Nations Unies

CERD/C/AUS/CO/15-17

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

13 septembre 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l’éliminati on de la discrimination raciale

Soixante-dix-septième session

2-27 août 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Australie

1.Le Comité a examiné les quinzième à dix-septième rapports périodiques de l’Australie (CERD/C/AUS/15-17), soumis en seul document, à ses 2024e et 2025e séances (CERD/C/SR.2024 et CERD/C/SR.2025), tenues les 10 et 11 août 2010. À sa 2043e séance (CERD/C/SR.2043), tenue le 24 août 2010, il a adopté les observations finales suivantes.

A.Introduction

2.Tout en accueillant avec satisfaction les quinzième à dix-septième rapports périodiques de l’État partie, soumis en un seul document, le Comité note que le rapport n’est pas pleinement conforme à ses directives. Il remercie la délégation de l’État partie des réponses formulées oralement et par écrit qui lui ont permis de se faire une meilleure idée de l’application de la Convention.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite que l’État partie ait souscrit, en avril 2009, à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ce qui constitue un premier pas vers l’instauration d’un partenariat durable et constructif avec les peuples autochtones.

4.Le Comité prend note avec satisfaction des excuses nationales que l’État partie a présentées, le 13 février 2008, aux peuples autochtones et en particulier aux «générations volées» au sujet des politiques publiques néfastes menées antérieurement, ce qui représente la première étape d’un véritable processus de réconciliation et de réparation découlant de la reconnaissance des violations flagrantes des droits de l’homme commises dans le passé.

5.Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif s’y rattachant, du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et de l’invitation permanente adressée à tous les titulaires de mandats thématiques au titre des procédures spéciales, tout en prenant note, en particulier, de la visite en 2009 du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones ainsi que de celle du Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible.

6.Le Comité se félicite de l’engagement du Gouvernement de remédier à la situation défavorisée des autochtones conformément aux six objectifs de son programme de réduction des disparités «Closing the Gap».

7.Le Comité prend note avec intérêt de la vaste Consultation nationale sur les droits de l’homme tenue entre décembre 2008 et septembre 2009, qui a témoigné du large soutien dont bénéficiait la protection des droits de l’homme.

8.Le Comité se félicite des contributions de la Commission australienne des droits de l’homme à ses travaux ainsi que de la participation active et des contributions des organisations non gouvernementales.

C.Préoccupations et recommandations

9.Le Comité déplore que l’État partie n’ait pas fourni des informations suffisantes sur les mesures concrètes adoptées pour mettre en œuvre les précédentes observations finales (CERD/C/AUS/CO/14, CERD/C/304/Add.101). Le Comité regrette aussi que de nombreuses préoccupations dont il lui avait déjà fait part demeurent et n’aient pas débouché sur des changements structurels.

L’État partie est encouragé à se conformer à toutes les recommandations et décisions du Comité et à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour veiller à ce que les dispositions juridiques nationales contribuent à l’application effective de la Convention. Il recommande aussi à l’État partie d’envisager la mise en place d’un mécanisme interne chargé de l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale dans l’ensemble du système fédéral.

10.Le Comité est préoccupé par l’absence dans la Constitution fédérale d’une protection solidement établie contre la discrimination raciale et par le fait que les chapitres 25 et 51 (xxvi) de la Constitution soulèvent en eux-mêmes des problèmes de discrimination raciale. Il note avec intérêt les recommandations formulées dans le rapport issu de la Consultation nationale sur les droits de l’homme et les constatations selon lesquelles la population soutient notablement la promulgation d’une loi fédérale relative aux droits de l’homme visant à combler toutes les lacunes du modèle de protection des droits de l’homme en place. Le Comité prend note aussi des informations relatives au projet de l’État partie de réexaminer toutes les lois fédérales contre la discrimination, dans le but de les harmoniser en s’inscrivant dans le cadre relatif aux droits de l’homme (art. 1er et 2).

Le Comité demande instamment à l’État partie de veiller à ce que la révision de toutes les lois fédérales interdisant la discrimination porte sur les lacunes des dispositions juridiques et constitutionnelles protégeant contre la discrimination et que l’harmonisation qui en découlera n’affaiblisse pas la loi sur la discrimination raciale . Il recommande à l’État partie de prendre des mesures pour s’assurer que la loi sur la discrimination raciale prime sur tous les autres textes susceptibles d’établir des discriminations fondées sur les motifs énoncés dans la Convention. Le Comité recommande aussi à l’État partie de rédiger et d’adopter une loi générale mettant en place une protection solide contre la discrimination raciale.

11.Tout en prenant note du soutien de l’État partie à la Commission australienne des droits de l’homme, le Comité déplore l’absence, depuis 1999, d’un commissaire aux affaires de discrimination raciale exerçant ses fonctions à plein temps et note avec préoccupation les difficultés que connaît la Commission eu égard à ses pouvoirs, ses capacités et ses ressources financières limités (art. 2).

Le Comité demande instamment à l’État partie de faciliter le bon fonctionnement de la Commission australienne des droits de l’homme, en lui allouant des ressources financières et des effectifs suffisants, notamment en nommant un commissaire aux affaires de discrimination raciale à plein temps. Il préconise aussi un élargissement des fonctions, des pouvoirs et du financement de la Commission.

12.Le Comité est préoccupé par le fait que la collecte de données biométriques effectuée, dans le cadre des mesures de sécurité nationale, sur les ressortissants de 10 pays demandeurs de visa australien puisse constituer un profilage racial et contribuer à accroître la stigmatisation de certains groupes (art. 2).

Tout en étant sensible aux préoccupations de l’État partie en matière de sécurité nationale, le Comité insiste sur l’obligation incombant à l’État partie de veiller à ce que les mesures prises pour combattre le terrorisme n’aient pas pour but ou pour effet d’entraîner une discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique. Le Comité appelle l’attention de l’ État partie sur la déclaration du 8 mars 2002 sur la discrimination raciale et les mesures de lutte contre le terrorisme (A/57/18, chap. XI, sect. C) et lui recommande de lancer des campagnes de sensibilisation dénonçant les stéréotypes qui associent certains groupes au terrorisme.

13.Le Comité note avec préoccupation l’absence d’un cadre juridique régissant les obligations des sociétés australiennes dont les activités exercées, surtout dans le secteur minier, sur les territoires ancestraux de peuples autochtones dans le pays ou à l’étranger, ont eu un impact négatif sur les droits de ces peuples à la terre, à la santé, à leur cadre de vie et à leurs moyens de subsistance (art. 2, 4 et 5).

À la lumière de sa recommandation générale n o 23 (1997) concernant les droits des populations autochtones, le Comité encourage l’État partie à prendre les mesures législatives ou administratives voulues pour empêcher les activités des sociétés australiennes de porter atteinte à l’exercice des droits de peuples autochtones sur leur territoire et à l’étranger et à réglementer les activités extraterritoriales des sociétés australiennes à l’étranger . Il encourage aussi l’État partie à respecter ses engagements dans le cadre des différentes initiatives internationales que celui-ci soutient en vue de promouvoir une attitude citoyenne et responsable des entreprises.

14.Notant avec intérêt l’évolution démographique que l’État partie a connue au cours des dernières décennies, le Comité déplore que sa politique multiculturelle (Multicultural Australia: United in Diversity (2003-2006)) ait pris fin en 2006. Il est préoccupé par les informations mettant en lumière les problèmes persistants de discrimination et d’injustice en matière d’accès aux services dont souffrent les membres de certaines communautés minoritaires, notamment les communautés africaines, les populations asiatique, moyen-orientale et musulmane et en particulier les femmes musulmanes (art. 1er, 2 et 5).

Le Comité encourage l’État partie à élaborer et à mettre en œuvre une nouvelle politique multiculturelle globale qui tienne compte de la diversité ethnique et culturelle de plus en plus grande de la société. Il prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur la façon dont sont abordés le multiculturalisme et la diversité dans sa politique nationale. Il recommande à l’État partie de renforcer la prise en compte des questions raciales et culturelles dans son programme d’intégration sociale, en particulier en allouant des ressources suffisantes à l’élaboration de stratégies qui répondent aux besoins particuliers des diverses communautés.

15.Le Comité prend note avec satisfaction de la reconnaissance par l’État partie de la place particulière qu’occupent les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres dans la société en tant que premiers peuples de l’Australie et se félicite de la mise en place du Congrès national des peuples premiers d’Australie. En revanche, il est préoccupé par le fait que le Congrès national n’est qu’un organe consultatif représentant les organisations et les individus qui en sont membres et qu’il n’est pas pleinement représentatif des peuples premiers d’Australie. Le Comité regrette le peu de progrès accomplis en vue de la reconnaissance constitutionnelle des peuples autochtones d’Australie et la lenteur avec laquelle est appliqué le principe du contrôle effectif, par les peuples autochtones, des affaires qui les concernent (art. 1er, 2, 5 et 6).

Appelant l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale n o 23 (1997) concernant les droits des populations autochtones, le Comité recommande à nouveau à l’État partie de redoubler d’efforts en vue de parvenir à une véritable réconciliation avec les peuples autochtones et d’inscrire dans les amendements à la Constitution australienne la reconnaissance des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres comme peuples premiers. À ce propos, il recommande à l’État partie d’envisager la négociation d’un traité qui permette d’établir avec les peuples autochtones des relations constructives et durables. Le Comité recommande aussi à l’État partie d’allouer au Congrès national des peuples premiers d’Australie des ressources suffisantes afin que celui-ci puisse être pleinement opérationnel d’ici janvier 2011, et de soutenir son développement.

16.Le Comité s’inquiète de ce que l’ensemble des textes législatifs relevant de l’Action d’urgence dans le Territoire du Nord continuent d’opérer des discriminations en fonction de la race, y compris par le biais de «mesures spéciales». Il déplore les effets discriminatoires que ce type d’intervention a eu sur les communautés concernées, notamment les restrictions imposées aux droits des aborigènes à la terre, à la propriété, à la sécurité sociale, à un niveau de vie suffisant, au développement culturel, au travail et à un recours. Tout en notant que l’État partie va rétablir la loi sur la discrimination raciale en décembre 2010, le Comité est préoccupé par les difficultés persistantes à recourir à la loi pour contester les mesures de discrimination raciale relevant de l’Action d’urgence dans le Territoire du Nord et exercer des recours contre ces mesures (art. 1er, 2 et 5).

Le Comité demande instamment à l’État partie de garantir que toutes les mesures spéciales inscrites dans le droit australien, en particulier celles relevant de l’Action d’urgence dans le Territoire du Nord, sont conformes à la recommandation générale n o 32 (2009) du Comité concernant l a signification et le champ d’application d es mesures spéciales . Il encourage l’État partie à redoubler d’efforts en vue d’appliquer les recommandations du Conseil de révision de l’Action d’urgence dans le Territoire du Nord, à savoir: continuer de s’attaquer à l’ampleur inacceptable des disparités et de la dislocation sociale dont souffrent les Australiens aborigènes vivant dans les communautés reculées du Territoire du Nord; rétablir avec les aborigènes de véritables mécanismes de consultation, de participation et de partenariat; faire en sorte que les mesures gouvernementales touchant les communautés aborigènes respectent les obligations de l’Australie en matière de droits de l’homme et soient conformes à la loi sur la discrimination raciale.

17.Le Comité se déclare à nouveau préoccupé par la réserve de l’État partie à l’article 4 a) de la Convention. Il constate que les actes de haine raciale ne sont pas criminalisés dans l’ensemble de l’État partie, conformément à l’article 4 de la Convention et que le Territoire du Nord n’a pas encore adopté de texte législatif interdisant l’incitation à la haine raciale (art. 4).

À la lumière de ses recommandations générales n o 7 (1985) et n o 15 (1993), selon lesquelles l’article 4 revêt un caractère impératif, le Comité recommande à l’État partie de remédier à l’absence de texte de loi afin de donner plein effet aux dispositions interdisant la discrimination raciale en vertu de l’article 4 et de retirer sa réserve à l’article 4 a) relatif à l’incrimination de la diffusion d’idées racistes, de l’incitation à la haine raciale ou à la discrimination, et de toute assistance apportée à des activités racistes. Il demande à nouveau des informations sur les plaintes, poursuites et condamnations en rapport avec des actes de haine raciale ou d’incitation à la haine raciale dans les États et territoires dont la législation sanctionne ce type d’infraction.

18.Réaffirmant pleinement sa préoccupation à l’égard de la loi de 1993 sur les titres fonciers autochtones (Native Title Act) et de ses amendements, le Comité déplore qu’un niveau élevé de preuve soit toujours exigé pour reconnaître la relation existant entre les peuples autochtones et leurs terres ancestrales et que, malgré les investissements considérables en temps et en ressources consentis par les peuples autochtones, nombre d’entre eux ne parviennent pas à obtenir cette reconnaissance (art. 5).

Le Comité demande instamment à l’État partie d’apporter un complément d’information sur cette question et de prendre les mesures nécessaires afin de revoir le niveau élevé de preuve exigé. Il souhaite recevoir des renseignements sur la mesure dans laquelle les réformes législatives du Native Title Act adoptées en 2009 permettront de satisfaire dans de meilleures conditions et avec la célérité voulue les revendications foncières des autochtones. Il recommande aussi à l’État partie de renforcer les mécanismes propres à tenir de véritables consultations avec les peuples autochtones sur toutes les mesures qui touchent leur vie et leurs ressources.

19.Tout en se félicitant des initiatives prises récemment par l’État partie pour améliorer l’accès des Australiens autochtones à la justice, le Comité craint que l’augmentation récente des fonds destinés à l’aide juridictionnelle en faveur des aborigènes ne soit insuffisante pour remédier, de manière durable au problème d’accès des peuples autochtones à des services d’interprètes et de juristes, qui continue d’être limité (art. 5 et 6).

Le Comité encourage l’État partie, celui-ci ayant reconnu le rôle essentiel que des services juridiques et des services d’interprétation professionnels et culturellement adaptés aux autochtones jouent dans le système de justice pénal, à relever en valeur réelle le financement de l’aide juridictionnelle accordée aux aborigènes. Il lui recommande en outre de renforcer la formation du personnel chargé de faire respecter la loi et de la profession juridique à cet égard.

20.Tout en se félicitant de l’adoption de la loi nationale sur les autochtones et du cadre juridique y relatif par les gouvernements de tous les États et territoires australiens, le Comité exprime à nouveau les préoccupations que lui inspirent les taux disproportionnés d’incarcération et la persistance au fil des ans des problèmes à l’origine de décès en détention d’un nombre considérable d’Australiens autochtones. Il est en particulier préoccupé par les taux croissants d’incarcération de femmes autochtones et par les conditions déplorables qui règnent dans un grand nombre de prisons (art. 5 et 6).

Compte tenu de sa r ecommandation générale n o 31 (2005 ) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité recommande à l’État partie d’allouer des ressources suffisantes pour résoudre les problèmes économiques et sociaux qui font que les autochtones ont affaire au système de justice pénal. Il l’encourage à adopter une stratégie de réinvestissement dans la justice, en poursuivant et en développant le recours aux tribunaux et aux mécanismes de conciliation autochtones, les programmes de déjudiciarisation et de prévention et les stratégies de justice réparatrice, lui recommande de prendre immédiatement, en consultation avec les communautés autochtones, des mesure s pour examiner les recommandations de la Royal Commission into Aboriginal Deaths in Custody (Commission royale d’enquête sur les décès d’aborigènes en détention) et identifier celles qui demeurent valables, en vue de leur application. Le Comité recommande également à l’État partie d’appliquer les mesures décrites dans la loi nationale sur les autochtones et le cadre juridique y relatif. Il l’encourage à faire en sorte que les détenus bénéficient de soins de santé adéquats.

21.Le Comité se félicite de la nouvelle politique nationale tendant à préserver les langues autochtones mais il est préoccupé de constater que des ressources financières complémentaires n’ont ni été accordées par l’État partie ni reçues par le programme de préservation des langues et des documents autochtones pour garantir son application. Il est en outre vivement préoccupé de ce que le Gouvernement du Territoire du Nord a supprimé récemment le financement de l’enseignement bilingue étant donné la situation précaire d’un grand nombre de langues autochtones et l’insuffisance des possibilités données aux enfants d’être instruits dans leur langue ou d’apprendre leur langue (art. 2 et 5).

Le Comité encourage l’État partie à allouer des ressources suffisantes pour garantir l’application de la nouvelle politique nationale de préservation des langues autochtones. Il lui recommande de mener une enquête à l’échelon national, en consultation avec les communautés autochtones, sur la question de l’enseignement bilingue pour les peuples autochtones. Il lui recommande en outre d’adopter toutes les mesures nécessaires pour préserver les langues autochtones et également d’élaborer et d’exécuter des programmes visant à redynamiser les langues autochtones et l’enseignement bilingue et interculturel en faveur des peuples autochtones, qui respectent leur identité culturelle et leur histoire. Le Comité encourage l’État partie à envisager de donner des possibilités suffisantes aux minorités nationales d’utiliser et d’enseigner leur propre langue conformément à la Convention de l’UNESCO contre la discrimination dans le domaine de l’éducation, à laquelle il est partie.

22.Tout en prenant acte des mesures prises par l’État partie pour éliminer les obstacles qui font que les peuples autochtones sont défavorisés sur le plan socioéconomique, le Comité exprime à nouveau les graves préoccupations que lui inspire la discrimination dont continuent de faire l’objet les Australiens autochtones quant à l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 5).

Le Comité recommande à nouveau à l’État partie de faire en sorte que des ressources suffisantes soient fournies durablement pour supprimer les inégalités socioéconomiques. Il recommande que toutes les initiatives et tous les programmes dans ce domaine garantissent que les services publics soient culturellement adaptés et tendent à réduire les désavantages subis par les autochtones sur le plan socioéconomiques ainsi qu’à les rendre autonomes.

23.Le Comité est préoccupé par les informations reçues concernant la sécurité des étudiants étrangers et, en particulier, par la série d’agressions, dont un homicide, à caractère raciste dont ont été victimes des étudiants indiens dans l’État de Victoria. Il déplore que le Gouvernement et la police (tant au niveau des États qu’au niveau fédéral) ne traitent pas comme il convient la motivation raciale de ces actes et regrette l’absence de données nationales sur le nombre de migrants parmi les victimes des crimes commis (art. 2, 4 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier encore les efforts déployés pour combattre la violence à caractère raciale, notamment en demandant aux autorités de police de recueillir des données sur la nationalité et sur l’origine ethnique des victimes des crimes commis, et en veillant à ce que les juges, les procureurs et les membres des forces de l’ordre appliquent systématiquement les dispositions juridiques qui considèrent comme circonstance aggravante la haine ou l’hostilité fondée sur la race, la religion ou l’origine ethnique. Il recommande à l’État partie de fournir des statistiques à jour sur le nombre et la nature des crimes motivés par la haine qui ont été signalés, les poursuites engagées, les condamnations prononcées et les peines infligées aux auteurs de ces crimes, ventilées par âge, sexe et origine nationale ou ethnique des victimes.

24.Le Comité est préoccupé de ce que les «lieux exclus», tels les centres de détention pour immigrants sur Christmas Island, ne relèvent pas de la législation australienne sur les migrations et de ce que les demandeurs d’asile arrivant par bateau ou interceptés avant d’accoster sur le continent sans visa valide font l’objet de procédures distinctes et ne bénéficient pas des pleines protections garanties sur le continent par les procédures de demande d’asile et d’examen desdites demandes. Il est également préoccupé de ce que le maintien de la suspension des procédures d’évaluation et d’examen du statut de réfugié pour les demandeurs de certains pays, notamment les demandeurs d’asile afghans, est sans fondement législatif et non compatible avec l’article 5 de la Convention. Il déplore que la Haute Cour australienne ait jugé légal qu’un apatride soit détenu indéfiniment. Enfin, le Comité est préoccupé par le fait que des enfants sont maintenus dans des conditions assimilables à de la détention dans divers lieux reculés et, parfois, séparés de leurs parents (art. 1er, 2 et 5).

Rappelant sa r ecommandation générale n o 30 (2004) concernant la discrimination contre les non-ressortissants, le Comité réaffirme que les États parties doivent veiller à ce que les politiques d’immigration n’aient pas d’effet discriminatoire sur les personnes en raison de leur race, leur couleur, leur ascendance ou origine nationale ou ethnique. Il recommande à l’État partie:

a) De revoir son système de détention obligatoire des demandeurs d’asile afin de trouver une alternative au placement en détention, en veillant à ce que le placement en détention des demandeurs d’asile soit toujours une mesure de dernier recours, à ce qu’il soit limité par la loi à la durée la plus courte possible raisonnablement nécessaire, et à ce que toutes les formes de détention arbitraire soient évitées;

b) D ’accélérer le retrait de la suspension du traitement des demandes de visa émanant de demandeurs d’asile d’Afghanistan et de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’application des procédures standardisées quant à l’examen des demandes d’asile et l’accès aux services publics, dans des conditions d’égalité, pour tous les demandeurs d’asile, quels que soient leur pays d’origine ou leur mode d’entrée;

c) De mettre en place des modalités d’accueil appropriés, en particulier pour les enfants;

d) De veiller à ce que la législation nationale prévoie que, conformément à l’article 5 b) de la Convention , le principe de non-refoulement au moment du renvoi des demandeurs d’asile dans leur pays soit respecté;

e) De prévoir, pour tout changement dans le traitement des demandes d’asile, l’application de normes de protection suffisantes pour les demandeurs d’asile dont la protection a été suspendue;

f) De poursuivre la coopération avec le H aut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés concernant ce qui précède.

25.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pris aucune mesure pour donner suite à sa recommandation antérieure tendant à ce qu’il envisage de renverser la charge de la preuve dans les procédures civiles auxquelles donnent lieu des cas de discrimination raciale de manière qu’il soit moins difficile pour les plaignants de supporter la charge de la preuve (art. 4 et 5).

Le Comité recommande que, dans le cadre de l’harmonisation des lois fédérales antidiscrimination, la loi sur la discrimination raciale soit modifiée , en ce qui concerne la procédure civile, en sorte que le plaignant soit tenu de fournir la preuve prima facie de la discrimination subie, à charge pour le défendeur de prouver l’absence de discrimination.

26.Le Comité prend note avec intérêt de la série de régimes d’indemnisation appliqués ou recommandés dans l’État partie, mais déplore l’absence de régime d’indemnisation approprié pour les générations volées et les salaires volés, absence qui n’est pas conforme à l’article 6 de la Convention.

Le Comité recommande à nouveau à l’ État partie de corriger convenablement et par un mécanisme national les pratiques raciales discriminatoires du passé, y compris par une indemnisation suffisante de toutes les parties intéressées.

27.Le Comité réaffirme que l’éducation joue un rôle essentiel dans la promotion des droits de l’homme et la lutte contre le racisme et prend note avec intérêt de l’initiative prise concernant le programme national d’enseignement. Il craint toutefois que la situation historique et l’importance des peuples autochtones et d’autres groupes protégés par la Convention ainsi que les contributions qu’ils apportent à la société australienne ne soient pas suffisamment pris en compte dans le programme tel qu’il est proposé (art. 5 et 7).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour garantir que le programme national d’enseignement donne à la société australienne une idée exacte de la contribution apportée par tous les groupes protégés par la Convention et reflète le principe de la pleine participation et de l’égalité. À la lumière de l’article 7 de la Convention, il lui recommande en outre d’inclure l’enseignement des droits de l’homme dans le programme national d’enseignement. Le Comité encourage aussi l’ État partie à faire en sorte qu’une stratégie antiracisme soit établie en vertu du nouveau Cadre des droits de l’homme, conformément aux recommandations du rapport de la consultation sur les droits de l’homme, et qu’un programme d’éducation pour tous les Australiens soit adopté, portant notamment sur la lutte contre la discrimination.

28.Rappelant le caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité engage l’État partie à envisager de ratifier les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’il n’a pas encore ratifiés, en particulier ceux dont les dispositions ont un rapport direct avec la question de la discrimination raciale, tels que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille de 1990, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants (1989).

29.À la lumière de sa recommandation générale no 33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la déclaration et au Programme d’action de Durban adoptés en septembre 2001 à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban tenue à Genève en avril 2009, lorsqu’il incorpore la Convention dans son ordre juridique interne. Il le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations précises sur les plans d’action et les autres mesures adoptés pour appliquer au plan national la Déclaration et le Programme d’action de Durban.

30.Le Comité recommande à l’État partie de continuer à tenir des consultations et d’approfondir son dialogue avec les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier avec celles qui luttent contre la discrimination raciale, en vue de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

31.Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également ses observations finales sur ces rapports dans les langues officielles et les autres langues communément utilisées, selon le cas.

32.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité prie l’État partie de fournir dans l’année qui suit l’adoption des présentes observations finales, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations des paragraphes 11, 16 et 23 ci-dessus.

33.Le Comité appelle également l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant aux paragraphes 18, 22 et 26 ci-dessus, et le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur la suite qu’il leur aura concrètement donnée.

34.Le Comité recommande à l’État partie de présenter ses dix-huitième et dix-neuvième rapports périodiques en un seul document, attendu pour le 30 octobre 2012, qui tiendra compte des directives concernant l’élaboration des documents propres au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale qu’il a adoptées à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et qui traitera de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Le Comité l’engage également à respecter la limite de 40 pages imposée pour les rapports présentés au titre d’un traité particulier et la limite de 60 à 80 pages imposée pour le document de base (voir les directives harmonisées données au paragraphe 19 du document HRI/GEN.2/Rev.6).