Nations Unies

CED/C/ESP/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

18 juin 2013

Français

Original: espagnol

Comité des disparitions forcées

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 29 de la Convention

Rapports des États parties en application de l’article 29, paragraphe 1 de la Convention, devant être soumis en 2012

Espagne *

[26 décembre 2012]

Table des matières

Paragraphes Page

I.Introduction1–404

A.Considérations préliminaires et mode d’établissement du présent rapport.1–134

B.Généralités14–405

II.Cadre juridique général de l’interdiction de la disparition forcée4111

III.Renseignements sur chacun des articles de la Convention42–26711

Article 1er: Objet42–4711

Articles 2 et 3: Définition de la «disparition forcée»; principes généraux48–5312

Article 4: Obligations générales des États54–6013

Article 5: Qualification du crime de «disparition forcée»61–6615

Article 6: Responsabilité pénale67–8616

Article 7: Peines87–9420

Article 8: Prescription de l’infraction95–10221

Article 9: Juridiction pénale103–11022

Article 10: Détention111–11724

Article 11: Exercice de l’action pénale118–11925

Article 12: Dénonciation et recherche120–12425

Article 13: Extradition pour crime de disparition forcée125–13026

Article 14: Entraide judiciaire131–13226

Article 15: Coopération judiciaire entre les États133–13427

Article 16: Expulsion, refoulement, remise ou extradition des personnes135–14227

Article 17: Détention et privation de liberté143–17428

Article 18: Garanties175–18634

Article 19: Information personnelle concernant la personne privée de liberté187–19636

Article 20: Droit de la personne privée de liberté aux informations197–20438

Article 21: Mise en liberté205–21039

Article 22: Prévention et sanction des privations de liberté illégales211–21840

Article 23: Formation du personnel militaire ou civil chargé de l’application

des lois, du personnel médical et des agents de la fonction publique219–23841

Article 24: Droits et garanties des victimes239–25244

Article 25: Mesures de prévention et sanction pénale253–26746

Annexes*

I.Directive 12/2007 du Secrétariat d’État à la sécurité

II.Directive 12/2009 du Secrétariat d’État à la sécurité

I.Introduction

A.Considérations préliminaires et mode d’établissement du présent rapport

1.Le Royaume d’Espagne a l’honneur de soumettre pour la première fois le rapport mentionné à l’article 29 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, qui est entrée en vigueur pour l’Espagne le 23 décembre 2010.

2.Ce premier rapport tend à examiner la situation actuelle concernant l’exercice, par les personnes qui se trouvent sur le territoire ou relèvent de la juridiction de l’État, des droits consacrés dans la Convention applicable dès son entrée en vigueur en Espagne. Il convient de préciser que la ratification de la Convention par l’Espagne et son entrée en vigueur ont incité certaines organisations – associations et organisations non gouvernementales ayant ou non un statut consultatif – à envisager la possibilité de l’appliquer aux cas de disparition forcée qui ont eu lieu en Espagne durant la guerre civile et le franquisme, ainsi que la nécessité de déroger à la loi d’amnistie no 46/1977 du 15 octobre ou de la rendre inapplicable.

4.Nonobstant, la Convention dispose, au paragraphe 1 de son article 35, que «le Comité n’est compétent qu’à l’égard des disparitions forcées ayant débuté postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente Convention».

5.Comme il est indiqué plus haut, la Convention est entrée en vigueur en Espagne le 23 décembre 2010. Le Comité n’est par conséquent pas compétent en matière d’examen des disparitions forcées qui ont débuté avant cette date.

6.Il s’ensuit que, dans le présent rapport, les articles de la Convention sont examinés selon le principe qu’ils s’appliquent uniquement et exclusivement «aux disparitions forcées» ayant débuté postérieurement au 23 décembre 2010.

7.Il a été tenu compte, dans l’élaboration des réponses figurant dans le présent rapport, des directives harmonisées concernant l’établissement des rapports, ainsi que des directives concernant la forme et le contenu des rapports à soumettre au Comité (CED/C/2).

8.Comme il est établi dans lesdites directives, en particulier au paragraphe 9, les consultations, menées aux fins d’élaboration du présent rapport, sont indiquées ci-après. À cet effet, les modalités d’établissement de rapports, précisées aux paragraphes 132 à 134 du document de base de l’Espagne (HRI/CORE/ESP/2010) ont été respectées; il faut souligner tout particulièrement la participation du Ministère de la justice, du Ministère de l’intérieur et du Ministère de la défense, sous la coordination du Ministère des affaires extérieures et de la coopération.

9.Le Service du Défenseur du peuple, qui est en Espagne l’institution nationale de protection et de promotion des droits de l’homme, a été informé ponctuellement de toutes les étapes d’établissement du rapport, ainsi que de son contenu et il a également été invité à fournir tous éléments pertinents.

10.En ce qui concerne la société civile, un processus de consultation a été ouvert, une fois rédigé l’avant-projet du présent rapport. Les organisations de la société civile y ont participé en manifestant leur intérêt à cet égard, soit spontanément, soit en réponse à la communication adressée par le Ministère des affaires extérieures et de la coopération à cet effet.

11.Aucune limitation n’a été imposée quant à la participation, l’objectif consistant à réunir les participants des organisations les plus intéressées à la question de la disparition forcée. À cette fin, la proposition, formulée par certaines organisations représentatives dans le domaine des droits de l’homme de coordonner les observations des organisations qui s’intéressent le plus à cette question, a été acceptée.

12.Enfin, le présent rapport a été communiqué à la Commission des affaires extérieures du Congrès des députés aux fins d’information.

13.Le présent rapport est divisé en trois parties: la première, qui commence par la présente introduction, est subdivisée en une série de considérations préliminaires et des généralités; la deuxième présente le cadre juridique général qui réprime les disparitions forcées et, enfin, la troisième partie contient les renseignements relatifs à chaque article de la Convention. La version originale du présent rapport contient une liste des abréviations.

B.Généralités

1.Ratification de la Convention

14.La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ci-après la Convention) a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 61/177 du 20 décembre 2006 et signée par le plénipotentiaire de l’Espagne à New York le 27 septembre 2007.

15.Ultérieurement, le Parlement espagnol – les Cortes gene rales – a accordé l’autorisation découlant de l’article 94.1 de la Constitution espagnole du 27 décembre 1978 («L’expression du consentement de l’État à se lier par traité ou convention exige l’autorisation préalable des Cortes gene rales dans les cas suivants: a) Traités à caractère politique; b) Traités ou conventions à caractère militaire; c) Traités ou conventions qui portent atteinte à l’intégrité territoriale de l’État ou aux droits et devoirs fondamentaux reconnus au Titre I; d) Traités ou conventions qui entraînent des obligations financières pour le Trésor public; e) Traités ou conventions qui impliquent la révision ou l’abrogation d’une loi ou exigent des mesures législatives pour son exécution.») et a envoyé l’instrument de ratification le 14 juillet 2009, qui a été déposé le 24 septembre 2009. Enfin, ledit instrument de ratification a été publié au Journal officiel (Boletín Oficial del Estado) le 18 février 2011.

16.Il ressort de ce calendrier d’activités que le Royaume d’Espagne, dans le cadre d’une politique de promotion et de protection des droits de l’homme au sein du système des Nations Unies, a agi avec diligence et contribué ainsi à faire entrer la Convention en vigueur le 23 décembre 2010. Étant l’un des premiers États Membres de l’Organisation des Nations Unies qui a déposé son instrument de ratification, il a, partant, donné effet à la disposition concernant l’entrée en vigueur prévue et sanctionnée au paragraphe 1 de l’article 39 de la Convention.

2.Système espagnol consacrant les droits fondamentaux et leur rattachement au système international des droits de l’homme

17.La Constitution espagnole du 27 décembre 1978 (ci-après la Constitution) couronne l’édification de l’Espagne en un État de droit, mettant fin à une longue période de dictature (1939-1975) et surmontant les conséquences de la guerre civile, l’affrontement entre Espagnols, qui a eu lieu entre 1936 et 1939.

18.La Constitution a cherché à régler les conflits historiques entre Espagnols, entre les citoyens et les éléments les plus caractéristiques du pays – la configuration territoriale de l’État et du pouvoir politique, l’insuffisance traditionnelle du pouvoir civil face au pouvoir militaire et les relations entre le pouvoir civil et la religion –, en créant un système qui, malgré ses difficultés et dysfonctionnements, a permis à la société espagnole de jouir de la plus longue période (35 ans) de démocratie de son histoire.

19.À cet effet, en tant qu’instrument qui sert à limiter et délimiter le pouvoir de l’État face aux citoyens, la Constitution établit un dispositif exemplaire de définition et de protection des droits et libertés, auquel elle consacre le Titre I (art. 10 à 55) «Des droits et des devoirs fondamentaux», qui résulte des systèmes dogmatiques et constitutionnels modernes les plus achevés et, en outre, reconnaît expressément la source d’inspiration et d’interprétation que constituent les traités et les accords internationaux relatifs aux droits fondamentaux ou aux libertés publiques que le Royaume d’Espagne a ratifiés.

20.L’article 10 de la Constitution dispose comme suit:

«1.La dignité de la personne, les droits inviolables qui lui sont inhérents, le libre développement de la personnalité, le respect de la loi et des droits d’autrui constituent le fondement de l’ordre politique et de la paix sociale.

2.Les normes relatives aux droits de l’homme et libertés fondamentales reconnues par la Constitution sont interprétées conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux traités et accords internationaux en la matière ratifiés par l’Espagne.»

21.La Constitution contient une énumération exhaustive des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors que sa date – 1978 – en fait l’un des textes constitutionnels les plus tardifs des sociétés démocratiques modernes et a permis ainsi qu’elle intègre toutes les améliorations constitutionnelles, juridiques et doctrinales obtenues en matière de droits fondamentaux.

22.Eu égard aux liens que consacre l’article 10.2 de la Constitution, il est entendu, au sens de la doctrine et, d’une manière constante, du Tribunal constitutionnel, qu’il s’agit d’une disposition qui favorise l’ouverture du droit espagnol au droit international relatif aux droits de l’homme, de sorte que ce dernier devienne nécessairement la règle ou le critère d’interprétation de tous les droits de l’homme et libertés fondamentales consacrés dans la Constitution. Il faut souligner que ledit article 10.2 ne confère pas un rang constitutionnel aux droits de l’homme et libertés fondamentales reconnus et sanctionnés dans les traités et accords internationaux; il les convertit en source de connaissance et d’interprétation de tous les droits et libertés que consacre la Constitution et qui, comme il est indiqué plus haut, reprennent in extenso tous ceux que le droit international relatif aux droits de l’homme a admis.

23.Afin de bien comprendre cette fusion entre la Constitution et le droit international relatif aux droits de l’homme, on mentionnera certains arrêts du Tribunal constitutionnel, lequel, dans le système espagnol, est l’organe suprême en matière d’interprétation de la Constitution et, par voie de recours constitutionnel en amparo, protège contre les violations des droits fondamentaux et des libertés publiques qui résultent de dispositions, d’actes, d’omissions ou de simples exactions de la part des pouvoirs publics, de leurs fonctionnaires et agents. La jurisprudence de la deuxième Chambre pénale du Tribunal suprême, qui est la plus haute instance de tous les ordres juridiques après le Tribunal constitutionnel compétent en matière de droits fondamentaux, peut également être invoquée.

24.Le Tribunal constitutionnel a établi:

«[…] cette norme [art. 10.2 de la Constitution] se borne à établir un lien entre, d’une part, notre propre système de droits de l’homme et libertés fondamentales et, d’autre part, les accords et traités internationaux en la matière auxquels l’Espagne est partie. Elle ne confère aucun rang constitutionnel aux droits et libertés proclamés au plan international dans la mesure où ils ne sont pas également consacrés dans notre Constitution, mais elle oblige à interpréter les préceptes constitutionnels correspondants par rapport aux dispositions desdits traités ou accords, de sorte que, dans la pratique, ces dispositions se convertissent d’une certaine manière en un contenu constitutionnel reconnu des droits et libertés énoncés au chapitre 2 du Titre I de la Constitution.» (Arrêt du Tribunal constitutionnel no 36/1991, du 14 février).

25.Le Tribunal constitutionnel a également affirmé ce qui suit:

«Le recours en amparo a été établi par les constituants et sa forme lui a été donnée par le législateur comme un moyen processuel visant à réclamer la protection des libertés et des droits proclamés dans les articles 14 à 50 de la Constitution […] à la seule fin de leur rétablissement ou préservation [...]. La seule mesure de procédure applicable, tant en matière de recours constitutionnel en amparo que de procédure prioritaire et abrégée devant les tribunaux ordinaires (art. 53.2 de la Constitution), est celle incluse dans les préceptes constitutionnels qui reconnaissent ces droits fondamentaux et libertés publiques, dont le contenu et la portée nonobstant doivent être interprétés par rapport aux traités et accords internationaux visés à l’article 10.2 de la Constitution.»

«L’interprétation qu’invoque l’article 10.2 du texte constitutionnel ne fait pas de ces traités ou accords internationaux une règle autonome pour vérifier la validité des normes et des actes des pouvoirs publics dans la perspective des droits fondamentaux. S’il en était ainsi, la proclamation constitutionnelle de ces droits serait redondante et il aurait suffi que les constituants aient effectué un renvoi aux déclarations internationales relatives aux droits de l’homme ou, plus généralement, aux traités que l’État espagnol a souscrits en matière de droits fondamentaux et de libertés publiques. À l’opposé, cette proclamation effectuée, il ne fait aucun doute que la validité des dispositions et des actes contestables par recours en amparo doit être mesurée uniquement par rapport aux préceptes constitutionnels qui reconnaissent les droits et les libertés susceptibles d’être protégés dans ce type de litiges, les textes et accords internationaux visés à l’article 10.2 de la Constitution étant une source d’interprétation qui aide à mieux définir le contenu des droits dont la protection est demandée auprès du Tribunal constitutionnel […].» (Arrêt du Tribunal constitutionnel no 64/1991 du 22 mars).

26.Le tribunal a rappelé avec constance ces déclarations notamment dans ses arrêts no 372/1993 du 13 décembre, no 41/2002 du 25 février, no 236/2007 du 7 novembre et no 80/2010 du 26 octobre, au point que sa doctrine peut se résumer dans l’affirmation ci-après: «[...] la seule règle admissible pour résoudre les demandes d’amparo est le précepte constitutionnel qui proclame le droit ou la liberté dont l’atteinte qui y est portée est dénoncée, les normes internationales relatives aux matières touchées par la disposition ou l’acte faisant l’objet du recours en amparo étant un élément supplémentaire pour vérifier la vraisemblance ou l’invraisemblance de cette atteinte [...]».

27.Le Tribunal suprême a maintenu, comme il se doit, une position équivalente. Afin d’appréhender sa doctrine, il convient de citer les arrêts no 798/2007 du 1er octobre («affaire Scilingo») et no 101/2012 du 27 février («affaire Garzón») qui invoquent avec constance ce qui précède.

28.Dans le premier arrêt, il est déclaré qu’aux fins d’application du droit pénal international, «il est nécessaire d’opérer, au sens du droit interne, une transposition précise dans les systèmes qui, à l’instar de l’ordre espagnol, ne prévoient pas l’efficacité directe des normes internationales [...]» et que «[...] le droit international coutumier n’a pas qualité dans notre perspective juridique pour créer des qualifications pénales qui soient directement applicables par les tribunaux espagnols [...]».

29.Dans le second arrêt, où le jugement acquitte un magistrat accusé de l’infraction de prévarication judiciaire visée à l’article 446.3 du Code pénal («Le juge ou le magistrat qui, sciemment, prononce un jugement ou une décision partial est passible d’une peine de ...»), il est affirmé que «la Constitution espagnole prévoit, aux articles 93 et suivants, la forme d’intégration, dans le droit interne, des traités internationaux pour qu’ils déploient leurs effets au sens de l’article 10.2 de la Constitution […], sans préjudice [eu égard au droit international coutumier] du fait qu’ils sont considérés comme un critère d’interprétation et comme un élément concordant avec l’exposition aux poursuites au plan international et l’individualisation de la peine imposée, sur la déclaration de concours de qualifications pénales, selon le Code pénal, applicables au moment de la commission des faits. Autrement dit, la contextualisation des faits lors de crimes contre l’humanité a pour effet l’introduction d’une procédure et l’engagement de poursuites à l’échelle internationale, mais également une individualisation de la peine, sans laisser place à une nouvelle qualification [...]».

30.Il est affirmé dans le même arrêt: «Nous avons déclaré dans l’arrêt no 798/2007 et l’exprimons derechef que le principe de légalité en vigueur dans notre ordonnancement exige que le droit international soit intégré dans l’ordre juridique interne selon les modalités prévues dans la Constitution et emportant les effets qui y sont énoncés. Il n’est pas possible – en dépit de ce que soutient quelque secteur doctrinal – que les exigences du principe d’incrimination soient remplies par la disposition en la matière du droit pénal international coutumier si le droit interne ne prévoit pas cette qualification. S’il le faisait rétroactivement, cette incrimination pourrait s’appliquer exclusivement à partir de sa publication. La garantie résultant du principe de légalité et l’interdiction de la rétroactivité des dispositions qui infligent des sanctions plus sévères (art. 9.3 de la Constitution) interdisent sans exception l’application rétroactive de la loi pénale à des faits antérieurs à son entrée en vigueur (au sens des art. 1 et 2 du Code pénal). Cette exigence du principe de légalité est applicable au droit pénal international, conventionnel et coutumier, sans préjudice du fait qu’il est reconnu comme critère herméneutique d’une volonté de défense des droits de l’homme dont les termes doivent étayer les actes de procédure [...]».

31.L’arrêt continue d’abonder dans le même sens en précisant que «… une jurisprudence constante du Tribunal suprême et du Tribunal constitutionnel a fondé une conception stricte de l’essence même du principe de légalité entraînant les conséquences auxquelles son observation donne lieu quant à la lex previa,la lex certa, la lex stricta et la lex scripta. Le Code pénal espagnol consacre ses quatre premiers articles à la structure du principe de légalité, en développant les articles 25.1 et 9.3 de la Constitution et tout recueil de jurisprudence révèle cette structure stricte du principe […]».

32.Le même arrêt renvoie, finalement, à une résolution formulée par des organismes internationaux de défense des droits de l’homme, qui sanctionne l’observation du principe de légalité comme condition d’application des règles conventionnelles et juridiques en ces termes «... ces exigences – à savoir le principe de légalité – ne sont pas étrangères à l’ordonnancement international, puisqu’elles ont été adoptées par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Ainsi, le Comité a déclaré la non-rétroactivité du Pacte pour les cas de disparitions en Argentine (décision concernant la recevabilité relative aux communications no 275/1988: Argentine, 4 avril 1990 et nos 343, 344 et 345/1988: Argentine, 5 avril 1990). Eu égard à l’application ratione temporis du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité rappelle que les deux instruments sont entrés en vigueur le 8 novembre 1986. Le Pacte ne pouvant être appliqué rétroactivement, le Comité n’a pas compétence ratione temporis pour examiner les allégations de violations se rapportant à une époque qui a précédé l’entrée en vigueur de cet instrument pour l’État partie […]».

3.Traités et accords internationaux en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales ratifiés par l’Espagne

33.Comme il a été indiqué jusqu’ici, le droit international relatif aux droits de l’homme constitue dans le système espagnol un critère essentiel d’interprétation pour définir la portée et le contenu des droits et libertés consacrés dans la Constitution; mais pour que cette fonction d’interprétation soit efficace, le droit international doit impérativement s’intégrer dans l’ordre juridique espagnol par voie de ratification.

34.L’article 10.2 de la Constitution renvoie explicitement à la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux traités et accords internationaux ratifiés par l’Espagne en matière de droits de l’homme et libertés fondamentales. La question se pose de savoir quels sont les textes internationaux relatifs aux droits de l’homme qui constituent la norme de référence en matière d’interprétation dans l’exercice des droits et des libertés reconnus par la Constitution.

35.Répondre à cette question revient à invoquer le droit international relatif aux droits de l’homme qui a fait l’objet d’une ratification ou intégration à laquelle se réfère l’article 96.1 de la Constitution qui dispose que: «Les traités internationaux conclus valablement, une fois publiés officiellement en Espagne, sont partie intégrante de l’ordre juridique interne. Leurs dispositions pourront seulement être abrogées, révisées ou suspendues de la manière prévue par ces mêmes traités ou conformément aux règles générales du droit international.»

36.En application de ce qui précède, les principaux instruments ci-après, de portée tant générale ou universelle – du domaine des Nations Unies – que régionale, entrent dans le champ d’application de l’article 10.2 de la Constitution:

a)La Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée et proclamée par la résolution 217 A (III) de l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948;

b)Portée universelle: aux renseignements fournis au paragraphe 109 du document de base (HRI/CORE/ESP/2010), s’ajoutent les données récentes suivantes:

i)Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, instrument de ratification du 23 septembre 2010 (non encore en vigueur);

ii)Les diverses conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) qui ont une incidente notable sur les droits des travailleurs;

c)Portée régionale: les renseignements fournis au paragraphe 109 du document de base de l’Espagne sont complétés par les observations suivantes concernant certains instruments auxquels l’État espagnol est partie:

i)Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Instrument de ratification du 26 septembre 1979 (Journal officiel nº 243, du 10 octobre 1979). Cette convention occupe incontestablement une place particulière dans l’interprétation des droits et des libertés, étant citée dans plus de 180 arrêts du Tribunal constitutionnel. Il faut également préciser que cette convention relève pour son interprétation de la Cour européenne des droits de l’homme et que le Tribunal constitutionnel s’en remet d’ordinaire à la jurisprudence de ladite Cour européenne pour élucider le contenu et les limites des droits et des libertés;

ii)Deuxième Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, fait à Paris le 20 mars 1952. Instrument de ratification du 27 novembre 1990 (Journal officiel no 11 du 12 janvier 1991).

4.Cadre normatif et institutionnel. Système de protection des droits de l’homme en Espagne

37.Au-delà des instruments énumérés au paragraphe 111 du document de base de l’Espagne, le cadre général de protection des droits de l’homme, inscrit dans la Constitution espagnole, constitue un système de garantie très perfectionné:

a)Domaine législatif: Selon l’article 53.1 de la Constitution, «c’est seulement par la loi, qui dans tous les cas doit en respecter le contenu essentiel, que l’on peut réglementer l’exercice de ces droits et libertés». En outre, l’article 81 dispose que les lois relatives au développement des droits fondamentaux et des libertés publiques, à l’approbation des statuts d’autonomie et au régime électoral général, ainsi que les autres lois prévues par la Constitution sont des lois organiques. L’adoption, la révision et l’abrogation des lois organiques exigent la majorité absolue du Congrès lors d’un vote final sur l’ensemble du projet;

b)Domaine judiciaire: L’article 53.2 de la Constitution prévoit que tout citoyen peut réclamer la protection des libertés et des droits reconnus à l’article 14 et à la première section du chapitre 2 devant les tribunaux ordinaires, selon une procédure prioritaire et abrégée et, le cas échéant, au moyen du recours en garantie des droits devant le Tribunal constitutionnel. La fonction juridictionnelle est attribuée à des organes indépendants et impartiaux auxquels il incombe expressément de protéger les droits de l’homme;

c)Domaine constitutionnel: Le recours en amparo peut être exercé devant le Tribunal constitutionnel une fois épuisée la voie judiciaire ordinaire;

d)Domaine institutionnel représenté par les fonctions suivantes: Défenseur du peuple, ministère public et Commission parlementaire du Congrès des députés.

38.En outre, l’article 54 de la Constitution définit le Défenseur du peuple comme «haut-commissaire des Cort e s generales, désigné par celles-ci pour la défense des droits prévus au Titre I de la Constitution. Chargé à cet effet de contrôler l’activité de l’administration, il en rendra compte devant les Corte s generales». Outre cette fonction de suivi et de contrôle des activités de l’Administration, le Défenseur du peuple, en sa qualité de défenseur des droits de la personne, est compétent pour introduire le recours en garantie des droits individuels (art. 162 de la Constitution et art. 46 de la loi organique du Tribunal constitutionnel). Le Défenseur du peuple est également compétent pour introduire un recours en inconstitutionnalité de lois et autres dispositions légales, au sens de l’article 162 de la Constitution, mais aussi, à titre extraordinaire, pour saisir les tribunaux ordinaires d’une action en habeas corpus.

39.Dans l’ordre juridique interne, le ministère public est, dans le cadre de ses fonctions, garant de la légalité et des droits des citoyens, comme en dispose l’article 124 de la Constitution, selon lequel il «a pour mission de stimuler l’action de la justice pour la défense de la légalité, des droits des citoyens et de l’intérêt public protégé par la loi, d’office ou à la demande des intéressés, ainsi que de veiller à l’indépendance des tribunaux et d’agir devant ceux-ci dans l’intérêt général». Le ministère public est partie dans toutes les procédures de recours en amparo dont est saisi le Tribunal constitutionnel et a également compétence pour agir devant les instances ordinaires lors d’une action en habeas corpus.

40.La Commission parlementaire: Le Règlement du Congrès des députés du 10 février 1982 régit, en ses articles 40 à 53, les compétences respectives de la Commission permanente constitutionnelle et de la Commission permanente des pétitions, cette dernière étant chargée d’examiner les requêtes individuelles ou collectives soumises au Congrès.

II.Cadre juridique général de l’interdiction de la disparition forcée

41.Le Comité recommande dans ses directives de consacrer une section contenant des informations qui portent spécifiquement sur la mise en œuvre de la Convention. Les renseignements fournis au titre de l’examen des articles 1 à 4, qui correspondent audit cadre juridique, s’appliquent à la présente section.

III.Renseignements sur chacun des articles de la Convention

Article 1erObjet

42.Étant entendu que la disparition forcée est non pas un phénomène du passé, mais bien au contraire un fait actuel et mondial comme il est ressorti dans les études réalisées et les rapports établis par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires depuis sa création en 1980 et que, de plus, la disparition forcée est un fait d’une extrême gravité qui doit être universellement qualifié d’infraction et, selon les circonstances, de crime contre l’humanité, l’Organisation des Nations Unies a mis en œuvre un mécanisme visant à universaliser la lutte contre ce fléau.

43.Depuis l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 1992, où la disparition forcée a été définie comme un phénomène complexe constitutif d’une violation de plusieurs droits fondamentaux (droit à la liberté et la sécurité, droit à la vie, droit de ne pas être arbitrairement arrêté ou détenu, droit de ne pas être soumis à la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), qui n’avait toutefois aucun effet obligatoire pour les États, les efforts ont porté sur un projet de convention contraignante.

44.La Commission des droits de l’homme, dans sa résolution 2001/46, s’est déclarée «profondément préoccupée par la multiplication des disparitions forcées ou involontaires dans diverses régions du monde et par le nombre croissant d’informations faisant état de mesures de harcèlement, de mauvais traitements et d’actes d’intimidation à l’encontre des témoins de disparitions ou des familles de personnes disparues […]» et a mis en œuvre un dispositif d’étude, de rapport et de débat qui a donné lieu à l’adoption de la Convention internationale en 2006, laquelle est l’objet, dans le présent rapport, d’analyse, de réflexion et de comparaison avec l’ordre juridique espagnol. Il ne faut pas perdre de vue que la disparition forcée continue de représenter un fléau universel qui, encore en 2009, a suscité la transmission, par les organes des Nations Unies, de 476 nouvelles affaires portées à l’attention de nombreux pays.

45.La ratification de la Convention et la proscription de la disparition forcée ont été assorties de la reconnaissance d’un nouveau contenu essentiel plus vaste des droits fondamentaux, qui s’intègre dans le droit fondamental à la dignité et à la liberté; bien qu’il n’incombe pas au système juridique espagnol de conférer un rang constitutionnel à de nouveaux droits fondamentaux par voie de ratification d’instruments internationaux, comme il a été expliqué aux paragraphes 22 et suivants, de nouvelles dispositions plus larges peuvent y être incorporées par voie d’interprétation.

46.Le paragraphe 2 établit le principe de l’intangibilité absolue du droit, en disposant qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne peut être invoquée pour justifier la disparition forcée. L’ordre juridique espagnol n’autorise aucune circonstance ni prétexte qui permette de justifier ou de dissimuler la disparition forcée d’une personne. Le fait de considérer cet acte comme un crime entraîne l’impossibilité de le légitimer.

47.Même dans les circonstances exceptionnelles (catastrophes nationales, paralysie des services publics essentiels, insurrection, conflits ...) de suspension des droits ou libertés visés à l’article 55 de la Constitution («[…] les droits reconnus ... peuvent être suspendus quand l’état d’urgence ou l’état de siège a été déclaré dans les termes prévus par la Constitution […]») et qu’elles ont été déterminées par la loi organique no 4/1981 du 1er juin relative aux états d’alerte, d’urgence et de siège, il convient de préciser que, dans le système constitutionnel espagnol, la disparition forcée de personnes ne peut être ni justifiée, ni juridiquement recevable et qu’il ne peut être dérogé à la loi qui la qualifie d’acte délictueux ou la sanctionne comme tel.

Articles 2 et 3Définition de la «disparition forcée»; principes généraux

48.Les deux articles font l’objet d’une réponse commune.

49.Il convient de souligner que la définition de la «disparition forcée» à l’article 2 de la Convention repose sur la participation directe ou indirecte de l’État à l’acte, qui apparaît comme un facteur nécessaire ou indispensable pour que la disparition forcée stricto sensu soit considérée comme effective. Cette participation peut être le fait d’agents de l’État, ou d’agents d’organismes paraétatiques, paramilitaires, d’escadrons de la mort, entre autres.

50.Sans préjudice de ce qui précède, l’article 3 de la Convention établit l’obligation d’enquêter sur les cas de disparitions forcées qui sont l’œuvre de personnes ou de groupes de personnes agissant indépendamment de l’État et de traduire les responsables en justice. Il faut préciser que la loi organique no 10/1995 portant Code pénal, du 23 novembre, comme il ressort dans les commentaires concernant l’article suivant, qualifie trois actes délictueux qui peuvent s’inscrire dans le concept d’arrestation/détention illégale, enlèvement ou «disparition forcée», selon que l’acte est: a) Le fait de personnes, b) Le fait de l’État directement ou indirectement et c) Constitutif d’un crime contre l’humanité.

51.Il faut dès lors prendre en compte que, dans le présent rapport, toute mention de l’infraction d’arrestation/détention illégale ou d’enlèvement, qualifiée dans le droit pénal espagnol, revient à évoquer un concept qui contient les mêmes éléments que celui de «disparition forcée», définie par la Convention.

52.Comme il sera constaté au sujet de l’article 4 de la Convention, l’infraction d’arrestation/détention illégale, enlèvement ou «disparition forcée», avec intervention directe ou indirecte de l’État, correspond aux exigences du droit pénal international: ces actes, quand ils sont l’œuvre de particuliers, sont également qualifiés d’infraction dans le Code pénal et, en conséquence, font encourir un blâme pénal qui permet de déterminer la responsabilité au cours de la procédure judiciaire.

53.Comme il ressortira des commentaires relatifs à l’article 10 de la Convention, il s’agit, dans tous les cas, d’infractions de caractère public qui font l’objet de poursuites d’office et dont, par tout moyen, on est informé ou on a connaissance.

Article 4Obligations générales des États

54.Il convient, en premier lieu, d’invoquer les préceptes du Code pénal où sont qualifiées et réglementées les infractions d’arrestation/détention illégale et d’enlèvement et, en second lieu, d’examiner leur adaptation au droit pénal international, afin de déterminer si la «disparition forcée», définie dans la Convention, est bien qualifiée de crime au regard de l’ordre juridique espagnol.

1.Préceptes du Code pénal

55.Dans la catégorie des «infractions contre la liberté», à laquelle le Code pénal consacre les articles 163 à 172 au Titre VI du Livre II, les arrestations/détentions illégales et enlèvements font l’objet des articles 163 à 168.

56.L’article 166 dudit Code dispose concrètement que «quiconque, accusé d’arrestation/détention illégale ou d’enlèvement, ne renseigne pas sur l’endroit où la personne est détenue, encourt, selon le cas, les peines supérieures en degré à celles indiquées dans les articles précédant le présent chapitre, sauf s’il l’a laissée en liberté». Ce précepte fera l’objet d’une modification dans le projet de loi organique portant réforme du Code pénal, qui est en cours d’examen. La réforme maintient l’infraction pénale, mais établit des peines aggravées (comme il est indiqué dans les commentaires relatifs à l’article 7 de la Convention).

57.Les principes normatifs, qui qualifient l’arrestation/détention illégale ou l’enlèvement dans le même Code pénal, auxquels renvoie ce précepte, sont les suivants:

a)L’article 163 du Code pénal dispose comme suit:

«Quiconque aura privé de liberté ou détenu autrui est puni d’emprisonnement de quatre à six ans.

Si l’auteur rend sa liberté à la personne qui en est privée ou est détenue dans les trois premiers jours de détention, sans avoir atteint l’objectif qu’il s’était fixé, le degré de la peine prononcée sera inférieur.

Une peine d’emprisonnement de cinq à huit ans sera prononcée si la privation de liberté ou la détention a duré plus de quinze jours.

Quiconque, en dehors des cas prévus par la loi, aura appréhendé une personne pour la présenter immédiatement aux autorités, encourt une amende de trois à six mois.»

b)L’article 164 du Code pénal dispose: «L’enlèvement d’une personne, assorti de conditions exigées pour sa libération, fait encourir une peine de prison de six à dix ans. Si la condition évoquée à l’article 163.3 s’applique, la peine encourue est du degré supérieur et s’il s’agit des circonstances visées à l’article 163.2, elle est du degré inférieur;»

c)L’article 165 du Code pénal dispose: «Les peines visées aux articles précédents sont fixées dans la moitié supérieure de la fourchette, selon le cas, si l’arrestation/détention illégale ou l’enlèvement a été exécuté en simulant un acte d’autorité ou de la fonction publique, ou si la victime est mineure, ou incapable, ou un agent de l’État dans l’exercice de ses fonctions;»

d)Si ces infractions ont été commises par des personnes publiques, agents de l’État ou fonctionnaires, l’article 167 du Code pénal dispose: «L’autorité ou l’agent de l’État qui, en dehors des cas prévus par la loi et si aucune infraction n’a été commise, se sera rendu coupable de l’un des actes décrits dans les articles précédemment cités, encourt les peines prévues respectivement pour ces infractions, fixées dans la moitié supérieure de la fourchette, assorties d’une interdiction absolue pendant huit à douze ans.»

58.Il faut également tenir compte des préceptes du Code pénal qui qualifient les infractions commises par les agents de l’État contre la liberté individuelle et en particulier de l’article 530 qui dispose: «L’autorité ou l’agent de l’État qui, dans le cadre de ses fonctions, impose, pratique ou prolonge toute privation de liberté d’un détenu, ou condamné en violation des délais ou autres garanties constitutionnelles ou légales, encourt une peine d’interdiction spéciale d’exercer un emploi ou une charge dans la fonction publique pendant quatre à huit ans.»

2.Adaptation du Code pénal à la Convention

59.Il ressort des dispositions citées que la «disparition forcée», telle que définie à l’article 2 de la Convention, est qualifiée de crime dans le Code pénal, s’agissant d’arrestation/détention illégale ou enlèvement. Ledit article 2 définit en effet la «disparition forcée» comme la privation de liberté par des agents de l’État ou d’organismes paraétatiques, suivie du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue, la soustrayant ainsi à la protection que le système juridique accorde à quiconque est privé de liberté.

60.Il s’ensuit des préceptes du Code pénal précités que:

a)Les privations de liberté de personnes ou victimes par des particuliers, sous quelque forme que ce soit, sont constitutives d’une infraction de détention/arrestation illégale (art. 163 du Code pénal) ou d’enlèvement, si l’auteur de la privation de liberté l’assortie d’une exigence quelconque pour y mettre fin (art. 164);

b)Lorsque le responsable de l’arrestation/détention illégale ou l’enlèvement n’informe pas du lieu où se trouve la personne détenue ou enlevée, l’acte est qualifié d’aggravé et fait partant encourir le grade supérieur de la peine prévue pour l’arrestation/détention illégale ou l’enlèvement (art. 166 du Code pénal). La réforme en cours de débat et d’examen, déjà mentionnée, alourdira les peines relatives à cette infraction. Ainsi, le Code pénal espagnol a qualifié la conduite équivalente à une «disparition forcée», qui est commise par des personnes agissant indépendamment de l’État. Cette qualification satisfait à l’exigence que contient l’article 3 de la Convention;

c)Le responsable de l’arrestation/détention illégale ou l’enlèvement, qui serait un fonctionnaire public ou une autorité – à savoir un agent de l’État –, n’informerait pas du lieu où se trouve la personne détenue et si aucune infraction n’a été commise, est passible des peines fixées pour la disparition forcée due à des particuliers, mais alourdies (moitié supérieure de la fourchette) et en outre est frappé d’interdiction (art. 167 du Code pénal). Cette qualification satisfait à l’exigence que contient l’article 4, au regard de l’article 2, de la Convention.

d)Lorsque le responsable de l’arrestation/détention illégale ou l’enlèvement simule une autorité ou un fonctionnaire, les peines prévues à cet effet sont fixées dans leur moitié supérieure (art. 165 du Code pénal). Cette qualification satisfait également à l’exigence que contient l’article 4, au regard de l’article 2, de la Convention;

e)Lorsque, dans l’exercice des fonctions, la privation de liberté d’une personne est initialement licite, contrairement à l’hypothèse décrite à l’alinéa c) et que l’agent de l’État viole l’une des garanties reconnues à la personne arrêtée ou détenue, l’agent encourt la peine d’interdiction spéciale (art. 530 du Code pénal);

f)Enfin, et comme il sera expliqué ci-après, l’article 607 bis du Code pénal qualifie, comme l’exige l’article 5 de la Convention, certains cas de disparition forcée de crimes contre l’humanité.

Article 5Qualification du crime de «disparition forcée»

61.Le Code pénal en vigueur établit aujourd’hui en son article 607 bis et sous le titre «Des crimes contre l’humanité» la qualification de ces crimes, tels qu’ils sont définis dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998. La ratification par l’Espagne dudit Statut, en 2000, a suscité la modification de l’ordre juridique espagnol, qui a été élaborée par la loi organique no 15/2003 portant réforme du Code pénal, du 25 novembre.

62.La charge des crimes contre l’humanité est apparue pour protéger les biens juridiques essentiels contre les attaques massives ou de caractère systématique subies, auxquelles participent ou que tolèrent les pouvoirs publics de jure ou de facto.

63.L’article 607 bis du Code pénal dispose en son paragraphe 1:

«Se rendent coupables du crime contre l’humanité ceux qui commettent les actes prévus au paragraphe suivant en participant à une attaque généralisée ou systématique lancée contre tout ou partie de la population civile. Ces actes sont considérés comme crimes contre l’humanité, s’ils sont perpétrés:

1.Du fait que la victime appartient à un groupe ou une association persécutés pour des motifs politiques, raciaux, nationaux, ethniques, culturels, religieux, sexistes, d’invalidité ou autres, universellement reconnus comme étant inacceptables au regard du droit international.

2.Lors de l’instauration d’un régime d’oppression et de domination systématiques par un groupe racial à l’égard d’un ou plusieurs autres groupes raciaux, dans l’intention de maintenir ce régime.»

64.Cette disposition vise la situation ou le contexte dans lequel s’inscrit un acte constitutif de crime contre l’humanité. L’acte incriminé s’entend de la participation à une attaque de caractère général ou systématique et comme ligne de conduite, qui suppose la commission multiple des actes en question en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but ces actes (par. 3 de l’introduction de l’article 7 du document «Éléments des crimes» qui complète le Statut de Rome). Toutefois, les actes de ce type ne signifient pas nécessairement l’existence d’une guerre ou d’un conflit armé, le concept de crime contre l’humanité étant indépendant d’une situation belliqueuse.

65.L’article 607 bis du Code pénal énumère les actes concrets ou modalités des crimes contre l’humanité, notamment l’arrestation/détention illégale ou disparition forcée. Selon le paragraphe 2 dudit article:

«Les auteurs de crimes contre l’humanité encourent:

[…]

6.Un emprisonnement de douze à quinze ans quand ils détiennent une personne et nient cette privation de liberté ou refusent d’informer du sort de la personne détenue ou du lieu où elle se trouve;

7.Un emprisonnement de huit à douze ans, s’ils détiennent une personne la privant de sa liberté et violant les normes internationales en matière de détention.

Si la détention dure moins de quinze jours, le degré inférieur de la peine.

[…]».

66.La définition des incriminations et le renvoi aux normes internationales laissent entendre qu’il existe une harmonisation et une corrélation absolue entre l’ordre juridique interne et le droit pénal international en la matière.

Article 6Responsabilité pénale

67.Il convient de préciser que les conduites décrites dans le présent article de la Convention, en se fondant sur l’article 17 de la Constitution et conformément aux incriminations d’arrestation/détention illégale ou d’enlèvement, sont prévues tant dans la réglementation pénale ordinaire (Code pénal) que militaire (Code pénal militaire).

68.Les articles ci-après du Code pénal (loi organique no 10/1995 du 23 novembre), au chapitre premier du Titre VI – Infractions contre la liberté – concernent les détentions illégales et enlèvements:

Article 163.1. Quiconque enferme ou maintient en détention une personne, la privant de sa liberté, encourt un emprisonnement de quatre à six ans. 2. Si l’auteur libère la personne privée de liberté ou détenue dans les trois premiers jours de sa détention, sans avoir atteint l’objectif qu’il s’était fixé, il est passible de la peine au degré inférieur. 3. Si la privation de liberté ou la détention a duré plus de quinze jours la peine est de cinq à huit ans. 4. Quiconque, en dehors des cas prévus par la loi, appréhende une personne pour la présenter immédiatement aux autorités encourt une peine d’amende de trois à six mois.

Article 164.L’enlèvement d’une personne accompagnée d’une exigence aux fins de sa remise en liberté fait encourir une peine de prison de six à dix ans. Si l’enlèvement a eu lieu dans les circonstances visées à l’article 163.3, la peine sera appliquée au degré supérieur et, dans les conditions énoncées à l’article 163.2, elle sera infligée au degré inférieur.

Article 165.Les peines énoncées dans les articles précédents sont infligées dans leur moitié supérieure, selon le cas, si l’arrestation/détention illégale ou l’enlèvement a été exécuté en simulant une autorité ou fonction publique ou si la victime est mineure, ou incapable, ou s’il s’agit d’un fonctionnaire dans l’exercice de sa charge.

Article 166.L’auteur d’une arrestation/détention illégale ou d’un enlèvement qui n’informe pas du lieu où la personne est détenue, encourt, selon le cas, les peines au degré supérieur à celles énoncées dans les articles antérieurs au présent chapitre, sauf s’il l’a laissée en liberté.

Article 167.L’autorité ou le fonctionnaire qui, en dehors des cas prévus par la loi et si aucune infraction n’a été commise, se rend coupable de l’un des faits décrits dans les articles précédents encourt les peines prévues respectivement dans lesdits articles, dans leur moitié supérieure, ainsi que l’interdiction absolue pendant huit à douze ans.

Article 168.La provocation, la conspiration et la proposition en vue de commettre les infractions visées dans le présent chapitre sont punies de la peine inférieure (un ou deux degrés) à celle correspondant au fait commis.

69.En outre, la première section du chapitre V, au Titre XXI «Infractions contre la Constitution», est consacrée aux infractions commises par les fonctionnaires contre la liberté individuelle. L’article 530 dispose à cet effet comme suit: «L’autorité ou le fonctionnaire qui, dans le cadre de ses fonctions, impose, pratique ou prolonge toute privation de liberté d’une personne détenue ou condamnée, en violant les délais et autres garanties constitutionnelles ou légales, encourt la peine d’interdiction spéciale d’exercer un emploi ou une charge dans la fonction publique pendant quatre à huit ans.»

70.Il convient également de souligner les préceptes ci-après. L’article 6.1 du Code pénal considère les auteurs et les complices d’infractions et de fautes pénalement responsables.

71.Les auteurs sont définis à l’article 28 du Code pénal comme suit: «Est auteur de l’infraction la personne qui commet le fait incriminé individuellement ou conjointement avec un tiers ou par son intermédiaire qui en devient l’instrument. Sont également considérés comme auteurs les personnes: a) Qui incitent directement autrui à exécuter l’infraction; b) Qui coopèrent à son exécution par un acte sans lequel elle n’aurait pu être commise.»

72.Il ressort de cet ensemble de normes que le Code pénal donne de l’auteur une définition stricte: celui qui commet l’acte illicite et une autre, plus large, des personnes considérées comme auteurs qui, à défaut de dispositions légales, ne seraient pas ainsi qualifiées.

73.La notion d’auteur stricto sensu suppose une commission individuelle ou conjointe, dans l’hypothèse d’un auteur direct, ou par personne interposée utilisée comme instrument, donnant lieu à une commission par auteur indirect.

74.La notion d’auteur lato sensu, ou au regard de la loi, suppose tant l’instigation que la coopération. À cet effet, la jurisprudence du Tribunal suprême a subordonné l’instigation aux conditions suivantes: a) L’instigateur influe sur un tiers qui n’était pas déterminé à commettre une infraction; b) L’instigation est particulièrement forte et propre à provoquer la perpétration; c) Elle vise une personne concrète et une infraction déterminée; d) Le tiers sous influence réalise l’acte et e) L’instigateur agit dans la double intention de provoquer la décision infractionnelle et l’exécution du fait délictueux (arrêts du Tribunal suprême des 5 mai 1988, 30 juin 1993 et 27 avril 2007).

75.De plus, en matière de coopération, l’efficacité, la nécessité et l’importance sont décisives dans le résultat final de l’acte (arrêts du Tribunal suprême des 28 janvier 1991 et 16 juin 1991); la coopération est effective – elle est réprimée au même titre que les actes des auteurs – quand il existe une collaboration avec l’exécuteur direct, sans laquelle l’infraction n’aurait pas été commise, quand cette collaboration repose sur un apport qu’il est difficile d’obtenir autrement ou quand le collaborateur peut empêcher la commission de l’infraction en se rétractant (arrêt du Tribunal suprême du 28 octobre 2004).

76.L’article 29 du Code pénal définit les complices comme suit: «Sont complices les personnes qui, autres que celles visées à l’article précédent, participent à l’accomplissement d’une action par antériorité ou simultanéité.»

77.Selon la jurisprudence, la complicité doit s’entendre d’une participation accidentelle et sans condition, de caractère subsidiaire, qui se distingue de la coaction dans l’absence d’autorité fonctionnelle de l’acte et par la coopération nécessaire à son caractère subsidiaire (arrêt du Tribunal suprême du 13 décembre 2006).

78.Il faut également tenir compte que, dans le droit espagnol, non seulement l’infraction consommée, mais également la tentative d’infraction, est punissable (art. 15 et 16 du Code pénal). De même, sont réprimées la conspiration, la proposition et la provocation à des fins d’actes délictueux, quand la loi le prévoit (art. 17 et 18 du Code pénal): tel est le cas pour l’arrestation/détention illégale ou enlèvement visé à l’article 168 du Code pénal qui dispose que «la provocation, la conspiration et la proposition en vue de commettre des infractions prévues dans le présent chapitre» (art. 163 à 168 du chapitre I «Des détentions illégales et enlèvements») sont punies de la peine inférieure d’un ou de deux degrés à celle correspondant au fait commis.»

79.Il faut conclure de cet ensemble normatif et des décisions jurisprudentielles et dogmatiques élaborées à cet effet que le Code pénal offre un cadre parfait qui s’adapte à la Convention dans le but de déterminer la responsabilité pénale de quiconque participe, dans les diverses formes décrites dans la Convention, à une «disparition forcée». Il contient également l’hypothèse de la peine de catégorie supérieure applicable, dans le cas concret, aux catégories pénales d’auteurs indirects, de coauteurs ou d’instigateurs, de même que d’instigation de l’infraction. Ces dispositions sont sans préjudice de l’application des faits délictueux secondaires, à savoir l’omission du devoir d’empêcher ou, selon le cas, de poursuivre les actes délictueux.

80.Enfin, l’article 11 du Code pénal contient une disposition visant à imputer la commission d’une infraction matérielle par omission quand l’auteur manque à un devoir particulier (légal, contractuel ou du fait d’une activité dangereuse). Le résultat est alors imputé audit auteur comme s’il l’avait commise. Selon l’article 11 du Code pénal: «Les infractions ou fautes qui consistent à produire un résultat sont supposées être commises par omission dans le seul cas où le fait de ne pas l’empêcher, par manquement à un devoir juridique particulier de l’auteur, vaut au sens de la loi causalité. En ce sens, l’omission vaut action: a) Quand il existe une obligation juridique ou contractuelle expresse d’agir; b) Quand l’auteur aura créé par action ou omission une situation de risque pour la valeur protégée.»

81.En outre, selon l’article 6.2: L’agent de l’autorité ou le fonctionnaire fait toujours partie de structures qui sont des organisations où prévaut le principe de la hiérarchie, au point que le même agent ou fonctionnaire est tenu de respecter les règles et d’obéir aux ordres et instructions qu’il reçoit pour les exécuter et exercer sa fonction.

82.Nonobstant, ces principes de hiérarchie et d’obéissance ne peuvent être invoqués pour justifier la commission d’un acte délictueux. Cette affirmation se retrouve dans le droit espagnol, tant dans le régime général et disciplinaire de l’administration que dans le domaine pénal.

83.Les dispositions ci-après en attestent:

a)La loi no 30/1992, du 26 novembre, relative au régime juridique des administrations publiques et à la procédure administrative commune établit les bases du régime juridique, la procédure administrative commune et le système de responsabilité de toutes les administrations publiques comme l’indique l’article 103.1 de la Constitution: «L’administration publique sert avec objectivité l’intérêt général et agit conformément aux principes d’efficacité, de hiérarchie, de décentralisation et de coordination, en se soumettant pleinement à la loi et au droit.» Ladite loi dispose que les actes délictueux des administrations sont nuls. «Nullité de plein droit. 1. Les actes des administrations publiques sont nuls de plein droit quand: a) Ils portent atteinte aux droits et libertés susceptibles d’un recours constitutionnel en amparo; (… …) d) Ils sont constitutifs d’une infraction pénale ou sont considérés comme sa conséquence. (… …) 2. Sont également nulles de plein droit les dispositions administratives qui violent la Constitution, les lois …» (art. 62);

b)La loi no 7/2007, du 2 avril, relative au statut général des agents de l’État, qui réglemente les principes de conduite des employés de la fonction publique, dispose qu’«ils obéissent aux instructions et ordres professionnels des supérieurs, sauf s’ils constituent une infraction manifeste à l’ordre juridique, auquel cas ils seront portés immédiatement à la connaissance des organes d’inspection compétents» (art. 54.3);

c)Le décret royal no 96/2009, du 6 février, qui porte adoption des ordonnances royales pour les forces armées, établit: «Si les ordres impliquent la commission d’actes constitutifs d’infraction, le militaire n’est pas tenu de leur obéir. Dans tous les cas, il assume la responsabilité de son acte ou son omission» (art. 48);

d)Le Code pénal, qui qualifie d’infraction la désobéissance dispose que: «1. Les autorités ou fonctionnaires qui refusent manifestement d’exécuter des décisions judiciaires, des décisions ou ordres de l’autorité supérieure, rendus dans le cadre de leur compétence respective et revêtues des formalités légales, encourent une peine d’amende de trois à douze mois et l’interdiction spéciale d’exercer un emploi ou une charge dans la fonction publique pendant une durée de six mois à deux ans. 2. Nonobstant la disposition du paragraphe précédent, les autorités ou fonctionnaires n’encourent aucune responsabilité pénale en n’obéissant pas à un ordre qui constitue une infraction manifeste, claire et expresse à un précepte de loi ou toute autre disposition générale (art. 410 du Code pénal).»

84.Il peut être conclu qu’en droit espagnol, les normes, ordres ou instructions, constitutifs d’infraction ou de crime – en l’occurrence arrestation/détention illégale, enlèvement, disparition forcée – sont frappés de nullité; les agents, autorités et fonctionnaires sont exonérés de toute responsabilité pour inexécution. En revanche, l’exécution de ces ordres ne les exonère pas de la responsabilité encourue pour les infractions qu’ils auront commises.

85.Eu égard au régime militaire, le Code pénal militaire (loi organique no 13/1985) dispose à l’article 77 du Titre 2 – Infractions contre les lois et usages de la guerre – que: Sera puni d’un emprisonnement de deux à huit ans le militaire qui: «6. Commet envers les civils d’un pays avec lequel l’Espagne est en guerre les actes suivants: expulsions et transferts illégaux, arrestations illicites, prise d’otages, contraintes pour servir dans les forces armées ennemies ou privation du droit d’être jugés d’une manière régulière et impartiale. En conséquence, la législation espagnole respecte l’article 6 de la Convention, notamment le paragraphe 2 (aucun ordre ou instruction émanant d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier un crime de disparition forcée), dès lors qu’aucune des normes citées n’écarte ni n’atténue la responsabilité pénale par suite de l’exécution d’un ordre ou d’une instruction d’un supérieur.»

86.À ce sujet, il convient de souligner les principales normes prévues:

a)Loi organique no 2/1896, du 13 mars, relative aux forces et corps de sécurité – Article 5: Entre autres principes fondamentaux de leur action, les membres des forces et corps de sécurité sont assujettis, dans leur activité professionnelle, aux principes de hiérarchie et subordination, mais en aucun cas l’obéissance due ne peut justifier des ordres qui entraînent l’exécution d’actes manifestement constitutifs d’une infraction ou contraires à la Constitution ou la législation;

b)Loi organique no 4/2010, du 20 mars, relative au régime disciplinaire du Corps national de police – Article 8: Sont des fautes graves: b) La désobéissance aux ordres ou instructions légitimes des supérieurs hiérarchiques ou responsables du service, excepté s’ils enfreignent manifestement l’ordre juridique;

c)Loi organique no 12/2007, du 22 octobre, relative au régime disciplinaire de la Garde civile – Article 7: Sont des fautes extrêmement graves: 15. L’insubordination ou l’indiscipline envers les ordres ou instructions d’un supérieur, excepté s’ils enfreignent manifestement l’ordre juridique.

Article 7Peines

87.Concernant le paragraphe 1 de l’article 7, le régime des peines figure dans la partie générale du Code pénal (Livre I, Titre III), où la peine est définie comme une privation ou restriction de biens juridiques, prévue par la loi et imposée à une personne déclarée coupable dans un procès devant les tribunaux de l’ordre juridictionnel pénal.

88.Dans ce régime, les peines sont classées, d’une part, en peines privatives de liberté, de droits ou en amendes (art. 32 et 33) et, d’autre part, en fonction de leur durée, en peines sévères, moins sévères et mineures (art. 13). Le régime des peines prévu dans le Code pénal espagnol au motif d’arrestation/détention illégale, d’enlèvement et de disparition forcée respecte les dispositions de la Convention: comme le soulignent les commentaires concernant l’article 4 quant à leur qualification, les articles 165 et 167 du Code pénal alourdissent les peines par rapport à celles prévues pour l’arrestation/détention illégale ou l’enlèvement, déjà très sévères, quand ces infractions réunissent les caractéristiques qui les font qualifier de «disparition forcée».

89.L’arrestation/détention illégale et l’enlèvement, dans le système espagnol, sont des infractions graves sanctionnées sévèrement de 4 à 8, voire 10 ans de prison, selon leurs modalités (ce qui équivaut au minimum de la peine prévue pour homicide, soit 10 à 15 ans de prison), quand aucune information n’est donnée sur le lieu où la personne est détenue illégalement ou séquestrée, ladite peine est alors infligée au degré supérieur (art. 166 du Code pénal); enfin, quand les infractions sont commises par quiconque se fait passer pour un agent de l’État, la peine précédente est infligée dans la moitié supérieure, à laquelle s’ajoute la peine d’interdiction absolue (privation de tout emploi, honneur ou charge publics, ainsi que du droit de vote) durant 8 à 12 ans.

90.Le Tribunal suprême a indiqué (arrêts des 18 janvier 1999 et 25 septembre 2003) que l’arrestation/détention illégale et l’enlèvement, les liant directement à l’article 17 de la Constitution («Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sinon en application des dispositions du présent article, et dans les cas et selon la forme prévus par la loi.»), supposent la privation pour la victime de toute manifestation de son droit à la liberté, telle que la possibilité de changer de lieu à son gré, ou que son droit de se déplacer, bien juridique indéfectible, est limité, au point d’empêcher le libre arbitre dans la projection extérieure et physique de la personne. Ce motif détermine et explique le degré élevé des peines que font encourir ces infractions.

91.Dans les cas où la «disparition forcée» est qualifiée de crime contre l’humanité au sens de l’article 607 bis du Code pénal (voir le commentaire concernant l’article 5 de la Convention), les peines précitées sont aggravées au degré supérieur à celle correspondant à l’atteinte à la valeur protégée qui serait une infraction pénale de droit commun. Le Code pénal prévoit concrètement des peines de 8 à 15 ans de privation de liberté.

92.Quant au paragraphe 2, il faut préciser que le régime des circonstances atténuantes et aggravantes pour ces infractions est prévu aux articles 21 et 22 de la Partie générale du Code pénal, consacrés aux cas visés par la Convention. Ainsi, sont considérées, comme circonstances atténuantes, l’aveu de l’infraction aux autorités et la réparation (qui doit être effective, objective et appropriée selon la doctrine du Tribunal suprême) du dommage causé à la victime ou l’atténuation de ses effets (par. 5 et 6 de l’art. 21) et, comme circonstances aggravantes, l’exécution du fait délictueux en profitant de la situation particulière d’abandon de victimes, telles que des enfants, des personnes malades ou handicapées, que le Tribunal suprême assimile à la fourberie (par. 1 de l’art. 22).

93.En outre, il faut prendre en compte que, dans l’hypothèse du décès de la personne disparue, le Tribunal suprême a établi que l’infraction, visée à l’article 166 du Code pénal, dans son texte actuel, ne constitue pas une suspicion ou présomption de mort (arrêt du 25 juin 1990) et que la condamnation pour assassinat prononcée sur la base d’indices contre les auteurs avérés de détentions illégales immédiatement suivies de la découverte des victimes assassinées (arrêt du 22 juillet 2002) est pertinente.

94.Sans préjudice de ce qui précède, le Ministre de la justice a fait savoir que dans la réforme actuelle du Code pénal, dont le Parlement sera saisi, l’infraction d’arrestation/détention illégale (voir l’avant-projet de loi organique portant modification de la loi organique no 10/1995 du 23 novembre portant Code pénal, du 16 juillet 2012) donnera lieu à une sanction pénale aggravée faisant encourir une peine unique de 10 à 15 ans d’emprisonnement; de plus, deux circonstances aggravantes sont prévues dans les cas où la victime est mineure ou lorsque l’infraction a été commise à des fins sexuelles, ou que l’auteur a agi postérieurement à cette fin. Ledit projet de réforme contient également un nouveau précepte d’aggravation de la peine: «Article 168 bis. Les condamnés pour l’une ou plusieurs des infractions prévues au présent (“chapitre des détentions illégales et enlèvements”) peuvent encourir également une mesure de probation».

Article 8Prescription de l’infraction

95.La mention de l’article 5 de la Convention (crimes contre l’humanité), au début du présent article, doit s’entendre, en droit espagnol, dans le sens de l’article 131.4 du Code pénal qui dispose: «Les crimes contre l’humanité ne se prescrivent en aucun cas». En conséquence, la disparition forcée, constitutive d’un crime contre l’humanité (par. 6 et 7 de l’art. 607 bis du Code pénal), est réputée infraction imprescriptible.

96.Eu égard au paragraphe 1 de l’article 8 de la Convention, il faut préciser que les autres cas d’arrestation/détention illégale, enlèvement ou «disparition forcée» sont assujettis au régime de prescription qui est établi d’une manière universelle dans la Partie générale du Code pénal (art. 130.6; 131 et 132).

97.Considérant la prescription des infractions pénales comme un renoncement de l’État à exercer le j us puniendi au motif que le passage du temps efface en quelque sorte le souvenir de l’infraction et atténue ses effets, il est manifeste que la durée de la prescription doit correspondre à la gravité de l’acte. Le Code pénal établit précisément les délais de prescription en fonction de la peine maximale qu’il a fixée pour l’infraction.

98.Dans le commentaire relatif à l’article 7 de la Convention, il est indiqué le degré de la peine correspondant à l’arrestation/détention illégale ou enlèvement et à leur forme aggravée de disparition ou «disparition forcée» en droit espagnol; il faut ajouter que, pour une peine de prison de 10 à 15 ans, la prescription est de 15 ans: l’exigence que ce délai soit de longue durée et proportionné à la gravité du crime est ainsi remplie.

99.Quant à la fixation du dies a quo, ou jour à partir duquel commence la prescription, la détermination se fait, dans l’hypothèse des infractions permanentes, en fonction du dernier acte délictueux quand prend fin la faute dolosive. L’infraction se prescrit dès sa consommation et, dans les cas de détention illégale tant que la personne illicitement détenue n’apparaît pas, l’acte continue de se consommer. L’article 132.1 du Code pénal dispose explicitement ainsi: les délais prévus à l’article précédent se calculent à compter du jour où l’infraction a été commise. Dans les cas d’infractions continues, permanentes, ainsi que d’habitude, ces délais se calculent respectivement à partir du jour du dernier acte délictueux, dès la suppression de la situation illicite, ou la cessation de la conduite délictueuse.

100.En matière de tentative d’homicide, d’avortement non consenti, de coups et blessures, d’infraction contre la liberté, de tortures et contre l’intégrité morale, la liberté et l’intégrité sexuelles, l’intimité, le droit à l’image et à l’inviolabilité du domicile, commis envers une victime mineure, les délais de prescription sont calculés à partir du jour où la victime devient majeure et, si elle décède avant, à compter de la date du décès. Le Tribunal suprême en a décidé ainsi d’une manière constante (arrêts du 30 septembre 2008 et 5 novembre 2008).

101.Enfin, il faut souligner qu’en droit interne espagnol, l’infraction permanente correspond au crime à caractère continu visé dans la Convention. En droit espagnol, «l’infraction continue» constitue une catégorie distincte, de même que l’établissement d’une règle pénologique spéciale en cas de concours d’infractions commises notamment pour des motifs identiques, dans un délai limité et certaines circonstances.

102.Eu égard au paragraphe 2 du présent article 8, tant que l’infraction n’est pas prescrite – on a déjà vu la durée du délai de prescription et la subordination du début de son calcul à la cessation de l’arrestation/détention illégale ou enlèvement –, l’action pénale peut s’exercer sans aucune restriction, la victime étant titulaire du droit de se constituer partie civile, sans préjudice de l’exercice de l’action publique qui incombe, par mandat constitutionnel, au ministère public.

Article 9Juridiction pénale

103.L’ordre juridique espagnol établit et réglemente l’étendue et les limites de la juridiction de ses tribunaux dans la loi organique no 6/1985 du pouvoir judiciaire du 1er juillet. Plus particulièrement, la juridiction pénale relève pour la détermination de la compétence des tribunaux de la loi de procédure criminelle promulguée par décret royal du 14 septembre 1882 (art. 8 et suiv. du Titre II, Livre I) qui a fait l’objet de multiples modifications (jusqu’à 43 lois, dont 27 organiques, l’ont modifiée). De ces lois, en particulier, la loi organique no 6/1985, il convient de citer les prescriptions ci-après, qui définissent la juridiction des tribunaux espagnols dans les cas prévus par la Convention.

104.D’une manière générale, «l’exercice du pouvoir juridictionnel, juger et faire exécuter le jugement, appartient exclusivement aux tribunaux déterminés dans les lois et les instruments internationaux» (art. 2.1 de ladite loi organique); de même, «les tribunaux connaissent des actions intentées, sur le territoire espagnol, entre Espagnols, entre étrangers et entre Espagnols et étrangers en application des dispositions de la présente loi, ainsi que des traités et conventions internationaux auxquels l’Espagne est partie». (art. 21.1).

105.La loi du pouvoir judiciaire établit en son article 23 les compétences des tribunaux pénaux espagnols, notamment les suivantes:

«1.Dans l’ordre pénal, la juridiction espagnole est compétente pour connaître des infractions et des fautes commises sur le territoire espagnol ou à bord de navires ou d’aéronefs immatriculés en Espagne, sans préjudice des dispositions des traités et conventions internationaux auxquels l’État est partie.

2.De même, il connaît des faits prévus dans les lois, qualifiés d’infractions même s’ils ont été commis hors du territoire national, sous réserve que les responsables pénalement soient espagnols, ou étrangers ayant acquis la nationalité espagnole après la commission du fait et dans les conditions suivantes: a) Le fait est punissable sur le territoire même, sauf si, en vertu d’un traité international ou d’un acte normatif d’une organisation internationale dont l’Espagne est partie, cette condition n’est pas requise; b) La victime ou le ministère public porte plainte auprès des tribunaux espagnols; c) Le délinquant n’a pas été acquitté, inculpé ou condamné à l’étranger, ou dans ce dernier cas n’a pas exécuté la condamnation. S’il ne l’a exécutée que partiellement, il en sera tenu compte et la peine sera réduite à proportion.

[…]

4.La juridiction espagnole est compétente pour connaître des faits commis par des Espagnols ou par des étrangers hors du territoire national, susceptibles d’être considérés, selon la loi espagnole, comme l’une des infractions suivantes: a) Génocide et crime contre l’humanité; […]; h) Tout autre fait qui, selon les traités et conventions internationaux, en particulier les conventions relatives au droit international humanitaire et à la protection des droits de l’homme, doit être poursuivi en Espagne. Sans préjudice des dispositions des traités et conventions internationaux souscrits par l’Espagne, les tribunaux espagnols ne peuvent connaître desdites infractions que s’il est avéré que les responsables présumés se trouvent en Espagne ou qu’il existe des victimes de nationalité espagnole. […].»

106.L’attribution de compétence aux tribunaux espagnols pour connaître d’une disparition forcée «quand la personne disparue est l’un de ses ressortissants et que cet État partie le juge approprié» (art. 9.1.c) de la Convention) se rattache à l’article 5 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En vertu de cet article, la compétence est attribuée aux tribunaux espagnols par la disposition de l’article 23.4.h) de la loi du pouvoir judiciaire sur «toute autre [infraction] qui, selon les traités et conventions internationaux, en particulier les conventions relatives au droit international humanitaire et à la protection des droits de l’homme, doit être poursuivie en Espagne.»

107.Compte tenu des dispositions dudit article 5 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la compétence des tribunaux espagnols, en vertu de l’article 23.4 h) de la loi du pouvoir judiciaire, a été reconnue dans les cas de torture subie par des ressortissants à l’étranger et se trouvant en mains étrangères, comme l’atteste le cas des tortures infligées à des citoyens espagnols au Guatemala. L’arrêt du Tribunal suprême du 25 février 2003 a limité la compétence juridictionnelle aux actes touchant les ressortissants: «En matière de tortures, l’Espagne et le Guatemala sont parties à la Convention de 1984, laquelle contient le principe de la personnalité passive, qui permet à l’État dont la victime est ressortissante de poursuivre les faits quand il le juge approprié. Les plaintes portent notamment sur les événements survenus à l’Ambassade d’Espagne où des citoyens espagnols sont morts, le gouvernement guatémaltèque ayant reconnu qu’ils constituaient une violation de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et accepté les conséquences pouvant en résulter, ainsi que sur la mort de quatre prêtres espagnols, imputable à des agents de l’État ou autres personnes exerçant des fonctions publiques, autorisant le maintien de la compétence des tribunaux espagnols concernant les deux faits.» Ultérieurement, le Tribunal constitutionnel dans son arrêt no 237/2005, du 26 septembre, non seulement a confirmé cette compétence, mais également l’a étendue aux autres affaires et allégations d’infractions par les plaignants.

108.Un autre arrêt du Tribunal suprême no 1092/2007 du 27 décembre, fondé sur ce critère, considère que le paragraphe 7 de l’article 8 du Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, fait à New York le 15 novembre 2000, conjointement avec l’article 23.4.h) de la loi du pouvoir judiciaire «confèrent une protection à cette compétence juridictionnelle, permettent d’adopter des mesures conformément au droit international, notamment l’établissement du constat par les forces de sécurité et justifient amplement la compétence des organes juridictionnels espagnols pour connaître de la présente affaire».

109.En fait, l’article 23.4.a) de la loi du pouvoir judiciaire reconnaît la compétence pour juger des crimes contre l’humanité qui comprendraient la pratique généralisée ou systématisée de la disparition visée à l’article 5 de la Convention; pour les autres cas, la lettre h) du même paragraphe, en reconnaissant la compétence pour «tout autre fait qui, selon les traités et conventions internationaux, en particulier les conventions relatives au droit international humanitaire et à la protection des droits de l’homme, doit être poursuivi en Espagne» l’étendrait – selon le critère jurisprudentiel en vigueur – au crime de disparition forcée ou involontaire de ressortissants survenu à l’étranger, ou se trouvant en mains d’étrangers.

110.En conclusion, il résulte de la lecture des prescriptions ci-dessus que les dispositions de la Convention sont dûment respectées; on soulignera, en particulier, l’invocation constante de la loi du pouvoir judiciaire en matière d’élargissement de la compétence juridictionnelle de l’ordre pénal aux dispositions du droit international humanitaire et aux droits de l’homme.

Article 10Détention

111.Il s’ensuit des commentaires concernant l’article 9 de la Convention que les tribunaux espagnols sont dans tous les cas compétents quand le crime d’arrestation/détention illégale, enlèvement, ou «disparition forcée», a été commis sur le territoire espagnol ou à bord de navires ou d’aéronefs immatriculés en Espagne. En l’occurrence et si tout indique que le responsable présumé de la commission de ce crime se trouve sur le territoire espagnol, il sera arrêté par les forces et corps de sécurité de l’État et mis à la disposition de la justice pour qu’une fois exercée l’action pénale sur dénonciation ou plainte, l’appareil juridictionnel se mette en mouvement.

112.La même procédure sera suivie quand le crime a été commis hors du territoire espagnol, que les auteurs présumés sont espagnols et que concourent les conditions énoncées à l’article 23.2 de la loi du pouvoir judiciaire précité. Dans cette hypothèse – crime commis hors de l’Espagne –, la juridiction espagnole peut exercer sa compétence sur des étrangers dans les cas visés à l’article 23.4 de ladite loi.

113.En dehors des cas de compétence de la juridiction espagnole, l’État agit à la demande ou la requête d’autres États ou de l’instance pénale internationale reconnue, à savoir la Cour pénale internationale, pouvant procéder à l’arrestation du présumé coupable dans le cadre de l’entraide judiciaire internationale et du respect des dispositions de la loi no 4/1985 du 21 mars relative à l’extradition passive afin, par l’intermédiaire des tribunaux espagnols – la chambre pénale de l ’ Audiencia Nacional – de procéder selon le cas à la remise de la personne recherchée.

114.L’arrestation du présumé responsable, dans les cas tant de la compétence reconnue par les tribunaux espagnols que de la requête à l’effet d’extradition, ainsi que l’éventuelle adoption de mesures provisoires telle la détention provisoire, sont soumises au régime commun, qui accorde la garantie du droit à la défense, prévu dans la loi de procédure pénale (art. 118 et suiv.) et dans la loi d’extradition passive pour toutes les infractions.

115.Comme il est indiqué dans le commentaire relatif aux articles 2 et 3 de la Convention, les actes d’arrestation/détention illégale, enlèvement ou «disparition forcée», sont des crimes entraînant la mise en mouvement de l’action publique dont il suffit, par tout moyen, d’être informé de leur perpétration ou d’en avoir connaissance pour que ces faits soient l’objet d’une enquête et jugés, sans que les parties lésées comparaissent ou aient à exercer l’action pénale en se constituant partie civile. Le commentaire concernant les articles 11 et 12 de la Convention revient sur ce point.

116.Pour garantir cette enquête et ce jugement, le Code pénal sanctionne tant l’autorité ou le fonctionnaire qui abandonne son poste pour ne pas empêcher ou ne pas poursuivre ces faits délictueux (art. 407), que ceux qui, manquant au devoir de leur charge, ne donnent pas suite aux poursuites, ou leurs responsables (art. 408).

117.Les juges d’instruction, le ministère public et les forces et corps de sécurité de l’État doivent enquêter sur tout fait susceptible d’être une infraction et, concrètement, le ministère public – responsable de l’action publique en matière pénale – est tenu de l’exercer, en se soumettant strictement au principe de légalité et d’impartialité, non à celui de l’opportunité, sans obéir aux ordres ou instructions contraires, comme le prévoit la loi no 50/1981, du 30 décembre, réglementant le statut organique du ministère public, modifiée par la loi no 24/2007, du 9 octobre.

Article 11Exercice de l’action pénale

118.Les dispositions de l’article 11.1 de la Convention ont été examinées dans les commentaires concernant les articles 9 et 10 auxquels il convient de se reporter.

119.Concernant les dispositions des paragraphes 2 et 3 du présent article, il faut souligner que tant le crime d’arrestation/détention illégale, enlèvement ou «disparition forcée», qualifié à l’article 167 du Code pénal, que le crime de disparition forcée ou crime contre l’humanité, qualifié à l’article 607 bis dudit Code sont des infractions graves; les présumés responsables, qui sont poursuivis pour ces faits, ont les mêmes droits et garanties que les inculpés pour toute autre infraction pénale, tous les principes et règles qui fondent la très équitable procédure pénale espagnole s’y appliquant.

Article 12Dénonciation et recherche

120.Dans le système de procédure pénale espagnole, toute personne ayant connaissance par tout moyen de la commission d’une infraction doit en informer les forces et corps de sécurité de l’État, le ministère public ou les tribunaux (art. 264 de la loi de procédure criminelle). Ce devoir civique devient une obligation passible de sanctions en cas de manquement, dans le cas des personnes qui sont témoins de la perpétration de toute infraction ou de quiconque, au motif de sa charge, sa profession ou sa fonction en a connaissance (art. 259 et 262).

121.La dénonciation, qui peut revêtir toute forme, donne lieu à la vérification immédiate de l’allégation, sauf si elle se révèle manifestement fausse ou que le fait n’a pas les caractéristiques d’une infraction (art. 265 et 269).

122.Les plaintes déclenchent l’action pénale sans préjudice du droit de tous les citoyens de se constituer partie à la procédure pénale, en déposant une plainte, soit en tant que partie civile, soit en exerçant l’action populaire et sans préjudice de l’action publique qui peut être mise en mouvement d’office par le ministère public (art. 270, 271 et suiv.).

123.Le système de procédure pénale garantit que les faits dénoncés soient l’objet d’une enquête menée avec diligence et écartant tous éventuels obstacles ou pressions, par le juge d’instruction, sans préjudice de l’intervention du ministère public, de l’orientation de l’enquête et du contrôle de sa légalité.

124.Le dispositif s’applique sans aucune réserve ni exception aux actes d’arrestation/détention illégale ou d’enlèvement dont les auteurs n’informent pas du lieu de détention.

Article 13Extradition pour crime de disparition forcée

125.L’article 13.3 de la Constitution dispose que «l’extradition ne sera accordée qu’en application d’un traité ou de la loi, conformément au principe de réciprocité. Les infractions politiques sont exclues de l’extradition, les actes de terrorisme n’étant pas considérés comme tels».

126.De plus, le premier paragraphe de l’article 4 de la loi d’extradition dispose: «L’extradition est refusée dans les cas suivants: 1. Quand il s’agit d’infractions de caractère politique, les actes de terrorisme, les crimes contre l’humanité ou l’attentat à la vie d’un chef d’État ou d’un membre de sa famille n’étant pas considérés comme tels.»

127.Les textes cités ne définissent pas l’infraction de nature politique, mais la loi d’extradition dispose expressément que «les conditions, les procédures et les effets de l’extradition passive relèvent de la présente loi, excepté les dispositions prévues dans les traités auxquels l’Espagne est partie».

128.Il résulte de ce dispositif qu’en matière d’extradition, la loi interne invite expressément à appliquer de préférence les dispositions des traités ou conventions internationaux ratifiés par l’Espagne. En conséquence, la Convention disposant que l’arrestation/détention illégale, enlèvement ou «disparition forcée» ne peut être qualifié d’infraction politique, l’application de cette interdiction en droit interne ne fait aucun doute.

129.Les mêmes arguments et le même raisonnement servent à établir que toutes les obligations contenues dans cette prescription sont reprises et demeurent en vigueur dans le droit interne, outre qu’elles ont été intégrées par la ratification et que la loi renvoie expressément à la Convention.

130.Enfin, en application de l’article 2 de la loi no 4/1985 du 24 mars, «l’extradition peut être accordée pour les faits faisant encourir dans la législation espagnole et celle de la partie requérante une peine ou mesure de sûreté dont la durée est d’au minimum un an de privation de liberté à son degré supérieur ou une peine plus élevée, ou s’agissant de la condamnation à une peine ou mesure de sûreté de quatre mois de privation de liberté au minimum pour des faits également qualifiés dans la législation espagnole». Les peines prévues pour ces infractions remplissent amplement les prescriptions de l’article 13 de la Convention. En outre, le fait, déjà examiné dans le présent rapport, que la qualification de la disparition forcée dans l’ordre juridique interne est appliquée à différentes infractions appelées différemment, ne signifie nullement que les autorités espagnoles peuvent refuser l’entraide judiciaire ou la demande d’extradition au motif de cette infraction en prétextant l’absence d’exigence de double incrimination. La pratique des tribunaux espagnols en la matière est limpide et il est régulièrement rappelé que l’exigence de double incrimination n’équivaut pas à une similitude de nomen j uris, mais qu’elle se concrétise en ce sens que le fait donnant lieu à une demande d’extradition ou d’entraide judiciaire, est également qualifié selon la législation espagnole.

Article 14Entraide judiciaire

131.Le régime d’entraide judiciaire international est largement réglementé dans la loi organique du pouvoir judiciaire (art. 276 à 278) qui prévoit la coopération internationale tant active que passive et la soumet aux dispositions des traités et conventions internationaux auxquels l’Espagne est partie. La loi dispose en matière de coopération active comme suit: «Les demandes de coopération internationale seront adressées par l’entremise du Tribunal suprême, du tribunal supérieur de justice ou de l’Audiencia au Ministère de la justice qui les fera parvenir aux autorités compétentes de l’État requis, par voie consulaire ou diplomatique, ou directement si les traités ou conventions le prévoient.» (art. 276 de la loi).

132.Quant à la coopération passive, la loi dispose que les tribunaux offriront aux autorités judiciaires étrangères la coopération qu’elles demandent pour exercer leur fonction juridictionnelle, comme le prévoient les traités et conventions internationaux auxquels l’Espagne est partie et, à défaut, au motif de la réciprocité comme l’établit l’article suivant. La disposition de la Convention en matière d’entraide est ainsi pleinement respectée.

Article 15Coopération judiciaire entre les États

133.L’entraide, obtenue par voie juridictionnelle et au cours de procédures pénales, est conforme à ce qui est exposé dans le commentaire concernant l’article 14, d’où la conclusion que l’Espagne accédera pleinement à la demande d’entraide selon les conditions établies par la Convention.

134.De plus, concernant la coopération entre pays signataires, relative aux victimes, l’Espagne attend la directive actuellement examinée, déjà approuvée en première lecture le 12 septembre 2012 par le Parlement européen et qui devrait être adoptée par le Conseil, dont l’article 26 impose la coopération en matière de reconnaissance et protection des victimes. Elle doit remplacer la décision-cadre 220/2001 JAI actuellement en vigueur. Aujourd’hui, dans l’attente du texte définitif de la directive, un avant-projet de loi relatif au statut des victimes est en cours d’examen: il comprend, d’une part, la définition élargie de la victime directe et indirecte au sens de l’article 24.1 de la Convention et, d’autre part, la liste des droits des victimes selon les caractéristiques et la gravité de l’infraction, leur situation personnelle et familiale concrète et son évaluation, ainsi que la coopération internationale en la matière.

Article 16Expulsion, refoulement, remise ou extradition des personnes

135.Dans l’ordre juridique et la pratique judiciaire espagnole, il existe un certain nombre de garanties qui entendent éviter et évitent que les refoulements ou remises de personnes demandés à un État laissent supposer pour ces dernières le risque d’une violation de leurs droits de l’homme et libertés fondamentales, notamment celui d’être victime d’une infraction du fait directement ou indirectement de l’État, telle que la disparition forcée.

136.Ainsi, selon la loi d’extradition, la remise des personnes dans le cadre des extraditions passives est toujours potestative pour l’État espagnol (art. 2); les procédures d’extradition garantissant l’audition de la personne et l’intervention déterminante de l’autorité judiciaire et du ministère public (art. 6, 11, 12 et suiv.) lorsque la liberté de la personne est en jeu; le refus d’extrader est également prévu dans les cas de délits politiques, idéologiques ou d’opinion, dans les cas où l’État requérant ne garantirait pas que la personne extradée ne sera pas soumise à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ou attentatoires à son intégrité physique, ou qu’existent des raisons de penser que les droits de la personne à extrader seront violés.

137.Le mandat d’arrêt européen et les procédures de remise entre États membres de l’Union européenne (décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil) supposent une reconnaissance réciproque des décisions judiciaires entre ces États sans intervention des pouvoirs exécutifs et gouvernementaux. En Espagne, leur intégration dans le droit interne comme mécanisme remplaçant l’extradition au plan européen résulte de la loi no 3/2003 du 14 mars relative au mandat d’arrêt et de remise européen.

138.Le système se fonde sur la constatation de la création par l’Union européenne d’un espace commun de liberté, de sécurité et de justice où la législation garantit et les tribunaux assurent la protection effective des droits des citoyens, notamment le droit à la libre circulation, raison pour laquelle il existe dans tous les États membres de l’Union européenne, par mandat impératif découlant des traités, les mêmes exigences de reconnaissance et de protection des droits de l’homme et libertés fondamentales. Il faut également prendre en compte que, selon ladite loi, figurent, entre autres faits justifiant la remise, «l’enlèvement, l’arrestation/détention illégale et la prise d’otages» (art. 9.1).

139.La législation en vigueur en Espagne en matière d’étrangers est la loi organique no 4/2000 du 11 janvier relative aux droits et libertés des étrangers en Espagne et leur intégration sociale, qui a été l’objet de nombreuses réformes (lois organiques nos 8/2000, 14/2003, 2/2009 et 10/2011) et d’opinions marquantes du Tribunal constitutionnel. Cette loi prévoit l’expulsion d’étrangers pour sanctionner des infractions graves ou très graves, ou comme mesure de substitution à certaines peines privatives de liberté.

140.Ces mesures d’expulsion peuvent être limitées par invocation de circonstances qui fonderaient l’octroi de l’asile, du statut de réfugié et d’une protection dans les cas notamment de risque avéré pour les droits de l’homme et libertés fondamentales des étrangers.

141.Il convient, en conséquence, de mentionner la législation espagnole en matière d’asile et de statut de réfugié, à savoir la loi no 12/2009 du 30 octobre réglementant le droit d’asile et la protection subsidiaire. Cette loi établit un système accompli de protection des droits fondamentaux des réfugiés à partir du cadre fixé par la Convention de Genève de 1951, du Protocole de New York de 1967 et des Directives 2003/86/CE, 2004/83/CE et 2005/85/CE du Conseil. Elle empêche la remise des personnes auxquelles est reconnue la condition de réfugié (art. 3) ou la protection subsidiaire (art. 4).

142.L’allégation du risque de violation des droits ou libertés fondamentaux par une personne qui, pour certains des motifs ou actes susmentionnés, est l’objet d’une accusation qui peut se solder par sa remise à un autre État ou son extradition vers cet État, est toujours examinée par un tribunal qui dispose des instruments processuels et des mesures provisoires lui permettant de rendre une décision urgente sur la véracité ou la vraisemblance de l’allégation et, si elle est avérée, la suspension de la remise – loi no 29/1998, du 13 juillet, réglementant la juridiction contentieuse-administrative qui contient une procédure spéciale abrégée, prioritaire et urgente pour la protection des droits fondamentaux de la personne face aux actes des administrations publiques (art. 114 et suiv.), en application de l’article 53.2 de la Constitution (comme il est indiqué aux paragraphes 37 à 40 du présent rapport).

Article 17Détention et privation de liberté

143.L’article 17 commence par la déclaration suivante: Nul ne sera détenu en secret. Il impose ensuite aux États parties une série d’obligations en matière de liberté qui doivent figurer dans leur législation. Il prévoit également l’établissement et la tenue à jour d’un ou de plusieurs registres et/ou dossiers officiels des personnes privées de liberté et énonce les informations minimales qui doivent y figurer. Les commentaires porteront par conséquent sur quatre rubriques: a) La privation de liberté; b) Les registres; c) Les mécanismes indépendants d’inspection des lieux de détention; d) Le service administratif d’inspection des établissements pénitentiaires.

1.La privation de liberté

144.La Constitution considère la liberté des personnes comme une valeur supérieure dans l’ordre juridique en affirmant, en son article 1.1, que «l’Espagne constitue un État de droit, social et démocratique, qui défend comme valeurs suprêmes de son ordre juridique la liberté, la justice, l’égalité et le pluralisme politique» et, en conséquence, a établi un ensemble de normes dans ses dispositions, les lois organiques et les lois ordinaires, qui visent à garantir la liberté des citoyens et à réglementer les mesures de protection auxquelles la privation de liberté doit être soumise.

145.En application de l’article 17 de la Constitution, les privations de liberté de personnes par des agents des forces et corps de sécurité sont dues exclusivement à la commission d’infractions pénales ou, selon le cas, aux seuls effets de l’identification de personnes dans le cadre de la sûreté publique, aux fins de prévention d’infractions, ou d’identification des auteurs d’infractions administratives, en respectant toutes les garanties constitutionnelles et légales, comme en disposent les articles des lois ci-après.

146.Pour appliquer ces prescriptions constitutionnelles, les cinq instruments ci-dessous visent à préserver la liberté des personnes, ainsi qu’à interdire les actes d’arrestation/détention arbitraire et à engager les poursuites.

a)Loi de procédure criminelle

147.Cette loi régit d’une manière exhaustive la citation, la privation de liberté et la détention provisoire (art. 486 à 519) et dispose «Qu’aucun Espagnol ni étranger ne peut être arrêté sinon dans les cas et selon la forme prévue par la loi» (art. 489). Elle réglemente également les cas où cette arrestation est possible et les limite aux auteurs d’infractions ou aux prisonniers évadés et, en général, en cas de suspicion, par l’autorité, de l’existence de la commission d’un acte revêtant les caractéristiques d’une infraction ou de la participation de personnes à la commission (art. 492). L’arrestation/détention est le fait de l’autorité ou la police judiciaire et exceptionnellement, dans les cas de flagrance, de fugue ou de défaut de comparution, de particuliers (art. 490) qui doivent remettre immédiatement la personne à l’autorité.

148.Selon la loi, la personne arrêtée est informée immédiatement et de manière compréhensible pour elle des faits qui lui sont reprochés, des motifs de son arrestation, ainsi que de ses droits (art. 520.2). Parmi ces droits (indépendamment des droits de garder le silence, de ne pas témoigner contre elle-même, de ne pas se déclarer coupable, qui ne font pas l’objet du présent rapport), figurent tous ceux visés par la Convention: droit d’informer une personne de son entourage ou toute personne de son choix de son arrestation et du lieu de détention et, s’agissant d’un étranger, de prendre contact avec les services consulaires de son pays (art. 520.2.d), droit de demander l’assistance d’un avocat dans toutes les enquêtes policières et judiciaires (art. 520.c), qui, à défaut, sera commis d’office.

149.Cette liste de droits empêche de garder toute détention secrète.

b)Loi d’ h a beas corpus

150.Quant aux cas d’arrestation/détention illégale et, en application de l’article 17.4 de la Constitution, ils relèvent de la loi organique no 6/1984, du 24 mai, qui réglemente la procédure d’habeas corpus, tout particulièrement ses articles 1, 3, 5, 6 et 8. Cette loi établit une procédure simplifiée (24 heures), accélérée, non formaliste, générale et universelle pour que le juge d’instruction décide à titre exécutif si l’arrestation/détention est ou non illégale, arbitraire, excessive ou abusive et y mette immédiatement fin. Elle prévoit également que le juge, après vérification, déclenche la procédure pénale en vue de poursuivre et sanctionner quiconque a ordonné l’arrestation/détention illégale ou maintenu sous sa garde la personne privée de liberté. Quiconque garde une personne détenue et ne transmet pas immédiatement au juge la demande d’habeas corpus formulée par elle peut devoir en répondre.

151.Le juge peut engager la procédure d’office; sont également habilités à former une demande, outre la personne privée de liberté, son conjoint ou la personne unie par un lien affectif analogue, ses descendants, ascendants, frères et, selon le cas, les représentants légaux de mineurs et de personnes incapables, de même que le Défenseur du peuple et le ministère public (art. 3).

152.Eu égard à l’habilitation de la personne privée de liberté qui doit, non pas, être une hypothèse de pur formalisme juridique, mais un droit réel et effectif, la Directive 12/2007 du Secrétariat d’État à la sécurité au Ministère de l’intérieur dispose à la rubrique «Droits du détenu» et parmi les obligations des membres des forces et corps de sécurité de l’État que le détenu «sera également informé de son droit constitutionnel de former une action en habeas corpus s’il estime que sa détention ne se justifie pas légalement ou qu’elle se déroule dans des conditions illégales, en lui fournissant à cet effet le formulaire de demande joint en annexe» (voir en annexe I la Directive 12/2007).

c)Lois de protection de la sécurité publique et des forces et corps de sécurité

153.La loi organique no 1/1992 de protection de la sécurité publique, du 21 février, régit les cas d’identification obligatoire des citoyens devant les agents des forces et corps de sécurité de l’État (art. 20), en renvoyant, quant à une éventuelle détention ultérieure, aux dispositions de la loi de procédure criminelle.

154.Il convient de mentionner la loi organique no 2/1986 relative aux forces et corps de sécurité, du 13 mars et précisément son article 5 qui, au regard de son importance, est cité ci-dessous:

«Les principes fondamentaux des actes des membres des forces et corps de sécurité, quant au traitement de détenus, sont les suivants:

[…]

a)Les membres des forces et corps de sécurité doivent s’identifier au moment d’effectuer une arrestation;

b)Ils veilleront à la vie et l’intégrité physique des personnes qu’ils ont arrêtées ou qui se trouvent sous leur garde et respecteront leur honneur et leur dignité;

c)Ils respecteront avec la diligence voulue les formalités, délais et conditions requises par l’ordre juridique au moment de l’arrestation d’une personne.»

155.Ces dispositions sont complétées par des directives du Secrétariat d’État à la sécurité, qui relève du Ministère de l’intérieur. Concrètement, les conditions de traitement et de séjour des personnes gardées à vue relèvent de la Directive 12/2007, du Secrétariat d’État à la sécurité, relative à la conduite exigée des membres des forces et corps de sécurité de l’État pour garantir les droits des personnes placées en détention ou en garde à vue (voir l’annexe I susmentionnée).

d)Loi relative aux droits et libertés des étrangers en Espagne et leur intégration sociale

156.La loi organique no 4/2000, du 11 janvier, et son règlement adopté par le décret royal no 557/2011, du 20 avril, prévoient le cas de privation de la liberté de mouvement des étrangers en situation irrégulière dans l’hypothèse de certaines infractions graves ou très graves, par décision d’un juge d’instruction qui ainsi l’autorise, en reconnaissant aux étrangers placés dans les centres d’internement un ensemble de droits égaux à ceux reconnus aux personnes détenues, précédemment mentionnés.

e)Code pénal

157.Enfin, le Code pénal, comme il a été indiqué précédemment, qualifie l’infraction d’arrestation/détention illégale ou d’enlèvement, dans ses différentes formes d’exécution, notamment la disparition forcée, telle qu’elle est définie dans la Convention.

2.Registres

158.En complément de ce qui précède, tout élément lié à la garde à vue est consigné dans les registres ou dossiers correspondants des personnes privées de liberté, lesquels sont mis à disposition des autorités judiciaires à tout moment. Il faut à cet effet signaler la Directive 12/2009 du Secrétariat d’État à la sécurité, qui régit le registre des inscriptions et des gardes à vue. Cette directive réglemente d’une manière exhaustive l’inscription à l’arrivée du détenu dans les locaux de la police, le déroulement de la garde à vue et la fin par sa mise en liberté ou mise à la disposition de l’autorité judiciaire, toutes les informations demandées au paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention devant être consignées dans le registre ou dossier (voir la Directive 12/2009 en annexe II).

159.Le Secrétariat d’État à la sécurité a créé des registres particuliers où sont inscrits des personnes conduites au poste de police pour simple vérification d’identité, des mineurs arrêtés et des mineurs ou personnes handicapés exposés à des risques, comme le précise la quatrième consigne de la Directive 12/2009.

160.Il résulte de cette directive qu’il existe des registres officiels dans tous les locaux de la police où peuvent avoir lieu des privations de liberté, dont l’authenticité est garantie, où sont consignés tous les éléments relatifs aux personnes privées de liberté et les caractéristiques de leur arrestation/détention; l’autorité qui en est chargée, l’assistance médicale apportée, les médicaments fournis, l’aide juridique, l’autorité ou le juge à qui la personne détenue est remise, les visites reçues, la date et l’heure de la libération et tout autre renseignement pertinent. Ces registres sont mis à disposition des tribunaux, ainsi que du ministère public, qui décident de les examiner ou demandent des renseignements dans l’exercice de leurs fonctions.

161.Les locaux de la police disposent également d’un registre des identifications, distinct des registres précédents mais compatible, où sont consignées toutes les identifications, avec leurs particularités, effectuées au titre de la loi organique no 1/1992 relative à la protection de la sécurité publique, du 21 février (art. 20.3), qui est également mis à disposition des tribunaux et du ministère public.

162.Les personnes détenues dans des centres ou établissements pénitentiaires, nécessairement sur décision judiciaire, sont assujetties aux dispositions de la loi organique générale pénitentiaire no 1/1979 du 26 septembre et à son règlement adopté par le décret royal no 190/1996 du 9 février.

a)Loi organique générale pénitentiaire no 1/1979, du 26 septembre. Selon son article 15 «1. Le placement de toute personne dans un lieu de détention ou un établissement pour peine a lieu sur mandat ou ordonnance de l’autorité compétente. 2. Un dossier personnel est ouvert pour chaque détenu concernant sa situation judiciaire et pénitentiaire dont il a droit d’être informé et une évaluation de sa personnalité est établie;»

b)Décret royal no 190/1996, du 9 février, portant adoption du règlement pénitentiaire, en particulier ses articles 15 et 18. En vertu de cette réglementation, l’administration pénitentiaire procède aux formalités suivantes dès l’arrivée d’un détenu dans un centre pénitentiaire:

i)Identification: Les formalités commencent par la vérification de l’identité, en prenant le signalement, les empreintes digitales et une photographie, qui serviront ensuite à identifier la personne lors de toutes sorties en dehors de l’établissement, y compris sa remise en liberté. Le signalement et les empreintes sont réalisés uniquement la première fois, du fait de leur caractère immuable et seront classés lors de la remise en liberté ou du transfert, pour servir lors d’éventuels retours;

ii)Inscription et ouverture du dossier: Il est ensuite procédé à l’inscription dans le livre des entrées et à l’ouverture du dossier personnel, qui contient la chronologie de tous les événements pénitentiaires. Le dossier est rouvert à chaque retour, étant conservé au centre d’où le détenu a été libéré la dernière fois. La personne privée de liberté a le droit d’être informée à tout moment du contenu dudit dossier.

163.Les étrangers placés dans les centres de rétention administrative, en vertu obligatoirement d’une décision judiciaire rendue par un juge d’instruction pour une durée maximale de 60 jours, sont assujettis aux dispositions mentionnées plus haut – loi organique no 4/2000 et règlement adopté par le décret royal no 557/2011; leur situation et tous ses aléas sont inscrits sur la fiche individuelle qui est établie pour chaque étranger arrivant au centre de rétention administrative respectif et dans le registre central des étrangers relevant du Ministère de l’intérieur, auquel renvoie l’article 213 du règlement.

164.La conservation, la mise à jour et la tenue des livres, registres et dossiers sont garanties dans les dispositions tant disciplinaires et administratives que pénales. Ces pièces sont en effet assimilées à des documents selon l’article 26 du Code pénal qui établit qu’«aux effets du présent code, est considéré comme document tout élément matériel qui exprime ou contient des données, des faits ou des récits ayant force probante ou tout autre type à pertinence juridique» et leur destruction, leur soustraction ou falsification font encourir une sanction pénale. L’autorité ou le fonctionnaire qui, sciemment, soustrait, détruit, délaisse ou dissimule, totalement ou partiellement des documents dont la garde lui est confiée de par sa fonction, encourt des peines de un à quatre ans d’emprisonnement, une peine d’amende de sept à vingt-quatre mois et l’interdiction spéciale d’exercer un emploi ou une charge dans la fonction publique durant trois à six ans (art. 413 du Code pénal). L’article 390 du Code pénal dispose:

«1.Encourt un emprisonnement de trois à six ans, une peine d’amende de six à vingt-quatre mois et une interdiction spéciale pendant deux à six ans l’autorité ou l’agent de la fonction publique qui, dans l’exercice de ses fonctions, commet une falsification:

1.En modifiant certains éléments ou prescriptions essentiels d’un document.

2.En contrefaisant totalement ou partiellement un document, de manière à faire croire à son authenticité.

3.En présumant à tort l’intervention de tiers dans l’établissement d’un acte ou en attribuant aux tiers qui sont intervenus des déclarations ou expressions différentes de celles qu’ils auraient faites.

4.En mentant dans le récit des faits. […]»

3.Mécanismes indépendants d’inspection des lieux de détention

165.Au nom du principe de transparence, tous les lieux de détention, rétention et garde de personnes sont soumis au contrôle des mécanismes ci-après:

a)Comité des Nations Unies contre la torture et Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe

166.Les représentants de ces comités peuvent, à tout moment, demander à connaître les installations et leur fonctionnement, comme ils l’ont fait à maintes reprises sans avoir jamais constaté de cas de disparition de personnes.

167.Une fois la demande formulée, le Ministre de l’intérieur envoie les autorisations en moins de 48 heures, leur permettant ainsi d’accéder à tout lieu de détention, de rétention administrative et de garde de personnes, tandis qu’est désigné un agent de liaison chargé d’assister les comités, le cas échéant.

168.À la fin de leur visite, les représentants demandent à rencontrer les autorités compétentes pour leur présenter leurs conclusions préliminaires, sans préjudice de leur rapport ad hoc.

169.La dernière visite effectuée par le Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe dans les locaux de la police et établissements pénitentiaires espagnols a eu lieu du 31 mai au 13 juin 2011.

b)Mécanisme national de prévention de la torture

170.La loi organique no 3/1981 dispose ainsi:

«Disposition finale unique. Mécanisme national de prévention de la torture.

1.Le Défenseur du peuple exercera les fonctions de mécanisme national de prévention de la torture en application de la Constitution, de la présente loi et du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

2.Un conseil consultatif est créé comme organe de coordination technique et juridique dans l’exercice des fonctions propres du mécanisme national de prévention, que présidera le représentant auquel le Défenseur du peuple délègue les fonctions prévues dans la présente disposition. Le règlement déterminera sa structure, sa composition et son fonctionnement.»

171.En application de ce projet, le Défenseur du peuple adopte une perspective de prévention dans le même sens que celle visée par le Sous-Comité des Nations Unies pour la prévention de la torture. À cet effet, le Défenseur du peuple effectue des inspections régulières, à l’improviste, des lieux de privation de liberté, élabore et diffuse un rapport annuel et adresse des recommandations aux autorités responsables, formule des propositions et des observations sur la législation en vigueur, maintient des contacts directs avec ledit Sous-Comité et encourage des activités de diffusion, de divulgation et de sensibilisation relatives aux questions liées au fonctionnement du mécanisme national.

172.En 2010, le mécanisme national a effectué les visites ponctuelles et au milieu de 2011 a publié son premier rapport annuel, accessible sur son site Web.

c)Centres pénitentiaires

173.Il convient de préciser ce qui suit:

a)Sans préjudice de l’application du régime général de garanties, la loi organique générale pénitentiaire confère au juge de l’application des peines les fonctions suivantes:

Préserver les droits des personnes privées de liberté et réparer les manquements et les irrégularités qui peuvent se produire dans l’exécution du régime pénitentiaire.

Approuver les peines d’emprisonnement cellulaire de plus de 14 jours.

Résoudre par voie de recours les demandes formulées par les personnes privées de liberté concernant les sanctions disciplinaires.

Décider de la suite à donner aux requêtes ou plaintes formulées par les personnes privées de liberté sur le régime et le traitement pénitentiaire qui porteraient atteinte aux droits fondamentaux ou aux droits et aménagements de peines qui y sont rattachés.

Effectuer des visites des établissements que prévoit la loi de procédure criminelle.

b)En fait, le juge de l’application des peines, membre du pouvoir judiciaire et, partant, rattaché à l’administration pénitentiaire, rend des visites quotidiennes dans les centres pénitentiaires pour notamment s’entretenir avec les personnes privées de liberté et traiter leurs plaintes et requêtes;

c)Le centre pénitentiaire est un milieu de cohabitation perméable, où la société partage, par l’entremise de collaborateurs de différentes institutions et organisations non gouvernementales, la responsabilité des moyens de réhabilitation et d’appui assurés aux personnes privées de liberté. Ce principe permet d’ouvrir les centres aux familles, avocats, confessions religieuses, associations et autres groupes qui font partie de la vie ordinaire carcérale et deviennent logiquement les garants des activités pénitentiaires. Plus de 700 organisations, totalisant 6 500 collaborateurs extérieurs, travaillent actuellement aux côtés de l’administration pénitentiaire.

4.Service administratif d’inspection des centres pénitentiaires

174.L’Inspection des services pénitentiaires, rattachée au Secrétariat général des institutions pénitentiaires et relevant du Ministère de l’intérieur, a rang de sous-direction générale et exerce la surveillance des services, organismes et établissements, notamment en ce qui concerne le personnel, les modalités, les installations et dotations, ainsi que le traitement des informations confidentielles et des dossiers de mesures disciplinaires prises envers des fonctionnaires. En définitive, la réglementation espagnole établit un système de détention de pleine garantie, caractérisé par la règle de la transparence, qui empêche tous risques de détention en secret mentionnée à l’article 17 de la Convention.

Article 18Garanties

175.Il faut préciser que le commentaire concernant l’article 17 de la Convention fait état des registres officiels où sont dûment consignés les éléments d’identification, la détention, la garde, le placement en garde à vue ou dans un établissement pénitentiaire de toute personne, ainsi que les circonstances et les conséquences de cette privation de la liberté de mouvement.

176.Ces registres officiels sont à la disposition des tribunaux compétents et du ministère public, qui peuvent les consulter en agissant d’office dans l’exercice de leurs compétences ou saisis d’une demande de la personne qui y est habilitée. De plus, les avocats désignés par les personnes placées dans un lieu de détention ou un établissement pour peine peuvent accomplir tous les actes nécessaires à la défense des intérêts de leurs clients, notamment demander ou examiner les dossiers précités.

177.Le paragraphe 1 du présent article dispose que tout État partie garantit à toute personne ayant un intérêt légitime le droit d’accéder à certaines informations relatives à la personne privée de liberté.

178.Ainsi, il convient de rappeler à ce sujet que les procédures d’habeas corpus (figurant dans la loi organique no 6/1984), qui visent la mise en liberté immédiate ou la mise à disposition des autorités judiciaires de toute personne détenue illégalement et qui ont été examinées dans le contexte de l’article 17, peuvent être engagées directement par la personne privée de liberté (art. 3.a et 5 de la loi) et d’office par les tribunaux, le Défenseur du peuple et le ministère public sans préjudice du fait qu’elles s’étendent légalement aux conjoints ou personnes unies par un lien affectif analogue, aux ascendants, descendants, frères et représentants légaux (art. 3).

179.Si le juge compétent décide d’engager la procédure d’habeas corpus, toutes les personnes et institutions citées peuvent recevoir les informations que le juge estime pertinentes concernant la personne privée de liberté et son placement en garde à vue.

180.En outre, eu égard à toute détention légale, les familles, proches et avocats des personnes privées de liberté ont pleinement connaissance des circonstances de l’arrestation ou détention, dans les conditions prévues par la loi de procédure criminelle (voir article 520).

181.Concernant l’assistance dont doivent bénéficier les personnes privées de liberté, l’article 537 du Code pénal dispose que l’autorité ou le fonctionnaire qui empêche ou refuse l’exercice, par une personne placée dans un lieu de détention, du droit à l’assistance d’un avocat, fait renoncer cette personne à ladite assistance ou ne lui énonce pas immédiatement et d’une manière qui lui soit compréhensible ses droits et les raisons de la privation de liberté, encourt une peine d’amende de quatre à dix mois et l’interdiction spéciale d’occuper un emploi ou une charge de la fonction publique pendant deux à quatre ans.

182.En outre, les articles 51 et 52 de la loi organique générale pénitentiaire no 1/1979 du 26 septembre, laquelle est essentielle dans le système pénitentiaire, établissent:

«Article 51:1. Les personnes privées de liberté sont autorisées à communiquer périodiquement, verbalement ou par écrit, dans leur propre langue, avec leur famille, amis et représentants habilités d’organisations et institutions de coopération pénitentiaire, excepté dans les cas de placement au secret; 2. Les communications avec l’avocat expressément appelé par les inculpés et les avoués qui les représentent se déroulent dans les services appropriés et ne peuvent être suspendues ni interrompues sauf par ordonnance de l’autorité judiciaire et dans les cas de terrorisme; 3. Dans les mêmes services, les personnes privées de liberté sont autorisées à communiquer avec des spécialistes reconnus dans leur branche d’activité, des assistants sociaux et des prêtres ou ministres de leur confession; 4. Les communications prévues dans le présent article peuvent être téléphoniques.

Article 52:1. Dans les cas de décès, de maladie ou d’accident grave de la personne privée de liberté, le directeur informe le parent le plus proche ou quiconque désignée par elle; 2. La personne privée de liberté est également informée du décès ou de la maladie grave d’un parent proche ou de la personne qui lui y est intimement liée; 3. Toute personne privée de liberté a le droit de communiquer immédiatement à sa famille et son avocat son placement en détention, de même que son transfert dans un autre établissement dès son arrivée.»

183.Enfin, il convient de souligner que les violences ou mauvais traitements sont des conduites proscrites par la loi qui, dans tous les cas, sont punissables et engagent la responsabilité pénale de leurs auteurs.

184.Le paragraphe 2 de l’article 18 de la Convention dispose que des mesures appropriées sont prises, «le cas échéant», pour assurer la protection des personnes visées au paragraphe 1, qui participent à l’enquête ou à la recherche d’informations concernant une personne privée de liberté. En outre, la loi organique no 19/1994, du 23 décembre, relative à la protection des témoins et des experts dans les affaires pénales (art. 1 à 3) contient les garanties de sécurité et d’intégrité.

185.Ces mesures, dans le cas d’étrangers qui sont victimes d’organisations criminelles vouées au trafic ou à la traite des êtres humains et collaborent avec les autorités judiciaires ou policières, se concrétisent dans les possibilités d’accueil ou de renvoi dans leur pays d’origine comme en disposent les articles 59 et 59 bis de la loi organique no 4/2000 relative aux droits et libertés des étrangers en Espagne et leur intégration sociale, du 11 janvier.

186.Il ressort de ce qui précède que la législation espagnole respecte les dispositions de la Convention.

Article 19Information personnelle concernant la personne privée de liberté

187.L’obtention, la conservation, le traitement automatisé, l’utilisation et l’échange de données personnelles, qui s’entendent de tous renseignements concernant des personnes physiques identifiées ou identifiables, sont soumis à un système perfectionné d’intervention et de protection dès lors qu’ils touchent au «droit fondamental à la vie privée».

188.Les limites d’utilisation et des interdictions prévues dans la Convention sont reprises dans les dispositions de la loi organique no 15/1999 relative à la protection des données à caractère personnel, du 13 décembre, promulguée en application de l’article 18.4 de la Constitution qui dispose que «la loi limite l’usage des données informatiques pour préserver l’honneur et l’intimité personnelle et familiale des citoyens et le plein exercice de leurs droits».

189.Les limites établies par la Convention se retrouvent également dans les dispositions des articles 37 et correspondants de la loi de procédure administrative commune qui régit l’accès et le recours aux données figurant dans les archives et registres des autorités publiques.

190.La mention explicite de la protection spéciale ou limitation de l’usage de données médicales et génétiques que contient la Convention correspond dans le droit interne à l’insertion de ces données dans la catégorie des «données spécialement protégées» qui leur confère une protection supplémentaire dans l’ordre juridique (art. 7.3, 8 et autres de la loi relative à la protection des données).

191.Les limitations d’utilisation ou de révélation de données ne s’appliquent pas à l’égard des tribunaux compétents comme il apparaît notamment à l’article 11.2 d) de la loi organique du pouvoir judiciaire.

192.Enfin, il faut ajouter la Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques quant au traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (art. 7) et de la loi organique relative à protection des données, ainsi que la législation sanitaire. Selon l’article 7 de la directive: «Les États membres prévoient que le traitement de données à caractère personnel ne peut être effectué que si: e) Il est nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique, dont est investi le responsable du traitement ou le tiers auquel les données sont communiquées. f) Il est nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le ou les tiers auxquels les données sont communiquées, à condition que ne prévalent pas l’intérêt ou les droits de l’homme et libertés fondamentales de la personne concernée, qui appellent une protection au titre du paragraphe 1 de l’article premier.»

193.Dans le cas de données génétiques, l’article 5.1 g) de la loi organique no 15/1999 définit comme données à caractère personnel liées à la santé «les informations concernant la santé passée, présente et future, physique ou mentale, d’un individu» et ajoute «en particulier, sont considérées comme données liées à la santé des personnes les éléments relatifs au pourcentage d’invalidité et aux informations génétiques». Le transfert de données à des tiers est soumis, en règle générale, au consentement préalable de la personne concernée, ou il doit être fondé sur un texte légal qui n’empêcherait pas de les transmettre aux organes de la juridiction pénale durant la procédure aux effets de l’article 19 de la Convention; sinon, s’impose la règle générale du consentement préalable du titulaire sauf à de rares exceptions (art. 11.2 a) et c) à f) de la loi organique no 15/1999).

194.De plus, la loi organique no 10/2007, du 8 octobre, qui réglemente la base de données de la police sur les identificateurs obtenues à partir de l’ADN, dispose comme suit:

Seules les empreintes génétiques, révélatrices exclusivement de l’identité et du sexe peuvent être inscrites.

L’utilisation et le transfert éventuels de données doivent respecter les règles d’application et de traitement particulier des fichiers où cette information est enregistrée, en vertu des dispositions de l’article 7.2 de la loi organique no 10/2007: ainsi, lorsque le traitement est effectué aux fins d’identification de cadavres ou de recherche de personnes disparues, en particulier d’enfants soustraits à leurs parents au moment de la naissance sous prétexte de leur décès, les données incluses dans la base de données visée par la loi pourront uniquement servir à l’enquête pour laquelle elles ont été obtenues.

Les échantillons ou restes prélevés à des fins d’analyses biologiques sont remis aux laboratoires dûment reconnus de l’Institut national de toxicologie et de médecine légale; l’autorité judiciaire est habilitée à se prononcer sur leur conservation ultérieure.

Les données sont conservées selon les dispositions de l’article 9.2 de la loi organique no 10/2007 du 8 octobre pour que celles qui appartiennent à des personnes défuntes soient supprimées dès que le responsable de la base de données est informé du décès, excepté dans les cas visés à l’article 3.1.b) concernant l’inscription des identificateurs obtenus lors de l’identification des restes cadavériques ou de recherche de personnes disparues, auquel cas elles seront conservées jusqu’à l’achèvement des procédures correspondantes.

195.La suppression dans la base de données des identificateurs obtenus à partir de l’ADN élimine ipso facto les empreintes génétiques et détruit l’échantillon biologique original.

196.Le Règlement général sur la protection des données à caractère personnel, qui est en cours d’examen dans l’Union européenne, vise à introduire dans son considérant 58, à l’initiative du Ministère espagnol de la justice, l’évaluation de l’intérêt public dans toute enquête officielle préjudicielle relative à des irrégularités dans l’attribution de la filiation naturelle et de l’état civil pour permettre de pondérer la finalité et l’usage des données par l’intérêt légitime de la personne concernée et préserver ainsi le nécessaire consentement préalable au transfert.

Article 20Droit de la personne privée de liberté aux informations

197.Au titre de cet article, la Convention prévoit des exceptions au droit aux informations visé à l’article 18, ainsi que la possibilité d’un recours judiciaire pour obtenir ces informations, qui ne peut être suspendu ou limité en aucune circonstance.

198.Ce principe laisse entendre que le caractère exceptionnel de la non-communication de la privation de liberté d’une personne se limite aux cas concrets d’infractions graves, selon les conditions et les garanties établies à l’article 520 bis de la loi de procédure criminelle:

«1.Toute personne détenue comme auteur présumé de l’une des infractions visées à l’article 384 bis (infractions commises par des personnes appartenant ou liées à des groupes armés ou des terroristes ou rebelles) sera mise à disposition du juge compétent dans les soixante-douze heures qui suivent son arrestation. Nonobstant, la privation de liberté peut se prolonger pour une durée supplémentaire aux fins d’enquête, mais ne peut dépasser quarante-huit heures, pour autant que cette prolongation faisant l’objet d’une demande motivée dans les quarante-huit premières heures après l’arrestation soit autorisée par le juge dans les vingt-quatre heures qui suivent. Tant l’autorisation que le refus du renouvellement sont adoptés par une décision motivée.

2.Si une personne est arrêtée pour les motifs visés au paragraphe précédent, il peut être demandé au juge d’ordonner son placement au secret, lequel doit se prononcer par une décision motivée dans les vingt-quatre heures. Dès la formulation de la demande, la personne sera gardée au secret sans préjudice du droit à la défense et des dispositions des articles 520 et 527, jusqu’à ce que le juge ait rendu la décision pertinente.

3.Durant la privation de liberté, le juge peut à tout moment, personnellement ou par l’entremise du juge d’instruction, s’informer de la situation de la personne détenue.»

199.Outre l’article 520 de la loi de procédure criminelle, cité dans les commentaires concernant l’article 18 de la Convention, l’article 527 dispose que la personne privée de liberté durant sa mise au secret ne peut exercer les droits énoncés dans le présent chapitre, à l’exception des droits établis à l’article 520, moyennant les modifications suivantes: a) Dans tous les cas, un avocat lui sera commis d’office; b) Il n’a pas droit aux communications prévues à l’alinéa d) du paragraphe 2 et c) Il n’a pas droit de s’entretenir avec son avocat.

200.Eu égard au non-respect de ces prescriptions, l’article 531 du Code pénal dispose que: «L’autorité ou l’agent de la fonction publique qui, sous peine d’infraction, octroie, pratique ou prolonge la mise au secret d’une personne privée de liberté, en violation des délais et autres garanties constitutionnelles ou légales, s’expose à la peine d’interdiction spéciale d’exercer un emploi ou une charge dans la fonction publique pendant deux à six ans.» Il s’agit partant d’un cas, unique dans la législation espagnole, de mise au secret de détenus qui résulte des agissements de groupes armés ou terroristes, soumis nonobstant au contrôle permanent de l’autorité judiciaire. Les limitations au droit aux informations qui en découlent correspondent à ce qu’autorise «à titre exceptionnel» l’article 20 de la Convention.

201.En outre, dans le sens du respect par l’Espagne de l’article 20 de la Convention, il convient de préciser que, dans l’ordre juridique interne, l’allégation de la défense de l’intimité de la personne en vue de limiter l’accès aux données ou informations contenues dans les livres, registres, fichiers ou dossiers personnels (voir le commentaire concernant l’article 17 de la Convention), où sont inscrits obligatoirement toutes les circonstances et les conséquences touchant les personnes privées de liberté au motif d’arrestation, de garde à vue, d’identification ou de détention, ne saurait en aucun cas être invoquée eu égard aux autorités qui ont pour fonction de protéger et garantir les droits fondamentaux, ainsi que d’enquêter sur les actes délictueux et de les sanctionner.

202.L’article 11 de la loi organique relative à la protection des données dispose comme suit:

«1.Les données à caractère personnel […] ne peuvent être communiquées […] qu’avec le consentement préalable de l’intéressé.

2.Le consentement exigé au paragraphe précédent n’est pas nécessaire: […] d) Quand la communication est destinée au Défenseur du peuple, au ministère public ou aux tribunaux […] dans l’exercice de leurs fonctions […]».

203.Si la limitation d’accès auxdites données devait se fonder sur des raisons de sécurité ou de préjudice dans une enquête pénale, il appartiendrait au juge de décider du bien-fondé de cette limitation au regard des circonstances de l’espèce, en adoptant éventuellement des mesures de protection ou provisoires, telles que le secret de l’instruction (art. 301 et 302 et correspondants de la loi de procédure criminelle).

204.Le refus éventuel d’un organe juridictionnel ou administratif d’accorder à des personnes habilitées les informations concernant une arrestation/détention est susceptible d’être annulé juridiquement:

a)Si le refus intervient dans le cadre d’une procédure pénale, l’annulation fera l’objet de recours prévus par la loi de procédure criminelle;

b)Si le refus résulte d’un acte de l’administration publique, il peut être contesté sur la base de la loi relative à la juridiction administrative et, le cas échéant, selon la procédure spéciale que ladite loi établit pour la protection des droits fondamentaux. Si le refus de l’administration publique (à savoir autorité, agent, fonctionnaire ou personne qui a ordonné ou exécuté la mise en détention ou qui est chargée de la garde) intervient dans une procédure d’habeas corpus, le juge d’instruction qui l’aura engagée peut immédiatement la révoquer (art. 5, 7 et correspondants de la loi organique d’habeas corpus).

Article 21Mise en liberté

205.Cet article dispose que toutes les mesures nécessaires seront prises pour que la remise en liberté d’une personne se déroule selon les modalités qui permettent de vérifier avec certitude qu’elle a été effectivement libérée, mais aussi pour assurer son intégrité physique et le plein exercice de ses droits. Dans les commentaires concernant les articles 17 et 18, tous les moyens instrumentaux dont dispose le droit interne pour rendre effective l’interdiction des détentions en secret ont été exposés. L’exigence de l’intervention judiciaire rapide – immédiate dans le cas de l’habeas corpus – ainsi que les documents et la consignation obligatoire de toutes les conséquences qui touchent la personne privée de liberté dans les livres, registres, dossiers et fichiers officiels et authentiques qui existent dans tous les centres ou établissements de détention, de garde à vue et de rétention administrative sont au nombre de ces moyens.

206.Les instruments précités servent également à s’assurer du fait qu’une personne privée de liberté est libérée. L’autorité judiciaire se charge de vérifier que la remise en liberté d’un détenu en Espagne est effective, si une arrestation/détention illégale s’est produite auparavant, comme en dispose la loi organique no 6/1984 portant réglementation de la procédure d’habeas corpus. La remise en liberté des personnes détenues dans un centre ou établissement pénitentiaire, ou placées dans un établissement par une autorité ou un fonctionnaire avant d’être mises à disposition du juge, a lieu sous la conduite de l’autorité judiciaire et demeure ainsi consignée, avec l’indication du jour, de l’heure et du lieu, tant à l’instance judiciaire que dans les livres, registres et fichiers des établissements mentionnés. Ces documents et cette intervention garantissent que la remise en liberté est un fait réel et certain.

207.La même certitude résulte de la preuve documentaire consignée dans les livres, registres, dossiers et fichiers des établissements de détention, quand la remise en liberté est immédiate sans que le détenu soit mis à la disposition de la justice.

208.Il convient enfin d’établir que toute personne qui se sent menacée dans son intégrité ou ses droits peut le faire savoir aux forces et corps de sécurité de l’État et demander une protection. Le Ministère de l’intérieur, après examen de l’importance et la réalité de la menace, adopte les mesures de sécurité appropriées.

209.Quant aux cas d’arrestation/détention légale, il convient de se reporter aux commentaires concernant l’article 17 de la Convention, où il est question de la garde à vue et la sortie des services de police. Dans le domaine pénitentiaire, il faut souligner la loi organique générale pénitentiaire no 1/1979 du 26 septembre (en particulier son article 17) et le règlement pénitentiaire adopté par le décret royal no 190/1996, du 9 février (art. 30).

210.Il ressort de ce qui précède que la mise en liberté effective du détenu ou sa mise à disposition du juge peut être, dans tous les cas, vérifiée dans les documents, de même que tous les droits inhérents à la personne demeurent garantis.

Article 22Prévention et sanction des privations de liberté illégales

211.Outre exiger des États qu’ils qualifient et poursuivent pénalement les personnes qui participent sous leurs diverses formes à des actes qualifiés de disparition forcée, d’arrestation/détention illégale ou d’enlèvement, la Convention demande aux mêmes États d’adopter les mesures nécessaires pour prévenir et sanctionner d’autres agissements connexes ou liés à ces disparitions.

212.À cet égard et selon la législation, il convient de préciser ce qui suit:

213.La procédure d ’ habeas corpus remplit en Espagne l’exigence formulée à l’alinéa f) du paragraphe 2 de l’article 17 de la Convention. Les décisions du juge d’instruction dans ce type de procédure abrégée et urgente sont exécutoires et intrinsèquement rapides du fait du caractère pressant des délais (24 heures); il peut ordonner immédiatement la suppression de tout obstacle qui empêche de connaître de la demande de libération, d’auditionner le détenu ou de l’entendre sur place, d’entendre les parties qui auront exécuté ou ordonné la mise en détention, d’administrer la preuve qu’il estime nécessaire pour pouvoir rendre une décision et d’exécuter ou de faire exécuter la décision adoptée.

214.L’opposition, l’entrave ou l’obstruction aux décisions du juge constituent des infractions pénales sans préjudice, comme il est précisé dans le commentaire concernant l’article 17 de la Convention, des sanctions disciplinaires auxquelles s’exposent les fonctionnaires ou autorités qui en sont responsables. À titre d’exemple, l’article 5 de la loi organique d’habeas corpus dispose que: «L’autorité dirigeante, son agent ou le fonctionnaire sont tenus de porter immédiatement à la connaissance du juge compétent la demande d’habeas corpus, formée par la personne privée de liberté placée sous leur garde. À défaut de remplir cette obligation, le juge leur adressera une admonestation, sans préjudice des responsabilités pénales et disciplinaires qu’ils pourraient encourir.»

215.Le commentaire concernant le paragraphe 2 de l’article 20 de la Convention fait état des voies de recours contre l’éventuel refus opposé par l’autorité judiciaire ou administrative à l’obtention des données figurant dans les livres, registres et fichiers des centres ou établissements de détention, de garde à vue ou de rétention administrative.

216.Ces voies de recours sont établies par le système instauré par la loi de procédure criminelle et la loi sur la juridiction administrative qui contiennent les instruments permettant de faire face aux retards éventuels.

217.Les manquements à l’obligation de tenir correctement les livres et registres administratifs, dossiers et fichiers correspondants et d’y enregistrer toutes les conséquences liées aux détentions ou privations de la liberté de mouvement exposent les autorités ou agents responsables à des mesures disciplinaires, s’agissant d’infractions administratives.

218.Le refus de fournir des informations contenues dans les documents mentionnés ci-dessus, qu’il serait pertinent de communiquer, fait encourir les mêmes sanctions administratives disciplinaires.

Article 23Formation du personnel militaire ou civil chargé de l’application des lois, du personnel médical et des agents de la fonction publique

219.Le paragraphe 1 de cet article dispose que tout État partie veille à ce que la formation du personnel militaire ou civil chargé de l’application des lois et des autres personnes qui peuvent intervenir dans la garde ou le traitement de toute personne privée de liberté puisse inclure l’enseignement et l’information nécessaires concernant les dispositions de la présente Convention.

220.À cet égard, il faut souligner l’importance dans le cadre du Ministère de l’intérieur de la formation permanente de son personnel (générale et spécialisée) comme l’attestent les éléments suivants:

a)Centres de formation propres relevant directement de la Direction générale de la police et de la Direction générale de la Garde civile: la Division de la formation et du perfectionnement pour le corps national de police et la Direction de l’enseignement pour le corps de la Garde civile, dont les fonctions se limitent exclusivement à la formation professionnelle des agents de police;

b)Formation dispensée aux fonctionnaires qui travaillent pour le Secrétariat général des institutions pénitentiaires.

221.Les éléments des forces et corps de sécurité de l’État, tant au moment d’intégrer les corps nationaux de police et de la Garde civile que durant leur carrière professionnelle dans le cadre de la formation continue, reçoivent des éléments d’enseignement sur le droit pénal et processuel, ainsi que sur les conditions légales des interventions de la police, en particulier l’arrestation des personnes, le traitement et la garde des personnes privées de liberté. Une attention prioritaire est également accordée aux mesures de formation en matière de droits de l’homme et d’emploi de la force, en vue d’adapter l’instruction dispensée aux critères d’intégrité, de dignité et d’efficacité et d’empêcher toute pratique abusive, arbitraire ou discriminatoire.

222.La Division de formation et de perfectionnement du corps national de police, quant à elle, compte trois centres d’études:

a)Centre de formation préparatoire: La formation générale se fonde sur les principes des droits de l’homme et tient compte des besoins réels de sécurité des citoyens, exprimés dans leurs demandes et leurs opinions sur l’action de la police. La formation spéciale porte sur des matières telles que l’éthique, la déontologie professionnelle et la victimologie. La formation complémentaire permet l’acquisition de comportements et l’assimilation de valeurs, d’une manière libre et transparente; nombre d’heures et de moments sont consacrés au renforcement de notions comme le respect et la tolérance, l’attention se portant en particulier sur le comportement des élèves aspirants pour déceler et, le cas échéant, corriger des réactions racistes, xénophobes, autoritaires, sexistes ou violentes, incompatibles avec le modèle policier;

b)Centre de recyclage et de spécialisation: Les objectifs pédagogiques du centre dans le domaine des droits de l’homme sont essentiellement:

La sensibilisation au respect des droits de l’homme.

L’analyse des concepts juridiques, pratiques et psychologiques qui touchent ces droits.

L’habilitation des fonctionnaires de police à opérer des arrestations conformément à l’ordre juridique dans le cadre de l’observation des droits fondamentaux.

c)Centre de promotion qui compte trois départements pédagogiques dans le domaine des droits de l’homme:

Ressources humaines, portant sur la torture, la discrimination, les mauvais traitements, le racisme, la xénophobie et le traitement des mineurs.

Juridique, pour l’étude des conventions internationales.

Enquêtes et prévention, qui aborde toutes les questions liées aux victimes des infractions, le modus operandi des arrestations et la proportionnalité dans les interventions lors de violation des droits à la liberté de réunion et de manifestation.

223.En définitive, le Ministère de l’intérieur considère que la violation des droits de l’homme par un seul agent de police déstabilise toute l’organisation policière.

224.Quant à la formation des agents de la fonction publique qui travaillent pour le Secrétariat général des institutions pénitentiaires, l’intégration des corps des agents de l’administration pénitentiaire suppose la connaissance préalable et approfondie des thèmes liés à la protection des droits de l’homme, outre le droit pénal et, plus particulièrement, les infractions que peuvent commettre les agents dans l’exercice de leurs fonctions; s’y ajoute l’obligation de suivre un stage qui comprend comme matière les droits de l’homme. En particulier, sont dispensées, au corps d’adjudants qui est majoritaire dans l’institution et qui est en contact étroit avec les détenus par ses fonctions de surveillance et de garde, les matières ci-après: réglementation générale, garanties et procédures relatives à la protection des droits de l’homme, système de garanties de l’ordonnancement pénitentiaire, règlement pacifique des conflits et analyse sociologique de la délinquance. De plus, durant ce stage qui dure un an, un instructeur est expressément chargé d’accompagner les nouveaux agents de la fonction publique et de vérifier s’ils ont les capacités et les comportements nécessaires pour remplir leur mission.

225.Aux agents de la fonction publique intégrés, l’administration pénitentiaire assure un programme de formation permanente, qui privilégie l’enseignement des droits de l’homme et des valeurs, dont il faut souligner notamment le cours de défense individuelle et d’usage adéquat des moyens coercitifs qui, pour le personnel de surveillance, est fixé par la législation internationale. Cette formation tend à inculquer la forme appropriée d’application des moyens coercitifs autorisés par la loi, qui soit justifiée, pondérée et proportionnée, en cherchant toujours à intervenir au minimum et en dernier recours.

226.Nonobstant, avec la récente ratification de la Convention contre les disparitions forcées, tous les éléments de cette formation peuvent s’enrichir de l’assimilation et l’approfondissement de l’étude de ces nouvelles dispositions, comme s’y est engagé le Secrétariat d’État à la sécurité.

227.Enfin, les paragraphes 2 et 3 de l’article 23 disposent que les personnes visées au paragraphe 1 qui refusent de se conformer à un ordre autorisant ou encourageant une disparition forcée ne seront pas sanctionnées et que, si elles ont des raisons de penser qu’une disparition forcée s’est produite ou est projetée, elles signalent le cas à leurs supérieurs ou aux autorités compétentes. Il a déjà été répondu à ces paragraphes qui reprennent les concepts d’articles précédents.

228.Concernant l’application de cet article dans le cadre des compétences du Ministère de la défense, il faut mentionner les ordonnances royales pour les forces armées espagnoles, véritable code déontologique applicable à tous les militaires, qui oblige en son article 11 (dignité de la personne) du titre préliminaire à «adapter la conduite de leurs membres en fonction des personnes, du bien commun et du droit international applicable aux conflits armés» et, en son article 12 (protection de la population particulièrement vulnérable) au chapitre VI, à «protéger les personnes sans défense et invalides, en particulier les femmes et les enfants contre la violence, la prostitution forcée, les traitements humiliants et dégradants ou toute forme d’exploitation ou de violence sexuelle».

229.L’obligation d’enseigner le droit international humanitaire, qui comprendrait la diffusion de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, figure à l’article 83 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève, du 8 juin 1977 (Protocole I ratifié par l’Espagne) et fait partie du programme d’instruction militaire (formation, perfectionnement ou études supérieures de défense nationale). Cette matière est inscrite dans tous les cours de formation, ainsi que dans une bonne partie des cours de perfectionnement et d’études supérieures de la défense nationale.

230.En dehors de ces activités prévues, il en existe d’autres de degré universitaire ou complémentaires, telles que: séminaires, conférences, colloques, cours, portant notamment sur le droit international humanitaire et réalisées avec des organisations comme la Croix-Rouge, des universités publiques, ainsi que sur les thèmes liés aux matières décrites plus haut et à la défense nationale.

231.Les Forces armées espagnoles comptent un corps juridique militaire dont des membres sont affectés sur tout le territoire national, garantissant ainsi la fourniture de conseils en la matière à tous les niveaux de commandement. Également, un officier des contingents déployés à l’extérieur est désigné comme conseil juridique.

232.Les contingents espagnols affectés aux opérations extérieures exécutent et encouragent à respecter les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies qui exhortent les parties aux conflits armés à assurer la protection générale et sociale, ainsi que les droits des personnes.

233.Toutes ces dispositions sont incluses dans les cours de droit international humanitaire, qui font partie des programmes d’instruction dispensés aux contingents militaires espagnols avant leur déploiement dans des opérations extérieures.

234.Eu égard aux paragraphes 2 et 3 de l’article 23 de la Convention, il faut également préciser que les ordres ou instructions prescrivant, autorisant ou encourageant la commission d’une infraction, telle que arrestation/détention illégale, enlèvement ou «disparition forcée», sont illégaux et constitutifs d’une infraction pénale dont les auteurs, en fonction du degré de participation à leur élaboration, communication ou exécution, devront répondre.

235.Il n’existe pas en droit espagnol de sanction juridique d’une conduite plus forte que sa qualification d’infraction dans le Code pénal.

236.Outre leur réprobation pénale, ces ordres ou instructions sont intrinsèquement nuls dès lors qu’ils sont dénués, en l’espèce, de la forme juridique des actes ou dispositions administratifs, ainsi que de toute efficacité. La loi relative au régime juridique des administrations publiques l’établit expressément comme il a été indiqué dans le commentaire concernant le paragraphe 2 de l’article 6 de la Convention.

237.Dans le même commentaire, il est fait mention des moyens que l’ordre juridique offre aux autorités, fonctionnaires et agents pour dénoncer devant leurs supérieurs les faits pouvant revêtir les caractéristiques d’une infraction, ainsi que la garantie que la non‑participation à ces faits, malgré l’existence d’un lien hiérarchique dû au statut de fonctionnaire, ne sera pas sanctionnée.

238.Ces dispositions sont compatibles avec l’obligation ou le devoir du fonctionnaire qui, par sa charge ou sa profession, aurait connaissance ou serait informé d’une infraction entraînant la mise en mouvement de l’action publique, de la signaler au juge, au ministère public, ou aux forces et corps de sécurité de l’État dans les conditions prévues aux articles 262 et correspondants de la loi de procédure criminelle, comme il a été examiné avec soin dans le commentaire concernant l’article 10 de la Convention.

Article 24Droits et garanties des victimes

239.Cet article fait l’objet de six points distincts.

240.Premièrement, «l’exécution d’un fait décrit par la loi comme infraction ou faute oblige à réparer, aux conditions prévues par la loi, les dommages et préjudices causés», établit l’article 109 du Code pénal, première des dispositions dudit Code (art. 109 à 122), consacrées à la réglementation relative à la responsabilité civile résultant d’infractions et de fautes. La réparation est reconnue au sujet passif ou à la personne ayant subi directement un préjudice du fait de l’infraction, à savoir la victime de la disparition forcée.

241.Mais l’ordre juridique reconnaît également le droit d’obtenir une indemnisation à d’autres personnes qui sont incluses dans la notion de victimes. En effet, le Code pénal dispose que l’indemnisation pour dommages matériels et moraux comprend les préjudices subis non seulement par la victime, mais également par les familles ou des tiers (art. 113). En conséquence, le droit espagnol étend le concept de personne lésée du fait d’une infraction à tous les cas juridiques visés par la Convention sous le terme de «victimes».

242.Deuxièmement, compte tenu de la qualification de la «disparition forcée» comme infraction et du droit de la victime d’exercer personnellement l’action pénale comme accusateur particulier, ainsi que de la possibilité pour tout citoyen d’exercer l’action populaire, il peut être conclu que tout intéressé peut, s’il le désire, avoir connaissance immédiate des éléments de l’instruction pénale et du jugement ultérieur en se constituant partie à la procédure pénale ou simplement en exerçant l’action civile ex delicto.

243.L’ordre juridique (voir la loi no 35/1995 relative à l’aide et l’assistance aux victimes d’infractions violentes et contre la liberté sexuelle, du 11 décembre) a prévu en outre que la police informe les victimes du déroulement des enquêtes à la condition de ne pas ainsi en compromettre le résultat et que les greffiers les informent de leur droit d’obtenir réparation du préjudice, ainsi que des faits marquants de la procédure pénale, même si lesdites victimes ne se sont pas constituées parties à l’action (art. 15.4 de la loi no 35/1995).

244.Troisièmement, compte tenu des mêmes considérations, l’enquête sur un fait délictueux porte sur tous ses éléments et, dans le cas d’arrestation/détention illégale/enlèvement, l’objectif des services de l’État est de faire cesser l’infraction par la libération des personnes privées de leur liberté et, en cas de décès, de localiser leurs restes et de les restituer aux familles.

245.Quatrièmement, comme il a été précédemment indiqué, le régime de responsabilité civile ex delicto cherche à indemniser la victime pour le préjudice causé par une infraction pénale en appliquant les dispositions du Code pénal, bien qu’il s’agisse d’une création type du droit civil.

246.L’élargissement du droit d’obtenir réparation est décrit dans ledit Code qui dispose que la responsabilité établie à l’article précédent s’entend de: 1. La restitution. 2. La réparation du dommage. 3. L’indemnisation pour préjudices matériels et moraux (art. 110). Il en découle que la responsabilité civile s’étend à tous les dommages matériels et à tous les effets préjudiciables résultant de l’infraction, matériels ou moraux, de sorte que la victime obtienne satisfaction complète et équitable à titre du préjudice subi.

247.En outre, la victime d’une «disparition forcée» peut s’entendre des cas visés à l’article premier de la loi no 35/1995 précitée «victimes directes ou indirectes des infractions dolosives et violentes … provoquant la mort, ou de coups et blessures graves, ou d’atteintes graves à la santé physique ou mentale», qui offre la possibilité de s’adresser au système d’aides publiques établi par la loi.

248.Cinquièmement, dans l’hypothèse qu’une personne disparue, malgré les recherches par les services de l’État, ne soit pas retrouvée, le système juridique prend des dispositions qui permettent de maintenir sa situation légale et d’éviter les préjudices que peut entraîner son absence. Il s’agit de l’institution des déclarations respectivement d’absence et de décès. À cette fin, le Code civil dispose que «dans tous les cas, quand une personne est disparue de son domicile ou du lieu de sa dernière résidence, sans qu’aucune autre nouvelle ne parvienne d’elle (pendant un an depuis les dernières nouvelles ou trois ans s’il existe un représentant ou mandataire volontaire), le juge peut, à la demande de la partie intéressée ou du ministère public, désigner un avocat qui protège et représente la personne disparue, tant à la procédure que dans les affaires ne souffrant aucun retard sans préjudice grave. Sont exceptés les cas où la personne est représentée légitimement ou volontairement» (art. 181 du Code civil, qui se rattache à l’art. 183). Cette déclaration d’absence vaut acte de décès une fois écoulé, depuis la disparition, un laps de temps supérieur – 10 ans, ou 5 ans si la personne disparue a plus de 75 ans, ou un an en cas de disparition avec violence (art. 193 et suivants).

249.Sixièmement, le droit fondamental à la liberté d’association est consacré dans la Constitution qui dispose comme suit:

«1.Le droit d’association est reconnu.

2.Les associations qui poursuivent des fins ou utilisent des moyens définis comme délictueux sont illégales.

3.Les associations constituées selon le présent article devront se faire enregistrer aux seules fins de publication.

4.Les associations peuvent être dissoutes ou leurs activités peuvent être suspendues seulement en application d’une décision de justice motivée.

5.Les associations secrètes et celles qui ont un caractère paramilitaire sont interdites.» (art. 22CE).

250.Ces principes ont été développés dans la loi organique no 1/2002 portant réglementation du droit d’association, du 22 mars.

251.Il résulte de ces dispositions que le droit de fonder des associations ou d’y adhérer, lesquelles ont pour objet d’élucider les «disparitions forcées» et d’assister les victimes, est pleinement garanti pour les citoyens, sans aucune restriction ni limitation.

252.Enfin, un avant-projet de loi relative au statut de victime est en cours d’examen en application de la directive du Parlement et du Conseil adoptée en première lecture, en séance plénière du Parlement européen le 12 septembre 2012, qui remplacera la décision-cadre 2001/220/JAI. Il inclut dans la définition de victime et comme bénéficiaires de droits les cas et les droits visés à l’article 24 de la Convention et propose de ranger parmi les plus vulnérables les victimes tant d’infractions de droit commun (arrestation/détention illégale ou enlèvement) que de crimes contre l’humanité visés à l’article 5 de la Convention comme l’énonce l’article 697 bis du Code pénal.

Article 25Mesures de prévention et sanction pénale

253.La réponse au paragraphe 1 de l’article 25 repose sur trois plans.

254.Le présent rapport, en particulier le commentaire concernant l’article 4 de la Convention, contient la description des infractions pénales qui intègrent les faits qualifiés dans la Convention de «disparitions forcées» et il y est souligné que ces infractions sont l’arrestation/détention illégale et l’enlèvement visés au Titre VI du Livre II du Code pénal sous le titre «infractions contre la liberté».

255.Le fait que la victime de disparition forcée est un mineur constitue une forme aggravée dans le Code pénal. «Les peines prévues dans les articles précédents (au motif d’arrestation/détention illégale et d’enlèvement) seront imposées dans leur moitié supérieure selon le cas, si […] la victime est mineure […]» (art. 165).

256.Sans préjudice de ce qui précède, le Ministère de la justice a élaboré un avant-projet de loi organique portant réforme du Code pénal, où l’infraction d’arrestation/détention illégale ou d’enlèvement visée à l’article 166 du Code pénal fait encourir une peine de 10 à 15 ans d’emprisonnement et, sous sa forme aggravée, dans le cas où la victime est mineure, emporte une peine de 15 à 20 ans d’emprisonnement.

257.Le Tribunal suprême a, dans divers arrêts – no 788/2003 du 29 mai, no 492/2007 du 7 juin et no 1036/2010 du 10 novembre –, qualifié la soustraction d’un mineur d’arrestation ou de détention illégale en affirmant que «[…] le sujet passif peut être un adulte ou un mineur. Le fait qu’un mineur ne peut se suffire et nécessite partant l’aide d’autrui ne signifie pas qu’il n’est pas titulaire du droit à la liberté individuelle, même si la présence d’un tiers est nécessaire pour lui donner effet […]. Par arrestation/détention illégale d’un mineur, on entend sa soustraction de l’influence de quiconque lui permet d’exercer son droit à la libre circulation, la détention ou l’enfermement, selon le cas, de ce tiers privant non seulement ce dernier de sa propre liberté, mais également de celle du mineur» (arrêt no 788/2003).

258.En outre, le Tribunal suprême a déclaré dans son arrêt no 492/2007 du 7 juin, que la qualification de l’infraction d’arrestation/détention illégale est compatible avec celle de substitution d’enfant définie à l’article 220 du Code pénal.

259.L’adoption illégale d’enfants est qualifiée dans le Code pénal comme suit:

«1.Les personnes qui, en échange d’une compensation économique, remettent, à un tiers, un enfant, un descendant ou tout mineur, nonobstant aucun lien de filiation ou de parenté, en esquivant les procédures légales concernant la garde, l’accueil ou l’adoption, en vue d’établir un lien analogue à celui de la filiation, encourent des peines de un à cinq ans d’emprisonnement et d’interdiction spéciale d’exercer la puissance paternelle, la tutelle, la curatelle ou la garde durant quatre à dix ans.

2.La personne qui reçoit le mineur et l’intermédiaire sont passibles d’une peine identique, même si la remise a eu lieu à l’étranger.

3.Si les faits ont été commis dans des garderies, établissements scolaires ou autres locaux ou institutions accueillant des enfants, les responsables encourent la peine d’interdiction spéciale d’exercer les activités correspondantes durant deux à six ans et la fermeture temporaire ou définitive des établissements peut être ordonnée. La fermeture temporaire ne peut dépasser cinq ans.» (art. 221).

260.La falsification, la dissimulation ou la destruction de documents d’enfants disparus ou soustraits constituent une infraction qualifiée de falsification de documents publics ou privés, prévue et réprimée aux articles 390 et suivants du Code pénal et évoquée dans le commentaire concernant l’article 17 de la Convention.

261.Eu égard au paragraphe 2 de l’article 25, du fait que «la soustraction d’enfants soumis à une disparition forcée» est, selon les différentes modalités prévues dans la Convention, qualifiée dans la loi d’infraction, comme il vient d’être exprimé et qu’il s’agit d’infractions entraînant la mise en mouvement de l’action publique, une enquête sera diligentée dans tous les cas.

262.À cet égard (sans préjudice de la possibilité de constitution de partie civile), il importe de souligner le rôle du ministère public qui, soumis à sa réglementation – statut organique du ministère public – garantit son indépendance et son impartialité, exerce l’action publique en matière pénale, en diligentant une enquête pour élucider les faits et ultérieurement, s’il y a lieu, les poursuivre en exerçant l’action pénale.

263.Il convient, dans ce domaine, de préciser qu’étant donné l’existence d’un nombre important d’allégations de soustractions d’enfants qui ont eu lieu en Espagne dans la seconde moitié du siècle dernier, les pouvoirs publics ont adopté la série de mesures suivantes:

Création d’une banque nationale d’empreintes génétiques relevant du Ministère de la justice et de l’Institut national de toxicologie aux fins d’établissement de bases de données qui permettent des comparaisons croisées visant à faciliter l’identification de la filiation.

Création d’un recensement des personnes victimes de soustraction de nouveau-nés.

Unification de critères appliqués par le Procureur général dans ses instructions à tous ses services sur la manière d’intervenir dans les cas de soustraction de mineurs.

Collaboration du Ministère de l’intérieur (police nationale) et du Ministère de la santé.

Création d’un service d’information aux victimes d’éventuelles soustractions de nouveau-nés, qui leur permettra d’obtenir les documents et les informations concernant leur filiation naturelle et se trouvant auprès de l’administration, tels les données d’enregistrement et les dossiers de santé.

264.Ces dispositions sont sans préjudice de la poursuite des procédures judiciaires déjà intentées par les juridictions d’instruction.

265.En ce qui concerne le paragraphe 3 de l’article 25, comme il est indiqué dans le commentaire concernant les articles 14 et 15 de la Convention, l’ordre juridique interne garantit l’entraide et l’assistance réciproque entre organes judiciaires et entre États en matière de poursuites intentées contre les crimes de disparition forcée et, partant, de recherche, d’identification et de localisation des enfants disparus.

266.Enfin, au sujet des paragraphes 4 et 5, l’ordre juridique espagnol – droit de la famille, droit pénal, ou toute autre branche du droit – s’inspire entièrement du principe de préservation de l’intérêt supérieur du mineur, qui prime tout autre intérêt. Il résulte de cette prééminence que le mineur doit être entendu et que son opinion doit être prise en compte en fonction de son degré de discernement dans toutes les affaires où l’État, dans ses diverses manifestations, intervient.

267.La constatation de l’existence d’un acte délictueux qui aurait entraîné une garde ou une adoption illégale peut, à la demande des victimes ou du ministère public, donner lieu au réexamen des situations juridiques touchant à l’état civil des personnes qui auraient été liées auxdites gardes ou adoptions illégales.