NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/91/D/1474/200614 novembre 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑onzième session15 octobre‑2 novembre 2007

CONSTATATIONS

Communication n o  1474/2006

Présentée par:

M. Gareth Anver Prince (représenté par un conseil, M. Frans Viljoen)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Afrique du Sud

Date de la communication:

20 octobre 2005 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 24 mai 2006 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

31 octobre 2007

Objet: Utilisation religieuse du cannabis

Questions de procédure: Épuisement des recours internes, autre instance internationale d’enquête ou de règlement; recevabilité ratione temporis; effets persistants

Questions de fond: Liberté de religion; manifestation de sa religion; discrimination indirecte; droit des minorités de pratiquer leur propre religion

Articles du Pacte: 18, 26 et 27

Articles du Protocole facultatif: 1 et 5 (al. a et b)

Le 31 octobre 2007, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci‑annexé en tant que constatations concernant la communication no 1474/2006 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑onzième session

concernant la

Communication n o  1474/2006 *

Présentée par:

M. Gareth Anver Prince (représenté par un conseil, M. Frans Viljoen)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Afrique du Sud

Date de la communication:

20 octobre 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 31 octobre 2007,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1474/2006, présentée au nom de M. Gareth Anver Prince en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est M. Gareth Anver Prince, de nationalité sud‑africaine, né le 6 décembre 1969. Il se dit victime de violations, par l’Afrique du Sud, des droits qui lui sont reconnus au titre du paragraphe 1 de l’article 18, de l’article 26 et de l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Pacte et le Protocole facultatif sont entrés en vigueur, pour l’Afrique du Sud, le 10 mars 1999 et le 28 novembre 2002, respectivement. L’auteur est représenté par un conseil, M. Frans Viljoen.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est un adepte de la religion rastafarienne, qui a pris naissance en Jamaïque puis en Éthiopie, sous la forme d’un mouvement de conscience de la négritude ayant pour but d’en finir avec le colonialisme, l’oppression et la domination. Il y a environ 12 000 rastafariens en Afrique du Sud. L’utilisation du cannabis sativa (cannabis) est au cœur de la religion rastafarienne. Il est utilisé lors des rassemblements religieux et dans l’intimité du foyer, où cela ne peut choquer autrui. Le cannabis est fumé lors des cérémonies religieuses dans un narguilé pour célébrer la Sainte Communion, et il est également brûlé comme encens. En privé, le cannabis est également utilisé comme encens, pour le bain, pour fumer, boire et manger. En Afrique du Sud, tous les rastafariens n’appartiennent pas à des organisations formelles, mais il existe quatre maisons rastafariennes ainsi qu’un Conseil national rastafarien (Rastafari National Council).

2.2L’auteur a obtenu tous les diplômes nécessaires pour devenir avocat. Avant d’être autorisé à exercer, en Afrique du Sud, les futurs avocats doivent non seulement obtenir les diplômes universitaires requis, mais accomplir également une période de service d’intérêt général exigé par la loi intitulée Attorneys Act. L’auteur s’est adressé à l’organisme compétent (la Law Society du Cap de Bonne Espérance) pour faire enregistrer son contrat de service d’intérêt général. Pour se prononcer, la Law Society doit déterminer si le candidat est une «personne apte et convenable». Un passé judiciaire ou une propension à la délinquance sont susceptibles de compromettre le résultat de l’évaluation.

2.3En vertu de la loi sur les stupéfiants et le trafic de stupéfiants (Drugs and Drug Trafficking Act) et de la loi sur le contrôle des médicaments et des substances apparentées (Medicines and Related Substances Control Act), le fait de posséder ou d’utiliser du cannabis constitue entre autres une infraction. Ces lois prévoient des exceptions, dans des conditions spécifiées, pour les patients, les médecins, les dentistes, les pharmaciens, d’autres professionnels ou quiconque s’est trouvé «par ailleurs d’une manière légale en possession d’une substance interdite».

2.4Lorsqu’il a présenté sa demande à la Law Society, l’auteur a révélé qu’il avait été par deux fois reconnu coupable de possession de cannabis, et a exprimé son intention de continuer à utiliser le cannabis pour suivre les préceptes de sa religion. Sa demande d’enregistrement pour le service d’intérêt général a par conséquent été refusée. Il s’est alors trouvé dans la situation de devoir choisir entre sa foi et sa carrière d’avocat.

2.5L’auteur a fait valoir devant les tribunaux sud-africains que le fait que la législation pertinente ne comporte pas d’exception autorisant les rastafariens authentiques à posséder et à utiliser le cannabis à des fins religieuses constitue une violation de ses droits constitutionnels au titre de la Charte sud‑africaine des droits. Le 23 mars 1998, la High Court du Cap a rejeté le recours en révision de la décision rendue par la Law Society qu’avait formé l’auteur. Le 25 mai 2000, la Cour suprême a rejeté son appel. La Cour constitutionnelle a rendu deux arrêts, le 12 décembre 2000 et le 25 janvier 2002. Dans ce dernier arrêt, par une majorité de 5 voix contre 4, la Cour constitutionnelle a statué que, même si la loi sur les stupéfiants limitait les droits constitutionnels de l’auteur, cette limitation était raisonnable et justifiée en vertu de l’article 36 de la Constitution. La minorité a jugé inconstitutionnelle l’interdiction de l’utilisation et de la possession de cannabis dans la pratique religieuse lorsqu’elle ne crée pas de risque inacceptable pour la société et l’individu, et a considéré que le Gouvernement devait autoriser une exception.

2.6En 2002, l’auteur s’est adressé à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. La question posée était celle de savoir si l’absence d’exception, pour les rastafariens authentiques, à l’interdiction d’utiliser et de posséder du cannabis à des fins religieuses était une violation de la Charte africaine. En décembre 2004, la Commission africaine a conclu qu’il n’y avait pas eu violation des droits de l’auteur, contrairement aux allégations de celui‑ci.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’il y a violation du paragraphe 1 de l’article 18 du Pacte, et renvoie à l’Observation générale no 22, aux termes de laquelle le concept de culte «comprend les actes rituels et cérémoniels exprimant directement une conviction». L’auteur est un adepte authentique du rastafarisme. L’utilisation du cannabis est admise comme faisant partie intégrante de cette religion et comme élément fondamental de sa pratique. L’auteur affirme que l’État partie a l’obligation positive de prendre des mesures pour protéger de facto le droit de l’auteur à la liberté de religion.

3.2L’auteur fait valoir que son cas est différent de l’affaire Bhinder c. Canada, parce que la justification de la restriction en l’espèce est beaucoup moins concrète, et que l’absence d’exception en faveur des rastafariens répond à des considérations pragmatiques telles que le coût à assumer et les difficultés à surmonter pour appliquer et faire respecter une exception. L’auteur est pleinement informé de tout risque éventuel qu’il pourrait courir personnellement, et il est disposé à l’accepter. Il fait valoir que le souci légitime d’éviter les effets préjudiciables liés à l’utilisation de substances dangereuses engendrant la dépendance ne nécessite pas d’interdiction générale de l’utilisation et de la possession de cannabis à des fins religieuses. Cette restriction est excessive en ce qu’elle affecte toutes les utilisations de cannabis par les rastafariens, quelles qu’en soient la forme, la quantité concernée ou les circonstances, alors que l’utilisation du cannabis à des fins religieuses prend de nombreuses formes. Une exception ciblée ne déclencherait pas une vague d’utilisation illicite; et rien ne prouve qu’une exception entraînerait des risques notables pour la santé ou la sécurité de la société dans son ensemble. Refuser de reconnaître à l’auteur le droit à la liberté de religion est disproportionné à ce qui est nécessaire pour atteindre un objectif légitime.

3.3L’auteur affirme être victime d’une violation de l’article 26, parce que le fait de ne pas distinguer la religion rastafarienne des autres religions constitue une discrimination. Il est contraint de choisir entre la fidélité aux préceptes de sa religion et le respect des lois du pays.

3.4L’auteur affirme que le fait de ne pas chercher à établir une exception effective en faveur des rastafariens représente une violation de l’article 27. Le rastafarisme a un caractère essentiellement collectif en ce qu’il représente une manière de vivre particulière, en commun avec les autres. Ce mode de vie a de profondes racines africaines.

3.5L’auteur affirme que sa communication est recevable. Elle n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement, étant donné que la Commission africaine s’est déjà prononcée sur le fond. Il a épuisé les recours internes, son affaire ayant été examinée par la Cour suprême d’appel et par la Cour constitutionnelle.

3.6L’auteur fait valoir que sa plainte est recevable ratione temporis. Bien que les juridictions nationales aient rendu leur jugement avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie en 2002, les violations alléguées constituent des «violations qui perdurent» ayant des «effets persistants», qui se prolongent pendant la période postérieure à l’entrée en vigueur du Protocole jusqu’au moment présent. La loi intitulée Attorneys Act 53 de 1979 ainsi que la loi sur les stupéfiants et le trafic de stupéfiants intitulée Drugs and Drug Trafficking Act 140 de 1992 demeurant en vigueur, le cadre législatif constitue toujours un obstacle à la libre expression par l’auteur de son droit à une religion. L’auteur renvoie à l’affaire Lovelace c. Canadaet fait valoir que sa communication concerne l’effet persistant de la loi sur les avocats (Attorneys Act) et de la loi sur le trafic de stupéfiants (Drugs Traffic Act), d’où il résulte qu’il ne peut se faire enregistrer pour le service d’intérêt général par la Law Society.

Observations de lÉtat partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 24 juillet 2006, l’État partie a présenté des observations sur la recevabilité de la communication. Il fait valoir que les recours internes n’ont pas été épuisés car l’auteur, lorsqu’il s’est adressé aux tribunaux nationaux, n’a pas demandé que l’interdiction du cannabis soit déclarée inconstitutionnelle et non valable, et qu’elle soit retirée des lois en question en faveur de l’ensemble de la population, ce qui est la manière habituelle de contester les dispositions législatives considérées comme incompatibles avec la Constitution. L’auteur s’est borné à contester la constitutionnalité des lois interdisant l’utilisation du cannabis dans la mesure où ces lois ne comportaient pas d’exception en faveur d’une minorité de 10 000 personnes visant à autoriser l’utilisation du cannabis à des fins religieuses. L’État partie estime que la raison pour laquelle l’interdiction de la possession et de l’utilisation du cannabis reste en vigueur est le résultat de la démarche peu judicieuse adoptée par l’auteur devant les juridictions nationales.

4.2L’État partie affirme que la communication est irrecevable ratione temporis. Le Protocole facultatif est entré en vigueur, pour l’État partie, le 28 novembre 2002. Les faits et les actions intentées devant les tribunaux nationaux se sont déroulés avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif, puisque la Cour constitutionnelle a rendu son arrêt définitif le 25 janvier 2002. Quant à l’argument de l’auteur selon lequel cette violation a des effets persistants parce que les lois en question interdisent toujours la possession et l’utilisation du cannabis, l’État partie le considère comme non recevable parce que l’auteur n’a pas demandé que ces lois d’interdiction soient déclarées inconstitutionnelles et non valables. L’auteur ne peut donc affirmer que le fait que ces lois s’appliquent encore constitue une violation persistante. L’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité selon laquelle les effets persistants peuvent être considérés comme une confirmation des violations antérieures alléguées. Il fait observer qu’il n’a pas eu à confirmer les dispositions concernées des lois pertinentes, qui demeurent inchangées.

4.3L’État partie rappelle que les mêmes faits ont déjà été examinés par la Commission africaine, qui n’a constaté aucune violation de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. L’État partie est d’avis que le Comité devrait élargir l’interprétation littérale qu’il fait de l’expression «en cours d’examen» pour se pencher sur des questions de fond telles que le phénomène du «recours» d’un organe à un autre, car il existe un risque considérable de «recherche du for le plus favorable en matière de droits de l’homme». Selon lui, la présente affaire offre au Comité la possibilité de donner des indications claires, dans un esprit novateur et créatif, sur la manière dont il entend contribuer au maintien d’un système international des droits de l’homme unifié, crédible et respecté.

4.4Le 24 novembre 2006, l’État partie a communiqué des observations sur le fond. Il fait valoir que si sa législation a bien pour effet de limiter le droit à la liberté de religion des rastafariens, cette restriction est raisonnable et justifiée au sens de la clause énoncée au paragraphe 3 de l’article 18. En outre, cette restriction est proportionnée et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes énoncés dans cet article, à savoir la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publics, ou de la morale et des libertés et droits fondamentaux d’autrui. La High Court du Cap, la Cour suprême et la Cour constitutionnelle ont toutes conclu que la législation dont l’auteur se plaignait limitait ses droits constitutionnels, mais que cette restriction était raisonnable et justifiée au regard de l’article 36 de la Constitution de l’État partie.

4.5Pour l’État partie, la question essentielle qui se pose au Comité n’est pas celle de savoir s’il y a eu restriction des droits des rastafariens, mais si cette restriction s’inscrit dans le cadre de la clause énoncée au paragraphe 3 de l’article 18. Il souligne qu’au niveau national, l’auteur n’a pas contesté la constitutionnalité de l’interdiction de posséder et d’utiliser du cannabis, reconnaissant que cette interdiction répond à un objectif légitime, mais a prétendu que cette interdiction est trop large et qu’une exception devrait être faite pour l’utilisation religieuse du produit par les rastafariens. Dans la procédure intentée devant la High Court du Cap, l’auteur a demandé que la possession et l’utilisation du cannabis à des fins religieuses par les rastafariens soient légalisées. En appel, il a demandé qu’une exception soit également accordée pour le transport et la culture du cannabis, puis, devant la Cour constitutionnelle, l’exception demandée était beaucoup plus large car il s’agissait de l’importation et du transport du cannabis vers des centres d’utilisation et de distribution destinés aux rastafariens. Il s’ensuit que l’objet du recours présenté par l’auteur, concrètement, est d’obtenir une exception afin de légaliser toute la chaîne des opérations englobant la culture, l’importation, le transport, l’offre et la vente de cannabis aux rastafariens. En pratique, la seule solution possible serait de créer et de mettre en œuvre une chaîne «légale» d’offre de cannabis, qui fonctionnerait parallèlement et à titre d’exception au commerce illicite de cannabis. Dans l’arrêt de la Cour constitutionnelle de 2002, la majorité a conclu, après avoir étudié attentivement la clause de restriction figurant à l’article 36 de la Constitution et la législation étrangère applicable, que l’objet du recours ne pouvait être mis en œuvre dans la pratique.

4.6En concluant que l’interdiction «générale» de l’utilisation du cannabis était proportionnée à l’objectif légitime de protéger le public des dommages causés par l’usage des drogues, la Cour constitutionnelle a soigneusement mesuré l’importance de cette restriction, les liens entre la restriction et son but, ainsi que l’effet qu’une exception pour des raisons religieuses aurait sur l’objectif global de cette restriction, par rapport au droit de l’auteur à la liberté de religion. Elle a pris en compte la nature et l’importance de ce droit dans une société démocratique fondée sur la dignité humaine, l’égalité et la liberté, l’importance de l’usage du cannabis dans la religion rastafarienne et l’effet de cette restriction sur le droit de pratiquer sa religion.

4.7Concernant la mention de l’affaire Bhinder par le conseil qui a affirmé que le fait d’autoriser une exception en faveur des rastafariens ne présenterait guère de danger pour la sécurité ou la santé publiques, l’État partie réaffirme que l’application d’un système de permis serait source de difficultés pratiques et qu’il est impossible d’empêcher une substance dangereuse d’échapper au système de contrôle et de menacer l’ensemble de la société. La Cour constitutionnelle a examiné des rapports d’expertise médicale démontrant les effets préjudiciables du cannabis et les a suivis.

4.8L’État partie invoque la décision d’irrecevabilité rendue par le Comité dans l’affaire M.A.B., W.A.T. et J. ‑A.Y.T. c. Canada, dans laquelle il a considéré que l’utilisation du cannabis à des fins religieuses ne saurait entrer dans le champ d’application de l’article 18. L’État partie conclut qu’il n’y a pas eu violation de l’article 18.

4.9En ce qui concerne le grief invoqué par l’auteur au titre de l’article 26, l’État partie rappelle que les distinctions sont justifiées, à condition qu’elles soient fondées sur des critères raisonnables et objectifs, ce qui dépend des circonstances spécifiques et de la situation générale du pays concerné. Il renvoie aux constatations du Comité dans l’affaire Broeks, dans lesquelles le Comité a soutenu que «le droit à l’égalité devant la loi et à une égale protection de la loi, sans discrimination, ne donne pas un caractère discriminatoire à toutes les différences de traitement. Une différence fondée sur des critères raisonnables et objectifs n’équivaut pas à un acte discriminatoire, au sens de l’article 26».

4.10La législation de l’État partie et la restriction applicable au cannabis s’appliquent de manière égale à tous, aux rastafariens comme aux autres. Par conséquent, cette restriction ne viole pas le droit à l’égalité de traitement ni à l’égalité devant la loi. L’auteur revendique le droit d’obtenir des mesures concrètes, qui se solderaient par d’importants coûts financiers et administratifs, en faveur des rastafariens afin que ce groupe soit à égalité avec tous les autres groupes religieux. Mais un traitement spécial de ce type en faveur des rastafariens pourrait être interprété comme une forme de discrimination contre d’autres groupes de la société qui estiment aussi avoir des besoins spéciaux et des prétentions légitimes à être exemptés de l’application de certaines dispositions de la législation interne. Les obligations énoncées à l’article 26 concernent l’égalité, la non‑discrimination et l’égale protection de la loi, normes qui sont également inscrites et protégées dans la Constitution de l’État partie. Une égale protection dans ce contexte n’implique pas l’obligation de prévoir des exceptions pour certaines catégories de personnes.

4.11En ce qui concerne le grief formulé par l’auteur au titre de l’article 27, l’État partie fait observer que sa Constitution contient le même droit formulé en des termes presque identiques. Il est reconnu de part et d’autre que les rastafariens forment un groupe religieux minoritaire dans la société sud‑africaine. Lorsqu’elle s’est prononcée, la Cour constitutionnelle a pris en considération la protection apportée aux groupes religieux minoritaires, comme les rastafariens, aux termes du paragraphe 1 de l’article 15, et de l’article 31 de la Constitution, ainsi que la protection constitutionnelle dont a besoin un petit groupe vulnérable et marginalisé comme les rastafariens. La Cour a conclu que l’objet du recours de l’auteur était difficile à mettre en œuvre et a constaté que la législation citée énonçait des restrictions raisonnables et justifiées au droit à la liberté de religion, notamment dans le contexte des dispositions de l’article 31 de la Constitution concernant les liens à établir avec d’autres organes de la société.

4.12L’État partie souligne que l’auteur n’a pas agi au nom des rastafariens en tant que groupe devant les juridictions nationales et devant le Comité. De surcroît, il n’a pas présenté au Comité de faits pour étayer son opinion selon laquelle les rastafariens en tant que groupe minoritaire font l’objet d’une discrimination qui les stigmatise. Si le droit d’utiliser le cannabis pendant des cérémonies religieuses n’est pas accordé aux membres d’un groupe minoritaire en raison de restrictions raisonnables et justifiées, un tel droit ne saurait se transformer en droit collectif, car les mêmes restrictions s’appliqueront.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 31 janvier 2007, l’auteur a fait des commentaires sur les observations de l’État partie, réaffirmant que sa communication était recevable. Concernant l’irrecevabilité ratione temporis invoquée par l’État partie, l’auteur fait valoir que si la violation ou ses effets persistent après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif alors, bien que l’entrée en vigueur du Protocole soit postérieure à la violation elle‑même, il convient de conclure à une violation persistante et de déclarer la communication recevable. La Cour constitutionnelle a exprimé l’avis que la législation en cause dans l’affaire est constitutionnelle. Cette législation est encore en vigueur. On ne saurait s’attendre que l’auteur «produise» les mêmes arguments devant les mêmes tribunaux concernant la même législation − en fait, par une telle démarche, l’auteur se verrait répondre par les tribunaux qu’il s’agit d’une chose jugée, ou que l’affaire est sans objet. Quoi qu’il en soit, l’auteur est dans l’impossibilité de se faire enregistrer pour le contrat de service d’intérêt général, qui est exigé pour exercer en tant qu’avocat; il ne peut donc embrasser la profession qu’il a choisie à cause de ses convictions religieuses.

5.2Sur la question de l’épuisement des recours internes, l’auteur reconnaît que les actions intentées devant les tribunaux sud-africains ne visaient pas à contester la constitutionnalité de l’interdiction générale visant la possession et l’utilisation du cannabis, mais de contester la constitutionnalité de la législation pertinente seulement dans la mesure où elle ne prévoit pas d’exception spécifique autorisant un groupe particulier à posséder et à utiliser du cannabis, pour des motifs religieux reconnus. En droit sud-africain, le plaignant est autorisé à contester la constitutionnalité de la législation lorsqu’elle est excessive et n’est pas tenu de contester la validité constitutionnelle d’une «disposition générale» dans sa totalité, comme l’affirme l’État partie. En fait, la Cour constitutionnelle elle-même a caractérisé la requête constitutionnelle de l’auteur comme attaquant des «dispositions trop générales», et l’a examinée sur cette base.

5.3Concernant le fond, l’auteur accepte que le droit à la liberté de religion puisse être limité de manière raisonnable et justifiée. Il n’affirme pas que le paragraphe 3 de l’article 18 du Pacte ne s’applique pas à son cas. Alors que l’État partie souligne que la Cour constitutionnelle a procédé à un «examen approfondi» des facteurs pertinents, l’auteur fait observer que l’arrêt de la Cour a été adopté à une très faible majorité, soit 5 voix contre 4. L’auteur affirme que le Gouvernement n’a pas examiné convenablement toutes les formes possibles que pourraient prendre un amendement législatif et une infrastructure administrative appropriés permettant une exception ciblée. Au nom des juges ayant émis une opinion minoritaire, le juge Ngcobo a noté que les représentants de l’État n’ont pas déclaré «qu’il serait impossible de régler ces problèmes par une législation et une infrastructure administratives appropriées». Il n’est pas nécessaire de brandir le spectre de «toute une chaîne englobant la culture, l’importation, le transport, l’offre et la vente» du cannabis, car tout ce que demande le requérant est que l’utilisation religieuse qu’il fait du cannabis s’inscrive dans le cadre législatif et administratif de la législation existante. Le Gouvernement n’a pas lancé de processus consultatif pour déterminer de quelle manière les droits de l’auteur pourraient s’exercer dans le cadre d’un système réaliste qui ne crée pas les risques évoqués dans les rapports d’expertise.

5.4L’auteur renvoie à l’Observation générale no 22 du Comité sur l’article 18, selon laquelle les restrictions imposées au droit de pratiquer ou de manifester sa religion doivent être prévues par la loi et ne doivent pas être appliquées d’une manière propre à vicier les droits garantis par l’article 18. Il fait valoir que les lois en question sont appliquées d’une manière qui nie le droit de l’auteur de pratiquer et de manifester sa religion dans la mesure où sa liberté d’utiliser le cannabis à des fins religieuses lui est refusée.

5.5L’auteur estime que si des dérogations à l’interdiction d’utiliser le cannabis ont pu être accordées à des fins médicales et professionnelles et si l’État partie pouvait les faire dûment respecter, des dérogations à cette même interdiction pourraient également être octroyées pour des motifs religieux et l’État partie pourrait les faire dûment respecter sans charge supplémentaire. Le fait de ne prévoir et de ne vouloir accorder aucune dérogation en faveur de l’utilisation religieuse du cannabis est une négation de la liberté de manifester sa religion reconnue à l’auteur par l’article 18, et ne saurait être justifié aux termes du paragraphe 3 de l’article 18.

5.6En ce qui concerne l’article 26, l’auteur réaffirme que la situation juridique actuelle constitue une violation de fait de son droit à l’égalité, et que le Gouvernement a le devoir de corriger cette situation. Selon lui, la loi déclarant illicite la possession et l’utilisation du cannabis s’applique à «chacun» et ne désigne pas nommément les rastafariens, mais elle a pour effet d’établir une discrimination à leur encontre, parce qu’elle les affecte eux et leur religion, en particulier, et non pas tout un chacun et sa religion.

5.7L’auteur estime qu’il appartient au Comité de déterminer si ses droits ont été raisonnablement pris en compte. Si ce n’est pas le cas, une clause d’exception réaliste doit être trouvée − non par le Comité, mais par le pouvoir exécutif de l’État partie. Pour définir la solution la plus réalisable, le Parlement tiendra compte de facteurs tels que les coûts administratifs et financiers. Ce sont des considérations qui peuvent peser sur le choix qu’il fera, mais qui ne sauraient justifier une violation du Pacte.

5.8L’auteur affirme qu’en qualité de membre d’une minorité religieuse, il peut invoquer l’article 27, dont peuvent seulement se réclamer les «personnes appartenant» à ce type de minorité. L’auteur n’a peut‑être pas agi explicitement «au nom de» tous les rastafariens, mais il ressort de l’opinion majoritaire comme de l’opinion minoritaire des juges de la Cour constitutionnelle que l’auteur est un membre de la communauté rastafarienne, et que la pratique de sa religion présente d’importants éléments collectifs.

5.9Enfin, l’auteur est d’avis que c’est à l’État partie qu’il incombe de prouver que l’intérêt de l’État l’emporte sur celui de l’auteur. Se borner à affirmer qu’un système de permis en faveur de l’auteur serait contraignant à appliquer n’est pas une preuve, d’autant plus qu’il y a déjà des exceptions à l’interdiction générale du cannabis en vertu des lois de l’État partie. La restriction imposée à la pratique de la religion rastafarienne qui découle de la législation de l’État partie n’est ni raisonnable, ni justifiée, ni proportionnée à l’objectif visé, à savoir protéger le public dans l’État partie.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son Règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Le Comité note que l’État partie fait valoir qu’une plainte identique déposée par l’auteur devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a été rejetée sur le fond en décembre 2004. Néanmoins, le paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif ne fait pas obstacle à la recevabilité de la présente communication, car l’affaire n’est plus à l’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement, et l’Afrique du Sud n’a pas formulé de réserve au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif. La formulation claire des dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 va à l’encontre de l’interprétation qu’en fait l’État partie au paragraphe 4.3 ci‑dessus.

6.3En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas épuisé les recours internes parce qu’il n’a pas contesté la loi en général devant les juridictions nationales, le Comité note que l’auteur est allé jusqu’à la Cour constitutionnelle, juridiction suprême de l’État partie, présenter une requête pour demander que les rastafariens obtiennent une dérogation réalisable à l’interdiction générale de posséder et d’utiliser du cannabis. Comme il s’agit précisément de la plainte présentée au Comité, ce dernier conclut que l’auteur a épuisé les recours internes aux fins du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

6.4L’État partie a contesté la recevabilité de la communication ratione temporis, parce que les faits et les procédures engagées devant les juridictions nationales se sont déroulés avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif le 28 novembre 2002, et parce qu’il n’a pas confirmé les dispositions pertinentes de la législation en question. Le Comité rappelle qu’il ne peut examiner des violations alléguées du Pacte qui se seraient produites avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie, sauf si ces violations persistent après cette date ou continuent d’avoir des effets qui, en eux‑mêmes, constituent une violation du Pacte. Alors que les juridictions nationales ont rendu leurs décisions sur la plainte de l’auteur avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif, le Comité note que les griefs de l’auteur portent sur l’application de la loi sur les stupéfiants et le trafic de stupéfiants (Drugs and Drug Trafficking Act) 140 de 1992 et de la loi sur les avocats (Attorneys Act) 53 de 1979, qui sont toutes les deux encore en vigueur. Le Comité considère que la question de savoir si les effets de la législation attaquée, qui persistent après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif, constituent en eux‑mêmes une violation est étroitement liée au fond de l’affaire. Par conséquent, il est plus approprié de l’examiner en même temps que le fond des griefs formulés par l’auteur au titre des articles 18, 26 et 27.

6.5En ce qui concerne la décision d’irrecevabilité rendue par le Comité dans l’affaire M.A.B., W.A.T. et J.A.Y.T. c. Canada, invoquée par l’État partie, le Comité considère que sur le plan des faits et du droit, la présente affaire peut et doit être distinguée de l’affaire canadienne, qui, selon lui, concernait les activités d’une organisation religieuse dont la croyance consistait essentiellement ou exclusivement dans le culte et la distribution d’un stupéfiant. Le rastafarisme en tant que religion au sens de l’article 18 n’est pas en cause dans la présente affaire. Le Comité a conclu qu’une telle croyance ne saurait entrer dans le champ d’application de l’article 18 du Pacte.

6.6Pour les raisons indiquées plus haut, le Comité conclut que la communication est recevable.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

7.2L’auteur se dit victime d’une violation de son droit à la liberté de religion, parce que la loi contestée ne prévoit pas d’exception lui permettant d’utiliser le cannabis à des fins religieuses. Le Comité rappelle que la liberté de manifester sa religion et sa conviction par le culte, l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement englobe des actes très variés et que le concept de culte comprend les actes rituels et cérémoniels exprimant une conviction, ainsi que différentes pratiques propres à ces actes. Le Comité constate que les éléments dont il est saisi tendent à faire reconnaître que l’utilisation du cannabis fait partie de la manifestation de la religion rastafarienne. À cet égard, il rappelle que la liberté de manifester sa religion ou ses convictions n’est pas absolue et peut faire l’objet de restrictions, qui sont prescrites par la loi et sont nécessaires pour protéger la sécurité, l’ordre et la santé publics, la morale ou les libertés et droits fondamentaux d’autrui.

7.3Le Comité observe que l’interdiction de posséder et d’utiliser du cannabis, qui représente une restriction à la liberté de l’auteur de manifester sa religion est prescrite par la loi (Drugs and Drug Trafficking Act) 140 de 1992. Il note en outre la conclusion de l’État partie selon laquelle la loi en question a été conçue pour protéger la sécurité, l’ordre, la santé publique, la morale ou les libertés et droits fondamentaux d’autrui, en raison des effets préjudiciables du cannabis et qu’une exception autorisant un système d’importation, de transport et de distribution de cannabis aux rastafariens pourrait représenter une menace pour la société en général si une quantité de cannabis, aussi faible soit‑elle, devait entrer dans les circuits normaux de commercialisation. Dans ces conditions, le Comité ne peut conclure qu’interdire la possession et l’usage de drogues, sans aucune exception en faveur de groupes religieux spécifiques, n’est pas proportionné et nécessaire à la réalisation de cet objectif. Le fait que l’État partie n’accorde pas aux rastafariens de dérogation à l’interdiction générale visant la possession et l’utilisation du cannabis est, dans les circonstances de l’espèce, justifié au regard du paragraphe 3 de l’article 18, et le Comité conclut par conséquent que les faits ne font pas apparaître de violation du paragraphe 1 de l’article 18.

7.4Quant au grief de l’auteur lié au fait que l’absence d’exception en faveur des rastafariens viole les droits que lui reconnaît l’article 27, le Comité note qu’il est admis que l’auteur est un membre d’une minorité religieuse et que l’usage du cannabis est un élément essentiel de la pratique de sa religion. Par conséquent, la législation de l’État partie constitue une entrave au droit qu’a l’auteur, en tant que membre d’une minorité religieuse, de pratiquer sa propre religion en commun avec les autres membres de son groupe. Toutefois, le Comité rappelle qu’une entrave ne doit pas être systématiquement considérée comme un déni de droits au sens de l’article 27. Certaines restrictions au droit de pratiquer sa religion en utilisant des drogues sont compatibles avec l’exercice du droit énoncé à l’article 27 du Pacte. Le Comité ne peut conclure qu’une interdiction générale de posséder et d’utiliser du cannabis constitue une justification déraisonnable à l’entrave aux droits reconnus à l’auteur par cet article et conclut que les faits ne font pas apparaître de violation de l’article 27.

7.5L’auteur fait valoir qu’il est victime d’une discrimination de fait parce que, contrairement à d’autres personnes, il doit choisir entre la stricte conformité à sa religion et le respect des lois du pays. Le Comité rappelle qu’une violation de l’article 26 peut résulter de l’effet discriminatoire d’une règle ou d’une mesure apparemment neutre ou dénuée de toute intention discriminatoire. Toutefois, on ne peut dire qu’une telle discrimination indirecte est fondée sur les motifs énumérés à l’article 26 du Pacte que si les effets préjudiciables d’une règle ou décision affectent exclusivement ou de manière disproportionnée des personnes particulières en raison de leurs race, couleur, sexe, langue, religion, opinions politiques ou toutes autres opinions, origine nationale ou sociale, fortune, naissance ou de toute autre situation. En outre, des règles ou décisions ayant une telle incidence ne constituent pas une discrimination si elles sont fondées sur des motifs objectifs et raisonnables. Dans la présente affaire, le Comité note que l’interdiction de la possession et de l’usage du cannabis affecte tous les individus de manière égale, y compris les membres d’autres mouvements religieux qui peuvent également croire au caractère bénéfique des drogues. Il considère par conséquent que cette interdiction est fondée sur des motifs objectifs et raisonnables. Il conclut que le fait pour l’État partie de ne pas prévoir d’exception en faveur des rastafariens ne constitue pas un traitement différencié contraire à l’article 26.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, est d’avis que les faits dont il est saisi ne font apparaître aucune violation des articles du Pacte.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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