Nations Unies

CAT/C/BFA/FCO/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

29 octobre 2021

Original : français

Anglais, espagnol et français seulement

Comité contre la torture

Renseignements reçus du Burkina Faso au sujet de la suite donnée aux observations finales concernant son deuxième rapport périodique *

[Date de réception : 4 août 2021]

1.La présente communication est relative à la mise en œuvre des recommandations prioritaires du Comité contre la torture, formulées à l’endroit du Burkina Faso à l’occasion de la présentation de son deuxième rapport périodique dû au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants les 12 et 13 novembre 2019. Il s’agit des recommandations figurant aux paragraphes 18 a), 22 a) et 26 des observations finales du Comité adoptées le 06 décembre 2019. Ces recommandations concernent respectivement la question des groupes armés non étatiques, les conditions de détention et le mécanisme national de prévention de la torture.

2.Dans la perspective de donner effet à ces recommandations, le Gouvernement du Burkina Faso a procédé à la restitution des observations finales issues de la présentation de son deuxième rapport périodique auprès des acteurs de mise en œuvre aux niveaux national et régional. Il s’agit notamment des représentants des départements ministériels et des institutions, de l’Assemblée nationale, du pouvoir judiciaire, des collectivités territoriales et des organisations de la société civile. Cette restitution a permis de faire une large diffusion des recommandations prioritaires et de recueillir des propositions pertinentes pour leur mise en œuvre.

3.Des actions de mise en œuvre des recommandations prioritaires ont été engagées par le Gouvernement. L’état de la mise en œuvre desdites recommandations se présente comme suit.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 18 a) des observations finales (CAT/C/BFA/CO/2)

4.Dans la mise en œuvre du plan national de développement économique et social (PNDES), notamment dans son axe stratégique 1 « Réformer les institutions et moderniser l’administration » et dans son objectif stratégique1.1"Promouvoir la bonne gouvernance administrative et politique", le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures qui permettront à court, moyen ou long termes aux forces de défense et de sécurité de mener leurs missions de maintien de la sécurité sur l’ensemble du territoire. Il s’agit, entre autres :

•Du recrutement continu des Forces de sécurité intérieure (FSI) dans le but accroître le taux de maillage du territoire national et d’améliorer le ratio agent de sécurité/population ;

•De la formation adéquate et continue des effectifs recrutés et ceux présents sur le terrain en vue de mieux répondre aux nouvelles formes de menaces sécuritaires dans le respect des droits humains ;

•De la construction de nouvelles infrastructures sécuritaires répondants aux normes des droits humains ;

•De l’équipement conséquent et permanent des FSI afin de leur permettre d’être opérationnelles à tous les niveaux ;

•Du déploiement convenable et une présence permanente des FSI sur l’ensemble du territoire national, surtout dans les zones criminogènes afin de permettre à l’Administration de jouer pleinement son rôle.

5.Au total, ce sont 9300 agents de sécurité intérieure qui ont été recrutés et formés de 2016 à 2020 faisant passé le ratio agents de sécurité/population de 1/900 en 2016 à 1/668 en 2020. Sur la période 2016 à 2020, 12350 militaires ont été recrutés au profit des forces armées nationales. De plus, 796 agents de sécurité pénitentiaires ont été formés et mis à la disposition des établissements pénitentiaires.

6.Concernant les infrastructures sécuritaires, ce sont 18 commissariats de Police et 07 Brigades de Gendarmerie qui ont été construits entre 2018 et 2020. Le taux de maillage du territoire en service de sécurité a ainsi progressé de 65,81% en 2018 à 69,23% en 2020. Pour le compte de l’année 2021, il est prévu la construction de trois (03) autres commissariats d’arrondissement dans la ville de Ouagadougou et un autre à Bobo-Dioulasso.

7.Par ailleurs, une nouvelle politique nationale de sécurité est en cours d’élaboration et permettra de renforcer le rôle régalien de l’Etat dans la sécurisation du territoire.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 22 des observations finales

8.Dans la matinée du 15 Juillet 2019, le procureur du Faso près le tribunal de grande instance de Ouagadougou a été informé du décès de onze (11) personnes suspectées d’avoir commis des infractions en lien avec les stupéfiants et qui étaient gardées à vue dans une cellule de l’Unité Anti-Drogue de la Police Nationale. Sur ses instructions, une enquête a été immédiatement ouverte afin de déterminer les causes et les circonstances de ces décès.

9.Dans le cadre de cette enquête, des réquisitions à personnes qualifiées ont été faites. A ce jour, le rapport d’enquête menée par la Division des Investigations Criminelles (DIC), le rapport de constatation et d’examen technique de la Police Technique et Scientifique (PTS) et les rapports d’autopsies effectuées par les médecins légistes ont été transmis au parquet du procureur du Faso. A la réception de ces différents rapports et conformément à l’article 85 de la loi n°027/2018/AN portant statut du cadre de la Police Nationale, le procureur du Faso a diligenté une enquête à son parquet.

10.L’analyse des informations recueillies des différents rapports d’investigation et de l’enquête à Parquet a permis au procureur de relever suffisamment de charges pour soutenir des poursuites contre neuf (09) agents de l’unité de police mise en cause pour des faits de mise en danger de la personne d’autrui, d’omission de porter secours à autrui et d’homicide involontaire

11.En application des articles 253-1 et 253-2 du Code de procédure pénale qui prévoient une procédure spéciale pour la poursuite des infractions commises par des officiers de police judiciaire dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, le procureur du Faso a adressé une requête à la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation à l’effet de désignation de la juridiction chargée de la suite de l’instruction et du jugement du dossier.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 22 a) des observations finales

12.Dans le but d’offrir des conditions matérielles de détention adéquate aux personnes privées de liberté au Burkina Faso, la politique sectorielle Justice et Droits Humains a fixé entre autres, objectifs, la lutte contre la surpopulation carcérale. Ainsi, plusieurs mécanismes ont été mis à profit pour réduire la surpopulation dans les établissements pénitentiaires. Il s’agit, notamment, des mesures d’aménagement des peines (semi-liberté, placement extérieur, fractionnement ou suspension de la peine, permission de sortie, libération conditionnelle, grâce présidentielle), de l’augmentation des effectifs du personnel de la justice pour accélérer le traitement des dossiers, des peines alternatives à l’emprisonnement, du renforcement du contrôle judiciaire de la détention provisoire ainsi que du transfèrement administratif et judiciaire.

13.Par exemple, l’effectif des détenus du plus grand établissement pénitentiaire du pays à savoir la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) a baissé considérablement du fait de l’application de la loi pénitentiaire et du Code de procédure pénale qui impose un délai aux magistrats et de bien d’autres actions. Ainsi, l’effectif des détenus de la MACO est passé de 2364, le 31 décembre 2018 à 1929 à la date du 31 décembre 2019, soit une réduction de 435 détenus, équivalant à 18,40% des effectifs.

14.Dans le cadre des mesures de prévention et de lutte contre la COVID-19, le Gouvernement, par décret n°2020-0252/PRES/PM/MJ du 06 avril 2020 portant remise de peines à titre exceptionnel, a accordé une remise totale de peines privatives de liberté à 1207 condamnés dont 339 de la MACO.

15.Pour ce qui est de la séparation catégorielle, il convient de relever que les mineurs sont séparés des majeurs, les femmes séparées des hommes. De même, des dispositions sont prises afin d’améliorer les conditions de détention conformément aux règles Mandela.

16.En outre, des mesures d’hygiène et de santé ont été renforcées dans les maisons d’arrêt et de correction. Ainsi, depuis 2018, des Comités d’Hygiène et de Promotion de la Santé (CHPS) ont été installés dans chaque établissement pénitentiaire. Ces comités sont dirigés par les directeurs de MAC et animés par les techniciens du domaine qui y travaillent à savoir l’agent de santé, les travailleurs sociaux et le Garde de Sécurité pénitentiaire (GSP) réfèrent hygiène et de promotion de la santé, le représentant des intervenants pénitentiaires et un représentant des détenus.

17.Les Comités d’hygiène ont pour rôle d’identifier les situations à risque pour l’hygiène, l’assainissement et la santé des détenus et de proposer des solutions. Leurs membres sont chargés d’animer des séances de formation et de sensibilisation au profit des détenus sur les bonnes pratiques d’hygiène notamment l’hygiène vestimentaire, corporelle, alimentaire et de vie. L’objectif de ces séances est d’amener les détenus à préserver leur propre santé et celle des autres détenus. A cet effet, ils ont été dotés en équipement et produits d’hygiène, notamment des poubelles grands format, des brouettes, des seaux, des serpillères et eau de javel.

18.Enfin, il sied de rappeler qu’au Burkina Faso, tous les établissements pénitentiaires disposent d’une adduction d’eau potable assurée par l’Office National de l’Eau et de l’Assainissement. Des travaux de réhabilitation des installations d’eau potable ont été réalisés dans 10 MAC. Cela a permis d’améliorer l’accès des détenus à l’eau potable.

19.De façon générale, des efforts sont consentis pour améliorer les conditions matérielles de détention, l’accès à une alimentation adéquate, des soins de santé et des conditions sanitaires décentes. L’administration pénitentiaire dispose d’un budget alloué à l’alimentation des détenus. Le budget est déconcentré sous forme de crédits délégués au profit de chaque EP. Pour la MACO par exemple, le budget alloué à l’alimentation est passé de 78 000 000 en 2018 à 85 000 000 en 2019, soit un taux d’augmentation de 8,87%.

20.Dans la perspective d’améliorer l’alimentation des détenus un arrêté portant entretien des détenus a été élaboré. Ce texte prévoit de façon précise une estimation quantitative et qualitative du repas à servir aux détenus. Une attention particulière est accordée aux personnes vulnérables dont les détenues femmes, les femmes enceintes, etc. En outre, il définit les articles d’hygiène, les ustensiles de cuisine et le matériel de couchage que les détenus doivent recevoir à titre de dotation périodique.

21.Par ailleurs, les détenus vulnérables (malades, personnes âgées, personnes handicapées) et convalescents bénéficient d’un régime alimentaire adapté à leurs besoins.

22.Concernant la santé des détenus, le Gouvernement a procédé à l’amélioration de la disponibilité des molécules traceurs (64,97%) par la délégation de crédits pour leur acquisition afin de répondre de façon efficace aux besoins des détenus et mieux traiter les pathologies spécifiques à chaque EP. Il a également renforcé l’effectif des ressources humaines en santé de quatre (4) EP disposant d’au moins trois agents de santé en 2019. De même, les infirmeries sont en phase de normalisation de sorte à améliorer la qualité des soins en milieu carcéral avec la construction de 03 nouvelles infirmeries en 2019 permettant de disposer d’infirmeries ayant au moins quatre pièces. Tous ces efforts ont permis d’atteindre le taux de couverture sanitaire des détenus de 32,77% en 2019.

23.En plus, en 2019 et 2020, le Ministère de la Sécurité (MSECU) a procédé à la réfection des locaux de garde à vue de quatre (04) commissariats d’arrondissement de la ville de Ouagadougou en tenant compte des critères et standards édictés dans les règles minima des Nations Unies pour le traitement de détenus.

24.De nouveaux commissariats d’arrondissement conformes aux normes et standards internationaux sont en cours de construction dans la ville de Ouagadougou. Ces commissariats seront dotés de cellules bien aérées et équipées de sanitaires avec des toilettes internes et un accès à l’eau potable. Aussi, il est prévu un espace de rangement des effets personnels des personnes gardées à vue, un dispositif permettant leur enregistrement et consignation, un éclairage suffisant et des cellules respectant la séparation hommes /femmes et adultes/ mineur(e)s.

25.Enfin, un plan stratégique de développement de l’administration pénitentiaire et son plan d’actions ont été élaborés et validé le 11 mai 2021. L’un des objectifs de ce plan d’actions est l’humanisation des EP concernant notamment les conditions de détention, la santé, l’hygiène et l’alimentation. Pour ce faire, une ligne budgétaire « humanisation » est opérationnalisée et allouée aux EP.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 26 des observations finales

26.Le Gouvernement a tenu son engagement de rendre opérationnel le mécanisme national de prévention de la torture. Pour ce faire, la loi n°002-2021/AN portant modification de la loi n°001-2016/AN portant création de la Commission nationale des droits humains (CNDH) a été adoptée le 30 mars 2021. Aux termes de l’article 6 bis de cette loi, la Commission nationale des Droits humains fait office de mécanisme national de prévention de la torture et des pratiques assimilées. Ainsi, elle a pour attributions :

•De prévenir la torture et les pratiques assimilées, compte tenu des normes en vigueur au niveau national, régional et sous-régional et international ;

•De visiter avec un droit d’accès sans restriction, des lieux de privation de liberté ainsi que leurs équipements et installations ;

•D’examiner régulièrement la situation des personnes privées de liberté se trouvant dans les lieux de détention en vue de renforcer le cas échéant, leur protection contre la torture et les pratiques assimilées ;

•De formuler des recommandations à l’attention des autorités compétentes afin d’améliorer le traitement de la situation des personnes privées de liberté ;

•De présenter des propositions à l’autorité compétente au sujet de la législation en vigueur ou des projets de loi en la matière.

27.A cet effet, la Commission élabore et publie un rapport annuel relatif au mécanisme national de prévention de la torture et des pratiques assimilées. Le Gouvernement tient à rassurer le Comité contre la torture que le processus de transfert du mandat du mécanisme national de prévention (MNP) à la CNDH s’est fait conformément aux dispositions du protocole et aux principes de Paris suivant un processus participatif et inclusif.

28.La CNDH qui est associée à ce processus prévoit la relecture du décret portant sur son organisation et son fonctionnement afin de mettre en place en son sein une Sous-Commission permanente chargée du mandat de MNP. Pour ce faire, la CNDH compte s’inspirer des bonnes pratiques des autres Institutions nationales des Droits Humains (INDH) qui ont reçu mandat de MNP.

29.En rappel, la CNDH du Burkina Faso est une autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale. Elle jouit de l’autonomie administrative, financière et de l’indépendance d’actions par rapport aux autres institutions avec lesquelles elle entretient des relations de collaboration. L’article 49 de la loi n°001-2016/AN reconnaît la possibilité pour la CNDH de rechercher et recevoir des dons, legs et subventions ne provenant de personnes physiques ou morales dans le respect de son indépendance. A cet effet, l’institution bénéficie de subvention dans le cadre d’accord de partenariat. Il va donc de soi que dans son rôle de MNP, l’indépendance financière et opérationnelle de la CNDH sont garanties.

30.En outre, depuis 2019, l’Etat burkinabè met à la disposition de la CNDH une dotation annuelle globale de ressources qu’il lui revient d’affecter selon son Plan de travail annuel. Ainsi, la Commission a bénéficié d’une dotation de 62 000 000 francs CFA en 2019, de 162 000 000 francs CFA en 2020. Il est important de souligner que la CNDH participe au processus d’élaboration de son budget tant au niveau de l’exécutif (Ministère des finances) que de l’Assemblée nationale. Son implication dans cet exercice lui a permis de faire passer son budget prévisionnel initial pour 2021 de 212 000 000 francs CFA à 592 000 000 francs CFA dans la loi de finances. A l’issue du vote de cette loi par l’Assemblée nationale le 19 octobre 2020, le budget alloué à la CNDH pour 2021 est de 592 000 000 francs CFA. Cette constante progression du budget de la CNDH lui permettra d’allouer des ressources financières nécessaires au bon fonctionnement du MNP.

31.Par ailleurs, des efforts sont consentis pour doter la CNDH en personnel qualifié. Ainsi, la Commission dispose d’un personnel composé de neuf (09) Commissaires et de 24 personnels administratifs aux profils diversifiés (Conseillers et attachés en droits humains, secrétaires, administrateurs de services financiers, agents de sécurité, etc.). Au total, au 31décembre 2021 la ressource humaine de la Commission était composée de 33 personnes.