Nations Unies

CAT/C/61/D/713/2015

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

15 septembre 2017

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 713/2015 * , **

Communication présentée par :

Y. R. (représenté par un conseil)

Au nom de :

Y. R.

État partie :

Australie

Date de la requête :

27 octobre 2015 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision :

3 août 2017

Objet :

Expulsion vers Sri Lanka

Questions de fond :

Non-refoulement ; prévention de la torture

Questions de procédure :

Griefs insuffisamment étayés

Article(s) de la Convention :

3 et 22

1.1Le requérant est Y. R., Sri-lankais d’origine tamoule né en 1989 à Sri Lanka. Sa demande d’asile en Australie ayant été rejetée, il risque d’être expulsé vers Sri Lanka. Il soutient que son expulsion l’exposerait au risque d’être torturé par les autorités sri-lankaises et constituerait une violation par l’Australie de l’article 3 de la Convention.

1.2Le 12 novembre 2015, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de ne pas expulser le requérant vers Sri Lanka tant que la requête serait à l’examen. Le 19 juin 2017, la demande de mesures provisoires a été levée.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est né à Valachchenai (Sri Lanka) en 1989. De 1997 à 2001, le domicile de sa famille a été réquisitionné par l’armée sri-lankaise. À une date non précisée, le père du requérant s’est rendu en Arabie saoudite pour y travailler. La mère du requérant est parvenue à récupérer leur domicile en 2001. Des officiers de l’armée ont alors commencé à harceler le requérant sur le chemin de l’école. À plusieurs reprises, à des dates non précisées, le requérant a été arrêté à des points de contrôle et frappé à coups de bâton. En 2002, alors que le requérant et sa famille étaient en visite chez des proches, leur domicile a été incendié par l’armée sri-lankaise. Après l’incendie, le requérant et sa famille ont commencé à soutenir l’Alliance nationale tamoule. La mère du requérant est membre du comité du temple dans leur localité. Le requérant a soutenu l’Alliance lors de la campagne en vue des élections parlementaires d’avril 2010 en intervenant lors de réunions, en distribuant des tracts et des brochures et, de manière générale, en militant pour l’Alliance. Pendant ses études en licence de sciences politiques, il n’a cessé d’être harcelé par les groupes paramilitaires du Tamil Makkal Viduthalai Pulikal (TMVP) et du Parti démocratique populaire de l’Eelam (EPDP). Ces groupes lui ont dit que, s’il ne rejoignait pas leurs rangs, il serait enlevé par une camionnette blanche. Le requérant a été contraint d’abandonner ses études. Le 15 avril 2012 et le 1er mai 2012, un groupe d’hommes inconnus s’est présenté à son domicile à bord d’une camionnette blanche et a appelé le requérant et son frère. Le requérant s’est enfui par la porte arrière. Le 2 mai 2012, le requérant a déposé plainte au commissariat de police, mais aucune enquête n’a été menée. Le requérant a quitté le pays après ce deuxième incident.

2.2Le 18 mai 2012, le requérant est arrivé en Australie et a été détenu sur l’île Christmas. Le 23 août 2012, il a présenté une demande de visa de protection, faisant valoir que l’insécurité qui régnait à Sri Lanka pour les jeunes Tamouls en général et dans le contexte des incidents relatifs à des camionnettes blanches et son refus de rejoindre des groupes paramilitaires l’exposaient au risque d’être harcelé, voire tué, qu’il serait en danger en raison de son différend de longue date avec l’armée sri-lankaise concernant l’occupation de son domicile familial de 1997 à 2001, et qu’il était membre d’un groupe social particulier − celui des demandeurs d’asile déboutés ayant quitté le pays illégalement. Il affirmait qu’à son retour à Sri Lanka, il serait arrêté à l’aéroport et torturé. Le 29 octobre 2012, le Ministère australien de l’immigration et de la protection des frontières a refusé de lui accorder un visa de protection. Le 1er novembre 2012, le requérant a présenté une demande d’examen quant au fond au Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés. Celui-ci a confirmé la décision du Ministère le 28 juin 2013. Le 24 juillet 2014, le requérant a saisi le Tribunal de circuit fédéral d’une demande de contrôle juridictionnel de la décision du Tribunal de contrôle. Le Tribunal de circuit fédéral a rejeté sa demande le 28 juillet 2014. Ce même jour, le requérant a déposé une demande d’intervention ministérielle. Le 15 septembre 2015, le Ministre a décidé de ne pas intervenir.

Teneur de la plainte

3.Le requérant affirme avoir été victime de persécution et de tentatives d’enlèvement dans une camionnette blanche menées par les groupes paramilitaires TMVP et EPDP (voir par. 2.1 ci-dessus). Il affirme que son renvoi à Sri Lanka l’exposerait au risque d’être torturé par le Département d’enquête criminelle et d’être enlevé par le TMVP, en violation de l’article 3 de la Convention. Il affirme également qu’en raison de son origine tamoule et parce qu’il a quitté illégalement Sri Lanka et que sa demande d’asile a été rejetée, il sera arrêté par les autorités sri-lankaises à son arrivée à l’aéroport de Colombo. Il fait valoir qu’il est bien connu que la prison de détention provisoire de Negombo est surpeuplée et insalubre et connaît de problèmes d’hygiène, et soutient que ce seul fait constitue un traitement dégradant, quel que soit le temps passé en détention provisoire dans cette prison.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 10 mai 2016, l’État partie a demandé au Comité de déclarer la requête irrecevable pour défaut manifeste de fondement. Dans l’hypothèse où le Comité considérerait toutefois que les allégations du requérant sont recevables, celles-ci devraient être rejetées au motif qu’elles sont infondées.

4.2L’État partie fait valoir que les griefs soulevés par le requérant devant le Comité ont été soigneusement examinés par un certain nombre d’organes de décision internes. Lors de son entretien avec les autorités australiennes, le requérant a affirmé que, s’il était renvoyé à Sri Lanka, il serait arrêté, interrogé, emprisonné et battu ou tué par l’armée sri-lankaise, le Département d’enquête criminelle, l’aile paramilitaire du TMVP, la police ou d’autres groupes politiques qui aident le Gouvernement sri-lankais à identifier les militants des Tigres de libération de l’Eelam tamoul. Il a affirmé qu’il était très probable qu’il soit détenu pendant de longues périodes sans inculpation et qu’il soit torturé pendant son interrogatoire à son retour à Sri Lanka.

4.3Le requérant a déposé une demande de visa de protection le 23 août 2012 et a été entendu − avec l’assistance d’un interprète tamoul − le 28 août 2012. Le 29 octobre 2012, sa demande a été rejetée. L’agent qui a rendu la décision a examiné tous les griefs que le requérant a portés à la connaissance du Comité. Il s’est appuyé sur les renseignements disponibles concernant Sri Lanka et a établi qu’il n’y avait pas de risque réel que le requérant, s’il était renvoyé à Sri Lanka, soit persécuté en raison de sa race, de ses opinions politiques ou de sa qualité de jeune Tamoul renvoyé à Sri Lanka après avoir été débouté de sa demande d’asile. L’agent responsable a également conclu que le requérant ne pouvait prétendre à bénéficier d’une protection complémentaire au titre de l’article 36 2) aa) de la loi sur les migrations, qui consacre l’obligation de non-refoulement incombant à l’État partie en vertu de la Convention contre la torture.

4.4Le requérant a ensuite présenté au Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés, le 1er novembre 2012, une demande d’examen quant au fond. Il a assisté à l’audience, accompagné d’un agent officiel de l’immigration et d’un interprète de langue tamoule, et a eu l’occasion de s’adresser au tribunal directement et par l’intermédiaire de l’agent. Le Tribunal a émis des doutes quant à la crédibilité des affirmations du requérant et estimé que certains des éléments de preuve présentés étaient vagues et manquaient de détails pertinents. Il n’a pas ajouté foi aux allégations du requérant indiquant que des agents du Département d’enquête criminelle s’étaient rendus à son domicile à de multiples reprises depuis qu’il avait quitté Sri Lanka ou que l’armée sri-lankaise ou des groupes paramilitaires s’intéressaient à lui. Il a estimé que le requérant n’avait pas un profil à risque lorsqu’il avait quitté Sri Lanka, pas plus qu’il n’avait été pris pour cible ou menacé d’une quelconque autre façon par des groupes paramilitaires. Le Tribunal est convenu que le requérant serait poursuivi pour infraction à la loi de 1949 relative aux immigrants et aux émigrants et qu’il pourrait être détenu quelques jours avant de se voir infliger, très probablement, une amende. Toutefois, compte tenu des données disponibles concernant le pays, le Tribunal n’a pas considéré que le requérant serait détenu pendant une longue période ou qu’il risquerait de subir un préjudice grave, notamment des actes de torture, s’il était renvoyé à Sri Lanka. Le 28 juin 2013, le Tribunal a confirmé la décision de ne pas accorder de visa de protection au requérant.

4.5Le 28 juillet 2014, le Tribunal de circuit fédéral de l’Australie a rejeté la demande de contrôle juridictionnel de la décision du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés au motif que celui-ci avait examiné tous les griefs du requérant et tenu compte de toutes les considérations pertinentes dans sa décision.

4.6Le 28 juillet 2014, le requérant a déposé une demande d’intervention ministérielle et soulevé trois nouveaux griefs. Il a fait valoir que, s’il était renvoyé à Sri Lanka, il serait considéré comme ayant violé les dispositions de l’article 45 1) b) de la loi relative aux immigrants et aux émigrants (départ illégal de Sri Lanka), que, de ce fait, il subirait un traitement cruel, inhumain ou dégradant car il serait poursuivi et sanctionné au titre de cette loi, et que les peines encourues pourraient être alourdies en raison de ses liens supposés avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul ou du soutien qu’il leur aurait apporté. Le 15 septembre 2015, le Ministre adjoint de l’immigration et de la protection des frontières a refusé d’intervenir au titre de l’article 417 de la loi sur les migrations.

4.7L’État partie a donné des précisions sur les nouveaux éléments de preuve que le requérant a soumis au Comité, à savoir la lettre d’un voisin du requérant à Sri Lanka, qui affirmait avoir été témoin de la deuxième tentative d’enlèvement du requérant dans une camionnette blanche, une plainte déposée par le requérant au commissariat de police le 2 mai 2012 concernant une des tentatives d’enlèvement dans une camionnette blanche, et un extrait du rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme attestant de cas d’enlèvement dans des camionnettes blanches à Sri Lanka. L’État partie fait valoir que les deux premiers éléments de preuve ne sont pas cohérents et que les allégations qu’ils visent à prouver ont été examinées et rejetées par les autorités nationales, et que le troisième élément de preuve n’est en rien spécifique au cas du requérant. Par voie de conséquence, ces nouveaux éléments n’ajoutent aucun poids à la requête.

4.8Pour ce qui est de la déclaration d’un Sri-lankais qui a été détenu et torturé à son retour d’Australie, l’État partie fait remarquer qu’au regard de l’examen des circonstances de l’espèce réalisé par le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés et de la nature impersonnelle de l’information en question, cet élément de preuve n’ajoute pas de poids aux allégations du requérant. Il conclut qu’aucun des nouveaux éléments de preuve soumis par le requérant n’indique que la situation dans le pays a connu des changements importants depuis la dernière fois que les griefs du requérant ont été examinés.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.Dans sa lettre en date du 26 mai 2016, le requérant affirme que l’État partie n’a pas tenu compte de ce qui pourrait advenir de lui à son arrivée à l’aéroport de Colombo, compte tenu qu’il a quitté le pays illégalement, et qu’il n’a pas non plus cherché à évaluer les risques auxquels le requérant serait exposé une fois renvoyé dans sa région d’origine, alors qu’une grande partie des griefs soulevés par le requérant concernaient des faits qui s’étaient produits dans sa région lorsqu’il était étudiant. Le requérant fait également valoir qu’il n’est pas nécessaire d’être particulièrement en vue pour risquer de se faire enlever dans une camionnette blanche et renvoie, entre autres, à sa lettre et au témoignage d’un jeune Tamoul sans profil politique marqué qui est rentré à Sri Lanka après le rejet de sa demande d’asile et qui a été arrêté à l’aéroport et torturé.

Observations complémentaires des parties

6.Le 12 mai et le 8 juin 2017, l’État partie a demandé au Comité de lever les mesures provisoires.

7.Le 14 juin 2017, le requérant a fait part de ses commentaires concernant les demandes de l’État partie, faisant valoir de nouveau qu’il risquerait d’être victime de détention arbitraire, de torture et d’enlèvement.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité doit déterminer si elle est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.2Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune plainte sans s’être assuré que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles. Il constate qu’en l’espèce, l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la requête pour ce motif.

8.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la requête devrait être déclarée irrecevable pour défaut de fondement. Il considère toutefois que les arguments dont il est saisi soulèvent des questions importantes au regard de l’article 3 qui devraient être examinées quant au fond et pas uniquement du point de vue de la recevabilité. Ne voyant aucun autre obstacle à la recevabilité, le Comité déclare la présente communication recevable et procède à son examen au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2En l’espèce, le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant à Sri Lanka, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

9.3Le Comité doit déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait personnellement d’être soumis à la torture s’il était renvoyé à Sri Lanka. Pour ce faire, il doit tenir compte de tous les éléments pertinents, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Dans ce contexte, le Comité renvoie à son examen du cinquième rapport périodique de Sri Lanka, pendant lequel il s’est dit profondément préoccupé par les informations donnant à entendre que les forces de sécurité de l’État au Sri Lanka, y compris la police, ont continué à pratiquer la torture et les mauvais traitements et à commettre des enlèvements dans de nombreuses régions du pays après que le conflit avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul a pris fin en mai 2009. Le Comité s’est également dit préoccupé par les représailles exercées contre des victimes et des témoins d’actes de torture, ainsi que par les enlèvements et les actes de torture commis dans des centres de détention non reconnus, et a souhaité savoir si des enquêtes impartiales et effectives avaient été rapidement menées sur de tels faits. Le Comité rappelle toutefois qu’il s’agit de déterminer si l’intéressé court personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Dès lors, l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives, ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir qu’une personne donnée risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque.

9.4Le Comité rappelle son observation générale no1 (1997) sur l’application de l’article3 de la Convention, selon laquelle l’existence d’un risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable (par.6), mais le Comité rappelle que la charge de la preuve incombe généralement au requérant, qui doit présenter des arguments défendables tendant à montrer que le risque qu’il court d’être soumis à la torture est prévisible, réel et personnel. Si le Comité doit, selon les termes de son observation générale, accorder un poids considérable aux constatations de fait des organes de l’État partie concerné, il n’est pas lié par ces constatations et est libre d’apprécier les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de chaque affaire (par.9).

9.5En l’espèce, le requérant soutient qu’il sera arrêté et torturé s’il est renvoyé à Sri Lanka en tant que demandeur d’asile débouté ayant quitté le pays illégalement et qu’il risque d’être soumis à la torture, voire tué, par les groupes paramilitaires qui le persécutaient avant qu’il quitte le pays. Le Comité note que l’État partie fait valoir que le requérant n’a pas présenté d’éléments de preuve crédibles ni démontré qu’il courrait un risque prévisible, réel et personnel d’être torturé par les autorités s’il était renvoyé à Sri Lanka et que ses allégations ont été soigneusement examinées par les autorités compétentes et les tribunaux nationaux, conformément à la législation nationale et compte tenu de la situation actuelle des droits de l’homme à Sri Lanka.

9.6Le Comité note que le requérant affirme qu’il a été harcelé par l’armée sri-lankaise sur le chemin de l’école après que sa famille a réintégré son domicile en 2001, que sa mère et lui-même étaient des militants actifs de l’Alliance nationale tamoule, que, lorsqu’il était étudiant, le TMVP et l’ERDP l’ont harcelé et menacé afin qu’il rejoigne leurs rangs, et que son frère et lui ont été l’objet de tentatives d’enlèvement de la part d’inconnus qui se sont présentés à son domicile à bord d’une camionnette blanche. Le Comité prend également note des allégations du requérant selon lesquelles il sera arrêté à l’aéroport et torturé parce qu’il est un demandeur d’asile débouté ayant quitté le pays illégalement. Le Comité relève que le harcèlement dont le requérant a fait l’objet de la part de l’armée sri-lankaise date de 2005-2006 et qu’après cela, l’intéressé a continué d’aller à l’école et qu’il a également continué de vivre au domicile familial jusqu’à son départ du pays en 2012. Dans sa lettre, le requérant ne présente que des griefs d’ordre général sur les menaces proférées par les groupes paramilitaires pendant ses études universitaires. Le Comité constate en outre que la mère du requérant, militante de l’Alliance nationale tamoule, continue de vivre au domicile familial sans qu’aucun problème n’ait été signalé. Les deux frères du requérant, dont un aurait été menacé en même temps que le requérant par des inconnus qui seraient venus chez eux à bord d’une camionnette blanche, sont restés au domicile familial et ont poursuivi leurs études sans qu’aucun problème n’ait été signalé après que le requérant a quitté Sri Lanka.

9.7En ce qui concerne l’allégation du requérant selon laquelle il risque d’être soumis à la torture à son retour à Sri Lanka, en tant que demandeur d’asile débouté, le Comité, renvoyant expressément aux observations finales qu’il a formulées concernant le cinquième rapport périodique de Sri Lanka, dans lesquelles il s’était dit préoccupé, notamment, par la persistance des enlèvements, actes de torture et mauvais traitements perpétrés par les forces de sécurité de l’État à Sri Lanka, notamment l’armée et la police, qui s’étaient poursuivis dans de nombreuses régions du pays après la fin du conflit avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul en mai 2009, et prenant note des informations crédibles communiquées par des organisations non gouvernementales concernant le traitement par les autorités sri‑lankaises des personnes renvoyées à Sri Lanka, considère que ce qui précède montre que les Sri-lankais d’origine ethnique tamoule qui ont eu des liens personnels ou familiaux avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul et sont renvoyés de force à Sri Lanka peuvent courir le risque d’être soumis à la torture. Toutefois, sans sous-estimer les préoccupations qui peuvent être légitimement exprimées concernant la situation actuelle des droits de l’homme à Sri Lanka, le Comité rappelle que l’existence de violations des droits de l’homme dans le pays d’origine n’est pas en soi suffisante pour conclure qu’une personne court personnellement le risque d’être soumise à la torture. Le Comité rappelle aussi que, même si les faits passés peuvent être pertinents, la question principale dont est saisie le Comité est de savoir si le requérant court actuellement le risque d’être torturé s’il était renvoyé à Sri Lanka. Il observe que, lorsqu’elles ont examiné la demande de visa de protection soumise par le requérant, les autorités de l’État partie ont apprécié le risque de mauvais traitements auquel les demandeurs d’asile déboutés peuvent être exposés à leur retour à Sri Lanka et est d’avis que, en l’espèce, les autorités de l’État partie ont dûment tenu compte de l’argument du requérant.

9.8Compte tenu de ce qui précède, et sur la base de toutes les informations soumises par le requérant et l’État partie, y compris en ce qui concerne la situation générale des droits de l’homme à Sri Lanka, le Comité considère que le requérant n’a pas assumé la charge de la preuve car il n’a pas démontré qu’il y a des motifs sérieux de croire que son renvoi dans son pays d’origine lui ferait courir un risque prévisible, réel et personnel d’être soumis à la torture au sens de l’article 3 de la Convention. Bien que le requérant conteste l’évaluation que les autorités de l’État partie ont faite de ses déclarations, il n’a pas démontré que la décision de lui refuser un visa de protection était clairement arbitraire ou équivalait à un déni de justice.

10.Par conséquent, le Comité considère que le requérant n’a pas fourni d’éléments de preuve suffisants pour lui permettre de conclure que le renvoi forcé du requérant dans son pays d’origine lui ferait courir un risque prévisible, réel et personnel d’être soumis à la torture au sens de l’article 3 de la Convention.

11.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, décide que le renvoi du requérant à Sri Lanka par l’État partie ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.