Nations Unies

CED/C/12/2

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

6 avril 2017

Français

Original : espagnol

Comité des disparitions forcées

Rapport sur les demandes d’action en urgence reçues au titre de l’article 30 de la Convention *

A.Introduction

Le Règlement intérieur du Comité (CED/C/1) dispose, en ses articles 57 et 58, que toutes les demandes d’action en urgence qui sont présentées pour examen par le Comité au titre de l’article 30 de la Convention sont portées à son attention. Tout membre du Comité qui en fait la demande peut obtenir le texte intégral des demandes dans la langue originale. Le présent rapport résume les principaux thèmes abordés par les rapporteurs chargés des demandes d’action en urgence dans le contexte des actions en urgence enregistrées par le Comité et les décisions prises depuis la onzième session du Comité en vertu de l’article 30 de la Convention. Il a été adopté par le Comité le 16 mars 2017.

B.Demandes d’action en urgence reçues depuis la onzième session du Comité

Dans la note concernant les demandes d’action en urgence publiée à sa onzième session, le Comité rendait compte des décisions prises au sujet des 342 actions en urgence enregistrées au 11 octobre 2016. Depuis cette date et jusqu’au 18 janvier 2017, le Comité a reçu 21 nouvelles demandes d’action en urgence, dont 17 ont été enregistrées. Ces dernières avaient trait à des faits survenus en Argentine et au Mexique. La liste des actions en urgence enregistrées au 20 mars 2017 est jointe au présent rapport.

À la date du présent rapport, le Comité avait enregistré au total 359 demandes d’action en urgence, dont la répartition par année et par pays est indiquée ci-dessous.

Tableau Demandes d’action en urgence enregistrées, par année et par pays

Année

Argentine

Brésil

Cambodge

Colombie

Iraq

Mexique

Maroc

Total

2012

-

-

-

-

-

5

-

5

2013

-

-

-

1

-

5 a

-

6

2014

-

1

1

1

5

43

-

51

2015

-

-

-

3

42

166

-

211

2016

-

-

-

4

21

58

1

68

2017 b

1

-

-

-

-

-

-

1

Total

1

1

1

9

68

277

1

359

a L’action en urgence n o  9/2013 concerne deux personnes. Pour cette raison elle est comptée comme deux actions en urgence.

b Au 18  janvier 2017.

C.Questions relatives aux critères d’enregistrement et à la portée des actions en urgence

1.Demandes qui ne respectent pas les critères d’enregistrement

La majorité des demandes d’action en urgence présentées depuis la onzième session satisfaisait aux critères de recevabilité dès leur soumission. Toutefois, quatre des demandes soumises n’ont pas été enregistrées, faute de temps, les victimes présumées ayant été localisées quelques heures après l’envoi de la demande.

2.Demandes d’action en urgence non accompagnées de renseignements sur les auteurs éventuels des faits ou faisant état de l’éventuelle participation d’acteurs non étatiques

Comme lors des sessions précédentes, dans la plupart des cas, l’identité des responsables de la disparition demeure inconnue. Les auteurs présentent des hypothèses fondées essentiellement sur des témoignages ou sur le contexte dans lequel la disparition a eu lieu. Le principal problème se pose lorsque les demandes font clairement état de la participation éventuelle d’acteurs non étatiques, sans aucune forme d’appui ou de consentement tacite.

À cet égard, les rapporteurs citent les exemples suivants :

a)Les auteurs de l’une des demandes d’action en urgence ont formulé plusieurs hypothèses, notamment la possibilité que la victime ait disparu après avoir rencontré un problème personnel avec son ancien compagnon. Les auteurs d’une autre demande ont mentionné un litige foncier entre la victime présumée et une autre personne. Toutefois, dans les deux cas, les auteurs ont également souligné que ces allégations n’étaient que de simples hypothèses et que « compte tenu du contexte », on ne pouvait exclure l’éventualité de la participation d’agents de l’État ;

b)Dans un autre cas, les auteurs n’ont formulé aucune hypothèse explicite concernant la participation de l’État partie, mais il ressort clairement de la demande d’action en urgence que les personnes disparues sont des acteurs influents de la société civile en conflit avec des agents de l’État.

Dans ces cas, les mesures suivantes ont été prises :

a)Compte tenu du fait que l’éventuelle participation, par action, appui ou consentement tacite, d’agents de l’État ne pourrait être confirmée qu’une fois l’enquête achevée, le Comité a enregistré les deux demandes d’action en urgence susmentionnées et demandé à l’État partie de fournir des renseignements sur les mesures prises pour localiser les victimes ;

b)Dans le cas des acteurs influents de la société civile, les rapporteurs ont estimé que, même si le Comité n’était pas en mesure de formuler une hypothèse concernant l’éventuelle participation d’agents de l’État dans les faits en question, la note adressée à l’État partie contenait toutes les informations disponibles concernant l’environnement social des victimes et leurs dernières rencontres avec des acteurs étatiques.

Compte tenu de ce qui précède, les rapporteurs recommandent ce qui suit :

a)Il convient d’élaborer deux nouveaux critères d’enregistrement des demandes d’action en urgence au titre de l’article 30 de la Convention. Si l’on ne dispose pas de suffisamment d’informations sur les responsables d’une disparition, on enregistrera une action en urgence dans les cas suivants :

i)Lorsque l’éventuelle participation d’acteurs non étatiques − sans même qu’il y ait appui ou consentement tacite − constitue une simple hypothèse qui ne peut être confirmée ou infirmée sans la conduite d’une enquête approfondie menée par les autorités compétentes ;

ii)Lorsque la personne disparue a eu un différend, connu des tensions ou entretenu des liens avec des acteurs étatiques qui, compte tenu du contexte, accréditent l’hypothèse d’une disparition forcée ;

b)Dans un cas comme dans l’autre, s’il ressort des informations communiquées par les parties au cours de la procédure d’action en urgence qu’aucun agent de l’État n’est concerné, pas même par l’appui ou le consentement tacite, le Comité mettra fin à l’action en urgence.

3.Demandes d’action en urgence enregistrées après que les auteurs des faits ont été identifiés : portée des actions en urgence concernant les enquêtes destinées à déterminer l’infraction et à établir les responsabilités

L’une des demandes d’action en urgence a été présentée dans un contexte quelque peu différent de celui de la plupart des autres demandes enregistrées. Dans l’affaire en question, la victime a disparu en novembre 2013. La famille a déposé une plainte auprès des autorités compétentes. À l’issue des enquêtes, trois policiers ont été jugés et condamnés pour la disparition. Néanmoins, on n’a toujours pas localisé la victime. Par ailleurs, lorsqu’ils ont présenté la demande, les auteurs se sont dits préoccupés par le fait que, selon les informations dont ils disposaient, un autre policier peut-être impliqué serait toujours en fuite. En outre, il est possible que les trois policiers placés en détention soient prochainement remis en liberté, alors que l’on ne connaît ni le lieu où se trouve la victime ni le sort qui lui a été réservé.

Mesure(s) prise(s) : en l’espèce, les faits présentés permettent au Comité d’établir une distinction claire entre les enquêtes destinées à déterminer la responsabilité pénale des auteurs des faits et les recherches visant à retrouver la personne disparue, alors que les auteurs de la demande et l’État partie intéressé confondent souvent les deux. Dans la note d’enregistrement de la demande d’action urgente en question, le Comité a demandé à l’État partie :

a)De prendre toutes les mesures nécessaires pour rechercher et localiser la victime ;

b)De veiller à ce que les décisions prises dans l’affaire ne contribuent pas à l’impunité ni n’entraînent la perte des éléments de preuve permettant de localiser la victime ;

c)De prendre toutes les mesures nécessaires pour retrouver le quatrième agent de police qui serait impliqué et d’exécuter le mandat d’arrêt émis contre lui.

En conclusion, dans le contexte des demandes d’action urgente, les rapporteurs ont souligné qu’il était important de limiter l’intervention du Comité aux sujets qui relèvent de sa compétence au titre de l’article 30 de la Convention. À cet égard, il convient de préciser que la question de la responsabilité pénale ne relève pas de la compétence du Comité au titre de l’article 30. Toutefois, les rapporteurs considèrent que, dans la grande majorité des cas, il est utile de se référer aux recherches destinées à déterminer l’infraction et à établir les responsabilités puisqu’elles apportent souvent des éléments permettant de faciliter la localisation de la personne disparue (si l’on sait comment se sont produits les faits et qui en est l’auteur, il est plus facile d’accéder aux informations pouvant permettre de localiser la personne disparue).

D.Suite donnée aux demandes d’action en urgence après leur enregistrement : tendances observées depuis la onzième session (jusqu’au 18 janvier 2017)

1.Interaction avec les États parties

Le Comité reste en contact avec les États parties par l’intermédiaire de leur mission permanente, principalement au moyen de notes verbales. Dans quelques cas (lorsqu’il y avait urgence ou qu’il fallait clarifier une situation en rapport avec la procédure d’action en urgence), des réunions ont été organisées entre des représentants de la mission permanente et les rapporteurs ou des membres du secrétariat du Comité représentant les rapporteurs.

Dans plusieurs cas, les auteurs de demandes d’action en urgence répètent leurs préoccupations quant au fait que les autorités chargées des recherches et des enquêtes ne sont pas informées des demandes d’action en urgence enregistrées ni des recommandations du Comité. Conformément à la décision adoptée en plénière par le Comité à sa onzième session, le secrétariat a pris contact avec les Missions permanentes des deux États parties (Mexique et Iraq) concernant lesquels le Comité a enregistré le plus grand nombre de demandes d’action en urgence, en vue de déterminer les moyens d’améliorer la situation à cet égard. À ce jour, ces échanges n’ont pas permis d’établir une voie de communication directe avec les autorités compétentes des États parties concernés.

2.Réponses des États parties

Dans la grande majorité des cas, les États parties répondent aux demandes qui leur sont faites dans le cadre des procédures d’action en urgence. Des rappels sont adressés à ceux qui ne le font pas. À sa onzième session, le Comité a décidé de réduire la fréquence d’envoi des rappels aux États parties qui ne répondent pas à ses courriers.

À l’issue de la onzième session, le secrétariat a commencé à appliquer la décision susmentionnée suivant les modalités ci-après :

a)Si l’État partie ne répond pas, trois rappels lui sont envoyés ;

b)Si la demande d’action en urgence considérée est la première qui ait été enregistrée à l’égard de l’État défaillant et que le troisième rappel reste sans réponse, une réunion des rapporteurs (ou des membres du secrétariat représentant les rapporteurs) et des représentants de la mission permanente est convoquée ;

c)Si la demande d’action en urgence considérée n’est pas la première qui ait été enregistrée à l’égard de l’État défaillant, une réunion des rapporteurs (ou des membres du secrétariat représentant les rapporteurs) et des représentants de la mission permanente n’est convoquée que si des circonstances particulières portent à croire qu’une telle réunion serait utile ;

d)Dans tous les autres cas, un quatrième courrier est adressé à l’État partie, dans lequel le Comité, renvoyant aux trois courriers précédents, rappelle à ce dernier l’obligation que lui imposent les paragraphes 2 et 3 de l’article 30 de la Convention de fournir au Comité des renseignements dans un délai fixé par lui. Le Comité informe également l’État partie que s’il ne reçoit pas de réponse dans le délai imparti, il pourra décider d’en faire mention dans son rapport de session sur les demandes d’action en urgence ainsi que dans son rapport à l’Assemblée générale. Le Comité statue sur ce point à sa session suivante ;

e)Quelle que soit la décision du Comité sur le point ci-dessus, la fréquence des rappels est ramenée à un tous les six mois et pourra être revue en fonction des réponses reçues à chaque session.

Au cours de la période considérée, un quatrième rappel a été envoyé concernant 23 demandes d’action en urgence enregistrées portant sur des faits survenus en Iraq. À sa douzième session, le Comité a tenu une réunion bilatérale avec la Mission permanente de l’Iraq, destinée à permettre à l’État partie d’exposer les raisons pour lesquelles il n’avait pas été en mesure de répondre aux courriers du Comité. Après avoir reçu les éclaircissements demandés sur la procédure d’action en urgence, l’État partie s’est engagé à fournir des renseignements concernant les demandes d’action en urgence dans les semaines suivant la session.

Pour ce qui est du contenu des réponses des États parties, on observe les mêmes tendances que celles qui avaient été relevées dans le rapport adopté à la onzième session (voir le document CED/C/11/3), à savoir l’absence de réponses aux questions du Comité, l’absence de mise en œuvre de ses recommandations et l’absence de renseignements sur les questions de fond. On note toutefois que, dans plusieurs cas, les renseignements fournis par l’État partie relativement aux demandes d’action en urgence ont permis aux auteurs d’obtenir des informations essentielles concernant les procédures de recherche et d’enquête auxquelles ils n’avaient pas pu avoir accès auparavant.

Recommandation des rapporteurs : développer les espaces permettant d’avoir des échanges avec les autorités nationales et de les former aux fins de la procédure d’action en urgence, en coordination avec les bureaux extérieurs du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le programme de renforcement des capacités des organes conventionnels, afin de favoriser une meilleure compréhension de la portée et des objectifs des actions urgentes.

3.Interaction avec les auteurs

Le secrétariat a toujours des contacts suivis avec les auteurs des demandes d’action en urgence, essentiellement sous la forme de lettres adressées au nom du Comité, mais aussi de manière directe par courrier électronique et par téléphone. Les grandes tendances qui se dégagent de ces échanges sont exposées plus bas.

Les auteurs continuent de souligner l’importance de l’appui fourni par le Comité, en qui ils trouvent un interlocuteur lorsque leurs différentes tentatives auprès des autorités nationales ne donnent aucun résultat. Il arrive que les auteurs (principalement des membres de la famille de la personne disparue) demandent au Comité de leur servir d’intermédiaire et d’intervenir directement auprès des autorités nationales. Dans ce cas, le secrétariat s’efforce toujours d’apporter une aide, dans les limites de la compétence du Comité telle qu’elle est définie à l’article 30 de la Convention.

4.Réponses des auteurs

Dans la majorité des cas, les auteurs expriment leur frustration face à l’absence de progrès dans l’exécution des obligations qui incombent aux États en matière de recherche et d’enquête (voir ci-après sect. E).

Dans certains cas, les auteurs demandent au Comité de prendre des mesures concrètes pour leur venir en aide. On trouvera ci-après des exemples de requêtes de ce type et de la suite qui leur a été donnée par les rapporteurs :

a)Dans un cas, l’auteur de la demande d’action en urgence a envoyé une lettre dans laquelle il expliquait que sa demande de mesures de protection avait été rejetée par l’une des autorités qui étaient en principe compétentes en la matière (l’Unité nationale de protection). La lettre de l’autorité chargée de la protection indiquait que l’affaire avait été renvoyée à la police, qui était elle aussi compétente dans certains cas. L’auteur a demandé au Comité d’intervenir pour requérir que sa demande de protection soit traitée dans le cadre du Programme de l’Unité nationale. Les rapporteurs ont estimé que le Comité n’était pas habilité à se prononcer sur la compétence de telle ou telle autorité nationale en matière de protection, à moins que la sécurité des personnes concernées ne soit manifestement en danger du fait de l’autorité à laquelle avait été confiée la responsabilité de leur protection. En l’espèce, les auteurs n’ont fourni aucun élément portant à croire que tel était le cas ;

b)Dans un autre cas, l’auteure de la demande d’action en urgence a prié le Comité de demander à l’État partie de procéder d’urgence à des investigations concernant le compte personnel Facebook de la personne disparue, sur lequel des signes d’activité − réception de messages − avaient été constatés. Le Comité a estimé que la requête était fondée car les recherches sur le compte Facebook permettraient peut-être d’obtenir des informations utiles pour localiser la personne disparue. Il a par conséquent demandé à l’État partie de procéder aux investigations requises, qui faisaient partie des mesures nécessaires pour rechercher et retrouver la personne disparue ;

c)Dans trois cas de demandes d’action en urgence, les auteurs ont très souvent sollicité le Comité pour obtenir un soutien matériel et psychologique. Le Comité a systématiquement pris le temps de les écouter et de répondre à leurs questions concernant les procédures, en insistant bien sur les limites de son mandat. Le bureau national du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a également reçu les auteurs et tenu compte de leurs préoccupations.

Dans certains cas, les auteurs des demandes d’action en urgence enregistrées n’ont pas transmis leurs commentaires sur les observations de l’État partie, ce qui limite les possibilités d’action ouvertes au Comité pour donner suite à ces demandes. Cela étant, conformément aux dispositions du paragraphe 4 de l’article 30 de la Convention, ces procédures d’action en urgence restent ouvertes.

Ce type de situation se produit principalement dans deux cas de figure :

a)Cas de figure 1 : l’organisation non gouvernementale qui a soumis la demande d’action en urgence a eu des difficultés à maintenir le contact avec les membres de la famille des personnes disparues ou n’a pas eu accès aux rapports sur les investigations menées (six cas). Le Comité a envoyé des rappels aux auteurs. Dans deux cas, les auteurs n’ayant pas donné de nouvelles depuis un an, les rapporteurs ont décidé d’envoyer une lettre de suivi à l’État partie pour faire le point sur l’état d’avancement de l’enquête et des recherches. Une copie de cette lettre a été transmise aux auteurs. Ceux-ci ont par la suite repris contact avec le secrétariat pour le remercier et l’informer que la lettre de suivi leur avait permis de renouer le contact avec les autorités chargées de l’enquête ;

b)Cas de figure 2 : les auteurs n’ont pas répondu parce qu’ils ne sont pas en mesure de le faire, soit qu’ils ne puissent pas écrire, soit qu’ils n’aient pas facilement accès à Internet. Après avoir envoyé trois rappels, le secrétariat a pris contact avec certains des auteurs par téléphone pour essayer de voir comment − que ce soit oralement ou par d’autres moyens − ceux-ci pourraient transmettre leurs commentaires sur les observations de l’État partie. Dans deux cas concernant des demandes d’action en urgence, le secrétariat a recueilli les commentaires de l’auteur dans le cadre d’une conférence téléphonique. Compte tenu du nombre de demandes d’action en urgence dont est saisi le Comité, cette méthode ne peut être appliquée que dans des circonstances exceptionnelles.

À la lumière de ce qui précède, les rapporteurs recommandent l’adoption de la nouvelle règle de procédure suivante pour les cas où les auteurs ne répondent pas aux courriers du Comité :

a)Envoi de trois rappels à l’auteur ;

b)Si aucune réponse de l’auteur n’est reçue dans les trois moisqui suiventle troisième rappel, le secrétariat s’efforce de localiser l’auteur par d’autres moyens et s’enquiert des raisons pour lesquelles celui-ci n’a pas pu répondre au Comité ;

c)Si l’auteur indique qu’il n’est pas en mesure de répondre par écrit mais qu’il détient des informations dont il souhaite faire part au Comité, le secrétariat fait son possible pour recueillir ces informations oralement (par exemple par téléphone) et envoie à l’État partie une lettre de suivi tenant compte des dernières informations recueillies ;

d)Lorsque, six mois après le troisième rappel, l’auteur n’a pas pu être localisé ou qu’aucune information n’est disponible, le Comité envoie à l’État partie une note établie sur la base des éléments dont il dispose et fixe un nouveau délai dans lequel l’État partie devra lui faire parvenir des renseignements actualisés sur l’affaire à l’examen.

E.Sujets de préoccupation récurrents exprimés dans les demandes d’action en urgence enregistrées

Manque d’action des autorités chargées des recherches et des enquêtes : dans la majorité des cas, les auteurs font ressortir le manque d’initiative des autorités publiques chargées de mener les enquêtes et de rechercher les personnes disparues. Les préoccupations exprimées concernent principalement cinq cas de figure :

a)Inaction des autorités dans les soixante-douze heures suivant la disparition : dans plus de 25 demandes d’action en urgence, les auteurs ont fait part de leurs préoccupations face au refus des autorités d’intervenir dans les soixante-douze heures suivant la disparition. Dans chacun de ces cas, le Comité a fait part aux autorités de sa préoccupation face à leur refus d’intervenir dans les soixante-douze heures suivant la disparition. Dans l’un d’entre eux il a adressé une recommandation à l’État partie dans laquelle il l’a prié d’adopter les mesures nécessaires pour garantir que toute plainte pour disparition forcée soit traitée sans délai par les autorités qui l’enregistrent, conformément à l’article 12 de la Convention ;

b)Absence de stratégie de recherche et d’enquête : dans la quasi-totalité des demandes d’action en urgence enregistrées, les renseignements fournis par les États parties et les auteurs sont révélateurs du fait qu’il n’y a pas de stratégie de recherche et d’enquête. En pareil cas, le Comité rappelle aux États parties les obligations qui leur incombent au titre des articles 12 et 24 de la Convention, partant toujours du principe que mener une enquête sur la disparition forcée est un moyen d’obtenir les informations nécessaires pour rechercher et localiser les victimes ;

c)Non-respect des décisions de justice rendues : dans 12 demandes d’action en urgence, les auteurs font valoir que les décisions de justice rendues n’ont pas été mises en œuvre par les autorités compétentes, en raison soit d’un manque de moyens, soit de leur éventuelle implication directe ou lien avec les faits. Dans quatre de ces cas, les auteurs ont dénoncé le fait qu’après plusieurs mois, les mandats d’arrêt délivrés contre les responsables présumés des disparitions n’avaient toujours pas été exécutés, alors même que les agents de l’État concernés se trouvaient sur place. Les notes envoyées à l’État partie soulignent la préoccupation du Comité face à l’absence de mise en œuvre de ces mesures et rappellent les obligations que la Convention impose à l’État à cet égard ;

d)Absence d’enquête sur le terrain : dans quelque 19 demandes d’action en urgence, les auteurs ont relevé avec préoccupation que les autorités chargées des enquêtes se contentaient souvent d’envoyer des demandes aux centres d’accueil, centres hospitaliers ou de soins et centres de détention, lesquelles ne donnent pas de résultats. Ils ont souligné en outre que ces demandes d’informations contenaient souvent des instructions pour que les enquêtes comportent des visites sur place mais que ces instructions n’étaient pas suivies d’effets. Dans ce cas de figure, le Comité a recommandé à l’État partie de faire en sorte que les autorités compétentes : i) usent pleinement de leurs pouvoirs, y compris celui de prendre des mesures d’urgence, pour demander aux autorités concernées de fournir les renseignements requis dans le cadre de l’enquête ou des activités de recherche des personnes disparues ; ii) mettent en place les actions voulues pour mener des enquêtes exhaustives sur le terrain pour une recherche effective, ne se limitant pas à l’envoi de rapports à différentes autorités ou au recueil des informations disponibles dans les registres de l’État partie ;

e)Dysfonctionnements dans l’exploitation des éléments de preuve disponibles : dans la grande majorité des demandes d’action en urgence enregistrées, les auteurs font part de leur frustration face au peu de dynamisme manifesté par les autorités pour exploiter de manière optimale tous les éléments de preuve disponibles. À titre d’exemple, ils dénoncent fréquemment le recours limité ou peu efficace aux écoutes téléphoniques et analyses des courriers électroniques, le caractère incomplet des perquisitions menées sur les lieux dans lesquels il est estimé qu’il peut y avoir des éléments de preuve intéressants, l’absence d’analyse des ossements retrouvés, ou encore la réticence de certaines autorités à interroger les témoins identifiés par les parents ou les proches des personnes disparues. Dans de tels cas, le Comité analyse les renseignements disponibles. Une fois qu’ils ont été vérifiés, le Comité fait part de ses préoccupations et invite les autorités chargées des recherches et des enquêtes à prendre les dispositions qui s’imposent pour faire progresser les enquêtes.

Attribution des enquêtes à des services non spécialisés : il est fréquent que les auteurs relèvent avec préoccupation que l’enquête a été confiée à des services qui ne sont pas spécialisés dans les enquêtes sur les cas de disparition forcée. On peut citer par exemple les cas confiés aux services spécialisés dans les enquêtes concernant les crimes commis par la criminalité organisée. En pareil cas, le Comité demande à l’État partie de clarifier les motifs pour lesquels l’enquête a été confiée à de tels services et sollicite des renseignements afin d’établir s’il y a préjudice pour une enquête sur la disparition forcée, qui relève de la compétence d’autres services, ou si les autres services sont également à même d’enquêter sur des éléments suggérant une éventuelle disparition forcée au sens de la Convention.

Manque de coordination entre institutions : dans la quasi-totalité des demandes d’action en urgence enregistrées, les auteurs s’inquiètent du manque de coordination interinstitutionnelle entre les autorités chargées des cas. Dans les États fédéraux, on constate aussi un manque de coordination entre les autorités fédérales et celles des États fédérés, qui nuit manifestement à l’efficacité des recherches et des enquêtes menées. Dans ce cas, le Comité rappelle aux États parties qu’il est indispensable de garantir la coordination interinstitutionnelle entre toutes les autorités intervenant dans les recherches et les enquêtes.

Rôle de la justice pénale militaire :dans les demandes d’action en urgence impliquant des autorités militaires, que ce soit en tant que responsables éventuels de violations ou en qualité de victimes, les auteurs font systématiquement part de préoccupations quant au rôle joué par la justice pénale militaire dans les enquêtes. Dans de tels cas, le Comité rappelle à l’État partie qu’il doit adopter toutes les mesures nécessaires pour garantir dans la pratique que les tribunaux ordinaires soient saisis d’emblée. Chaque fois qu’il l’a jugé opportun, le Comité a aussi prié l’État partie de faire en sorte que les autorités militaires coopèrent avec les autorités civiles, à qui doivent être confiées les enquêtes et leur coordination. Cet éclaircissement s’impose pour éviter que les autorités militaires refusent d’apporter leur appui ou de divulguer des renseignements précis en leur possession au prétexte que toute intervention des tribunaux militaires est interdite.

Nécessité de renforcer l’entraide judiciaire internationale pour la recherche des personnes disparues : dans 10 demandes d’action en urgence dans lesquelles on suppose que les personnes ont disparu dans un pays autre que celui dans lequel elles ont été vues pour la dernière fois, les auteurs soulignent l’insuffisance de la coopération entre les États concernés. Dans ce cas, le Comité prie l’État partie d’accélérer immédiatement l’entraide judiciaire internationale nécessaire, conformément à l’article 14 de la Convention.

Manque d’accès des parents et des proches aux informations relatives aux recherches et manque de participation à ces recherches : dans la quasi-totalité des demandes d’action en urgence, les auteurs disent que les parents et les proches rencontrent des difficultés pour accéder aux informations relatives aux enquêtes réalisées sur les disparitions forcées et aux recherches des personnes disparues, ainsi que pour y participer. Dans ce cas, le Comité rappelle aux États parties qu’en vertu des articles 12 et 24 de la Convention, ils sont tenus : a) de garantir que les parents ou les proches des personnes disparues soient régulièrement tenus informés de l’état d’avancement des recherches et des enquêtes devant être menées, y compris par le biais de réunions avec les autorités chargées des affaires, chaque fois que cela est jugé opportun ; et b) de permettre et d’appuyer leur participation effective aux recherches.

Demande de mesures de protection : dans la majorité des demandes d’action en urgence, les auteurs demandent que des mesures conservatoires soient prises pour protéger les parents et les proches contre des menaces qu’ils ont reçues et pour leur permettre de poursuivre les activités nécessaires pour rechercher et localiser la personne disparue. Dans la grande majorité des cas, les parents et les proches subissent une très forte pression, bien souvent exercée par les autorités publiques potentiellement impliquées dans les faits. Il est ainsi fait mention de rondes ou de présence en face du domicile, d’appels téléphoniques ou de courriers menaçants, de pressions exercées sur les fils et filles mineurs, de menaces directes proférées pour que les intéressés renoncent à dénoncer les faits ou abandonnent toute activité visant à retrouver la personne disparue. Dans certains cas, les auteurs ont aussi dénoncé des menaces physiques contre leurs représentants ou le décès d’acteurs directement impliqués dans la recherche des personnes disparues. Les mesures provisoires de protection demandées ont été accordées chaque fois que les informations fournies montraient que les individus couraient un risque d’atteinte irréversible à leur vie ou à leur intégrité physique ou psychologique. Dans tous les cas, il a été demandé à l’État concerné de prendre en compte les besoins et les opinions de la personne à protéger avant l’exécution de toute mesure de protection.

F.Actions en urgence suspendues, clôturées, ou maintenues ouvertes aux fins de la protection des personnes en faveur desquelles des mesures conservatoires ont été recommandées

En application des critères adoptés en plénière par le Comité à sa huitième session :

a)L’action en urgence est suspendue lorsque la personne disparue a été retrouvée mais qu’elle demeure détenue. En pareil cas, en effet, cette personne est particulièrement exposée au risque de disparaître à nouveau et de ne plus bénéficier de la protection de la loi ;

b)L’action en urgence est clôturée lorsque la personne disparue a été retrouvée en liberté, lorsqu’elle a été retrouvée puis mise en liberté, ou lorsqu’elle a été retrouvée morte ;

c)L’action en urgence est maintenue ouverte si la personne disparue a été localisée, mais que les personnes en faveur desquelles des mesures conservatoires ont été recommandées dans le cadre de l’action en urgence demeurent menacées. Dans ce cas, le Comité se contente d’assurer le suivi des mesures de protection recommandées.

Depuis sa onzième session, le Comité a clôturé six actions en urgence, les victimes ayant été retrouvées vivantes : cinq concernaient des faits survenus au Mexique et une, des faits survenus en Iraq. En conséquence, à la date de la présente note, le Comité a suspendu ou clôturé 13 actions en urgence : il a suspendu trois actions en urgence (concernant des personnes disparues qui ont été localisées mais qui restent en détention), et a clôturé 10 actions en urgence (concernant des personnes disparues qui ont été retrouvées vivantes et mises en liberté (huit cas), ou qui ont été retrouvées mortes (deux cas)).

Le Comité a jugé nécessaire de maintenir ouvertes trois actions alors que les personnes disparues ont été localisées, parce que les personnes en faveur desquelles des mesures conservatoires ont été recommandées dans le cadre de l’action en urgence demeurent menacées.