Nations Unies

CED/C/MNE/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

16 octobre 2015

Français

Original : anglais

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par le Monténégro en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention *

Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par le Monténégro en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (CED/C/MNE/1) à ses 142e et 143e séances (voir CED/C/SR.142 et 143), les 8 et 9 septembre 2015. À sa 152e séance, le 16 septembre 2015, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par le Monténégro en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention, qui a été établi conformément aux directives concernant les rapports, ainsi que les informations qu’il contient. Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie sur les mesures prises par celui-ci pour appliquer les dispositions de la Convention, dialogue qui lui a permis de dissiper un grand nombre de ses préoccupations. Le Comité remercie l’État partie pour ses réponses écrites (CED/C/MNE/Q/1/Add.1) à la liste de points (CED/C/MNE/Q/1), qui ont été complétées par les renseignements détaillés que lui a fournis sa délégation.

B.Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la quasi-totalité des principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et des protocoles facultatifs s’y rapportant, ainsi que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir reconnu la compétence du Comité pour examiner des communications émanant de particuliers et d’États en application des articles 31 et 32 de la Convention, respectivement.

Le Comité salue les mesures qu’a prises l’État partie dans les domaines intéressant la Convention, notamment :

a)La création d’une Commission sur les personnes portées disparues ;

b)La signature du Protocole de coopération pour la poursuite des auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’actes de génocide entre les procureurs du Monténégro et les procureurs de la Bosnie-Herzégovine (2014), de la Croatie (2006) et de la Serbie (2007), ainsi que l’adoption, en juillet 2014, d’une loi sur l’entraide judiciaire en matière pénale ;

c)L’entrée en vigueur, en 2013, de la loi sur le libre accès à l’information, qui impose de communiquer des informations par anticipation et crée une entité publique chargée de traiter les demandes d’information ;

d)L’indemnisation dont ont bénéficié plusieurs victimes et la reconnaissance implicite de la responsabilité des pouvoirs publics dans la reconduite à la frontière de réfugiés musulmans originaires de Herceg Novi, ainsi que la construction d’un monument à la mémoire des victimes de la guerre civile de 1991-1995.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adressé à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays. À cet égard, il se félicite que le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires se soit rendu au Monténégro en juin 2014, et encourage l’État partie à continuer de coopérer avec cet organe dans le cadre de son mandat et à donner suite à ses recommandations.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité considère qu’au moment de l’adoption des présentes observations finales, la législation en vigueur dans l’État partie pour prévenir et punir les disparitions forcées n’est pas pleinement conforme aux obligations qui incombent aux États ayant ratifié la Convention. Il encourage l’État partie à mettre en œuvre ses recommandations, qui ont été formulées dans un esprit constructif et dans le but de l’aider, pour que la législation en vigueur et la manière dont elle est appliquée par les autorités de l’État soient pleinement conformes aux droits et obligations consacrés par la Convention.

Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1er à 7)

Crime de disparition forcée

Le Comité constate qu’un certain nombre d’articles du Code pénal monténégrin contiennent des éléments qui peuvent correspondre à certaines des composantes de la définition de la disparition forcée que donne la Convention. Il reste toutefois préoccupé par le fait que ces articles ne sont pas suffisants pour couvrir d’une manière appropriée tous les éléments constitutifs de la disparition forcée, telle qu’elle est définie à l’article 2 de la Convention ni, par conséquent, pour satisfaire à l’obligation découlant de l’article 4. Le Comité regrette que la législation de l’État partie n’érige pas la disparition forcée en infraction autonome. À cet égard, il estime que seule l’incrimination de la disparition forcée en tant qu’infraction autonome permettrait à l’État partie de s’acquitter de l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 4, laquelle est étroitement liée à d’autres obligations conventionnelles concernant la législation, comme celles qui sont énoncées aux articles 6, 7 et 8 de la Convention (art. 2, 4, 6, 7 et 8).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour faire de la disparition forcée une infraction autonome et conforme à la définition donnée à l’article 2 de la Convention. Il lui recommande également de faire en sorte que le crime de disparition forcée soit passible de peines appropriées qui tiennent compte de son extrême gravité et qu’un système de responsabilité des supérieurs hiérarchiques conforme au paragraphe 1 b) de l’article 6 de la Convention s’applique à ce crime.

Caractère continu du crime de disparition forcée

Le Comité note que l’infraction pénale continue est définie à l’article 49 du Code pénal, mais tient à appeler l’attention de l’État partie sur le fait que la disparition forcée consiste non pas en une série d’actes distincts mais en un seul et même ensemble d’actes qui ne prennent fin que lorsque le sort de la victime ou le lieu où elle se trouve est connu. Le caractère continu du crime de disparition forcée est reconnu par la Convention, qui prévoit en particulier que le délai de prescription de l’action pénale ne commence à courir que lorsque cesse le crime de disparition forcée (art. 8).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le droit pénal interne reconnaisse le caractère continu du crime de disparition forcée. Il lui recommande également de faire en sorte que, conformément aux dispositions de l’article 8 de la Convention, si la disparition forcée fait l’objet d’une prescription, le délai de prescription soit de longue durée et proportionné à l’extrême gravité de l’infraction, et qu’il ne commence à courir que lorsque cesse l’infraction.

Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Enquêtes sur les disparitions forcées qui se sont produites pendant les conflits armés en ex-Yougoslavie

Le Comité constate que le sort de 61 des 72 personnes portées disparues dans l’État partie par suite des conflits qui ont fait rage en ex-Yougoslavie demeure inconnu, tout comme le lieu où elles se trouvent, et il se félicite de ce que l’État partie soit fermement résolu à déterminer ce qu’il est advenu de ces personnes et à les localiser. À cet égard, le Comité prend note avec satisfaction de la création, en février 2015, d’une nouvelle commission des personnes portées disparues qui, depuis sa mise en place, semble être plus active et déterminée à rechercher les personnes portées disparues. Il salue les différentes mesures qui ont été prises pour mieux collaborer au niveau régional dans la recherche des personnes portées disparues, notamment la signature en août 2014 par la Bosnie‑Herzégovine, la Croatie, le Monténégro et la Serbie de la Déclaration sur le rôle de l’État quant à la question des personnes portées disparues par suite de conflits armés et de violations des droits de l’homme, ainsi que la conclusion en 2012, entre les commissions monténégrine et serbe des personnes portées disparues, d’un accord de coopération mutuelle pour la recherche des personnes portées disparues (art. 12 et 24).

Le Comité encourage l’État partie à continuer de s’employer à établir la vérité et à élucider le sort de toutes les personnes portées disparues par suite des conflits armés en ex-Yougoslavie, ainsi qu’à localiser ces personnes. Il recommande que la nouvelle commission des personnes portées disparues poursuive ses efforts de recherche des personnes portées disparues et adopte pour ce faire une démarche proactive. L’État partie devrait renforcer sa coopération avec les autres parties de la région, notamment en concluant des accords de coopération entre les commissions des personnes disparues de la Bosnie-Herzégovine, de la Croatie et du Kosovo , pour accélérer de toute urgence le processus d’identification.

Coopération judiciaire en matière pénale

Le Comité accueille avec satisfaction le renforcement du cadre juridique de coopération judiciaire et prend note de la position de l’État partie selon laquelle les dispositions de l’article 10 de la Convention sont applicables dans l’ordre juridique interne. Il reste toutefois préoccupé par le principe de réciprocité pour l’octroi de l’entraide judiciaire que consacre la loi sur l’entraide judiciaire en matière pénale (art. 10 et 14).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le principe de réciprocité inscrit dans la loi sur l’entraide judiciaire en matière pénale ne l’empêche pas de pleinement appliquer les dispositions de l’article 10 de la Convention. Il lui recommande également de contribuer activement au renforcement de la coopération entre les autorités judiciaires des pays de la région pour que ces dernières puissent plus facilement se communiquer les éléments d’information et de preuve, rechercher et identifier les personnes portées disparues, mener des enquêtes et traduire en justice les auteurs de crimes de guerre.

Jugement des affaires de crime de guerre

Le Comité constate que six affaires de crimes de guerre liées à des actes commis dans le contexte des conflits armés dont a été le théâtre l’ex-Yougoslavie ont fait l’objet de poursuites et d’un procès au Monténégro, mais il est préoccupé par les informations émanant de plusieurs sources selon lesquelles, dans les affaires qui ont été jugées plus récemment, des failles ont abouti à l’acquittement de la plupart des accusés, ce qui peut amener à s’interroger sur l’adéquation des mesures prises par l’État partie pour combattre l’impunité. Le Comité prend en particulier note des informations concernant l’absence d’enquête sur la question de la responsabilité du supérieur hiérarchique, de la participation à la commission de l’infraction et de la complicité, dont il a résulté que peu des accusés de haut rang ont eu à répondre de leurs actes ; et de la clémence des peines infligées aux personnes reconnues coupables, parmi lesquelles certaines ont été condamnées à des peines inférieures à la peine minimale prévue par la loi, des circonstances atténuantes ayant été invoquées. À cet égard, il note avec satisfaction que l’État partie a adopté, en mai 2015, la Stratégie concernant les enquêtes sur les crimes de guerre et mis en place des organes spécialisés chargés des enquêtes et des poursuites concernant les cas de disparition forcée, notamment un nouveau Bureau du Procureur spécial et un département spécial chargé des crimes de guerre, situé au sein du tribunal de Podgorica (juridiction de deuxième degré) (art. 8, 12 et 24).

Le Comité, rappelant le caractère continu de l’infraction de disparition forcée, recommande à l’État partie de veiller à ce que toutes les disparitions forcées qui pourraient être imputables à des fonctionnaires ou à des personnes ou groupes de personnes ayant agi avec l’autorisation, le soutien ou le consentement de fonctionnaires dans le contexte des conflits armés qui se sont déroulés en ex ‑ Yougoslavie, fassent rapidement l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales, et à ce que les personnes reconnues coupables, notamment les chefs militaires et les supérieurs hiérarchiques civils, soient condamné e s à des peines proportionnelles à la gravité de leurs actes. L’État partie devrait également veiller à ce que le Bureau du Procureur spécial soit chargé d’enquêter sur tous les cas de disparition forcée, y compris ceux visés par l’article 2 de la Convention, et de poursuivre les auteurs de tels actes. Le Bureau du Procureur spécial et toute autre autorité compétente devraient également recevoir une formation adaptée et être dotés des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour s’acquitter rapidement et efficacement de leurs tâches.

Suspension des fonctions

Le Comité note que les personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction peuvent être suspendues provisoirement en application de l’article 130 de la loi sur le travail qui s’applique, à titre subsidiaire, aux fonctionnaires et aux employés. Il regrette cependant l’absence de législation spécifique prévoyant expressément la suspension, pendant la durée de l’enquête, des agents de l’État, civils ou militaires, soupçonnés d’avoir commis une infraction de disparition forcée (art. 12).

En vue de renforcer le cadre normatif en vigueur et de garantir une appli cation appropriée du paragraphe  4 de l’ article  12 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie d’adopter des dispositions ju ridiques prévoyant expressément  : a) la suspension, pendant la durée de l’enquête, de tout agent de l’État soupçonné d’avoir commis une infraction de disparition forcée, qu’il soit civil ou militaire  ; b)  un mécanisme garantissant que les forces de l’ordre ou de sécurité civiles ou militaires dont les membres sont soupçonnés d’être les auteurs d’une disparition forcée ne prennent pas part à l’enquête.

Protection des personnes qui participent à une enquête

Le Comité accueille avec satisfaction les modifications apportées à la loi sur la protection des témoins, adoptées en juin 2014, qui visent à améliorer le système de protection des témoins dans l’État partie. Néanmoins, il fait sienne la préoccupation du Comité contre la torture (voir CAT/C/MNE/CO/2, par. 15) quant à l’absence de mesures efficaces pour protéger les victimes et les témoins contre les mauvais traitements ou l’intimidation qu’ils peuvent subir pour avoir déposé plainte ou témoigné (art. 12 et 18).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les mesures de protection existantes soient bien appliquées et étendues à toutes les personnes mentionnées au paragraphe 1 de l’article 12 de la Convention. Il lui recommande également de veiller à ce que toutes les éventuelles allégations de menaces ou d’actes d’intimidation à l’égard de témoins dans des procès pour crimes de guerre fassent sans délai l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales, même si aucune plainte n’a été déposée, et à ce que les auteurs présumés de tels actes soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées.

Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Non-refoulement

Le Comité note avec satisfaction qu’un recours en appel suspend l’exécution de l’arrêté d’extradition, mais relève qu’il n’a pas reçu de renseignements à cet égard concernant des décisions d’expulsion ou de reconduite à la frontière. Il fait également observer que l’État partie ne l’a pas informé des critères appliqués dans le cadre des procédures d’expulsion, de refoulement, de remise ou d’extradition et ne lui a pas indiqué si la procédure de recours en cas de rejet d’une demande d’asile prévoyait un examen approfondi des faits. Il constate en outre que la législation nationale n’interdit pas expressément le refoulement dans les cas où il y a des motifs sérieux de croire que l’intéressé risque d’être victime d’une disparition forcée (art. 16).

L’État partie devrait faire en sorte que la procédure de recours contre les décisions d’extradition puisse aussi être engagée dans les cas d’expulsion ou de reconduite à la frontière. L’État partie devrait aussi envisager d’inscrire expressément dans sa législation interne l’interdiction d’expulser, de refouler, de remettre ou d’extrader une personne lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire que celle-ci risque d’être victime d’une disparition forcée.

Garanties juridiques fondamentales

Le Comité accueille avec satisfaction la modification apportée au Code de procédure pénale, qui dispose désormais que les personnes privées de liberté ont le droit de demander que la personne de leur choix soit « immédiatement » informée de leur situation. Néanmoins, il fait sienne la préoccupation du Comité contre la torture (voir CAT/C/MNE/CO/2, par. 7) quant au fait que, dans la pratique, les personnes privées de liberté ne bénéficient pas systématiquement de toutes les garanties juridiques fondamentales dès leur privation de liberté. Il regrette également que le droit de contester la légalité d’une détention devant un tribunal indépendant ne figure pas expressément dans la liste des droits qui ne peuvent être limités en état de guerre ou d’urgence(art. 17 et 18).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que, dans la pratique, toutes les personnes privées de liberté puissent communiquer sans délai avec leur famille ou toute autre personne de leur choix et avoir accès à un avocat indépendant dès leur privation de liberté. Il recommande également d’intégrer le droit de contester la légalité d’une détention dans la liste des droits qui ne peuvent être limités en état de guerre ou d’urgence. L’État partie devrait également garantir que les informations sur toutes les personnes privées de liberté soient dûment inscrites dans les registres et/ou dossiers selon des protocoles uniformes, et que parmi les informations figurent au moins celles qui sont énoncées au paragraphe  3 de l’ article  17 de la Convention .

Formation relative à la Convention

Tout en notant que la formation aux droits de l’homme et à d’autres thèmes liés à la Convention est confiée à différents acteurs étatiques, le Comité regrette l’absence de formation spécifique et régulière sur la Convention (art. 23).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que tous les agents de la force publique (civils ou militaires), les professionnels de la santé, les agents de l’État et les autres personnes intervenant dans la garde ou le traitement des personnes privées de liberté, ainsi que les agents responsables de l’administration de la justice, des enquêtes ou des poursuites en cas de disparition forcée, reçoivent régulièrement une formation adaptée aux dispositions de la Convention.

Mesures de réparation et mesures de protection des enfants contre les disparitions forcées (art. 24 et 25)

Définition de la victime

Tout en saluant l’introduction d’une définition de la victime dans le Code pénal et dans la nouvelle loi sur l’indemnisation des préjudices causés aux victimes d’infractions pénales violentes, le Comité regrette que cette définition soit plus restreinte que la notion de victime au sens de l’article 24 de la Convention. Il est également préoccupé par le fait que le cadre juridique existant n’accorde pas le statut de victime lorsque des poursuites pénales n’ont pas été engagées contre l’auteur des actes incriminés (art. 24).

L’État partie devrait envisager de procéder aux modifications législatives nécessaires pour établir une définition de la victime qui soit conforme à celle énoncée au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention afin de garantir à toute personne physique ayant subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée la pleine jouissance des droits consacrés par la Convention, en particulier du droit de savoir la vérité et du droit d’obtenir répara tion, consacrés aux paragraphes  2, 4 et 5 de l’article 24.

Droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

Le Comité note que l’article 38 de la Constitution garantit le droit à l’indemnisation mais regrette que le système juridique de l’État partie ne prévoie pas de droit à obtenir une réparation appropriée qui comprenne toutes les formes de réparation prévues au paragraphe 5 de l’article 24 de la Convention. En outre, le Comité est préoccupé par le fait qu’une indemnisation ne peut être obtenue que par une procédure civile en application de la loi sur les contrats et la responsabilité civile, et que les proches doivent engager une procédure pour que le décès d’une personne disparue soit prononcé afin d’avoir droit à une pension ou de recevoir une indemnisation. En ce qui concerne les conflits en ex‑Yougoslavie, le Comité note avec satisfaction que plusieurs victimes ont reçu une indemnisation. Néanmoins, nombre d’entre elles attendent toujours une réparation adéquate (art. 24).

L’État partie devrait garantir le droit à réparation (y compris à une réadaptation médicale et psychologique, à la restitution et à la satisfaction, notamment au rétablissement de la dignité et de la réputation), ainsi que le droit d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate, à toute personne ayant subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée, quelle que soit la date à laquelle l’acte a été commis et même si aucune procédure pénale n’a été engagée contre les auteurs présumés ou si ceux-ci n’ont pas été identifiés.

Situation légale des personnes disparues et de leurs proches

Le Comité note avec préoccupation que la législation de l’État partie ne reconnaît pas les proches de personnes disparues comme des victimes de disparition forcée et ne régit pas leurs droits dans des domaines tels que la protection sociale, les questions financières, le droit de la famille et les droits de propriété. Il est particulièrement préoccupé par le fait qu’une procédure visant à déclarer une personne disparue décédée doit être ouverte pour que ses proches puissent bénéficier de leur droit à une pension. Compte tenu du caractère continu de la disparition forcée, il considère que, par principe, il n’y a pas de raison de présumer que la personne disparue est décédée tant que son sort n’a pas été élucidé (art. 24).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter, à la lumière du paragraphe 6 de l’article 24 de la Convention, les mesures nécessaires pour établir comme il convient la situation légale des personnes disparues et de leurs proches, notamment dans les domaines tels que la protection sociale, les questions financières, le droit de la famille et les droits de propriété, sans qu’il soit nécessaire de déclarer le décès de la personne disparue. À cet égard, le Comité encourage l’État partie à mettre en place une procédure permettant l’obtention d’une déclaration d’absence pour cause de disparition forcée.

Législation relative à la soustraction d’enfants

Le Comité note avec préoccupation que la législation pénale de l’État partie ne contient aucune disposition sanctionnant expressément les agissements relevant de la soustraction d’enfants énoncée au paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures législatives nécessaires pour incriminer expressément les actes décrits au paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention et prévoir pour ces actes des peines appropriées qui tiennent compte de leur extrême gravité.

D.Diffusion et suivi

Le Comité tient à rappeler les obligations auxquelles les États ont souscrit en devenant parties à la Convention et, à ce propos, engage l’État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu’il adopte, quelles que soient leur nature et l’autorité dont elles émanent, soient pleinement conformes aux obligations qu’il a assumées en devenant partie à la Convention et d’autres instruments internationaux pertinents. Il engage tout particulièrement l’État partie à garantir la conduite d’une enquête efficace sur toutes les disparitions forcées ainsi que la satisfaction sans réserve des droits des victimes tels qu’ils sont consacrés par la Convention.

Le Comité tient également à souligner que les disparitions forcées ont des effets particulièrement cruels sur les droits fondamentaux des femmes et des enfants. Les femmes victimes de disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence sexiste. Lorsqu’elles sont les parentes d’une personne disparue, les femmes sont particulièrement exposées à des conséquences sociales et économiques graves ainsi qu’à la violence, aux persécutions et aux représailles du fait des efforts qu’elles font pour localiser leurs proches. Pour leur part, les enfants victimes de disparition forcée, qu’ils soient eux-mêmes soumis à une disparition ou qu’ils subissent les conséquences de la disparition de membres de leur famille, sont particulièrement exposés à de multiples violations des droits de l’homme, notamment à la substitution d’identité. C’est pourquoi le Comité insiste sur la nécessité, pour l’État partie, de tenir compte des questions de genre et de la sensibilité des enfants dans l’application des droits et obligations qui découlent de la Convention.

L’État partie est invité à diffuser largement la Convention, le rapport qu’il a soumis en application du paragraphe 1 de l’article 29, ses réponses écrites à la liste de points élaborée par le Comité et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales qui opèrent dans l’État partie et le grand public. Il est également invité à promouvoir la participation de la société civile, en particulier des associations de proches de victimes, aux mesures prises en application des présentes observations finales.

Conformément à son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de lui fournir, au plus tard le 18 septembre 2016, des informations pertinentes sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 9, 25 et 29.

En application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 18 septembre 2021, des informations précises et actualisées sur la mise en œuvre de toutes les recommandations formulées, ainsi que tous renseignements nouveaux concernant l’exécution des obligations découlant de la Convention, dans un document conforme aux prescriptions énoncées au paragraphe 39 des Directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention (CED/C/2). Le Comité encourage l’État partie à promouvoir et à faciliter la participation de la société civile, en particulier les associations de familles de victimes, à la compilation de ces informations.