Observations finales concernant le septième rapport périodique du Chili *

Le Comité a examiné le septième rapport périodique du Chili (CEDAW/C/CHL/7) à ses 1574e et 1575e séances, le 21 février 2018 (voir CEDAW/C/SR.1574 et CEDAW/C/SR.1575). La liste de points établie par le Comité figure dans le document CEDAW/C/CHL/Q/7, et les réponses du Chili dans le document CEDAW/C/CHL/Q/7/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le septième rapport périodique de l’État partie. Il le remercie du rapport de suivi (CEDAW/C/CHL/CO/5-6/Add.1) et des réponses écrites apportées à la liste de points établie par le groupe de travail d’avant session, complétées oralement par la délégation, et des éclaircissements supplémentaires donnés en réponse aux questions orales posées par le Comité pendant le dialogue. Il se félicite en outre de l’information communiquée par voie électronique après le dialogue.

* Adoptées par le Comité à sa soixante-neuvième session (19 février-9 mars 2018).

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par la Ministre de la femme et de l’égalité entre les sexes, Claudia Pascual Grau. La cheffe de la délégation était accompagnée de la Secrétaire générale du Gouvernement, la Ministre Paula Verónica Narváez Ojeda ; la Ministre du travail et de la sécurité sociale, Alejandra Krauss ; la Ministre de la Cour suprême, Andrea Muñoz Sánchez ; la Vice-Ministre des droits de la personne, Julia Lorena Fries Monleón. La délégation comprenait également des représentants du Ministère de la justice et des droits de l’homme ; du Ministère du travail et de la sécurité sociale ; du Ministère des affaires étrangères ; du Ministère du développement social ; du Ministère de l’éducation ; du Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique ; du Secrétariat technique de l’équité, de l’égalité des sexes et de la non-discrimination ; du Bureau du Procureur ; du Ministère du Secrétaire général du Gouvernement ; du Ministère de la santé. Se sont jointes à la délégation l’Ambassadrice de la Mission permanente du Chili auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, S. E. Marta Maurás Perez ; l’Ambassadrice et Représentante permanente suppléante auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, S. E. Carla Serazzi, ainsi que des représentants de la Mission permanente du Chili. Le Comité se réjouit du dialogue constructif qui s’est instauré entre la délégation et lui.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2012, du rapport valant cinquième et sixième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/CHL/5-6) dans la mise en œuvre de réformes législatives, en particulier l’adoption des documents ci-après :

a)Loi no 21.030 (2017) assouplissant l’interdiction totale de l’avortement par la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse pour trois motifs précis ;

b)Loi no 20.885 (2016) portant création du Sous-Secrétariat aux droits de l’homme et portant modification de la loi organique constitutionnelle du Ministère de la justice ;

c)Loi no 21.015 (2017) facilitant l’intégration des personnes handicapées dans le marché du travail ;

d)Loi no 21.063 (2017) prévoyant une assurance pour les parents en activité, ayant des enfants atteints de graves maladies ;

e)Loi no 20.820 (2015) portant création du Ministère de la femme et de l’équité du traitement des deux sexes ;

f)Loi no 20.830 (2015) adoptant l’Accord d’union civile ;

g)Lois nos 20.900 et 20.915 (2016) portant modification de la loi organique constitutionnelle sur les partis politiques, et veillant à la parité des sexes dans la composition des organes collégiaux en garantissant un minimum de 40 % de femmes parmi les candidats ;

h)Loi no 20.840 (2015) portant création d’un système électoral proportionnel et inclusif pour les élections législatives, mettant fin au système binomial ;

i)Loi no 20.786 (2014) améliorant les conditions de travail des travailleurs domestiques.

Le Comité salue les efforts consentis par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et normatif en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité entre les sexes, grâce à l’adoption ou à la mise en place de ce qui suit :

a)Politique nationale sur l’égalité des sexes et la non-discrimination (2018) ;

b)Plan national relatif aux droits de la personne (2018-2021) ;

c)Quatrième Plan d’action national sur l’égalité entre les hommes et les femmes (2018-2030) ;

d)Plan d’action national contre la traite de personnes (2015-2018);

e)Plan d’action national contre la violence à l’égard des femmes (2014-2018) ;

f)Le Secrétariat technique pour l’égalité entre les sexes et la non-discrimination à la Cour suprême (2016).

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié les instruments internationaux suivants, ou d’y avoir adhéré, au cours de la période écoulée depuis l’examen du précédent rapport :

a)Convention relative au statut des apatrides (1954) et Convention sur la réduction des cas d’apatridie (1961), en 2018 ;

b)Convention (no 189) de l’Organisation internationale du Travail concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques (2011), en 2016.

Le Comité salue les efforts non négligeables que l’État partie a consentis ces quatre dernières années en vue de promouvoir les droits de la femme, et fait observer qu’un grand nombre de lois et de politiques adoptées durant cette période constituent un socle solide permettant de poursuivre l’action menée pour autonomiser les femmes de manière à atteindre l’objectif d’égalité des sexes, et éliminer la discrimination à l’égard des femmes, en conformité avec la Convention.

Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite de la mobilisation de l’État partie pour atteindre les objectifs de développement durable en créant notamment un Conseil national pour l’application du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il rappelle l’importance de la cible 1 de l’objectif 5 et salue les efforts positifs menés par l’État partie pour mettre en œuvre des politiques de développement durable.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir la déclaration faite par le Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée à la quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Congrès national, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application de la Convention, du Protocole facultatif s’y rapportant et des recommandations générales du Comité

Le Comité salue les nombreux efforts consentis par l’État partie pour diffuser la Convention. Il est toutefois préoccupé par le fait que, bien que l’État partie ait accepté les recommandations faites lors de son examen périodique universel en 2014 de ratifier le Protocole facultatif à la Convention, le projet de loi (bulletin no 2667-10) portant approbation de la ratification du Protocole facultatif est en instance devant la Commission sénatoriale des affaires étrangères depuis 2001.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/CHL/CO/5-6 , par. 52), le Comité recommande que l’État partie accélère à titre prioritaire la ratification du Protocole facultatif à la Convention afin de faciliter le plein exercice des droits consacrés par la Convention.

Cadre législatif et définition de la discrimination à l’égard des femmes

Le Comité salue l’adoption par l’État partie de lois essentielles visant à promouvoir l’égalité matérielle entre les femmes et les hommes. Il est néanmoins préoccupé par les points suivants :

a)La loi no 20.609 (2012) sur la discrimination reste de portée limitée et ne donne pas une définition complète de la discrimination à l’égard des femmes ;

b)Le défaut de mise en œuvre effective de la loi no 20.609, ainsi que l’absence d’un mécanisme judiciaire propre à statuer sur les affaires de discrimination à l’égard des femmes, se sont traduits par des faibles taux de poursuites (entre 2012 et 2016, seulement 3 % des affaires ont été jugées en vertu de la loi relative à la discrimination) ;

c)Le projet de loi sur l’identité de genre, ainsi que ses amendements, restent en instance ;

d)L’insuffisance de la protection juridique a entraîné une augmentation du nombre de cas de discrimination à l’égard des personnes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées.

Conformément aux obligations qui incombent à l’État partie en vertu de la Convention, et comme prévu par la cible 5.1 de l’objectif de développement durable 5 visant à mettre fin, dans le monde entier, à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles, le Comité rappelle ses observations finales précédentes ( CEDAW/C/CHL/CO/7 , par . 11), et recommande que l’État partie :

a) Adopte à titre prioritaire une définition juridique complète de la discrimination à l’égard des femmes, sous toutes ses formes, notamment directes, indirectes et croisées, dans les domaines public et privé, et inscrive, dans sa Constitution ou toute autre disposition législative, le principe de l’égalité formelle et réelle entre hommes et femmes, conformément aux dispositions de l’alinéa a) de l’article 2 de la Convention ;

b) Établisse un mécanisme de réception des plaintes judiciaires ayant pour mandat exprès de traiter des cas de discrimination à l’égard des femmes et veille à ce que des ressources humaines, financières et techniques suffisantes y soient affectées, en vue notamment d’assurer la formation de magistrats au règlement de ce type d’affaires ;

c) Adopte le projet de loi sur l’identité de genre et les amendements proposés ;

d) Prévoie une formation poussée pour la magistrature et d’autres autorités publiques en vue de lutter contre la discrimination et les atteintes aux droits dont sont victimes les personnes homosexuelles, bisexuelles, transgenres et intersexuées.

Accès à la justice

Le Comité accueille avec satisfaction la mise en place, à la Cour suprême, du Secrétariat technique à l’égalité hommes-femmes et à la lutte contre la discrimination (2016), ainsi que les diverses politiques visant à faciliter l’accès des femmes défavorisées à la justice. Il est cependant préoccupé par les obstacles institutionnels, procéduraux et pratiques auxquels se heurtent les femmes pour avoir accès à la justice, tels que :

a)Les stéréotypes discriminatoires, la partialité de la justice et le manque de connaissance du personnel judiciaire, des juristes et des responsables de l’application des lois, notamment la police, en ce qui concerne les droits des femmes ;

b)Les nombreux obstacles (notamment financiers, linguistiques et géographiques) auxquels se heurtent les femmes à faible revenu, les femmes rurales, les femmes autochtones et les femmes handicapées ;

c)Les menaces dont des femmes autochtones seraient la cible de la part de responsables de l’application des lois et de représentants de l’appareil judiciaire, ainsi que les représailles qu’elles auraient subies dans certains cas pour avoir collectivement revendiqué l’accès à leurs terres ;

d)Les obstacles relevant de la discrimination auxquels se heurtent les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées lorsqu’elles ont affaire à la justice ;

e)L’accès limité des femmes à l’information concernant les droits qu’elles tiennent de la Convention, ainsi que les recours en justice dont elles disposent lorsqu’elles sont victimes de violence sexiste, et par le faible taux de poursuites et de condamnations.

Conformément à sa recommandation générale n o 33 sur l’accès des femmes à la justice (2015), le Comité recommande que l’État partie :

a) Développe encore le renforcement systématique et obligatoire des capacités assuré aux magistrats, aux juges, aux procureurs, aux défenseurs des droits, aux avocats, aux responsables de l’application des lois, aux administrateurs, aux médiateurs et aux spécialistes en ce qui concerne les droits des femmes, l’intégration du principe d’égalité entre hommes et femmes dans la conduite des enquêtes, l’encouragement à signaler les violations et la prévention de la victimisation secondaire ;

b) Veille à ce que l’information relative aux recours soit mise à la disposition des femmes victimes de violence sexiste, notamment dans les langues autochtones et sous des formes accessibles aux femmes handicapées, et mette en place un système d’audiences foraines et d’assistance judiciaire gratuite de manière à assurer aux femmes rurales et aux femmes vivant dans des régions reculées un meilleur accès à la justice ;

c) Instaure une formation systématique de la magistrature et des responsables de l’application des lois sur les droits des femmes autochtones, et garantisse le droit de celles-ci de faire appel à la justice sans crainte de représailles ;

d) Établisse des mécanismes visant à mettre fin aux pratiques et aux décisions discriminatoires à l’égard des femmes homosexuelles, bisexuelles, transgenres et intersexuées dans le système judiciaire ;

e) Veille à ce que les victimes de discrimination et de violence sexiste aient accès à des recours utiles et rapides pouvant prendre la forme d’une réparation, d’une indemnisation ou d’une réadaptation, et encourage les femmes à signaler les faits de violence sexiste, notamment ceux commis dans le cercle familial, et veille à ce que tous les cas de violence à l’égard des femmes fassent l’objet d’une enquête efficace et à ce que les auteurs des faits en cause soient dûment poursuivis.

Mécanisme national de promotion de la femme et prise en compte de la problématique hommes-femmes

Le Comité salue la création du Ministère de la femme et de l’égalité des sexes. Il se félicite également de l’élaboration du quatrième Plan national pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018-2030). Il est toutefois préoccupé par le manque de moyens du Ministère, et craint que l’intégration et la coordination limitées de celui-ci avec le Service national de la femme et de l’égalité des sexes et le Conseil des ministres pour l’égalité des sexes n’entravent la promotion des stratégies relatives à l’égalité des sexes. Il note en outre avec préoccupation que les organisations de la société civile, en particulier les organisations féminines représentant les groupes de femmes les plus défavorisés, ne participent que peu et de manière ponctuelle à l’élaboration et au suivi des politiques publiques relatives à l’égalité des sexes.

Le Comité renouvelle ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/CHL/ CO/5-6 , par. 13) et recommande en outre que l’État partie :

a) Renforce l’approche intégrée de la lutte contre les inégalités entre les sexes et veille à ce que des mécanismes de suivi et de responsabilisation efficaces soient mis en place, y compris des évaluations systématiques de l’impact de la législation sur l’égalité des sexes par tous les ministères, et à ce que ces évaluations soient mesurées à l’aune du respect des cibles et des indicateurs pertinents et de la collecte efficace des données ;

b) Veille à ce que des ressources humaines, techniques et financières suffisantes soient allouées au Ministère de la femme et de l’égalité des sexes de manière à permettre une mise en œuvre complète et efficace du quatrième Plan national pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018-2030) ;

c) Adopte une budgétisation sensible à la problématique hommes-femmes, notamment pour ce qui est de la réalisation des objectifs de développement durable, qui soit assortie de mécanismes de suivi et de responsabilisation efficaces dans tous les secteurs et à tous les échelons de l’administration publique ;

d) Renforce sa coordination avec le Congrès national et la société civile, et associe pleinement les groupes de femmes défavorisés à l’élaboration et à la mise en œuvre des programmes et politiques publics, conformément au paragraphe 1 de l’article 2 de la loi n o  20.609.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité accueille avec satisfaction l’inclusion dans la loi no 20.820 d’une disposition qui autorise le Ministère de la femme et de l’égalité des sexes à proposer des mesures, des plans et des programmes temporaires (art. 4). Il se félicite également de l’initiative prise par la faculté de physique et de science de l’Université du Chili, de mettre en place un programme d’admission prioritaire dans une optique d’égalité des sexes, et l’augmentation du nombre de filles inscrites de ce fait à la faculté. Toutefois, le Comité est préoccupé par l’absence de mesures temporaires spéciales visant à accélérer la réalisation d’une égalité réelle entre les hommes et les femmes dans d’autres domaines visés par la Convention, tels que l’éducation, l’emploi et la participation à la vie politique et publique.

Rappelant ses précédentes observations finales, le Comité recommande que l’État partie envisage d’appliquer des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales, en tant que stratégie nécessaire pour accélérer la réalisation d’une égalité réelle dans tous les domaines visés par la Convention, en particulier dans la vie publique et politique où les femmes sont sous-représentées, de même que dans les domaines de l’éducation et de l’emploi, auxquels les migrantes et les femmes autochtones ont un accès limité.

Stéréotypes

Le Comité prend note avec satisfaction des mesures législatives et autres qui ont été prises pour lutter contre les stéréotypes discriminatoires dans l’État partie, notamment des efforts que celui-ci mène sans relâche pour promouvoir l’égalité des pères et des mères en ce qui concerne les obligations parentales. Pour autant, il demeure préoccupé par le fait que des stéréotypes discriminatoires persistants quant aux rôles et responsabilités respectifs des hommes et des femmes dans la famille et dans la société, ainsi que des formes croisées de discrimination et une culture machiste profondément enracinée dans l’État partie continuent à entraver la progression sur la voie de l’égalité entre les sexes. Il note en outre avec préoccupation que certaines catégories de femmes ne jouissent pas pleinement de leurs droits en raison de l’insuffisance de mesures spéciales de protection.

Rappelant ses précédentes observations finales (voir CEDAW/C/CHL/CO/5-6 , par. 17), le Comité recommande en outre que l’État partie adopte une stratégie complète visant les femmes, les hommes, les filles et les garçons qui permette d’en finir avec la culture machiste et les stéréotypes discriminatoires quant aux rôles et responsabilités respectifs des hommes et des femmes dans la famille et dans la société. Il recommande également que cette stratégie cible les formes croisées de discrimination dont sont victimes les femmes, notamment les femmes handicapées, les femmes autochtones, ainsi que les femmes homosexuelles, bisexuelles, transgenres et intersexuées, telles que définies au paragraphe 18 de la recommandation générale n o  28 (2010) du Comité concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention.

Pratiques traditionnelles néfastes

Le Comité est préoccupé par :

a)Le fait qu’aucune disposition législative n’interdit clairement de procéder à des actes médicaux inutiles sur des nourrissons ou des enfants intersexués tant que ceux-ci n’ont pas atteint un âge auquel ils sont à même de donner leur consentement, préalable, libre et éclairé ;

b)L’inadéquation du soutien et des recours effectifs mis à disposition des personnes intersexuées ayant subi très jeunes des actes chirurgicaux inutiles sur le plan médical, et aux conséquences souvent irréversibles, qui sont la source d’une souffrance physique et psychologique de longue durée.

Au vu de la recommandation générale et de l’avis général conjoints, n o  31 du Comité et n o  18 du Comité des droits de l’enfant, portant sur les pratiques préjudiciables (2014), le Comité recommande que l’État partie :

a) Adopte des dispositions législatives claires interdisant expressément de réaliser des actes chirurgicaux ou de prescrire d’autres traitements médicaux inutiles sur des enfants intersexués tant que ceux-ci n’ont pas atteint un âge auquel ils sont à même de donner leur consentement, préalable, libre et éclairé ; offre des conseils et un soutien adéquats aux familles d’enfants intersexués ; veille à ce que les professionnels de la santé soient informés de l’interdiction prévue par la loi de pratiquer des actes chirurgicaux ou d’autres interventions médicales inutiles sur des enfants intersexués ;

b) Garantisse un accès effectif à la justice aux personnes intersexuées qui ont subi des actes chirurgicaux ou d’autres traitements médicaux inutiles sans avoir donné leur consentement préalable, libre et éclairé, et envisage de constituer un fonds national d’indemnisation.

Violence sexiste à l’égard des femmes

Le Comité se félicite des progrès notables réalisés sur les plans législatif et institutionnel pour lutter contre les violences sexistes faites aux femmes, notamment de l’adoption du Plan national d’action contre la violence à l’égard des femmes (2014-2018) et de la création d’une base de données permettant d’enregistrer les cas de violence. Il demeure toutefois préoccupé par :

a)La persistance des taux élevés de violences sexistes faites aux femmes dans l’État partie, y compris les violences physiques, psychologiques, sexuelles et économiques, dans la vie privée comme dans la vie publique, qui s’accompagnent de taux élevés de violence familiale à l’égard des filles et des adolescentes ;

b)L’absence de progrès dans l’adoption du projet de loi sur le droit des femmes de vivre à l’abri de la violence (Journal officiel no 11077-07), en instance au Congrès depuis 2016 ;

c)La portée limitée de la loi no 20.066 (sur la violence familiale) s’agissant de sanctionner les cas de fémicide, loi qui dispose que l’auteur des faits doit être ou avoir été en couple avec la victime ; l’augmentation du nombre de fémicides dans l’État partie (passé de 34 en 2016 à 43 en 2017), y compris des tentatives de fémicide ;

d)La violence à l’égard des filles dans les établissements publics (SENAME – Service national des mineurs), notamment les cas d’exploitation et d’atteintes sexuelles ;

e)Les éléments d’information faisant état du recours à la violence par les agents de l’État à l’encontre de femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, et l’absence de données sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées dans ce type d’affaires ;

f)Les allégations d’usage excessif de la force par les agents de l’État à l’égard des femmes mapuches de la région d’Araucanie, et l’absence de données sur les cas de violence à l’égard de femmes autochtones.

Le Comité rappelle sa recommandation générale n o  35 (2017) sur la violence sexiste à l’égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale n o  19, et réitère sa recommandation à l’État partie, tendant à ce qu’il :

a) Redouble d’efforts pour combattre toutes les formes de violence sexiste à l’égard des femmes, et prenne des mesures visant à élaborer une stratégie globale de prévention pour les cas de violence à l’égard des filles et des garçons, en particulier dans le cadre familial, qui prévoie notamment l’apport d’un soutien psychologique aux victimes ;

b) Accélère l’adoption du projet de loi sur le droit des femmes de vivre à l’abri de la violence (Journal officiel n o  11077-07) et veille à ce que la loi reconnaisse les points de convergence entre violence et discrimination, dont souffrent tout particulièrement les femmes migrantes, les femmes autochtones, les femmes handicapées, ainsi que les femmes homosexuelles, bisexuelles, transgenres ou intersexuées ;

c) Modifie la loi n o  20.480 afin d’élargir la définition du fémicide de sorte qu’elle englobe tous les meurtres de femmes motivés par des considérations sexistes, renforce les mesures de prévention des fémicides et veille à ce que les auteurs de tels actes fassent l’objet d’enquêtes, de poursuites et de sanctions ;

d) Mette en place sans délai un mécanisme propre à surveiller les droits des filles dans les établissements publics (SENAME – Service national des mineurs), et veille à ce que tous les cas de violence sexiste à l’encontre de filles fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites, et soient dûment réprimés ;

e) Remédie à l’absence de mesures de protection visant à assurer la dignité et l’intégrité des femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées, et notamment mène, en coopération avec la société civile, des opérations de sensibilisation du public aux droits de ces femmes, et adopte des mesures propres à prévenir les crimes de haine et à garantir que des enquêtes sont menées, des poursuites engagées et des condamnations prononcées, et que les victimes ont accès à un recours effectif et, notamment, peuvent obtenir réparation et être indemnisées ;

f) Veille à ce que toutes les formes de violence sexiste à l’égard des femmes mapuches infligées par des agents de l’État à tous les niveaux, y compris par des policiers, ou résultant de leurs agissements ou omissions, fassent systématiquement l’objet d’une enquête en bonne et due forme, donnent effectivement lieu à des poursuites et soient réprimées par des peines et des sanctions disciplinaires appropriées, et que les victimes obtiennent réparation ou soient indemnisées.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité salue les efforts consentis pour lutter contre la traite dans l’État partie, notamment la publication des lignes directrices relatives aux bonnes pratiques pour la conduite d’enquêtes sur les crimes de traite de personnes (2014) et l’adoption du Plan national d’action contre la traite des personnes (2015-2018). Il demeure toutefois préoccupé par :

a)Le caractère limité du budget alloué à l’application de la loi no 20.507 sur la traite des êtres humains, y compris les migrants ;

b)L’absence de stratégie globale de lutte contre la traite et l’absence de données ventilées sur les victimes de la traite ou d’information sur l’ampleur de la traite dans l’État partie, en ce qui concerne en particulier la traite à des fins autres que l’exploitation sexuelle ;

c)Les faibles taux de poursuites et de condamnations dans les affaires de traite, et la victimisation secondaire de femmes et de filles, dont certaines seraient incriminées au lieu de se voir offrir une assistance en tant que victime ;

d)L’insuffisance du dispositif d’assistance aux victimes et de mesures de réadaptation et de réinsertion, notamment le nombre insuffisant de lieux d’hébergement, et l’accès limité aux services de conseil, à des soins médicaux, à un soutien psychologique et à des mesures de réparation, y compris sous la forme d’une indemnisation, pour les victimes de la traite et, en particulier, les migrantes.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Alloue les ressources humaines, financières et techniques nécessaires à l’application effective de la loi n o  20.507 ;

b) Mette en place un mécanisme indépendant doté des moyens humains, techniques et financiers appropriés pour recueillir de façon systématique des données ventilées sur la traite d’êtres humains et analyser ces données, ainsi que pour étudier l’ampleur du phénomène de la traite dans l’État partie ;

c) Améliore la formation des personnels de police et des travailleurs sociaux à l’échelle des municipalités sur les procédures tenant compte des disparités entre les sexes pour la prise en charge des victimes de la traite ; enquête sur ceux qui se livrent à la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles, les poursuive et les sanctionne comme il se doit ; élabore des directives nationales permettant d’identifier efficacement les victimes de la traite afin de leur éviter une victimisation secondaire ;

d) Renforce l’appui offert aux femmes victimes de la traite et à celles qui sont exposées au risque d’en être victimes, en particulier les migrantes et les filles non accompagnées, en leur garantissant l’accès aux soins de santé, aux services de conseil et à des voies de recours, notamment des réparations et des indemnisations, et en leur offrant des lieux d’hébergement appropriés ;

e) Intensifie la coopération régionale avec les pays de transit et de destination afin de prévenir la traite grâce à l’échange de renseignements, et renforce la capacité et les moyens des inspecteurs du travail et des membres de la police nationale et de la police des frontières de façon à mieux déceler le travail forcé, la traite et les infractions connexes visant des femmes et des filles.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité se félicite des progrès non négligeables accomplis dans la participation des femmes à la vie politique et à la vie publique, en particulier grâce à l’adoption de la loi no 20.840. Il se félicite également des progrès marqués dans la nomination d’un nombre croissant de femmes candidates à des postes de direction dans le corps diplomatique et au sein d’entreprises publiques. Cela étant, le Comité demeure préoccupé par le fait que les obstacles structurels et les stéréotypes discriminatoires qui entravent la participation des femmes à la vie politique et à la vie publique continuent d’empêcher celles-ci d’être élues ou nommées à des postes de responsabilité dans les partis politiques, dans l’appareil judiciaire et dans les universités. En outre, l’absence de mesures temporaires spéciales continue d’empêcher les femmes, y compris les femmes autochtones, d’accéder à des postes de décideur, au niveau tant de l’État que des municipalités.

Le Comité réitère sa recommandation tendant à ce que l’État partie applique intégralement sa recommandation générale n o  23 (1997) sur la participation des femmes à la vie politique et à la vie publique, et l’invite notamment à élaborer des directives concernant l’application des dispositions relatives aux quotas dans les élections qui auront lieu à l’avenir, afin d’accélérer la pleine participation des femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes, à la vie publique et à la vie politique. Il invite l’État partie à fixer des objectifs concrets, assortis de délais, afin d’accélérer la participation égale des femmes à la vie publique et à la vie politique à tous les niveaux, ainsi qu’aux travaux des instances internationales, et à s’efforcer de réunir les conditions nécessaires à la réalisation de ces objectifs. Il invite également l’État partie à mettre en lumière l’intérêt que présente pour l’ensemble de la société la présence des femmes à des postes de responsabilité sur un pied d’égalité avec les hommes. Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport une évaluation de la loi n o  20.840, assortie de données ventilées sur l’évolution de la participation des femmes à la prise de décisions, y compris dans la diplomatie.

Défenseurs des droits de l’homme

Le Comité s’inquiète du fait que les femmes autochtones qui défendent les droits fondamentaux subissent des violences sous diverses formes (menaces, sévices sexuels, harcèlement et assassinats), y compris de la part d’agents non étatiques. Il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles les violences faites à ces femmes seraient, dans certains cas, le fait d’agents de l’État. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que la loi antiterroriste a été appliquée de manière disproportionnée pour ériger en infraction certains actes commis par des femmes autochtones revendiquant leurs droits, notamment leurs droits sur des terres ancestrales.

Le Comité recommande que l’État partie prenne des mesures concrètes, appropriées et efficaces afin de prévenir les agressions et autres formes de sévices commises contre des femmes défenseures des droits fondamentaux, d’enquêter sur ces actes, et d’en poursuivre et punir les auteurs, ainsi que d’agir efficacement pour lutter contre l’impunité. Il recommande en outre que l’État partie n’applique pas la législation antiterroriste aux femmes autochtones pour des actes liés à la revendication de leurs droits, notamment leurs droits sur les terres ancestrales.

Nationalité

Le Comité félicite l’État partie des mesures prises pour que les enfants d’étrangers non résidents se voient accorder la nationalité chilienne par la rectification de leur acte de naissance, à la demande de la mère ou du père. Il note également avec satisfaction que, depuis juillet 2017, grâce au programme intitulé « Chile Te Recibe », les enfants et les adolescents ont obtenu des visas temporaires, quel que soit le statut migratoire de leurs parents.

33. Le Comité recommande que l’État partie poursuive la mise en œuvre du programme « Chili Reconoce » et accélère la démarche de régularisation tendant à ce que tous les enfants obtiennent la nationalité chilienne, moyennant la rectification de leur acte de naissance.

Éducation

34.Le Comité se félicite des grandes réformes du système éducatif, notamment de l’adoption de la loi no 20.845 sur l’éducation ouverte à tous et la gratuité de l’enseignement supérieur pour les groupes défavorisés, ainsi que de la mise au point d’un protocole commun entre le Ministère de la femme et de l’égalité des sexes et l’Inspection de l’enseignement visant à promouvoir le maintien dans le système scolaire des jeunes filles enceintes et des jeunes mères. Il est toutefois préoccupé par :

a)L’impact que les stéréotypes sexistes véhiculés par les supports pédagogiques et les comportements sexistes observés dans l’enseignement et l’apprentissage continuent d’avoir sur les choix de carrière traditionnels faits par les femmes et les filles ;

b)Le risque que l’application inégale du protocole commun du Ministère de la femme et de l’égalité des sexes et de l’Inspection de l’enseignement empêche des jeunes filles enceintes et des jeunes mères de revenir dans le système éducatif ;

c)La persistance du faible niveau d’instruction des femmes et des filles autochtones ;

d)La représentation inégale des femmes et des filles dans les disciplines traditionnellement masculines (science, technologie, ingénierie et mathématiques).

35. Le Comité rappelle sa recommandation générale n o  36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l’éducation et recommande que l’État partie :

a) Modifie les programmes scolaires de manière à éliminer les stéréotypes sexistes et veille à la diffusion de matériels pédagogiques tenant compte de la différence entre les sexes, et instaure, à tous les niveaux d’enseignement, une formation obligatoire du personnel enseignant consacrée à l’égalité des sexes et à la prise en compte de la problématique hommes-femmes, ainsi qu’à l’incidence des comportements sexistes sur l’enseignement et l’apprentissage ;

b) Prenne des mesures visant à mettre pleinement en œuvre le protocole commun élaboré par le Ministère de la femme et de l’égalité des sexes et l’Inspection de l’enseignement afin de garantir que des mécanismes d’appui sont en place pour encourager les filles enceintes et les jeunes mères à poursuivre leur scolarité durant et après leur grossesse, notamment en offrant des structures d’accueil pour enfants à un coût abordable, en informant les élèves enceintes de leurs droits en vertu de la nouvelle législation, et en imposant des amendes aux établissements d’enseignement qui renvoient les femmes enceintes ou empêchent les jeunes mères de réintégrer le système éducatif ;

c) Adopte et applique des mesures ciblées, y compris des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité, afin que les femmes et les filles autochtones des zones rurales aient rapidement accès, dans des conditions d’égalité, à tous les niveaux de l’enseignement ;

d) Fasse échec aux stéréotypes discriminatoires et aux obstacles structurels qui peuvent dissuader les filles d’aller au-delà de l’enseignement secondaire, et multiplie les initiatives visant à garantir l’inscription des filles dans les disciplines traditionnellement dominées par les garçons (science, technologie, ingénierie et mathématiques).

Emploi

Le Comité félicite l’État partie du vaste ensemble de mesures qu’il a prises pour faciliter la conciliation de la vie professionnelle de la vie familiale, notamment l’adoption de la loi no 20.786 (2014) sur les travailleurs domestiques, le programme « Màs Capaz » et le projet de loi (bulletin no 9.322-13) sur l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale. Il est toutefois préoccupé par :

a)Le fait que le projet de loi (bulletin no 9.322-13) visant à modifier le Code du travail et à établir le principe « à travail égal, salaire égal » n’a toujours pas été adopté ;

b)L’écart entre salaires féminins et salaires masculins (22 % en 2016) dans les secteurs public et privé, qui continue d’avoir une incidence néfaste sur les prestations de retraite des femmes faute d’une définition claire, dans la législation en vigueur (loi no 20.348), de ce qui constitue une rémunération égale pour un travail de valeur égale ;

c)La persistance de la ségrégation professionnelle horizontale et verticale, la concentration des femmes dans le secteur informel, dans le secteur des services aux salaires bas et dans les emplois temporaires et à temps partiel ;

d)Le manque d’information sur l’application intégrale de la Convention no 189 (2011) de l’Organisation internationale du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques, en particulier les migrantes ;

e)L’accès limité au marché du travail officiel par les femmes migrantes, réfugiées et demandeurs d’asile, ainsi que les femmes handicapées.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Accélère l’adoption du projet de loi ( bulletin n o  9.322-13) sur l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale ;

b) Intensifie les efforts qui visent à éliminer l’écart de rémunération entre les sexes et à garantir l’égalité des chances dans l’emploi entre hommes et femmes, notamment en continuant de prendre des mesures temporaires spéciales avec des objectifs assortis d’échéances, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité sur les mesures temporaires spéciales ;

c) Élimine la ségrégation des emplois verticale et horizontale dans les secteurs public et privé ;

d) Veille à ce que les travailleurs domestiques bénéficient de la législation du travail, notamment en procédant régulièrement à des inspections du travail et en menant des activités de sensibilisation, et s’assure de la pleine mise en œuvre de la Convention n o 189 (2011) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques.

e) Crée des bassins d’emploi pour les groupes de femmes défavorisées, en particulier les migrantes, les autochtones et les handicapées.

Santé

Le Comité accueille avec satisfaction la loi no 21.030 (2017) qui légalise l’interruption volontaire de grossesse dans trois cas, à savoir le viol, les menaces à la vie de la femme enceinte et les malformations létales du fœtus. Il se félicite également de l’adoption des directives nationales relatives à la régulation de la fécondité (2018). Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)Les avortements illégaux et pratiqués dans des conditions dangereuses, qui peuvent continuer de mettre les femmes en danger, en dépit des récents changements apportés à la législation ;

b)L’objection de conscience, institutionnelle ou non, qui peut de manière non intentionnelle constituer un obstacle à l’accès des femmes à l’avortement médicalisé, en particulier dans les zones rurales et reculées ;

c)Le taux élevé de grossesses chez les adolescentes et la prévalence des violences sexuelles chez les adolescentes et les filles à un très jeune âge ;

d)La persistance de lacunes dans l’application de la loi no 20.418 (2010), qui autorise l’utilisation, la vente et la distribution de moyens de contraception d’urgence, et les obstacles auxquels les femmes se heurtent pour se procurer des contraceptifs modernes et accéder à des services de planification de la famille ;

e)La difficulté que les femmes migrantes, les femmes autochtones et les femmes handicapées rencontrent pour bénéficier de soins de santé non urgents, notamment des services gynécologiques ;

f)Les cas de stérilisation forcée des femmes et des filles, en particulier celles qui souffrent de troubles mentaux ou d’autres types de handicap.

Conformément à sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité recommande que l’État partie :

a) Élargisse le champ d’application de la loi n o 21.030 afin de dépénaliser l’avortement dans tous les cas ;

b) Soumette les médecins à une obligation de justification stricte pour empêcher l’invocation généralisée de l’objection de conscience par ceux qui refusent de pratiquer des avortements, surtout en cas de grossesse précoce, et veille à ce que ces mesures s’appliquent également au personnel médical dans les dispensaires privés ;

c) Assure l’accès des femmes, y compris les filles et les adolescentes de moins de 18 ans, à des services d’avortement médicalisé et aux soins nécessaires après l’intervention ; veille à ce que les services de santé assurent un soutien psychologique aux filles et aux adolescentes qui ont été victimes de violence sexuelle ;

d) Veiller à ce que toutes les femmes et les filles, en particulier celles qui vivent dans des régions rurales ou reculées, aient accès à des moyens de contraception modernes et d’un coût abordable ;

e) Prenne des mesures visant à ce que toutes les femmes, en particulier les femmes handicapées, aient accès à des services de santé, en particulier des services gynécologiques ;

f) Garantisse la pleine application des lignes directrices nationales sur la régulation de la fertilité (2018) en veillant à ce que le personnel médical recueille systématiquement le consentement éclairé de l’intéressée avant de pratiquer une stérilisation, à ce que les médecins qui pratiquent des stérilisations sans avoir obtenu ce consentement soient sanctionnés, et à ce qu’une compensation et une contrepartie financière soient offertes aux femmes ayant subi une stérilisation non consentie.

Autonomisation économique

Le Comité se félicite des efforts que l’État partie continue de faire pour réduire sensiblement la pauvreté. Il constate toutefois avec préoccupation :

a)Qu’en dépit de sa croissance économique et de la diminution du taux de pauvreté générale, les inégalités de revenus continuent de s’accentuer dans l’État partie ;

b)Que le régime de retraite actuel pénalise les femmes de manière disproportionnée, du fait qu’elles ne reçoivent pas de salaire régulier, qu’elles ne sont pas rémunérées pour le travail domestique qu’elles accomplissent, et que nombre d’entre elles sont employées dans le secteur informel, tandis que les projets de réforme du régime demeurent en suspens ;

c)L’accès des femmes à des activités sportives reste limité.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Renforce sa stratégie nationale de lutte contre la pauvreté ciblant les femmes les plus défavorisées et les plus marginalisées, en particulier les femmes autochtones et les femmes rurales, en veillant à ce que l’élaboration et la mise en œuvre des ODD (Programme de développement durable à l’horizon 2030) n’excluent personne, et encourage la participation active des femmes ;

b) Examine plus avant le régime de retraite de manière à éliminer toutes les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes, et notamment à combler les lacunes qui empêchent les femmes de recevoir les mêmes prestations de retraite que les hommes ;

c) Augmente les possibilités pour les femmes et les filles d’accéder, dans des conditions d’égalité, à toutes les installations sportives et facilite leur participation aux sports de compétition.

Femmes rurales

Le Comité se félicite des diverses initiatives qui ont été élaborées pour appuyer les femmes rurales, en particulier celles qui travaillent dans le secteur agricole. Il est toutefois préoccupé par l’insuffisance, dans l’État partie, de données disponibles sur la situation des femmes rurales qui permettraient de mieux comprendre l’évolution de leurs conditions de vie, et de l’absence de rapports indiquant que ces femmes sont plus susceptibles de souffrir de la pauvreté, en particulier les travailleuses saisonnières (temporeras), et ont parfois un accès limité à des services de santé et d’enseignement suffisants. Il salue en outre les initiatives prises par l’État partie pour faire face aux changements climatiques, par le truchement de son plan stratégique national de gestion des risques de catastrophe, ainsi que la mise au point d’une formation sur la gestion des catastrophes et le micro-zonage des ressources reposant sur la participation de la collectivité et l’égalité des sexes, dans le cadre de son programme d’amélioration de la gestion de la problématique hommes-femmes.

Le Comité recommande que l’État partie intensifie les programmes qu’il a élaborés pour venir en aide aux femmes rurales, en particulier dans le cadre du Programme de la Banque d’État visant à soutenir les cheffes d’entreprise et les initiatives de formation connexes. Il recommande en outre que l’État partie garantisse aux femmes rurales, en particulier aux travailleuses saisonnières ( temporeras ) l’accès à des services suffisants de santé et d’éducation, et fournisse une analyse détaillée de la situation de ces femmes dans son prochain rapport périodique. Il recommande également que l’État partie étende son plan stratégique national de gestion des risques de catastrophe aux régions les plus vulnérables face aux changements climatiques, en particulier la Patagonie, et veille à cet égard à ce que les femmes prennent à tous les niveaux une part active aux décisions.

Groupes de femmes défavorisées

Femmes migrantes

Le Comité prend note des efforts consentis par l’État partie pour faciliter l’intégration économique et sociale des femmes migrantes, notamment par l’adoption de directives et d’instructions présidentielles sur la politique nationale de migration (2015). Il constate néanmoins avec inquiétude que les migrantes subissent encore des formes croisées de discrimination lorsqu’elles tentent de participer à la vie politique ou d’accéder à l’éducation, à l’emploi ou aux soins de santé.

Le Comité recommande que l’État partie adopte la nouvelle loi sur les migrations (bulletin n o  11395-06) et veille à ce que celle-ci sous-tende la mise en œuvre de mécanismes d’entrée destinés à tous ceux qui ont besoin d’une protection internationale, ainsi que l’accès à des procédures de détermination du statut de réfugié qui soient équitables, efficaces et tiennent compte des disparités entre les sexes. Il recommande en outre que l’État partie prenne des mesures efficaces pour éliminer la discrimination à l’égard des migrantes, tant dans la société en général qu’au sein de leurs communautés, en organisant des campagnes de sensibilisation et en œuvrant aux côtés des médias pour sensibiliser le grand public aux formes croisées de discrimination à l’égard de ces femmes.

Femmes autochtones

Le Comité accueille avec satisfaction la proposition de créer un Ministère des populations autochtones. Il constate néanmoins avec préoccupation que les femmes autochtones subissent des formes croisées de discrimination dans l’État partie en raison de leur origine ethnique et de leur condition sociale, en sus de la haine raciale, de la violence sexiste, de la pauvreté et de la marginalisation. Il est particulièrement préoccupé par :

a)Les conflits qui touchent les femmes autochtones dans certaines régions du pays, en ce que leur droit à l’occupation des terres et à la propriété foncière n’est ni reconnu ni protégé, qu’elles sont évincées de leurs terres traditionnelles et qu’elles sont exclues de la prise des décisions concernant l’utilisation des terres ;

b)L’absence de réelles consultations et de mécanismes efficaces permettant aux femmes autochtones de donner leur consentement préalable, libre et éclairé à la réalisation de projets de développement sur leurs terres traditionnelles.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Accélère la création du Ministère des peuples autochtones et renforce le dialogue avec les femmes autochtones pour assurer leur pleine participation à l’élaboration de cet organe ;

b) Adopte des mesures visant à reconnaître officiellement le droit des femmes autochtones à l’occupation des terres et à la propriété foncière, éliminer les normes et coutumes discriminatoires qui limitent l’accès à la propriété foncière pour les femmes autochtones et assure leur réelle participation aux prises de décisions relatives à l’utilisation des terres traditionnelles des populations autochtones ;

c) Crée un mécanisme obligatoire et efficace de consultation permettant d’inviter les femmes autochtones à donner leur consentement préalable, libre et éclairé à l’exploitation de leurs terres et de leurs ressources naturelles.

Femmes en détention

Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de femmes en détention provisoire, principalement pour des accusations liées à la drogue, et le fait que bon nombre d’entre elles sont soutiens de famille. Il s’inquiète également de l’accès limité des femmes en détention à des soins de santé suffisants, ainsi que de la pénurie générale de cadres ; du manque de personnel de santé travaillant la nuit et le week-end ; des risques encourus par les femmes enceintes en détention faute d’accès à des soins obstétriques et gynécologiques.

Le Comité recommande que le système pénitentiaire soit réformé dans une optique d’égalité des sexes et que soit envisagée la perspective de recourir davantage à des sanctions et à des mesures non privatives de liberté pour les femmes, en lieu et place de l’emprisonnement. Il recommande également que des procédures judiciaires soient mises en place pour éviter le recours excessif à la détention provisoire. Il recommande en outre que des mesures soient prises pour que les prisons disposent de structures adéquates de soins de santé, et assurent à toutes les détenues des soins et des services obstétriques et gynécologiques.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 20.830 (Accord d’union civile) et des propositions de modification du régime de propriété des biens du ménage (bulletins nos 1707-18 et 7727-18, et bulletins nos 7567-07 et 5907-18). Il salue également la présentation d’un projet de loi (bulletin no 9850-18) tendant à fixer l’âge minimum légal du mariage à 18 ans, pour les filles comme pour les garçons. Il est toutefois préoccupé par les points suivants :

a)Les projets de loi visant à modifier le régime des biens matrimoniaux (bulletins nos 1707-18 et 7727-13, et bulletins nos 7567-07 et 5907-18) sont en suspens au Congrès depuis 2013 ; le régime actuel des biens matrimoniaux est discriminatoire à l’égard des femmes, en ce sens qu’en vertu du Code Civil, le mari gère à la fois les biens communs et ceux qui appartiennent à l’épouse, tandis que les femmes doivent être représentées par leur mari – ou avoir l’accord de celui-ci – lorsqu’elles ont recours à des procédures juridiques (vendre ou louer un bien) ou commerciales, ou si elles souhaitent contracter un prêt ;

b)La législation actuelle ne contient pas de dispositions claires concernant les droits de filiation et les droits parentaux pour les couples de même sexe, et n’autorise pas les procédures d’adoption qui reconnaissent les deux parents ;

c)Les situations de violence domestique risquent de n’être pas prises en compte comme il se doit dans les décisions relatives à la garde des enfants ;

d)Le projet de loi (bulletin no 9850-18) continuera d’autoriser le mariage de personnes de moins de 18 ans dans certaines circonstances exceptionnelles.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Accélère, selon un échéancier clair, l’adoption des projets de lois n os 7567-07 et 5907-1 3 portant modification du Code Civil et d’autres lois régissant le régime des biens matrimoniaux, et veille à ce que le nouveau régime matrimonial garantisse l’égalité des droits des femmes et des hommes tant pendant le mariage qu’après sa dissolution ;

b) Adopte le projet de loi sur le mariage homosexuel (bulletin n o 11422 ‑ 07) et garantisse que les droits de filiation et les droits parentaux sont protégés ;

c) V eille à ce que la violence sexiste à l’égard des femmes dans la vie familiale soit prise en compte dans les décisions concernant la garde des enfants ou les droits de visite, et sensibilise le pouvoir judiciaire à l’influence qu’exercent les violences de ce type sur le développement des enfants ;

d) Modifie le projet de loi (bulletin n o 9850-18) de manière à relever l’âge du mariage à 18 ans, sans exception, et prévoie des garanties judiciaires pour protéger les filles de moins de 18 ans qui ont été autorisées à se marier.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans l’action qu’il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité invite l’État partie à réaliser l’égalité effective des hommes et des femmes, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

Le Comité prie l’État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la langue officielle de l’État partie, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux, en particulier au Parlement, aux ministères et au corps judiciaire, afin d’en permettre la pleine application.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux alinéas a) et b) du paragraphe 13, à l’ alinéa  b) du paragraphe 17 et à l’alinéa b) du paragraphe 25 ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son huitième rapport périodique en mars 2022. Le rapport doit être soumis dans les délais et couvrir toute la période écoulée jusqu’à la date de sa soumission.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).