NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/ISR/CO/1314 juin 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALESoixante‑dixième session19 février‑9 mars 2007

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

ISRAËL

1.Le Comité a examiné les dixième à treizième rapports périodiques d’Israël, soumis en un seul document (CERD/C/471/Add.2), à ses 1794e et 1795e séances (CERD/C/SR.1794 et 1795), tenues les 22 et 23 février 2007. À ses 1810e et 1813e séances (CERD/C/SR.1810 et 1813), tenues les 6 et 8 mars 2007, le Comité a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la présence d’une importante délégation ainsi que de la présentation du rapport, qui contient des statistiques et des éléments d’information importants concernant l’application de la Convention par Israël. Le Comité regrette cependant qu’un grand nombre de questions qui avaient été communiquées à l’avance à l’État partie soient restées sans réponse.

3.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas présenté dans son rapport, comme il avait pourtant été invité à le faire dans les précédentes observations finales, des renseignements sur la situation dans les territoires palestiniens occupés, l’État partie considérant en effet que la Convention ne leur est pas applicable. Le Comité note toutefois avec satisfaction que la délégation israélienne, si elle n’a pas varié dans son point de vue, a répondu à certaines des questions du Comité à ce sujet.

4.Le Comité note avec satisfaction qu’un grand nombre d’organisations non gouvernementales ont apporté une contribution à la procédure d’examen du rapport de l’État partie. Le Comité est cependant préoccupé par les divergences entre l’État partie et la plupart de ces organisations sur la mesure dans laquelle l’État partie applique les dispositions de la Convention.

5.Notant que le rapport a été soumis avec plus de cinq années de retard, le Comité invite l’État partie à respecter à l’avenir les échéances fixées pour la présentation de ses rapports.

B. Aspects positifs

6.Le Comité note avec intérêt le rôle joué par la Cour suprême d’Israël dans la lutte contre la discrimination raciale, notamment dans des affaires d’attribution de terres du domaine public, comme il ressort, par exemple, de l’arrêt rendu en 2000 dans l’affaire Ka’adanc. l’Administration foncière israélienne.

7.Le Comité note avec satisfaction les dispositions du droit interne qui donnent effet à l’article 4 de la Convention, ainsi que les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la violence et le racisme dans le contexte du football.

8.Le Comité se félicite des programmes d’embauche prioritaire visant à assurer une meilleure représentation des minorités dans la fonction publique et les entreprises publiques, et il encourage l’État partie à intensifier ses efforts dans cette perspective.

9.Le Comité note avec satisfaction la nomination d’un Israélien arabe à un poste ministériel, fait sans précédent dans l’histoire de l’État partie.

10.Le Comité se félicite de la promulgation en 2000 de la loi relative à l’interdiction de la discrimination dans l’accès aux produits, aux services, aux lieux de divertissement et aux lieux publics.

11.Le Comité note avec satisfaction que la fonction publique a pris des mesures pour qu’il soit tenu compte, sur le lieu de travail, des traditions et pratiques religieuses et culturelles des fonctionnaires issus de minorités.

12.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer le statut de la langue arabe, en particulier les mesures prises pour que les indications figurant sur tous les panneaux de signalisation en place sur les autoroutes et les axes interurbains soient également libellés en arabe, de même que celles des panneaux publics dans les municipalités au sein desquelles il existe une minorité arabe.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

13.Le Comité est conscient qu’il n’est pas aisé, pour l’État partie, d’assurer la pleine application de la Convention dans le climat de violence actuel. À la lumière des principes de l’instrument, l’État partie devrait cependant veiller à ce que les mesures de sécurité prises pour répondre à des préoccupations légitimes en la matière respectent le principe de proportionnalité, ne se traduisent pas par une discrimination, délibérée ou non, à l’égard des Israéliens arabes ou des Palestiniens des territoires palestiniens occupés, et soient mises en œuvre dans le plein respect des droits de l’homme et des principes applicables du droit international humanitaire.

14.Le Comité réaffirme que les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés, notamment en Cisjordanie, y compris à Jérusalem‑Est, non seulement sont illégales en droit international mais entravent également la jouissance des droits de l’homme par tous sans distinction fondée sur l’origine nationale ou ethnique. Les mesures tendant à modifier la composition démographique des territoires palestiniens occupés sont aussi préoccupantes du fait qu’elles constituent des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

D. Sujets de préoccupation et recommandations

15.Le Comité, gardant à l’esprit les explications fournies oralement par la délégation israélienne, relève cependant qu’aucun renseignement n’a été communiqué sur la diversité ethnique de la population juive d’Israël, eu égard en particulier à la loi du retour.

L’État partie est invité à donner des renseignements sur la composition ethnique de la population juive d’Israël pour permettre d’évaluer pleinement l’application des dispositions de la Convention dans les territoires relevant de la juridiction de l’État partie.

16.Le Comité constate avec satisfaction que plusieurs lois interdisent la discrimination raciale, notamment en matière de santé, d’emploi et d’éducation et en ce qui concerne l’accès aux produits et services, et il prend bonne note des éléments d’information fournis par la délégation israélienne au sujet de la jurisprudence de la Cour suprême. Le Comité demeure cependant préoccupé par l’absence de toute disposition générale consacrant l’égalité et interdisant la discrimination raciale dans la Loi fondamentale de 1992 relative à la dignité et à la liberté de l’être humain, qui a en Israël le statut d’une déclaration des droits (art. 2 de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que l’interdiction de la discrimination raciale et le principe de l’égalité fassent l’objet de normes générales très importantes du droit interne.

17.Le Comité note avec satisfaction l’affirmation de la délégation israélienne selon laquelle la judéité proclamée de l’État partie n’autorise pas les autorités à établir des distinctions entre les citoyens. Il note aussi qu’il a été affirmé que la seule différence de traitement notable entre les citoyens juifs et les autres en matière de jouissance des droits de l’homme découle des règles applicables à la détermination du droit d’immigrer en Israël, dans le cadre de la loi du retour, et que les privilèges visés ont pour objectif de renforcer l’identité nationale de l’État partie. Le Comité est préoccupé cependant par le fait que d’autres différences de traitement découleraient de cette distinction, en particulier dans l’accès à la terre et aux prestations (art. 1, 2 et 5 de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que la définition d’Israël comme un État ‑nation juif n’entraîne aucune distinction, exclusion, restriction ou préférence systématique fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique pour ce qui touche à la jouissance des droits de l’homme. Le Comité souhaiterait recevoir de plus amples renseignements sur la façon dont l’État partie envisage le renforcement de l’identité nationale de tous ses ressortissants.

18.Le Comité s’inquiète de ce que de nombreux Palestiniens sont privés du droit de revenir en Israël et d’y reprendre possession de leurs terres (art. 5 d) ii) et v) de la Convention).

Le Comité réaffirme le point de vue qu’il avait exprimé à ce sujet dans les précédentes observations finales et demande instamment à l’État partie d’assurer l’égalité en ce qui concerne le droit de revenir dans son pays et le droit à la propriété.

19.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu suffisamment d’informations de l’État partie sur le statut, le mandat et les attributions de l’Organisation sioniste mondiale, de l’Agence juive pour Israël et du Fonds national juif, ainsi que sur leurs budgets et financements respectifs. Il note avec inquiétude les informations selon lesquelles ces institutions administrent des terres, des logements et des services à l’intention exclusive de la population juive (art. 2 et 5 de la Convention).

Le Comité demande instamment à l’État partie de veiller à ce que ces organisations soient tenues de respecter le principe de la non-discrimination dans l’exercice de leurs fonctions.

20.Le Comité relève avec inquiétude que la loi du 31 mai 2003 sur les règles relatives à la nationalité et à l’entrée en Israël (dispositions provisoires) suspend la possibilité d’octroyer aux habitants des territoires palestiniens occupés la nationalité israélienne ou un permis de résidence en Israël, y compris dans le cadre du regroupement familial, sous réserve d’exceptions limitées laissées à l’appréciation des autorités. Ces mesures touchent essentiellement les Israéliens arabes souhaitant rejoindre leur famille en Israël. Tout en notant que l’État partie agit dans l’objectif légitime de garantir la sécurité de ses ressortissants, le Comité s’inquiète de ce que ces mesures «provisoires» sont reconduites de façon systématique et ont été étendues aux ressortissants des «États ennemis». De telles restrictions qui visent un groupe national ou ethnique particulier ne sont pas compatibles, d’une façon générale, avec les dispositions de la Convention, en particulier avec l’obligation, pour l’État partie, de garantir le droit de chacun à l’égalité devant la loi(art. 1, 2 et 5 de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie d’abroger la loi sur les règles relatives à la nationalité et à l’entrée en Israël (dispositions provisoires) et de revoir sa politique dans ce domaine de façon à faciliter le regroupement familial sans discrimination. L’État partie devrait veiller à ce que les restrictions frappant le regroupement familial soient strictement nécessaires et d’une portée limitée, et qu’elles ne soient pas imposées au motif de la nationalité, du lieu de résidence ou de l’appartenance à une communauté donnée.

21.Le Comité note avec inquiétude que le fait d’effectuer le service militaire offre des privilèges considérables dans l’accès à différents services publics, par exemple dans le domaine du logement et de l’éducation. Une telle situation n’est pas compatible avec les dispositions de la Convention, compte tenu de ce que la plupart des Israéliens arabes n’effectuent pas de service national (art. 2 et 5 de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures pour veiller à ce que l’accès aux services publics soit assuré à tous sans discrimination, qu’elle soit directe ou indirecte, fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique.

22.Le Comité constate avec une vive préoccupation qu’il continue d’exister des «secteurs» distincts pour les Juifs et les Arabes, en particulier dans le domaine du logement et de l’éducation, et que, selon certaines informations, cette distinction entraînerait une inégalité de traitement et une discrimination dans l’allocation de crédits. Le Comité regrette que les renseignements fournis par l’État partie sur ce point n’aient pas été suffisamment circonstanciés (art. 3, 5 et 7 de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie d’examiner dans quelle mesure le maintien de «secteurs» distincts pour les Arabes et les Juifs peut constituer une ségrégation raciale. L’État partie devrait élaborer et mettre en œuvre des stratégies et des projets visant à prévenir la séparation des communautés, notamment dans le domaine du logement et de l’éducation. Il conviendrait de promouvoir la mixité entre Juifs et Arabes en matière de logement et d’éducation et d’agir avec énergie en faveur de l’éducation interculturelle.

23.Le Comité se félicite des arrêts rendus par la Cour suprême dans les affaires Ka’adanc. l’Administration foncière israélienne (2000)et Kibboutz Sde ‑Nahum et consorts c. l’Administration foncière israélienne et consorts (2002), qui établissent que les terres du domaine public ne devraient pas être allouées en fonction de critères discriminatoires ni réservées à un secteur particulier. Il note que l’Administration foncière israélienne a adopté en conséquence de nouveaux critères d’admission applicables à l’ensemble des candidats mais il demeure préoccupé par le fait que la condition de l’aptitude à la vie «au sein d’une colonie de taille restreinte» peut empêcher, dans les faits, les Israéliens arabes de prétendre à certaines terres du domaine public (art. 2, 3 et 5 d) et e) de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que les terres du domaine public soient attribuées sans discrimination, qu’elle soit directe ou indirecte, fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique. L’État partie devrait évaluer la pertinence et l’impact du critère de l’aptitude sociale dans ce contexte.

24.Le Comité note les efforts consentis par l’État partie pour promouvoir le développement dans le secteur arabe, en particulier grâce au plan pluriannuel (2001-2004). Il reste toutefois préoccupé par le fait que les Israéliens arabes, pour qui l’offre éducative est moindre, sont défavorisés en ce qui concerne l’accès à l’emploi et que leur revenu moyen est nettement inférieur à celui des citoyens juifs. Il s’inquiète aussi des différences qui persistent entre les populations juive et non juive pour ce qui est du taux de mortalité infantile et de l’espérance de vie, et de ce que les femmes et les petites filles des minorités constituent souvent la catégorie la plus défavorisée (art. 2 et 5 e) de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour assurer aux Israéliens arabes la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels dans des conditions d’égalité, en particulier leur droit au travail, à la santé et à l’éducation. L’État partie devrait évaluer dans quelle mesure les comportements discriminatoires des employeurs à l’égard des Arabes, la pénurie d’emplois à proximité des communautés arabes et l’insuffisance du nombre de garderies dans les villages arabes contribuent au taux de chômage élevé des Arabes. Gardant à l’esprit la Recommandation générale XXV concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale qu’il a adoptée en 2000, le Comité recommande également à l’État partie d’accorder une attention particulière à la situation des femmes arabes à cet égard.

25.Le Comité exprime son inquiétude au sujet de la réinstallation dans des villes construites spécialement des Bédouins résidant dans des villages non autorisésdu Néguev/Naqab. Tout en prenant note des assurances de l’État partie que les projets ont été conçus en consultation avec les représentants des Bédouins, le Comité note avec inquiétude que les autorités ne semblent pas avoir examiné d’autres possibilités que ces déplacements, et que les Bédouins acceptent peut‑être cette solution contraints et forcés, faute d’avoir accès aux services de base dans leurs villages (art. 2 et 5 d) et e) de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie d’étudier des solutions autres que la réinstallation dans des villes construites spécialement des Bédouins résidant dans des villages non autorisés du Néguev/ Naqab , en particulier la reconnaissance officielle de ces villages et des droits des Bédouins de posséder, valoriser, administrer et exploiter les ressources et les biens communaux qu’ils possèdent, habitent ou exploitent traditionnellement. Il recommande à l’État partie de renforcer les efforts entrepris pour consulter les habitants des villages et il appelle l’attention sur le fait que l’État partie devrait, dans tous les cas, obtenir le consentement libre et éclairé des communautés concernées avant de procéder à leur réinstallation.

26.Le Comité note avec satisfaction que la législation de l’État partie interdit la rétention du passeport des travailleurs migrants, et la rétribution, par ces derniers, des services des agences pour l’emploi, et elle autorise les travailleurs migrants à changer d’employeur sans perdre leur permis de travail. Le Comité regrette cependant de ne pas avoir reçu suffisamment d’informations sur l’application dans les faits des lois pertinentes (art. 5 e) i) de la Convention).

L’État partie devrait ne rien négliger pour assurer la pleine application des lois pertinentes et communiquer à ce sujet au Comité des renseignements détaillés, notamment des statistiques. Le Comité appelle en outre l’attention de l’État partie sur la Recommandation générale XXX concernant la discrimination contre les non ‑ressortissants (2005) et encourage l’État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

27.Le Comité se déclare préoccupé par les informations selon lesquelles les examens psychotechniques visant à évaluer l’aptitude, la compétence et la personnalité des candidats à l’enseignement supérieur constituent une discrimination indirecte à l’égard des candidats arabes, allégation concernant laquelle l’État partie n’a pas formulé d’observations comme il avait été prié de le faire (art. 2 et 5 e) v) de la Convention).

L’État partie devrait veiller à ce que chacun ait accès à l’enseignement supérieur, sans discrimination, qu’elle soit directe ou indirecte, fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique.

28.Le Comité se déclare préoccupé par les informations selon lesquelles plusieurs lois porteraient création d’institutions culturelles juives sans qu’il existe aucun texte similaire au bénéfice des Israéliens arabes, et les lieux saints juifs et les lieux saints des autres religions ne bénéficieraient pas du même niveau de protection. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas formulé d’observations concernant ces allégations comme il avait été prié de le faire(art. 2, 5 d) vii) et e) vi), et 7 de la Convention).

L’État partie devrait assurer que la promotion des institutions culturelles et la protection des Lieux saints tant de la communauté juive que des autres communautés religieuses fassent l’objet de lois et de programmes dans des conditions d’égalité.

29.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas communiqué d’informations détaillées, comme il y avait été invité, sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, d’inculpations et de poursuites concernant des actes érigés en infractions par les articles 133 et 144 A‑E du Code pénal, ainsi que sur les résultats des procédures. Le Comité est préoccupé par le fait que le Conseiller juridique du Gouvernement aurait désormais pour politique d’éviter autant que faire se peut de poursuivre les hommes politiques, hauts fonctionnaires et autres personnalités publiques qui tiennent des propos haineux contre la minorité arabe, politique que l’État partie ne saurait justifier en invoquant simplement le droit à la liberté d’expression (art. 4 de la Convention).

L’État partie devrait accroître ses efforts pour prévenir les infractions à caractère raciste et les incitations à la haine et veiller à l’application effective des dispositions applicables du droit pénal. Le Comité rappelle que l’exercice du droit à la liberté d’expression est assorti de devoirs et responsabilités particuliers, notamment l’obligation de ne pas propager des idées racistes. Il recommande à l’État partie de prendre des mesures énergiques pour combattre toute tendance à prendre pour cible, stigmatiser, stéréotyper ou caractériser par leur profil des individus en se fondant sur la race, la couleur, l’ascendance et l’origine nationale ou ethnique, en particulier de la part de responsables politiques. Rappelant la Recommandation générale XXXI sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale qu’il a adoptée en 2005, le Comité invite aussi l’État partie à rappeler aux parquets l’importance générale qui s’attache à l’exercice de l’action publique contre les auteurs d’actes de racisme, notamment toutes les infractions de caractère raciste.

30.Le Comité note avec inquiétude qu’un grand nombre de plaintes formées par des Israéliens arabes contre des agents de la force publique ne feraient pas l’objet d’enquêtes appropriées et utiles et que l’Unité chargée des enquêtes concernant la police (Mahash) au sein du Ministère de la justice manquerait d’indépendance. Il regrette que l’État partie n’ait pas formulé d’observations concernant cette allégation, comme il y avait été invité, et qu’il n’ait pas indiqué non plus si les responsables du meurtre de 14 Israéliens commis en octobre 2000 ont été poursuivis et condamnés (art. 4, 5 a) et b) et 6 de la Convention).

Compte tenu de la Recommandation générale XXXI (2005) du Comité, l’État partie devrait garantir le droit de toute personne placée sous sa juridiction à un recours effectif contre les auteurs d’actes de discrimination raciale ou d’inspiration raciste, sans discrimination d’aucune sorte, que ces actes aient été commis par des particuliers ou par des agents de l’État, ainsi que le droit de demander une réparation juste et adéquate du préjudice subi . L’État partie devrait assurer que les plaintes soient enregistrées immédiatement et fassent sans délai l’objet d’enquêtes efficaces, indépendantes et impartiales.

31.Le Comité note que l’État partie n’a pas créé d’organisme spécialement chargé de la discrimination raciale ni d’institution nationale relative aux droits de l’homme, contrairement à ce qui est recommandé dans les Principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, (Principes de Paris), tels qu’ils figurent en annexe à la résolution 48/134 de l’Assemblée générale (art. 2 et 6 de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie d’étudier la possibilité de créer un mécanisme national pour remédier à la discrimination raciale sous la forme, soit d’un organisme spécialement chargé de la discrimination raciale, soit d’une institution nationale pour les droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris.

Les territoires palestiniens occupés

32.Le Comité note une nouvelle fois avec préoccupation que l’État partie estime que la Convention n’est pas applicable aux territoires palestiniens occupés et au plateau du Golan. Un tel point de vue n’est conforme ni à la lettre ni à l’esprit de la Convention, pas plus qu’au droit international, comme l’a également établi la Cour internationale de Justice. Le Comité relève avec inquiétude que l’État partie affirme pouvoir opérer une distinction légitime, fondée sur la nationalité entre Israéliens et Palestiniens dans les territoires palestiniens occupés. Le Comité souligne de nouveau que les colonies israéliennes sont illégales en droit international.

Le Comité recommande à l’État partie de reconsidérer sa position et d’interpréter de bonne foi les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention, suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes de l’instrument dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. Le Comité recommande également à l’État partie de faire en sorte que les Palestiniens jouissent de l’intégralité des droits énoncés dans la Convention, sans discrimination fondée sur la nationalité ou l’origine nationale.

33.Tout en relevant que la Cour suprême a recommandé la modification du tracé du mur pour éviter que certaines localités palestiniennes ne subissent un préjudice disproportionné, le Comité s’inquiète de ce que l’État partie ait délibérément ignoré l’avis consultatif que la Cour internationale de Justice a rendu en 2004 sur les conséquences juridiques de l’édification du mur dans les territoires palestiniens occupés. Le Comité considère que le mur et le régime qui y est associé sont une source de vive préoccupation concernant l’application de la Convention puisqu’ils portent gravement atteinte à un certain nombre de droits de l’homme des Palestiniens résidant sur le territoire occupé par Israël. Ces violations ne peuvent être justifiées par des contraintes militaires ou des impératifs liés à la sécurité nationale ou à l’ordre public (art. 2, 3 et 5 de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de mettre un terme à la construction du mur dans les territoires palestiniens occupés, notamment à l’intérieur et autour de Jérusalem-Est, de démanteler la construction située dans cette zone et d’offrir réparation pour tous les préjudices causés par l’édification du mur. Le Comité recommande également à l’État partie de prendre des dispositions pour donner pleinement effet à l’ avis c o nsultatif que la Cour internationale de Justice a rendu en 2004 sur les conséquences juridiques de l’édification du mur dans les territoires palestiniens occupés.

34.Le Comité est vivement préoccupé par le fait que les restrictions importantes de la liberté de circulation imposées dans les territoires palestiniens occupés, qui visent un groupe national ou ethnique donné, en particulier au moyen du mur, des postes de contrôle, des restrictions de la circulation sur certaines routes et du système de permis, sont à l’origine de graves difficultés et ont eu des effets hautement préjudiciables sur la jouissance des droits de l’homme par lesPalestiniens, en particulier leurs droits à la liberté de circulation, à la vie familiale, au travail, à l’éducation et à la santé. Il s’inquiète également de ce que l’ordonnance du 19 novembre 2006 sur la circulation et les déplacements portant restriction des déplacements à bord de véhicules israéliens en Judée et Samarie, qui interdit aux Israéliens de prendre des Palestiniens à bord de leur véhicule en Cisjordanie, sauf dans de rares cas, ait été suspendue et non pas annulée(art. 2, 3 et 5 de la Convention).

L’État partie devrait réexaminer ces mesures de façon à assurer que les restrictions frappant la liberté de circulation ne soient pas systématiques mais restent des mesures temporaires et exceptionnelles, qu’elles ne soient pas appliquées d’une façon discriminatoire et qu’elles n’entraînent pas une ségrégation des communautés. L’État partie devrait assurer aux Palestiniens la jouissance de leurs droits de l’homme, en particulier de leurs droits à la liberté de circulation, à la vie familiale, au travail, à l’éducation et à la santé.

35.Le Comité note avec préoccupation l’application, dans les territoires palestiniens occupés, de lois, politiques et pratiques différentes selon qu’elles visent desPalestiniens ou des Israéliens. Il s’inquiète en particulier de ce que les Palestiniens seraient lésés par une distribution inéquitable de l’eau, qu’ils seraient visés plus que d’autres par les opérations de démolition de maisons et que des dispositions différentes du droit pénal leur seraient appliquées, ce qui entraînerait, pour des infractions identiques, des périodes de détention plus longues et des peines plus sévères pour les Palestiniens que pour les Israéliens (art. 2, 3 et 5 de la Convention).

L’État partie devrait assurer un accès égal à l’eau pour tous sans discrimination d’aucune sorte . En outre, le Comité appelle de nouveau à la cessation des opérations de démolition de maisons appartenant à des Arabes, en particulier à Jérusalem-Est, et au respect des droits patrimoniaux, indépendamment de l’origine nationale ou ethnique du propriétaire. Même si des régimes juridiques différents peuvent s’appliquer aux Israéliens vivant dans les territoires palestiniens occupés et aux Palestiniens, l’État partie devrait veiller à ce qu’une même infraction entraîne toujours la même peine, quelle que soit la nationalité de son auteur.

36.Le Comité est préoccupé par les fouilles en cours sous la mosquée d’Al-Aqsa et à proximité et les dommages irréparables qui pourraient être ainsi causés à l’édifice (art. 5 d) vii) et e) vi) et 7 de la Convention).

Tout en soulignant que la mosquée d’ Al-Aqsa est un site religieux et culturel important pour les habitants des territoires palestiniens occupés, le Comité prie instamment l’État partie de veiller à ce que les fouilles ne fassent courir aucun risque à la mosquée et n’en entravent pas l’accès.

37.Le Comité s’inquiète de la persistance des violences perpétrées par des colons juifs, en particulier dans la région d’Hébron (art. 4 et 5 de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour protéger les Palestiniens contre de telles violences. L’État partie devrait veiller à ce que les incidents de ce type fassent l’objet d’enquêtes promptes, transparentes et indépendantes, que les coupables soient poursuivis et condamnés et que les victimes disposent de voies de recours.

38.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité renvoie à la résolution 57/194 de l’Assemblée générale, du 18 décembre 2002, dans laquelle l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement. L’Assemblée générale a formulé une invitation similaire dans sa résolution 58/160 du 22 décembre 2003.

39.Le Comité note que l’État partie n’a pas fait la déclaration facultativeprévue à l’article 14 de la Convention et l’engage instamment à envisager de le faire.

40.Le Comité recommande à l’État partie de mettre à la disposition du grand public ses rapports périodiques dès leur soumission et de diffuser de la même manière en hébreu et en arabe les conclusions du Comité concernant ces rapports.

41.Le Comité recommande à l’État partie de consulter largement les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale lors de l’élaboration du prochain rapport périodique.

42.Le Comité invite l’État partie à présenter son document de base conformément aux prescriptions applicables au document de base commun figurant dans les Directives harmonisées pour l’établissement de rapports qui ont été adoptées récemment par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).

43.Conformément au paragraphe 1 de l’article 65 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait adresser dans un délai d’un an des renseignements sur la suite donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 20, 22, 25 et 34. Le Comité est conscient que les questions soulevées au paragraphe 22 ne trouveront pas nécessairement de solution dans un délai d’un an, mais il souhaite recevoir les observations de l’État partie concernant les préoccupations exprimées par le Comité ainsi que des renseignements sur les premières mesures qui auront été prises pour donner suite à ses recommandations.

44.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre en un seul document ses quatorzième, quinzième et seizième rapports périodiques, dus le 2 février 2010, et que ce rapport constitue un document à jour traitant tous les points soulevés dans les présentes observations finales.

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