Nations Unies

CED/C/MNE/CO/1/Add.1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

16 janvier 2017

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par le Monténégro en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention

Additif

Renseignements reçus du Monténégro au sujet de la suite donnée aux observations finales *

[Date de réception : 8 décembre 2016]

I.Informations relatives au paragraphe 9 des observations finales

Paragraphe 9

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour faire de la disparition forcée une infraction autonome et conforme à la définition donnée à l’article 2 de la Convention. Il lui recommande également de faire en sorte que le crime de disparition forcée soit passible de peines appropriées qui tiennent compte de son extrême gravité et qu’un système de responsabilité des supérieurs hiérarchiques conforme au paragraphe 1 b) de l’article 6 de la Convention s’applique à ce crime.

1.Même si la disparition forcée en tant que telle n’est pas sanctionnée par le Code pénal du Monténégro, elle est incorporée dans les infractions pénales suivantes : la privation illégale de liberté, l’enlèvement avec recours à la force, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre contre la population civile, visés, respectivement, aux articles 162, 164, 427 et 428 du Code pénal.

2.L’article 162 prévoit la protection de la liberté de l’être humain, à savoir le droit à la liberté de circulation, en cas d’infraction pénale, définie quant à elle comme l’arrestation, le maintien en détention ou la privation ou la restriction illégales de la liberté de circulation de toute autre manière.

3.L’infraction pénale simple visée à l’article 164 consiste à soustraire ou retenir une personne par la force, la menace, la tromperie ou par d’autres moyens. Cette infraction pénale comprend les éléments constitutifs de la privation illégale de liberté, la coercition et l’extorsion.

4.L’un des actes constitutifs de l’infraction pénale visée à l’article 427 est le fait d’emprisonner ou d’enlever des personnes sans donner d’informations sur leur sort, dans le but de les priver de l’assistance d’un conseil, et l’un des actes constitutifs de l’infraction pénale visée à l’article 428 est la privation illégale de liberté et l’emprisonnement illégal.

5.Compte tenu des éléments précédents, le Monténégro est d’avis que, du point de vue pénal, les disparitions forcées, phénomène particulièrement préjudiciable, sont prises en compte par la loi et sanctionnées sur le territoire national, et qu’il n’est pas besoin de les pénaliser en tant que telles. Cette évaluation se fonde aussi sur le fait que la législation actuelle ne fait aucunement obstacle à la punition de cette infraction dans la pratique et que l’instaurationd’une infraction autonome ne ferait pas grande différence.

II.Informations relatives au paragraphe 25 des observations finales

Paragraphe 25

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que, dans la pratique, toutes les personnes privées de liberté puissent communiquer sans délai avec leur famille ou toute autre personne de leur choix et avoir accès à un avocat indépendant dès leur privation de liberté. Il recommande également d’intégrer le droit de contester la légalité d’une détention dans la liste des droits qui ne peuvent être limités en état de guerre ou d’urgence. L’État partie devrait également garantir que les informations sur toutes les personnes privées de liberté soient dûment inscrites dans les registres et/ou dossiers selon des protocoles uniformes, et que parmi les informations figurent au moins celles qui sont énoncées au paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention.

6.Le Monténégro protège les droits et libertés individuels et chacun est tenu de respecter les droits et libertés d’autrui. L’interdiction de la détention au secret est un principe consacré par la Constitution, loi suprême du Monténégro, qui énonce que chacun a le droit à la liberté individuelle et que la privation de liberté est autorisée uniquement aux motifs édictées par la loi et dans le cadre des procédures qui y sont prévues. Une personne privée de liberté doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et être avisée qu’elle n’est pas tenue de faire une déclaration. À la demande de la personne privée de liberté, les autorités doivent immédiatement prévenir la personne de son choix de la situation. Une personne privée de liberté a le droit qu’un défenseur de son choix soit présent à son interrogatoire. De surcroît, la Constitution interdit expressément la privation illégale de liberté (art. 29). Elle prévoit qu’une personne ne peut être placée et retenue en détention qu’en application d’une décision du tribunal compétent, s’il existe des motifs raisonnables de penserque cette personne a commis une infraction pénale et uniquement s’il est nécessaire d’engager une procédure pénale (art. 30). La Constitution énonce qu’une personne illégalement ou abusivement privée de sa liberté ou condamnée à tort a droit à une indemnisation de l’État pour le préjudice subi (art. 38). Elle prévoit dans son article 25 que le droit à un recours, à une aide juridictionnelle et à une réparation en cas de privation illicite ou illégale de liberté et de condamnation infondée ne peut pas être limité en état de guerre ou d’urgence déclaré.

7.Les principes de l’interdiction de la détention au secret ont été confirmés par le Code de procédure pénale, qui prévoit que la détention ne peut être ordonnée que dans les cas qu’il définit, seulement si le même objectif ne peut être atteint par d’autres mesures et si la détention est nécessaire pour garantir le bon déroulement de la procédure. Il incombe à tous les organes qui participent à la procédure pénale et à tous les organismes qui accordentl’aide juridictionnelle d’être particulièrementdiligents si la personne à qui des faits sont reprochés est endétention. Durant toute la procédure, il doit pouvoir être mis fin à la détention dès que les motifs pour lesquels elle a été ordonnée cessent d’exister (art. 174). Conformément à l’article 176, la détention proposée par le procureur habilité ne peut être ordonnée que par une décision du tribunal compétent après audience préliminaire du mis en cause. Le Code énonce explicitement les motifs de la détention (art. 175), fixe la durée de celle-ci et en détermine les motifs d’annulation. Il prévoit aussi les modalités et le contrôle de la détention après l’accusation et l’obligation de notifier la détention immédiatement et au plus tard 24 heures après la privation effectivede liberté, sauf opposition explicite de la part du détenu. Il édicte l’obligation de respecter la personnalité et la dignité du détenu, ainsi que le caractère privé de sa cellule, ses droits, sa correspondance, son droit de recevoir des visites et d’autres procédures relatives à la détention de personnes.

8.La loi relative à l’application des peines d’emprisonnement, l’imposition des amendes et la mise en œuvre des mesures de sécurité (Journal officiel du Monténégro, no 036/15) interdit la détention au secret et énonce qu’une personne condamnée bénéficie de la protection des droits fondamentaux garantis par la Constitution, le droit et les traités internationaux. Dans le cadre de l’application de sanctions pénales, un délinquant peut être privé de certains droits, c’est-à-dire que ses droits peuvent être limités uniquement en fonctionde la nature et du contenu desdites sanctions et d’une façon qui garantisse le respect de la personnalité du délinquant et sa dignité humaine (art. 11). L’article 4 dispose que les actes par lesquels la personne condamnée est soumise à une quelconque forme de torture, de sévices et d’humiliation ou à des expériences médicales ou scientifiques sont interdits et passibles de sanctions. Sont considérées principalement comme des actes illicites les mesures qui sont disproportionnées pourmaintenir l’ordre et la discipline dans l’institution ou dans l’unité, ou qui sont illégales et peuvent causer des souffrances ou la restriction indue des droits fondamentaux d’une personne condamnée. Une personne condamnée qui a été victime de pratiques interdites a droit à la réparation du préjudice subi.

9.La loi relative à l’application des peines d’emprisonnement, l’imposition des amendes et la mise en œuvre des mesures de sécurité fait clairement obligation aux institutions et aux établissements pénitentiaires d’enregistrer les personnes devant purger une peine et être placées en détention et d’établir des statistiques à leur sujet. Cette loi, ainsi que les règlements qui en découlent, prévoit l’admission des détenus, l’établissement de leur identité, etc. À cet égard, le Manuel relatif au contenu, à la tenue des registres et à l’archivage des dossiers personnels des détenus (Journal officiel du Monténégro, no 037/16 du 16 juin 2016) fournit des détails sur toutes ces questions, en précisant qui est condamné à une peine allant jusqu’à vingt ans de réclusion au plus et qui est condamné à une peine de quarante ans de réclusion.

10.Le registre des détenus contient : le numéro d’écrou du détenu, le numéro de son dossier personnel, son nom, le nom de son père ou de sa mère s’il est né de père inconnu, le jour, le mois, l’année, le lieu et le pays de sa naissance, son numéro d’enregistrement unique, sa nationalité, son lieu de résidence permanent ou temporaire, son niveau d’étude, ses qualifications, des renseignements sur l’infraction commise, le nom, l’article et le paragraphe du texte enfreint, le nom de l’autorité dont a émané la décision, le numéro et la date de cette décision, des indications sur le type et la durée de la peine et de la mesure de sûreté, le cas échéant, des informations indiquant si le détenu a volontairement accepté d’exécuter sa peine ou s’il y a été contraint, la date et l’heure de réception de l’acte concernant l’exécution de la peine, le temps passée en garde à vue, des renseignements sur l’expiration de la peine ou la mesure de sûreté, l’autorité dont a émané la décision, le numéro et la date de la décision par laquelle la peine a été modifiée (amnistie, grâce, confusion des peines), et qui a imposé une nouvelle peine, la date et le fondement juridique de la remise en liberté (fin de peine, libération conditionnelle, grâce, amnistie) au sortir de l’unité de l’Institut pour l’application des sanctions pénales, une mention indiquant s’il s’agit d’une peine de réclusion ou d’une peine de réclusion criminelle de quarante ans, une indication précisant si le condamné est récidiviste et combien de fois il a commis les mêmes infractions, et d’autres remarques (transfèrement, fin de peine, etc.).

11.Figurent dans le dossier personnel du détenu : le numéro d’écrou ; la date de mise sous écrou ; le groupe du détenu et une mention indiquant s’il s’agit d’un récidiviste ; les signes distinctifs et des photographies du détenu (prises à son arrivée et tous les cinq, dix, quinze, vingt et vingt-cinq ans) ; des renseignements à son sujet (son nom de famille, son prénom, son surnom, le nom de son père ou de sa mère s’il est né de père inconnu, ainsi que le nom de jeune fille de sa mère, le jour, le mois, l’année, le lieu, la ville et le pays de sa naissance, le lieu de sa résidence permanente ou temporaire, le numéro de sa carte d’identité, son passeport ou tout autre document permettant de déterminer son identité, son sexe, sa nationalité, son appartenance ethnique, (avec son accord écrit préalable) et sa religion (avec son accord écrit préalable),les biens fonciers qu’il possède le cas échéant, sa situation matrimoniale, des informations sur les membres de sa famille et notamment le nombre d’enfants mineurs, sur son niveau d’études, sur son emploi avant la commission des faits et sur des questions personnelles) ; des renseignements sur sa condamnation (le type et la classe de l’amende, le type et la durée desmesures de sûreté, le cas échéant, des renseignements sur l’infraction,le nom de la loi enfreinte, la composition du tribunal et l’avis de chacun des membres, des informations sur les complices, une brève description de l’infraction, l’autorité qui a statué, le numéro et la date de la décision, le temps passé en détention, le fait que le détenu ait volontairement exécuté sa peine ou y ait été contraint, la date et l’heure de l’incarcération, la date prévue et la date modifiée de fin de la peine ou des mesure de sûreté,des renseignements sur les condamnations précédentes et l’autorité qui les a prononcées (le nom du tribunal, le numéro et la date du jugement, le type et la classe de l’amende, l’infraction, la date et les motifs de remise en liberté, la prison dont la personne a été libérée et le nom de l’institution étrangère si la personne purgeait une peine dans un autre pays), le nom de l’organe dont a émané la décision, le numéro et la date de la décision par laquelle la peine est modifiée (amnistie, grâce, confusion des peines) et une nouvelle peine est imposée, le fondement juridique et la date de la remise en liberté (fin de peine, libération conditionnelle, grâce, amnistie)) ; des renseignements sur les personnes qui sont autorisées à rendre régulièrement visite au détenu (nom, liens de parenté, lieu de résidence permanente ou temporaire, remarques) ; la description du détenu (forme du visage, typede cheveux et de coiffure, forme du front, description de la dentition, couleur des yeux, taille et forme du nez, forme des oreilles, description du menton − profil, marques distinctives − cicatrices, verrues, taches de naissance, taches de rousseur, tatouages, type et niveau de handicap, empreintes digitales, taille de la main, évolutions et changements intervenus dans l’identité physique de la personne) ; renseignements sur une éventuelle évasion, sur les prolongations de peines et sur la mort des détenus (mort naturelle, suicide, tués lors de la fuite) ; des informations sur les plaintes, les demandes, les appels et d’autres requêtes (date de la remise, numéro d’écrou, date d’envoi de la demande, objet de la demande, adresse où elle a été envoyée, date de réception de la réponse finale) ; renseignements sur les demandes envoyées au service compétent concernant le comportement du détenu en milieu carcéral. Le registre des détenus et leur dossier personnel sont manuscrits et peuvent exister sous forme électronique.

III.Informations relatives au paragraphe 29 des observations finales

Paragraphe 29

L’État partie devrait envisager de procéder aux modifications législatives nécessaires pour établir une définition de la victime qui soit conforme à celle énoncée au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention afin de garantir à toute personne physique ayant subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée la pleine jouissance des droits consacrés par la Convention, en particulier du droit de savoir la vérité et du droit d’obtenir réparation, consacrés aux paragraphes 2, 4 et 5 de l’article 24.

12.Pour ce qui est du sens du terme victime employé au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention, l’article 22 du Code de procédure pénale énonce que sont lésées les parties dont des droits personnels ou des droits de propriété ont été violés ou menacés par une infraction pénale. La vérité et la justice comptent parmi les principes fondamentaux de la procédure pénale, au cours de laquelle le tribunal, le parquet et d’autres institutions publiques participant au procès doivent établir les faits avec exactitude et de manière exhaustive afin de rendre une décision légale et équitable, et instruire et établir avec la même attention les faits à charge et à décharge concernant l’accusé.

13.Le Code de procédure pénale prévoit des mesures procédurales et juridiques visant à protéger les témoins contre les actes d’intimidation, et des moyens spéciaux de participation et d’interrogation des témoins protégés, qui s’appliquent par conséquent à la participation et à l’audition de la partie lésée dans le cadre de la procédure pénale (art. 120 à 124). Sauf disposition contraire du Code de procédure pénale, les décisions en matière pénale (jugements, décisions ou ordonnances) sont communiquées oralement à qui de droit, si les personnes sont présentes, ou, si elles sont absentes, en leur en faisant parvenir une copie conforme (art. 191).

14.Le droit à réparation en cas de conduite contraire à la loi est garanti par la Constitution, qui dispose qu’une personne illégalement ou abusivement arrêtée ou condamnée à tort a droit à une indemnisation de l’État en réparation du préjudice subi (art. 38).

15.Concernant le travail de la police, une personne qui estime que ses libertés et ses droits ont été enfreints par la police dans le cadre de ses attributions ou ont été lésés a le droit à une protection judiciaire et à une réparation du préjudice subi, en application de la loi sur les affaires intérieures (art. 17).

16.Le Code de procédure pénale dispose qu’une personne illégalement ou indûment arrêtée ou condamnée à tort a le droit d’être réhabilitée et d’être dédommagée par l’État pour le préjudice subi, entre autres droits prévus par la loi (art. 13). Le droit à réparation dans le cas d’une condamnation injustifiable est accordé à une personne à qui une sanction pénale a été infligée en vertu d’une décision définitive, qui a été déclarée coupable avant l’introduction d’un recours extraordinaire ayant entraîné l’abandon de la procédure ou qui a été acquittée par un jugement définitif ou en raison du rejet des accusations, sauf si : la procédure a été abandonnée ou les accusations ont été rejetées par un jugement parce que, à l’issue des nouvelles délibérations, le substitut du procureur a décidé la radiation de l’affaire ou le plaignant s’est désisté, sous réserve que le désistement ait été le fruit d’un accord conclu avec l’accusé, ou encore l’accusation a été jugée irrecevable car le tribunal n’était pas compétent en l’espèce et le procureur habilité a présenté le dossier devant un tribunal compétent. La personne reconnue coupable, ou en l’espèce la personne acquittée, n’a pas droit à un dédommagement si la procédure pénale a été ouverte en raison d’un faux témoignage de sa part lors de l’instruction préliminaire ou dans d’autres circonstances, ou si elle a provoqué sa condamnation en raison de telles déclarations au cours de la procédure, à moins qu’elle n’ait agi sous la contrainte. En cas de condamnation pour des infractions concomitantes, le droit à dédommagement peut aussi s’appliquer pour certaines infractions pénales à l’égard desquelles les conditions à remplir pour obtenir dédommagement sont réunies.

17.La loi régit les questions de responsabilité en cas de préjudices en se fondant uniquement sur des circonstances objectives, c’est-à-dire non sur une condamnation injustifiée ou sur une privation infondée de liberté, ce qui indique la volonté de protéger les droits et les biens de la personne, son intégrité physique et sa liberté personnelle. Une détention est réputée infondée si la procédure est abandonnée en application d’une décision définitive, d’un jugement définitif d’acquittement ou d’un jugement déclarant les accusations irrecevables. Une privation injustifiée de liberté ou une condamnation injuste peuvent causer des préjudices pécuniaires et non pécuniaires. Le tribunal évalue le montant de la réparation et des préjudices pécuniaires et non pécuniaires ; la loi prévoit quant à elle le versement de 3 000 à 4 000 euros pour chaque mois de détention illégale, en raison du préjudice moral subi, selon les circonstances définies par la loi relative aux obligations.

18.Le Monténégro a ratifié la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes en 2009.