Nations Unies

CEDAW/C/CYP/CO/6-7

Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes

Distr. générale

25 mars 2013

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes

Observations finales concernant les sixième et septième rapports périodiques de Chypre soumis en un seul document, adoptées par le Comité à sa cinquante-quatrième session (11 février-1er mars 2013)

1.Le Comité a examiné les sixième et septième rapports périodiques de Chypre soumis en un seul document (CEDAW/C/CYP/6-7) à ses 1107e et 1108e séances, le 15 février 2013 (CEDAW/C/SR.1107 et 1108). La liste des points et questions correspondante a été publiée sous la cote CEDAW/C/CYP/Q/6-7 et les réponses du Gouvernement chypriote à ces questions sous les cotes CEDAW/C/CYP/Q/6-7/Add.1 et CEDAW/C/CYP/Q/6-7/ Add.1/Corr.1.

A.Introduction

2.Le Comité remercie l’État partie pour ses sixième et septième rapports périodiques détaillés, soumis en un seul document, ses réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par le Groupe de travail d’avant-session du Comité et ses réponses aux questions posées oralement par le Comité.

3.Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par Mme Leda Koursoumba, Commissaire aux lois de la République de Chypre, et composée du Représentant permanent de la République de Chypre auprès de l’Organisation des Nations Unies à Genève ainsi que de représentants du Mécanisme national de promotion des droits de la femme, du Ministère de l’éducation et des affaires culturelles, du Ministère du travail et de l’assurance sociale, du Ministère de la santé et de la police. Il se félicite du dialogue constructif qui a eu lieu entre la délégation et les membres du Comité.

4.Le Comité sait que l’État partie ne contrôle pas l’ensemble de son territoire et ne peut donc pas, dans la pratique, assurer la réalisation des droits des femmes dans les zones qui ne sont pas sous son contrôle. Il reste néanmoins préoccupé par le fait que la situation politique continue d’entraver la mise en œuvre de la Convention dans la région qui n’est pas sous le contrôle effectif de l’État partie et regrette qu’aucune information ni donnée sur la situation des femmes qui vivent dans cette région n’ait pu lui être fournie.

B.Aspects positifs

5.Le Comité prend note avec satisfaction des progrès accomplis, depuis l’examen en 2006 du cinquième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/CYP/5), dans la mise en œuvre de réformes législatives, en particulier:

a)La promulgation, en 2007, de la loi sur la lutte contre la traite et l’exploitation des êtres humains et la protection des victimes; et

b)Les modifications apportées en 2009 aux lois relatives à l’égalité de traitement des hommes et des femmes dans l’emploi et la formation professionnelle et à l’égalité de rémunération des hommes et des femmes pour un même travail ou pour un travail de valeur égale.

6.Le Comité félicite l’État partie d’avoir amélioré son cadre institutionnel et politique destiné à accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité des sexes, notamment par:

a)L’adoption en 2007 du Plan national d’action pour l’égalité des sexes (2007‑2013) et la mise en place de la Commission parlementaire chargée des droits de l’homme et de l’égalité des chances pour les hommes et les femmes et du Comité pour l’égalité des sexes dans l’emploi et la formation professionnelle;

b)L’adoption en 2009 du Plan national d’action pour la prévention et le traitement de la violence familiale (2010-2013) et la création du Comité consultatif pour la prévention et la répression de la violence familiale; et

c)L’adoption en 2010 du Plan national d’action contre la traite des êtres humains (2013-2015) et la création d’un groupe pluridisciplinaire de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains.

7.Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie a ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après, ou y a adhéré:

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées (2011);

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées (2011);

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (2010);

d)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (2009); et

e)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (2006).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Chambre des représentants

8. Tout en réaffirmant que c ’ est au Gouvernement qu ’ il incombe au premier chef de mettre pleinement en œuvre les obligations qu ’ a l ’ État partie en vertu de la Convention et d ’ en rendre compte, le Comité souligne que la Convention lie toutes les branches du Gouvernement et invite l ’ État partie à encourager la Chambre des représentants, conformément à ses procédures et s ’ il y a lieu, à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les présentes observations finales à compter de maintenant et jusqu ’ au prochain rapport au titre de la Convention .

Accès à la justice

9.Le Comité note que les femmes saisissent de plus en plus souvent les organes existants chargés de veiller à l’égalité des sexes pour obtenir réparation, mais il relève avec préoccupation qu’elles restent réticentes, comme le reconnaît l’État partie, à porter devant les tribunaux des cas de discrimination et de violation de leurs droits, et que les avocats et les agents de la force publique ne sont pas suffisamment formés à l’application des droits consacrés par la Convention.

10. Le Comité recommande à l ’ État partie de sensibiliser davantage les femmes à leurs droits, y compris les migrantes, et de supprimer les obstacles susceptibles de les empêcher d ’ avoir effectivement accès à la justice, notamment à des recours judiciaires et à d ’ autres mécanismes juridiques de plainte. Il l ’ engage en outre à élaborer à l ’ intention des procureurs, des juges et des avocats, des programmes de formation qui mettent l ’ accent sur la Convention, le Protocole facultatif et les recommandations générales du Comité, afin de créer une culture juridique favorisant l ’ égalité des hommes et des femmes.

Mécanismes nationaux de promotion de la femme

11.Le Comité félicite l’État partie d’avoir mis en place, pendant la période à l’examen, plusieurs organes chargés de la question de l’égalité, mais il relève avec préoccupation que le Mécanisme national de promotion des droits de la femme, qui se compose de quatre organes différents, n’est pas unifié et n’a pas l’autorité et la visibilité nécessaires, et que l’Unité pour l’égalité n’est pas dotée de ressources humaines et financières suffisantes, nide la capacité technique nécessaire pour s’acquitter de son mandat. Il est en outre particulièrement préoccupé par le manque de coordination entre les entités existantes, qui se traduit par le chevauchement des responsabilités.

12. Le Comité réitère la recommandation formulée dans ses précédentes observations finales (CEDAW/C/CYP/CO/5, par. 16) tendant à ce que l ’ État partie renforce le mécanisme national existant en lui conférant une autorité et une visibilité suffisantes et en le dotant de ressources humaines, financières et techniques adéquates, et à ce qu ’ il établisse une coordination efficace entre tous les organes existants chargés de la promotion de la femme et de l ’ égalité d es sexes.

Mesures temporaires spéciales

13.Le Comité prend note des formules mises en place par l’État partie pour stimuler l’embauche des personnes défavorisées ou vulnérables, mais il s’inquiète de ce qu’aucune mesure temporaire spéciale n’est prévue dans le cadre d’une stratégie visant à accélérer la concrétisation d’une égalité réelle des femmes et des hommes dans les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, en particulier sur le marché du travail et dans la vie politique et publique.

14. Le Comité encourage l ’ État partie:

a) À é tudier l ’ intérêt et l ’ opportunité d ’ appliquer des quotas et d ’ autres formes de mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la Recommandation générale n o  25 (2004) du Comité, dans tous les domaines visés par la Convention où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, en particulier sur le marché du travail et dans la vie publique et politique;

b) À f aire mieux comprendre aux membres du Parlement, aux responsables des services de l ’ État, aux partis politiques et au grand public la nécessité de prendre des mesures temporaires spéciales; et

c) À i nclure dans toutes ses politiques et tous ses programmes et plans d ’ action des dispositions prévoyant le recours à des mesures temporaires spéciales, dans le cadre d ’ une stratégie à suivre pour atteindre une réelle égalité des femmes et des hommes, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

Stéréotypes

15.Le Comité reconnaît les efforts que fait l’État partie pour éliminer les stéréotypes sexistes, notamment grâce à la réforme de l’enseignement en cours, mais il se dit une nouvelle fois préoccupé (CEDAW/C/CYP/CO/5, par. 17) par la persistance des attitudes patriarcales et des stéréotypes profondément ancrés à propos des rôles et des responsabilités des hommes et des femmes au sein de la famille, au travail, dans la vie politique et publique et dans la société dans son ensemble. Il note avec inquiétude, en particulier, que la fréquence de ces stéréotypes contribue à la situation défavorable qui est celle des femmes dans l’État partie, notamment en ce qui concerne leur accès aux postes à responsabilités et à des mandats électifs, et influence leurs choix d’études et de profession et, en fin de compte, leur situation sur le marché du travail.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ adopter une stratégie globale, visant tous les secteurs, assortie d ’ une approche axée sur les résultats afin d ’ en finir avec les attitudes stéréotypées qui sont discriminatoires à l ’ égard des femmes dans la famille, à l ’ école, au travail, dans la vie politique et publique et dans la société en général; et

b) De mener des campagnes de sensibilisation et d ’ éducation destinées aux femmes et aux hommes de toutes les couches de la société, y compris dans le système éducatif et dans les secteurs public et privé, en collaboration avec la société civile et les médias, consistant notamment à promouvoir des images non stéréotypées et positives des femmes qui participent activement à la vie sociale, économique et politique et à faire connaître la Convention et la notion d ’ égalité réelle des sexes qu ’ elle consacre.

Violence contre les femmes

17.Le Comité salue l’action menée par l’État partie pour combattre la violence dans la famille, en particulier l’adoption d’un cadre législatif exhaustif, la réalisation de travaux de recherche sur la fréquence de la violence dans la famille et la formation professionnelle dispensée à la police par le Bureau de la police chargé de la violence familiale et des mauvais traitements à enfants. Il reste toutefois préoccupé par le faible nombre d’enquêtes, de poursuites et de condamnations auxquelles ont donné lieu les affaires de violence familiale, malgré le nombre élevé de cas signalés. Il est en outre préoccupé par l’absence d’informations sur l’application du Plan national d’action pour la prévention et le traitement de la violence familiale (2010-2013), par le fait que l’accent ne soit pas assez mis sur les inégalités hommes-femmes et que les migrantes et les femmes appartenant à des minorités ethniques ne soient pas visées dans les programmes et politiques de l’État partie concernant la violence dans la famille, ainsi que par l’assistance limitée offerte par le seul refuge géré par une organisation non gouvernementale (ONG) dans l’État partie. Il se dit également préoccupé par le peu de données et d’informations disponibles sur l’incidence des autres formes de violence.

18. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De prendre des mesures efficaces pour enquêter sur les cas signalés faisant état de toute forme de violence et pour poursuivre et punir comme il convient les auteurs, notamment en dispensant une formation obligatoire aux juges, aux procureurs et aux avocats et en fournissant une aide juridictionnelle aux victimes;

b) De mettre en œuvre effectivement le Plan national d ’ action pour la prévention et le traitement de la violence familiale en respectant un calendrier précis et en allouant des crédits budgétaires suffisants, et de surveiller systématiquement ses effets;

c) D ’ améliorer le système de collecte de données afin d ’ y inclure toutes les formes de violence contre les femmes, les mesures de protection, les poursuites et les condamnations dont les auteurs ont fait l ’ objet, et de mener des études appropriées afin d ’ évaluer la fréquence des violences subies par les femmes, y compris les femmes migrantes et celles qui appartiennent à des minorités ethniques;

d) De fournir une assistance et une protection appropriées aux femmes victimes de violence, en particulier des services de réadaptation sociale et un nombre suffisant de refuges, en renforçant notamment la coopération et l ’ appui qu ’ il apporte aux ONG qui offrent des refuges et d ’ autres formes de soutien aux victimes de violence familiale; et

e) De fixer un calendrier pour la ratification de la Convention du Conseil de l ’ Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l ’ égard des femmes et la violence domestique.

Traite et exploitation de la prostitution

19.Le Comité note avec satisfaction que la législation réprimant la traite contient des dispositions concernant le recensement et la protection des victimes et qu’un mécanisme national d’orientation des victimes et un refuge géré par les autorités publiques ont été mis en place. Il est toutefois préoccupé par le petit nombre de condamnations de trafiquants, alors que le nombre des victimes de traite qui ont été recensées est élevé, et par l’assistance limitée apportée aux victimes par le refuge existant, comme aux victimes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas coopérer avec les autorités de poursuite. Il est également préoccupé par l’importance de la traite de migrantes aux fins de l’exploitation sexuelle et de l’exploitation par le travail et par le fait que le cadre réglementaire n’est pas suffisamment appliqué et que les agences d’emploi privées qui seraient parfois impliquées dans les réseaux de traite des personnes ne sont pas surveillées. Il prend acte de la suppression du visa d’«artiste exécutant» qui facilitait la traite, mais prend note avec inquiétude des répercussions négatives du nouveau régime de visa sur les migrantes en provenance de pays de l’Union européenne, qui sont de plus en plus victimes de trafiquants en vue de leur exploitation dans de nouveaux types d’établissements, autres que des cabarets, tels que des appartements privés. Le Comité regrette l’absence d’information sur l’importance de la prostitution dans l’État partie et sur les programmes d’aide destinés aux femmes qui veulent sortir de la prostitution et cherchent d’autres moyens de subsistance.

20. Le Comité engage l ’ État partie:

a) À redoubler d ’ efforts pour enquêter efficacement sur les cas de traite des personnes et pour poursuivre et punir les auteurs;

b) À fournir une assistance et une protection adéquates à toutes les victimes de la traite, qu ’ elles soient ou non capables ou désireuses de coopérer dans le cadre des procédures judiciaires engagées contre les trafiquants, et à faire en sorte que cette assistance comprenne un soutien psychologique, une réadaptation et une réinsertion sociale;

c) À prendre des mesures efficaces pour appliquer strictement la législation existante concernant les agences d ’ emploi privées et à surveiller les activités de ces agences, afin de lutter contre la traite de migrantes destinées à devenir des domestiques, et à envisager de ratifier la Convention n o  181 de l ’ O rganisation internationale du Travail (OIT) sur les agences d ’ emploi privées (1997);

d) À exercer un contrôle rigoureux sur le nouveau régime de visa afin qu ’ il ne facilite pas ou n ’ ait pas pour conséquence la traite de migrantes, et à mener une étude d ’ impact du régime actuellement en place; et

e) À élaborer des stratégies de prévention de l ’ exploitation de la prostitution et à mettre en œuvre des programmes pour venir en aide et fournir des services de réadaptation aux travailleuses du sexe à la recherche d ’ autres moyens de subsistance.

Participation à la vie politique et à la vie publique

21.Le Comité constate à nouveau avec préoccupation (CEDAW/C/CYP/CO/5, par. 19) que les femmes restent sous-représentées au Gouvernement, au Parlement, dans les conseils locaux, dans les fonctions de maire et dans les postes de décision de l’administration, comme l’a reconnu l’État partie. Il note avec inquiétude que les attitudes patriarcales vis‑à‑vis des femmes qui font de la politique, le manque de soutien de la part des réseaux politiques masculins et leur faible représentation dans les médias empêchent les femmes de participer à la vie politique dans des conditions d’égalité avec les hommes. En outre, il note que la plupart des partis politiques ont introduit des quotas afin de renforcer la participation des femmes à leurs organes de décision mais relève avec inquiétude que l’État partie a indiqué que ni le Gouvernement ni la société civile n’étaient favorables à l’utilisation de quotas dans les sphères publique et politique. Il craint aussi que les objectifs et quotas définis dans le Plan national d’action pour l’égalité des sexes en ce qui concerne la participation des femmes à la vie politique et publique n’aient débouché sur aucune mesure concrète.

22. Le Comité engage l ’ État partie:

a) À i ntensifier ses efforts pour mener, en collaboration avec les médias, des campagnes visant à sensibiliser le public à l ’ importance de la participation des femmes à la vie politique; et

b) À p rendre toutes les mesures nécessaires pour accroître la représentation des femmes dans les organes pourvus par voie d ’ élection ou de nomination, en particulier dans les appareils exécutif et législatif et les organes décisionnels, afin d ’ atteindre les objectifs et quotas définis dans le Plan national d ’ action pour l ’ égalité des sexes, et à envisager d ’ adopter, partout où cela est nécessaire, des mesures temporaires spéciales pour que la participation pleine et égale des femmes devienne plus rapidement une réalité.

Participation au processus de paix

23.Tout en notant que les femmes participent activement aux efforts de réconciliation et de paix au travers d’activités bicommunautaires, le Comité s’inquiète du peu d’informations communiquées par l’État partie au sujet de la participation des femmes au processus de paix, notamment à la prise de décisions, et craint que le processus de paix en cours n’intègre pas une perspective de genre, contrairement aux recommandations de l’équipe consultative sur l’égalité des sexes.

24. Compte tenu de sa recommandation antérieure (CEDAW/C/CYP/CO/5, par. 34), le Comité engage l ’ État partie:

a) À renforcer le dialogue qu ’ il entretient avec les ONG et les organisations de femmes afin de promouvoir et d ’ encourager la participation de la société civile et de la communauté au processus de paix;

b) À intensifier ses efforts pour intégrer une perspective de genre dans le processus de paix en veillant à la protection et au respect des droits fondamentaux des femmes et des filles et en tenant compte de leurs besoins particuliers;

c) À faire pleinement participer les femmes à toutes les étapes du processus de paix, y compris à la prise de décisions, conformément aux dispositions de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité.

Éducation

25.Tout en saluant l’adoption d’un Plan national d’action pour l’égalité des sexes dans l’éducation qui prévoit des mesures pour lutter contre les stéréotypes concernant les rôles des hommes et des femmes au sein de la famille et de la société, le Comité constate avec préoccupation que la mise en œuvre de ce plan ne fait pas l’objet d’une évaluation. Il relève également avec inquiétude que dans l’enseignement supérieur, les femmes sont surtout présentes dans les domaines d’étude traditionnellement féminins, et qu’elles sont sous-représentées dans l’enseignement technique et professionnel. En outre, il juge préoccupantes les difficultés économiques, linguistiques et culturelles auxquelles les filles appartenant aux minorités ethniques se heurtent et qui nuisent à leurs résultats scolaires et plus tard leur intégration sur le marché du travail.

26. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ entreprendre une évaluation des effets des mesures prises dans le cadre du Plan national d ’ action;

b) De mettre au point des mesures destinées à diversifier les filières universitaires et professionnelles ouvertes aux femmes, y compris dans les domaines non traditionnels, et d ’ intensifier ses efforts en matière d ’ orientation professionnelle pour encourager les filles à choisir des carrières non traditionnelles;

c) De redoubler d ’ efforts pour supprimer les obstacles économiques, linguistiques et culturels qui empêchent les filles appartenant aux minorités ethniques, notamment les filles chypriotes turques, d ’ atteindre un niveau scolaire qui leur permette de poursuivre leurs études ou de réussir leur intégration sur le marché du travail.

Emploi

27.Tout en félicitant l’État partie d’avoir adopté une législation complète en matière d’emploi qui encourage l’entreprenariat féminin et prévoit des mesures visant à faciliter la conciliation des responsabilités professionnelles et familiales, le Comité note avec préoccupation que l’écart de salaires entre les femmes et les hommes est toujours de 18,3 %. En outre, il prend note des efforts faits par le Comité interministériel pour réglementer le travail domestique mais il est vivement préoccupé par la situation précaire et la vulnérabilité des domestiques, qui sont pour l’essentiel des migrantes, ainsi que par l’absence de dispositif de contrôle de leurs conditions de travail dans l’État partie. Il relève en particulier le nombre étonnamment élevé de plaintes (2 867 depuis 2010) déposées par des domestiques auprès des bureaux de district chargés des relations du travail, ce qui montre que les mesures prises par l’État partie pour protéger ces travailleurs sont insuffisantes.

28. Le Comité engage l ’ État partie:

a) À p rendre des mesures volontaristes pour surveiller et combler l ’ écart de salaires entre les hommes et les femmes, notamment en utilisant des systèmes d ’ évaluation fondés sur des critères tenant compte du sexe;

b) À envoyer systématiquement des inspecteurs du travail contrôler les conditions d ’ emploi des domestiques, y compris leurs salaires et leurs conditions de travail, et à redoubler d ’ efforts pour protéger leurs droits;

c) À e nvisager la possibilité de ratifier la Convention n o 189 de l ’ OIT sur le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques (2011).

Santé

29.Tout en notant que le Conseil des ministres a décidé qu’un système national d’assurance maladie serait mis en place d’ici à 2016, le Comité constate avec préoccupation que l’absence de système national de santé et, partant, de couverture universelle, a une incidence négative sur l’accès des femmes à faible revenu, en particulier les migrantes et les femmes âgées, aux services médicaux. Il note également avec préoccupation que les femmes défavorisées auraient du mal à se procurer des moyens de contraception à un prix abordable et que certains moyens de contraception modernes ne sont pas disponibles dans l’État partie.Il regrette en outre l’absence de données sur les avortements non médicalisés dans l’État partie.

30. Le Comité demande à l ’ État partie:

a) De g arantir l ’ accès universel aux soins et aux services de santé pour toutes les femmes, en prêtant une attention particulière aux migrantes et aux femmes âgées, et de mettre en place rapidement le système national d ’ assurance maladie;

b) De m ettre à disposition une gamme complète de moyens de contraception, y compris de contraception d ’ urgence, et de méthodes de planification familiale à des prix abordables, et de veiller à ce que toutes les femmes et filles, y compris les femmes et filles migrantes, puissent accéder à l ’ information et aux services en matière de planification familiale sans se heurter à des difficultés économiques, linguistiques ou culturelles; et

c) De mener des travaux de recherche sur les avortements non médicalisés dans l ’ État partie et sur leur incidence sur la santé des femmes et la mortalité maternelle, et de faire figurer les résultats de ces travaux dans son prochain rapport périodique.

Groupes de femmes défavorisés

31.Le Comité juge préoccupante la vulnérabilité des femmes âgées et des femmes handicapées, qui font souvent l’objet de multiples formes de discrimination, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’éducation, à l’emploi, à un logement convenable, aux soins de santé et aux services sociaux. Il regrette que l’État partie n’ait communiqué que peu d’informations sur le sujet.

32. Le Comité demande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur la situation des femmes âgées et des femmes handicapées, comprenant des données ventilées et des renseignements sur les programmes mis en place et les résultats obtenus.

33.Le Comité note avec préoccupation que la législation de l’État partie demeure discriminatoire à l’égard des enfants nés de femmes déplacées car elle ne leur permet pas de bénéficier du même statut que celui des enfants nés d’hommes déplacés, lequel confère le droit de vote et donne accès aux prestations sociales et à l’aide au logement, notamment.

34. Le Comité engage l ’ État partie à modifier sa législation sans délai afin que les enfants nés de femmes déplacées puissent bénéficier du même statut que celui des enfants nés d ’ hommes déplacés.

Mariage et relations familiales

35.Le Comité note avec préoccupation que les informations communiquées par l’État partie sur le mariage et les relations familiales, y compris la dissolution du mariage, sont insuffisantes. Tout en notant que la compétence en matière de procédures de divorce a été entièrement transférée aux tribunaux des affaires familiales par modification de la Constitution en 1989, il relève avec préoccupation que le fait que les tribunaux des affaires familiales aient toujours des compétences différentes selon l’appartenance religieuse, l’absence de législation uniforme en matière de divorce − résultant de la coexistence de lois qui s’appliquent aux différents groupes religieux − et la loi en vigueur sur le partage des biens des époux risquent d’avoir des conséquences négatives pour les femmes. En outre, tout en notant que le Ministère de l’intérieur a soumis une proposition de projet de loi relatif aux unions de fait qui a été récemment débattue en Conseil des ministres, le Comité craint que les femmes ne soient pas suffisamment protégées dans ce type d’unions, en particulier en cas de séparation.

36. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De veiller à ce que les lois sur le mariage et les relations familiales régissant les différents groupes religieux soient appliquées par les tribunaux des affaires familiales dans le plein respect des articles 15 et 16 de la Convention et de la Recommandation générale n o  21 (1994) du Comité sur l ’ égalité dans le mariage et les relations familiales;

b) D ’ étudier les conséquences économiques du divorce sur les deux époux, en tenant compte des disparités économiques fondées sur le sexe qui peuvent exister entre eux; et

c) De prendre les mesures nécessaires, notamment dans le cadre du projet de loi envisagé relatif aux unions de fait, pour veiller à ce que les femmes jouissent d ’ une protection juridique appropriée pendant la durée de l ’ union de fait et après sa dissolution.

Collecte et analyse de données

37.Tout en notant que le Service statistique de l’État partie a publié récemment une version à jour du «Portrait statistique des femmes de Chypre», qui contient des données ventilées par sexe en matière d’emploi, d’éducation, de santé, de pauvreté, de participation à la vie publique et de violence, le Comité regrette que peu de statistiques à jour ventilées par sexe aient été communiquées dans de nombreux domaines visés par la Convention.

38. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des statistiques ventilées par sexe et par zone urbaine ou rurale et une analyse de ces données, en indiquant les effets des mesures prises et les résultats obtenus, afin de brosser un tableau plus complet de la situation des femmes, y compris des migrantes, dans plusieurs domaines.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

39. Le Comité engage l ’ État partie à utiliser la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing dans les efforts faits pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention .

Diffusion et mise en œuvre

40. Le Comité rappelle à l ’ État partie qu ’ il est tenu de mettre en œuvre, de manière systématique et constante, les dispositions de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes. Il le prie instamment d ’ accorder une attention prioritaire à la mise en œuvre des présentes observations finales et recommandations à compter de maintenant et jusqu ’ à la soumission du prochain rapport périodique. Il lui demande donc de communiquer ces observations finales en temps opportun, dans la ou les langues officielles de l ’ État partie, aux institutions compétentes de l ’ État à tous les niveaux (national, régional, local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, à la Chambre des représentants et aux organes judiciaires, afin d ’ assurer leur pleine mise en œuvre. Il encourage l ’ État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes concernées, notamment les associations d ’ employeurs, les syndicats, les organisations de défense des droits de l ’ homme et les organisations de femmes, les universités et instituts de recherche et les médias. Il recommande aussi que ses observations finales soient diffusé e s sous une forme appropriée au niveau des communautés locales, afin qu ’ elles puissent être mises en œuvre. En outre, il prie l ’ État partie de continuer de diffuser auprès de toutes les parties prenantes la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes, son Protocole facultatif et la jurisprudence se rapportant à ces instruments, ainsi que les recommandations générales du Comité .

Ratification d’autres instruments

41. Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme renforcerait l ’ exercice par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux dans toutes les sphères de la vie . Il encourage donc l ’ État partie à envisager de ratifier les traités auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées .

Suivi des observations finales

42. Le Comité prie l ’ État partie de donner par écrit, dans un délai de deux ans, des  informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations figurant aux paragraphes 1 2 et 2 0 b), c) et d).

Élaboration du prochain rapport

43. Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son huitième rapport périodique en mars 2017.

44. Le Comité prie l ’ État partie de suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, notamment les directives portant sur le document de base commun et les rapports propres à chaque instrument (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).