NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/KAZ/CO/212 décembre 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTUREQuarante et unième sessionGenève, 3‑21 novembre 2008

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L ’ ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité contre la torture

KAZAKHSTAN

1.Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique du Kazakhstan (CAT/C/KAZ/2) à ses 842e et 845e séances (CAT/C/SR.842 et CAT/C/SR.845), les 6 et 7 novembre 2008, et a adopté à sa 858e séance (CAT/C/SR.858), le 18 novembre 2008, les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du deuxième rapport périodique du Kazakhstan, ainsi que ses réponses écrites à la liste des points à traiter (CAT/C/KZA/Q/2/Add.1). Il se félicite également du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie.

B. Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a:

a)Ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture;

b)Fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention contre la torture, afin de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par des États ou par des particuliers;

c)Ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en 2006, et signé le premier Protocole facultatif s’y rapportant, en 2007;

d)Ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en janvier 2006;

e)Ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2008.

4.Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures législatives prises par l’État partie depuis l’examen du rapport précédent, notamment:

a)Adoption des articles 347-1 et 107 du Code pénal, qui incluent certains des éléments de la définition de la torture et des traitements cruels et érigent ces actes en infraction pénale précise;

b)Modification de l’article 116 du Code de procédure pénale, de sorte que les déclarations obtenues par la torture ne soient pas recevables à titre de preuve;

c)Modifications législatives effectuées en 2003 en vue d’incriminer la traite des personnes dans le Code pénal et de renforcer le pouvoir des autorités judiciaires pour enquêter sur les actes relevant de cette pratique et pour en poursuivre et condamner les responsables.

5.Le Comité accueille en outre avec satisfaction les mesures suivantes:

a)Création du service du Commissaire aux droits de l’homme (médiateur), en 2002;

b)Création de la Commission centrale de contrôle public, en 2004, et des commissions régionales indépendantes de contrôle public, en 2005, dont la mission est d’inspecter les établissements pénitentiaires;

c)Réforme du système de justice pénale, avec notamment la dépénalisation de certains actes et l’introduction de peines de substitution, telles que, entre autres, la mise à l’épreuve et le travail d’intérêt général, ce qui s’est traduit par une baisse de la population carcérale et une amélioration des conditions de détention;

d)Élaboration puis distribution à tous les détenus d’une brochure sur leurs droits, et information du public sur les réformes entreprises dans le système pénitentiaire;

e)Adoption d’un programme national de lutte contre la violence à l’égard des femmes dans le système de la police au niveau régional;

f)Élaboration d’un programme de formation aux normes internationales relatives aux droits de l’homme destiné à améliorer les compétences professionnelles des fonctionnaires du Ministère de l’intérieur, ainsi que leur raisonnement juridique et leurs connaissances juridiques;

g)Réduction du champ d’application de la peine de mort, extension du moratoire sur les exécutions capitales en 2004, et modification du Code pénal de façon à y introduire la réclusion à perpétuité en remplacement de la peine capitale.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

6.Le Comité accueille avec satisfaction les efforts faits par l’État partie pour modifier sa législation de façon à introduire dans le droit interne la définition de la torture qui est donnée à l’article premier de la Convention, mais il relève avec préoccupation que la définition figurant dans le nouvel article 347-1 du Code pénal ne reprend pas tous les éléments prévus par la Convention: dans cet article, l’interdiction de la torture ne vise que les actes commis par un «agent public», sans inclure ceux qui seraient commis par «toute autre personne agissant à titre officiel» ou à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique. Le Comité s’inquiète également de ce que la définition de l’article 347-1 du Code pénal exclue les souffrances physiques ou mentales causées par un agent public «agissant dans le cadre de la loi» (art. premier).

L ’ État partie devrait faire en sorte que sa définition de la torture soit totalement conforme avec l ’ article premier de la Convention, de façon que tous les agents de la fonction publique puissent être poursuivis en vertu de l ’ article 347-1 du Code pénal et  qu’une distinction soit faite entre les actes selon qu ’ ils sont commis par un agent de  la fonction publique ou par toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. L ’ État partie devrait également s ’ assurer que seules la douleur et les souffrances résultant de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionné es par elles sont exclues de la  définition.

Torture et mauvais traitements

7.Le Comité note avec préoccupation que, selon des informations concordantes, les agents de la force publique auraient fréquemment recours à la torture et aux mauvais traitements, y compris à des menaces de viol et de violences sexuelles, dans l’intention, souvent, d’obtenir des «aveux spontanés» ou des renseignements susceptibles d’être retenus comme preuves dans les procédures pénales, afin d’atteindre ainsi les objectifs qui leur sont fixés en ce qui concerne le nombre d’affaires criminelles élucidées (art. 2, 11 et 12).

L ’ État partie devrait appliquer une politique de «tolérance zéro» à l ’ égard du problème persistant de la torture et des peines ou t raitements cruels, inhumains ou  dégradants, et notamment:

a) Condamner publiquement et sans équivoque la pratique de la torture sous  toutes ses formes, en s ’ adressant en particulier à la police et au personnel pénitentiaire, et en faisant savoir clairement que toute personne qui commettra de tels actes ou qui, de quelque autre manière, participerait à des actes de torture ou à d ’ autres formes de mauvais traitements ou s ’ en rendrait complice, en sera tenue responsable devant la loi et punie d ’ une peine proportionnelle à la gravité du crime;

b) Créer un mécanisme efficace chargé de recevoir les plaintes pour violence s sexuelle s , et faire connaître son existence, notamment dans les centres de détention, et  veiller à ce que les agents de la force publique soient dûment informés que les viols et les violences sexuelles en détention sont formellement interdits, en tant que forme de torture, et veiller également à ce qu ’ ils soient formés pour recevoir des plaintes concernant des actes de ce genre;

c) Modifier le système d ’ évaluation des enquêteurs de façon que ceux-ci ne soient pas incités à obtenir des aveux, et prendre des mesures supplémentaires pour renforcer la formation des policiers dans le domaine des droits de l ’ homme.

8.Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations faisant état d’actes de torture ou d’autres mauvais traitements infligés à des personnes détenues au secret dans les centres de détention temporaire (IVS) et dans les centres de détention aux fins d’enquête (SIZO), qui dépendent du Ministère de l’intérieur ou du Comité de la sécurité nationale, en particulier dans le cadre des opérations que mène ce comité au nom de la sécurité nationale ou régionale et de la lutte contre le terrorisme. Le Comité note avec une profonde préoccupation que, selon certaines informations, le Comité de la sécurité nationale aurait eu recours à des opérations de contre-terrorisme pour viser des groupes vulnérables ou des groupes perçus comme une menace pour la sécurité nationale et régionale, tels que les demandeurs d’asile et les membres présumés ou avérés de partis islamistes ou de groupes islamiques interdits (art. 2).

L ’ État partie devrait transférer sous la tutelle du Ministère de la justice les centres de détention et d ’ enquête qui relèvent actuellement du Ministère de l ’ intérieur ou du Comité de la sécurité nationale, et garantir que les Commissions de  contrôle public aient un droit illimité d ’ effectuer dans ces établissements des visites surprises , de leur propre initiative. L ’ État partie devrait veiller en outre à ce que la lutte contre le terrorisme n ’ entraîne pas des violations de la Convention ni des injustices à l ’ égard des groupes vulnérables.

Insuffisance des garanties pendant la période initiale de la détention

9.Le Comité note avec une profonde préoccupation que, selon certaines informations, lessuspects seraient couramment torturés et maltraités pendant la période entre leur arrestation et leur enregistrement officiel en tant que détenu au poste de police, ce qui signifie qu’ils ne bénéficient pas de garanties juridiques suffisantes. Le Comité relève en particulier que:

a)Le moment exact de l’arrestation n’est pas reconnu ni consigné, pas plus que la durée de la détention préventive et de l’enquête;

b)Les détenus ont un accès limité à un avocat et à un médecin indépendant et ne sont pas informés de tous leurs droits au moment de l’arrestation;

c)La réforme législative de juillet 2008 n’a pas introduit une procédure d’habeas  corpus entièrement conforme aux normes internationales (art. 2).

L ’ État partie devrait appliquer sans tarder des mesures efficaces pour garantir que nul ne puisse être placé de facto en détention non reconnue et que, dans la pratique, tous les suspects bénéficient pendant leur détention de toutes les garanties légales fondamentales. Celles-ci incluent notamment le droit pour tout détenu, dès le début exact de la privation de liberté, de voir un avocat et un médecin indépendant, de prévenir un proche, d ’ être informé de ses droits et des accusations portées contre lui, et d ’ être déféré rapidement devant un juge. L ’ État partie devrait garantir à tout détenu la possibilité de contester efficacement et rapidement la légalité de sa détention au moyen de la procédure d ’ habeas corpus .

10.Le Comité est préoccupé par le fait que l’exercice du droit de toute personne arrêtée d’informer ses proches du lieu où elle se trouve puisse, dans les circonstances dites «exceptionnelles», être différé de soixante-douze heures à compter du début de la détention (art. 2).

L ’ État partie devrait modifier l ’ article 138 du Code de procédure pénale de sorte qu ’ il ne soit pas possible d ’ invoquer des circonstances exceptionnelles pour retarder l ’ exercice du droit d ’ un détenu d ’ informer ses proches du lieu où il se trouve.

11.Le Comité note avec préoccupation que les fonctionnaires de l’État partie enfreignent souvent, ainsi que le reconnaît le Gouvernement, les dispositions du Code de procédure pénale concernant la durée maximale de vingt-quatre heures des interrogatoires, la détention avant l’ouverture d’une procédure pénale, l’obligation de prévenir dans un délai de vingt-quatre heures la famille de tout suspect ou accusé qui est détenu, et le droit d’être assisté d’un avocat. Le Comité s’inquiète également de ce que la plupart des règlements et instructions du Ministère de l’intérieur, du Bureau du Procureur et en particulier du Comité de la sécurité nationale soient réservés à la «diffusion interne» et ne sont donc pas des documents publics. En vertu de ces règlements, de nombreuses questions sont laissées à la discrétion des fonctionnaires, ce qui se traduirait dans la pratique par des restrictions au droit des détenus de bénéficier des garanties fondamentales (art. 2).

L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les règlements et instructions concernant la garde, la détention et l ’ interrogatoire des personnes soumises à une forme d ’ arrestation ou de détention soient rendus publics. Il devrait s ’ assurer en outre que tous les détenus puisse nt exercer leur droit de consulter un avocat et un médecin indépendant et de prévenir leur famille, de sorte qu ’ ils soient protégés efficacement contre la torture et l es mauvais traitements dès le moment de l ’ arrestation.

12.Le Comité note avec préoccupation que, selon certaines informations, les organes chargés de faire respecter la loi auraient parfois recours à des méthodes d’enquête illégales pour interroger des mineurs, notamment aux menaces, au chantage, voire aux violences physiques. Ces interrogatoires seraient souvent conduits en l’absence des parents ou d’un enseignant du mineur alors que leur présence est requise par la loi. Le Comité est également préoccupé par des informations faisant état de jeunes qui auraient été maintenus en détention préventive pendant des périodes prolongées, en étant souvent privés du droit de recevoir la visite de leur famille (art. 2 et 11).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour faire en sorte que la législation et la pratique en ce qui concerne l ’ arrestation, la détention et l ’ interrogatoire des mineurs délinquants, soient entièrement conformes aux principes adoptés au niveau international. Il devrait notamment dispenser une formation aux agents de la force publique de façon que ceux-ci soient plus compétents pour s’occuper d es jeunes, veiller à ce que la privation de liberté, y compris la détention préventive, ne soit imposée qu ’ à titre exceptionnel et pour une durée aussi courte que possible, et concevoir et appliquer des mesures de substitution à l ’emprisonnement .

13.Le Comité est préoccupé par le fait que l’article 14 du Code de procédure pénale permet qu’au stade de l’enquête préliminaire des suspects et des accusés soient placés de force dans une institution médicale en vue d’être soumis à une évaluation par des experts en psychiatrie légale. Il note aussi avec préoccupation que ces placements forcés en institution médicale sont décidés sur la base de motifs subjectifs et que la loi n’en limite pas la durée, et que le droit des intéressés d’être informés des traitements médicaux ou des interventions et de les contester n’est pas garanti (art. 2).

L ’ État partie devrait modifier le Code de procédure pénale de façon que le placement obligatoire d ’ un suspect ou d ’ un accusé da ns une institution médicale aux  fins d ’ évaluation par des experts en psychiatrie légale au stade de l ’ enquête préliminaire soit décidé par une autorité judiciaire sur la base de critères objectifs. Il devrait également veiller à ce que la durée maximale d ’ un tel placement soit fixée par la loi et que les suspects ou accusés aient le droit d ’ être informés des traitements médicaux ou des interventions et de les contester.

Non-refoulement

14.Le Comité est préoccupé par l’absence de cadre législatif réglementant l’expulsion, le refoulement, le renvoi et l’extradition. Même si le nombre d’extraditions signalées a baissé depuis 2005, il reste préoccupant que les procédures et pratiques actuelles de l’État partie en matière d’expulsion, de refoulement et d’extradition puissent avoir pour effet d’exposer les personnes concernées au risque de torture. En particulier, le Comité relève avec préoccupation que, selon certaines informations, la Convention de Minsk relative à l’entraide judiciaire, qui s’applique aux ressortissants des pays de la Communauté des États indépendants (CEI), ne protège pas contre le refoulement les personnes qui pourraient avoir de bonnes raisons de demander l’asile (art. 3 et 8).

L ’ État partie devrait adopter un cadre législatif pour réglementer l ’ expulsion, le  refoulement et l ’ extradition conformément à l ’ obligation qu i lui est faite à l ’ article  3 de la Convention. Il devrait veiller à ce que la Convention l ’ emporte sur toute autre disposition moins protectrice des accords bilatéraux ou multilatéraux en matière d’ extradition, et garantir aux demandeurs d ’ asile déboutés la possibilité d ’ exercer un recours utile. Il devrait s ’ assurer également que les obligations prévues à l ’ article 3 de la Convention sont intégralement respectées chaque fois qu ’ une personne est expulsée, refoulée , renvoyée ou extradée.

15.Le Comité note avec préoccupation que, selon des informations crédibles, certaines personnes n’auraient pas bénéficié de toute la protection prévue à l’article 3 de la Convention lorsqu’elles ont été expulsées ou renvoyées vers des pays voisins au nom de la sécurité régionale et notamment de la lutte contre le terrorisme. Il est particulièrement préoccupé par les allégations faisant état de demandeurs d’asile ouzbeks et chinois renvoyés de force, d’autant que l’on ignore ce qu’ils sont devenus à leur arrivée dans le pays d’accueil, dans quelles conditions ils vivent et quel traitement ils ont reçu (art. 3).

L ’ État partie devrait veiller à ce qu ’ aucune personne ne soit expulsée, renvoyée ou extradée vers un pays lorsqu ’ il existe de sérieux motifs de penser qu ’ elle risque d ’ y  être soumise à la torture, et garantir aux demandeurs d ’ asile déboutés la possibilité d ’ exercer un recours utile avec effet suspensif. Il devrait également fournir au Comité des statistiques, ventilées par pays d ’ origine, sur le nombre de demandeurs d ’ asile, en  précisant où en est leur demande, et sur le nombre de personnes ayant fait l ’ objet d ’ une procédure d ’ expulsion, de renvoi ou d ’ extradition.

16.Le Comité est préoccupé par l’existence d’un accord bilatéral entre le Kazakhstan et les États-Unis d’Amérique, en vertu duquel les ressortissants des États-Unis qui se trouvent sur le territoire kazakh ne peuvent pas être déférés à la Cour pénale internationale pour y répondre de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité (art. 9).

L ’ État partie devrait prendre les mesures voulues pour revoir les modalités de  cet accord qui l ’ empêche de transférer des ressortissants des États-Unis du Kazakhstan à la Cour pénale internationale, de façon à respecter les dispositions de la  Convention. Il devrait également envisager de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Peines appropriées

17.Le Comité s’inquiète de ce que les peines imposées aux personnes condamnées en vertu du premier alinéa de l’article 347-1 du Code pénal ne soient pas proportionnelles à la gravité du crime de torture, comme le requiert la Convention (art. 4).

L ’ État partie devrait modifier le premier alinéa de l ’ article 347-1 du Code pénal de sorte que toutes les peines sanctionnant des actes de torture soient proportionnelles à la gravité de l ’ infraction commise, conformément aux prescriptions de la Convention. Toute personne soupçonnée de torture devrait être suspendue systématiquement de ses fonctions ou affec tée à un autre poste pendant la  durée de l ’ enquête. Les  personnes reconnues coupables et ayant fait l ’ objet d ’ une sanction disciplinaire ne devraient pas être autorisées à rester en poste.

18.Le Comité est également préoccupé par le fait que, bien que la torture soit criminalisée depuis 2002 dans un article spécifique du Code pénal, il semble que les agents de la force publique qui sont poursuivis en justice continuent d’être inculpés en vertu des articles 308 ou 347 de ce code («Abus d’autorité ou de pouvoir officiel» et «Coercition exercée en vue d’obtenir des aveux», respectivement) (art. 7).

L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les actes de torture soient réprimés en vertu de l ’ article pertinent du Code pénal, et qu ’ ils ne soient pas considérés ni punis comme des infractions de gravité mineure ou modérée. Il devrait également dispenser une formation continue obligatoire à tous les juges, procureurs et avocats de sorte que les lois nouvellement adoptées ou modifiées soient dûment appliquées.

Compétence universelle

19.Le Comité est préoccupé par le fait que les juridictions de l’État partie ne soient compétentes à l’égard des actes de torture commis à l’étranger par des ressortissants kazakhs que si l’auteur présumé des actes est présent sur le territoire national ou si l’État partie où l’infraction a été commise punit celle‑ci d’une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement. Le Comité craint que cela ne se traduise par l’impunité des coupables lorsque le pays où l’infraction a été commise n’est pas partie à la Convention ou qu’il n’incrimine pas spécifiquement la torture dans sa législation ou qu’il la punit de peines inférieures à cinq ans d’emprisonnement (art. 5).

Pour éviter l ’ impunité, l ’ État partie devrait envisager d’imposer la condition de la double incrimination pour le crime de torture et appliquer le principe aut dedere aut judicare lorsque l ’ auteur présumé d ’ actes de torture commis à l ’ étranger est présent sur son territoire, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 5 de la Convention.

Formation du personnel

20.Le Comité regrette l’insuffisance des informations données par l’État partie en ce qui concerne la formation sur les dispositions de la Convention dont bénéficient les agents de la force publique, le personnel pénitentiaire et le personnel médical (art. 10).

L ’ État partie devrait fournir des informations détaillées sur la formation dispensée à l ’ ensemble des agents de la force publique et du personnel pénitentiaire, en particulier en ce qui concerne les dispositions de la Convention et l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus. Il devrait également indiquer quelle formation spéciale il assure au personnel médical appelé à s ’ occuper des détenus pour lui apprendre à détecter les traces de torture et de mauvais traitements conformément aux normes internationales, comme recommandé dans le Protocole d ’ Istanbul. En outre, l ’ État partie devrait élaborer et appliquer une méthodologie permettant d ’ évaluer l ’ efficacité de la formation et des programmes éducatifs et leur incidence sur la pratique de la torture et des mauvais traitements, et donner des renseignements sur les formations portant plus spécialement sur les spécificités de chaque sexe.

Privation de liberté et lieux de détention

21.Le Comité se félicite qu’une réforme réussie ait été réalisée dans une bonne partie du système pénitentiaire, grâce à l’adoption de nouvelles lois et réglementations et de programmes menés en étroite coopération avec les organisations internationales et nationales. Il relève en outre que cette réforme s’est traduite par une diminution du taux de détention préventive, un recours accru aux peines de substitution à l’emprisonnement, des conditions de détention plus humaines et une notable amélioration des conditions carcérales dans les établissements pour prisonniers déjà condamnés. Toutefois, le Comité demeure préoccupé par:

a)La détérioration des conditions de vie dans les prisons et la stagnation de la réforme pénitentiaire depuis 2006;

b)La persistance des informations faisant état de violences en détention;

c)Les mauvaises conditions de vie dans les centres de détention et la surpopulation persistante;

d)Le recours abusif au placement à l’isolement, y compris pendant la détention préventive, et le fait qu’aucune disposition ne réglemente la fréquence d’application de cette mesure;

e)Les cas de prisonniers qui s’automutilent en groupe, apparemment pour dénoncer les mauvais traitements;

f)L’accès limité au personnel médical indépendant dans les centres de détention préventive, et le fait que la présence de traces de torture ou de mauvais traitements n’est apparemment pas consignée et que les allégations de torture ou de mauvais traitements d’un détenu ne suffisent manifestement pas pour que celui‑ci bénéficie d’un examen médical indépendant;

g)Le nombre toujours élevé de décès en détention, en particulier en détention préventive (par exemple, celui du général Zhomart Mazhrenov, ancien membre du Comité de la sécurité nationale), dont certains auraient été précédés de torture ou de mauvais traitements (art. 11).

L ’ État partie devrait:

a) Adopter un programme similaire à celui mis en œuvre en 2004 ‑ 2006 pour continuer de développer le système pénitentiaire et le rendre entièrement conforme à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus;

b) Poursuivre la formation de spécialistes dans ce domaine et veiller à ce que tout le personnel qui est en contact avec des détenus soit familiarisé avec les normes internationales relatives à la protection des droits de l ’ homme et au traitement des détenus;

c) Réduire la surpopulation dans les lieux de détention, notamment en construisant de nouveaux centres et en appliquant des mesures de substitution à l ’ emprisonnement, conformément à la loi;

d) Limiter le recours au placement à l ’ isolement, en veillant à ce que cela reste une mesure de dernier ressort, imposée pour une durée aussi courte que possible, soumise à une stricte surveillance, et sujette à réexamen par une autorité judiciaire ;

e) Identifier les raisons qui poussent les détenus à commettre des actes désespérés tels que l ’ automutilation et prévoir des solutions adaptées;

f) Mettre en place un service médical indépendant des Ministères de l ’ intérieur et de la justice, qui soit chargé d ’ examiner les détenus lorsqu ’ ils sont arrêtés et lorsqu ’ ils sont remis en liberté, de manière systématique et à la demande des intéressés, et veiller à ce que les juges, lorsqu ’ ils traitent des affaires concernant des détenus torturés ou maltraités, tiennent compte des éléments de preuve, ordonnent des examens médicaux indépendants ou réclament des suppléments d ’ enquête;

g) Faire le nécessaire pour que tous les cas de décès en détention fassent l ’ objet d ’ une enquête efficace et impartiale dans les meilleurs délais, et pour que toute personne qui serait déclarée responsable d ’ un décès résultant d ’ acte s de torture, de mauvais traitements ou de négligence volontaire soit punie.

Surveillance indépendante des lieux de détention

22.Le Comité relève avec satisfaction la création, en 2004, de la Commission centrale de contrôle public et, en 2005, des commissions régionales indépendantes de contrôle public, qui sont habilitées à inspecter les centres de détention, mais il reste préoccupé par le fait que l’accès de ces organes aux centres de détention temporaire (IVS) n’est ni automatique ni garanti et que leur accès aux institutions médicales doit encore être examiné. En outre, il ressort de certaines informations que les membres de ces commissions n’ont pas été autorisés à faire des visites surprises dans les centres de détention, qu’ils ne peuvent pas toujours voir les détenus librement et en privé, et que certains détenus ont été maltraités après s’être entretenus avec eux (art. 2 et 11).

L ’ État partie devrait garantir que les commissions aient le droit illimité d ’ effectuer de leur propre initiative des visites surprises dans tous les lieux de détention du pays, y compris les institutions médicales, et veiller à ce que les détenus qui témoignent auprès des commissions ne subissent aucune forme de représailles. Il devrait également désigner ou créer sans tarder un mécanisme national de prévention de la torture, en prenant toutes les dispositions nécessaires pour en garantir l ’ indépendance, conformément aux dispositions du Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

23.Le Comité se félicite de la création en 2002 du poste de Commissaire aux droits de l’homme (Médiateur), dont il salue le mandat étendu et surtout la compétence pour examiner des plaintes de violations des droits de l’homme et pour inspecter les lieux de détention. Il constate cependant avec préoccupation que les capacités de ce médiateur sont considérablement limitées et qu’il manque d’indépendance du fait qu’il ne dispose pas de budget propre. Le Comité relève aussi avec inquiétude que le mandat du Commissaire aux droits de l’homme n’inclut pas le pouvoir d’examiner des mesures prises par le Bureau du Procureur (art. 2, 11 et 13).

L ’ État partie devrait faire de la fonction de c ommissaire aux droits de l ’ homme une véritable institution nationale des droits de l ’ homme, dont le fonctionnement soit régi par une loi adoptée par le Parlement, dotée de ressources humaines, financières et autres suffisantes, et conforme aux Principes de Paris.

Ouverture immédiate d ’ une enquête impartiale

24.Le Comité note avec préoccupation que l’examen préliminaire des allégations et des plaintes faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements imputés à des policiers est effectué par le Département de la sécurité intérieure, qui relève de la même chaîne de commandement que les forces de police ordinaires, et que cet examen ne constitue donc pas une enquête immédiate et impartiale. Il constate aussi avec préoccupation que le délai prolongé de l’examen préliminaire des plaintes pour torture, qui peut atteindre deux mois, risque d’empêcher la collecte en temps utile d’éléments de preuve (art. 12).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour garantir que, dans la pratique, toutes les allégations de torture ou de mauvais traitements fassent immédiatement l ’ objet d ’ une enquête impartiale et efficace, et que les responsables de ces actes soient poursuivis en justice et punis, y compris lorsqu ’ il s ’ agit d ’agents de la force publique ou d ’ autres fonctionnaires. Ces enquêtes devraient être conduites par un organisme totalement indépendant.

Indépendance de la magistrature

25.Le Comité note avec satisfaction que plusieurs modifications essentielles ont été apportées à la législation, mais il reste préoccupé par des informations d’où il ressort, comme l’a relevé le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats en 2005 (voir E/CN.4/2005/60/Add.2), que l’indépendance du pouvoir judiciaire est insuffisante depuis que le Président est seul responsable de la nomination des juges des tribunaux de région (oblast) et de district (rayon) (art. 2).

Le Comité recommand e, comme il l’avait déjà fait (A/56/44, par.  129 e)), à l ’ État partie de garantir l ’ indépendance et l ’ impartialité totales des autorités judiciaires, notamment en veillant à la séparation des pouvoirs.

26.Le Comité se félicite de la récente adoption d’une modification législative visant à transférer exclusivement aux tribunaux le pouvoir de décerner des mandats d’arrêt, mais reste préoccupé par le rôle prééminent qui est dévolu au parquet. Il réitère les préoccupations déjà exprimées dans ses conclusions et recommandations précédentes (A/56/44, par. 128 c)) concernant le manque d’indépendance et d’efficacité du Procureur, dû notamment au fait que celui‑ci est responsable à la fois d’engager les poursuites et de surveiller le bon déroulement des enquêtes, et l’absence d’enquêtes immédiates, impartiales et efficaces sur les allégations de torture et de mauvais traitements (art. 2 et 12).

L ’ État partie devrait considérer comme une priorité la réforme du p arquet et poursuivre ses efforts dans ce sens, et en particulier modifier le paragraphe 2 de l ’ article 16 de la Constitution, le Code pénal et le Code de procédure pénale de façon à réduire le rôle prééminent joué par le P rocureur tout au long de la procédure judiciaire et à établir un juste équilibre entr e les fonctions respectives du p rocureur, de l ’ avocat de la défense et du juge. L ’ État partie devrait mettre en place des mécanismes de surveillance efficaces et indépendants afin de garantir que des enquêtes impartiales et efficaces sont ouvertes immédiatement sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements qui sont signalées, et que les responsables de ces actes sont poursuivis en justice et punis.

27.Le Comité note avec préoccupation que, d’après le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, les avocats de la défense n’ont pas une formation en droit suffisante et que leurs pouvoirs pour la collecte des éléments de preuve sont très limités, ce qui réduit d’autant leur capacité à contrebalancer les pouvoirs du Procureur et à influer sur la procédure judiciaire. Le Comité relève aussi avec préoccupation que, selon certaines informations, la procédure de désignation des avocats manquerait de transparence et d’indépendance (art.9 2 et 7).

Le Comité réitère sa recommandation précédente (A/56/44, par. 129  f)) et demande à  l ’ État partie de prendre des mesures pour permettre aux avocats de la défense de réunir des éléments de preuve et d ’ intervenir dans une affaire dès le tout début de la détention. L ’ État partie devrait également garantir l ’ indépendance et la qualité de l ’ aide juridique gratuite , et continuer d ’ améliorer le niveau de la formation en droit et introduire une formation continue à l ’ intention des avocats afin d ’ élever leur niveau de professionnalisme.

Réparation et réadaptation

28.Le Comité se félicite que les victimes de torture aient la possibilité d’être indemnisées, comme la délégation l’en a informé, mais il reste préoccupé par l’absence d’exemples de particuliers qui auraient ainsi obtenu réparation, y compris sous forme de soins médicaux ou de réadaptation psychosociale.

L ’ État partie devrait garantir une indemnisation, une réparation et une réadaptation aux victimes, et notamment leur donner les moyens nécessaires à une réadaptation aussi complète que possible, et veiller à ce que cette aide leur soit effectivement fournie dans la pratique.

Éléments de preuve obtenus par la torture

29.Le Comité note avec satisfaction que les juges rejettent les éléments de preuve obtenus par la torture dans les procédures judiciaires, comme la délégation lui en a donné l’assurance, mais il constate avec une profonde préoccupation que, selon certaines informations, il arrive souvent que les juges ignorent les plaintes pour torture ou mauvais traitements, n’ordonnent pas d’examens médicaux indépendants, et poursuivent la procédure, ce qui signifie que le principe de l’irrecevabilité des preuves ainsi obtenues n’est pas toujours respecté (art. 15).

Ainsi que le Comité le lui a déjà recommandé ant érieurement (A/56/44, par. 129  d)), l ’ État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour que, dans la pratique, les éléments obtenus par la torture ne puissent jamais être invoqués comme preuve s dans aucune procédure. Il devrait réexaminer les condamnations qui ont été fondées sur des aveux susceptibles d ’ avoir été obtenus par la torture ou des mauvais traitements, garantir une réparation appropriée aux victimes et déférer les responsables à la justice.

Violence contre les femmes

30.Le Comité est préoccupé par l’ampleur de la violence contre les femmes au Kazakhstan, en particulier la violence familiale. Il note qu’un projet de loi sur la question est en cours d’élaboration, mais s’inquiète de ce que l’adoption de ce texte ait été retardée. Il constate également qu’il n’y a pas d’informations sur les poursuites engagées à la suite de cas de violence contre les femmes (art. 2, 7 et 16).

L ’ État partie devrait assurer la protection des femmes en adoptant sans délai le projet de loi sur la violence familiale ainsi que des mesures permettant de prévenir cette forme de violence dans la pratique. Il devrait coopérer avec les organisations non gouvernementales qui gèrent des centres d ’ accueil pour femmes battues et faire en sorte que les victimes soient protégées et aient accès à des soins médicaux, à des services sociaux et juridiques, et à un hébergement provisoire. Les auteurs de violences devraient en outre être punis à la mesure de la gravité des actes de torture ou des mauvais traitements infligés.

Traite des personnes

31.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives qui ont été prises pour lutter contre la traite des personnes, ainsi que l’adoption d’un plan d’action national sur la traite pour la période 2006‑2008, mais il reste préoccupé par l’ampleur de ce phénomène dans l’État partie (art. 2, 7, 12 et 16).

Comme le lui a recommandé le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes en 2007 (CEDAW/C/KAZ/CO/2, par. 18), l ’ État partie devrait veiller à ce que la législation réprimant la traite soit intégralement appliquée et que le Plan d ’ action national soit entièrement mis en œuvre. Il devrait également poursuivre ses efforts pour mettre en examen, poursuivre, juger et punir toute personne qui se livre à la traite, y compris les fonctionnaires qui se rendent complices de cette pratique.

Collecte de données

32.Le Comité note qu’un certain nombre de statistiques lui ont été fournies, mais regrette l’absence de données complètes et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations concernant des cas de torture ou de mauvais traitements imputés à des agents de la force publique, ainsi que sur l’ampleur de la traite des personnes et des violences sexuelles et sur le nombre de personnes poursuivies en justice pour des infractions de ce genre. Il constate qu’il n’a pas reçu non plus des informations suffisantes sur la formation dispensée aux agents de la force publique au sujet de la Convention.

L ’ État partie devrait donner, dans son prochain rapport périodique, des statistiques détaillées, ventilées par sexe, origine ethnique ou nationalité, âge, région géographique, et catégorie et emplacement du lieu de détention, sur les plaintes pour torture et autres formes de mauvais traitements, y compris celles qui ont été rejetées par les tribunaux, ainsi que sur les enquêtes conduites à ce sujet, les poursuites engagées, les sanctions disciplinaires ou pénales imposées, et la réparation et la réadaptation dont ont bénéficié les victimes. Il devrait également donner des précisions sur l’ampleur de la traite et des violences sexuelles, ainsi que sur la formation dispensée à tous les agents de l ’ État au sujet de la Convention .

33.L’État partie est encouragé à envisager de devenir partie aux principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Il est également encouragé à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

34.Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base commun conformément aux prescriptions énoncées en la matière dans les directives harmonisées pour l’établissement de rapports approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, qui sont contenues dans le document HRI/GEN/2/Rev.5.

35.L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il soumet au Comité ainsi que ses réponses à la liste des points à traiter et les observations finales du Comité, dans toutes les langues voulues, sur les sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales.

36.Le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées ci‑dessus aux paragraphes 7, 9, 18 et 29.

37.L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le troisième, d’ici au 21 novembre 2012.

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