* Adoptées par le Comité à sa soixante-dixième session (2 au 20 juillet 2018).
Observations finales concernant le huitième rapport périodique de Chypre *
Le Comité a examiné le huitième rapport périodique de Chypre (CEDAW/C/CYP/8) à ses 1604e et 1605e séances (voir CEDAW/C/SR.1604 et CEDAW/C/SR.1605), tenues le 4 juillet 2018. La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/CYP/Q/8 et les réponses de Chypre sont consignées dans le document CEDAW/C/CYP/Q/8/Add.1.
A.Introduction
Le Comité accueille avec satisfaction le huitième rapport périodique de l’État partie. Il le remercie de son rapport de suivi (CEDAW/C/CYP/CO/6-7/Add.1) et des réponses écrites qu’il a apportées à la liste de points établie par le groupe de travail d’avant session et se félicite de la présentation orale de la délégation et des éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions posées par le Comité pendant le dialogue.
Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par la Commissaire aux lois de la République de Chypre, Leda Koursoumba et composée du représentant de Chypre auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève, George Kasoulides, ainsi que de représentants du Ministère de la justice et de l’ordre public, du Ministère de l’éducation et de la culture, du Ministère du travail et des assurances sociales, du Ministère de l’intérieur, de la Police chypriote et de la Mission permanente de Chypre auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales sises à Genève.
B.Aspects positifs
Le Comité salue les progrès réalisés depuis l’examen en 2013 des sixième et septième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/CYP/6-7) dans la mise en œuvre de réformes législatives, dont on peut citer plus particulièrement les suivantes :
a)Modification de l’article 169A du Code pénal chypriote en vertu de laquelle l’avortement n’est plus une infraction pénale, adoptée en 2018 ;
b)Loi de 2017 relative au congé de paternité et loi de 2017 relative à la protection de la maternité (modification) ;
c)Loi de 2015 relative à la violence familiale (prévention et protection des victimes) (modification) ;
d)Loi de 2015 sur l’union civile, qui reconnaît le droit des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres à contracter des unions civiles et à vivre en concubinage ;
e)Loi de 2014 relative à l’égalité de traitement des hommes et des femmes dans l’emploi et la formation professionnelle ;
f)Loi de 2014 relative à la prévention et à la lutte contre la traite et l’exploitation des êtres humains ;
g)Loi de 2014 relative à l’égalité de rémunération de la main-d’œuvre masculine et de la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale (modification).
Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour apporter à son cadre institutionnel et politique les améliorations nécessaires à l’accélération de l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à la promotion de l’égalité des sexes, notamment :
a)L’adoption du plan d’action national pour l’égalité des sexes dans l’éducation pour la période 2018-2020 ;
b)L’adoption du plan d’action national pour la prévention et la lutte contre la violence familiale pour la période 2017-2019 ;
c)L’adoption du plan national de lutte contre la traite d’êtres humains pour la période 2016-2018 ;
d)La création en 2016 du comité technique bicommunautaire sur l’égalité des sexes ;
e)L’adoption du plan d’action stratégique sur l’égalité des sexes pour la période 2014-2017 ;
f)La création en 2014 du Commissariat à l’égalité des sexes.
Le Comité constate avec satisfaction que, durant la période écoulée depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie a ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après, ou y a adhéré :
a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, en 2017 ;
b)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), en 2017 ;
c)La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, en 2015.
C.Facteurs et difficultés entravant l’application effective de la Convention
Le Comité a conscience que l’État partie ne contrôle pas la totalité de son territoire et qu’il est par conséquent dans l’incapacité d’assurer dans la pratique l’exercice des droits des femmes dans les zones hors de sa juridiction effective. Il est toutefois préoccupé par le fait que la situation politique de l’État partie continue d’entraver l’application de la Convention et lui recommande de mener une étude d’impact du conflit prolongé et des divisions persistantes sur l’aptitude des femmes et des filles à jouir de leurs droits.
D.Objectifs de développement durable
Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et appelle au respect de l’égalité des sexes en droit et en fait, conformément aux dispositions de la Convention, dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il souligne l’importance de l’objectif 5 et de la prise en compte des principes d’égalité et de non‑discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l’État partie à reconnaître que les femmes sont une force motrice pour le développement durable de leur pays et à adopter des politiques et des stratégies adaptées.
E.Parlement
Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif dans la pleine mise en œuvre de la Convention (voir la déclaration faite par le Comité sur ses relations avec les parlementaires ; annexe VI du A/65/38 ). Il invite la Chambre des députés à prendre, dans le cadre de son mandat, les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique.
F.Principaux sujets de préoccupation et recommandations
Les femmes et la paix et la sécurité
Le Comité félicite l’État partie de sa détermination à mettre en œuvre la résolution 1325 (2000) sur les femmes et la paix et la sécurité et les résolutions ultérieures sur le sujet. Il se félicite également des travaux menés par le comité technique bicommunautaire pour l’égalité des sexes et note qu’un plan d’action national pour la mise en œuvre de ces résolutions est en cours d’élaboration pour la période 2018-2021. Il relève toutefois avec préoccupation que :
a)Il existe peu d’informations sur les ressources financières allouées à la mise en œuvre du plan d’action national et le rôle que doit jouer la société civile, notamment les groupes de femmes, dans l’exécution et le suivi du plan n’est pas clairement défini ;
b)Les femmes sont généralement sous-représentées dans les négociations de paix et ne participent pas activement et véritablement aux efforts menés dans ce domaine ;
c)Les priorités et les expériences des femmes pourraient ne pas être pleinement prises en compte, contrairement à ce qu’exigent la Convention et la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité.
Conformément à sa recommandation générale n o 30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d ’ après conflit, le Comité recommande à l ’ État partie :
a) D ’ accélérer l ’ adoption du plan d ’ action national sur les femmes et la paix et la sécurité et d ’ élaborer des outils efficaces pour en mesurer les résultats ;
b) De veiller à ce que des ressources financières suffisantes soient allouées à son programme pour les femmes et la paix et la sécurité et à son plan d ’ action national, conformément aux recommandations de l ’ étude mondiale sur l ’ application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité ;
c) D ’ accorder le rang le plus élevé de priorité à la participation véritable et inclusive des femmes à toutes les étapes du processus de paix ainsi qu ’ aux processus de justice transitionnelle, en particulier à la prise de décisions, aux niveaux national et local ;
d) D ’ offrir aux organisations de femmes et aux organisations de la société civile, en particulier au niveau local, la possibilité de contribuer activement au processus de paix, en mettant en place des moyens efficaces de communication et de coordination et des initiatives conjointes pour la prise en compte des priorités des femmes.
Femmes réfugiées et demandeuses d’asile
Le Comité salue les efforts que l’État partie déploie sans relâche pour accueillir et héberger un grand nombre de personnes fuyant les conflits armés et la persécution, y compris des femmes et des enfants, et leur assurer protection et assistance. Cependant, il est préoccupé par :
a)Le manque de considération pour la problématique femmes-hommes dans la suite donnée aux demandes d’asile ;
b)L’absence d’un cadre exhaustif et harmonisé, y compris des procédures, lignes directrices et normes claires, pour reconnaître et aider les personnes ayant des besoins et des vulnérabilités spécifiques, notamment les femmes et les filles qui sont victimes de violences sexistes ou risquent de l’être ;
c)Le nombre insuffisant de centres d’accueil et les conditions déplorables qui y règnent en raison du nombre croissant de réfugiés et de demandeurs d’asile entrant dans le pays.
Conformément à sa recommandation générale n o 32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d ’ asile, de nationalité et d ’ apatridie, le Comité recommande à l ’ État partie :
a) De modifier sa loi sur les réfugiés pour mettre en place des procédures de sélection et d ’ évaluation individuelles tenant compte de l ’ âge et du sexe et permettre le repérage systématique et précoce des réfugiées et des demandeuses d ’ asile ayant des besoins et des vulnérabilités spécifiques, en particulier des femmes et des filles qui sont victimes de violences sexistes ou risquent de l ’ être ;
b) D ’ augmenter le nombre de places disponibles dans les centres d ’ accueil et de veiller à ce que les conditions d ’ accueil des réfugiés et demandeurs d ’ asile y soient convenables, en accordant une attention particulière aux besoins des femmes et des filles ;
c) D ’ observer strictement le principe de non-refoulement de toutes les femmes et filles qui ont besoin d ’ une protection internationale et de veiller à ce que personne ne soit expulsé sans une évaluation individualisée des risques.
Cadre constitutionnel et législatif
Le Comité note que la discrimination directe et indirecte fondée sur le sexe est interdite aux termes du paragraphe 2 de l’article 28 de la Constitution et que la discrimination sexiste est prohibée et l’égalité des sexes encouragée dans plusieurs législations. Il est toutefois préoccupé par :
a)L’absence de législation complète contre la discrimination et l’inefficacité des lois en vigueur dans ce domaine ;
b)La persistance de dispositions discriminatoires dans le cadre constitutionnel et législatif de l’État partie, en particulier le paragraphe 7 de l’article 2 de la Constitution, qui dispose que les femmes mariées doivent appartenir à la « communauté » à laquelle appartient leur mari et que les enfants et les jeunes de moins de 21 ans qui ne sont pas mariés doivent appartenir à la « communauté » de leur père.
Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) D ’ adopter et d ’ appliquer une législation complète contre la discrimination, qui définisse la discrimination à l ’ égard des femmes en couvrant à la fois la discrimination directe et la discrimination indirecte, dans la sphère publique comme dans la sphère privée dans tous les domaines régis par la Convention, conformément à l ’ article premier de celle-ci ;
b) D ’ abroger toutes les dispositions discriminatoires figurant encore dans sa Constitution et dans ses lois ordinaires, conformément aux articles premier et 2 de la Convention et à la cible 5.1 des objectifs de développement durable, afin de mettre fin à toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et des filles sur l ’ ensemble du territoire.
Accès à la justice
Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises pour réduire les obstacles qui entravent l’accès des femmes à la justice, notamment les mécanismes de plainte accessibles aux femmes victimes de discrimination ou de violence sexiste. Il est toutefois préoccupé par le fait que l’accès des femmes à la justice est toujours entravé par des obstacles, notamment :
a)La connaissance limitée qu’elles ont de leurs droits et des procédures de plainte existantes ;
b)Les obstacles linguistiques rencontrés par les femmes migrantes, demandeuses d’asile, réfugiées, déplacées, chypriotes turques et roms qui font valoir leurs droits ;
c)L’accès restreint des femmes à l’aide juridictionnelle gratuite, en particulier des groupes de femmes défavorisées, tels que les migrantes, les demandeuses d’asile et les réfugiées ;
d)Le fait que les membres de l’appareil judiciaire, les responsables de l’application des lois et les praticiens du droit connaissent peu les droits des femmes.
Conformément à sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie :
a) De mieux informer les femmes de leurs droits et des moyens dont elles disposent pour les faire respecter, en mettant particulièrement l ’ accent sur l ’ intégration dans les programmes scolaires, à tous les niveaux, des questions relatives aux droits des femmes et à l ’ égalité des sexes et en proposant, le cas échéant, des programmes d ’ initiation au droit ;
b) D ’ institutionnaliser des systèmes d ’ aide juridictionnelle et de défense publique qui soient durables, adaptés aux besoins des femmes et accessibles de manière rapide, permanente et effective à tous les stades de la procédure judiciaire ;
c) De faciliter l ’ accès des femmes à l ’ aide juridictionnelle gratuite, en particulier des groupes de femmes défavorisées, et de veiller à ce que la couverture, les critères d ’ admissibilité et la qualité de ces services soient adéquats ;
d) De prendre des mesures immédiates, notamment la mise en place à l ’ intention du corps judiciaire de programmes de renforcement des capacités et de formation consacrés à la Convention et aux droits de la femme, afin d ’ éliminer les préjugés sexistes.
Dispositifs nationaux de promotion de la femme
Le Comité se félicite de la création de plusieurs institutions et dispositifs visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes, en particulier le Commissariat à l’égalité des sexes. Il est toutefois préoccupé par :
a)Le manque d’influence et de visibilité des dispositifs nationaux de promotion de la femme ainsi que l’inadéquation des ressources humaines, techniques et financières qui leur sont allouées pour coordonner et mettre en œuvre efficacement les plans, les politiques et les programmes relatifs à l’égalité des sexes dans tous les domaines et à tous les échelons de l’administrations publique ;
b)La complexité des dispositifs nationaux et le manque de coordination entre les entités existantes, qui se traduit par un chevauchement des responsabilités ;
c)La participation insuffisante de toutes les parties prenantes aux débats sur le renforcement des dispositifs nationaux de promotion de la femme ;
d)Le fait que le troisième plan d’action national sur l’égalité des sexes n’a pas encore été adopté et qu’aucun calendrier de mise en œuvre n’a été donné.
Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) D ’ accroître les ressources allouées aux dispositifs nationaux de promotion de la femme afin de garantir que les droits des femmes fassent l ’ objet d ’ une attention constante, et d ’ envisager la mise en place d ’ un mécanisme de haut niveau à part entière qui serait chargé d ’ initier, de coordonner et de mettre en œuvre les politiques en matière d ’ égalité des sexes ;
b) De renforcer la coordination entre les différents dispositifs nationaux en définissant clairement leurs mandats et responsabilités en ce qui concerne les droits des femmes, de procéder à un suivi et à une évaluation réguliers de cette coordination et de veiller à ce que les dispositifs nationaux soient représentés aux niveaux régional et local ;
c) De garantir la participation pleine et effective de toutes les parties prenantes aux débats sur le renforcement des dispositifs nationaux de promotion de la femme ;
d) D ’ accélérer l ’ adoption et la mise en œuvre effective du troisième plan d ’ action national de promotion de l ’ égalité des sexes pour la période 2018-2021 et de veiller à ce que la problématique hommes femmes soit prise en compte de façon cohérente dans la formulation et la mise en œuvre de l ’ ensemble des lois, règlements et programmes de tous les ministères et de toutes les structures gouvernementales décentralisées.
Institution nationale de protection des droits de l’homme
Le Comité note que le Commissariat à l’administration et à la protection des droits de l’homme reçoit les plaintes déposées par les femmes pour violation de leurs droits fondamentaux. Il constate toutefois avec préoccupation que le Commissariat a été accrédité de statut « B » par l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme en 2015.
Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures voulues pour que le Commissariat à l ’ administration et à la protection des droits de l ’ homme respecte pleinement les principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), en prenant en considération les recommandations de l ’ Alliance globale des institutions nationales des droits de l ’ homme ; et de veiller à ce que le Commissariat soit doté d ’ un mandat bien défini en matière de droits des femmes et d ’ égalité des sexes.
Mesures temporaires spéciales
Le Comité prend note des mesures prises pour promouvoir l’égalité des sexes aux postes de décision et améliorer l’emploi et l’activité d’entreprise des femmes. Il prend note également de la décision de la Cour suprême de déclarer inconstitutionnelle une loi, adoptée en 2016, introduisant un quota obligatoire de 30 % de femmes ou d’hommes dans les conseils d’administration des organisations semi-gouvernementales au motif que cette loi portait atteinte au principe constitutionnel de l’égalité. Le Comité est préoccupé par l’absence de mesures temporaires spéciales dans une stratégie destinée à accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre les hommes et les femmes dans les domaines où ces dernières sont sous-représentées ou défavorisées, en particulier dans la vie politique et publique et sur le marché du travail.
Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) De revoir son cadre constitutionnel pour permettre l ’ adoption de mesures temporaires spéciales et favoriser ainsi la pleine participation des femmes à la vie politique et économique, dans des conditions d ’ égalité, et notamment leur représentation dans les conseils d ’ administration ;
b) D ’ envisager d ’ appliquer des quotas et d ’ autres formes de mesures temporaires spéciales, en application du paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et de la recommandation générale n o 25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales, dans tous les domaines couverts par la Convention dans lesquels les femmes sont sous-représentées ou défavorisées, en particulier dans la vie politique et publique et sur le marché du travail ;
c) De sensibiliser les parlementaires, les agents de l ’ État, les magistrats, les membres des partis politiques et le public en général au caractère non discriminatoire des mesures temporaires spéciales.
Stéréotypes et pratiques préjudiciables
Le Comité prend note des efforts que l’État partie a déployés pour combattre les stéréotypes sexistes discriminatoires, notamment par la création du Comité pour l’élimination des stéréotypes et des préjugés sociaux. Néanmoins, il fait part de sa préoccupation concernant les éléments suivants :
a)L’enracinement de stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, perpétuant les rôles traditionnels des femmes comme mères et femmes au foyer et compromettant leur statut social et leurs perspectives d’études et de carrière ;
b)L’insuffisance des mesures prises pour éliminer les stéréotypes dans le système éducatif, y compris dans les programmes et les manuels scolaires ;
c)Les stéréotypes sur les femmes que continuent de véhiculer les médias et le secteur de la publicité ;
d)L’exposition des femmes et des filles à des formes multiples de discrimination en raison de leur appartenance ethnique, de leur handicap, de leur statut de migrantes ou d’autres caractéristiques ;
e)Les difficultés d’accès des femmes aux informations sur les pratiques préjudiciables, y compris les mariages d’enfants et/ou forcés et les mutilations génitales féminines, et les moyens de les combattre dans l’État partie.
Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) De mettre en place une stratégie globale assortie de mesures dynamiques et soutenues pour éliminer et modifier les stéréotypes sexistes discriminatoires, en mettant particulièrement l ’ accent sur les femmes appartenant à des groupes minoritaires, qui sont souvent la cible de discours de haine et de violence à motivation raciale, en révisant les manuels et les programmes scolaires et en menant des campagnes de sensibilisation à l ’ intention des femmes et des hommes en général et des médias et des agences de publicité en particulier ;
b) De mobiliser les acteurs pertinents et, dans la mesure du possible, de recourir à des mesures novatrices afin d ’ améliorer l ’ image des femmes qui est véhiculée par les médias et la publicité, de façon qu ’ elle soit positive et non stéréotypée ;
c) De recueillir systématiquement des données ventilées sur les pratiques préjudiciables et les sanctions légales imposées aux auteurs de ces pratiques dans l ’ État partie, et de diffuser largement des informations sur les moyens de combattre ces pratiques.
Violence sexiste
Le Comité salue les mesures prises pour lutter contre la violence familiale, notamment l’adoption du deuxième plan d’action national pour la prévention et la répression de la violence familiale (2017-2019). Il demeure toutefois préoccupé par :
a)La forte prévalence de la violence sexiste dont les femmes sont victimes, en particulier la violence familiale et sexuelle, qui reste en grande partie sous-déclarée et non documentée ;
b)L’absence d’une législation complète visant à incriminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes ;
c)La faiblesse des taux de poursuite et de condamnation dans les affaires de violence à l’égard des femmes et la clémence des peines infligées aux auteurs de tels actes ;
d)Le manque et la mauvaise qualité des services d’assistance et de protection, y compris de refuges, pour les femmes victimes de violence ;
e)L’absence de données statistiques sur la violence à l’égard des femmes, ventilées par sexe, âge, nationalité et lien entre la victime et l’auteur, ainsi que sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées, les peines infligées aux auteurs et les réparations accordées aux victimes.
Rappelant les dispositions de la Convention et sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o 19 (1992) sur la violence à l ’ égard des femmes, le Comité recommande à l ’ État partie :
a) De faire appliquer la loi relative à la violence familiale (prévention et protection des victimes) (modification) et de veiller à ce que les cas de violence sexiste à l ’ égard des femmes, y compris la violence familiale, fassent l ’ objet d ’ enquêtes et de poursuites, à ce que leurs auteurs soient dûment punis et à ce que les victimes aient accès à une réparation appropriée, y compris une indemnisation ;
b) D ’ accélérer l ’ adoption du projet de loi incriminant toutes les formes de violence sexiste à l ’ égard des femmes, incorporant la Convention d ’ Istanbul dans la législation nationale, ainsi que le projet de loi sur le harcèlement ;
c) De veiller à ce que des ressources humaines, techniques et financières suffisantes soient allouées au Comité consultatif pour la prévention et la répression de la violence familiale en vue de la mise en œuvre, du suivi et de l ’ évaluation systématiques et efficaces du deuxième plan d ’ action national pour la prévention et la répression de la violence familiale (2017 - 2019) ;
d) D ’ encourager les femmes victimes de violence sexiste à signaler ces actes et de mettre en place des programmes de renforcement des capacités à l ’ intention des juges, procureurs, policiers et autres responsables sur l ’ application stricte des dispositions pertinentes du droit pénal et sur la conduite d ’ enquêtes tenant compte des questions de genre ;
e) De renforcer la protection et l ’ assistance fournies aux femmes victimes de violence sexiste, notamment en augmentant le nombre et la couverture géographique des centres d ’ accueil, en garantissant l ’ accès à des programmes de réinsertion et de réadaptation psychosociale, en allouant des ressources humaines, techniques et financières suffisantes et en renforçant la coopération de l ’ État avec les organisations non gouvernementales qui proposent un hébergement et des services de réadaptation aux victimes ;
f) De recueillir systématiquement des données sur toutes les formes de violence sexiste à l ’ égard des femmes, ventilées par sexe, âge, nationalité et lien entre la victime et l ’ auteur, ainsi que sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées, les peines infligées aux auteurs et les réparations accordées aux victimes.
Traite et exploitation aux fins de la prostitution
Le Comité salue l’adoption en 2014 de la loi sur la prévention et la répression de la traite et de l’exploitation d’êtres humains et sur la protection des victimes ainsi que de la mise en œuvre du plan d’action national contre la traite d’êtres humains pour la période 2016-2018. Il demeure toutefois préoccupé par la prévalence de la traite des femmes et des filles à destination de l’État partie et par l’exploitation sexuelle ou l’exploitation par le travail dont elles font l’objet, en particulier dans le contexte des flux migratoires récents. Il s’inquiète également de :
a)L’application limitée de la loi contre la traite, comme en témoignent les faibles taux de poursuite et de condamnation dans les affaires de traite de femmes et de filles ;
b)Le manque d’informations sur les ressources allouées au Groupe multidisciplinaire de coordination de la lutte contre la traite d’êtres humains et sur les moyens dont cette entité dispose pour coordonner et suivre les mesures de lutte contre la traite prises par les pouvoirs publics ;
c)Les informations selon lesquelles des victimes de la traite ont été arrêtées, détenues et expulsées pour des actes commis alors qu’elles étaient victimes de cette traite ;
d)L’absence de mesures systématiques de réinsertion et de réadaptation, de conseils, de traitement médical, de soutien psychologique et de réparation, y compris d’indemnisation, pour les victimes de la traite, en particulier celles qui ne peuvent ou ne veulent pas coopérer avec les autorités chargées de poursuivre les trafiquants ;
e)L’insuffisance du nombre et de la couverture géographique des centres d’accueil destinés aux victimes de la traite ;
f)L’insuffisance du contrôle des agences d’emploi privées malgré leur implication présumée dans les réseaux de traite ;
g)L’accès limité aux données sur les victimes de la traite, ventilées par sexe, âge et nationalité ;
h)Le nombre élevé de migrantes exploitées dans la prostitution et exposées à la violence sexuelle et physique ;
i)Le manque d’autres sources de revenus et de programmes de sortie pour les femmes et les filles qui ne souhaitent plus se prostituer ;
j)Le manque d’informations et de données sur les femmes migrantes obligées ou contraintes d’accepter la de gestation pour le compte d’autrui.
Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) De veiller à l ’ application efficace de la loi contre la traite, notamment en fournissant aux juges, aux procureurs, aux agents de la police des frontières, aux autorités d ’ immigration et aux autres agents de la force publique une formation obligatoire sur la prise en compte dans ce cadre de la problématique femmes-hommes ;
b) D ’ enquêter sur tous les cas de traite d ’ êtres humains, en particulier de femmes et de filles, de poursuivre et de punir les auteurs et de veiller à ce que les peines infligées à ceux-ci soient proportionnelles à la gravité des infractions commises ;
c) De faire en sorte que le groupe multidisciplinaire de coordination de la lutte contre la traite d ’ êtres humains dispose de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour mettre en œuvre le plan d ’ action national contre la traite d ’ êtres humains (2016-2018), assurer la coordination interinstitutions entre les services gouvernementaux de sécurité, la justice et les services sociaux afin de lutter contre la traite, et renforcer leur coopération avec la société civile ; d ’ évaluer les effets du plan d ’ action national et d ’ en adopter un nouveau ;
d) D ’ assurer, par le biais de son mécanisme national, l ’ identification précoce et la prise en charge des victimes de la traite afin qu ’ elles bénéficient d ’ un soutien et d ’ une protection adéquats ;
e) De veiller à ce que les femmes victimes de la traite et de l ’ exploitation aux fins de la prostitution, quelles que soient leur origine ethnique, nationale ou sociale et leur situation au regard de la loi, soient exonérées de toute responsabilité ;
f) De s ’ assurer que toutes les victimes de la traite, quelles que soient leur origine ethnique, nationale ou sociale et leur situation au regard de la loi, et indépendamment de leur capacité ou de leur volonté de coopérer avec les autorités chargées de poursuivre les trafiquants, bénéficient d ’ une protection et de réparations efficaces, y compris la réadaptation et l ’ indemnisation ;
g) D ’ accroître le nombre et la couverture géographique des centres d ’ accueil destinés aux victimes de la traite et de fournir à celles-ci un accès adéquat aux soins de santé et aux conseils ;
h) De prendre des mesures efficaces pour appliquer strictement la législation existante concernant les agences d ’ emploi privées et de contrôler leurs activités, afin de prévenir la traite des migrantes, notamment des domestiques, et de ratifier la Convention n o 181 (1997) de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT) concernant les agences d ’ emploi privées ;
i) De poursuivre les efforts de coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d ’ origine, de transit et de destination, notamment par l ’ échange d ’ informations et l ’ harmonisation des procédures, afin de prévenir la traite et de traduire les trafiquants en justice ;
j) D ’ améliorer l ’ accès aux données sur les victimes de la traite, ventilées par sexe, âge et nationalité ;
k) De combattre l ’ exploitation des femmes, en particulier des migrantes, dans la prostitution ;
l) De renforcer l ’ assistance fournie aux femmes et aux filles qui souhaitent sortir de la prostitution, notamment en leur proposant des programmes de sortie et d ’ autres possibilités de s ’ assurer un revenu.
m) Faire une étude sur le nombre de femmes migrantes obligées ou contraintes d’accepter la gestation pour le compte d’autrui et lutter contre le phénomène.
Participation à la vie publique et politique
Le Comité salue la parité des sexes atteinte parmi les juges au niveau national et note la représentation croissante des femmes dans les postes de décision au sein du service public. Il se félicite par ailleurs de l’instauration de quotas par la majeure partie des partis politiques afin d’encourager les femmes à participer à la vie publique et politique. Il est toutefois préoccupé par le fait que :
a)Les femmes demeurent sous-représentées au Parlement, dans les conseils municipaux et au Gouvernement ainsi que parmi les maires, aux postes de décision dans le service diplomatique et dans les négociations de paix ;
b)L’instauration d’objectifs et de quotas dans le plan d’action stratégique sur l’égalité des sexes pour la période 2014-2017 afin d’encourager la participation des femmes à la vie publique et politique n’a donné aucun résultat concret ;
c)Les femmes s’engageant en politique sont confrontées à des attitudes culturelles négatives et font face à des stéréotypes sexistes dans la sphère publique ;
d)La collecte de données sur les progrès réalisés en matière de représentation des femmes dans la vie politique et publique n’est pas assez systématique.
Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) De renforcer la représentation des femmes à des postes de décision dans la vie politique, particulièrement au P arlement, au G ouvernement, parmi les maires, dans le service diplomatique et dans les négociations de paix, afin d ’ atteindre les objectifs et les quotas instaurés par le plan d ’ action national sur l ’ égalité des sexes ;
b) À cette fin, d ’ adopter des mesures ciblées, notamment des mesures spéciales temporaires, telles qu ’ un quota réglementaire pour la représentation des femmes sur les listes électorales des partis politiques et un système de parité pour encourager le recrutement et la nomination de femmes à des postes de décision dans l ’ administration publique ;
c) D ’ intensifier les campagnes de sensibilisation à l ’ intention des hommes politiques, des journalistes, des enseignants et du public en général, afin que tous comprennent mieux que la participation à part entière, égale, libre et démocratique des femmes sur un pied d ’ égalité avec les hommes à la vie publique est une condition du plein respect de leurs droits fondamentaux ;
d) D ’ offrir aux femmes des formations pour renforcer leurs compétences de direction et les préparer à devenir candidates en les familiarisant avec les campagnes électorales et la constitution de groupes d ’ appui ;
e) De mettre en place une stratégie globale prévoyant des mesures volontaristes et durables pour modifier et éliminer les attitudes culturelles négatives et les stéréotypes sexistes contre lesquels les femmes doivent lutter en politique ;
f) De collecter de façon systématique les données nécessaires pour suivre les progrès en matière de représentation des femmes dans la vie politique et publique.
Nationalité
Le Comité rappelle que toute femme donnant naissance à un enfant sur le territoire de l’État partie est en droit de recevoir un extrait d’acte de de naissance, quel que soit son statut migratoire. Il s’inquiète néanmoins de constater que les femmes migrantes, en particulier celles en situation irrégulière, hésitent à faire la demande de ce document auprès des autorités compétentes, ce qui pourrait augmenter le risque d’apatridie pour leurs enfants.
Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) De diffuser des informations sur le droit des femmes migrantes, notamment celles en situation irrégulière, à obtenir des extraits d ’ actes de naissance pour leurs enfants, et de faciliter la délivrance d ’ extraits d ’ actes de naissance aux enfants de femmes migrantes et sans papiers ;
b) D ’ adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.
Éducation
Le Comité se félicite du taux élevé de femmes et de filles à tous les niveaux d’enseignement, en particulier dans l’enseignement tertiaire. Il salue également les mesures mises en place pour éliminer l’influence des stéréotypes sexistes dans les choix scolaires et professionnels, ainsi que l’instauration de cours obligatoires sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation. Il salue en outre les efforts menés pour combattre la violence et le harcèlement en milieu scolaire. Le Comité est toutefois préoccupé par :
a)La concentration des femmes dans les filières d’études et les parcours professionnels traditionnellement féminins et leur sous-représentation dans la formation professionnelle et dans certaines filières de l’enseignement supérieur, notamment la technologie et l’ingénierie ;
b)La persistance de la ségrégation horizontale concernant la participation des femmes aux sciences naturelles, à l’ingénierie et à la recherche technologique ;
c)Le manque d’informations permettant de savoir si l’éducation sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation dispensée aux élèves de la maternelle au secondaire est adéquate et adaptée à l’âge des élèves, conformément à la recommandation générale no 36 (2017) du Comité sur le droit des filles et des femmes à l’éducation ;
d)Le nombre élevé de filles victimes de discrimination et de harcèlement sexuel dans les établissements scolaires et le nombre disproportionné de filles turques chypriotes, migrantes, réfugiées, demandeuses d’asile et d’origine rom ainsi que de filles enceintes et de filles handicapées qui éprouvent toujours des difficultés à accéder à une éducation de qualité, et ce en dépit des efforts fournis par l’État partie.
En application de sa recommandation générale n o 36, le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur la cible 4.1 des objectifs du programme de développement durable et lui recommande de faire en sorte que toutes les filles et tous les garçons aient accès, sur un pied d ’ égalité, à un cycle complet d ’ enseignement primaire et secondaire gratuit et de qualité. Il recommande également à l ’ État partie :
a) De renforcer les stratégies qu ’ il a établies pour mettre fin aux stéréotypes discriminatoires et aux obstacles structurels qui peuvent dissuader les filles de s ’ inscrire dans des domaines d ’ études traditionnellement dominés par les hommes, tels que la technologie ou l ’ ingénierie ;
b) De s ’ assurer que l ’ éducation concernant la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation dispensée aux garçons et aux filles est digne de ce nom et adaptée à leurs âges ;
c) De veiller à ce qu ’ une politique de tolérance zéro en matière de violence et de harcèlement, notamment pour le cyberharcèlement et les violences sexistes, prévoyant des services d ’ appui socio-psychologique, des efforts de sensibilisation et des mécanismes de signalement efficaces, soit effectivement mise en œuvre dans tous les établissements scolaires ;
d) De continuer à lutter contre la discrimination qui freine l ’ accès des femmes et des filles appartenant à des groupes défavorisés à un enseignement de qualité, notamment en adoptant des mesures spéciales temporaires, telles que des bourses d ’ études et la gratuité des manuels scolaires.
Emploi
Le Comité loue l’adoption de mesures visant à soutenir l’insertion des femmes sur le marché du travail et à réduire l’écart salarial femmes-hommes et la ségrégation professionnelle. Il est toutefois préoccupé par :
a)Le taux de chômage trop élevé chez les femmes, en particulier celles qui sont jeunes et qui ont un haut niveau d’études, ainsi que le faible nombre de femmes entrepreneurs par rapport aux hommes ;
b)La ségrégation professionnelle horizontale et verticale persistante et la surreprésentation des femmes dans les emplois à mi-temps et mal rémunérés ;
c)L’écart salarial femmes-hommes persistant, en particulier dans le secteur privé, qui, entre autres, a une incidence négative sur les prestations de retraite des femmes ;
d)La discrimination permanente que subissent les mères et les femmes enceintes sur le marché du travail pour ce qui est de l’embauche, des perspectives de carrière et des conditions de rémunération et d’emploi, notamment le refus du congé de maternité payé, surtout dans le secteur privé, et, en dépit de la nouvelle législation sur le congé de paternité, la durée négligeable du congé parental effectivement pris par les hommes ;
e)L’accès limité au marché du travail pour les femmes migrantes, demandeuses d’asile, réfugiées, âgées, roms et chypriotes turques ainsi que pour les femmes handicapées et les autres groupes de femmes marginalisées ;
f)La prévalence du harcèlement sexuel au travail et le manque de mesures efficaces pour endiguer ce phénomène et pour informer les femmes de leurs droits.
Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) D ’ adopter des mesures, notamment des mesures spéciales temporaires, pour parvenir à une égalité réelle entre les hommes et les femmes sur le marché du travail, notamment pour les femmes hautement qualifiées, et d ’ établir des programmes de formation et des services de conseil spéciaux en faveur des femmes sans emploi, encourageant entre autres l ’ entrepreneuriat féminin ;
b) De redoubler d ’ efforts pour offrir des formations incitant les femmes à choisir des carrières non traditionnelles dans des domaines tels que les sciences, la technologie, l ’ ingénierie et les mathématiques, et pour éliminer la ségrégation professionnelle, qu ’ elle soit horizontale ou verticale, dans le secteur public comme dans le secteur privé ;
c) D ’ appliquer de façon stricte la loi sur l ’ égalité de rémunération (telle que modifiée), notamment en imposant des sanctions en cas de non-respect, et d ’ adopter des mesures plus poussées pour combler l ’ écart salarial femmes ‑ hommes , par exemple au moyen de méthodes d ’ évaluation et de classification des emplois analytiques et non sexistes et d ’ enquêtes régulières sur les salaires ;
d) D ’ accroître l ’ accès des femmes à l ’ emploi à plein temps, notamment en encourageant le partage égal des tâches domestiques et familiales entre les hommes et les femmes, en fournissant davantage de structures d ’ accueil des enfants de meilleure qualité et en multipliant les incitations afin que les hommes profitent plus souvent de leur congé de paternité ;
e) D ’ appliquer la loi sur le traitement égalitaire des hommes et des femmes en matière d ’ embauche et de formation professionnelle (telle que modifiée) et la loi sur la protection de la maternité pour s ’ assurer que les mères et les femmes enceintes ne font pas l ’ objet de discrimination en matière d ’ embauche, de perspectives de carrière, de conditions de rémunération et d ’ emploi, avec notamment le refus du congé de maternité payé, surtout dans le secteur privé ;
f) D ’ adopter des mesures, notamment des mesures spéciales temporaires, pour encourager l ’ insertion des groupes de femmes défavorisées sur le marché du travail ;
g) De mettre en place un système sécurisé pour le dépôt des plaintes liées au harcèlement sexuel sur le lieu de travail et de veiller à ce que les victimes aient accès à des mécanismes et à des voies de recours efficaces.
Travailleuses domestiques migrantes
Le Comité est préoccupé par :
a)L’exploitation persistante dont sont victimes les travailleuses domestiques migrantes et les difficultés qu’elles rencontrent pour changer d’employeur ;
b)Les obstacles qui empêchent les travailleuses domestiques migrantes d’accéder à la justice, notamment la peur d’être détenues ou expulsées pendant la durée des procédures judiciaires ;
c)L’absence de visites d’inspection régulières pour contrôler les conditions d’emploi des employées de maison migrantes.
Le Comité, en application de sa recommandation générale n o 26 (2008) concernant les travailleuses migrantes, recommande à l ’ État partie :
a) D ’ adopter une loi réglementant le travail domestique, qui prévoirait des sanctions appropriées pour les employeurs se livrant à des pratiques abusives ;
b) De continuer d ’ informer les travailleuses domestiques migrantes des droits que leur confère la Convention, notamment dans une langue qu ’ elles peuvent comprendre, et de surveiller le travail des agences d ’ emploi ;
c) De faire respecter le droit des travailleuses domestiques migrantes de changer légalement d ’ employeur et de s ’ assurer que des contrôles de leur lieu et de leur contrat de travail ont lieu régulièrement ;
d) De mettre en place des procédures de plainte pour permettre aux travailleuses domestiques migrantes de porter plainte contre leur employeur sans crainte de subir des représailles, d ’ être arrêtées, d ’ être placées en détention ou expulsées ;
e) De renforcer les services sociaux et l ’ assistance fournie aux travailleuses domestiques migrantes qui sont victimes d ’ abus et d ’ exploitation, notamment l ’ aide juridique, les soins médicaux et psychologiques, et des centres d ’ accueil adéquats, et de veiller à ce que ces services et cette assistance tiennent compte des disparités entre les sexes et soient accessibles à toutes les travailleuses domestiques migrantes, y compris celles qui sont en situation irrégulière ;
f) De ratifier la Convention n o 189 sur les travailleuses et travailleurs domestiques de l ’ Organisation internationale du Travail (2011).
Santé
Le Comité salue l’adoption du plan sanitaire stratégique pour la période 2016-2018, le plan stratégique sur la santé sexuelle et reproductive ainsi que la loi pour la dépénalisation de l’avortement. Il est toutefois préoccupé par :
a)Le retard pris dans l’application du système national d’assurance maladie, qui nuit à l’accès des femmes à faible revenu aux services de santé, malgré les mesures prises par l’État partie ;
b)L’accès limité aux contraceptifs, en particulier aux contraceptifs modernes, notamment pour les filles et les femmes appartenant à des groupes défavorisés ;
c)L’absence de règlements et de protocoles clairs pour assurer l’application de la nouvelle loi sur l’avortement, la disponibilité insuffisante de services d’avortement dans les hôpitaux publics et le coût élevé de telles procédures dans les établissements privés, l’absence de services d’appui sociopsychologique pré et postavortement dans les hôpitaux publics et privés et le manque de préparation du personnel de santé à l’application de la nouvelle loi.
Le Comité, rappelant sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, recommande à l ’ État partie :
a) D ’ assurer l ’ accès universel aux services de santé pour toutes les femmes grâce à l ’ application du système national d ’ assurance maladie prévue pour 2019 ;
b) D ’ assurer la disponibilité et l ’ accessibilité de services de contraception et de santé procréative abordables et de conception moderne à toutes les femmes et les filles ;
c) De faire respecter la loi dépénalisant l ’ avortement, notamment en adoptant des règlements et des protocoles clairs, en proposant des formations au personnel de santé sur l ’ application de la loi et en adoptant des procédures pour garantir l ’ accès à l ’ avortement ainsi qu ’ à des services d ’ appui sociopsychologique pré et postavortement dans les hôpitaux publics et privés.
Autonomisation économique des femmes
Le Comité constate avec préoccupation que :
a)Les politiques de l’État partie en matière de secret financier, sa législation sur la communication d’informations par les entreprises et ses pratiques fiscales ont une incidence potentiellement négative sur la capacité des autres États, en particulier ceux qui manquent déjà de recettes, de mobiliser des ressources maximales pour garantir l’exercice des droits des femmes ;
b)Les femmes demeurent sous-représentées aux postes de décision et au sein des conseils de direction des entreprises les plus importantes ;
c)Les réglementations de certaines compagnies d’assurance prévoient qu’une femme peut être inscrite comme personne à charge sur l’assurance de son mari, tandis qu’un époux ne peut être inscrit comme personne à charge sur l’assurance de sa femme ;
d)La représentation des femmes dans les organes de décision des associations sportives reste faible comparée à celle des hommes.
Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) D ’ entreprendre des enquêtes régulières, indépendantes et participatives pour évaluer les conséquences extraterritoriales qu ’ ont ses politiques de secret financier et de fiscalité des entreprises et ses activités commerciales sur les droits des femmes dans l e pays et sur la capacité des États tiers de mobiliser des ressources maximales pour garantir l ’ exercice des droits des femmes ;
b) D ’ adopter des mesures, notamment des mesures temporaires spéciales pour renforcer la représentation des femmes aux postes de décision et au sein des conseils de direction des entreprises ;
c) D ’ interdire toute clause discriminatoire dans les contrats d ’ assurance ;
d) De poursuivre ses efforts, en collaboration avec des organisations de la société civile, pour atteindre une égalité des sexes réelle dans le domaine de la gestion des activités sportives, notamment grâce à des incitations pour que les femmes soient plus présentes dans le sport, tant comme athlètes qu ’ à des positions de gestion.
Problématique femmes-hommes et changements climatiques
Le Comité prend note du projet d’estimation des risques liés au changement climatique entrepris par l’État partie. Néanmoins, il a besoin de plus d’informations pour pouvoir déterminer si l’État partie a prévu d’adopter un plan d’action sur les changements climatiques et comment il compte assurer la participation des femmes à son élaboration et prendre en considération la problématique femmes-hommes dans l’identification des mesures d’atténuation et d’adaptation.
Le Comité appelle l ’ attention sur sa recommandation générale n o 37 (2018) relative aux aspects liés au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques et recommande à l ’ État partie d ’ adopter un plan d ’ action sur les changements climatiques et d ’ assurer la participation des femmes à son élaboration et à son application, adoptant ainsi une démarche soucieuse d ’ égalité entre les sexes dans les efforts d ’ atténuation des changements climatiques et d ’ adaptation à ces changements.
Groupes de femmes défavorisées
Femmes rurales
Le Comité salue l’adoption du programme de développement rural pour la période 2014-2020, auquel les femmes peuvent faire appel pour recevoir des aides au même titre que les hommes. Il est toutefois préoccupé par le manque d’information sur les mesures spécifiques destinées à venir en aide aux femmes rurales, notamment celles qui font partie de la population active.
Le Comité recommande que l ’ État partie ait davantage recours à des incitations, notamment dans le domaine fiscal, pour promouvoir le développement d ’ entreprises dans les zones rurales et stimuler ainsi l ’ embauche, les possibilités d ’ emploi et l ’ autonomie des femmes rurales. Il recommande également que l ’ État encourage la réalisation de programmes en faveur des sciences, de la technologie, de l ’ informatique, des mathématiques et de l ’ ingénierie dans les zones rurales, afin de combler l ’ écart technologique qui existe entre ces dernières et les zones urbaines.
Femmes migrantes
Le Comité rappelle que les migrants dont un membre de la famille est chypriote ou de l’Union européenne sont en droit de réclamer un permis de séjour temporaire. Il est néanmoins préoccupé par :
a)Les conditions à remplir par les femmes migrantes pour obtenir un permis de séjour, comme la présentation d’une déclaration de leur mari acceptant d’assumer la responsabilité de leurs dépenses de vie courante et de santé, ce qui peut créer une relation de dépendance ;
b)Les difficultés éprouvées par les femmes migrantes ayant obtenu un permis de séjour à accéder aux tribunaux des affaires familiales en raison du coût de la procédure.
Conformément à sa recommandation générale n o 26 (2018) concernant les travailleuses migrantes, le Comité recommande à l ’ État partie de modifier les dispositions ci-dessus afin de réduire la dépendance des femmes migrantes vis ‑ à ‑ vis de leur partenaire, et de leur faciliter l ’ accès aux tribunaux des affaires familiales afin d ’ empêcher qu ’ elles ne soient retenues dans des relations abusives.
Mariage et rapports familiaux
Le Comité salue l’application de deux de ses précédentes recommandations par l’État partie, à savoir l’adoption de la loi sur l’union civile et l’étude des conséquences économiques d’une séparation et d’un divorce pour chacun des époux (CEDAW/C/CYP/CO/6-7, par. 36). Il reste toutefois préoccupé par :
a)L’absence apparente d’une protection adéquate pour les enfants nés ou adoptés dans des unions de fait et des unions civiles ;
b)La présomption juridique selon laquelle le conjoint « au foyer » (généralement la femme) contribue seulement à un tiers de la propriété acquise par le conjoint qui exerce une activité rémunérée hors du foyer (généralement le mari).
Conformément à ses recommandations générales n o 21 (1994) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux et n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage et des liens familiaux et de leur dissolution, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter sans tarder les sept propositions de modification de la loi sur la famille, afin de :
a) Assurer une protection adéquate aux enfants nés ou adoptés dans des unions de fait ou d ’ autres unions civiles ;
b) Faire en sorte que les femmes jouissent d ’ une protection juridique appropriée dans les unions de fait et lors de leur dissolution ;
c) Retenir la présomption juridique selon laquelle chacun des époux contribue à 50 % des biens acquis durant le mariage.
Déclaration et Programme d’action de Beijing
Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing dans l ’ action qu ’ il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.
Diffusion
Le Comité demande à l ’ État partie de faire diffuser rapidement les présentes observations finales dans les langues officielles de l ’ État partie, auprès des institutions étatiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier auprès du Gouvernement, des ministères, du P arlement et du système judiciaire, afin qu ’ elles soient appliquées dans leur intégralité.
Ratification d’autres traités
L e Comité souligne que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à promouvoir l ’ exercice effectif des droits individuels et libertés fondamentales par les femmes dans tous les aspects de la vie . Il l ’ invite donc à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n ’ est pas encore partie.
Suite donnée aux observations finales
Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 11 c), 19 d), 27 b) et 39 c) ci-dessus.
Établissement du prochain rapport
Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son neuvième rapport périodique en juillet 2022. Le rapport doit être soumis dans les délais et couvrir toute la période allant jusqu ’ à la date de soumission.
Le Comité demande à l ’ État partie de se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).