Nations Unies

CERD/C/AUS/CO/18-20

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

26 décembre 2017

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de l’Australie valant dix-huitième à vingtième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport de l’Australie valant dix‑huitième à vingtième rapports périodiques (CERD/C/AUS/18-20) à ses 2596e et 2597e séances (voir CERD/C/SR.2596 et 2597), les 27 et 28 novembre 2017. À ses 2610e et 2611e séances, les 6 et 7 décembre 2017, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant dix-huitième à vingtième rapports périodiques, dans lequel figurent des réponses aux préoccupations exprimées par le Comité dans ses précédentes observations finales. Il se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des dispositions législatives et institutionnelles et des mesures de politique générale ci-après :

a)La Stratégie multiculturelle dans la prestation de services (2016-2019) ;

b)La Stratégie nationale de lutte contre le racisme ;

c)La mise en place d’une Commission royale sur la question de la protection et du placement en détention des enfants dans le Territoire du Nord, en 2016 ;

d)Les accords nationaux de partenariat pour l’accès universel à l’éducation préscolaire 2013-2014, 2015 et 2016-2017 ;

e)La Stratégie pour l’amélioration de la fréquentation scolaire dans les régions reculées (2014) ;

f)Le cadre national du droit et de la justice pour les autochtones (2009-2015) ;

g)Le plan national de santé pour les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres (2013-2023).

4.Le Comité salue également la nomination, en 2013, d’un commissaire aux affaires de discrimination raciale exerçant à temps plein au sein de la Commission australienne des droits de l’homme, et la mise en place d’un dispositif permanent pour les droits de l’homme afin de permettre à l’État partie de s’acquitter plus efficacement de ses obligations relatives à l’établissement de rapports.

C.Préoccupations et recommandations

Cadre des droits de l’homme

5.Le Comité regrette la décision de l’État partie de ne pas adopter une loi fédérale relative aux droits de l’homme comme il avait été recommandé pendant la consultation nationale sur les droits de l’homme de 2009. Le Comité note que la Commission parlementaire mixte sur les droits de l’homme est chargée de vérifier la compatibilité des textes législatifs existants et en projet avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels l’Australie est partie, mais il s’inquiète de ce que, souvent, le législateur ne tienne pas dûment compte des recommandations de la Commission mixte.

6. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures appropriées, y compris en adoptant un texte de loi relatif aux droits de l’homme, de façon à renforcer la protection des droits de l’homme et à donner effet juridique, sans restriction, aux dispositions de la Convention. Le Comité lui recommande aussi de renforcer les procédures de contrôle des textes législatifs afin d’en garantir la compatibilité avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il lui recommande en outre d’adopter et de mettre en œuvre un plan d’action relatif aux droits de l’homme.

Application de la Convention

7.Le Comité constate avec préoccupation que la protection contre la discrimination raciale n’est toujours pas garantie par la Constitution, comme l’exige l’article 4 de la Convention, et que les articles 25 et 51 (xxvi) de la Constitution eux-mêmes soulèvent des questions de discrimination raciale. Il relève qu’il existe au plan fédéral des dispositions législatives de lutte contre la discrimination mais il regrette que la Convention ne soit pas encore intégralement incorporée à la législation nationale et que les textes tendant à combattre la discrimination ne soient pas uniformes dans tous les États. Il note aussi avec préoccupation que la loi sur la discrimination raciale de 1975 (Cth) ne l’emporte pas sur tout autre texte législatif et comporte une disposition relative aux mesures spéciales qui n’est pas conforme au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention.

8.Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que la Convention soit entièrement incorporée à son droit interne. Il renouvelle sa recommandation précédente et invite l’État partie à faire ce qui convient pour que la loi sur la discrimination raciale de 1975 (Cth) l’emporte sur tout autre texte législatif susceptible d’établir une discrimination fondée sur les motifs énoncés dans la Convention (voir CERD/C/AUS/CO/15-17, par. 10), et pour que la définition et la portée des mesures spéciales soient conformes au paragraphe 2 de l’ article 2 de la Convention et à la recommandation générale n o  32 (2009) du Comité concernant la signification et la portée des mesures spéciales prévues dans la Convention.

Réserve

9.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie continue de maintenir sa réserve à l’article 4 a) de la Convention, ce qui a une incidence négative sur la répression de la haine raciale et la réparation due aux victimes, dans un contexte persistant dans l’État partie d’actes à motivation raciale visant des aborigènes, des personnes d’ascendance africaine et des Africains, des personnes originaires de pays d’Asie du Sud, des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants.

10. Le Comité engage instamment l’État partie à revoir sa position et à retirer sa réserve à l’ article 4 a) de la Convention, en particulier eu égard aux dispositions des articles 80.2(A) et 80.2(B) du Code pénal du Commonwealth (1995) qui prévoient l’incrimination de la violence liée à la haine.

Données ventilées

11.Le Comité prend note des renseignements donnés par la délégation au sujet des initiatives prises pendant la période couverte par le rapport tendant à recueillir des données pour chaque groupe ethnique, mais il note à nouveau avec préoccupation que ces statistiques ne permettent pas une évaluation d’ensemble de l’exercice des droits économiques et sociaux, comme le droit au logement, à l’éducation, à l’emploi et aux soins de santé, pour chaque groupe ethnique et chaque peuple aborigène (art. 1).

12. Eu égard aux directives concernant l’établissement des rapports (voir CERD/C/2007/1, par. 7) et rappelant sa recommandation générale n o  24 (1999) concernant l’article premier de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de recueillir et de mettre à disposition des données statistiques à jour sur la composition ethnique de sa population, en permettant aux individus qui remplissent un questionnaire d’identité de choisir le groupe ethnique auquel ils se sentent appartenir. Il devrait également fournir des données statistiques, ventilées par sexe, sur la situation socioéconomique des groupes ethniques et des peuples autochtones et leur représentation dans l’éducation, l’emploi, le logement et la vie publique et politique, afin que le Comité dispose d’une base empirique pour évaluer l’exercice dans des conditions d’égalité des droits consacrés par la Convention.

Montée du racisme dans l’État partie

13.Le Comité prend note de la définition que l’État partie donne du multiculturalisme et de la cohésion sociale et salue la mise en œuvre de la Stratégie nationale de lutte contre le racisme. Il constate toutefois avec préoccupation que les manifestations de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie, notamment dans la sphère publique, le débat politique et les médias, sont en augmentation. Il relève aussi avec préoccupation que les migrants, et en particulier les Arabes et les musulmans, les demandeurs d’asile et les réfugiés, ainsi que les Africains et les personnes d’ascendance africaine, les personnes originaires de pays d’Asie du Sud et les personnes appartenant à des peuples autochtones sont particulièrement visés par les discours de haine et la violence racistes (art. 4).

14. Le Comité engage instamment l’État partie à veiller à ce que les mesures de lutte contre le racisme soient mises en œuvre efficacement, en collaboration avec les organisations locales et les représentants communautaires engagés dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale. À cette fin l’État partie doit assurer un financement suffisant pour faire appliquer toutes les mesures dont tel est le but, notamment la Stratégie nationale de lutte contre le racisme. Rappelant sa recommandation générale n o  35 (2013) concernant la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité recommande aussi à l’État partie :

a) De revoir les éléments de la politique multiculturelle consacrés à la lutte antiterroriste et à la sécurité nationale regroupés sous le titre « Multicultural Australia : United, Strong, Successful », qui peuvent en effet conduire à des pratiques interdites par la Convention, comme le profilage ethnique et racial par les membres des forces de police et les organismes chargés de faire appliquer la loi, ciblant en particulier les Arabes et les musulmans ;

b) De renforcer les mesures de lutte contre les discours de haine raciale et les discours politiques xénophobes et veiller à ce que les personnes occupant des fonctions publiques non seulement s’abstiennent de tels discours mais aussi rejettent et condamnent catégoriquement les discours de haine, de façon à promouvoir une culture de tolérance et de respect ;

c) De veiller à ce que les dispositions antidiscrimination, tout particulièrement les alinéas C) et D) de l’ article 18 de la loi sur la discrimination raciale de 1975 (Cth), soient effectivement appliquées par les agents chargés de faire appliquer la loi, montrant ainsi clairement que les manifestations de discrimination raciale et de racisme ne resteront pas impunies ;

d) De faire cesser l’expression de haine raciale dans la presse écrite et les médias électroniques, et d’encourager les médias à adopter un code de bonne conduite contenant des règles contre le racisme et la discrimination raciale ;

e) D’intensifier son action pour que la population, les agents de la fonction publique et les agents chargés de faire appliquer la loi aient conscience de l’importance de la diversité culturelle et de la compréhension interethnique ;

f) D’examiner et de mettre en œuvre les recommandations faites par le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée suite à sa mission en Australie (A/HRC/35/41/Add.2) ;

g) De faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les résultats des mesures prises pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale.

Plaintes pour discrimination raciale

15.Le Comité note avec préoccupation que les affaires de discrimination raciale portées devant les tribunaux sont peu nombreuses, ce qui s’expliquerait par le coût des procédures judiciaires et les règles relatives à la charge de la preuve. Cette situation semble de plus être aggravée par la réserve de l’État partie à l’article 4 a) de la Convention (art. 2 et 6).

16. Rappelant sa recommandation générale n o  31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité engage l’État partie à :

a) Supprimer les obstacles qui empêchent encore les victimes de discrimination raciale d’aller en justice, notamment en renversant la charge de la preuve dans les procédures civiles engagées pour discrimination raciale ;

b) Donner des statistiques ventilées à jour et des renseignements détaillés montrant le nombre et le type de plaintes pour discrimination raciale dont sont saisies les juridictions pénales, civiles et administratives ainsi que la police, en précisant l’issue des procédures, notamment les condamnations ou sanctions disciplinaires prononcées et les indemnisations accordées aux victimes ;

c) Accroître l’appui, y compris financier, fourni à la Commission australienne des droits de l’homme afin de lui permettre de s’acquitter plus efficacement de son mandat, notamment de mener des enquêtes sur les plaintes portées en vertu de la loi sur la discrimination raciale de 1975 (Cth) ;

d) Organiser des campagnes d’éducation du public sur les droits garantis par la Convention et sur les dispositions de la législation nationale en vertu desquelles ces droits peuvent être invoqués, sur le travail de la Commission australienne des droits de l’homme et sur la marche à suivre pour dénoncer un cas de discrimination raciale.

Peuples autochtones − Stratégie « Réduire les écarts »

17.Le Comité est très préoccupé par les difficultés et la discrimination que continuent de connaître les peuples autochtones dans tous les domaines. Il prend note de l’adoption, en 2008, de la Stratégie appelée « Réduire les écarts » mais regrette qu’elle soit dotée de ressources insuffisantes et soit peu mise en œuvre puisqu’un seul de ses sept objectifs est en voie de réalisation. Prenant note des chiffres relatifs aux dépenses publiques consacrées aux questions autochtones qui ont été cités pendant le dialogue, le Comité regrette de n’avoir pas eu de renseignements sur les avancées obtenues grâce à ces dotations et en particulier de ne pas savoir si celles-ci sont suffisantes pour garantir les droits des autochtones et satisfaire à leurs besoins.

18.Rappelant sa recommandation générale n o  23 (1997) concernant les droits des populations autochtones, le Comité demande instamment à l’État partie de changer d’orientation sans tarder dans son traitement des peuples autochtones et de faire preuve de la volonté politique nécessaire pour que les plans et programmes fixant des objectifs à atteindre se concrétisent. Il recommande à l’État partie de faire en sorte que le processus de relance de la Stratégie « Réduire les écarts » soit mené à bonne fin par de véritables consultations avec les peuples autochtones, leurs représentants et les organisations non gouvernementales, tout spécialement avec celles qui travaillent à l’élimination de la discrimination raciale, en élaborant et appliquant la Stratégie, et en suivant sa mise en œuvre et évaluant les résultats. L’État partie doit également veiller à consacrer à la Stratégie et aux autres mesures d’ordre institutionnel concernant les peuples autochtones les moyens financiers suffisants pour que les objectifs visés soient atteints. Le Comité demande à l’État partie de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés et à jour sur l’efficacité et les résultats de ces mesures.

Reconnaissance constitutionnelle des peuples autochtones

19.Prenant note des renseignements donnés par la délégation qui a expliqué les difficultés entravant l’organisation d’un référendum constitutionnel, le Comité regrette que, malgré les revendications de longue date des peuples autochtones, le statut juridique de ceux-ci ne soit toujours pas inscrit dans la Constitution. De plus, bien qu’il affirme rejeter le principe de la terra nullius, fondé sur la « doctrine de la découverte », l’État partie continue de mener ses relations avec les peuples autochtones d’une façon qui n’est pas en accord avec le droit de ceux-ci à l’autodétermination et leur droit de posséder et de contrôler leurs terres et leurs ressources naturelles. Le Comité note aussi avec préoccupation que le National Congress of Australia’s First Peoples ainsi que les programmes et organisations communautaires et autres programmes et organisations gérés par les communautés autochtones ne sont pas dotés de ressources suffisantes.

20. Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer ses efforts pour donner suite aux demandes d’autodétermination des peuples autochtones, selon la Déclaration d’Uluru venue du cœur (« Statement from the Heart ») de mai 2017, en prenant notamment des mesures tendant à la reconnaissance extraconstitutionnelle des peuples autochtones et en instituant un dispositif efficace qui permette une réelle participation politique des peuples autochtones ainsi qu’en engageant des négociations de bonne foi avec les peuples autochtones. Le Comité demande à l’État partie  :

a) D’augmenter les fonds alloués au National Congress of Australia’s First Peoples ;

b) D’accroître l’appui, notamment financier, aux programmes dirigés par des autochtones et aux organisations qui fournissent des services aux autochtones, ce qui est nécessaire pour que ceux-ci puissent s’acquitter efficacement de leur mandat.

Droits fonciers autochtones

21.Le Comité est préoccupé par le fait que les peuples autochtones, après des siècles de conflit et de négociations autour de leurs droits fonciers traditionnels, n’ont toujours pas vu aboutir leurs revendications en matière foncière. En dépit de la précédente recommandation du Comité à ce sujet (CERD/C/AUS/CO/15-17, par. 18), la loi sur les titres fonciers autochtones demeure un outil lourd qui exige des autochtones un niveau élevé de preuve pour que soit reconnue la relation qui existe entre eux et leurs terres ancestrales. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles des projets d’extraction et de développement sont menés sur les terres que possèdent ou qu’utilisent traditionnellement les peuples autochtones sans que ceux-ci aient pu donner leur consentement préalable, libre et éclairé.

22. Le Comité recommande à l’État partie de prendre d’urgence des mesures pour protéger efficacement les droits fonciers des peuples autochtones, notamment en modifiant la loi de 1993 sur les titres fonciers autochtones afin d’abaisser le niveau de preuve exigé et de simplifier les procédures applicables. Il engage l’État partie à faire en sorte que le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, soit inscrit dans la loi de 1993 sur les titres fonciers autochtones et, selon qu’il conviendra, dans d’autres textes législatifs, et que ce principe soit pleinement appliqué. Le Comité recommande en outre à l’État partie de respecter et d’appliquer les principes énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et d’envisager d’adopter un plan d’action national pour la mise en œuvre de ces principes. L’État partie est en outre encouragé à revoir sa position et à ratifier la Convention (n o  169) de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux (1989).

Situation socioéconomique des peuples autochtones

23.Le Comité constate avec une vive préoccupation que les peuples autochtones continuent d’être en butte à une forte discrimination dans tous les domaines socioéconomiques, notamment l’éducation, la santé, l’emploi et le logement. Entre autres, le Comité est préoccupé par la faible espérance de vie, le faible niveau d’études et les taux élevés d’abandon scolaire à tous les niveaux, et les conditions de logement médiocres, notamment la promiscuité, que doivent supporter les peuples autochtones, en particulier ceux qui vivent dans le Territoire du Nord, où la proportion de personnes sans abri est près de 15 fois supérieure à la moyenne nationale. Il note en outre avec préoccupation que les peuples autochtones, y compris ceux qui vivent dans des zones reculées, font l’objet de discrimination dans l’accès aux prestations de sécurité sociale, notamment dans le cadre du mécanisme obligatoire de gestion des revenus et du programme de développement communautaire. Il est en outre préoccupé par les informations faisant état d’un taux élevé de suicide chez les autochtones, en particulier les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers et intersexués (LGBTQI). Il s’inquiète aussi de l’absence de programmes spécifiques en faveur des personnes handicapées autochtones.

24. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De mettre pleinement en œuvre les politiques visant à améliorer la situation socioéconomique des peuples autochtones, notamment la Stratégie de logement dans les régions reculées (2016), le Plan national de santé pour les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres (2013-2023), la Stratégie pour l’amélioration de la fréquentation scolaire dans les régions reculées et l’Accord national de partenariat pour l’accès universel à l’éducation préscolaire, en leur allouant des ressources suffisantes ;

b) D’adopter et de mettre en œuvre d’autres programmes dotés de ressources suffisantes, y compris des programmes spécifiques pour les personnes handicapées autochtones, en consultation avec elles, et de renforcer l’appui aux services de santé contrôlés par les communautés autochtones et aux programmes de promotion de l’emploi des autochtones dans le secteur de la santé, ainsi que les investissements dans ces services et programmes ;

c) De revoir le mécanisme obligatoire de gestion des revenus, qui touche de façon disproportionnée les peuples autochtones, de maintenir uniquement un mécanisme optionnel de gestion des revenus et de supprimer les critères établissant une discrimination dans l’accès aux prestations de sécurité sociale à l’égard des personnes qui vivent dans des zones reculées, dont la grande majorité sont des autochtones ;

d) De recueillir des données ventilées par appartenance ethnique, peuple autochtone, âge, sexe, handicap, orientation sexuelle et identité de genre, sur l’ampleur du phénomène du suicide et de faire rapport sur les mesures adoptées pour y remédier.

Enfants autochtones

25.Le Comité est profondément préoccupé par la proportion élevée d’enfants autochtones ayant eu affaire au système de justice pénale, certains d’entre eux à un très jeune âge. Il est également préoccupé par les mauvais traitements subis par les délinquants mineurs, en particulier les enfants autochtones, et par les conditions dans lesquelles ils sont détenus, notamment, mais pas exclusivement, dans le Territoire du Nord. Le Comité est vivement préoccupé par ce qu’il a appris concernant les violences commises dans le centre de détention pour mineurs Don Dale et se félicite de sa fermeture, tout en étant conscient qu’il peut exister d’autres établissements de ce type dans d’autres régions de l’État partie. Il note en outre avec préoccupation que les enfants autochtones courent un risque plus élevé d’être retirés de leur famille et placés dans des structures de protection de remplacement, dont beaucoup ne sont pas adaptées du point de vue culturel et dans lesquelles, trop souvent, ils sont soumis à des mauvais traitements.

26. Le Comité recommande à l’État partie de s’attaquer aux problèmes que sont le taux élevé d’incarcération des enfants autochtones et de placement de ceux-ci dans des institutions offrant une protection de remplacement, en consultation avec les peuples autochtones. Il recommande également à l’État partie :

a) De relever l’âge minimum de la responsabilité pénale à un âge fixé au niveau international , comme l’a recommandé le Comité des droits de l’homme (voir CCPR/C/AUS/CO/6, par. 44) ;

b) De mettre en place des mesures de substitution à la détention et des programmes de déjudiciarisation efficaces dans tous les États et territoires et d’abroger toute législation relative à la détention obligatoire d’enfants  ;

c) D’améliorer immédiatement les lieux de détention pour mineurs dans tous les États et territoires, d’appliquer les recommandations de la Commission royale sur la protection et la détention des enfants dans le Territoire du Nord, et d’ouvrir une enquête pénale sur les atteintes aux droits de l’homme qui se sont produites afin que leurs auteurs présumés soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et que les victimes soient indemnisées ;

d) De veiller à ce que les peuples autochtones aient accès à des services juridiques adéquats et culturellement adaptés, notamment en augmentant les fonds alloués aux services juridiques pour les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres et aux services juridiques pour la prévention de la violence familiale au sein de la population aborigène ;

e) De s’attaquer efficacement à la surreprésentation des enfants autochtones dans le système de protection de remplacement, notamment en élaborant et en appliquant une stratégie nationale dotée de ressources suffisantes en partenariat avec les peuples autochtones ; d’accroître les investissements dans les services de soutien à la famille au niveau des États et des territoires, et de veiller à ce que les organisations communautaires disposent des ressources voulues pour fournir des services de soutien à l’enfance et à la famille en vue de réduire les taux de retrait des enfants à leur famille ;

f) D’envisager de créer des postes de commissaire aux enfants autochtones dans chaque État et Territoire.

Femmes autochtones

27.Le Comité constate avec préoccupation que les femmes autochtones subissent des formes croisées de discrimination. Les taux de violence et de mauvais traitements à l’égard des femmes et des filles dans la famille sont plus élevés chez les autochtones que chez les non autochtones, et les femmes autochtones représentent la part de la population carcérale qui augmente le plus vite.

28. Rappelant sa recommandation générale n o  25 (2000) sur la dimension sexiste de la discrimination raciale, le Comité :

a) Fait sienne la recommandation formulée par la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences à l’issue de sa mission en Australie en février 2017, tendant à ce que l’État partie adopte un plan d’action national sur la violence à l’égard des femmes et l’égalité des sexes, accompagné de mesures spéciales permettant d’accélérer la promotion des femmes et des filles autochtones ;

b) Recommande à l’État partie de remédier au taux déjà élevé d’incarcération des femmes et des filles autochtones qui augmente de manière alarmante, et de veiller à ce que la version mise à jour de la stratégie « Réduire les écarts » comprenne des objectifs de justice pénale qui mettent l’accent sur la réduction des taux d’incarcération des autochtones, notamment des femmes et des enfants ;

c) Engage l’État partie à respecter les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok).

Demandeurs d’asile, migrants et réfugiés

29.Le Comité est alarmé par le fait que l’État partie continue d’envoyer les migrants et les demandeurs d’asile arrivant par bateau sans visa dans les centres de traitement régionaux pour l’examen de leur demande, malgré les nombreuses informations concordantes indiquant que les conditions de vie dans ces centres sont déplorables et dangereuses et que de graves violations des droits de l’homme y sont commises, y compris sur des enfants, et restent souvent impunies. Cette situation a conduit, entre autres, à plusieurs cas d’automutilation. Le Comité note avec inquiétude qu’à la suite de la fermeture du centre de traitement régional de l’île de Manus le 31 octobre 2017, les réfugiés et les demandeurs d’asile qui y avaient été envoyés par l’État partie ont été laissés sans accès à des services et sans mesures de protection ou solutions viables de réinstallation à long terme. Il est aussi préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants et des adultes qui sont reconnus comme réfugiés depuis des années ne sont toujours pas réinstallés, et certains sont encore détenus, sans aucune certitude quant à leur avenir.

30.Le Comité souscrit à la position exprimée par le Comité des droits de l’homme (voir CCPR/C/AUS/CO/6, par. 35) et par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (voir E/C.12/AUS/CO/5, par. 18) qui considèrent l’un comme l’autre que l’Australie exerce un contrôle effectif sur les centres de traitement régionaux. Le Comité conclut par conséquent que l’État partie est lié par les obligations découlant de la Convention à l’égard de toutes les personnes détenues dans ces centres.

31. Le Comité engage instamment l’État partie à :

a) Modifier la loi de 2013 sur les pouvoirs maritimes afin de supprimer le pouvoir d’intercepter les demandeurs d’asile et les réfugiés en haute mer et de transférer ceux-ci vers un autre pays ou un navire d’un autre pays ;

b) Mettre un terme à sa politique de traitement extraterritorial des demandes d’asile, transférer tous les migrants, demandeurs d’asile et réfugiés en Australie, examiner toute demande d’asile restante en veillant au respect de to utes les garanties procédurales ;

c) Assurer que les réfugiés et les demandeurs d’asile concernés par la fermeture des centres de traitement régionaux sont protégés contre le refoulement et assurer à toutes les personnes ayant droit à une protection internationale des solutions de réinstallation viables et sûres ;

d) Enquêter sur les violations des droits de l’homme dans les centres de traitement régionaux, poursuivre leurs auteurs présumés et, s’ils sont reconnus coupables, les condamner à des peines appropriées, et accorder pleine réparation aux victimes ;

e) Appliquer les recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants sur sa mission dans l’État partie ( A/HRC/35/25/Add.3)

32.Le Comité est en outre préoccupé par la politique de l’État partie consistant à maintenir indéfiniment en détention obligatoire toute personne qui arrive en Australie sans visa, y compris les enfants et les mineurs non accompagnés.

33. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’abroger les dispositions relatives à la détention obligatoire dans la loi de 1958 sur les migrations, trouver des solutions de substitution à la détention pour tous les migrants et demandeurs d’asile arrivant en Australie sans visa, veiller à ce que la détention ne soit utilisée qu’en dernier recours, et garantir un contrôle judiciaire régulier de la détention ;

b) Veiller à ce que tous les demandeurs d’asile, quels que soient leur mode d’arrivée, leur appartenance ethnique ou leur pays d’origine, puissent avoir accès à une procédure de détermination du statut de réfugié équitable.

Travailleurs migrants

34.Le Comité est préoccupé par les conditions de travail des travailleurs migrants, en particulier les détenteurs d’un visa temporaire ou d’un visa d’admission protégée qui sont peu rémunérés pour leurs longues journées de travail. Il constate également avec préoccupation que les travailleurs migrants détenteurs d’un visa temporaire s’abstiennent de porter plainte parce qu’ils sont très dépendants de leur employeur et connaissent mal leurs droits. Il relève en outre avec préoccupation que ces travailleurs sont empêchés de parrainer des membres de leur famille (art. 2 et 5).

35. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour améliorer les conditions de vie des travailleurs migrants. L’État partie devrait, entre autres, sensibiliser les travailleurs migrants à leurs droits et les informer des voies de recours qui leur sont ouvertes, et augmenter le nombre des inspections du travail, notamment dans les secteurs où les travailleurs migrants sont nombreux, en vue de détecter les violations des droits du travail, de traduire en justice les employeurs qui exploitent les travailleurs et d’indemniser les victimes. Le Comité recommande également de renforcer les capacités et les ressources financières de l’Ombudsman chargé de la question du travail équitable pour lui permettre de s’acquitter efficacement de son mandat. Il recommande aussi à l’État partie de permettre aux travailleurs détenteurs d’un visa temporaire ou d’un visa d’admission protégée de parrainer des membres de leur famille.

Éducation

36.Le Comité prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles le système d’enseignement ordinaire et les programmes scolaires ne reflètent pas suffisamment l’histoire des autochtones ni les effets de la colonisation. Il note également avec préoccupation que l’enseignement des langues et des cultures autochtones est toujours inexistant ou très rare. En outre, le Comité prend note avec préoccupation des informations faisant état d’un linguicide (art. 7).

37. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour renforcer les programmes d’éducation du public au multiculturalisme, notamment au moyen de programmes scolaires. L’État partie doit en particulier prendre des mesures pour préserver et promouvoir la culture, l’histoire et les langues autochtones, en veillant notamment à faire respecter de manière efficace le Cadre pour les langues aborigènes et les langues des insulaires du détroit de Torres. Le Comité lui recommande aussi de faire en sorte que le Fonds pour les langues aborigènes, créé en application de la loi sur les langues aborigènes de la Nouvelle-Galles du Sud de 2017, soit doté des fonds dont il a besoin pour atteindre ses objectifs.

Formation

38. Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie pendant le dialogue selon lesquelles des formations ont été organisées dans certains États à l’intention des agents des forces de l’ordre. Il regrette toutefois que ces formations n’aient pas été organisées à l’intention de tous les membres des forces de l’ordre au niveau fédéral ainsi qu’au niveau des États et que celles-ci n’aient pas toujours abordé les thèmes de la lutte contre le racisme et de la diversité. De plus, il est préoccupé par l’absence d’informations et de données détaillées et actualisées sur les formations portant expressément sur la prévention de la discrimination raciale et les droits consacrés par la Convention dont ont bénéficié récemment les membres des forces de l’ordre, les juges, les avocats et les agents de l’État, et sur les effets de ces formations sur la situation des peuples autochtones et des minorités ethniques (art. 7).

39. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier les programmes de formation à la lutte contre la discrimination raciale, à la prévention du profilage racial et aux méthodes appropriées pour enquêter sur les crimes de haine et les discours de haine qu’ il dispense aux agents des forces de l’ordre, tant au niveau fédéral qu’au niveau des États et des Territoires. Il lui recommande en outre d’organiser des formations spécialisées sur la prévention de la discrimination raciale et sur les droits consacrés par la Convention à l’intention des juges, des avocats et d’autres fonctionnaires, ainsi que des représentants des autorités locales et des associations. Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations et des statistiques actualisées et précises sur de tels programmes de formation et sur l’incidence qu’ils ont sur la situation des peuples autochtones et des minorités ethniques.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

40. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, comme la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

41. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

42. Le Comité note que l’État partie a déclaré ne pas s’être doté d’un plan pour la décennie des personnes d’ascendance africaine. À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités, le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale envers les personnes d’ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

43. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’élargir le dialogue avec les peuples autochtones, les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, ainsi qu’avec la Commission australienne des droits de l’homme, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Suite donnée aux présentes observations finales

44. Conformément au paragraphe 1 de l’ article 9 de la Convention et à l’ article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 16 c), 26 c) et 31 b).

Paragraphes d’importance particulière

45. Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 10 , 14 g), 18 et 20 (paragraphe introductif), et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Diffusion d’information

46. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra.

Élaboration du prochain rapport périodique

47. Le Comité recommande à l’État partie de sou mettre son rapport valant vingt et unième et vingt-deuxième rapports périodiques, d’ici au 30 octobre 2020, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques. En outre, le Comité encourage l’État partie à mettre à jour son document de base commun conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).