CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/64/CO/128 avril 2004

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALESoixante-quatrième session23 février‑12 mars 2004

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

BAHAMAS

Le Comité a examiné les cinquième à quatorzième rapports périodiques des Bahamas, dus de 1984 à 2002 respectivement et soumis en un seul document (CERD/C/428/Add.1), à ses 1620e et 1621e séances (CERD/C/SR.1620 et 1621) tenues les 26 et 27 février 2004. À sa 1637e séance, le 10 mars 2004, il a adopté les conclusions suivantes.

A. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport périodique de l’État partie, et le fait que celui-ci se soit fait représenter par une délégation de haut rang. Il se félicite de la qualité du dialogue ainsi renoué avec les Bahamas, et rend hommage à la délégation pour avoir répondu de façon précise aux nombreuses questions posées.

Le Comité salue le fait que le rapport, qui se conforme dans sa présentation générale aux Principes directeurs du Comité, soit le fruit d’une collaboration interministérielle. Il regrette toutefois qu’il ne contienne pas suffisamment d’informations sur l’application pratique de la Convention.

B. Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

Le Comité prend note des difficultés de l’État partie résultant de l’afflux important de migrants et de réfugiés en provenance de pays voisins, en particulier Haïti et Cuba.

C. Aspects positifs

Le Comité se félicite de l’adoption, en 2001, de la loi sur l’emploi, qui contient une clause de non‑discrimination raciale.

Le Comité note avec satisfaction l’engagement de l’État partie à faire tous les efforts possibles pour garantir l’exercice sans discrimination des droits de l’homme des migrants.

Le Comité note avec intérêt l’information selon laquelle une étude concernant les migrants aux Bahamas et leurs conditions de vie sera prochainement lancée par l’Organisation internationale pour les migrations.

Le Comité note avec satisfaction que le Haut‑Commissariat pour les réfugiés et les organisations non gouvernementales ont accès au Centre de détention Road Carmichael, où sont détenus les migrants en situation irrégulière et les demandeurs d’asile.

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification en 1994 de l’amendement à l’article 8, paragraphe 6, de la Convention.

D. Sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité relève avec inquiétude les réserves à la Convention émises par l’État partie, notamment la déclaration, trop vague et étendue, selon laquelle l’État partie n’accepte pas les obligations dépassant les limites de la Constitution ni l’obligation d’introduire une procédure judiciaire qui ne serait pas prescrite dans le cadre de la Constitution.

Le Comité encourage l’ État partie à envisager de retirer l’ensemble des réserves émises lors de son adhésion à la Convention.

Le Comité note que l’État partie ne dispose pas de données précises relatives à la composition ethnique de sa population, et rappelle que de telles informations sont nécessaires pour évaluer la mise en œuvre de la Convention dans la pratique.

Le Comité invite l’ État partie à inclure des questions plus précises dans le recensement de la population, de façon à mieux en apprécier la composition ethnique, et attire son attention sur le paragraphe 8 des Principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports.

Le Comité réitère ses préoccupations relatives à la définition de la discrimination raciale énoncée à l’article 26 de la Constitution, qui n’est pas en pleine conformité avec l’article premier de la Convention.

Le Comité invite l’ État partie à mettre son droit interne en conformité avec la Convention.

Le Comité regrette que les Bahamas n’aient toujours pas adopté de loi répondant aux exigences de l’article 4 de la Convention, mais relève que l’État partie envisage de modifier sa législation à ce propos.

Le Comité encourage l’ État partie à se conformer aux exigences de l’article 4 de la Convention. Il suggère en outre que soit introduite dans la législation pénale une circonstance aggravante générale pour motifs de discrimination raciale.

Le Comité est préoccupé par des informations faisant état de discours et d’articles de presse incitant à la discrimination raciale à l’encontre des migrants, en particulier des Haïtiens, et d’actes de discrimination raciale à leur égard, dans les domaines de l’éducation et de l’emploi notamment. Il s’inquiète de ce que l’État partie se déclare non informé de telles allégations.

Le Comité recommande à l’ État partie de mener une enquête sur ces allégations, et d’en communiquer les résultats au Comité. Il recommande à l’ État partie de prendre, le cas échéant, toutes mesures nécessaires de nature pénale, éducative ou autre, pour faire cesser ces agissements.

Le Comité, notant la politique de préférence nationale mise en œuvre dans certains secteurs de l’emploi et en matière de logement, regrette que le rapport périodique ne contienne pas suffisamment d’informations relatives à l’application concrète de l’article 5 de la Convention.

Le Comité invite l’ État partie à lui fournir de telles informations dans son prochain rapport périodique, en particulier en ce qui concerne les migrants. Il aimerait également recevoir des renseignements relatifs aux résultats de l’application de la clause de non ‑discrimination raciale de la loi de 2001 sur l’emploi, de même que des informations plus précises sur la politique de préférence nationale en matière d’emploi et de logement et ses conséquences sur les conditions de vie des migrants.

Le Comité, notant le processus de réforme constitutionnelle en cours, est préoccupé par le fait que la Constitution contienne des clauses discriminatoires en ce qui concerne le droit des femmes de transmettre leur nationalité à leurs enfants et à leurs conjoints étrangers.

Le Comité invite l’ État partie à poursuivre ses efforts en vue de remédier à cette discrimination, et attire son attention sur la Recommandation générale XXV (2000) du Comité, concernant la dimension sexospécifique de la discrimination raciale.

Le Comité relève avec inquiétude que la détention des personnes entrées sans papiers sur le territoire est automatique sans faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Prenant note de la déclaration de la délégation selon laquelle les détentions, de façon générale, ne dépassent pas quelques jours, il s’inquiète d’informations soulignant que ces détentions se prolongent parfois jusqu’à un an et plus, selon la nationalité des migrants.

Soulignant que la détention ne devrait être qu’une solution de dernier recours, le Comité invite l’ État partie à adopter des mesures alternatives à la mise en détention des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile. Il lui recommande de mettre en place des voies de recours contre les décisions de mise en détention des personnes entrées sans papiers sur le territoire, celles-ci devant être dûment informées de leurs droits, et de réglementer précisément les périodes au-delà desquelles ces détentions ne peuvent se prolonger.

Le Comité note qu’il n’a pas reçu suffisamment de renseignements relatifs aux droits des demandeurs d’asile, et s’inquiète d’informations selon lesquelles le système actuel ne serait pas en mesure de garantir le droit de toute personne de ne pas être renvoyée vers un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée.

Le Comité recommande à l’ État partie de garantir les droits des demandeurs d’asile en matière d’information, de droit à un interprète, d’assistance légale et de recours judiciaire. Il souhaite que des informations plus précises lui soient remises, en particulier sur la procédure suivie pour octroyer le statut de réfugié et sur la longueur moyenne de la détention des demandeurs d’asile.

Le Comité s’inquiète de ce que la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés et son protocole de 1967, ratifiés par les Bahamas en 1993, n’ont toujours pas fait l’objet de mesures d’application en droit interne.

Le Comité, notant l’information selon laquelle un projet de loi sur cette question est actuellement en cours, encourage l’ État partie à rapidement adopter les mesures d’application nécessaires de ces instruments en droit interne, en particulier en ce qui concerne la clause de non ‑refoulement contenue à l’article 33 de la Convention de 1951.

Le Comité, prenant note des efforts importants déjà effectués pour la gestion effective du Centre de détention Road Carmichael, s’inquiète d’informations selon lesquelles les conditions de détention y seraient inadéquates, en particulier en matière d’accès à la nourriture et à l’eau potable, d’hygiène, et d’accès aux soins médicaux.

Le Comité recommande à l’ État partie d’intensifier immédiatement ses efforts en la matière, et de remettre au Comité des renseignements précis sur les conditions de détention au Centre Road Carmichael.

Le Comité relève certaines informations laissant penser qu’une politique de réconciliation raciale entre communautés noire et blanche demeure nécessaire.

Le Comité recommande à l’ État partie d’intensifier ses efforts en la matière, et de lui remettre, dans son prochain rapport, des informations précises sur l’état des relations entre communautés noire et blanche aux Bahamas.

Le Comité note la déclaration de l’État partie selon laquelle il n’existe ni plaintes ni décisions judiciaires en matière de discrimination raciale, ce qui est présenté comme une preuve de l’absence de discrimination raciale aux Bahamas.

Le Comité engage l’ État partie à enquêter sur les raisons pour lesquelles il n’existe pas de plaintes pour discrimination raciale, et en particulier si cela n’est pas le résultat de l’absence d’un arsenal législatif complet de lutte contre la discrimination. L’ État partie devrait en outre rechercher si l’absence de plaintes n’est pas le résultat d’une méconnaissance de leurs droits par les victimes, de la peur de représailles, d’un manque de confiance à l’égard des autorités de police et de justice, ou d’un manque d’attention ou de sensibilisation de ces autorités aux affaires de discrimination raciale.

Le Comité est préoccupé par l’absence de formation des juges et auxiliaires de justice en matière de lutte contre la discrimination raciale, et par le fait que l’État partie jugesuffisant le fait que les plus hautes juridictions du pays comptent parmi leurs membres des juges n’ayant pas la nationalité du pays.

Le Comité recommande à l’ État partie d’assurer la formation des juges et auxiliaires de justice en matière de lutte contre la discrimination raciale, en particulier en ce qui concerne le contenu de la Convention.

Le Comité s’inquiète de ce que le contenu de la Convention n’ait pas été porté à la connaissance de la population, au motif que cette dernière est relativement homogène.

Le Comité recommande à l’ État partie d’informer de façon régulière la population sur le contenu de la Convention, et d’intensifier ses efforts pour faire connaître les possibilités de recours s’ouvrant à elle en matière de discrimination raciale.

Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il applique dans l’ordre juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et de communiquer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les plans d’action et autres mesures adoptées pour appliquer au niveau national la Déclaration et le Plan d’action de Durban.

Le Comité note que l’État partie n’a pas fait la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention, et recommande que cette possibilité soit envisagée.

Le Comité recommande à l’État partie de rendre ses rapports périodiques publics dès le moment où ils sont soumis et de diffuser de la même manière les conclusions du Comité.

Le Comité, notant que le rapport périodique a été soumis avec 19 ans de retard, invite l’État partie à tenir compte de la périodicité prévue par la Convention pour la soumission de ses prochains rapports. Il recommande à l’État que ses quinzième et seizième rapports périodiques soient soumis en un seul document, le 4 septembre 2006, et de répondre à tous les points soulevés dans les présentes observations.

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