Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de la Côte d’Ivoire *

Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de la Côte d’Ivoire (CEDAW/C/CIV/4) à ses 1696e et 1697e séances (voir CEDAW/C/SR.1696 et 1697), le 5 juillet 2019. La liste de points établie par le Comité figure dans CEDAW/C/CIV/Q/4 et les réponses de l’État partie, dans CEDAW/C/CIV/Q/4/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de l’État partie. Il le remercie des réponses écrites apportées à la liste de points établie par le groupe de travail d’avant-session, complétées oralement par la délégation, et des éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions orales posées par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par la Ministre en charge de la femme, de la famille et de l’enfant, Mme Ramata Bakayoko-Ly. La délégation comprenait aussi des représentants du Ministère de la justice et des droits de l’homme, du Ministère de la femme, de la famille et de l’enfant et de la Mission permanente de Côte d’Ivoire auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen en 2011 du rapport valant premier à troisième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/CIV/CO/1-3) dans la mise en œuvre de réformes législatives, en particulier l’adoption des textes suivants :

a)la loi no 2016-886 du 8 novembre 2016 portant Constitution de la République de Côte d’Ivoire, qui promeut et protège les droits des femmes ;

* Adoptées par le Comité à sa soixante-treizième session (1 er -19 juillet 2019).

b)la loi no 2016-1111 du 8 décembre 2016 relative à la lutte contre la traite des personnes ;

c)le décret no 2016-781 du 12 octobre 2016 portant décentralisation de l’assistance judiciaire et amélioration de l’accès des femmes des zones rurales à la justice ;

d)la loi no 2015-653 du 17 septembre 2015 relative à la scolarité obligatoire des filles et des garçons ;

e)la loi no 2014-388 du 20 juin 2014 relative à la promotion et à la protection des défenseurs des droits de l’homme, y compris les femmes défenseures des droits de l’homme.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, y compris les mesures suivantes :

a)la création, en application du décret no 2016-590 du 9 août 2016, de l’Agence foncière rurale, qui a délivré des certificats fonciers à 277 femmes (CEDAW/C/C/CIV/4, par. 14) ;

b)la publication de la circulaire interministérielle no 016/MJ/MEMIS/MPRD du 4 août 2016 et de la circulaire du Ministre de la justice et des droits de l’homme no 005 du 18 mars 2014 relative à la déclaration des cas de violences basées sur le genre ;

c)la création d’un comité national de lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits, en application du décret no 2016-373 du 3 juin 2016 ;

d)l’adoption en 2015 d’un programme national de la santé de la mère et de l’enfant ;

e)la mise en place de l’Observatoire national de l’équité et du genre par le décret no 2014-842 du 17 décembre 2014 ;

f)la création de 32 centres d’accueil de victimes de violences basées sur le genre dans les commissariats de police, en application de l’arrêté no 1651/MEME/CAB du 5 juin 2012.

Le Comité se félicite de ce que, durant la période écoulée depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie ait ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après, ou y ait adhéré :

a)la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2014 ;

b)le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2012 ;

c)le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2012 ;

d) la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme), en 2012 ;

e)le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en 2013.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite de l ’ appui apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et invite l ’ État partie à réaliser l ’ égalité de jure (dans la loi) et de facto (effective) des femmes et des hommes, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il souligne l ’ importance de l ’ objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs, et exhorte l ’ État partie à reconnaître que les femmes sont la force motrice de son développement durable et à adopter des politiques et des stratégies pertinentes à cet effet.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite l ’ Assemblée nationale, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Contexte général et violences sexuelles liées aux conflits commises à l’égard des femmes

Le Comité prend acte des progrès accomplis par l’État partie dans les domaines de la paix, de la sécurité et de la justice après la crise postélectorale de 2010-2011, notamment en créant des institutions nationales dotées de mandats judiciaires et non judiciaires afin d’établir la vérité et d’enquêter sur les violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Il prend note également des mesures prises par l’État partie pour prévenir les violences sexuelles liées aux conflits et lutter contre l’impunité de ces crimes, telles que la création, en 2016, d’un comité national de lutte contre les violences sexuelles liées au conflit, l’adoption, en juillet 2017, d’un plan d’action contre les violences sexuelles perpétrées par ses forces armées et les initiatives de sensibilisation et les formations à la prévention des violences sexuelles destinées au personnel militaire et aux membres de la police. En outre, le Comité prend note de l’adoption de l’ordonnance présidentielle no 2018-669 du 8 août 2018 sur l’amnistie et de l’engagement formel de la délégation qui, dans le cadre du dialogue constructif, a affirmé que l’amnistie vise les accusations de trahison et autres atteintes à la sécurité de l’État et ne s’applique pas aux auteurs de violences sexuelles. Le Comité est toutefois vivement préoccupé par :

a)L’impunité d’actes de violence liés aux conflits commis contre des femmes et des filles, y compris des actes de violence sexuelle, susceptibles de constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité (CEDAW/C/CIV/4, par. 122), qui auraient été perpétrés par les forces de défense et les forces de sécurité et leurs alliés (milices et mercenaires), les Forces républicaines de Côte d’Ivoire et des acteurs privés dans le contexte de la crise postélectorale ;

b)Le fait que l’ordonnance présidentielle no 2018-669 n’exclue pas explicitement les auteurs de violations graves des droits de l’homme, y compris de violences sexuelles et de crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre ;

c)Les informations faisant état des effets négatifs de l’ordonnance présidentielle no 2018-669 sur des enquêtes et des procédures judiciaires en cours qui auraient été interrompues par suite du manque de clarté concernant le champ d’application de l’amnistie, et de cas dans lesquels l’article premier de l’ordonnance a servi de base à la libération de personnes accusées d’actes susceptibles de constituer de graves violations des droits de l’homme ;

d)L’absence d’informations sur la prise en charge médicale et psychologique et sur l’assistance judiciaire apportées aux femmes et aux filles victimes d’actes de violence liés aux conflits, en particulier d’actes de violence sexuelle (CEDAW/C/CIV/4, par. 130 et 131 et 133 à 135) ;

e)Le manque d’informations concernant l’inscription des femmes et des filles victimes d’actes de violence sexuelle sur la liste des victimes des crises survenues entre 1990 et 2012 par la Commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes et concernant la question de savoir si toutes les femmes et les filles victimes de violences ont reçu un appui financier de la part du Ministère de la femme, de la famille et de l’enfant (CEDAW/C/CIV/4, par. 143) ;

f)Le risque que des actes de violence sexuelle soient commis dans le contexte des élections présidentielles de 2020 et le financement insuffisant du comité national de lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits.

Se référant à sa recommandation générale n o 30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d ’ après conflit, à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité et aux résolutions ultérieures sur la question, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que toutes les violations des droits de l ’ homme fassent l ’ objet d ’ enquêtes effectives et que les auteurs soient identifiés, poursuivis et sanctionnés à la mesure de la gravité des infractions commises, et à ce qu ’ une réparation soit accordée aux victimes, y compris en allouant des ressources financières, techniques et humaines suffisantes à la Cellule spéciale d ’ enquête, créée par le décret n o 2013-93 du 30 décembre 2013, et en facilitant la coopération avec la Cour pénale internationale  ;

b) De veiller à ce que l ’ ordonnance présidentielle n o 2018-669 sur l ’ amnistie ne s ’ applique pas aux personnes soupçonnées ou accusées de crimes de guerre, de crimes contre l ’ humanité ou de violations flagrantes des droits de l ’ homme, y compris d ’ actes de violence sexuelle liés aux conflits, ou aux personnes condamnées pour de tels crimes, sachant que les amnisties sont inadmissibles dès lors qu ’ elles portent atteinte au droit des victimes à un recours utile, y compris une réparation, ou qu ’ elles restreignent le droit des victimes et des sociétés de connaître la vérité sur les violations du droit international des droits de l ’ homme et du droit international, et qu ’ elles doivent respecter les obligations internationales de l ’ État partie, notamment celles résultant des résolutions 1820 (2008) , 2106 (2013) et 2467 (2019) du Conseil de sécurité, dans lesquelles celui-ci souligne expressément qu ’ il est nécessaire d ’ exclure les auteurs de crimes de violence sexuelle du bénéfice des mesures d ’ amnistie prises dans le cadre de processus de règlement de conflits  ;

c) De diffuser l ’ ordonnance présidentielle et des informations sur son champ d ’ application aux parties prenantes nationales concernées et au grand public, de poursuivre les enquêtes et les procédures judiciaires relatives aux allégations de crimes de guerre, de crimes contre l ’ humanité ou de violations flagrantes des droits de l ’ homme, y compris les violences sexuelles liées aux conflits, et de veiller à ce que les personnes accusées de tels crimes ne soient pas libérées sur la base de ladite ordonnance  ;

d) D ’ évaluer les besoins des femmes et des filles victimes d ’ actes de violence liés aux conflits s ’ agissant de l ’ accès à la justice, aux soins de santé et aux services psychosociaux, d ’ en tenir compte et de leur donner cet accès  ;

e) De veiller à ce que les femmes et les filles qui sont victimes d ’ actes de violence aient le statut officiel de victimes et à ce qu ’ elles obtiennent les réparations appropriées  ;

f) De prendre les mesures qui s ’ imposent pour prévenir la violence fondée sur le genre contre les femmes et les filles pendant les élections présidentielles de 2020, en particulier la violence sexuelle, y compris en allouant des ressources financières, techniques et humaines suffisantes au comité national de lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits et en mettant en place un mécanisme d ’ alerte rapide  ;

g) De recourir à l ’ assistance internationale, y compris l ’ assistance technique continue de l ’ Équipe d ’ experts de l ’ état de droit et des questions touchant les violences sexuelles commises en période de conflit et d ’ autres formes d ’ assistance technique, et de poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées, les organes créés en vertu d ’ instruments relatifs aux droits de l ’ homme, en particulier le Comité, et les programmes du système des Nations Unies.

Femmes, paix et sécurité

Le Comité prend note du lancement en février 2014 de la base de données sur les femmes, la paix et la sécurité (CEDAW/C/CIV/4, par. 148). Il s’inquiète toutefois de la faible représentation des femmes dans les mécanismes et les institutions de justice transitionnelle et de reconstruction après conflit et du fait que l’État partie n’ait pas reconduit le plan d’action national visant à l’application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité pour la période 2008-2012.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter sans tarder son plan d ’ action national révisé pour l ’ application concrète et intégrale de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et de veiller à ce qu ’ il définisse une marche à suivre, assortie de délais clairs, de points de repère et d ’ un budget tenant compte des besoins particuliers des femmes, afin de mettre en œuvre le plan d ’ action, d ’ appliquer les indicateurs permettant de suivre régulièrement l ’ avancement de ce projet et d ’ instaurer un mécanisme permettant une participation effective de la société civile, notamment des femmes victimes des conflits  ;

b) De garantir la parité entre les sexes dans les mécanismes de justice transitionnelle et la participation égale des femmes aux processus de reconstruction post-conflit.

Diffusion de la Convention

Le Comité relève avec inquiétude qu’il n’existe aucune affaire dans laquelle la Convention a été directement appliquée, invoquée et/ou mentionnée devant les tribunaux nationaux.

Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer d ’ œuvrer au renforcement des capacités des professionnels du droit en ce qui concerne la Convention et de les encourager à appliquer ou à invoquer les dispositions de la Convention dans les procédures judiciaires et administratives et à prendre en considération sa jurisprudence.

Définition de la discrimination à l’égard des femmes

Le Comité note qu’en vertu de ses articles 4, 36 et 37, la Constitution de 2016 de l’État partie interdit la discrimination et œuvre à la promotion de l’égalité des femmes et des hommes dans la vie politique et la vie publique et sur le marché de l’emploi. Il est toutefois préoccupé par le fait que la Constitution de l’État partie ne contient pas de définition détaillée de la discrimination qui soit conforme à l’article premier de la Convention.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/CIV/CO/1-3 , par. 17) et sa recommandation générale n o 28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l ’ article 2 de la Convention, et conformément à la cible 5.1 des objectifs de développement durable, à savoir mettre fin, partout dans le monde, à toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et des filles, le Comité recommande à l ’ État partie de donner à la discrimination à l ’ égard des femmes une définition exhaustive, conforme à l ’ article premier de la Convention.

Harmonisation de la législation

Le Comité relève que, selon l’article 123 de la Constitution de 2016, la Convention a une autorité supérieure à celle de la législation nationale. Il relève également les efforts déployés par l’État partie pour renforcer son cadre législatif en vue de promouvoir et de protéger les droits des femmes et des filles, parmi lesquels l’examen législatif en cours (CEDAW/C/CIV/Q/4/Add.1, par. 1 à 4). Il demeure toutefois inquiet du retard pris pour achever cet examen. Il note également avec préoccupation que toutes les lois nationales n’ont pas été mises en conformité avec la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ accélérer l ’ examen législatif en cours, en veillant à ce que les organisations de la société civile y participent utilement  ;

b) De mettre toutes les lois nationales en conformité avec la Convention sans plus tarder et de veiller à leur application  ;

c) D ’ adopter une loi-cadre sur la protection et la promotion des droits des femmes.

Accès à la justice

Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour améliorer l’accès des femmes à la justice, dont l’adoption du décret no 2016-781, de la circulaire no 5 et de la circulaire interministérielle no 16/MJ/MEMIS/MPRD. Il note également qu’en son article 6, la Constitution garantit le droit des femmes et des hommes à un accès égal à la justice (CEDAW/C/CIV/Q/4/Add.1, par. 9). Le Comité est néanmoins vivement préoccupé par :

a)Le fait que les mesures législatives susmentionnées ne sont guère appliquées et le manque d’analyses d’impact régulières ;

b)L’absence d’informations sur les incidences du décret no 2016-781 portant décentralisation de l’assistance judiciaire et du décret no 2014-259 portant tarification des émoluments et frais de justice sur l’accès des femmes à la justice ;

c) L’absence de mesures prises pour s’assurer que les femmes sont informées de la législation et des procédures pertinentes, y compris du droit qu’elles ont de bénéficier de l’assistance judiciaire.

Rappelant sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice et ses précédentes observations finales [ CEDAW/C/CIV/CO/1-3 , par. 21 c) et d)], le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De suivre et d ’ évaluer les effets du décret n o 2016-781, de la circulaire n o 5 et de la circulaire interministérielle n o 16/MJ/MEMIS/MPRD sur l ’ accès des femmes à la justice, en particulier des femmes victimes de violences fondées sur le genre, des femmes qui n ’ ont que peu ou pas de revenus et des femmes handicapées  ;

b) De veiller à ce que l ’ assistance judiciaire soit accessible à des coûts abordables à toutes les femmes et à toutes les filles, en particulier à celles qui n ’ ont que peu ou pas de revenus, et de garantir l ’ accès à des procédures et à un hébergement adapté à l ’ âge des intéressées  ;

c) De redoubler d ’ efforts pour encourager les femmes à faire appel à la justice et leur en faciliter l ’ accès en leur fournissant davantage d ’ informations sur le droit qu ’ elles ont de bénéficier de l ’ assistance judiciaire.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité prend note de la création en 2014 de l’Observatoire national de l’équité et du genre, ainsi que de l’adoption du plan d’action pour la période 2012‑2017 concernant la mise en œuvre des recommandations qu’il a formulées. Il est toutefois préoccupé par :

a)L’insuffisance des ressources allouées au Ministère de la femme, de la famille et de l’enfant (CEDAW/C/CIV/Q/4/Add.1, par. 21) ;

b)Le manque de renseignements concernant la coordination entre le Conseil national de la femme, la Commission nationale de la famille et les unités chargées de la question du genre au sein des ministères compétents, notamment les cellules techniques et points focaux genre (CEDAW/C/CIV/4, par. 9, 15 et 79) ;

c)Le fait que les ministères et autres administrations publiques n’intègrent pas de considérations de genre dans leurs activités de planification et de budgétisation.

Le Comité recommande à l ’ État partie, conformément à sa recommandation générale n o 28 et à la cible 5.c des objectifs de développement durable  :

a) De doter le Ministère de la promotion de la femme, de la famille et de l ’ enfant des ressources humaines, techniques et financières dont il a besoin pour exercer pleinement son rôle en tant que mécanisme national de promotion de la femme, notamment en mettant en œuvre des politiques et programmes intégrant des considérations de genre  ;

b) D ’ assurer une coordination et une collaboration efficaces entre les divers organismes gouvernementaux chargés de l ’ application de la Convention, en définissant clairement les responsabilités de chacun et les mécanismes de coopération et en adoptant une approche de la réalisation des objectifs de développement durable intégrant les droits de la femme  ;

c) De renforcer les capacités des fonctionnaires des ministères compétents de sorte que les activités de planification et de budgétisation intègrent des considérations de genre, compte tenu des audits réalisés en 2016 ( CEDAW/C/CIV/4 , par. 75).

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité prend note de l’établissement du Conseil national des droits de l’homme, en application de la loi no 2018-900 du 30 novembre 2018. Il déplore cependant l’absence de renseignements sur les fonctions et activités de ce conseil concernant les droits des femmes et l’égalité de genre, sur son indépendance et son autonomie financière et sur les mesures prises pour le rendre conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), en dépit de l’engagement pris par l’État partie à cet égard (CEDAW/C/CIV/Q/4/Add.1, par. 22).

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De doter le Conseil national des droits de l ’ homme d ’ un large mandat et de ressources suffisantes pour lui permettre de promouvoir et protéger les droits des femmes, et de garantir son indépendance et son autonomie financière  ;

b) D ’ encourager le Conseil à solliciter son accréditation auprès de l ’ Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l ’ homme.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note avec préoccupation que, hormis les quotas électoraux, l’État partie n’a pas pris de mesures temporaires spéciales.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter dans tous les secteurs pertinents des mesures temporaires spéciales, telles que des quotas et d ’ autres mesures positives, assorties de sanctions en cas de non-respect, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, afin de garantir l ’ égalité de fait entre les femmes et les hommes.

Pratiques préjudiciables

Le Comité salue les mesures législatives et de politique générale adoptées par l’État partie pour lutter contre les pratiques préjudiciables, notamment ses initiatives de sensibilisation (CEDAW/C/CIV/4, par. 92 et 93 et CEDAW/C/CIV/Q/4/Add.1, par. 26 à 28). Il est néanmoins préoccupé par :

a)La prévalence des mariages d’enfants, qui entraînent grossesses précoces et mortalité maternelle, l’absence d’évaluations régulières des politiques et plans nationaux visant à lutter contre les pratiques préjudiciables, notamment du plan accéléré de lutte contre les mariages et grossesses précoces pour la période 2013‑2015, et l’absence de renseignements sur les efforts faits par l’État partie pour collaborer avec les responsables religieux et traditionnels ;

b)Le nombre limité d’enquêtes, de poursuites et de condamnations et la clémence des peines prévues par la loi no 98-757 du 23 décembre 1998 réprimant les mutilations génitales féminines (CEDAW/C/CIV/Q/4/Add.1, par. 28) ;

c)L’absence de services de réadaptation pour les victimes de mutilations génitales féminines.

Conformément à sa recommandation générale n o 31 et à l ’ observation générale conjointe n o 18 (2014) du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques préjudiciables, ainsi qu ’ à la cible 5.3 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De suivre et revoir régulièrement les mesures prises pour éliminer les pratiques préjudiciables et de renforcer sa coopération avec les acteurs concernés, notamment les chefs religieux et traditionnels, pour lutter contre les effets négatifs des pratiques préjudiciables sur l ’ exercice des femmes des droits qui leur sont reconnus  ;

b) De faire appliquer la loi n o 98-757 du 23 décembre 1998 réprimant les mutilations génitales féminines en enquêtant sur les cas de mutilations et en poursuivant et sanctionnant les auteurs, notamment ceux qui se déplacent régulièrement entre l ’ État partie et les pays voisins  ;

c) De veiller à ce que les victimes de mutilations génitales féminines aient accès aux soins médicaux, aux mesures de réadaptation psychosociale et aux services d ’ avocat dont elles ont besoin.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité prend note de l’adoption du Code de procédure pénale et de la révision en cours du Code pénal. Il constate toutefois avec préoccupation :

a)Qu’il n’existe pas de définition du viol et que le Code pénal (loi no 1981‑640 du 31 juillet 1981, modifiée par la loi no 1995-522 du 6 juillet 1995 et la loi no 2015-134 du 9 mars 2015) n’érige pas en infractions le viol conjugal la violence familiale ;

b)Qu’il n’existe pas de loi générale portant sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre ;

c)Que les certificats médicaux pour les femmes victimes de violence fondée sur le genre sont payants (CEDAW/C/CIV/Q/4/Add.1, par. 31) ;

d)Qu’il n’y pas de coordination entre les différents acteurs intervenant dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, tels que le corps judiciaire, les ministères compétents, le Groupe de coordination nationale de lutte contre les violences basées sur le genre, les centres d’accueil de victimes de violences basées sur le genre dans les commissariats de police et les plateformes décentralisées de lutte contre les violences basées sur le genre.

Le Comité recommande à l ’ État partie, conformément à sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre portant actualisation de la recommandation générale n o 19  :

a) De procéder rapidement à la révision du Code pénal, en veillant à sa conformité avec les normes internationales, et d ’ y inclure une définition du viol et des autres formes de violence sexuelle, et de pénaliser expressément le viol conjugal et la violence familiale  ;

b) D ’ adopter une loi générale pour prévenir, combattre et punir toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre  ;

c) De veiller à ce que les femmes victimes de violence fondée sur le genre puissent obtenir gratuitement des certificats médicaux pour les produire à titre de preuve, et d ’ accélérer le processus d ’ adoption de la loi prévoyant la prise en charge de tous les coûts pour les victimes de violences fondées sur le genre  ;

d) De veiller à la coordination de l ’ action de tous les acteurs qui interviennent dans les cas de violence fondée sur le genre.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité salue l’adoption de la loi no 2016 2016-111 du 8 décembre 2016 sur l’élimination de la traite des personnes, ainsi que l’élaboration d’un plan national d’action pour la période 2016-- 2020. Il s’inquiète toutefois du grand nombre de femmes et de filles qui sont victimes de la traite et de l’exploitation de la prostitution dans l’État partie. Le Comité est en outre préoccupé par :

a)L’absence de renseignements sur l’application de la loi no 2016 2016-1111 et sur la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la traite des êtres humains et du plan d’action correspondant pour la période 2016-2020, ainsi que la multitude des acteurs qui interviennent dans les cas de traite ;

b)L’absence de système normalisé de repérage précoce et d’orientation pour les femmes et les filles victimes de la traite, et le manque de protection des victimes et des témoins ;

c)L’absence de mesures destinées à protéger les femmes et les filles qui se livrent à la prostitution et l’absence de politiques et de programmes d’aide pour les femmes désireuses d’abandonner la prostitution.

Le Comité recommande à l ’ État partie, conformément à la cible 5.2 des objectifs de développement durable  :

a) D ’ adopter et de faire appliquer la loi contre la traite, de mettre en œuvre sa stratégie nationale de lutte contre la traite des êtres humains et le plan d ’ action correspondant, et de garantir une coordination effective des mesures de lutte contre la traite en établissant une commission interministérielle qui travaille en partenariat avec la société civile  ;

b) De renforcer les capacités du système judiciaire, des forces de l ’ ordre, de la police des frontières, des travailleurs sociaux et des professionnels de santé pour leur permettre de repérer rapidement les femmes et les filles qui sont victimes de la traite et de les orienter vers les services compétents  ;

c) De renforcer l ’ application de la loi de 2016 sur la protection des victimes et des témoins de l ’ exploitation de la prostitution ( CEDAW/C/CIV/Q/4/Add.1 , par. 38).

Participation à la vie politique et publique

Le Comité note qu’un projet de loi prévoyant que les femmes devront représenter au moins 30 % des candidats sur les listes électorales des partis politiques sera soumis à l’Assemblée nationale le 17 juillet 2019. Il constate néanmoins avec préoccupation :

a)Que les femmes sont sous-représentées dans les instances de prise de décision, en particulier dans les organes exécutifs et législatifs aux niveaux national, régional et municipal, dans la fonction publique, dans les missions diplomatiques, dans l’appareil judiciaire et dans la police (CEDAW/C/CIV/4, figure 1) ;

b)Que le quota prévu pour les femmes a une portée réduite et qu’il ne s’applique qu’aux candidates et non aux élues, qu’il est limité à 30 % et qu’il constitue une mesure plus incitative que coercitive ;

c)Que les campagnes de sensibilisation ont un impact limité et qu’aucun renseignement n’a été fourni sur les programmes de renforcement des capacités prévus pour les candidates aux élections.

Le Comité rappelle ses observations finales précédentes ( CEDAW/C/CIV/CO/1-3 , par. 35) et recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter une loi sur la parité des genres en vue d ’ assurer une représentation égale des femmes dans tous les domaines de la vie politique et publique  ;

b) De procéder rapidement, à titre de mesure transitoire, à l ’ adoption du projet de loi prévoyant un quota minimal de 30  % de femmes sur les listes électorales et de prendre des mesures visant à garantir l ’ élection du plus grand nombre de femmes possible  ;

c) D ’ intensifier les campagnes de sensibilisation faisant valoir l ’ importance de la participation des femmes à la vie politique, en particulier aux postes de décision ( CEDAW/C/CIV/Q/4/Add.1 , par. 42), ainsi que l ’ importance de dispenser aux femmes désireuses de se présenter à des élections ou d ’ occuper un poste dans la fonction publique une formation à l ’ exercice des responsabilités.

Femmes défenseures des droits de l’homme

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 2014-388 du 20 juin 2014 portant promotion et protection des défenseurs des droits de l’homme et du décret no 2017‑121 relative à son application. Il est toutefois préoccupé par le fait que les femmes défenseures des droits de l’homme, en particulier celles qui protègent l’environnement et luttent contre les mutilations génitales féminines et le mariage d’enfants, sont souvent victimes d’intimidation, de harcèlement et de menaces.

Le Comité invite l ’ État partie à adopter et à mettre en œuvre des mesures efficaces pour protéger les femmes défenseures des droits de l ’ homme, en particulier celles qui militent contre les mutilations génitales féminines, le mariage d ’ enfants et l ’ appauvrissement de l ’ environnement, et à veiller à l ’ application effective de l ’ article 9 de la loi n o 2014-388, notamment en créant un mécanisme indépendant de signalement et de suivi des violations de la loi.

Nationalité

Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 2013-654 du 13 septembre 2013 portant modification des articles 12, 13, 14 et 16 de la loi no 61-415 du 14 décembre 1961 portant Code de la nationalité, qui garantit l’égalité de traitement entre femmes et hommes s’agissant de l’acquisition de la nationalité. Il est cependant préoccupé par le fait que certaines dispositions du Code de la nationalité sont discriminatoires à l’égard des femmes, par exemple en ce qui concerne la transmission de la nationalité au conjoint ou aux enfants dans certains cas.

Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier ou d ’ abroger toutes les dispositions du Code de la nationalité qui sont discriminatoires à l ’ égard des femmes.

Éducation

Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 2015-635 du 17 septembre 2015 relative à la scolarité obligatoire, ainsi que de l’ouverture de l’École Militaire Préparatoire Technique aux jeunes filles et de la Gendarmerie nationale aux femmes, depuis respectivement 2013 et 2014 (CEDAW/C/CIV/4, par. 10). Il prend note en outre de la création de six écoles secondaires pour les filles et de l’augmentation du nombre de bourses d’études pour les filles inscrites dans des filières traditionnellement masculines comme les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques (CEDAW/C/CIV/Q/4/Add.1, par. 47). Il relève néanmoins avec préoccupation ce qui suit :

a)Les taux particulièrement élevés d’analphabétisme chez les femmes et les filles, en particulier celles qui vivent dans les zones rurales, et parmi les femmes et les filles handicapées ;

b)Le faible taux de fréquentation scolaire des filles, en particulier dans l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur, les effets néfastes des coûts directs et indirects de l’éducation sur l’accès des filles à l’éducation et l’insuffisance des ressources allouées aux mesures visant à renforcer le taux de scolarisation des filles et leur fréquentation de l’école et à promouvoir la poursuite de leurs études et leur réinsertion après un décrochage scolaire ;

c)Le peu d’informations communiquées sur les mesures prises pour protéger les femmes et les filles de la violence sexuelle et du harcèlement en milieu scolaire, ainsi que sur le nombre de plaintes déposées et d’enquêtes menées à ce sujet et sur les sanctions imposées ;

d)Le faible pourcentage d’enseignantes, qui n’était que de 28 % dans le primaire et de 14 % dans le secondaire durant l’année scolaire 2015-16 (CEDAW/C/CIV/4, tableau 6) ;

e)La sous-représentation des femmes et des filles dans les filières autres que celles dans lesquelles elles s’engagent traditionnellement.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/CIV/CO/1-3 , par. 37 a) à c) et f)) et sa recommandation générale n o 36 sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie de promouvoir l ’ accès des filles à l ’ éducation à tous les niveaux afin de leur donner les moyens de se prendre en charge, et  :

a) De renforcer les programmes inclusifs et ciblés d ’ alphabétisation des adultes destinés aux femmes, en particulier celles qui vivent dans les zones rurales, en veillant à ce que ces programmes soient accessibles gratuitement et à ce que leur impact fasse l ’ objet d ’ un suivi régulier  ;

b) De renforcer et de surveiller l ’ application des mesures visant à encourager la scolarisation des filles, notamment les filles vivant dans la pauvreté, les filles des zones rurales, les filles enceintes et les mères adolescentes, leur fréquentation de l ’ école, la poursuite de leurs études et leur réinsertion après un décrochage scolaire, en particulier aux niveaux secondaire et universitaire, y compris en appliquant la loi n o 2015-635, en éliminant les coûts directs de l ’ éducation et en réduisant ses coûts indirects, par exemple pour le Comité de gestion des établissements scolaires, et en allouant des ressources suffisantes aux comités de veille autour des écoles ( CEDAW/C/CIV/4 , par. 188)  ;

c) D ’ adopter une politique de tolérance zéro en cas de violence sexuelle et de harcèlement à l ’ égard des femmes et des filles dans les écoles, de veiller à ce que les responsables soient poursuivis en justice et dûment sanctionnés, et d ’ apporter une assistance psychologique, médicale et juridique aux victimes  ;

d) D ’ augmenter le nombre d ’ enseignantes dans les écoles, en particulier dans les écoles primaires et secondaires  ;

e) De renforcer les programmes existants, notamment l ’ attribution de bourses d ’ études spéciales aux filles, afin d ’ encourager les femmes et les filles à choisir des filières et des carrières autres que celles dans lesquelles elles s ’ engagent traditionnellement, et de veiller à ce qu ’ elles aient un accès égal à l ’ enseignement et à la formation techniques et professionnels, y compris dans les filières autres que celles dans lesquelles elles s ’ engagent traditionnellement.

Emploi

Le Comité prend note l’adoption de la loi no 2015-532 du 20 juillet 2015 portant Code du travail et d’autres mesures prises par l’État partie pour promouvoir l’égalité femmes-hommes en matière d’emploi. Il est toutefois préoccupé par :

a)Le nombre de violations commises contre les femmes et les filles employées dans le secteur informel ou comme domestiques, notamment le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et les violations du principe de la rémunération égale pour un travail de valeur égale et du droit au salaire minimum garanti, au congé payé, au congé de maternité ou de paternité et à une durée maximale du travail (dans le cas des travailleurs domestiques), la non-application de la législation interne pertinente ainsi que la concentration des femmes dans le marché du travail informel et leur exclusion de la protection des travailleurs et de la protection sociale ;

b)L’absence d’informations sur le nombre d’inspections du travail menées, la nature des infractions relevées et les peines prononcées.

Le Comité rappelle ses observations finales précédentes ( CEDAW/C/CIV/CO/1-3 , par. 39) et recommande à l ’ État partie, conformément à la cible 8.1 des objectifs de développement durable  :

a) D ’ appliquer les articles 5, 21.2, 23.6, 23.11, 25.1, 31.1 et 31.2 de la loi n o 2015-532, d ’ envisager de ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o 189) et la Convention de 2019 sur la violence et le harcèlement ( n o 190) de l ’ Organisation internationale du travail, de promouvoir le passage des femmes du secteur informel au secteur formel et de veiller à ce que les femmes employées dans le secteur informel soient effectivement couvertes par la protection sociale et la protection des travailleurs, y compris par le régime de retraite et la Couverture Maladie Universelle (CMU) prévus ( CEDAW/C/CIV/4 , par. 222)  ;

b) De procéder régulièrement à des inspections du travail dans tous les secteurs de l ’ emploi et d ’ imposer des sanctions appropriées en cas d ’ irrégularité.

Santé

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 2014-131 du 24 mars 2014 instituant la Couverture Maladie Universelle (CMU). Il est néanmoins préoccupé par :

a)Les informations fournies par la délégation de l’État partie quant au fait qu’environ 10 % seulement de la population est actuellement couverte par des régimes d’assurance maladie ;

b)Les taux élevés de mortalité maternelle et de malnutrition chez les femmes dans l’État partie ;

c)L’interdiction de l’avortement, sauf lorsque la vie ou la santé de la mère sont gravement menacées (art. 366 et 367 de la loi no 1981-640 du 31 juillet 1981 portant Code pénal) ;

d)Le taux croissant d’avortements clandestins, qui est passé de 31 % en 1994 à 42,5 % en 2012 (CEDAW/C/CIV/4, par. 233), le taux élevé de grossesses précoces et le faible taux d’utilisation de contraceptifs.

Conformément à la Recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé et aux cibles 3.1 et 3.7 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ accélérer la mise en œuvre de la loi n o 2014-131, en veillant à ce que l ’ assurance maladie obligatoire soit accessible et abordable pour toutes les femmes et les filles  ;

b ) De continuer d ’ augmenter le budget alloué aux soins de santé et d ’ évaluer régulièrement les effets des mesures prises par l ’ État partie pour améliorer l ’ accès des femmes aux services de santé de base inclusifs et réduire les taux de mortalité maternelle et de malnutrition  ;

c) De modifier les articles 366 et 367 du Code pénal afin de légaliser l ’ avortement dans les cas de viol, d ’ inceste ou de graves malformations du fœtus, outre les menaces à la vie et à la santé de la femme enceinte (qui sont déjà légalisées), et de dépénaliser l ’ avortement dans tous les autres cas  ;

d) Faire en sorte que toutes les femmes et les filles, notamment celles vivant dans les zones rurales, aient accès à des méthodes de contraception abordables et modernes, d ’ intensifier les efforts déployés par le Ministère de l ’ éducation pour faire mieux connaître les méthodes de contraception et les services de santé sexuelle et procréative et leurs droits en la matière, en introduisant des cours d ’ éducation sexuelle adaptés aux différents âges dans les programmes scolaires (ibid., par. 236) et de renforcer les mesures visant à garantir l ’ accès à des soins post-avortement de grande qualité, en particulier en cas de complications liées à des avortements non sécurisés (ibid., par. 234).

Autonomisation économique des femmes

Le Comité prend note avec satisfaction des diverses initiatives prises pour promouvoir l’autonomisation économique des femmes. Il est toutefois préoccupé par :

a)Le manque d’informations concernant l’impact du plan de mise en œuvre de la Politique nationale sur l’égalité des chances, l’équité et le genre (2014-2016) et du Programme national d’investissement agricole (2012-2015) sur l’autonomisation économique des femmes (CEDAW/C/CIV/4, par. 208) ;

b)L’absence d’informations sur les mesures législatives ou autres prises pour accroître l’accès des femmes aux nouvelles technologies, à la terre et au crédit ;

c)La part disproportionnée du travail non rémunéré assumée par les femmes, ce qui limite leurs perspectives professionnelles.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De mobiliser les ressources humaines, techniques et financières nécessaires à la mise en œuvre des plans existants visant à promouvoir l ’ esprit d ’ entreprise chez les femmes, en particulier celles vivant dans les zones rurales, et d ’ évaluer régulièrement l ’ impact de ces plans sur l ’ autonomisation économique des femmes  ;

b) D ’ adopter une politique d ’ autonomisation économique qui tienne compte des sexospécificités, qui soit dotée de ressources suffisantes et qui améliore l ’ accès des femmes à la formation, à la terre et au crédit  ;

c) De veiller à ce que la charge du travail non rémunéré des femmes soit reconnue, réduite et rééquilibrée, notamment en investissant dans les infrastructures et les services sociaux tels que la garde des enfants, et en encourageant les hommes à participer aux tâches ménagères et familiales.

Femmes rurales et changements climatiques

Le Comité note la délivrance de certificats fonciers à 277 femmes et l’attribution de 30 % des terres aménagées aux femmes (par. 14 et 212). Il est toutefois préoccupé par :

a)L’accès limité des femmes rurales aux services de base ;

b)La sous-représentation des femmes parmi les propriétaires fonciers et les difficultés rencontrées par les femmes pour obtenir des certificats fonciers ;

c)Les effets disproportionnés que les changements climatiques ont, compte tenu des inégalités préexistantes, sur les femmes et les filles, tant dans l’arrière-pays que sur le littoral et qui sont dus respectivement à la déforestation et à l’érosion côtière.

Conformément à sa Recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De redoubler d ’ efforts pour faire en sorte que les femmes rurales aient effectivement accès aux soins de santé, à l ’ éducation, à l ’ emploi, au crédit, à la justice, à la protection sociale, au logement, à l ’ eau potable, aux services d ’ assainissement et aux moyens de production  ;

b) De veiller à ce que les droits des hommes et des femmes de posséder et d ’ acquérir un bien, y compris foncier, et d ’ en hériter, en vertu de l ’ article 1123 du Code civil et de l ’ article 1 de la loi relative au domaine foncier rural du 23 décembre 1998 ( n o 98-750), soient appliqués de façon identique, de faciliter l ’ accès des femmes et des filles aux certificats fonciers et de renforcer les campagnes de sensibilisation sur l ’ égalité entre les hommes et les femmes concernant l ’ accès aux terres ( CEDAW/C/CIV/Q/4/Add.1 , par. 64)  ;

c) De faire en sorte que les femmes et les filles des zones rurales participent, au même titre que les hommes, à la prise de décisions en ce qui concerne l ’ atténuation des effets des catastrophes et les changements climatiques, conformément à sa recommandation générale n o 37 (2018) relative aux aspects liés au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques, et d ’ exploiter, le cas échéant, les systèmes de connaissances traditionnels, autochtones et locaux.

Femmes handicapées

Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes et les filles handicapées n’ont pas suffisamment accès à la justice, à l’éducation, à l’emploi et aux services de santé appropriés et que ces femmes et ces filles ne participent pas à la vie politique et publique.

Conformément à sa recommandation générale n o 18 (1991) sur les femmes handicapées, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ allouer les ressources nécessaires à l ’ application de la loi n o 98-594 du 10 novembre 1998 portant loi d ’ orientation en faveur des personnes handicapées et les dispositions de la loi n o 95-696 sur l ’ enseignement relatives à la non-discrimination et à l ’ éducation inclusive  ;

b) De veiller à ce que les femmes et les filles handicapées soient prises en compte dans toutes les politiques et tous les programmes relatifs à l ’ égalité des sexes et de rendre compte de ces mesures dans son prochain rapport périodique.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour modifier les dispositions discriminatoires du Code pénal et de la loi sur le mariage (CEDAW/C/CIV/4, par. 30) Il relève néanmoins avec préoccupation :

a)Qu’un pourcentage élevé de mariages ne sont pas enregistrées officiellement, ce qui prive les femmes de la protection économique en cas de dissolution du mariage ;

b)Que le mariage des filles de moins de 18 ans est autorisé à titre exceptionnel en vertu de l’article 22 de la loi no 64-375 du 7 octobre 1964 relative au mariage et que l’interdiction des mariages d’enfants de nature coutumière ou religieuse consacrée à l’article 378 de la loi no 98-756 du 23 décembre 1998 n’est pas appliquée ;

c)Que le nombre de mariages d’enfants dans l’État partie est élevé et que le plan d’action national de lutte contre le mariage d’enfants n’est pas mis en œuvre ;

d)Que la polygamie, le lévirat et le sororat ne sont pas expressément interdits par la législation de l’État partie et que les droits des femmes ne sont pas suffisamment protégés dans le cadre de ces mariages ;

e)Qu’il existe des dispositions discriminatoires en matière de droits successoraux, telles que les articles 22, 23 et 25 de la loi no 64-379 du 7 octobre 1964 relative aux successions, qui sont discriminatoires à l’égard des veuves par rapport aux enfants, parents et frères et sœurs de l’époux décédé.

Le Comité, rappelant ses précédentes observations finales [ CEDAW/C/CIV/CO/1-3 , par. 43, a) à c)]et sa recommandation générale n o 21 (1994) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux, recommande à l ’ État partie  :

a) De faire appliquer l ’ article 20 de la loi n o 64-375 et de garantir que tous les mariages de nature coutumière ou religieuse sont officiellement enregistrés et acquièrent force juridique pour que toutes les femmes mariées jouissent des mêmes droits en vertu de la Convention  ;

b) D ’ accélérer l ’ adoption de la version révisée de la loi sur le mariage et de mettre un terme à l ’ exception de l ’ âge minimum du mariage, de faire appliquer l ’ article 378 de la loi n o 98-756 et de faire prendre davantage conscience des effets préjudiciables des mariages d ’ enfants sur l ’ exercice par les filles des droits que leur reconnaît la Convention  ;

c) D ’ allouer des ressources suffisantes pour mettre en œuvre des mesures visant à prévenir les mariages d ’ enfants et à protéger les victimes  ;

d) D ’ insérer dans le Code pénal révisé des dispositions interdisant expressément la polygamie, le lévirat et le sororat, de prévoir des sanctions appropriées et de protéger les droits économiques des femmes et des filles durant ces mariages et lors de leur dissolution  ;

e) D ’ éliminer la discrimination à l ’ égard des femmes en matière d ’ héritage, notamment en modifiant ou en abrogeant les articles 22, 23 et 25 de la loi n o 64-379.

Collecte et analyse de données

Le Comité se félicite de la création de la Direction des systèmes d’information conformément au décret no 2018-950. Il est toutefois préoccupé par le fait que l’on ne dispose pas encore de données ventilées couvrant tous les domaines pertinents pour la réalisation des droits des femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour améliorer et centraliser la collecte de données relatives aux droits des femmes, ventilées par sexe, âge, race, origine ethnique, situation géographique, handicap et milieu socioéconomique, dans tous les domaines.

Modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l’État partie à accepter la modification apportée au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et de poursuivre l ’ évaluation du respect des droits consacrés par la Convention dans le cadre de l ’ examen de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d ’ action après 25 ans afin de parvenir à une égalité véritable entre les femmes et les hommes.

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la langue officielle de l ’ État partie, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, à l ’ Assemblée nationale et au corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir un lien entre l ’ application de la Convention et l ’ action qu ’ il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l ’ assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à promouvoir l ’ exercice effectif des droits individuels et libertés fondamentales par les femmes dans tous les aspects de la vie. Il l ’ invite donc à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n ’ est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité regrette que l ’ État partie n ’ ait pas présenté d ’ informations sur les mesures prises pour appliquer les recommandations concernant les domaines spécifiques appelant une action immédiate qu ’ il a indiqués dans ses observations finales précédentes et le prie de présenter, par écrit et dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 10 b), 10 e), 30 b) et 34 a) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son cinquième rapport périodique en juillet 2023. Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu ’ à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).