Nations Unies

CRPD/C/18/D/22/2014

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

5 octobre 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 du Protocole facultatif, concernant la communication no 22/2014 * , **

Communication présentée par :

X (représenté par un conseil)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

République-Unie de Tanzanie

Date de la communication :

23 juin 2014 (date de la lettre initiale)

Références  :

Décision prise en application de l’article 70 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 9 juillet 2014 (non publiée sous forme de document)

Date de s constatations :

18 août 2017

Objet :

Torture, traitements inhumains et dégradants ; discrimination à l’égard d’une personne atteinte d’albinisme

Questions de procédure :

Recevabilité − épuisement des recours internes

Questions de fond :

Albinisme ; discrimination fondée sur le handicap ; torture, traitements inhumains et dégradants ; violation du droit au respect de l’intégrité intellectuelle et mentale

Article(s) de la Convention :

1, 5, 15 et 17

Article(s) du Protocole facultatif :

2

1.L’auteur de la communication est X, de nationalité tanzanienne, né le 12 janvier 1969. Il est atteint d’albinisme. Alors qu’il avait 41 ans, il a été amputé du bras gauche par deux hommes pour ce motif. Depuis, il n’est plus autonome. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 5, 15 et 17 de la Convention. La République-Unie de Tanzanie a signé et ratifié le Protocole facultatif le 29 septembre 2008 et le 10 novembre 2009, respectivement. L’auteur est représenté par un conseil.

A.Résumé des renseignements fournis et des arguments avancés par les parties

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est originaire du village de Merda, dans le district de Mvomero, qui se trouve dans la région de Morogoro, en République-Unie de Tanzanie. Il est atteint d’albinisme. Jusqu’à ses 41 ans, avant qu’on ne l’ampute du bras gauche, il était agriculteur et pourvoyait à ses besoins.

2.2Le 10 avril 2010, entre 14 et 15 heures, l’auteur ramassait du bois de chauffage dans la brousse à Melela Kibaoni, dans le district de Mvomero, lorsque deux morans(jeunes gens de 14 à 30 ans) massaïs se sont approchés de lui et lui ont demandé du tabac. Lorsqu’il s’est penché en avant pour en prendre dans son sac en plastique, ils l’ont assommé avec des massues. Il a perdu connaissance et les deux hommes lui ont sectionné le bras gauche en‑dessous du coude et ont quitté les lieux, l’abandonnant à son sort. Lorsque l’auteur a repris connaissance, il a ressenti des douleurs atroces et s’est mis à lancer des appels à l’aide. Des habitants d’un village l’ont emmené à l’hôpital municipal de Morogoro, où il a été pris en charge. Son avant-bras n’a jamais été retrouvé et l’on suppose qu’il a été emporté par les deux hommes. L’affaire a été signalée à la police, mais il n’y a pas eu de poursuites.

2.3L’auteur précise que les faits se sont produits pendant une période où la violence à l’égard des personnes atteintes d’albinisme était particulièrement répandue en République-Unie de Tanzanie. En 2012, on estimait à plus de 200 000 le nombre total de personnes atteintes d’albinisme vivant dans le pays. Celles-ci sont victimes de différentes formes de persécution et de discrimination, généralement fondées sur des superstitions. Certains croient, par exemple, que les personnes atteintes d’albinisme sont une « malédiction de Dieu », voire des « fantômes éternels », que les relations sexuelles avec une femme atteinte d’albinisme permettent de guérir du VIH et que les parties corporelles de personnes atteintes d’albinisme ont des vertus magiques, notamment qu’elles apportent richesse et prospérité. Sur cette toile de fond, de nouvelles formes de persécution visant les personnes atteintes d’albinisme sont apparues dans l’État partie, dont des meurtres et des mutilations, encouragées par la création d’un lucratif marché noir sur lequel s’échangent des parties corporelles. Celles-ci sont généralement sectionnées sauvagement à la machette, ce qui cause des douleurs et des souffrances intenses aux victimes survivant à ce traitement. Il est arrivé dans certains cas que des cadavres de personnes atteintes d’albinisme soient exhumés et dépecés.

2.4L’auteur affirme que, bien qu’il ait porté plainte à la police, aucune enquête n’a été ouverte par les autorités compétentes de l’État partie. Il fait valoir qu’il n’est pas possible de se constituer partie civile en République-Unie de Tanzanie et que le droit pénal interne ne prévoit pas d’autres voies de recours.

2.5En ce qui concerne la procédure civile, l’auteur souligne que, pour introduire une instance, les victimes doivent saisir la Haute Cour de leur lieu de résidence. Comme il n’existe pas de Haute Cour dans la région de Morogoro, où il vit, l’auteur aurait dû se rendre à la capitale, Dar es-Salaam, pour engager une procédure. Or, celle-ci se trouvant à 300 kilomètres de son village, il n’avait pas les moyens de faire un tel voyage seul.

2.6L’auteur signale que, le 20 mars 2009, d’autres personnes atteintes d’albinisme qui avaient été victimes d’agressions similaires ont saisi la Haute Cour d’une requête constitutionnelle contre l’État, avec l’assistance du Legal and Human Rights Centre, de la Tanzania Albino Society et de la Tanzania Federation of Disabled People’s Organizations. À la date à laquelle la présente communication a été soumise au Comité, cette affaire n’avait toujours pas été jugée par la Haute Cour car la composition du collège de juges avait changé plusieurs fois, ce qui avait indûment prolongé la procédure et retardé l’examen de la requête.

2.7À ce propos, l’auteur fait observer que, conformément à la loi relative à l’exercice des droits et devoirs fondamentaux, qui prévoit une procédure permettant aux victimes de violation de porter leur affaire devant les tribunaux, un collège de trois juges doit statuer sur le fond de chaque requête. L’auteur affirme que cette procédure engendre généralement des retards indus dans le traitement des requêtes car, dans bon nombre d’antennes régionales de la Haute Cour, le nombre limité de magistrats rend difficile la constitution d’un collège de trois juges. L’auteur considère donc que ce recours n’est pas disponible.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur se dit victime de violation des droits qui lui sont reconnus aux articles 5, 15 et 17 de la Convention. Il soutient qu’il a fait l’objet de discrimination fondée sur l’albinisme dont il est atteint, qu’il considère comme un handicap en raison des déficiences et maladies diverses qui l’accompagnent. À ce propos, l’auteur rappelle que l’albinisme est une anomalie génétique rare qui touche aussi bien les hommes que les femmes, indépendamment de leur appartenance ethnique, dans le monde entier. Elle se caractérise par une absence de pigmentation des cheveux, de la peau et des yeux qui rend la personne extrêmement sensible au soleil et à la lumière vive et qui entraîne généralement une déficience visuelle. L’auteur affirme que les actes de violence qui lui ont été infligés et l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé de demander justice sont des problèmes généralisés auxquels sont confrontés les personnes atteintes d’albinisme dans l’État partie. Il souligne que les organes publics ne prennent aucune mesure de protection et de prévention en faveur des personnes atteintes d’albinisme parce qu’ils considèrent que la violence à leur égard est liée à la sorcellerie, pratique culturelle au sujet de laquelle beaucoup de préjugés subsistent dans la société tanzanienne. En conséquence, l’auteur se considère victime de violation de l’article 5 de la Convention par l’État partie.

3.2L’auteur ajoute que l’État partie n’a pas pris de mesures efficaces pour le protéger, compte tenu du fait qu’il est atteint d’albinisme, contre les actes ciblés de violence physique et psychologique qui lui ont été infligés des acteurs non étatiques. L’amputation de son bras, qui lui a fait perdre son autonomie, représente une forme grave de torture et de traitements inhumains et constitue donc une violation de l’article 15 de la Convention.

3.3L’auteuraffirmeenoutrequelesdroitsqu’iltientdel’article17delaConventionontégalementétévioléscarilasubidessévicesbarbaresquiontportéatteinteàsadignitéetàsonintégritéphysiqueetl’Étatpartien’aprisaucunemesureefficacepourpunirlesresponsables.

Observations de l’État partie concernant la recevabilité

4.1Les observations de l’État partie sur la recevabilité de la communication, datées du 23 septembre 2014, ont été reçues le 9 mars 2015. L’État partie estime que la communication devrait être déclarée irrecevable pour non-épuisement des recours internes. Il fait valoir que la police a ouvert une enquête sur la plainte de l’auteur le jour même de son agression, soit le 10 avril 2010. Le 21 avril 2010, un suspect a été arrêté et traduit devant le tribunal de district de Morogoro pour voies de fait ayant causé des blessures et des lésions corporelles graves (dossier pénal no 257 de 2010). Un procès a été ouvert et trois témoins ont été entendus, dont l’auteur. Toutefois, à l’audience, celui-ci a déclaré que l’accusé n’était pas l’un de ses agresseurs. Il a affirmé qu’il savait qui étaient ces deux hommes, qu’ils étaient ses voisins et qu’ils étaient massaïs. En conséquence, le parquet a abandonné les poursuites contre l’accusé en vertu de l’article 98 de la loi relative à la procédure pénale.

4.2L’État partie indique que l’enquête sur l’agression de l’auteur est en cours et que des efforts sont déployés pour retrouver et arrêter les responsables et les traduire en justice. Il signale que l’auteur n’a pas soumis d’allégations selon lesquelles l’enquête pénale n’a jamais été ouverte ou a été différée aux autorités nationales avant de formuler ce grief dans sa requête au Comité. L’État partie considère que la communication est fondée sur l’idée erronée du requérant qui considère que les autorités tanzaniennes n’ont pris aucune mesure.

4.3En ce qui concerne l’argument de l’auteur qui soutient qu’il ne pouvait pas se constituer partie civile au motif que cette voie de recours n’existe pas en droit pénal tanzanien, l’État partie objecte que cette possibilité est bel et bien prévue à l’article 99 de la loi relative à la procédure pénale et qu’il ne dispose d’aucun élément montrant que l’auteur a intenté une action civile et que celle-ci n’a pas abouti.

4.4L’État partie souligne en outre que la loi relative à l’exercice des droits et devoirs fondamentaux prévoit une procédure permettant aux particuliers de faire valoir leurs droits. Il relève que l’auteur dit ne pas avoir pu se constituer partie civile faute de moyens financiers. Selon l’État partie, cet argument ne tient pas car le pays compte plusieurs centres d’aide juridictionnelle et d’organisations non gouvernementales qui aident les personnes démunies à porter leur affaire devant les tribunaux. L’auteur n’a pas cherché à obtenir une aide juridictionnelle et n’a bénéficié d’aucune assistance de ce type. L’État partie rejette également les arguments de l’auteur qui soutient que, s’il n’a pas intenté d’action civile, c’est parce que la région de Morogoro (où il réside) se trouve à 300 kilomètres de Dar-es-Salaam (où est sise la Haute Cour). L’État partie considère que le conseil qui a aidé l’auteur à soumettre sa communication au Comité, qui vit sur un autre continent, ne pouvait pas ne pas l’aider à introduire une requête constitutionnelle en République-Unie de Tanzanie.

4.5En conséquence, l’État partie estime que la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe d) de l’article 2 du Protocole facultatif car tous les recours internes disponibles liés aux griefs soulevés devant le Comité n’ont pas été épuisés.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans une lettre datée du 11 mars 2015, l’auteur soumet ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité. Il souligne que la règle de l’épuisement des recours internes ne devrait jamais être utilisée comme bouclier par les États qui n’ont pas créé un cadre propice à la promotion, la protection et la préservation des droits de leurs citoyens. À ce propos, il renvoie à la décision de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dans l’affaire Jawara c. Gambie, dans laquelle on peut lire ce qui suit : « Dans l’application de cette règle, les trois critères fondamentaux suivants doivent être pris en compte : la disponibilité, l’efficacité et la satisfaction. ». La Commission précise en outre qu’« [u]ne voie de recours est considérée comme disponible lorsqu’elle peut être utilisée sans obstacle par le requérant, elle est efficace si elle offre des perspectives de réussite et elle est satisfaisante lorsqu’elle est à même de donner satisfaction au plaignant ». L’auteur renvoie également à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme en l’affaire Sejdovicc.Italie, dont il ressort que les requérants sont uniquement tenus d’épuiser les recours internes qui sont disponibles à ce moment-là, en théorie et dans la pratique, et ceux qu’ils peuvent directement exercer eux-mêmes, ce qui signifie que ces recours doivent être accessibles, propres à assurer une réparation du préjudice et offrir des perspectives raisonnables de succès. Lorsqu’il n’existe pas de voies de recours internes ou que la procédure de recours excède des délais raisonnables ou qu’il est improbable que le requérant obtienne réparation par ce moyen, la saisine d’un organe international s’impose. L’auteur estime que ce principe vaut pour les meurtres et agressions de personnes atteintes d’albinisme, qui sont commis de façon systématique et continue dans l’État partie et constituent des atteintes graves aux droits de ces personnes, et qui restent impunis.

5.2Pour ce qui est de l’argument de l’État partie qui fait observer que l’enquête sur la plainte de l’auteur a été ouverte le jour de son agression, soit le 10 avril 2010, et qu’un suspect a été arrêté le 21 avril 2010, l’auteur reconnaît que le Procureur a abandonné les poursuites après l’avoir entendu déclarer que la personne qui avait été arrêtée n’était pas l’un des deux agresseurs. Il souligne qu’il connaissait les auteurs, qui étaient ses voisins, et qu’il n’avait pas d’autre choix que de dire que l’accusé n’avait pas participé à son agression. L’auteur n’imaginait pas que cette déclaration allait entraîner la suspension de l’enquête concernant son affaire. Il estime qu’en ne continuant pas à mener l’enquête et en ne cherchant pas à obtenir des précisions supplémentaires l’État partie a violé les obligations qui lui incombent en vertu du paragraphe 1 de l’article 90 de la loi relative à la procédure pénale ainsi que de la Convention, étant donné qu’il n’a pas procédé à une enquête efficace et n’a pas poursuivi les responsables.

5.3L’auteur renvoie ensuite à la décision de la Commission interaméricaine des droits de l’homme dans l’affaire Greco v. Argentina, dans laquelle cet organe a considéré que, « s’il est vrai qu’il appartient au requérant de veiller à ce que l’État soit dûment informé de ses allégations de violation de la Convention afin que celui-ci ait la possibilité de les faire examiner par les organes de son appareil judiciaire, il n’en reste pas moins que l’État a l’obligation de faire progresser l’enquête sur toute infraction pouvant faire l’objet de poursuites d’office. Dans les affaires de ce type, il n’est possible d’attendre du requérant qu’il épuise tous les recours internes que si l’État concerné enquête avec la diligence voulue sur les actes allégués et fait le nécessaire pour que les personnes qui en sont reconnues responsables soient punies conformément aux obligations qui sont les siennes en vertu du droit interne et de la Convention ».

5.4L’auteur soutient que, en cas d’infraction donnant lieu à l’action publique, voire d’infraction pouvant faire l’objet de poursuites avec constitution de partie civile, il n’y a pas lieu d’exiger que les recours internes soient épuisés par la victime ou par ses proches car l’État partie est tenu de maintenir l’ordre public et, partant, de mettre en mouvement l’action publique et l’exercer jusqu’à ce qu’elle aboutisse à une décision de justice. L’auteur renvoie à une autre décision de la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans laquelle cet organe a estimé que l’obligation d’enquêter devait avoir un objectif et que l’État devait la considérer comme une obligation qui lui était imposée par la loi et non comme une mesure visant à défendre des intérêts privés, qui dépendrait d’une initiative de la victime ou de ses proches ou des éléments de preuve produits par eux et qui ne serait pas accompagnée d’une recherche effective de la vérité par les organes publics. En d’autres termes, l’obligation de mener une enquête et de poursuivre et sanctionner les responsables de violations des droits de l’homme est une obligation non transférable incombant à l’État. L’auteur soutient qu’en l’espèce l’État partie n’a pas mené d’enquête efficace ni de poursuites. Au lieu de cela, il a suspendu l’enquête avant d’avoir identifié les responsables, contrairement à ce que font généralement les juridictions internes en tel cas.

5.5En ce qui concerne l’affirmation de l’État partie qui prétend que des enquêtes sont actuellement menées en vue de traduire les agresseurs en justice, l’auteur soutient qu’il n’existe aucun signe montrant que des mesures concrètes ont été prises ou que les enquêtes alléguées ont abouti à des résultats. L’auteur n’a jamais été contacté et n’a reçu aucune information sur les procédures et les enquêtes prétendument en cours.

5.6En ce qui concerne l’argument de l’État partie qui soutient que l’auteur aurait dû saisir les juridictions internes d’une requête pour violation des droits de l’homme au titre de la loi relative à l’exercice des droits et devoirs fondamentaux, l’auteur objecte que la procédure prévue par ladite loi est extrêmement longue. Il renvoie à la jurisprudence des organes chargés des droits de l’homme selon laquelle il n’y a pas lieu d’épuiser des recours dont l’exercice excède des délais raisonnables et qui, par leur nature même, sont inutiles. Il ajoute que, même s’il n’existe aucune règle contraignante définissant le seuil à partir duquel une procédure de recours peut être considérée comme indûment prolongée, les organes chargés des droits de l’homme prennent généralement en considération le comportement des États et la complexité de l’affaire lorsqu’ils ont à déterminer si la durée de la procédure est raisonnable. L’auteur ajoute également que les requérants peuvent invoquer cette jurisprudence lorsque, comme en l’espèce, l’enquête se prolonge pendant plusieurs années sans qu’il n’y ait le moindre signe de progrès, que la procédure judiciaire dure depuis des années ou que les recours sont utilisés comme un « moyen de temporiser ».

5.7L’auteur renvoie à la requête constitutionnelle dont la Haute Cour de la République-Unie de Tanzanie a été saisie le 20 mars 2009 par des personnes atteintes d’albinisme qui avaient été victimes d’actes de violence (Recueil des requêtes civiles diverses, dossier no 15 de 2009), qui a été soumise au titre de la loi relative à l’exercice des droits et devoirs fondamentaux. L’article 4 de ladite loi dispose qu’une personne dont les droits ont été violés peut saisir la Haute Cour d’un recours en réparation et l’article 10 de ce texte prévoit que le collège de juges chargé d’examiner la requête au fond doit être composé de trois magistrats. Cette requête a été soumise avec l’assistance du Legal and Human Rights Centre, de la Tanzania Albino Society et de la Tanzania Federation of Disabled Peoples’ Organizations. Plus de six ans après son dépôt, elle est encore en attente d’examen (voir ci-dessus par. 2.6). L’auteur affirme que la durée de cette procédure est généralement excessive car, dans bon nombre d’antennes régionales de la Haute Cour, le nombre de magistrats est retreint, ce qui rend difficile la constitution d’un collège de juges. La procédure a donc accusé un retard indu et excédé des délais raisonnables, raison pour laquelle l’auteur considère que le recours interne devant la Haute Cour n’est pas disponible.

5.8L’auteur répète que, depuis 2000, les agressions de personnes atteintes d’albinisme se sont multipliées et répandues dans l’État partie, et que beaucoup de ces agressions n’ont pas été signalées. Il affirme que l’État partie n’a toujours pas engagé de poursuites sur les cas dénoncés et que le système judiciaire tanzanien n’est pas doté de ressources suffisantes pour traiter le nombre considérable d’affaires portant sur des personnes atteintes d’albinisme. L’auteur renvoie à la jurisprudence de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples d’après laquelle, lorsqu’un État est au courant de l’existence de violations « massives » et « graves » des droits de l’homme, il est censé prendre les mesures voulues pour les prévenir. L’auteur affirme qu’en l’espèce l’État a été informé des graves violations des droits de l’homme dont il a été victime, mais que les autorités n’ont pas pris les mesures qui s’imposaient pour enquêter sur ces faits, poursuivre et punir les responsables, et faire en sorte que des actes de violence de cette nature ne soient plus jamais infligés à des personnes atteintes d’albinisme en République-Unie de Tanzanie.

5.9L’auteur affirme qu’une voie de recours ne peut être considérée comme utile que si elle est accessible en théorie et dans la pratique et qu’elle peut être « utilisée sans obstacle ». En outre, les voies de recours internes peuvent être qualifiées d’efficaces lorsqu’elles offrent des perspectives de réussite, notamment sous la forme d’une réparation des violations alléguées. En cas de violations graves, notamment de violations présumées du droit à la vie ou de l’interdiction de la torture, les recours d’ordre purement administratif ou disciplinaire ne peuvent être considérés comme suffisants ou utiles. Les recours doivent donc être judiciaires et les États devraient être en mesure d’établir la responsabilité pénale des personnes auxquelles ces violations sont imputées. L’auteur renvoie à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle les requérants peuvent être dispensés de l’obligation d’épuiser les recours internes « lorsqu’est prouvée l’existence d’une pratique administrative consistant en la répétition d’actes interdits par la Convention et la tolérance officielle de l’État, et que cela rend toute procédure vaine ou ineffective ».

5.10En conséquence, l’auteur considère que, dans les circonstances particulières de l’espèce, les recours internes ne sont pas disponibles dans l’État partie et que, quand bien même ils le seraient, ils ne seraient ni utiles ni satisfaisants. Il prie donc le Comité d’examiner l’affaire au fond et répète que les actes dont il a été victime, l’absence d’enquête à leur sujet et l’absence de poursuites contre les responsables constituent une violation des droits qu’il tient des articles 5, 15 et 17 de la Convention.

Absence de réponse de l’État partie sur le fond de la communication

6.Dans des lettres datées du 12 mai et du 27 novembre 2015 et du 4 mars et du 9 mai 2016, respectivement, l’État partie a été invité à soumettre ses observations sur le fond de la communication. Le Comité constate avec regret qu’aucune information n’a été reçue des autorités tanzaniennes à ce propos. En l’absence de réponse de l’État partie, le Comité doit accorder le crédit voulu aux allégations de l’auteur, dans la mesure où elles ont été étayées.

B.Examen de la recevabilité et examen au fond

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif et à l’article 65 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions de l’alinéa c) de l’article 2 du Protocole facultatif, que la même question n’avait pas déjà été examinée par le Comité et qu’elle n’avait pas déjà été examinée ou n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui estime que la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu de l’alinéa d) de l’article 2 du Protocole facultatif pour non-épuisement des recours internes. L’État partie fait valoir en particulier que l’auteur ne s’est pas prévalu de la loi relative à l’exercice des droits et devoirs fondamentaux pour porter son affaire devant les tribunaux nationaux. Il fait également valoir que l’auteur ne s’est pas constitué partie civile pour réclamer des dommages et intérêts. À ce propos, le Comité prend note de l’objection de l’auteur qui soutient que la possibilité d’intenter une action civile et d’engager une procédure de citation directe ne constituent pas des recours utiles en l’espèce. Le Comité relève en outre que l’auteur a déposé plainte à la police le jour de son agression, le 10 avril 2010, que les poursuites ont été abandonnées en vertu de l’article 98 de la loi relative à la procédure pénale après que l’auteur a fait savoir que l’accusé n’était pas l’un de ses agresseurs et que, depuis, il n’a jamais été informé de l’adoption par les autorités d’éventuelles nouvelles mesures visant à faire la lumière sur son affaire et à traduire les responsables en justice. Le Comité rappelle que, conformément à la procédure pénale tanzanienne, le magistrat chargé d’instruire ou de juger une affaire peut autoriser toute personne, y compris la victime, à intenter des poursuites. Cependant, dans les affaires portant sur des violations d’une gravité aussi considérable que celles dont l’auteur a été victime, la responsabilité de déclencher les poursuites incombe au premier chef aux autorités de l’État partie, qui ont une obligation non transférable d’ouvrir une enquête et de poursuivre et punir les responsables.

7.4Le Comité relève que, le 20 mars 2009, d’autres victimes d’actes de violence analogues ont saisi la Cour constitutionnelle de la République-Unie de Tanzanie au titre de la loi relative à l’exercice des droits et devoirs fondamentaux et qu’au moment où la présente communication était à l’examen, soit plus de huit ans plus tard, leur affaire n’avait toujours pas été jugée. Le Comité relève également que la longue procédure engagée par l’auteur devant les autorités judiciaires n’a toujours pas abouti. À ce propos, il prend acte de la difficulté que représente pour la Haute Cour la constitution d’un collège de trois juges chargé de statuer au fond, chaque fois qu’une requête est soumise au titre de la loi relative à l’exercice des droits et devoirs fondamentaux. Dans ces circonstances, le Comité estime qu’il n’était pas raisonnable d’attendre de l’auteur qu’il engage une nouvelle procédure dont la durée serait imprévisible, notamment qu’il introduise une action civile ou soumette une requête à la Haute Cour au titre de la loi relative à l’exercice des droits et devoirs fondamentaux.

7.5Le Comité considère que, dans les circonstances de l’espèce, une action civile et une indemnisation ne constitueraient pas en soi un recours utile. Au vu de ce qui précède, il conclut que les recours internes cités par l’État partie n’auraient pas été utiles. En conséquence, il n’est pas empêché par les dispositions de l’alinéa d) paragraphe 2 du Protocole facultatif d’examiner la présente communication.

7.6Par ailleurs, le Comité rappelle qu’en vertu de l’article premier de la Convention, par personnes handicapées, on entend notamment, mais pas seulement, des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. Le Comité renvoie en outre à la définition de l’albinisme donnée par l’Expert indépendant sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, selon laquelle l’albinisme est une maladie génétique relativement rare, non contagieuse, qui touche des personnes dans le monde entier, indépendamment de leur appartenance ethnique ou de leur sexe, et qui résulte d’un important déficit de production de mélanine et se caractérise par l’absence partielle ou totale de pigments dans la peau, les cheveux et les yeux. Le type d’albinisme le plus courant et le plus visible est l’albinisme oculo-cutané, qui touche la peau, les cheveux et les yeux. L’absence de mélanine dans les yeux rend la personne très sensible à la lumière et entraîne d’importants problèmes de vue, dont la gravité varie d’un individu à l’autre. Souvent, ces problèmes de vue ne peuvent pas être complètement corrigés. De surcroît, l’un des problèmes de santé les plus graves que connaissent les personnes atteintes d’albinisme est leur vulnérabilité face au cancer de la peau, qui reste pour elles une maladie mortelle. Le Comité souligne qu’une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme exige de prendre en considération la diversité des personnes handicapées (al. i du préambule de la Convention) et de reconnaître l’interaction entre les personnes présentant des déficiences et les barrières liées aux attitudes et à l’environnement (al. e du préambule). En conséquence, et compte tenu du fait que l’État partie ne remet pas en question sa compétence ratione materiaepour examiner la plainte de l’auteur, le Comité tient à préciser que l’albinisme entre dans le champ de la définition du handicap telle qu’elle figure à l’article premier de la Convention.

7.7Constatant qu’il n’y a pas d’autre obstacle à la recevabilité, le Comité considère que la communication est recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

8.1Conformément à l’article 5 du Protocole facultatif et au paragraphe 1 de l’article 73 de son règlement intérieur, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées. L’État partie n’ayant soumis aucune observation sur le fond, le Comité estime qu’il convient d’accorder le crédit voulu aux griefs de l’auteur, dans la mesure où ils sont étayés.

8.2En ce qui concerne le grief tiré de l’article 5 de la Convention, le Comité prend note de l’argument de l’auteur selon lequel il a été victime de discrimination fondée sur son handicap, car les actes de violence qui lui ont été infligés font partie d’un phénomène généralisé sévissant dans l’État partie, qui ne concerne que les personnes atteintes d’albinisme. Le Comité prend également note de l’argument de l’auteur qui soutient qu’il a également été victime de discrimination fondée sur son handicap en raison de l’impunité dont continuent de jouir les responsables des actes de violence qu’il a subis. À ce propos, l’auteur souligne que cette impunité est le dénominateur commun de la plupart des actes de violence perpétrés contre les personnes atteintes d’albinisme et qu’elle résulte du fait que les autorités tanzaniennes considèrent que ces actes sont liés à la sorcellerie, que celle-ci est généralement acceptée et que beaucoup de préjugés subsistent encore à ce sujet dans la société tanzanienne. Enfin, le Comité constate que les autorités de l’État partie n’ont pas pris les mesures voulues pour garantir qu’une enquête efficace, approfondie et impartiale soit menée et pour que les responsables soient poursuivis, et qu’aucune mesure de prévention ou de protection n’a été adoptée pour combattre la violence à l’égard des personnes atteintes d’albinisme.

8.3Le Comité rappelle que les paragraphes 1 et 3 de l’article 5 de la Convention disposent que les États parties reconnaissent que toutes les personnes sont égales devant la loi et en vertu de celle-ci et ont droit sans discrimination à l’égale protection et à l’égal bénéfice de la loi, et qu’ils doivent prendre toutes les mesures appropriées pour faire en sorte que des aménagements raisonnables soient apportés afin de promouvoir l’égalité et d’éliminer la discrimination. Le Comité considère que la discrimination peut résulter de l’effet discriminatoire d’une règle ou d’une mesure dénuée de toute intention discriminatoire, mais qui touche de manière disproportionnée les personnes handicapées. En l’espèce, le Comité relève que l’auteur a été victime d’un crime violent présentant toutes les caractéristiques d’une pratique visant exclusivement les personnes atteintes d’albinisme, les faits s’étant déroulés comme suit : le 10 avril 2010, l’auteur a été attaqué par deux hommes alors qu’il ramassait du bois de chauffage ; ces individus l’ont assommé avec des massues ; ils lui ont sectionné le bras gauche au-dessous du coude ; puis ils sont partis en emportant le membre. Depuis, l’auteur a eu un accès extrêmement restreint à la justice car aucune mesure d’enquête ne semble avoir été prise par les autorités compétentes après l’abandon des poursuites initialement intentées et les responsables de cette attaque criminelle continuent de jouir de l’impunité la plus totale plus de huit ans après les faits.

8.4Le Comité estime que l’État partie ne saurait se soustraire aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention en invoquant simplement le fait que certaines juridictions internes, dont le tribunal de district de Morogoro et la Cour constitutionnelle, ont déjà examiné ou sont encore en train d’examiner l’affaire, alors même qu’il est manifeste que les procédures de recours encore pendantes dans l’État partie ont excédé des délais raisonnables et semblent n’avoir aucune chance d’aboutir. En outre, le Comité relève que les autorités de l’État partie n’ont fourni aucune aide à l’auteur afin qu’il puisse retrouver son autonomie après la perte de son bras et que, plus généralement, il n’a adopté aucune mesure pour empêcher que les personnes atteintes d’albinisme ne soient victimes de ce type de violence et leur offrir une protection contre ces actes. L’État partie n’ayant fourni aucune explication à ce sujet, le Comité considère que l’auteur a été victime d’une forme de violence ciblant exclusivement les personnes atteintes d’albinisme. Il considère en outre que l’inaction de l’État partie, qui n’a ni empêché ni réprimé ces actes, a eu pour effet de rendre l’auteur et d’autres personnes atteintes d’albinisme particulièrement vulnérables et de les empêcher de participer à la société sur la base de l’égalité avec les autres. En conséquence, le Comité conclut que l’auteur a été victime de discrimination directe fondée sur son handicap, ce qui constitue une violation de l’article 5 de la Convention.

8.5En ce qui concerne les griefs tirés de l’article 15 de la Convention, le Comité prend note de son argument de l’auteur selon lequel les actes qui lui ont été infligés ont constitué une forme de torture et porté atteinte à son intégrité physique. Le Comité rappelle qu’aux termes des paragraphes 1 et 2 de l’article 15 de la Convention, nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et les États parties prennent toutes mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher, sur la base de l’égalité avec les autres, que des personnes handicapées ne soient soumises à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité rappelle également qu’en vertu de l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le terme « torture » désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Le Comité fait par ailleurs observer que les actes de violence dont l’auteur a été victime ont été commis par des particuliers et qu’ils ne constituent donc pas des actes de torture.

8.6Le Comité souligne néanmoins que l’obligation incombant aux États de prévenir et de réprimer la torture et les traitements inhumains et dégradants vaut pour non seulement pour les actes commis par des acteurs étatiques que pour ceux perpétrés par des acteurs non étatiques. La rapidité et l’utilité de ces recours sont encore plus importantes lorsqu’il s’agit d’infractions telles que celles qui font l’objet de la présente communication. Le Comité considère que les souffrances endurées par l’auteur du fait que l’État partie n’a pris aucune mesure pour poursuivre efficacement les responsables présumés de l’infraction lui ont causé un traumatisme supplémentaire et constituent une forme de torture et/ou de mauvais traitements psychologiques. Pour tous ces motifs, le Comité conclut que, dans les circonstances de l’espèce, l’État partie a violé l’article 15 de la Convention.

8.7En ce qui concerne le grief que l’auteur tire de l’article 17 de la Convention, le Comité rappelle que toute personne handicapée a droit au respect de son intégrité physique et mentale sur la base de l’égalité avec les autres. Le droit à l’intégrité de la personne est fondé sur ce que signifie le fait d’être un être humain ; il est lié à la notion de dignité humaine et au principe selon lequel l’espace physique et psychologique de tout individu doit être protégé ; il englobe l’interdiction de la torture physique et mentale, des peines ou traitements inhumains ou dégradants ainsi que de toute une série d’atteintes de moindre gravité à l’intégrité physique et psychologique d’un individu. Les actes de violence infligés à l’auteur relèvent clairement des atteintes à l’intégrité physique et mentale d’une personne. Le Comité ajoute que, conformément à l’article 4 de la Convention, les États parties ont l’obligation générale de garantir et de promouvoir le plein exercice de tous les droits de l’homme, dont le droit à l’intégrité de la personne. En l’espèce, l’État partie n’a pris aucune mesure pour prévenir et réprimer les actes dont l’auteur a été victime et pour lui offrir une assistance afin qu’il puisse retrouver son autonomie après la perte de son bras. En outre, à ce jour, les responsables de ces actes jouissent d’une totale impunité. En conséquence, le Comité considère qu’en ne prenant pas toutes les mesures voulues pour prévenir les actes de violence du type de ceux qui ont été infligés à l’auteur et, en l’espèce, pour enquêter efficacement sur ces actes et les réprimer, l’État a violé les droits que l’auteur tient de l’article 17, lu conjointement avec l’article 4 de la Convention.

C.Conclusion et recommandations

9.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, considère que l’État partie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 5, 15 et 17, lu conjointement avec l’article 4 de la Convention. En conséquence, le Comité adresse les recommandations suivantes à l’État partie :

a)S’agissant de l’auteur, l’État partie a l’obligation de :

i)Lui offrir un recours utile, y compris sous la forme d’une indemnisation, une réparation du préjudice subi ainsi que l’assistance nécessaire pour qu’il puisse retrouver son autonomie ;

ii)Ouvrir sans délai une enquête impartiale et efficace sur l’agression dont il a été victime et en poursuivre les responsables ;

iii)Rendre publiques les présentes constatations et les diffuser largement, sous des formes accessibles, auprès de tous les secteurs de la population ;

b)D’une façon générale, l’État partie est tenu de prendre des mesures pour empêcher que des violations analogues ne se reproduisent. À ce propos, le Comité renvoie aux recommandations de l’Expert indépendant sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme et prie l’État partie de prendre les mesures ci-après :

i)Revoir les cadres juridiques et les adapter selon que nécessaire pour qu’ils englobent tous les aspects des agressions de personnes atteintes d’albinisme, notamment en ce qui concerne le trafic de parties du corps ;

ii)Veiller à ce que les agressions de personnes atteintes d’albinisme et le trafic de parties du corps donnent rapidement lieu à des enquêtes et à des poursuites ;

iii)Veiller à ce que l’utilisation de parties du corps dans le cadre de pratiques liées à la sorcellerie soit définie adéquatement et sans ambiguïté comme une infraction pénale dans le droit interne ;

iv)Élaborer et lancer des campagnes de sensibilisation à long terme et des formations reposant sur une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme et répondant aux obligations prévues à l’article 8 de la Convention, afin de lutter contre les pratiques néfastes et les superstitions répandues entravant l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, et dispenser des formations sur la portée de la Convention et de son Protocole facultatif.

10.Conformément à l’article 5 du Protocole facultatif et à l’article 75 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à soumettre au Comité, dans un délai de six mois, une réponse écrite, dans laquelle il indiquera toute mesure qu’il aura prise à la lumière des présentes constatations et recommandations du Comité.