Renseignements reçus de la Côte d’Ivoire au sujet de la suite donnée aux observations finales concernant son quatrième rapport périodique *

[Date de réception : 21 décembre 2021]

I.Renseignements complémentaires

A.Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 10 b) des observations finales

L’ordonnance présidentielle no 2018-669 du 06 août 2018 portant amnistie, exclut expressément de son champ d’application, « les personnes en procès devant une juridiction pénale internationale », ainsi que « les militaires et les membres de groupes armés ».

Par conséquent, autant bien « les personnes en procès devant une juridiction pénale internationale », soupçonnées, accusées ou condamnées pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou violations flagrantes des droits de l’homme, y compris les violences sexuelles liées aux conflits que « les militaires et les membres de groupes armés » ne sont pas bénéficiaires de l’amnistie accordée par le texte ci-dessus cité.

B.Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 10 e) des observations finales

D’une part, la justice classique ou la réparation judiciaire est la voie privilégiée de lutte contre l’impunité.

En l’état actuel du droit positif ivoirien, toute personne à l’égard de qui a été commise une infraction ou qui en subit les conséquences, est considérée comme la victime de cette infraction. Cette qualité lui est reconnue par le seul fait que l’infraction a été dirigée contre elle ou qu’il en résulte pour elle, un préjudice.

Mais, l’obtention d’une réparation pécuniaire nécessite que cette personne se soit constituée partie civile devant les juridictions (d’instruction et/ou de jugement).

En d’autres termes, la réparation pécuniaire, qui n’est pas automatique, est subordonnée à la volonté de la partie concernée de la réclamer à travers sa constitution de partie civile. Dans cette hypothèse, l’indemnisation qui lui est allouée par les juridictions est estimée en tenant compte de la gravité du préjudice que lui a causé l’infraction. Il convient de préciser que le quantum de cette indemnisation peut toujours être contestée par la partie intéressée à travers l’exercice des voies de recours (ordinaire et/ou extraordinaire).

D’autre part, dans le cadre des exigences internationales de justice transitionnelle, le Gouvernement ivoirien a mis en place des dispositifs non juridictionnels de prise en charges (PEC) des survivantes, à savoir :

•La Commission Dialogue Vérité et Réconciliation (CDVR) créé le 13 juillet 2011 avait pour missions la recherche de la vérité, la poursuite des auteurs des atrocités afin de situer les responsabilités, le soulagement des victimes à travers la réparation, et l’instauration du devoir de mémoire en vue de garantir la non-répétition des crimes ;

•La Commission nationale pour la Réconciliation et l’indemnisation des Victimes (CONARIV), créé par l’ordonnance no 2015-174 du 24 mars 2015, a pour objet de « parachever les travaux de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) tant par la recherche et le recensement des victimes et ayants droit de victimes non encore recensés, que par des propositions pertinentes en vue de la réparation des préjudices consécutifs aux atteintes aux personnes et aux biens causées lors des crises survenues en Côte d’Ivoire » (article 2) ;

•Le programme National de Cohésion Sociale (PNCS) mis en place par le décret no 2015-266 du 22 avril 2015.

Aux fins de la résolution 60/147 des Nations Unies, adoptée le 16 décembre 2005, la qualité de « victime de guerre » s’octroie aussi bien à la victime directe (1) qu’à la victime indirecte (2). Ramenée dans son contexte ivoirien, la « victime de guerre » s’entend comme toute personne ou tout individu ayant subi un préjudice ou un dommage durant une situation de conflit armé (qu’elle soit interne ou externe).

Dans cette optique, un statut formel de victimes a été constitué par l’élaboration d’une liste unique et consolidée, après un tri et un affinage par la Commission Nationale d’Enquête (CNE), afin que ces victimes obtiennent des réparations appropriées.

Les victimes ont été associées à toutes les étapes du processus de réparation : conception, mise en place, mise en œuvre et évaluation .

Le processus de réparation prend en compte les personnes blessées et les personnes décédées (réparations individuelles) et les réparations collectives.

Au niveau des victimes, la priorité a été donnée aux personnes blessées et les ayant droits des personnes décédées. Ce sont :

•Les victimes de violences sexuelles ;

•Les victimes des violences basées sur le genre ;

•Les invalides ;

•Les mutilés ou handicapés.

Il a été mis en place un Comité de Coordination et de Suivi du Processus de Réparation (CCSPR), comité interministériel, pour coordonner le processus de réparation (10 ministères techniques et des structures en charge des réparations).

Enfin, pour accélérer les poursuites et la finalisation des affaires touchant à la violence basée sur le genre,le Gouvernement met un accent particulier sur l’existence de ressources qui sont de plusieurs sortes :

•Les réparations financières visant la réhabilitation des victimes :

–Le programme de réparation a pris en compte la question de l’équité des genres dans la mise en place d’un mécanisme de réparation des victimes et/ou ayants droit de victimes ;

–La Côte d’Ivoire a adopté le 7 juin 2017 une stratégie nationale de réconciliation et de cohésion sociale (SNRRCS) 2016-2020 et a mis en place un fonds spécial doté d’un apport initial de 10 milliards de FCFA en vue de l’indemnisation des victimes des crises survenues en Côte d’Ivoire y compris les victimes de violences sexuelles et sexistes ;

•La sensibilisation des populations à travers l’assistance judiciaire et les cliniques juridiques :

–La décentralisation de l’assistance judiciaire est intervenue par le décret no 2016-781 du 12 octobre 2016 qui détermine les modalités d’application de la loi n° 72-833 du 21 décembre 1972 portant code de procédure civile, commerciale et administrative (CPCCA). Les articles 27 à 31 dudit décret permettent à toute personne qui manque de moyens financiers d’avoir accès, gratuitement, à la justice sur toute l’étendue du territoire national ;

–À côté des bureaux d’assistance judiciaire, l’État, en partenariat avec certaines ONG (ex. AFJCI) met à la disposition des populations, des cliniques juridiques, installées et animées dans douze (12) localités du pays : Abidjan (Plateau, Abobo et Yopougon), San Pedro, Guiglo, Man, Bouaké, Korhogo, Daloa, Abengourou, Boundiali et Bondoukou. Ces cliniques juridiques fonctionnent comme des centres d’écoute et d’orientation. Les conseils y sont gratuits, avec l’objectif de permettre aux populations de mieux comprendre et surtout revendiquer leurs droits ;

•L’élaboration et l’adoption de textes juridiques :

–La circulaire no 005 du 18 mars 2014 relative à la réception dans les services de police judiciaires des plaintes de victimes d’agressions sexuelles qui indique que les agents de police ne doivent pas conditionner la recevabilité de la plainte de la victime par un certificat médical ;

–La circulaire interministérielle No 016/MJ/MEMIS/MPRD du 4 août 2016 relative à la réception des plaintes consécutives aux violences basées sur le Genre ;

–La loi no 2018-975 du 27 décembre 2018 portant nouveau Code de Procédure Pénale, publié le 13 mars 2019 au Journal Officiel a introduit à travers l’Article 784 un délai de 2 ans accordé à la victime mineure après sa majorité pour se pourvoir devant les tribunaux pour faire valoir ses droits ;

•Mise en place de structures et outils de lutte contre les Violences Basées sur le Genre (VBG) :

–77 plateformes mises en place au niveau national pour la Prise En Charges (PEC) multisectoriel, en matière d’assistance des femmes par la prévention et la prise en charge médicale, psycho-sociale, juridique, judiciaire, sécuritaire et socio-économique des Violences Basées sur le Genre ;

–437 acteurs nationaux et non gouvernementaux ont été formés sur la prévention et la prise en charge des VBG ;

–377 membres de 46 plateformes ont été formés à l’utilisation du Système de Gestion de l’Information/données sur les Violences Basées sur le Genre (GBV-IMS) ;

–112 prestataires de santé issus de 10 districts sanitaires, formés sur la prise en charge médicale/clinique des survivant(e)s de violences sexuelles ;

–Création du Comité National de Lutte contre les Violences Sexuelles liées aux Conflits en 2016 (Présidé par le Président de la République avec un Pool d’Experts composé de tous les Chefs des Grands Commandements) ;

–33 bureaux genre dans les commissariats de police et 03 dans les brigades de gendarmerie ;

–Création d’une ligne verte gratuite, la « 1308 » pour la dénonciation et le référencement ;

–L’installation de points focaux VBG dans les tribunaux ;

–L’installation de 400 points focaux VBG dans la Police ;

–La révision du Code Pénal et du Code de Procédure Pénale en 2019.

–La mise en place d’un certain nombre de structures d’accueil afin de prévenir les violations et faciliter la prise en charge des victimes de violences sexuelles :

Un Centre de Prévention, d’Appui et d’Assistance aux Victimes de Violences Sexuelles (PAVVIOS) ;

Un Centre d’accueil pour enfant victime de traite et d’exploitation à Soubré, inauguré par la Première Dame le 07/06/2018 ;

Création des cases de la paix de WANEP CÔTE D’IVOIRE qui sont aussi des centres de référencement et de prise en charge des victimes de VBG ;

•Mesures d’assistance visant la réhabilitation des victimes :

–Convention passée par l’État de Côte d’Ivoire avec les hôpitaux pour les soins de réparation (ex. Min de la MFFE avec l’Hôpital Mère-Enfant de Bingerville ;

–Le Projet PACIVIL qui est un projet d’appui pour le développement des chaînes de valeurs dans l’agriculture dans les zones du Nord et le financement des AGR aux populations vulnérables. Ce projet avait pour objectifs la cohésion sociale, la réinsertion des Ex-combattants (tes) ainsi que la Prise en charge psychosociale des victimes de conflits;

–La Côte d’Ivoire a mis en œuvre depuis 2015 le projet SWEDD pour l’autonomisation de la femme et du dividende démographique. Doté d’un budget de 30 millions de dollars à l’effet d’assurer la lutte contre la pauvreté et l’autonomisation des femmes, et le dividende démographique.

Financé par la Banque Mondiale, il permet aux Femmes et aux Jeunes Filles d’accéder aux services de santé reproductive. Il vise également le renforcement de la chaîne d’approvisionnement des produits de la santé maternelle, infantile, néonatale nutritionnelle. Il découle du Plan d’action prioritaire, PARP-OMD.

C.Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 30 b) des observations finales

La transposition des dispositions relatives à la loi no 98-757 du 23 décembre 1998 portant répression de certaines violences à l’égard des femmes à l’effet de réduire, autant que possible, l’éparpillement des textes répressifs (articles 394 à 398, 439 du Code pénal) ; Les mariages précoces et forcés (article 439 du Code pénal) ; La prise en compte des infractions sexuelles telles que l’inceste (article 410 du Code pénal) ; le harcèlement sexuel, en tant que violence psychologique (article 418 du Code pénal) ; La Côte d’Ivoire a renforcé son cadre normatif national à travers l’adoption d’un nouveau Code Pénal par la loi no 2019-574 du 26 juin 2019 pour mettre la législation nationale en conformité avec les instruments juridiques internationaux auxquels la Côte d’Ivoire fait partie et pour prendre en compte de nouvelles incriminations, telles que le viol conjugal en son article 403 alinéa 3 du Code pénal : « (…) Le viol est constitué, dans les circonstances prévues aux alinéas précédents, quelle que soit la nature des relations existant entre l ’ auteur et la victime. Toutefois, s ’ ils sont mariés, la présomption de consentement des époux à l ’ acte sexuel vaut jusqu ’ à preuve du contraire ».

Dans ce même objectif et pour aller plus loin, ladite loi portant Code pénal érige en infractions pénales spécifiques les violences domestiques.

Il a été institué par le Décret no 2000-133 du 23 février 2000 un Comité National de Lutte contre les Violences faites aux Femmes et aux Enfants (effectif et opérationnel dans les 31 régions du pays).

D.Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 34 a) des observations finales

D’abord, il est important de souligner que l’article 37 de la loi no 2016-886 du 08 novembre 2016 portant Constitution ivoirienne du 8 novembre 2016 consacre la parité hommes-femmes (« l ’ État œuvre à promouvoir la parité entre les hommes et les femmes sur le marché de l ’ emploi »).

Ensuite, ladite constitution dispose que « l ’ État encourage la promotion de la femme aux responsabilités dans les institutions et administrations publiques ainsi qu ’ au niveau des entreprises ».

De même, que l’article 36 de la Constitution ivoirienne du 8 novembre 2016 dispose que « (…) L’État œuvre à la promotion des droits politiques de la femme en augmentant ses chances d ’ accès à la représentation dans les assemblées élues. Les modalités d ’ application de cet article sont fixées par la loi ».

Afin de favoriser la représentation des femmes élues dans les instances de représentation locale, régionale et nationale, le Gouvernement de Côte d’Ivoire a adopté la loi no 2019-870 du 14 octobre 2019 favorisant la représentation de la femme dans les assemblées élues et partiellement élues. Cette loi exige un quotaminimum de 30 % de femmes sur le nombre total de candidats présentés pour les scrutins des députés, des sénateurs, des conseillers régionaux, de districts et municipaux .

Cette loi dont l’application a été précisée par le décret n o 2020-941 du 25 novembre 2020 fait obligation à toute liste de respecter l’alternance des sexes de telle sorte que si deux candidatures du même sexe sont inscrites, la 3ème soit d’un autre sexe en vue de permettre à un plus un grand nombre de femmes de participer à la vie politique de la Nation.

Par ailleurs, ledit texte accorde « un financement public supplémentaire à tout parti ou groupement politique dont la liste atteint au moins 50 % de femmes candidates lors de ces scrutins ».

La mise en œuvre de cette loi a permis d’accroître le nombre de femmes députés élues aux dernières élections législatives de mars 2021, qui est passé de 29 à 33.

Avec le processus de vulgarisation entamé par le Ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, et soutenu par les partenaires au développement et les organisations de la société civile, ces résultats vont certainement enregistrer une amélioration au cours des échéances électorales à venir.

Cette loi a fait l’objet d’un décret d’application et est prise en compte dans le code électoral ivoirien.

Un projet de loi est en cours par le ministère de la femme de la famille et de l’enfant pour étendre la parité à l’administration et aux entreprises privées en conformité avec l’article 37 de la constitution en vigueur adoptée en 2016.