Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/HND/CO/113 décembre 2006

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre-vingt-huitième session

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

HONDURAS

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Honduras (CCPR/C/HND/2005/1 et HRI/CORE/1/Add.96/Rev.1) à ses 2398e, 2399e et 2400e séances (CCPR/C/SR.2398, 2399 et 2400), les 16 et 17 octobre 2006, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 2414e séance (CCPR/C/SR.2414), tenue le 27 octobre 2006.

A. INTRODUCTION

2.Le Comité prend note avec satisfaction du rapport initial du Honduras, tout en regrettant qu’il ait été présenté avec plus de six ans de retard. Il est reconnaissant à l’État partie de la franchise manifestée par celui‑ci tant dans son rapport que dans ses réponses écrites et orales. Il se félicite également du haut niveau de la délégation de l’État partie et de la bonne volonté avec laquelle elle a répondu aux questions du Comité, ce qui a permis d’instaurer un dialogue ouvert et constructif sur les divers problèmes existants sur son territoire.

B. ASPECTS POSITIFS

3.Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (2002), ainsi que de son adhésion aux principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (2002), les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant (2002), la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1996), et la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes (2005).

4.Le Comité prend note avec satisfaction des réformes législatives menées à bien par l’État partie, en particulier l’abolition constitutionnelle de la peine de mort, les réformes récentes apportées au Code pénal, l’adoption du nouveau Code de procédure pénale (1999) et du Code de l’enfance et de l’adolescence (1996), ainsi que de la réduction du nombre d’affaires en souffrance grâce à l’adoption du système pénal accusatoire. Il se félicite également de la création du Commissaire national aux droits de l’homme et du ministère public.

C. PRINCIPAUX SUJETS DE PRÉOCCUPATION ET RECOMMANDATIONS

5.Le Comité reconnaît les efforts de l’État partie pour identifier les cas de disparitions forcées, notamment la publication par le Commissaire national aux droits de l’homme du rapport préliminaire sur les disparitions forcées au Honduras en 1993, dans lequel figure une liste de 183 personnes disparues. Il constate toutefois avec préoccupation que l’impunité est favorisée par le fait que les disparitions forcées ne sont pas qualifiées d’infraction dans le Code pénal, et que les cas évoqués dans la liste susmentionnée n’ont pas encore fait l’objet d’enquêtes, compte tenu en particulier du temps qui s’est écoulé depuis la publication dudit rapport(art. 2 et 6 du Pacte).

L’État partie devrait modifier son Code pénal afin que les disparitions forcées soient qualifiées d’infraction. Il doit également s’assurer que les cas de disparitions forcées font l’objet d’une enquête en bonne et due forme, que les responsables sont jugés et, le cas échéant, sanctionnés, et que les victimes ou leur famille reçoivent une indemnité juste et appropriée.

6.Le Comité prend note de la création de l’Institut national de la femme, ainsi que des progrès normatifs effectués pour promouvoir la participation des femmes à la vie publique, moyennant l’approbation de la loi sur l’égalité des chances. Il regrette cependant que la discrimination à l’égard des femmes, en particulier en ce qui concerne leur accès à des mandats électifs et à l’administration publique, et leur participation à ces fonctions, persiste dans la pratique, et que le système des listes ouvertes en vigueur ne permette pas de garantir une représentation suffisante des femmes (art. 3, 25 et 26 du Pacte).

L’État partie devrait assurer le financement adéquat de l’Institut national de la femme, ainsi que l’application effective des mesures législatives adoptées pour accroître la participation des femmes dans tous les domaines de la vie publique.

7.Le Comité se félicite de l’approbation de la loi contre la violence familiale, ainsi que de la création de la ligne téléphonique 114, qui permet à la police de porter assistance aux femmes qui sont en danger suite à des violences familiales. Il est toutefois préoccupé par le fait qu’un grand nombre de femmes continuent de décéder de mort violente et sont victimes de mauvais traitements persistants, ainsi que par l’impunité des auteurs de telles agressions(art. 3 et 7 du Pacte).

L’État partie doit prendre les mesures voulues pour lutter contre la violence familiale et veiller à ce que les responsables soient jugés et dûment sanctionnés. Le Comité invite l’État partie à sensibiliser la population dans son ensemble à la nécessité de respecter les droits et la dignité des femmes, de manière à susciter un changement des pratiques culturelles. Il invite également l’État partie à fournir des statistiques concernant le nombre d’interventions effectuées suite à des appels sur la ligne téléphonique 114.

8.Le Comité est préoccupé par la législation indûment restrictive de l’avortement, en particulier dans les cas où la vie de la mère est en danger (art. 6 du Pacte).

L’État partie devrait modifier sa législation de manière à aider les femmes à éviter les grossesses non désirées et le recours à des avortements clandestins qui peuvent mettre leur vie en danger. Il devrait également envisager de réviser sa législation relative à l’avortement afin de la mettre en harmonie avec le Pacte.

9.Le Comité prend note de la création de la Commission pour la protection physique et morale de l’enfance, ainsi que d’autres institutions chargées d’enquêter sur les morts d’enfants. Cependant, il demeure préoccupé par la persistance du nombre élevé d’exécutions extrajudiciaires d’enfants, dont seraient en particulier victimes les enfants des rues et les membres de «maras» ou bandes de jeunes (art. 6 et 24 du Pacte).

Le Comité engage l’État partie à enquêter sur tous les cas d’exécutions extrajudiciaires d’enfants, à poursuivre les responsables et à accorder une indemnisation juste et adéquate aux familles des victimes. Il recommande à l’État partie d’étudier la possibilité de créer un mécanisme indépendant tel qu’un défenseur des enfants. L’État partie devrait faire en sorte que ce type d’incident ne se reproduise pas à l’avenir. Il devrait organiser des cours de formation destinés aux fonctionnaires qui s’occupent d’enfants, ainsi que des campagnes afin de sensibiliser la population dans son ensemble à ce problème.

10.Le Comité relève avec préoccupation l’utilisation excessive de la force et des armes à feu par les agents de sécurité et le personnel pénitentiaire, qui infligent couramment des coups et vont jusqu’à tuer, en particulier dans les établissements pénitentiaires pour adultes et les centres de détention pour mineurs. Il s’inquiète particulièrement de ce qu’aucune sanction n’a été prononcée à l’encontre des responsables des événements survenus dans la prison El Porvenir et dans celle de San Pedro Sula. Il est préoccupé en outre par le fait que les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois ne sont pas appliqués effectivement (art. 6 et 7 du Pacte).

L’État partie devrait assurer la fourniture et le contrôle de toutes les armes des forces de police et dispenser aux membres de leur personnel un enseignement adéquat aux droits de l’homme, afin d’assurer le respect des Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois. L’État partie doit veiller à ce que les allégations concernant l’utilisation excessive de la force fassent l’objet d’enquêtes minutieuses et à ce que les responsables soient jugés. Les victimes de ces pratiques ou leurs proches doivent recevoir une indemnisation juste et adéquate.

11.Le Comité est préoccupé par la situation des enfants des rues, dont la proportion est alarmante. Ils sont les plus exposés à la violence et aux pratiques telles que le trafic à des fins d’exploitation sexuelle (art. 7, 8 et 24 du Pacte).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures appropriées en vue de chercher à savoir quelles sont les causes du nombre croissant d’enfants des rues, de concevoir des programmes pour remédier à ces causes, d’offrir un hébergement aux enfants et d’identifier ceux qui sont victimes de sévices sexuels, afin de les aider et de leur assurer une indemnisation, et d’enquêter sur ces violences de façon à identifier et poursuivre les coupables.

12.Le Comité relève avec préoccupation la prolifération alarmante du travail des enfants, en particulier dans les communautés rurales et autochtones (art. 8 et 24).

L’État partie doit prendre d’urgence des mesures pour éliminer le travail des enfants et assurer la scolarisation de tous les enfants d’âge scolaire.

13.Le Comité est préoccupé par la pratique courante des agents de sécurité, qui consiste à procéder à des arrestations sur simple soupçon, y compris à des arrestations en masse uniquement fondées sur l’apparence et sans ordre préalable émanant d’une autorité compétente. Il constate avec préoccupation que le nouvel article 332 du Code pénal, qui établit l’infraction d’«association illicite» et sur la base duquel des jeunes, des militants des droits de l’homme et des homosexuels sont fréquemment arrêtés, est rédigé en des termes trop généraux(art. 9 et 26 du Pacte).

L’État partie doit s’assurer que les arrestations sont effectuées conformément aux exigences de l’article 9 du Pacte et que les personnes arrêtées sont présentées sans délai à une autorité judiciaire. Il devrait envisager en outre la possibilité de modifier l’article 332 du Code pénal de manière à qualifier plus étroitement l’infraction d’association illicite.

14.Tout en prenant note des progrès accomplis par l’État partie depuis l’adoption du nouveau Code de procédure pénale pour diminuer le nombre de personnes placées en détention provisoire et réduire ainsi la surpopulation carcérale, le Comité s’inquiète de la persistance d’une proportion élevée de personnes en détention provisoire ainsi que de la longue durée de leur détention (art. 9 et 14 du Pacte).

L’État partie doit continuer à prendre toutes les mesures nécessaires en vue de réduire le nombre de personnes placées en détention provisoire ainsi que la durée de leur détention.

15.Le Comité est préoccupé par la situation dans les établissements pénitentiaires de l’État partie, c’est‑à‑dire par la surpopulation carcérale, les mauvaises conditions de détention, y compris, dans certains cas, le manque d’eau potable et de services sanitaires, l’absence de séparation entre prévenus et condamnés et la pratique de l’isolement prolongé. Il s’inquiète en outre de la facilité avec laquelle les détenus peuvent se procurer des armes à feu et des stupéfiants. La situation des mineurs privés de liberté est particulièrement préoccupante(art. 7 et 10 du Pacte).

L’État partie devrait améliorer les conditions de détention pour les rendre compatibles avec les dispositions de l’article 10 du Pacte. Il doit veiller en outre à l’application de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus.

16.Le Comité note que l’État partie a institué des procédures de sélection des juges conformes aux dispositions de la loi portant organisation de la profession judiciaire. Il reste cependant préoccupé par l’absence d’organe indépendant chargé de veiller à l’indépendance du pouvoir judiciaire et de contrôler les nominations, les promotions et le respect de la discipline dans la profession judiciaire (art. 14 du Pacte).

L’État partie doit adopter des mesures efficaces pour assurer l’indépendance de la justice, y compris en établissant sans délai un organe indépendant qui veille à l’indépendance du pouvoir judiciaire et contrôle les nominations, les promotions et le respect de la discipline dans la profession judiciaire.

17.Le Comité constate avec satisfaction que la Cour suprême a conclu à l’inconstitutionnalité de l’infraction d’«outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique» (desacato), qui était devenue un moyen de restreindre la liberté d’expression. Il s’inquiète toutefois des cas de harcèlement et de décès de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme ainsi que de l’impunité dont bénéficient apparemment les auteurs (art. 19 et 6 du Pacte).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour empêcher tout acte de harcèlement contre des journalistes ou des défenseurs des droits de l’homme et veiller à ce qu’il soit donné pleinement effet aux dispositions de l’article 19 du Pacte. L’État partie devrait veiller en outre à ce que les responsables de la mort de journalistes ou de défenseurs des droits de l’homme soient traduits en justice et punis et à ce que les familles des victimes soient dûment indemnisées.

18.Le Comité prend note des efforts accomplis par l’État partie en vue d’enregistrer toutes les naissances. Il regrette toutefois que la proportion d’enfants non enregistrés reste élevée, en particulier dans les zones rurales et les communautés autochtones (art. 16, 24 et 27).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires, y compris sur le plan budgétaire, pour garantir l’enregistrement de toutes les naissances ainsi que des adultes non enregistrés.

19.Le Comité est préoccupé par divers problèmes qui affectent les communautés autochtones, en particulier ceux qui touchent à la discrimination dans les domaines de la santé, du travail et de l’éducation ainsi qu’au droit de ces communautés sur les terres. Il s’inquiète de l’absence, dans la loi sur la réforme agraire, d’un article spécifique reconnaissant les titres sur les terres ancestrales autochtones (art. 27 du Pacte).

L’État partie devrait garantir aux membres des communautés autochtones le plein exercice du droit à leur propre vie culturelle. Il devrait prendre les mesures nécessaires pour résoudre le problème des terres ancestrales autochtones.

Le Comité demande à l’État partie de rendre publics son rapport initial et les présentes observations finales et de les diffuser largement sur l’ensemble de son territoire, dans toutes les langues officielles.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait présenter dans le délai d’un an les renseignements requis sur l’évaluation de la situation et l’application des recommandations du Comité figurant aux paragraphes 9 à 11 et 19.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport, qui doit lui parvenir au plus tard le 31 octobre 2010, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations formulées et sur l’application du Pacte dans son ensemble.

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