Nations Unies

CERD/C/PER/CO/18-21

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

25 septembre 2014

Français

Original: espagnol

Comité pour l ’ éliminati on de la discrimination raciale

Observations finales concernant les dix-huitièmeà vingt et unième rapports périodiques du Pérou *

Le Comité a examiné les dix-huitième à vingt et unième rapports périodiques du Pérou (CERD/C/PER/18-21), soumis en un seul document, à ses 2301e et 2302e séances (CERD/C/SR.2301 et 2302), les 14 et 15 août 2014. À ses 2315e et 2316e séances, les 25 et 26 août 2014, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté dans les délais ses dix-huitième à vingt et unième rapports périodiques, soumis en un seul document. Le Comité se déclare satisfait des échanges francs et constructifs qu’il a eus avec la délégation de haut niveau de l’État partie.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures ci-après adoptées par l’État partie:

a)L’adoption du Plan d’action national pour les droits de l’homme (2014‑2016);

b)La création, en 2013, du Bureau national de dialogue et de durabilité de la présidence du Conseil des ministres; et

c)La création, en 2010, du Ministère de la culture et du Vice‑Ministère de la diversité culturelle.

Le Comité salue la création du Ministère du développement et de l’intégration sociale et du Ministère de la justice et des droits de l’homme, ce dernier étant l’instance directrice en matière de droits de l’homme, ainsi que la création du Vice‑Ministère aux droits de l’homme et à l’accès à la justice, qui est chargé de formuler, de coordonner, d’exécuter et de surveiller la politique nationale en matière de droits de l’homme.

Le Comité prend acte avec satisfaction de l’adoption de la loi sur le droit à la consultation préalable des populations autochtones (Loi sur le droit à la consultation préalable) en septembre 2011, et de son règlement d’application en avril 2012.

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la discrimination, avec la création de la Commission nationale de lutte contre la discrimination et la mise en place du portail d’information «Alerta Contra el Racismo» (Alerte au racisme), en 2013.

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie, le 26 septembre 2012, de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

Discrimination structurelle

Le Comité relève avec préoccupation que les membres des peuples autochtones et les Afro‑Péruviens continuent d’être victimes d’une discrimination structurelle, se heurtant constamment à l’absence de débouchés économiques, à la pauvreté et à l’exclusion sociale (art. 1, 2 et 5).

À la lumière de sa précédente recommandation (CERD/C/PER/CO/14-17, par. 10), le  Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une politique globale et nationale de lutte contre le racisme et la discrimination raciale, qui promeuve l ’ intégration sociale et réduise les taux élevés d ’ inégalité et de pauvreté dont souffrent les membres des peuples aut ochtones et les Afro ‑Péruviens.

Définition de la discrimination raciale

Le Comité note avec satisfaction la reconnaissance, au paragraphe 2 de l’article 2 de la Constitution du Pérou, du principe de l’égalité et du droit fondamental à l’égalité, mais il juge préoccupante l’absence de définition expresse de la discrimination raciale incluant tous les éléments énoncés à l’article premier de la Convention (art. 1er, par.1, et art. 2, par. 1, al. d).

S ’ appuyant sur sa Recommandation générale n o  14 (1993) relative au paragraphe 1 de l ’ article premier de la Convention, le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ intégrer dans son droit interne une définition de la discrimination raciale qui englobe tous les éléments définis au paragraphe 1 de l ’ article premier de la Convention et qui prévoie les actes de discrimination directe et indirecte dans tous les domaines du droit et de la vie publique.

Délit de discrimination raciale et discours de haine racistes

Bien que l’article 323 du Code pénal qualifie le délit de «discrimination et incitation à la discrimination», le Comité note avec préoccupation que ni les actes de discrimination raciale ni les actes tels qu’énumérés à l’article 4 de la Convention n’ont été clairement définis dans le droit pénal interne (art. 1, par. 1, et 4).

Compte tenu de ses Recommandations générales n o  7 (1985), concernant la législation visant à éliminer la discrimination raciale (art. 4) , et n o  15 (1993), concernant l ’ article 4 de la Convention, le Comité engage l ’ État partie à inclure dans son droit pénal le délit de discrimination raciale, ainsi qu ’ un délit qui englobe tous les éléments énoncés à l ’ article 4 de la Convention, conformément à la Recommandation générale n o  35 (2013) du Comité, sur la lutte contre les discours de haine raciale. Il lui recommande également de faire en sorte que, dans les peines infligées pour un délit, la motivation raciale soit considérée comme une circonstance aggravante.

Données statistiques et recensement

Le Comité demeure préoccupé par l’absence de données ventilées sur la composition de la population de l’État partie et regrette en particulier l’absence de données et d’indicateurs sur la population afro-péruvienne, qui prive d’une vision claire et objective des besoins urgents de cette catégorie de la population (art. 1 et 2).

Le Comité rappelle à l ’ État par t ie l ’ importance que revêtent la collecte et la publication de données statistiques ventilées sur la composition de sa population. Tenant compte du fait que le prochain recensement se déroulera en 2017, le Comité engage l ’ État partie à rassembler des données et des indicateurs sur la population afro ‑péruvienne et autochtone, ventilées par sexe, âge et handicap, et à faciliter la participation active des peuples autochtones et de la population afro-péruvienne à l ’ élaboration de la méthodologie à appliquer, et à veiller à ce que cette méthodologie repose sur le critère de l ’ auto-identification.

Mesures institutionnelles

Le Comité prend note de la création de la Commission nationale de lutte contre la discrimination, mais juge préoccupante l’absence d’informations précises concernant les ressources et les fonctions dévolues à cette instance, s’agissant en particulier de la lutte contre la discrimination raciale. Le Comité regrette que l’Institut national de développement des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA) ait été intégré dans le Ministère de la culture, mesure qui compromet la dimension technique et l’indépendance de l’instance (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures législatives et administratives requises pour que le mandat et les fonctions de la Commission nationale de lutte contre la discrimination soient clairement établis en ce qui concerne la lutte contre la discrimination raciale, et de veiller à doter cette instance des ressources humaines et financières lui permettant de s ’ acquitter effectivement de ses fonctions. Le Comité réitère sa recommandation précédente (CERD/C/PER/CO/14-17, par. 22) et demande instamment à l ’ État partie de renforcer l ’ INDEPA, en veillant à  son indépendance, à sa visibilité et à son efficacité.

Population afro-péruvienne

Le Comité est préoccupé par la discrimination et l’absence de visibilité auxquelles est confrontée la population afro‑péruvienne dans les domaines de l’emploi, de l’éducation et de la santé en particulier. Malgré la création d’un groupe de travail afro‑péruvien au Congrès, le Comité regrette le faible taux de participation des Afro‑Péruviens et des Afro‑Péruviennes à la vie politique et à l’élaboration et à l’adoption de normes et politiques publiques (art. 2 et 5).

S ’ appuyant sur sa Recommandation générale n o  34 (2011) sur la discrimination raciale à l ’ égard des personnes d ’ ascendance africaine, le Comité engage l ’ État partie à adopter des mesures d ’ ordre général et des mesures spéciales, en allouant les ressources humaines et financières voulues, de façon à garantir l ’ exercice des droits des Afro-Péruviens. Il l ’ invite également à adopter des mécanismes propres à garantir la participation des communautés afro-péruviennes à la vie politique, ainsi qu’à la conception et à l ’ adoption de normes et politiques publiques, et à la réalisation des projets qui les affectent, directement ou indirectement.

Mise en œuvre de la loi relative au droit à la consultation préalable

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi relative au droit à la consultation préalable et son règlement d’application, ainsi que les informations communiquées par l’État partie au sujet des 16 processus de consultation en cours. Cela étant, le Comité est préoccupé par les informations concernant l’absence de moyens et de méthodologie appropriée pour la réalisation du processus de consultation. Le Comité regrette en outre l’exclusion de projets ayant trait au secteur minier du processus de consultation et les difficultés qui se posent lors de la détermination des populations qui doivent être consultées (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ adopter une méthodologie appropriée pour achever les processus de consultation préalable en conformité avec les normes internationales, et de garantir l ’ affectation de moyens suffisants;

b) De veiller à ce que tous les projets de développement et d ’ exploitati on des ressources naturelles, y  compris ceux ayant trait à l ’ exploitation minière, soient soumis au processus de consultation afin d ’ obtenir des communautés susceptibles d ’ être touchées directement ou indirectement leur consentement libre, préalable et éclairé; et

c) De garantir que s er ont dûment consultées toutes les communautés autochtones, dans la région andine comme en Amazonie, qui risquent d ’ être touchées , directement ou indirectement, par l ’ adoption d ’ une mesure législative ou administrative.

Peuples autochtoneset exploitation des ressources naturelles

En dépit des mesures prises pour garantir la protection des droits des peuples autochtones, le Comité juge préoccupant que les concessionsaccordées pour l’extraction des ressources naturelles continuent de fragiliser les droits que les peuples autochtones ont sur leurs terres, leurs territoires traditionnels et ancestraux, et leurs ressources naturelles, y compris sur les eaux, ce qui cause des problèmes environnementaux tels que la pollution de la nappe phréatique. Le Comité se déclare préoccupé par la non-mise en œuvre effective des mesures adoptées pour atténuer les effets sur l’environnement (art. 5).

Tenant compte de sa Recommandation générale n o 23 (1997) sur les droits des populations autochtones, et des recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones dans son rapport sur la situation des peuples autochtones au Pérou, eu égard aux activités des industries extractives (A/HRC/27/52/Add.3), le Comité engage l ’ État partie à:

a) Redoubler d ’ efforts en vue de consolider le cadre législatif et administratif de protection des peuples autochtones eu égard à l ’ exploita tion des ressources naturelles;

b) Garantir la pleine jouissance et l ’ exercice effectif par les peuples autochtones de leurs droits sur les terres , territoires et ressources naturelles qu ’ ils occupent ou utilisent, notamment grâce à la délivrance des titres de propriété voulus;

c) Veiller à l ’ application effective des mesures de protection et de préservation contre les effets sur l ’ environnement ; et

d) Garantir que les peuples autochtones affectés par les activités d ’ exploitation des ressources naturelles sur leurs territoires obtiennent des compensations pour les dommages ou pertes encourus et qu ’ ils bénéficient d ’ une partie des rece ttes tirées desdites activités.

Peuples autochtones en situation d’isolement volontaire ou de premier contact

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour protéger les peuples autochtones ou originaires en situation d’isolement volontaire ou de premier contact, mais il est préoccupé par les lacunes observées dans leur application. Le Comité exprime de nouveau sa préoccupation quant au plan de développement des activités d’exploration et d’extraction de gaz naturel dans la réserve territoriale Kugapakori‑Nahua‑Nanti, qui risquent de compromettre le bien-être physique des peuples autochtones qui vivent sur ce site et de fragiliser leurs droits (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer la protection qu ’ il apporte aux peuples autochtones qui se trouvent en situation d ’ isolement volontaire ou de premier contact, et d ’ adopter les mesures requises pour en garantir comme il convient l ’ application. Le Comité engage l ’ État partie à donner effet aux recommandations énoncées par le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones dans son rapport (A/HRC/27/52/Add.3), eu égard aux peuples autochtones en situation d ’ isolement volontaire et en particulier à ceux qui se trouvent dans la réserve territoriale Kugapakori ‑Nahua ‑Nanti.

Formes multiples de discrimination

Le Comité note avec préoccupation que les femmes autochtones et afro-péruviennes continuent de faire face à des formes multiples de discrimination dans les domaines de l’éducation, du travail et de la santé, d’être victimes de la violence fondée sur le genre et de rencontrer des difficultés pour accéder à la justice. Le Comité déplore les informations selon lesquelles nombre de femmes domestiques font l’objet d’une discrimination en raison de leur origine ethnique (art. 5 et 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre en considération sa Recommandation générale n o  25 (2000) sur la dimension sexiste de la discrimination raciale et d ’ inclure une perspective de genre dans toutes les politiques et stratégies visant à combattre la discrimination raciale en vue de remédier au x formes multiples de discrimination dont les femmes sont victimes. Le Comité engage l ’ État partie à mettre en place des mesures fondées sur une approche interculturelle afin d’améliorer l’accès à l’éducation, à l’emploi, à la santé et à la justice des femmes victimes de discrimination et de violence . Il lui demande instamment d ’ adopter des mesures efficaces de protection des domestiques et d ’ accélérer les démarches en vue de la ratification de la Convention n o  189 de l ’ OIT sur les travailleuses et les travailleurs domestiques.

Inégalités dans le domaine de l’éducation

Le Comité est préoccupé par les difficultés que rencontrent les enfants dont la langue maternelle n’est pas l’espagnol en matière d’accès à une éducation de qualité, ainsi que par les niveaux élevés d’analphabétisme chez les garçons et les filles appartenant à des communautés autochtones et afro-péruviennes (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures nécessaires pour mettre fin à l’analphabétisme et améliorer la qualité de l ’ enseignement dans les zones rurales où se trouvent des filles et des garçons appartenant à des communautés autochtones, et pour assurer la mise en œuvre effective de la politique nationale d ’ enseignement interculturel bilingue en milieu rural en vue de garantir l ’ emploi de s langues autochtones dans l ’ enseignement primaire et secondaire.

Droit à l’identité

Malgré les efforts déployés par l’État partie dans le cadre du Registre national d’identification et d’état civil, le Comité note avec inquiétude qu’un nombre important de femmes et d’enfants autochtones, en particulier dans les communautés autochtones des régions amazonienne et andine, éprouvent toujours des difficultés à avoir accès au registre des naissances et à obtenir un document d’identité (art. 5, al. d).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts afin de garantir l ’ accès au registre des naissances à tous les peuples autochtones, ainsi que la délivrance de certificats de naissance et de documents d ’ identité, en particulier aux autochtones qui se trouvent dans des zones rec ulées des régions amazonienne et andine.

Pratiques de travail forcé

Le Comité note avec inquiétude que des membres de peuples autochtones, en particulier dans les régions de Madre de Dios et d’Ucayali, sont, par le biais de la tromperie, soumis à des pratiques de travail forcé et à des situations de servitude dans les secteurs du bois et de l’exploitation minière (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ intensifier ses efforts pour éliminer le travail forcé grâce à l ’ allocation de ressources suffisantes à la Commission nationale de lutte contre le travail forcé, et à  l ’ augmentation des ressources actuelles;

b) D ’ ouvrir immédiatement des enquêtes et des poursuites contre les responsables de tels actes, en fournissant une assistance, une protection et une répar ation appropriées aux victimes;

c) De donner pleinement effet aux recommandations formulées par la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d ’ esclavage à la suite de sa visite au Pérou (A/HRC/18/30/Add.2).

Réfugiés et demandeurs d’asile

En dépit des renseignements fournis par l’État partie concernant le traitement des réfugiés et des demandeurs d’asile, le Comité note avec préoccupation que ceux‑ci sont toujours victimes de discrimination raciale, et qu’ils sont empêchés d’exercer effectivement leurs droits économiques, sociaux et culturels, s’agissant en particulier de l’accès à la santé et au travail (art. 5, al. d et e).

Le Comité engage l ’ État partie à prendre les mesures nécessaires et efficaces qui permettront de promouvoir l ’ intégration des réfugiés et des demandeurs d ’ asile, en leur garantissant l ’ accès sans discrimination à l ’ éducation, à l ’ emploi et aux services de santé. Il recommande à l ’ État partie de renforcer la formation des agents de la fonction publique dans le domaine des droits de l ’ homme, en particulier des droits des réfugiés et des demandeurs d ’ asile.

Application du Plan intégral de réparations

Le Comité est préoccupé par les retards pris dans la mise en œuvre du Plan intégral de réparations destiné principalement aux membres de peuples autochtones victimes du conflit armé entre 1990 et 2000, ainsi que par le manque de participation de ces derniers à l’élaboration et à la mise en œuvre des programmes de réparation. Le Comité déplore l’information selon laquelle la Fiscalía Penal Supraprovincial (bureau du procureur supraprovincial) de Lima a décidé de classer sans suite l’enquête sur le cas de plus de 2 000 femmes, principalement autochtones, qui ont été victimes de stérilisation forcée entre 1996 et 2000 (art. 2 et 6).

Le Comité exhorte l ’ État partie à:

a) Adopter les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre rapide et effective du Plan inté gral de réparations , notamment l ’ allocation de ressources suffisantes;

b) Faciliter la participation des peuples autochtones à l ’ élaboration et à la mise en œuvre des programm es de réparation ; et

c) Rouvrir l ’ enquête sur l’affaire concernant les victimes de stérilisation forcée, en veillant à ce que les responsables soient dûment sanctionnés et à ce que les victimes reçoivent une réparation appropriée.

Conflits sociaux liés à des projets d’exploitation des ressources naturelles

Le Comité accueille avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour prévenir les conflits sociaux grâce à la création de tables de dialogue; il regrette toutefois que des faits de violence suscités par l’opposition à des projets d’exploitation de ressources naturelles continuent de se produire, faits qui ne font l’objet d’aucune enquête exhaustive, comme cela est le cas pour les événements tragiques de Bagua. Le Comité prend note avec inquiétude des renseignements, reçus récemment, sur les poursuites pénales et l’usage disproportionné de la force dont sont victimes les membres de peuples autochtones qui s’opposent à des projets d’extraction. Il est aussi préoccupé par les effets négatifs que pourrait avoir sur les peuples autochtones l’adoption de la récente réforme du Code pénal (loi no 30151) qui exonère de toute responsabilité pénale les agents de la force de l’ordre qui sont à l’origine de blessures ou de décès suite à l’emploi de la force dans l’exercice de leurs fonctions (art. 5, al. a, et 6).

Le Comité exhorte l ’ État partie à:

a) Renforcer les mécanismes de prévention des conflits sociaux, en facilitant la participation effective des membres et des représentants de peuples autochtones afin qu ’ ils puissent exprimer librement leur opposition aux projets d ’ exploitation de ressources naturelles;

b) Mener à bien une enquête exhaustive sur les violations des droits de l ’ homme en rapport avec l ’ opposition à des projets d ’ extraction;

c) Adopter les mesures nécessaires pour garantir le respect des principes de proportionnalité et de nécessité au sens strict en ce qui concerne l ’ emploi de la force contre des personnes apparte nant à des peuples autochtones ; et

d) Envisager l’abrogation de la loi n o  30151 et veiller à ce que les auteurs d’un emploi excessif de la force contre des mem bres de s peuples autochtones soient traduits en justice.

Lutte contre les stéréotypes raciaux

En dépit des mesures adoptées pour lutter contre la discrimination raciale, y compris des mesures administratives contre des médias, le Comité continue d’être préoccupé par les attitudes discriminatoires qui sont toujours profondément ancrées dans la société péruvienne et regrette que les médias continuent de diffuser des stéréotypes négatifs sur les peuples autochtones et afro‑péruviens, comme c’est le cas avec le programme télévisé intitulé La Paisana Jacinta (art. 7).

Au vu de s a recomma ndation antérieure (CERD/C/PER /CO/14-17, par. 19) et de sa Recommandation générale n o  35 (2013) , le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De prendre l es mesures qui s’imposent , conformément à la Recommandation générale susmentionnée, pour éviter la propagation de messages, programmes et publicités qui continuent à perpétuer la stigmatisation des peuples autochtones et des communautés afro-péruviennes au moyen de stéréotypes;

b) Conformément à l ’ engagement pris lors du dialogue, d ’ accélérer l ’ élaboration et l ’ adoption d ’ un code de déontologie dans lequel les médias s ’ engagent à respecter la dignité, l ’ identité et la diversité culturelle des peuples autochtones et des communautés afro-péruviennes ; et

c) De réaliser de vastes campagnes de sensibilisation et d ’ éducation auprès de la société en général concernant les effets négatifs de la discrimination raciale, en vue de promouvoir la compréhension et la tolérance entre les différents groupes raciaux ou ethniques existants.

D.Autres recommandations

Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier la Convention sur la réduction des cas d’apatridie de 1961 et la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associéede 2013.

Amendement à l’article 8 de la Convention

Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 16 décembre 1992. À cet égard, le Comité rappelle les résolutions 61/148, 63/243 et 65/200 de l’Assemblée générale, dans lesquelles il est demandé instamment aux États parties d’accélérer leurs procédures internes de ratification de l’amendement à la Convention concernant le financement du Comité et d’informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation de cet amendement.

Déclaration et Programme d’action de Durban

À la lumière de sa Recommandation générale no 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de prendre en compte la Déclaration et le Programme d’action de Durban adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, ainsi que le Document final de la Conférence d’examen de Durban tenue à Genève en avril 2009, quand il intégrera la Convention à sa législation. Il le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action au niveau national.

Diffusion des rapports et des observations finales

Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses observations finales à la disposition du grand public, en les diffusant dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées dans le pays.

Suite donnée aux observations finales

Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 15, 22, 23 et 24 ci‑dessus.

Recommandations d’importance particulière

Le Comité souhaite aussi appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 8, 14 et 17 ci‑dessus et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses vingt‑deuxième et vingt‑troisième rapports périodiques d’ici au 29 octobre 2016, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Il lui demande instamment de respecter la limite de 40 pages fixée pour les rapports propres aux organes conventionnels (voir les Directives harmonisées concernant la présentation des rapports, HRI/GEN.2/Rev.6, chap. I, par. 19).