Nations Unies

CAT/C/58/D/600/2014

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

13 septembre 2016

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité en vertu de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 600/2014*,**

Communication p résentée par :

K. V.

Au nom de :

Le requérant

État partie :

Australie

Date de la requête :

25 avril 2014 (date de la communication initiale)

Date de la présente décision :

11 août 2016

Objet :

Expulsion vers Sri Lanka

Questions de fond :

Risque de torture en cas de renvoi dans le pays d’origine ; non-refoulement

Questions de procédure :

Griefs non étayés

Article de la Convention :

3

1.1Le requérant est K. V., de nationalité sri-lankaise, né en 1992. Il affirme que son expulsion vers Sri Lanka constituerait une violation par l’Australie des droits qu’il tient de l’article 3 de la Convention. Le requérant n’est pas représenté par un conseil.

1.2Le 8 mai 2014, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie, conformément au paragraphe 1 de l’article 114 de son règlement intérieur, de ne pas renvoyer le requérant à Sri Lanka tant que sa requête serait à l’examen. Le 13 juin 2016, le Comité, agissant par l’intermédiaire du même Rapporteur, a décidé de ne pas accéder à la demande de l’État partie de lever les mesures provisoires.

Exposé des faits

2.1Le requérant est un Tamoul de confession hindoue. Il est né dans le village de Kaluwanchikudy (district de Batticaloa, province de l’Est, Sri Lanka) et y a vécu jusqu’en 2007, année où sa famille et lui-même ont été déplacés en raison de la guerre civile que connaissait Sri Lanka. La famille s’est réfugiée à Kaluthavalai, un village situé à environ 25 kilomètres de la ville de Batticaloa, et y est restée pendant quatre mois environ. Elle est ensuite retournée dans son village d’origine, où le requérant est resté jusqu’à son départ pour l’Australie.

2.2Le requérant affirme qu’il a fui Sri Lanka parce qu’il craignait pour sa vie après avoir été personnellement menacé à deux reprises par des soldats de l’armée sri-lankaise. Il était maçon et devait se déplacer pour son travail. Le 10 septembre 2011, il travaillait sur un chantier à environ 25 kilomètres de chez lui. À la fin de sa journée de travail, il est rentré chez lui avec ses collègues. À son arrivée, il s’est aperçu qu’il avait laissé son téléphone et son portefeuille sur son lieu de travail. Il a décidé de retourner les chercher et est reparti à vélo. Le requérant a récupéré son téléphone et son portefeuille et, alors qu’il s’apprêtait à reprendre son vélo, il a entendu une femme hurler. Les hurlements venaient d’une maison abandonnée située à quelques mètres du chantier. Le requérant s’est précipité pour voir ce qu’il se passait. Il a regardé à l’intérieur de la maison abandonnée et a vu deux soldats et une femme dans l’une des pièces. La femme était allongée sur le sol et l’un des hommes était assis sur elle et l’étranglait. L’autre soldat regardait la scène. Les soldats portaient des tee-shirts noirs et des pantalons militaires et avaient le visage enduit de graisse noire.

2.3Le soldat qui regardait l’agression a vu le requérant et s’est approché de lui, mais le requérant s’est enfui. Le soldat l’a poursuivi en lui criant quelque chose en singhalais mais, ne parlant pas cette langue, le requérant n’a pas compris ce que disait le soldat. Le requérant a continué à courir et, au bout d’un certain temps, le soldat a cessé de le poursuivre. Lorsqu’il est arrivé chez lui, deux ou trois heures plus tard, il s’est aperçu qu’il n’avait pas son portefeuille. Il ignorait où il avait pu le perdre. Il a raconté à sa famille ce qu’il s’était passé.

2.4Le lendemain, le 11 septembre 2011, le requérant et son père se sont rendus au poste de police local pour signaler les faits dont le requérant avait été témoin. Le requérant a raconté à l’agent de police ce qui était arrivé, a indiqué où se trouvait le village dans lequel l’agression avait eu lieu et a donné une description des soldats. L’agent de police aurait répondu que le soldat qui avait poursuivi le requérant n’était peut-être qu’un « déséquilibré » et il n’a pas enregistré la déclaration du requérant.

2.5Tard dans la soirée, le 13 septembre 2011, trois soldats sont venus à la maison du requérant. L’un d’entre eux a commencé à frapper à la porte, mais les parents du requérant n’ont pas ouvert. Les soldats se sont mis à crier en singhalais, mais le requérant et sa famille ne comprenaient pas ce qu’ils disaient. Entendant les cris, les voisins se sont approchés pour voir ce qu’il se passait. Lorsque les soldats les ont vus, ils ont battu en retraite et sont partis dans une camionnette blanche. Après cet incident, le requérant a décidé de se cacher et est parti vivre chez d’autres membres de sa famille.

2.6Le 19 septembre 2011, le requérant marchait sur une route proche de son domicile quand une camionnette blanche sans plaques d’immatriculation s’est arrêtée à sa hauteur. Il a eu l’impression qu’il s’agissait de la même camionnette que celle utilisée par les soldats qui étaient venus chez lui le 13 septembre 2011. Comme il se trouvait près de la maison de sa tante, il a sauté par-dessus une clôture et s’est précipité dans le jardin de derrière. La camionnette s’est alors éloignée. Après ces faits, il a décidé de quitter Sri Lanka.

2.7Le 28 janvier 2012, le requérant a quitté son village et s’est rendu en bus à Colombo, puis à Beruwala, une ville située dans le district de Kalutara, dans la province occidentale et, le 2 février 2012, il a quitté illégalement Sri Lanka par bateau. Le 17 février 2012, il est arrivé à l’île Christmas, en Australie, sans visa valable. Le requérant a passé un entretien d’entrée le 15 mars 2012. Le 28 mai 2012, il a été interrogé par un représentant du Programme d’aide et de conseil pour le dépôt des demandes d’immigration (IAAAS) et a déposé une demande de visa de protection auprès du Département de l’immigration et de la citoyenneté d’alors. Le 1er juin 2012, il a eu un entretien pour l’obtention d’un visa de protection au Centre de détention pour immigrants de Scherger. Au cours de l’entretien, il a déclaré qu’il ne savait pas si d’autres personnes se trouvaient à proximité lorsque la femme a été agressée et qu’il ne pensait pas que quelqu’un d’autre l’ait entendue crier. Il ne savait pas ce qu’il était advenu de cette femme. Il a affirmé craindre qu’on s’en prenne à lui en raison de son origine ethnique tamoule, de son appartenance au groupe social particulier que constituent les Tamouls sri-lankais du nord ou de l’est de Sri Lanka, et de ses opinions politiques réelles ou supposées liées à sa race et au fait qu’il avait vécu autrefois dans une région à prédominance tamoule. Il a aussi souligné que sa crainte qu’on s’en prenne à lui s’était renforcée parce qu’il avait fait une demande d’asile en Australie.

2.8Le requérant croit que, s’il était renvoyé à Sri Lanka, sa vie serait menacée parce qu’il a vu un soldat étrangler une femme. Il craint que les soldats qui le recherchaient l’enlèvent et le tuent pour l’empêcher de témoigner contre eux au tribunal. Il pense qu’ils peuvent avoir trouvé son portefeuille et donc connaître toutes ses coordonnées. Le requérant indique qu’il a demandé de l’aide à la police mais qu’on ne lui a offert aucune protection. Il estime que le fonctionnaire de police n’a pas prêté attention à son récit, parce qu’il est un Tamoul « sans importance » et que la police connaissait les soldats et les couvrait. Par conséquent, il ne croit pas que l’État lui accorderait une protection s’il devait retourner maintenant à Sri Lanka.

2.9Le requérant affirme qu’après son départ de Sri Lanka, des agents du Département sri-lankais des enquêtes criminelles se sont présentés à son domicile car ils le recherchaient. Sa famille leur a dit qu’il était parti en Australie. Il ne sait pas pourquoi les agents du Département des enquêtes criminelles voulaient lui parler. Il suppose toutefois que les soldats qui le recherchaient pouvaient lui avoir imputé l’agression ou le meurtre de la femme et que le Département des enquêtes criminelles enquêtait sur son implication dans cette affaire.

2.10Le requérant mentionne également un article publié le 2 avril 2012 sur un site d’information tamoul, selon lequel le Gouvernement sri-lankais avait déclaré que toutes les personnes qui se trouvaient sur le bateau qui l’emmenait en Australie avaient combattu avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE). Il redoute que la police sri-lankaise ne l’arrête s’il revient dans le pays parce qu’en tant que jeune Tamoul il sera soupçonné d’avoir des liens avec les LTTE. Il craint aussi d’attirer l’attention de la police parce qu’il a quitté Sri Lanka de façon illégale. Le requérant ne croit pas qu’il pourrait se défendre contre ces allégations et craint par conséquent d’être gravement maltraité.

2.11Le 31 août 2012, le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté a refusé d’accorder un visa de protection au requérant au motif que ses déclarations manquaient de crédibilité et que sa crainte d’être persécuté n’était pas fondée. Le 20 décembre 2012, le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés (Tribunal) a confirmé cette décision. Le 23 janvier 2013, le requérant a déposé une demande d’examen auprès du Tribunal de circuit fédéral d’Australie, laquelle a été rejetée le 28 août 2013. Le 5 décembre 2013, la demande d’autorisation de faire appel de la décision rendue par le Tribunal de circuit fédéral d’Australie présentée par le requérant a aussi été rejetée. Le 15 décembre 2013, le requérant a demandé au Ministre de l’immigration et de la protection des frontières d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 417 de la loi sur les migrations. Le 25 février 2014 et le 16 mars 2014, respectivement, le Bureau du Ministre a refusé d’intervenir. Le requérant affirme par conséquent qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

Teneur de la plainte

3.Le requérant affirme qu’il existe des motifs sérieux de croire qu’il subirait un préjudice irréparable s’il était expulsé vers Sri Lanka. Il déclare que, du fait qu’il a signalé à la police sri-lankaise qu’une femme se faisait étrangler, les services du renseignement militaire de Sri Lanka exigent son retour. Il déclare également qu’il n’a « aucun espoir de survie à Sri Lanka » en cas de retour. Le requérant fait aussi valoir que, comme il a quitté Sri Lanka illégalement par bateau, il sera conduit à la prison de Negombo pour y être interrogé et sera soumis à la torture à son retour.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 7 novembre 2014, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la requête. Il affirme que les griefs du requérant sont manifestement dénués de fondement et par conséquent irrecevables au titre de l’article 113 b) du règlement intérieur du Comité, puisque le requérant n’a pas démontré à première vue que sa requête était recevable au regard de l’article 22 de la Convention. Toutefois, dans l’éventualité où le Comité déclarerait la communication recevable, l’État partie fait valoir que les griefs du requérant sont dépourvus de fondement. L’État partie suppose que les demandes sont en relation avec l’article 3 de la Convention, bien que le requérant n’invoque pas expressément cet article dans ses déclarations. S’agissant des faits, l’État partie affirme que, le 9 octobre 2014, le Ministère de l’immigration et de la protection des frontières a accordé au requérant un visa provisoire qui lui permet de vivre parmi la population.

4.2L’État partie rappelle, en se fondant sur la jurisprudence du Comité, que pour montrer qu’un État partie contreviendrait aux obligations de non-refoulement qui lui incombent au titre de l’article 3 de la Convention, il faut établir qu’un individu risque personnellement d’être soumis à la torture en cas de renvoi dans le pays. De surcroît, c’est au requérant qu’il appartient de prouver qu’il court personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture s’il est extradé ou expulsé, et ce risque doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons.

4.3L’État partie fait observer que les allégations du requérant ont été examinées de manière approfondie par un certain nombre d’organes de décision internes, dont le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés, et ont fait l’objet d’un contrôle juridictionnel par le Tribunal de circuit fédéral et le Tribunal fédéral d’Australie. Chacun de ces organes a examiné ces allégations de manière spécifique et conclu qu’elles n’étaient pas crédibles et que l’obligation de non-refoulement incombant à l’État partie ne s’appliquait pas en l’espèce. Les allégations du requérant ont notamment été appréciées à la lumière des dispositions relatives à la protection complémentaire figurant à l’alinéa 36 2) aa) de la loi sur les migrations, qui précisent les obligations incombant à l’État partie en matière de non-refoulement, au titre de la Convention notamment.

4.4Lorsqu’il a apprécié les allégations du requérant, le Tribunal a tenu compte des difficultés que les demandeurs d’asile rencontraient pour apporter des éléments justificatifs. Il a toutefois estimé raisonnable d’attendre d’une personne qu’elle soit en mesure de fournir des éléments de preuve élémentaires concernant son vécu. Le requérant n’a pas fourni, dans les informations qu’il a présentées au Comité, de nouvel élément de preuve crédible qui n’ait déjà été examiné dans le cadre des procédures administratives et judiciaires internes. À ce sujet, l’État partie renvoie à l’observation générale no 1 du Comité dans laquelle celui-ci indique qu’il n’est pas un organe d’appel ni un organe juridictionnel et qu’il accorde un poids considérable aux constatations de fait des organes de l’État partie. Par conséquent, l’État partie demande au Comité d’admettre qu’il a soigneusement examiné les allégations du requérant dans le cadre de ses mécanismes internes avant de conclure qu’il n’avait aucune obligation de protection envers le requérant au titre de la Convention.

4.5L’État partie rappelle que le requérant a déposé une demande de visa de protection le 28 mai 2012. On lui a accordé un visa temporaire pendant que sa demande de visa de protection était examinée par le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté. Le 31 août 2012, sa demande de visa de protection a été rejetée.

4.6Le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté a interrogé le requérant (avec l’assistance d’un interprète) et a également pris en considération d’autres données pertinentes, telles que les informations sur le pays fournies par le Ministère australien des affaires étrangères et du commerce. Le fonctionnaire qui a examiné la demande de visa de protection du requérant a évalué les copies des références jointes à sa demande. Alors que le requérant affirme être hindou, il a fourni une lettre de référence écrite par le curé de la paroisse de l’église Saint Jean de Britto à Batticaloa (Sri Lanka) datée du 15 mars 2012, dans laquelle le prêtre disait connaître le requérant « depuis quelques années ». Toutefois, le fonctionnaire a conclu que le prêtre ne semblait pas connaître personnellement le requérant, ce qui mettait en cause l’intégrité de la référence. Après avoir examiné toutes les informations disponibles, le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté ne s’est pas déclaré convaincu qu’il existait des motifs sérieux de croire que le renvoi du requérant à Sri Lanka aurait pour conséquence nécessaire et prévisible de l’exposer à un risque réel de préjudice grave.

4.7Le requérant a ensuite déposé une demande d’examen externe sur le fond auprès du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés. Ce type d’examen est généralement effectué par un organe spécialisé externe qui procède à un contrôle complet et indépendant des décisions relatives aux visas de protection. Le requérant était présent à l’audience du 7 novembre 2012 et était représenté par un agent officiel de l’immigration. Il a pu s’exprimer oralement avec l’aide d’un interprète.

4.8Après avoir examiné les éléments de preuve disponibles, le Tribunal a conclu que le requérant « ne fournissait pas d’éléments de preuve relatifs aux événements auxquels il avait réellement participé ou dont il avait pu être le témoin, mais des éléments de preuve tirés d’un texte appris, fondé sur de fausses allégations qu’il avait utilisées pour présenter et appuyer sa demande d’octroi du statut de réfugié ». Le Tribunal a estimé que les éléments de preuve indiquaient que les allégations du requérant étaient fausses, notamment pour les raisons suivantes : a) le certificat de décès fourni par le requérant concernant la femme qui aurait été tuée pendant l’agression de septembre 2011 n’était pas authentique. Le Tribunal a conclu que ses réponses aux questions sur le point de savoir comment son père avait découvert l’identité de la personne qui avait été tuée tournaient en rond et que cet élément de preuve était inventé ; b) le requérant a reconnu être resté près de quatre mois à Sri Lanka après l’agression présumée. Il avait d’abord déclaré avoir reçu deux visites pendant qu’il était à Sri Lanka, la première, lorsque trois hommes s’étaient présentés à son domicile tard le soir et la seconde, lorsque des hommes dans une camionnette blanche avaient tenté de l’enlever ; c) lorsque le Tribunal a fait observer au requérant que la période de quatre mois pendant laquelle il était resté à Sri Lanka était bien longue s’il était poursuivi par les autorités sri-lankaises, le requérant a déclaré qu’il avait reçu une troisième visite avant de partir pour l’Australie.

4.9Le Tribunal a noté que le requérant ferait l’objet de contrôles de sécurité s’il était renvoyé à Sri Lanka et pouvait être soumis à une détention de courte durée ou se voir infliger une amende pour avoir quitté Sri Lanka illégalement. Toutefois, le Tribunal n’a pas considéré qu’il existait des preuves qui permettraient de conclure que le requérant avait des problèmes justifiant qu’il fasse l’objet d’une attention ou d’un contrôle plus poussé de la part des autorités à son retour ou qu’il soit retenu encore après les contrôles de sécurité. Le Tribunal a conclu que, dans ces circonstances, les contrôles de sécurité, une détention de courte durée ou une amende pour avoir quitté illégalement Sri Lanka ne constituaient pas un préjudice important au sens du paragraphe 2 aa) de l’article 36 de la loi relative aux migrations, qui met en œuvre les obligations de l’État partie en matière de non-refoulement. En conséquence, le Tribunal a conclu qu’il n’y avait aucun motif sérieux de croire que le requérant courrait un risque réel d’être soumis à la torture s’il était renvoyé à Sri Lanka.

4.10L’État partie ajoute que, le 28 août 2013, le Tribunal de circuit fédéral n’a trouvé aucun motif qui lui aurait permis de conclure que le Tribunal aurait commis une erreur de compétence en parvenant à sa décision. Le 5 décembre 2013, la demande d’autorisation de faire appel de la décision rendue par le Tribunal de circuit fédéral d’Australie présentée par le requérant devant le Tribunal fédéral d’Australie a aussi été rejetée.

4.11Le 15 décembre 2013, le requérant a déposé une demande d’intervention ministérielle au titre des articles 48B et 417 de la loi relative aux migrations, dont il a été jugé le 25 février 2014 et le 16 mars 2014, respectivement, qu’elle ne remplissait pas les conditions fixées dans les directives correspondantes. Dans sa demande d’intervention ministérielle, le requérant présentait ses allégations antérieures. Il ajoutait que les personnes qui revenaient dans le pays et étaient supposées l’avoir quitté en violation des lois sur la migration étaient arrêtées à l’aéroport et présentées à un juge pour une demande de libération sous caution et pouvaient être placées à la prison de Negombo, parfois pour plusieurs jours, en attendant qu’une audience soit possible. Le requérant ajoutait que le Tribunal n’avait pas appliqué le bon critère concernant les peines dégradantes par rapport à l’infraction à la loi sri-lankaise sur l’immigration et l’émigration. Il affirmait qu’il n’avait pas de famille ou de parents proches à Colombo susceptibles de se porter garant pour lui, ce qui l’exposait à une détention de longue durée.

4.12L’évaluation de la demande d’intervention ministérielle a abouti à la conclusion qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que, compte tenu de l’apparente inquiétude du requérant pour sa sécurité personnelle, un membre de sa famille fasse le déplacement pour obtenir sa mise en liberté provisoire au cas où il serait présenté à un juge pour demander sa libération sous caution. En outre, le requérant avait précédemment indiqué que sa famille vivait dans la région de Batticaloa et qu’il était toujours en contact avec elle. Il a été estimé, compte tenu des informations disponibles, que le requérant ne serait pas exposé à une détention de longue durée car il semblait raisonnable de s’attendre à ce qu’un membre de sa famille se rende à Negombo pour obtenir sa mise en liberté provisoire. L’évaluation a abouti à la conclusion que les affirmations du requérant avaient pour seul objectif d’augmenter ses chances d’obtenir une protection en Australie et ne reposaient pas sur une réelle inquiétude pour sa sécurité future à Sri Lanka.

4.13Il a été procédé, tout au long des procédures internes, à un examen minutieux d’une multitude d’informations sur Sri Lanka concernant spécifiquement le retour des demandeurs d’asile déboutés. En particulier, pendant l’examen de la demande de visa de protection déposée par le requérant, les autorités disposaient notamment d’informations sur le pays émanant du Ministère des affaires étrangères et du commerce, d’organisations non gouvernementales, et du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a estimé que les demandeurs d’asile déboutés et les Tamouls n’étaient pas particulièrement inquiétés par les autorités sri-lankaises lorsqu’ils entraient sur le territoire, et qu’aucun des éléments d’information dont il disposait ne lui permettait de conclure que le requérant avait des problèmes justifiant qu’il fasse l’objet d’une attention ou d’un contrôle plus poussé de la part des autorités à son retour à Sri Lanka ou qu’il soit retenu encore après les contrôles de sécurité. Il a été estimé, à l’issue de l’évaluation de la demande d’intervention ministérielle, que, si les demandeurs d’asile déboutés étaient placés en détention à leur retour à Sri Lanka en vertu de la législation relative à la sortie illégale du territoire, ils étaient immédiatement mis en liberté sous caution par un magistrat, dès lors qu’un membre de la famille se portait garant. Le requérant avait de la famille à Sri Lanka et il était raisonnable de s’attendre à ce que celle-ci l’aide pour sa libération sous caution dans ces circonstances.

4.14Le 31 mars 2016, l’État partie a réitéré ses observations et réaffirmé qu’il n’y avait pas de motif sérieux de croire que le requérant courrait un risque réel de préjudice irréparable s’il était renvoyé à Sri Lanka, et il a donc considéré que la demande de mesures provisoires du Comité n’était pas justifiée.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Le 7 avril 2016, le requérant a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il rappelle les faits sur lesquels repose la présente requête et affirme craindre pour sa vie, puisque les soldats qui le recherchaient ont « tout fait pour le réduire au silence en tant que témoin oculaire de leur crime épouvantable ». Il affirme qu’il sera détenu et interrogé à l’aéroport et que, à ce moment-là ou à tout autre moment par la suite, il peut apparaître qu’il avait été le témoin oculaire d’un crime commis par des soldats de l’armée sri-lankaise. Il existe par conséquent un risque réel qu’il puisse même être convoqué pour témoigner dans le cadre d’une enquête sur ces faits ou d’un procès si ces soldats étaient poursuivis. Il serait alors inquiété par d’autres membres de l’armée sri-lankaise et ne pourrait pas compter sur une protection policière. En tant que jeune Tamoul originaire d’une région auparavant contrôlée par les LTTE et ayant quitté le pays illégalement, il serait accusé d’entretenir des liens étroits avec les LTTE, soit afin de le réduire au silence, soit à titre de vengeance pour avoir exposé des militaires sri-lankais par son témoignage, ou encore pour décourager d’autres personnes de venir témoigner dans le même sens.

5.2Le requérant affirme en outre que, même l’actuel Gouvernement sri-lankais n’a pas manifesté l’intention d’abroger la loi sur la prévention du terrorisme ou de libérer les prisonniers politiques tamouls détenus dans des camps depuis longtemps sans inculpation. En ce qui concerne les rapports sur la situation à Sri Lanka, il ajoute que les témoins de crimes de guerre et les personnes auxquelles on attribue un profil politique de sympathisant des LTTE courent un risque prévisible, réel et personnel d’être soumis à la torture. Ce risque est personnel et actuel en ce qui le concerne. En conséquence, l’État partie violerait les obligations qui lui incombent au titre de l’article 3 de la Convention s’il renvoyait le requérant à Sri Lanka.

5.3Le requérant reconnaît qu’il n’a pas fourni de preuves corroborant ses affirmations mis à part le certificat de décès de la femme qu’il a vu se faire assassiner. Il fait toutefois observer qu’une étude attentive des faits sur lesquels repose sa requête permettrait d’établir qu’« il s’agit d’un de ces cas dans lesquels il est malheureusement impossible de produire des éléments de preuve supplémentaires » à l’appui des allégations formulées. Il a été le seul témoin oculaire du meurtre et les autres personnes présentes sur les lieux étaient les auteurs du crime eux-mêmes. Dans les circonstances particulières de l’espèce, il n’est pas raisonnable de rejeter ses allégations au motif qu’elles ne sont pas fondées ou qu’il n’est pas en mesure de produire des preuves solides. Se référant au Guide du HCR, il affirme que les autorités australiennes devraient lui accorder le « bénéfice du doute ».

5.4Le requérant fait observer qu’il conviendrait de prendre en considération, pour évaluer son affaire et la manière dont il a répondu aux questions des fonctionnaires de l’État partie, qu’il était encore un adolescent lors de l’incident, qu’il avait vécu une expérience traumatisante en voyant une femme se faire étrangler, qu’il avait échappé à un enlèvement et entrepris illégalement un périlleux voyage en bateau. Il n’était pas habitué à vivre hors de son pays natal ni à répondre à des questions dans un état de stress extrême et de peur pour sa sécurité future. C’est pourquoi, face aux personnes qui l’interrogeaient, il a pu faire des déclarations contenant de petites incohérences.

5.5Le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté a souligné que les allégations du requérant ne concordaient pas avec les déclarations qu’il avait faites lors de son premier entretien concernant ses données personnelles. À cet égard, le requérant fait valoir que cet entretien a eu lieu dans la précipitation et qu’il a dû résumer ses allégations en tamoul en une phrase. En outre, lors du premier entretien, on ne lui a jamais donné l’occasion de détailler ses allégations. Le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté a aussi souligné que les allégations du requérant ne concordaient pas avec les déclarations qu’il avait faites lors de son premier entretien d’entrée, parce qu’il n’avait mentionné qu’un agresseur lors de l’incident. Le requérant admet n’avoir mentionné qu’un agresseur et explique que cela tient au fait que l’autre soldat ne participait pas directement à l’agression. L’entretien d’entrée s’est également déroulé de manière précipitée et aucune question supplémentaire ne lui a été posée. Il ajoute qu’il n’a pas non plus parlé de la camionnette blanche pendant son entretien d’entrée car cet élément n’était pas essentiel à sa demande et qu’il n’a pas pensé à le mentionner.

5.6Le requérant fait observer que les contradictions susmentionnées sont mineures et peuvent s’expliquer par le fait qu’il était stressé, avait besoin d’un interprète et que les premiers entretiens étaient brefs. Toutefois, ses déclarations étaient cohérentes dès qu’il ne se sentait pas bousculé.

5.7Le requérant fait valoir que le Comité ne doit pas accepter la conclusion du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés au sujet de son manque de crédibilité pour les raisons suivantes : a) on lui a posé des questions spécieuses et notamment demandé comment il était possible qu’une femme crie pendant qu’on l’étranglait, alors qu’il avait dit avoir couru vers le bâtiment lorsqu’il avait entendu une femme crier et non quand elle était en train de se faire étrangler. Il ne savait pas comment répondre sur ce point évident sans risquer d’être mal compris et considéré comme raisonneur et insolent. En répétant son récit, il essayait d’expliquer au Tribunal que la question elle-même était douteuse ; b) on lui a posé des questions dont la réponse était évidente ; on lui a par exemple demandé pour quelles raisons il avait déposé une plainte auprès de la police. Il pensait que toute personne qui avait été témoin d’un crime devait le signaler à la police, comme le prescrivait la loi, ainsi que pour sa sécurité personnelle. Il ne comprenait pas pourquoi on lui posait de telles questions et pensait qu’il était réellement interrogé sur les faits de l’affaire. Ultérieurement, le Tribunal a reformulé la question et il a répondu à la question telle que reformulée ; c) le requérant ne comprend pas comment il aurait pu être plus « spontané » en répondant à la question posée par le Tribunal sur le point de savoir s’il avait vu les trois hommes qui se seraient présentés à son domicile un soir ; d) il admet ne pas avoir répondu immédiatement à la question du Tribunal sur la raison pour laquelle ces hommes s’étaient présentés à son domicile parce qu’il ne parlait pas anglais et trouvait difficile de passer par un interprète. Toutefois, lorsque la question a été reformulée, il y a répondu sous sa nouvelle forme ; e) il admet ne pas avoir répondu à la question du Tribunal sur le point de savoir pour quelle raison des membres de l’armée sri-lankaise qui seraient impliqués dans un meurtre le pourchasseraient, alors que cela les relierait au meurtre présumé, parce qu’il ne parlait pas anglais et que l’interprétation le déroutait parfois. Malheureusement, il ne s’était pas rendu compte qu’il avait mal compris la question ; f) s’agissant de son incapacité à expliquer au Tribunal de quelle manière exactement son père avait pu apprendre que la femme avait été tuée, il affirme qu’on ne lui a pas donné le temps d’interroger son père et, à la place, il a été déclaré non crédible ; g) il fait observer que, dans les circonstances particulières de son affaire, il n’est pas raisonnable d’attendre de lui qu’il se souvienne des caractéristiques précises des soldats qui se trouvaient sur le lieu du crime ; h) il ajoute aussi qu’il n’est pas raisonnable d’attendre de lui qu’il se souvienne de l’adresse exacte du lieu du crime ou de son lieu de travail, car il savait s’y rendre grâce à sa mémoire visuelle, les noms des rues et les numéros des bâtiments étant rarement indiqués dans les zones rurales et reculées de Sri Lanka ; i) en ce qui concerne le fait que le Tribunal a estimé qu’il n’était pas plausible que le requérant soit resté quatre mois à Sri Lanka avant de partir, il fait observer que quatre mois représentent une période courte lorsqu’il s’agit de décider de quitter son pays pour toujours, qu’il voulait d’abord voir si le problème s’atténuerait de lui-même et que sa première tentative de quitter Sri Lanka plus tôt avait échoué ; et j) contrairement à ce qu’affirme l’État partie (voir le paragraphe 4.8), le requérant affirme qu’il a clairement dit au Tribunal que les autorités sri-lankaises s’étaient rendues à son domicile une troisième fois après qu’il fût déjà parti pour l’Australie. En conclusion, le requérant affirme qu’il a été injuste de la part du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés de se fonder sur de petites incohérences explicables pour mettre en doute sa crédibilité de manière générale.

5.8Le requérant affirme aussi que, conformément à la législation de l’État partie, la décision du Tribunal ne peut être contestée qu’au motif d’erreurs de compétence. Toutefois, l’incapacité des tribunaux à trouver une erreur de compétence n’a pas de rapport avec la question de savoir si son renvoi à Sri Lanka constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

5.9Enfin, le requérant affirme que l’intervention ministérielle pour motifs humanitaires revêt un caractère hautement discrétionnaire et que la question de savoir si le Tribunal n’avait pas abouti à des conclusions erronées n’avait pas été correctement examinée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la communication est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune requête sans s’être assuré que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles. Le Comité note que, dans le cas d’espèce, l’État partie n’a pas contesté l’affirmation du requérant qui indique avoir épuisé tous les recours internes disponibles. Le Comité en conclut que rien ne s’oppose à ce qu’il examine la communication conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

6.3Le Comité note que l’État partie a contesté la recevabilité de la communication au motif que les griefs du requérant sont manifestement infondés. Le Comité considère toutefois que ce motif est étroitement lié au fond de la communication et devrait donc être examiné à ce stade.

6.4Ne voyant aucun autre obstacle à la recevabilité, le Comité déclare la communication recevable en vertu de l’article 3 de la Convention et procède à son examen quant au fond.

Examen quant au fond

7.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la présente requête en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

7.2En l’espèce, le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant à Sri Lanka, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite par l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il existe des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

7.3Le Comité doit déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait personnellement d’être soumis à la torture s’il était renvoyé à Sri Lanka. Pour ce faire, il doit, en application du paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Le Comité rappelle qu’il s’agit de déterminer si l’intéressé court personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture dans le pays dans lequel il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d’établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays ; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé courrait personnellement un risque. Inversement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

7.4Le Comité rappelle son observation générale no 1 (1997) sur l’application de l’article 3 de la Convention, dans laquelle il est dit que l’existence du risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de démontrer que le risque couru est hautement probable (par. 6), mais la charge de la preuve incombe généralement au requérant, qui doit présenter des arguments défendables établissant qu’il court personnellement un risque réel et prévisible. Le Comité accorde un poids considérable aux constatations de fait des organes de l’État partie intéressés, sans toutefois être lié par de telles constatations ; il est en effet habilité, en vertu du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, à apprécier librement les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de chaque affaire.

7.5Le Comité note que le requérant affirme que son renvoi forcé à Sri Lanka constituerait une violation de l’article 3 de la Convention car il courrait le risque d’être arrêté et interrogé à son arrivée à l’aéroport. À ce moment ou ultérieurement, il pourrait apparaître qu’il a été témoin d’un crime commis par des soldats de l’armée sri-lankaise et, de ce fait, il pourrait même être convoqué pour témoigner dans le cadre d’une enquête sur ce crime ou devant un tribunal; il serait alors inquiété par d’autres membres de l’armée sri-lankaise et ne pourrait pas compter sur une protection policière. En outre, en tant que jeune Tamoul originaire d’une région auparavant contrôlée par les LTTE, qui avait quitté Sri Lanka illégalement et avait été débouté de sa demande d’asile, on lui attribuerait des liens étroits avec les LTTE. Il affirme également que, bien qu’il ait éclairci les contradictions de son récit devant les autorités de l’État partie et expliqué pour quelles raisons il ne lui était pas possible de fournir des éléments de preuve corroborant ses affirmations, mis à part le certificat de décès de la femme qu’il avait vu se faire assassiner, le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté et le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés ont mis en cause sa crédibilité et rejeté arbitrairement sa demande de visa de protection. Le requérant affirme également que les personnes renvoyées dont on pense qu’elles avaient quitté le pays en violation de la loi sri-lankaise sur les immigrants et les émigrés étaient arrêtées à l’aéroport et présentées à un juge pour une demande de libération sous caution, et pouvaient être incarcérées à la prison de Negombo, parfois pour plusieurs jours, jusqu’à ce qu’une audience soit possible.

7.6Le Comité prend également note de l’argument de l’État partie qui affirme que, dans le cas d’espèce, le requérant n’a pas fourni de nouvel élément de preuve crédible dans la requête présentée au Comité ; qu’il n’a pas étayé son affirmation selon laquelle il existait un risque prévisible, réel et personnel qu’il soit soumis à la torture par les autorités sri-lankaises s’il était renvoyé dans son pays d’origine ; ses allégations ont été examinées de manière approfondie par un certain nombre d’organes de décision internes, notamment le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés, et ont fait l’objet d’un contrôle juridictionnel par le Tribunal de circuit fédéral et par le Tribunal fédéral d’Australie ; et chaque organe a examiné ces allégations de manière spécifique et a jugé qu’elles n’étaient pas crédibles. S’agissant de la décision du Tribunal et de l’évaluation de la demande d’intervention ministérielle, l’État partie fait aussi valoir que les demandeurs d’asile déboutés et les Tamouls ne sont pas particulièrement pris pour cible par les autorités sri-lankaises lorsqu’ils entrent sur le territoire et qu’aucun des éléments d’information dont il disposait ne lui permettait de conclure que le requérant avait des problèmes justifiant qu’il fasse l’objet d’une attention ou d’un contrôle plus poussé à son retour à Sri Lanka ou qu’il soit retenu encore après les contrôles de sécurité.

7.7Dans ce contexte, le Comité renvoie à ses observations finales sur le rapport unique valant troisième et quatrième rapports périodiques de Sri Lanka, dans lesquelles il s’est déclaré vivement préoccupé par les informations qui donnaient à entendre que des acteurs étatiques, qu’il s’agisse de personnels militaires ou des services de police, avaient continué à pratiquer la torture et les mauvais traitements dans de nombreuses régions du pays après que le conflit avec les LTTE eut pris fin en mai 2009. Le Comité renvoie également à ses observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, dans lesquelles il a relevé l’existence d’éléments prouvant que certains Tamouls sri-lankais avaient été victimes d’actes de torture et de mauvais traitements après leur retour forcé ou volontaire de l’État partie vers Sri Lanka.

7.8En l’espèce, le Comité note que les informations soumises par le requérant concernant les événements survenus à SriLanka, qui l’ont conduit à quitter le pays ont été évaluées de manière approfondie par les autorités de l’État partie, lesquelles ont considéré qu’elles étaient insuffisantes pour montrer qu’il avait besoin de protection. Le Comité note également que le requérant n’a présenté aucune preuve à l’appui de ses allégations selon lesquelles il est recherché par l’armée sri-lankaise ou par le Département des enquêtes criminelles; que ses craintes concernant les soldats qui, selon ses affirmations, ont commis un meurtre et l’enquête y relative sont fondées sur des spéculations; et que sa famille vit toujours dans son village et ne semble pas avoir été inquiétée par les personnes qui le recherchent. Le Comité note en outre que, bien que le requérant soit un Tamoul originaire d’une région auparavant contrôlée par les LTTE, les autorités sri-lankaises ne le soupçonnaient pas d’avoir des liens avec les LTTE avant qu’il quitte le pays. Bien que le requérant conteste l’évaluation que les autorités de l’État partie ont faite de ses déclarations, il n’est pas parvenu à démontrer que la décision de lui refuser un visa de protection était clairement arbitraire ou équivalait à un déni de justice.

7.9Le Comité rappelle son observation générale no 1, selon laquelle c’est au requérant qu’il incombe de présenter des arguments défendables. De l’avis du Comité, en l’espèce, le requérant n’a pas assumé comme il le devait la charge de la preuve.

8. Le Comité estime par conséquent que les éléments dont il dispose ne lui permettent pas de conclure que le requérant courrait un risque réel, prévisible, personnel et actuel d’être soumis à la torture, au sens de l’article 3 de la Convention, en cas de retour à Sri Lanka.

9.Au vu de ce qui précède, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, le Comité conclut que le renvoi du requérant à Sri Lanka par l’État partie ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.