Nations Unies

CERD/C/ISL/CO/19-20

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

25 mars 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ éliminati on de la discrimination raciale

Soixante-seizième session

15 février-12 mars 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination raciale

Islande

1.Le Comité a examiné les dix-neuvième et vingtième rapports périodiques de l’Islande, demandés pour le 4 janvier 2008 et présentés en un document unique (CERD/C/ISL/20), à ses 1989e et 1990e séances (CERD/C/SR.1989 et CERD/C/SR.1990), tenues les 25 et 26 février 2010. À sa 2006e séance (CERD/C/SR.2006), tenue le 10 mars 2010, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie, qui est conforme aux directives du Comité relatives à l’établissement des rapports, ainsi que les réponses écrites et orales complètes fournies par la délégation en réponse aux questions posées par le Comité. Il salue en outre la ponctualité et la régularité avec laquelle l’État partie soumet ses rapports périodiques. Il apprécie l’occasion qui lui est ainsi donnée de mener un dialogue suivi et constructif avec l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de l’adoption, en janvier 2007, d’une politique générale relative à l’intégration des immigrés, ainsi que de la déclaration de politique générale du Gouvernement islandais datée du 23 mai 2007, qui donne également la priorité aux questions concernant les immigrés.

4.Le Comité note avec satisfaction que le plan d’action quadriennal (2007-2011) de l’État partie destiné à la police insiste tout spécialement sur le fait que la composition des forces de l’ordre doit refléter la diversité culturelle de la société.

5.En ce qui concerne les observations finales précédentes (CERD/C/ISL/CO/18, par. 11), le Comité note avec satisfaction l’explication fournie par l’État partie au sujet du programme de formation des gardes frontière et des membres de la police, qui met l’accent sur la protection des réfugiés et sur les conditions dans les pays d’origine de ces personnes.

6.Le Comité prend note du travail utile accompli par le Centre multiculturel d’information, le Centre interculturel et le Conseil de l’immigration, et encourage l’État partie à continuer d’appuyer ces centres et à les consulter dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques ayant trait à la lutte contre le racisme et la discrimination raciale.

7.Le Comité se félicite de l’adoption, en décembre 2005, de la loi no 139/2005 sur les agences de travail temporaires, qui garantit, entre autres, aux travailleurs étrangers les mêmes droits sociaux que ceux dont bénéficient les Islandais et prévoit que les conventions collectives islandaises s’appliquent également aux personnes qui sont recrutées par l’intermédiaire d’une agence de travail temporaire.

8.Le Comité se félicite de l’approbation, en mars 2009, du premier plan d’action gouvernemental de lutte contre la traite des êtres humains.

9.Le Comité accueille en outre avec satisfaction l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2008, de trois lois ayant trait à l’enseignement, depuis le niveau préscolaire jusqu’à la fin du secondaire, qui tiennent compte des changements intervenus dans la société, l’emploi et les structures familiales, du nombre croissant de personnes dont la langue n’est pas l’islandais et de la diversité culturelle des élèves. Le Comité note que les projets de loi contiennent des dispositions spéciales pour les enfants dont la langue maternelle n’est pas l’islandais.

10.Le Comité note avec satisfaction que depuis 2005 le programme de réinstallation prévu par l’État partie a bénéficié sous la rubrique «femmes à risque» à des femmes et des enfants relevant du programme du HCR.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

11.Le Comité note que la Convention n’a pas encore été incorporée dans la législation nationale de l’État partie.

Le Comité réaffirme qu ’ il est important d ’ incorporer les dispositions de fond de la Convention dans le droit interne afin de garantir une protection complète contre la discrimination raciale. Il juge encourageant le document directif du Gouvernement de coalition islandais, qui dispose que les conventions internationales relatives aux droits de l ’ homme ratifiées doivent être pleinement incorporées dans la législation nationale.

12.Le Comité note que malgré l’adoption par l’Islande de plusieurs textes législatifs visant à garantir l’égalité de tous et à prévenir certaines formes de discrimination raciale, l’État partie ne s’est toujours pas doté d’une législation complète pour combattre la discrimination, qui tienne dûment compte des droits énoncés expressément dans les articles 2 et 5 de la Convention (art. 2 et 5).

Le Comité prie instamment l ’ État partie de songer à adopter une législation complète de lutte contre la discrimination , qui vise toutes les formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d ’ intolérance qui y est associée dans tous les domaines de la vie , et prévoyant , entre autres, des recours utiles au moyen de procédures civiles et administratives.

13.Le Comité note avec regret que l’État partie n’a pas encore créé une institution nationale des droits de l’homme dotée d’un vaste mandat lui permettant de promouvoir et protéger les droits de l’homme conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris, résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe) (art. 2 et 6).

Le Comité recommande à nouveau à l ’ État partie de songer à créer une institution nationale des droits de l ’ homme indépendante, dotée d ’ un vaste mandat lui permettant de promouvoir et protéger les droits de l ’ homme, conformément aux Principes de Paris. Il encourage également l ’ État partie à investir cette institution des pouvoirs visés à l ’ alinéa 2 de l ’ article 14 de la Convention.

14.Le Comité note que le nombre d’étrangers dans l’État partie a beaucoup augmenté ces dernières années (de 3,6 % de la population totale en 2005 à 7,6 % en 2009). Dans ce contexte, le Comité note avec préoccupation que près de 700 personnes, pour la plupart des jeunes, sont inscrites dans un groupe Internet intitulé «Association contre les Polonais en Islande» (art. 4 et 7).

Le Comité félicite les autorités publiques d ’ avoir agi avec détermination pour fermer le site. Il engage toutefois l ’ État partie, conformément à la Recommandation générale n o 30 concernant la discrimination contre les non-ressortissants (2004) à rester vigilant à l ’ égard des actes de racisme, y compris des propos haineux diffusés sur l ’ Internet qui se manifestent souvent en période de difficultés économiques. Il lui recommande de poursuivre ses efforts pour prévenir et combattre les préjugés et promouvoir la compréhension et la tolérance dans toutes les sphères de la vie publique , en les axant notamment sur les jeunes et les médias. Il lui recommande également de continuer à renforcer l ’ éducation relative aux droits de l ’ homme dans les écoles, et à faire en sorte que ces droits fassent dûment partie des programmes scolaires traditionnels et des programmes de formation des enseignants.

15.Le Comité note que, depuis 2004, deux affaires relatives à des allégations de discrimination raciale ont été portées à l’attention de l’agent assurant la liaison entre la police et les personnes d’origine étrangère à Reykjavik, mais que dans les deux cas, les parties n’avaient pas souhaité engager de poursuites. Il note également que, depuis le dernier rapport périodique de l’État partie, aucune plainte n’a été reçue pour violation de l’article 180 du Code pénal général (déni d’accès à des biens et des services ou déni d’accès à un lieu public). En outre, quatre plaintes pour violation de l’alinéa a de l’article 233 de ce même Code (actes discriminatoires) ont été déposées, mais ont été toutes rejetées faute de preuves suffisantes (art. 5 a), b), f) et 6).

Le Comité recommande que des mesures soient prises pour sensibiliser les étrangers à leurs droits, informer les victimes sur toutes les voies de recours à leur disposition, leur faciliter l ’ accès à la justice et dispenser en conséquence aux juges, aux avocats et aux personnes responsables de l ’ application des lois la formation voulue . Rappela nt sa Recommandation générale n o 31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l ’administration et l e fonctionnement du système de justice pénale , il recommande également à l ’ État partie de vérifier systématiquement pourquoi les parties s ’ abstiennent d ’ intenter une action. Il réitère sa recommandation précédente (CERD/C/ISL/CO/18, par. 14) visant à ce que l ’ État partie fasse dorénavant reposer la charge de la preuve sur le défendeur dans les procédures ayant trait à un refus d ’ accès à un lieu public, comme le prévoit la Recommandation générale n o 30 concernant la discriminatio n contre les non-ressortissants .

16.Le Comité note que près de 40 % des personnes qui résident dans le foyer pour femmes de Reykjavik sont des immigrées. Il note aussi qu’en mai 2008 l’État partie a modifié sa loi relative à l’immigration afin de permettre à des personnes originaires de pays ne faisant pas partie de l’Espace économique européen de conserver leur permis de séjour en cas de divorce d’avec leur conjoint né en Islande, si le conjoint étranger ou son enfant a été victime d’abus ou de violences (art. 5 b)).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ étudier les facteurs qui font qu ’ une proportion élevée d ’ i mmigrées réside nt dans le foyer d ’ accueil pour femmes . Il lui recommande également de mettre en place un vaste programme de sensibilisation aux modifications apportées à la législation , destiné à toutes les immigrées se trouvant sur son territoire.

17.Le Comité note avec satisfaction que la loi no 86/2008 portant modification de la loi no 96/2002 sur les étrangers a supprimé la condition selon laquelle l’époux ou le partenaire étranger vivant en cohabitation ou au titre d’un partenariat enregistré avec une personne résidant légalement dans l’État partie doit avoir atteint l’âge de 24 ans pour pouvoir obtenir un permis de séjour en tant que membre de la famille. Il note toutefois avec préoccupation que, lorsque l’un des deux conjoints est âgé de 24 ans ou moins, l’alinéa 3 de l’article 13 de la loi sur les étrangers impose de mener une enquête spéciale afin de vérifier qu’il ne s’agit pas d’un mariage fictif ou forcé (art. 5 d) iv)).

Le Comité recommande qu ’ une enquête soit menée uniquement dans les cas où il existe une raison légitime de croire que le mariage ou le partenariat enregistré n ’ a pas été conclu de plein gré par les deux partenaires, et rappelle à cet égard l ’ importance de l ’ article 5, alinéa d iv), de la Convention.

18.Le Comité se félicite des modifications apportées en 2008 à la loi no97/2002 sur les droits au travail des étrangers, qui prévoit de délivrer les permis de travail temporaires au nom du travailleur étranger; il se déclare toutefois préoccupé à l’idée que ce permis ne soit valable que pour un employeur donné, ce qui risque d’accroître la vulnérabilité du travailleur étranger, surtout que le chômage touche les étrangers de manière disproportionnée par rapport au reste de la population (art. 5, par. e) i)).

Le Comité rappelle sa Recommandation générale n o 30 concernant la discrimination contre les non-ressortissants (2004) et prie l ’ État partie d ’ assurer aux travailleurs étrangers un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qui s ’ applique à ses ressortissants , s ’ agissant des conditions de travail, des restrictions et des critères retenus. Il recommande que les permis de travail temporaire s soient délivrés pour un type d ’ emploi/d ’ activité rémunéré donné ainsi que pour une durée donnée, plutôt que pour un employeur déterminé . Il recommande en outre que le droit d ’ interjeter appel d ’ une décision de la Direction du travail concernant une demande de permis temporaire ou la révocation d ’ un tel permis soit octroyé uniquement à l ’ employé, et que la signature conjointe de l ’ employeur et de l ’ employé ne soit plus exigée.

19.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’un taux d’abandon scolaire démesurément élevé parmi les élèves issus de l’immigration dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire (art. 2, al. 2, et 5 e)).

Le Comité encourage l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour tenter d ’ améliorer la situation des élèves issus de l ’ immigration dans l ’ enseignement secondaire, de façon à augmenter leur taux de scolarisation et à éviter qu ’ ils n ’ abandonnent leurs études.

20.Compte tenu de l’indivisibilité de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à songer à ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qui ne l’ont pas encore été, en particulier ceux dont les dispositions se rapportent directement à la question de la discrimination raciale, tels que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille de 1990.

21.À la lumière de sa Recommandation générale no 33 (2009) sur le suivi de la Conférence de Durban, le Comité recommande à l’État partie de veiller, en incorporant la Convention dans son ordre juridique interne, à donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009. Il prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations spécifiques sur les plans d’action et autres mesures prises pour appliquer la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

22.Le Comité recommande à l’État partie de continuer à mener des consultations et à élargir son dialogue avec les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui s’emploient à combattre la discrimination raciale, dans l’optique de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

23.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 16 décembre 1992. À cet égard, le Comité rappelle les résolutions 61/148 et 62/243 de l’Assemblée générale en date du 19 décembre 2006 et du 24 décembre 2008, dans lesquelles l’Assemblée a demandé instamment aux États parties de hâter leur procédure interne de ratification de l’amendement et d’informer le Secrétaire général par écrit et dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement.

24.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que ses rapports soient facilement accessibles au public au moment de leur soumission, et à ce que les observations du Comité s’y rapportant soient également diffusées dans la langue officielle de l’État et les autres langues communément utilisées, selon qu’il convient.

25.Notant que le document de base de l’État partie date de 1993, le Comité l’encourage à en présenter une version mise à jour conformément aux directives harmonisées pour l’établissement des rapports sur l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles qui concernent le document de base commun, adoptées à la dixième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en juin 2006 (HRI/MC/2006/3).

26.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur révisé, le Comité recommande à l’État partie de lui communiquer, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 13, 18 et 19 ci-dessus.

27.Le Comité souhaite aussi appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant aux paragraphes 11 et 12, et l’invite à fournir des informations détaillées dans son prochain rapport périodique sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

28.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à soumettre ses vingt et unième, vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques en un seul document d’ici le 4 janvier 2013, en tenant compte des directives relatives aux documents propres au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale que le Comité a adoptées à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et d’y traiter tous les points soulevés dans les présentes observations finales.