après l’expiration d’un permis de séjour ne doit pas faire l’objet d’une incrimination pénale ;

c) De faire figurer, dans son troisième rapport périodique, des informations détaillées et ventilées par âge, par sexe, par nationalité et/ou par origine sur le nombre de travailleurs migrants actuellement placés en détention pour des infractions à la législation relative à l’immigration, ainsi que sur le lieu, la durée moyenne et les conditions de leur détention ;

d) De ne procéder à la détention de travailleurs migrants pour violation de la législation relative à la migration que de façon exceptionnelle et en dernier recours ; de veiller à ce que ces travailleurs soient placés dans des établissements spéciaux et que, dans tous les cas, ils soient séparés des détenus de droit commun, que les femmes soient séparées des hommes et que les conditions de détention soient conformes aux normes internationales ; d’interdire, en droit et en pratique, la détention des enfants pour des motifs liés à l’immigration, conformément à l’observation générale n o  3 (2017) sur les principes généraux relatifs aux droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales et à l’observation générale n o  4 (2017) sur les obligations des États en matière de droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour, adoptées conjointement par le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et le Comité des droits de l’enfant ; et de veiller à ce que des mesures alternatives à la détention soient adoptées pour les enfants et leur famille ainsi que pour les enfants non accompagnés ;

e) De proscrire et d’envisager des mesures de substitution à la détention administrative des étrangers en attente d’expulsion du territoire national.

Ordonnance d’expulsion

41.Le Comité note que l’article 31 de la loi no 08-11 du 25 juin 2008 relative aux conditions d’entrée, de séjour et de circulation des étrangers en Algérie prévoit un droit de recours suspensif en cas de décision d’expulsion d’un travailleur migrant en situation irrégulière. Il note toutefois avec préoccupation :

a)Les informations reçues selon lesquelles l’État partie mène des expulsions collectives de travailleurs migrants, aussi bien en situation régulière qu’irrégulière, de réfugiés et de requérants d’asile subsahariens et des membres de leur famille vers le Niger, et que ceux-ci sont souvent abandonnés dans des zones désertiques où ils sont susceptibles d’être victimes de violences, y compris de violences sexuelles, et d’exploitation ;

b)Le fait que la législation nationale n’interdit pas expressément les expulsions collectives ;

c)Les allégations de violations des dispositions légales existantes et des garanties procédurales définies dans la Convention en cas d’expulsion, y compris l’absence de notification formelle de la décision d’expulsion, d’assistance judiciaire gratuite, de droit effectif à un recours suspensif, de contrôle de la légalité de la procédure, ainsi que le refus de permettre aux personnes concernées de bénéficier d’une assistance consulaire ;

d)L’absence d’information sur le respect du droit d’asile et du principe de non-refoulement dans le cadre des procédures d’expulsion ;

e)Le manque d’informations et de données statistiques sur les travailleurs migrants et les membres de leur famille expulsés d’Algérie, et sur le nombre de recours administratifs effectués par les migrants, ainsi que des informations sur les jugements rendus à cet égard.

42. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’amender sa législation régissant les procédures d’expulsion/de renvoi afin d’interdire expressément les expulsions collectives et de veiller à ce qu’elle soit conforme aux dispositions de la Convention, en prenant en compte l’observation générale n o  2 (2013) du Comité sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille qui énonce, notamment, que les intéressés ont le droit de faire valoir les raisons pour lesquelles ils ne devraient pas être expulsés, de faire examiner leur cas par une autorité compétente et de demander, en attendant cet examen, la suspension de la décision d’expulsion ;

b) De garantir l’application effective des procédures d’expulsion prévues par la loi n o  08-11, ainsi que le respect des garanties procédurales définies dans la Convention en cas d’expulsion ;

c) De créer des mécanismes de surveillance qui garantissent que les expulsions des travailleurs migrants sont faites dans le strict respect des normes internationales et de garantir une coordination effective avec l’État d’origine ou accueillant les travailleurs migrants expulsés ;

d) De respecter le droit de demander et de recevoir l’asile ainsi que le principe de non ‑refoulement, et, à cette fin, de s’abstenir de repousser des migrants à ses frontières ou de les renvoyer de force lorsque cela exposerait ces derniers au risque d’être persécutés ou soumis à la torture, ou à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

e) De fournir des données actualisées, ventilées par sexe, par âge, par nationalité et/ou par origine, sur les travailleurs migrants et les membres de leur famille expulsés d’Algérie depuis 2010 et le nombre de recours administratifs effectués par les migrants, ainsi que des informations sur les jugements rendus à cet égard.

Assistance consulaire

43.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour assurer aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille l’accès à certains services diplomatiques ou consulaires. Il est néanmoins préoccupé par le manque d’informations sur l’assistance fournie par l’État partie aux travailleurs migrants algériens et aux membres de leur famille établis à l’étranger, y compris à ceux en situation irrégulière souvent victimes d’abus, privés de liberté et/ou qui font l’objet de mesures d’expulsion. Il regrette également le manque d’information concernant les visites effectuées par les autorités diplomatiques ou consulaires dans les lieux de détention des pays d’accueil afin de s’enquérir de l’état des prisonniers algériens, ainsi que concernant les mesures prises pour informer le personnel diplomatique ou consulaire des États d’origine de la situation des travailleurs migrants détenus en Algérie.

44. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faciliter l’accès des travailleurs migrants algériens et des membres de leur famille vivant à l’étranger à l’assistance consulaire ou diplomatique de l’État partie, notamment en cas de détention ou d’expulsion ;

b) De veiller à ce que ses services diplomatiques ou consulaires s’acquittent efficacement de leur mission de protection et de promotion des droits des travailleurs migrants algériens et des membres de leur famille, et, en particulier, qu’ils apportent l’assistance requise à ceux qui sont privés de liberté ou visés par une décision d’expulsion ;

c) De prendre les mesures nécessaires afin que les autorités consulaires ou diplomatiques des États d’origine ou d’un État représentant les intérêts de ces États soient systématiquement informées de la mise en détention dans l’État partie de l’un de leurs ressortissants, conformément au paragraphe 1 b) de l’article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires (1963).

Soins médicaux

45.Le Comité note les progrès réalisés en matière d’accès aux soins médicaux d’urgence pour les travailleurs migrants, y compris la prise en charge des maladies infectieuses et des accouchements. Il note également les instructions données par le Président de la République pour que tous les hôpitaux prennent en charge les soins des migrants subsahariens. Le Comité déplore cependant les informations indiquant que la plupart des travailleurs migrants, surtout ceux en situation irrégulière, rencontrent des difficultés de prise en charge ou de traitement en cas d’urgence et que la plupart d’entre eux ont peur d’être arrêtés par les autorités s’ils demandent de l’aide médicale. Le Comité regrette également que les travailleurs migrants, surtout ceux en situation irrégulière, aient souvent des conditions de vie précaires, sans accès aux services sanitaires de base.

46. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre les mesures nécessaires pour garantir que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille − quel que soit leur statut migratoire − puissent jouir, en droit et en pratique, de l’accès aux soins médicaux d’urgence nécessaires et aux services sanitaires de base afin de préserver leur vie ou d’éviter un dommage irréparable à leur santé, sur la base de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État partie, conformément à l’article 28 de la Convention ;

b) De mener des campagnes de sensibilisation auprès des praticiens de la santé sur les droits des travailleurs migrants.

Éducation

47.Le Comité note les efforts de l’État partie pour assurer la scolarisation dans les établissements publics des enfants de travailleurs migrants en situation irrégulière. Le Comité note toutefois avec préoccupation que les enfants des travailleurs migrants font face, dans la pratique, à des difficultés pour accéder à l’éducation du fait des conditions requises, comme la présentation d’un acte de naissance et du certificat de résidence comme condition préalable à l’inscription.

48. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes et efficaces, telles que l’élaboration de programmes spécifiques, pour garantir l’accès au système éducatif et la possibilité d’y rester, en particulier pour les enfants de travailleurs migrants en situation irrégulière, conformément aux dispositions de l’article 30 de la Convention.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Programmes de préparation au départ et droit d’être informé

49.Le Comité note les mesures prises par l’État partie pour informer les travailleurs migrants sur les droits qui leur sont conférés par la Convention, ainsi que sur les conditions d’admission, de séjour et d’établissement en Algérie. Il note également la mise en place d’un Conseil consultatif de la communauté nationale à l’étranger. Il est cependant préoccupé par l’insuffisance des mesures d’information comparables destinées au grand nombre de candidats à l’émigration, se dirigeant surtout vers les pays européens, et aux travailleurs migrants en transit et aux membres de leur famille.

50. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures qui s’imposent pour diffuser des informations sur les droits reconnus aux travailleurs migrants, y compris ceux en transit, au titre de la Convention, sur les lois relatives au permis de séjour dans l’État partie, sur les conditions de leur admission et de leur emploi, et sur leurs droits et obligations en vertu de la législation et des usages des États d’emploi , ainsi que sur les dangers de la migration irrégulière . Le Comité recommande également à l’État partie de mettre en place des programmes ciblés de préparation au départ et de sensibilisation, notamment en consultation avec les organisations non gouvernementales intéressées, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, et des agences de recrutement reconnues et fiables.

Droit de créer des syndicats

51.Le Comité demeure préoccupé par le fait que la loi n° 90-14 du 2 juin 1990 relative aux modalités d’exercice du droit syndical n’est pas conforme à l’article 40 de la Convention en ce qu’elle dénie aux travailleurs migrants le droit de créer des syndicats. Il constate également avec préoccupation que, dans la pratique, aucun cas de participation de travailleurs migrants à des activités syndicales n’a été relevé en Algérie.

52. Le Comité réitère sa précédente recommandation à l’État partie (CMW/C/DZA/CO/1, par. 29) d’amender la loi n o 90-14 pour garantir aux travailleurs migrants en situation régulière le droit de créer des syndicats, conformément à l’article 40 de la Convention et à la Convention de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (n o  87) de l’OIT, ratifiée par l’État partie.

Accès au logement

53.Le Comité demeure préoccupé par le fait que les décrets exécutifs no 93-84 du 23 mars 1993 et no 89-35 du 21 mars 1989 interdisent l’accès des travailleurs migrants aux logements sociaux, ceux-ci étant réservés aux Algériens.

54. Le Comité réitère sa précédente recommandation à l’État partie (CMW/C/DZA/CO/1, par. 31) de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les travailleurs migrants en situation régulière bénéficient de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État d’emploi en ce qui concerne l’accès au logement, y compris aux programmes de logements sociaux, conformément au paragraphe 1 d) de l’article 43 de la Convention.

Droit de transférer ses gains et ses économies

55.Le Comité note le volume important des fonds rapatriés dans l’État partie par les travailleurs migrants vivant à l’étranger et de l’aide considérable que ces fonds représentent pour le développement de l’État partie. Il regrette cependant l’absence d’information précise sur les partenariats avec des institutions financières destinés à faciliter le transfert des revenus du travail et de l’épargne des travailleurs migrants algériens à l’étranger et des travailleurs migrants vivant dans l’État partie.

56. Le Comité encourage l’État partie :

a) À communiquer des informations sur les partenariats mis en place avec des institutions financières pour faciliter l’envoi de fonds, par les travailleurs migrants algériens vivant à l’étranger, vers l’État partie, et par les travailleurs migrants dans l’État partie vers leur pays d’origine ;

b) À prendre les mesures nécessaires pour réduire le coût de l’envoi et de la réception des fonds, notamment par l’application de taux préférentiels, conformément à l’objectif de développement durable (cible 10. c ) ;

c) À rendre l’épargne plus accessible pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille ;

d) À poursuivre ses efforts pour aider les bénéficiaires des fonds à acquérir les capacités nécessaires pour les investir dans des activités génératrices de revenus durables.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Conditions saines, équitables et humaines concernant les migrations internationales

57.Le Comité note l’existence d’accords de coopération dans le cadre de la migration avec la France et la Tunisie, ainsi que d’accords de réadmission avec le Niger, le Mali, la Mauritanie et un certain nombre de pays européens. Il regrette cependant que l’État partie n’ait pas signé d’accords bilatéraux et multilatéraux avec d’autres États d’emploi dans lesquels vivent un grand nombre de travailleurs migrants algériens, y compris des pays européens et de la région du Golfe, afin de garantir aux travailleurs migrants algériens et aux membres de leur famille des conditions saines, équitables et humaines de migration, et pour répondre à leurs besoins sociaux, économiques et culturels.

58. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour la signature d’accords bilatéraux et multilatéraux avec les pays de destination et de transit qui favoriseraient la migration régulière, garantiraient des conditions saines, équitables et humaines pour les travailleurs migrants algériens vivant à l’étranger, prévoiraient des garanties procédurales en leur faveur et garantiraient que les travailleurs migrants algériens expulsés ne sont pas l’objet de mauvais traitements. Le Comité recommande également à l’État partie de veiller à ce que ses accords bilatéraux avec les pays accueillant des travailleurs migrants algériens contiennent des dispositions en conformité avec les articles 22 et 67 de la Convention, et que ses ressortissants dans les pays d’accueil aient la possibilité de recourir à la protection et à l’assistance, y compris l’assistance juridique et, si besoin est, des autorités consulaires, pour faire respecter leurs droits.

Traite des personnes

59.Le Comité note avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes, notamment l’adoption de la loi no 09-01 du 25 février 2009 introduisant dans le Code pénal l’incrimination de la traite des personnes et la création du Comité interministériel de lutte contre la traite des personnes. Le Comité est cependant préoccupé par :

a)L’absence d’études, d’analyses et de données ventilées qui permettraient d’évaluer l’ampleur de la traite aussi bien vers l’État partie qu’à travers et à partir de celui‑ci ;

b)Les informations reçues concernant notamment des ressortissants algériens victimes de traite et de travail forcé dans les domaines de l’agriculture, de la construction et du travail domestique dans des pays de la région, et victimes de servitude domestique dans des pays européens, aux États-Unis et au Moyen-Orient ;

c)Les informations reçues indiquant notamment la présence dans l’État partie de migrant subsahariens, y compris des femmes et des enfants, victimes d’exploitation sexuelle, de travail et de mendicité forcés, et de servitude domestique ;

d)L’insuffisance des ressources humaines, techniques et financières consacrées à la prévention et à l’élimination de la traite des êtres humains ;

e)L’insuffisance des efforts pour identifier les victimes de traite et d’exploitation ;

f)La faible application des dispositions du Code pénal relatives à la lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées, et la formation insuffisante des agents chargés de sa mise en œuvre ;

g)Le fait que les victimes de la traite, y compris les enfants, continuent à être considérées comme des migrants en situation irrégulière et risquent d’être emprisonnées en raison des activités illégales, comme la prostitution, auxquelles elles se livrent parce qu’elles sont victimes de la traite ;

h)Les informations selon lesquelles certains trafiquants bénéficieraient de complicités au sein de la police algérienne ;

i)L’absence de foyer d’accueil pour les victimes de la traite et l’interdiction pour la société civile d’en ouvrir sous peine de sanctions pénales pour hébergement de migrants en situation irrégulière ;

j)L’assistance médicale et psychologique insuffisante accordée aux enfants migrants en vue du rétablissement et de la réinsertion sociale de ces derniers.

60. Conformément aux Principes et directives concernant les droits de l’homme et la traite des êtres humains du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour combattre la traite des personnes, en particulier :

a) De collecter systématiquement des données ventilées par sexe, par âge et par origine en vue de mieux combattre le trafic et la traite des personnes ;

b) D’adopter une stratégie et un plan d’action national de lutte contre la traite des personnes ;

c) D’intensifier les campagnes de prévention du trafic et de la traite de travailleurs migrants, et de prendre des mesures appropriées contre la diffusion d’informations trompeuses concernant l’émigration et l’immigration ;

d) De renforcer la formation sur la lutte contre le trafic et la traite d’êtres humains des policiers et autres membres des forces de l’ordre, des gardes-frontières, des juges, des procureurs, des inspecteurs du travail, des enseignants, ainsi que du personnel des services de santé et des ambassades et des consulats de l’État partie ;

e) D’enquêter de manière rapide, efficace et impartiale sur tous les actes de traite de personnes, de trafic d’êtres humains et autres infractions connexes, de poursuivre et de punir les auteurs de ces actes et leurs complices, y compris les agents de la fonction publique, et de traiter promptement toutes les plaintes déposées contre des trafiquants et des passeurs ;

f) De consacrer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes au Comité interministériel de lutte contre la traite des personnes pour la mise en œuvre effective des lois et stratégies visant à prévenir et à éliminer la traite des êtres humains ;

g) De redoubler d’efforts pour repérer les victimes et de fournir protection et assistance à toutes les victimes de la traite, en particulier en fournissant à celles-ci un hébergement, des soins médicaux et un appui psychosocial, et en prenant d’autres mesures pour faciliter leur réinsertion sociale, et de veiller à ce qu’elles ne soient pas punies pour les infractions résultant directement de leur situation de victime de la traite qu’elles peuvent commettre ;

h) De renforcer sa coopération internationale, régionale et bilatérale afin de prévenir et de combattre le trafic et la traite des personnes, et de prévoir dans ces accords le respect des droits prévus par la Convention.

6.Diffusion et suivi diffusion

Suivi des observations finales

Diffusion

61. Le Comité demande également à l’État partie de diffuser largement la Convention et les présentes observations finales, notamment auprès des organismes publics, de l’appareil judiciaire, des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile, de manière à sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, ainsi que la société civile et le public en général, à la Convention.

62. Le Comité demande à l’État partie d’inclure, dans son troisième rapport périodique, des informations détaillées sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il lui recommande de prendre toutes les mesures appropriées pour que lesdites recommandations soient mises en œuvre, notamment en les soumettant aux membres du Gouvernement et du Parlement, ainsi qu’aux autorités locales pour examen et suite à donner.

63. Le Comité prie l’État partie d’associer les organisations de la société civile à la mise en œuvre des recommandations figurant dans les présentes observations finales.

7.Assistance technique

64. Le Comité recommande à l’État partie de faire appel à l’assistance internationale, notamment l’assistance technique, pour élaborer un programme global visant à mettre en œuvre les recommandations susmentionnées et la Convention dans son ensemble. Il l’engage également à poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies, y compris en demandant au Haut-Commissariat aux droits de l’homme une assistance technique et un renforcement des capacités en ce qui concerne l’élaboration des rapports.

8.Prochain rapport périodique

65. Le Comité invite l’État partie à lui soumettre son troisième rapport périodique d’ici au 1 er mai 2023 et à y faire figurer des informations concernant la mise en œuvre des présentes observations finales. L’État partie peut, par ailleurs, opter pour la procédure simplifiée de soumission de rapports, selon laquelle le Comité établit à l’intention de l’État partie une liste de points qui lui est communiquée avant la présentation de son prochain rapport. Les réponses de l’État partie à cette liste constituent son rapport aux fins de l’article 73 de la Convention.

66. Le Comité attire l’attention de l’État partie sur les directives pour l’établissement des rapports périodiques que les États parties doivent présenter conformément à l’article 73 de la Convention (CMW/C/2008/1) et lui rappelle que ceux-ci ne devraient pas excéder 21 200 mots, conformément aux dispositions de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale. Dans l’éventualité où un rapport dépasserait le nombre de mots prévus, l’État partie serait invité à le réduire conformément aux directives susmentionnées. Si l’État partie n’est pas en mesure de revoir son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de celui-ci aux fins de son examen par les organes conventionnels ne saurait être garantie.

67. Le Comité prie l’État partie d’assurer une large participation de tous les ministères et des organes publics à l’élaboration du troisième rapport périodique (ou des réponses à la liste de points, dans le cas de la procédure simplifiée d’établissement des rapports), et, parallèlement, de consulter largement toutes les parties prenantes concernées, notamment la société civile, les organisations de défense des droits des travailleurs migrants et celles de défense des droits de l’homme.