Nations Unies

CERD/C/PER/CO/22-23

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

23 mai 2018

Français

Original : espagnol

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport du Pérou valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport du Pérou valant vingt-deuxième et vingt‑troisième rapports périodiques (CERD/C/PER/22-23), à ses 2620e et 2621e séances (voir CERD/C/SR.2620 et 2621), les 25 et 26 avril 2018. À sa 2634e séance, le 4 mai 2018, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport du Pérou valant vingt-deuxième et vingt‑troisième rapports périodiques. Il est également satisfait du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie et lui sait gré de l’information complémentaire fournie à l’issue du dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communication en janvier 2016.

4.Il salue en outre les mesures législatives et institutionnelles ci-après prises par l’État partie pendant la période considérée :

a)L’adoption de la nouvelle loi sur les migrations (décret-loi no 1350), publiée en janvier 2017 ;

b)L’adoption du Plan national relatif aux droits de l’homme 2018-2021 ;

c)L’adoption du Plan national de développement de la population afro‑péruvienne 2016-2020 ;

d)L’adoption de la Politique nationale de transversalisation de la perspective interculturelle ;

e)L’adoption de la Politique d’éducation interculturelle bilingue et du Plan national d’éducation interculturelle bilingue à l’horizon 2021.

5.Le Comité salue la tenue, en 2017, du douzième recensement national de la population, du septième recensement national du logement et du troisième recensement national des groupes autochtones, qui, pour la première fois, comportait la variable ethnique et raciale fondée sur l’auto-identification, qui a permis de disposer d’une information plus complète sur la composition démographique de l’État partie.

C.Préoccupations et recommandations

Informations statistiques

6.Le Comité salue le fait que la variable ethnique et raciale a été ajoutée aux éléments du dernier recensement, mais il note avec préoccupation que cette variable ne fait pas encore systématiquement partie des données recueillies par les différentes institutions publiques, ce qui limite la possibilité d’obtenir des données et des indicateurs fiables offrant un panorama clair et objectif des besoins de tous les groupes ethniques de la population. Il regrette de ne pas disposer d’informations détaillées sur la situation de la population rom dans l’État partie.

7. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ amener les institutions publiques concernées à inclure systématiquement la variable ethnique et raciale dans les registres de l ’ administration et dans la collecte de données. Il l ’ engage aussi à procéder, à partir de 2017, année de la tenue du douzième recensement national de la population, du septième recensement national du logement et du troisième recensement national des groupes autochtones, à des études se fondant sur le recensement et lui demande de lui fournir, dans son prochain rapport périodique, des statistiques fiables, à jour et complètes, ainsi que des indicateurs relatifs aux droits de l ’ homme et aux droits socioéconomiques ventilés par race, couleur, ascendance, origine nationale ou ethnique, puis sous-ventilés par sexe, âge, région, zone urbaine ou rurale, y compris les zones les plus reculées. De même, il lui demande des renseignements statistiques et des indicateurs socioéconomiques sur la population rom présente dans l’État partie. À ce sujet, il le renvoie à sa recommandation générale n o  4 (1973) sur la présentation des rapports par les États parties et, plus spécifiquement, sur la composition démographique de la population.

Mesures législatives

8.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas encore inclus dans sa législation une définition et une interdiction explicites de la discrimination raciale comportant tous les éléments de l’article premier de la Convention (art. 1, par. 1 et 2, par. 1 d)).

9. Se fondant sur sa recommandation précédente (CERD/C/PER/CO/18-21, par. 9 et 10), le Comité prie instamment l ’ État partie de revoir sa législation et d ’ y inclure une interdiction claire et explicite de la discrimination raciale respectant tous les critères énoncés au paragraphe 1 de l ’ article  premier de la Convention, et qui comprenne tous les actes de discrimination directe et indirecte dans tous les domaines du droit et de la vie publique. Il lui recommande aussi d ’ inclure dans sa législation pénale une interdiction expresse des actes que mentionne l ’ article 4 de la Convention.

Mesures institutionnelles

10.Le Comité note avec préoccupation que la Commission nationale de lutte contre la discrimination et la Plateforme « Alerta contra el racismo » (Alerte au racisme) ne sont pas efficaces dans la lutte contre la discrimination raciale, en partie faute de recevoir les ressources nécessaires (art. 2, par. 1).

11. Le Comité rappelle sa recommandation précédente (CERD/C/PER/CO/18 ‑21, par. 12) et exhorte l ’ État partie de veiller au fonctionnement effectif de la Commission nationale de lutte contre la discrimination et de la Plateforme « Alerta contra el racismo » (Alerte au racisme) en ce qui concerne la lutte contre la discrimination raciale, notamment en leur allouant les ressources humaines, techniques et financières voulues et en les dotant d ’ une représentation transversale appropriée.

Discrimination structurelle

12.Le Comité demeure préoccupé par la discrimination raciale structurelle persistante à laquelle se heurtent les peuples autochtones et la population afro-péruvienne, qui se traduit par des difficultés d’accès à l’emploi, à l’éducation et à des services de santé de qualité (art. 2 et 5).

13. Le Comité rappelle sa recommandation précédente (CERD/C/PER/CO/18-21, par. 8) et exhorte l ’ État partie à adopter une politique nationale complète de lutte contre le racisme et la discrimination raciale qui encourage l ’ inclusion sociale et réduise les niveaux élevés d ’ inégalité et de pauvreté qui touchent les membres des populations autochtones et la population afro-péruvienne. Se fondant sur sa recommandation générale n o  32 (2009) concernant la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention, il le prie instamment d ’ adopter des mesures spéciales ou de discrimination positive à tous les niveaux de l ’ administration de l ’ État afin d ’ éliminer la discrimination structurelle que subissent les peuples autochtones et la population afro-péruvienne.

Population afro-péruvienne

14.Le Comité salue l’adoption du Plan national de développement de la population afro-péruvienne 2016-2020, mais note néanmoins avec préoccupation que sa mise en œuvre n’est pas effective, pour des raisons dues en partie au manque de ressources et à une coordination lacunaire de l’action menée par les institutions chargées de son application. Il est également préoccupé par le peu de reconnaissance de la population afro-péruvienne et regrette que celle-ci ne soit toujours pas reconnue dans la Constitution (art. 2 et 5).

15. Se fondant sur sa recommandation générale n o  34 (2011) relative à la discrimination raciale à l ’ égard des personnes d ’ ascendance africaine, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures nécessaires pour garantir la mise en œuvre effective du Plan national de développement de la population afro ‑péruvienne 2016-2020, notamment en octroyant les ressources humaines, techniques et matérielles nécessaires et en renforçant le Groupe de travail avec la population afro-péruvienne, mécanisme responsable de la mise en œuvre dudit p lan, de son suivi et de son contrôle, et qui assure la coordination entre les différentes institutions, tant aux niveaux national que régional. Se fondant sur les renseignements reçus pendant le dialogue, le Comité engage l ’ État partie à accélérer l ’ adoption du texte sur la reconnaissance constitutionnelle de la population afro-péruvienne présenté au Congrès, en concertation avec celle-ci et avec sa participation.

Terres, territoires et ressources des peuples autochtones

16.Le Comité est préoccupé par le manque de mécanismes effectifs de protection des droits des peuples autochtones sur leurs terres, territoires et ressources, dû en partie à l’absence d’une procédure adéquate de reconnaissance et d’octroi de titres de propriété sur les terres, et à la concentration généralisée des terres et l’exploitation de ressources naturelles par des entités privées, des entreprises ou des particuliers, qui demeure la source de graves conflits sociaux. Il est aussi préoccupé de constater que le développement d’activités d’exploitation des ressources naturelles continue d’avoir des effets négatifs sur les territoires, terres et ressources des peuples autochtones, particulièrement en raison de la pollution de leurs ressources en eau, et se ressent considérablement sur leurs moyens traditionnels de subsistance (art. 5).

17. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ établir un mécanisme adéquat et efficace permettant l ’ examen des revendications foncières et la restitution de terres et territoires ancestraux, et de veiller à l ’ octroi des ressources humaines, techniques et financières voulues pour le fonctionnement efficace dudit mécanisme ;

b) De garantir la protection des droits qu ’ ont les peuples autochtones de posséder, d ’ utiliser, de mettre en valeur et de contrôler en toute sécurité leurs terres, territoires et ressources, y compris par la reconnaissance légale et la protection juridique nécessaire, conformément aux normes internationales ;

c) De redoubler d ’ efforts pour procéder dûment à l ’ évaluation de l ’ impact social et environnemental que peut avoir l ’ exploitation des ressources naturelles se trouvant sur le territoire de peuples autochtones, aux fins de protéger les moyens traditionnels de subsistance de ces peuples ;

d) De faire en sorte que les communautés concernées soient indemnisées des préjudices subis et aient accès à une participation aux bénéfices tirés de ces activités.

Peuples autochtones en situation d’isolement volontaire ou de premier contact

18.Le Comité note avec préoccupation que, malgré la création de réserves autochtones, la réalisation de projets de développement et d’activités d’exploitation de ressources naturelles continue de menacer la survie physique et culturelle des peuples autochtones en situation d’isolement volontaire ou de premier contact, particulièrement dans les réserves autochtones Isconahua, Murunahua, Mashco Piro et Kugapakori Nahua Nanti (art. 5).

19. Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) De s ’ employer davantage à accélérer le classe ment des réserves autochtones ;

b) D ’ adopter et de mettre en œuvre les mesures voulues pour garantir la survie physique et culturelle des peuples autochtones en situation d ’ isolement volontaire ou de premier contact, en particulier de ceux qui ont été touchés par la réalisation de projets de développement et d ’ activités d ’ exploitation de ressources naturelles ou qui risquent de l ’ être.

Consultations préalables

20.Le Comité constate avec préoccupation que le droit des peuples autochtones aux consultations préalables et au droit d’exprimer leur consentement libre, préalable et éclairé n’est pas appliqué en ce qui concerne les mesures législatives. Il demeure également préoccupé par les déficiences constatées s’agissant des consultations préalables relatives aux projets de développement et d’exploitation de ressources naturelles, dont les projets d’exploitation minière en territoires autochtones, car ces consultations n’ont pas lieu au moment voulu et l’information fournie est incomplète, ce qui ne permet pas aux peuples autochtones d’exprimer leur consentement de manière libre, préalable et éclairée (art. 2 et 5).

21. Compte tenu de sa recommandation précédente (CERD/C/PER/CO/18-21, par. 14), le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) De veiller à ce que les peuples autochtones et, le cas échéant, la population afro-péruvienne, soient consultés en ce qui concerne toutes les mesures administratives et législatives susceptibles de peser sur leurs droits, afin d ’ obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé ;

b) D ’ adopter une méthode appropriée pour mener à bien les consultations préalables afin d ’ obtenir le consentement libre, préalable et éclairé, compte tenu des traditions et des caractéristiques culturelles de chaque peuple ;

c) De faire en sorte que les consultations préalables à la réalisation de projets de développement et d ’ exploitation de ressources naturelles, notamment l ’ exploitation minière de terres et territoires autochtones, soient systématiques et inévitables, réalisées en temps opportun et dans des délais raisonnables, et que les peuples autochtones consultés reçoivent des renseignements complets et appropriés.

Défenseurs des droits de l’homme et dirigeants de peuples autochtones et de populations afro-péruviennes

22.Le Comité note avec préoccupation la progression des indices d’actes de violence visant les défenseurs des droits de l’homme, spécialement les dirigeants de peuples autochtones et afro-péruviens. En particulier, il déplore l’assassinat, perpétré récemment, de la dirigeante autochtone Olivia Arévalo du peuple Shipibo-Konibo, dans la région de Ucayali, ainsi que les actes de justice sommaire qui ont suivi. Il note aussi avec préoccupation que l’État partie ne s’est toujours pas doté d’un protocole de protection des défenseurs des droits de l’homme et que la création d’un mécanisme indépendant chargé de rédiger un tel document est subordonnée à la disponibilité de ressources (art. 2 et 6).

23. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter les mesures efficaces voulues pour prévenir les actes de harcèlement, d ’ intimidation, de représailles et de violence contre les défenseurs des droits de l ’ homme, dont les dirigeants et les défenseurs des droits des peuples autochtones et afro-péruviens ;

b) De mettre en place un mécanisme national de protection des défenseurs des droits de l ’ homme indépendant, ainsi que les stratégies voulues de protection, en tenant dûment compte des différences culturelles, régionales et de sexe, et de prévoir l ’ affectation des ressources humaines, financières et techniques nécessaires à leur bon fonctionnement ;

c) De mener des enquêtes sur tout acte de harcèlement, d ’ intimidation, de représailles et de menaces commis contre des défenseurs de droits de l ’ homme, et de sanctionner dûment les auteurs de tels actes, en particulier l ’ assassinat récent de Olivia Arévalo ;

d) D ’ adopter les mesures nécessaires pour garantir la prévalence de l ’ état de droit et éviter le passage à des actions de justice sommaire ;

e) De mener des campagnes d ’ information et de sensibilisation sur l ’ action fondamentale que mènent les défenseurs des droits de l ’ homme, dont les dirigeants et les défenseurs des droits des peuples autochtones et afro-péruviens, afin d ’ encourager un climat de tolérance qui leur permette de mener à bien leur travail, sans qu ’ ils aient à subir aucune intimidation, menace ou représaille.

Usage de la force

24.Le Comité demeure préoccupé par les allégations faisant état du recours excessif à la force contre des membres des peuples autochtones qui s’opposent à la réalisation de projets d’extraction minière. De même, il note avec préoccupation que l’impartialité de l’action de la Police nationale du Pérou peut être affaiblie par l’existence de conventions de prestations de service avec les entreprises minières présentes en territoires autochtones, et que l’état d’urgence est décrété de manière préventive dans des régions où habitent principalement des peuples autochtones (art. 2 et 5).

25. Le Comité rappelle sa recommandation précédente (CERD/C/PER/CO/18-21, par. 23) et exhorte l ’ État partie :

a) D ’ adopter des mesures pour prévenir l ’ usage excessif de la force, les mauvais traitements et l ’ abus d ’ autorité contre des membres de peuples autochtones et afro-péruviens, notamment en garantissant le respect du principe de proportionnalité et de stricte nécessité dans l ’ usage de la force et en organisant à l ’ intention des agents des forces de l ’ ordre des modules de formation sur l ’ usage de la force et le maintien de l ’ ordre par des moyens appropriés ;

b) De faire en sorte que l ’ action de la police nationale du Pérou soit totalement indépendante et impartiale, et d ’ envisager de mettre fin aux conventions de prestations de service s avec des entreprises privées, particulièrement des entreprises d ’ extractions minières qui mènent des activités dans des territoires autochtones ;

c) De procéder, avant de décréter l ’ état d ’ urgence de manière préventive, à une analyse exhaustive et de justifier la nécessité de pareille mesure, en veillant au respect des principes de non-discrimination et de proportionnalité ;

d) De mener des enquêtes sur toutes les plaintes relatives à l ’ usage excessif de la force, aux mauvais traitements et aux violences commises par des fonctionnaires chargés de faire respecter la loi contre des membres de peuples autochtones et, le cas échéant, de veiller à ce que les auteurs de tels actes soient jugés et sanctionnés, compte tenu de la gravité des actes commis.

Stérilisation forcée

26.Le Comité note avec satisfaction la création du registre des victimes des stérilisations forcées réalisées entre 1995 et 2001 et l’annonce de la réouverture de la procédure judiciaire concernant les stérilisations forcées réalisées sur des femmes autochtones. Néanmoins, il note avec préoccupation que l’accès à la justice et la possibilité de figurer sur le registre des victimes reste semé d’obstacles (art. 6).

27. Se fondant sur sa recommandation précédente (CERD/C/PER/CO/18-21, par. 22), le Comité exhorte l ’ État partie d ’ adopter les mesures voulues pour que les victimes de stérilisation forcée aient accès au registre de victimes. De même, il le prie instamment d ’ adopter les mesures voulues pour que, dans les affaires de stérilisation forcée, les enquêtes soient menées sans tarder et de manière exhaustive, que les responsables de tels actes soient dûment sanctionnés et que les victimes aient accès à la réparation voulue.

Conditions de travail

28.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas de statistiques officielles sur le travail forcé et sur la mesure dans laquelle ce phénomène touche les peuples autochtones et les différents groupes nationaux ou ethniques, alors que l’on sait que des membres de peuples autochtones des régions de l’Amazonie continuent d’être victimes de travail forcé. Il note également avec préoccupation que les travailleurs domestiques, qui sont principalement des femmes, continuent d’être victimes de discrimination en raison de leur origine ethnique (art. 2 et 5).

29. Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) De faire en sorte que le troisième plan national de lutte contre le travail forcé soit assorti d ’ objectifs et d ’ échéances précis, et d ’ allouer les ressources humaines, techniques et matérielles nécessaires à la mise en œuvre effective de ce plan ;

b) De renforcer la Commission nationale de lutte contre le travail forcé ainsi que le système d ’ inspection du travail ;

c) D ’ adopter les mesures voulues pour prévenir les cas de travail forcé, enquêter sur ces cas et poursuivre leurs auteurs, en faisant en sorte que les victimes aient accès à la justice et à l ’ inspection du travail, qu ’ elles reçoivent la protection et la réparation voulues, et que les auteurs de tels actes soient dûment jugés et condamnés à des peines conformes à la gravité des actes commis ;

d) De redoubler d ’ efforts pour garantir la protection effective de tous les travailleurs domestiques, en faisant en sorte que les dispositions juridiques relatives au travail domestique soient appliquées avec détermination, et de s ’ employer à ratifier la Convention n o  189 de l ’ OIT sur les travailleuses et les travailleurs domestiques ;

e) D ’ inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements statistiques sur la dimension réelle du phénomène du travail forcé et sur la mesure dans laquelle il touche les peuples autochtones, afro-péruviens ou d ’ autres groupes nationaux ou ethniques.

Participation politique

30.Le Comité note avec préoccupation que les mesures prises pour promouvoir la participation des peuples autochtones et afro-péruviens aux processus décisionnels de la vie publique ne sont pas efficaces (art. 2 et 5).

31. Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir la participation de la population d ’ ascendance africaine, autochtone et rom, dans une proportion qui ne soit pas inférieure à la proportion de ces populations mesurée au dernier recensement de la population, à tous les niveaux, dans toutes les entités et organes du pouvoir public, tant au niveau national que territorial, y compris aux postes les plus élevés et aux postes de responsabilité. Il lui recommande aussi de sensibiliser les membres des peuples autochtones et afro-péruviens au fait qu ’ il est important qu ’ ils participent activement à la vie publique et politique.

Éducation

32.Le Comité note avec préoccupation que, pour des raisons touchant en partie au nombre insuffisant d’enseignants formés et au manque de financement, l’application du Plan national d’éducation interculturelle bilingue à l’horizon 2021 est limitée, particulièrement dans l’enseignement secondaire. Il note avec la même préoccupation les difficultés que continuent de connaître les enfants et adolescents des peuples autochtones et afro-péruviens pour accéder à un enseignement de qualité, particulièrement dans les zones rurales et reculées (art. 2 et 5).

33. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour garantir la mise en œuvre effective du Plan national d ’ éducation interculturelle bilingue à l ’ horizon 2021, notamment par l ’ affectation de ressources suffisantes, le renforcement de la Commission nationale de l ’ éducation interculturelle et bilingue et l ’ établissement d ’ un mécanisme de contrôle effectif. Il le prie instamment de promouvoir des processus de formation, notamment continue, des enseignants, afin de renforcer l ’ éducation interculturelle bilingue et de poursuivre l ’ action menée pour éliminer les difficultés d ’ accès à l ’ éducation et réduire les indices d ’ abandon scolaire et de redoublement des enfants afro-péruviens ou autochtones, particulièrement dans les zones rurales et reculées.

Formes multiples de discrimination contre les femmes

34.Le Comité note avec préoccupation les multiples formes de discrimination que continuent de subir les femmes afro-péruviennes et autochtones dans l’État partie, qui se traduisent par un accès limité au travail, à l’éducation, à la santé, ainsi que par des possibilités limitées de participer à la vie politique. Il continue également de noter avec préoccupation l’indice élevé de violences contre les femmes, qui touche de manière disproportionnée les autochtones et les Afro-Péruviennes (art. 5 et 6).

35. Le Comité rappelle sa recommandation précédente et prie instamment l ’ État partie d ’ inclure le souci de la condition de la femme dans toutes les politiques et stratégies de lutte contre la discrimination raciale afin d ’ éliminer la discrimination multiple et intersectionnelle que subissent les femmes autochtones ou d ’ ascendance africaine. Il lui recommande aussi d ’ adopter des mesures assorties d ’ une perspective interculturelle pour garantir aux Afro-Péruviennes et aux femmes autochtones : a) l ’ accès à l ’ éducation, à l ’ emploi et à la santé, notamment la santé sexuelle et de la procréation  ; b) la participation aux processus décisionnels et, en particulier, aux processus de consultation préalable  ; c) l ’ accès à la justice et aux mécanismes voulus de protection en cas de violence sexiste. Le Comité renvoie l ’ État partie à sa recommandation générale n o  25 (2000) sur les dimensions de la discrimination raciale liée à l ’ appartenance sexuelle.

Situation des migrants

36.Le Comité salue l’action menée pour accueillir les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés, en particulier d’origine vénézuélienne, notamment par l’octroi de permis temporaires de séjour, mais il note avec préoccupation que, dans la pratique, ceux-ci sont victimes de préjugés, de stéréotypes et d’actes discriminatoires, et qu’ils se heurtent à des difficultés s’agissant d’accéder aux services de base, principalement aux services de santé et d’éducation (art. 2 et 5).

37. Se fondant sur sa recommandation générale n o  30 (2004) concernant la discrimination contre les non-ressortissants, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues et effectives pour protéger les non-ressortissants, dans leur majorité d ’ origine vénézuélienne. En particulier, il le prie instamment :

a) De mettre en œuvre des mesures de promotion de la pleine participation et intégration des migrants dans l ’ État partie et le respect de leurs droits ;

b) De mener à bien des campagnes de sensibilisation, d ’ information ou d ’ éducation évitant les préjugés et les stéréotypes auxquels se heurtent les migrants ;

c) D´éliminer les obstacles qui, dans la pratique, empêchent l ’ accès aux services de santé, d ’ éducation, d ’ emplois, notamment par l ’ émission opportune de documents d ’ identité ;

d) D ’ inclure dans son prochain rapport périodique des statistiques et des indicateurs socioéconomiques sur les migrants.

Accès à la justice

38.Le Comité note avec préoccupation le nombre limité de plaintes pour discrimination raciale et observe que jusqu’à présent, une seule affaire, l’affaire Azucena Algendones, a été jugée et qu’elle est en attente d’une décision en dernière instance. Il note également avec préoccupation que, malgré l’adoption du Plan national d’accès à la justice pour les personnes en situation de vulnérabilité 2016-2021, les Afro-Péruviens et les membres de peuples autochtones continuent de se heurter à des difficultés dans ce domaine (art. 6).

39. À la lumière de sa recommandation générale n o  31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) D ’ adopter des mesures efficaces pour que toutes les victimes de discrimination raciale aient facilement accès à des recours juridiques rapides et efficaces et à une indemnisation ;

b) De garantir l ’ accès à la justice aux peuples autochtones et afro ‑ péruviens, en veillant au respect de leurs droits fondamentaux et des garanties d ’ une procédure régulière, notamment par l ’ augmentation du nombre d ’ interprètes et des possibilités d ’ accéder à l ’ assistance juridictionnelle gratuite ;

c) De former systématiquement les agents de la police, les procureurs, les avocats, les défenseurs publics, les juges et les professionnels du système judiciaire, pour mieux leur faire prendre conscience des effets négatifs de la discrimination raciale et assurer l ’ application effective de la Convention.

Stéréotypes raciaux

40.Le Comité est gravement préoccupé par le fait que les membres des peuples autochtones et les Afro-Péruviens continuent d’être victimes de préjugés raciaux dans les médias, de la part des chefs d’entreprise et même des fonctionnaires. Il regrette de constater que la diffusion de stéréotypes négatifs dans les programmes télévisés tels que La Paisana Jacinta et El Negro Mana a encore lieu (art. 7).

41. Le Comité rappelle sa recommandation précédente (CERD/C/PER/C/CO/18-21, par. 19) et prie instamment l ’ État partie d ’ adopter les mesures voulues pour éviter la propagation de messages, de programmes et de publicité qui continuent de perpétuer la stigmatisation des peuples autochtones et des communautés afro ‑ péruviennes par la représentation de stéréotypes. De même, il lui demande instamment de mener de vastes campagnes de sensibilisation et d ’ éducation de toute la société sur les effets négatifs de la discrimination raciale et de promouvoir la compréhension et la tolérance entre les différents groupes raciaux ou ethniques existants. Le Comité signale à l ’ attention de l ’ État partie sa recommandation générale n o  35 (2013) concernant la lutte contre les discours de haine raciale.

D.Autres recommandations

Ratification de nouveaux traités

42. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l ’ homme, le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, et le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d ’ intolérance de 2013 et la Convention interaméricaine contre toutes les formes de discrimination et d ’ intolérance de 2013.

Amendement à l’article 8 de la Convention

43. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l ’ article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième r éunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111.

Déclaration et Programme d’action de Durban

44. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d ’ examen de Durban, le Comité recommande à l ’ État partie de tenir compte, lorsqu ’ il transpose les dispositions de la Convention dans sa législation interne, de la Déclaration et du Programme d ’ action de Durban adoptés par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l ’ intolérance qui y est associée en septembre 2001 et du Document final de la Conférence d ’ examen de Durban tenue en avril 2009. Le Comité prie l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des informations précises à ce sujet.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

45. À la lumière de la résolution 68/237 de l ’ Assemblée générale, dans laquelle l ’ Assemblée a proclamé Décennie internationale des personnes d ’ ascendance africaine la période allant de 2015 à 2024, et de la résolution 69/16 sur le programme d ’ activités relative à la Décennie, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer et de mettre en œuvre un programme adéquat de mesures et de politiques. Le Comité prie également l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les mesures concrètes qu ’ il aura adoptées dans ce cadre, à la lumière de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l ’ encontre des personnes d ’ ascendance africaine.

Diffusion des rapports et des observations finales

46. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de faire de même pour les présentes observations finales du Comité, en les diffusant dans les deux langues officielles et, s ’ il y a lieu, dans les autres langues couramment utilisées.

Consultations avec la société civile

47. Le Comité recommande à l ’ État partie de tenir des consultations et d ’ élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l ’ homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l ’ élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Suite donnée aux observations finales

48. Conformément au paragraphe  1 de l ’ article 9 de la Convention et à l ’ article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans un délai d ’ un an à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 23 c), 25 d) et 27.

Paragraphes d’importance particulière

49. Le Comité souhaite aussi appeler l ’ attention de l ’ État partie sur l ’ importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 13, 31 et 41, et demande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu ’ il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport

50. Le Comité recommande à l ’ État partie de soumettre son rapport valant vingt ‑ quatrième et vingt-cinquième rapports périodiques d ’ ici au 29 octobre 2022, en tenant compte des directives pour l ’ établissement des documents destinés spécifiquement au Comité que celui-ci a adoptées à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité demande instamment à l ’ État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.