Nations Unies

CCPR/C/HUN/CO/6

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

9 mai 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le sixième rapport de la Hongrie *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le sixième rapport périodique de la Hongrie (CCPR/C/HUN/6) à ses 3464e et 3465e séances (CCPR/C/SR.3464 et 3465), les 19 et 20 mars 2018. À ses 3478e et 3480e séances, les 28 et 29 mars 2018, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée de présentation des rapports et d’avoir soumis son sixième rapport périodique en s’appuyant sur la liste de points établie au préalable dans le cadre de cette procédure (CCPR/C/HUN/QPR/6). Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses fournies oralement par sa délégation et des informations complémentaires qui lui ont été communiquées par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)L’adoption, le 1er janvier 2012, d’une charte des droits dans le cadre de la Loi fondamentale ;

b)L’instauration, en 2015, du Programme national sur le handicap pour la période 2015-2025 ;

c)L’instauration, en 2013, de la Stratégie nationale de lutte contre la traite des êtres humains pour la période 2013-2016 ;

d)L’instauration, en 2011, de la Stratégie nationale d’inclusion sociale pour la période 2014-2020.

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié, le 12 janvier 2012, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il note également avec satisfaction que, le 14 mars 2014, l’État partie a signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et juridique de l’application du Pacte

5.Le Comité est préoccupé par le niveau de protection des droits fondamentaux qu’offrent la loi et la pratique en Hongrie, la Loi fondamentale ayant fait l’objet de modifications fréquentes, souvent du fait de lois que la Cour constitutionnelle avait précédemment déclarées inconstitutionnelles. Le Comité constate que l’institution de l’actio popularis a été abolie dans la nouvelle Constitution, et note avec préoccupation que l’actuelle procédure de recours en constitutionnalité restreint l’accès à la Cour constitutionnelle, ne fixe pas de délai pour procéder à l’examen de la constitutionnalité et n’a pas d’effet suspensif sur les lois et dispositions contestées. Le Comité constate également avec préoccupation qu’il est recouru à des lois essentielles pour protéger les politiques établies par le Gouvernement de modifications pouvant être décidées à la majorité simple par le Parlement, et s’inquiète du peu d’informations qui lui ont été fournies quant à l’application du Pacte ou son évocation par la Cour suprême et la Cour constitutionnelle (art. 2).

6. L ’ État partie devrait respecter la séparation des pouvoirs et l e principe d es contre-pouvoirs institutionnels entre les institutions élues et les institutions judiciaires chargées de protéger les droits de l ’ homme, notamme nt les droits des minorités. Il  devrait en particulier veiller à ce que le processus d ’ examen de la constitutionnalité soit efficace et instituer, dans la législation et dans la pratique , des garanties juridiques suffisantes pour assurer la pleine protection des droits consacrés par le Pacte dans l ’ ordre juridique interne. L ’ État partie devrait également mener une action de sensibilisation à la nécessité de veiller à ce que les lois nationales soient interprétées et appliquées dans le respect des obligations découlant du Pacte.

Processus législatif

7.Le Comité prend note des nombreuses réformes législatives que l’État partie a réalisées depuis l’examen de soncinquième rapport périodique, mais s’inquiète de la manière dont les lois sont adoptées et des répercussions de certaines dispositions résultant de ce processus sur la promotion et la protection des droits de l’homme en Hongrie. En particulier, le Comité prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles les responsables politiques de l’opposition ne seraient pas suffisamment consultés,de l’allure à laquelle se déroule souvent le processus législatif, surtout lorsque celui-ci est engagé à l’initiative de commissions ou de parlementaires, en leur nom propre, ainsi que de l’absence de mesures visant à garantir la transparence des projets de loi et à ménager suffisamment de temps pour la tenue des débats, la consultation du public et la réalisation d’études d’impact. Il s’inquiète également de la pratique qui consiste à apporter des modifications de fond aux projets de loi après la clôture des débats parlementaires en recourant à une mesure spéciale censée permettre uniquement de revoir des dispositions techniques ou de remédier à des incohérences (art.2, 19 et 25).

8. L ’ État partie devrait renforcer son processus législatif, en particulier s ’ agissant des lois qui ont une incidence sur la jouissance des droits de l ’ homme et s ’ assurer pour ce faire qu ’ il dispose de mécanismes propres à garantir un processus transparent, inclusif et participatif faisant appel aux responsables politiques de l ’ opposition, à la société civile, aux autres parties prenantes et au grand public, et offrant des possibilités concrètes et des délais suffisants pour débattre des projets de loi et d ’ amendements et les examiner valablement.

Constatations au titre du Protocole facultatif

9.Bien que prenant note avec satisfaction de la déclaration de l’État partie selon laquelle il est de la plus haute importance pour la Hongrie dese conformer dans toute la mesure possible aux constatations du Comité dans son système juridique, le Comité regrette de ne pas avoir reçu davantage d’informations sur la mise en œuvre des constatations qu’il a formulées au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte (art. 2).

10. L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour donner effet aux constatations du Comité afin de garantir le droit des victimes à un recours utile en cas de violation du Pacte, conformément au paragr aphe  3 de l ’ article 2 du Pacte.

Administration de la justice

11.Le Comité est préoccupé par les dispositions de la nouvelle loi sur la Cour constitutionnelle qui remettent en cause l’inamovibilité des juges et renforcent l’influence du Gouvernement sur la composition et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle en ce qu’elles modifient la procédure de désignation des magistrats de la Cour, le nombre de ces magistrats et l’âge du départ à la retraite, et en ce qu’elles transfèrent l’autorité administrative sur le système judiciaire du Conseil national de la magistrature au Bureau national de la magistrature. En outre, le Comité prend acte avec préoccupation de la révocation du mandat de l’ancien Président de la Cour suprême, le juge Baka, au motif que celui-ci aurait critiqué les réformes de la justice. Il est également préoccupé par la limitation de la compétence et des attributions de la Cour constitutionnelle en ce qui concerne l’examen des lois touchant aux questions budgétaires (art. 2 et 14).

12. L ’ État partie devrait revoir le cadre législatif régissant les attributions de la Cour constitutionnelle et restituer à la Cour les compétences qui lui sont traditionnellement conférées, et prendre des mesures propres à garantir et à protéger la pleine indépendance et la pleine impartialité du pouvoir judiciaire , entre autres choses, en veillant à ce que les juges puissent s ’ acquitter de leurs fonctions sans pression et sans ingérence du pouvoir exécutif ou autre influence extérieure. Il devrait également veiller à ce que les juges soient nommés et promus selon des critères objectifs de compétence et d ’ aptitude, et ne soient révoqués que pour des motifs graves, pour faute ou incompétence, selon des procédures équitables assurant l ’ objectivité et l ’ impartialité, établies par la loi ( voir l ’ observation générale n o 32 (2007) sur le d roit à l ’ égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable , par. 20).

Institution nationale des droits de l’homme

13.S’il constate avec satisfaction qu’en 2014, la Commission des droits fondamentaux s’est vu attribuer le statut « A » par l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme et que l’État partie s’est engagé à fournir à la Commission les ressources nécessaires pour couvrir tous ses besoins, le Comité est néanmoins préoccupé par les informations selon lesquelles celle-ci ne disposerait pas des ressources humaines et financières dont elle a besoin pour s’acquitter efficacement de son mandat (art. 2).

14. L ’ État partie devrait réexaminer les besoins financiers et autres de la Commission des droits fondamentaux et veiller à ce que celle-ci dispose des ressources financières et autres dont elle a besoin pour remplir son mandat efficacement et en toute indépendance.

Exclusion des Roms

15.Bien que prenant note de l’adoption de différentes stratégies et programmes visant à améliorer la situation de la communauté rom, ainsi que des progrès accomplis à certains égards, notamment en ce qui concerne la scolarisation des enfants roms, le Comité est préoccupé par les informations faisant apparaître que la communauté rom continue de faire l’objet d’une discrimination et d’une exclusion généralisées, ainsi que d’une ségrégation dans l’emploi, l’accès au logement et l’éducation. Il constate avec une préoccupation particulière que nonobstant la loi de 2012 sur l’enseignement public, la ségrégation reste répandue dans les établissements d’enseignement, en particulier dans les établissements confessionnels et privés, et que le nombre d’enfants roms placés dans des établissements destinés aux enfants présentant des handicaps légers demeure particulièrement élevé (art. 2, 24 et 26).

16. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour promouvoir l ’ accès sans discrimination des membres de la communauté rom aux possibilités et services existant dans tous les domaines. Il devrait prendre des mesures pour suivre l ’ évolution de la ségrégation dont les enfants roms font l ’ objet dans l ’ éducation et éradiquer vrai ment cette pratique, et veiller à ce que tous les experts évaluant les handicaps potentiels des enfants utilisent des procédures standard fondées sur des méthodes scientifiques et à ce que tous les enfants roms aient accès à l ’ enseignement sur une base non discriminatoire.

Propos haineux, crimes de haine, racisme et comportements discriminatoires de la part de la police

17.S’il note que le crime de haine est réprimé par le Code pénal, le Comité constate cependant avec préoccupation que les crimes de haine sont très répandus, de même que les propos haineux visant les minorités, en particulier les Roms, les musulmans, les migrants et les réfugiés dans le discours politique, dans les médias et sur Internet. Il prend note des informations fournies par l’État partie quant aux mesures qu’il a prises pour offrir une meilleure qualité de vie aux juifs dans le pays, mais est néanmoins préoccupé par l’ampleur des stéréotypes antisémites et par les associations historiques négatives qui sont le fruit de théories conspirationnistes que des responsables de haut rang ont alimentées au sujet de George Soros. Le Comité prend également note avec préoccupation des allégations selon lesquelles le nombre de crimes de haine enregistrés est extrêmement bas parce que, dans bien des cas, la police n’enquêterait pas sur les plaintes dignes de foi portant sur des crimes de haine ou des propos haineux relevant du droit pénal et n’engagerait pas de poursuites à ce sujet. En outre, le Comité est préoccupé par la persistance du profilage racial des Roms par la police (art.2, 18, 20 et 26).

18. L ’ État partie devrait réaffirmer régulièrement, publiquement et valablement que toute apologie de la haine ethnique ou raciale qui constitue une incitation à la discrimination, à l ’ hostilité ou à la violence est interdite par la loi et devrait prendre rapidement des mesures pour traduire les auteurs de crimes de haine en justice. Il devrait prendre des mesures efficaces pour améliorer le signalement des crimes de haine et des discours haineux relevant du droit pénal, ainsi que les enquêtes à ce sujet, les poursuites et les sanctions, conformément aux obligations qui sont les siennes au titre du Pacte, et redoubler d ’ efforts pour mettre fin aux stéréotypes et à la discrimination à l ’ égard des migrants, des réfugiés, des juifs et des Roms, notamment en menant des campagnes de sensibilisation prônant la tolérance et le respect de la diversité et appelant l ’ attention sur le fait que le profilage racial n ’ est pas acceptable. Il devrait également veiller à ce que les représentants de l ’ État adoptant un comportement discriminatoire à l ’ égard des Roms ou d ’ autres groupes minoritaires aient systématiquement à en répondre .

Discrimination à l’égard des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres

19.Le Comité constate avec préoccupation que l’interdiction de la discrimination prévue par la Loi fondamentale ne mentionne pas expressément l’orientation sexuelle et l’identité de genre parmi les motifs de discrimination interdits, et craint que la définition restrictive de la famille qui figure dans ce texte ne soit source de discrimination dans la mesure où elle n’englobe pas certains types de structures familiales, notamment les couples de même sexe. Le Comité est également préoccupé par les actes de violence et par l’ampleur des stéréotypes négatifs et des préjugés à l’égard des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres, en particulier dans les secteurs de l’emploi et de l’éducation (art.2, 3, 6, 7, 17 et 26).

20. L ’ État partie devrait  :

a) Interdire la discrimination, pour quelque motif que ce soit, y compris en raison de l ’ orientation sexuelle et de l ’ identité de genre, dans toutes les sphères et dans tous les secteurs, notamment en ce qui concerne l ’ éducation, l ’ emploi, le mariage et l es structures familiales  ;

b) Garantir l ’ accès à des recours utiles pour tout acte de discrimination et veiller à ce que les tribunaux interprètent les lois antidiscrimination dans le respect du Pacte  ;

c) Prendre les mesures qui s ’ imposent pour faire cesser la discrimination à l ’ égard des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres en ce qui concerne les structures familiales  ;

d) Garantir, par des moyens efficaces, la détection et l ’ enregistrement des actes de violence fondés sur l ’ orientation sexuelle ou l ’ identité de genre des victimes, et veiller à ce que ces actes donnent lieu à des enquêtes, des poursuites et des sanctions appropriées, et intensifier les efforts visant à combattre les stéréotypes négatifs et les préjugés à l ’ égard des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, notamment en dispensant une formation aux représentants des forces de l ’ ordre.

Personnes handicapées

21.S’il prend note des progrès de l’État partie en ce qui concerne la promotion et la protection des droits des personnes handicapées, le Comité est néanmoins préoccupé par le grand nombre de personnes présentant des handicaps mentaux, intellectuels et psychosociaux qui sont placées de force dans des établissements médicaux, mises à l’isolement ou soumises à des traitements forcés, et par le caractère inadapté du cadre législatif actuel pour abandonner effectivement le placement en milieu fermé et porter l’appui communautaire à un niveau suffisant. Le Comité est également préoccupé de ce que, à ce jour, seul un petit nombre de personnes présentant de tels handicaps ont bénéficié du nouveau système d’aide à la prise de décisions établi par le Code civil de 2014, et s’inquiète de la tendance qu’il y aurait à priver les personnes présentant de tels handicaps de la capacité juridique, notamment du droit de vote, en dépit de leur aptitude à avoir des interactions sociales. Il est préoccupé, de surcroît, par les informations faisant état d’actes de violence, ainsi que de traitements cruels, inhumains ou dégradants, et par les allégations selon lesquelles un nombre important de décès survenus dans des établissements fermés n’auraient pas fait l’objet d’enquêtes. À cet égard, le Comité est particulièrement préoccupé par les éléments qui attesteraient des actes de torture et des mauvais traitements qui auraient été infligés à 220 enfants et adultes handicapés dans le foyer spécialisé de Topház, à Göd. En outre, le Comité est préoccupé par les récits indiquant que bien que cette pratique soit interdite par la loi, il arrive encore que des personnes handicapées soient soumises à une stérilisation forcée (art. 2, 6, 7, 9, 10, 14, 25 et 26).

22. L ’ État partie devrait  :

a) Veiller à ce que les personnes handicapées ne fassent l ’ objet d ’ aucune discrimination, dans la loi ou la pratique , en ce qui concerne la jouissance de leurs droits  ;

b) Revoir sa politique consistant à restreindre la capacité juridique des personnes présentant un handicap mental et établir la nécessité et la proportionnalité de toute mesure restrictive de cet ordre, sur une base individuelle, et l ’ accompagner de garanties procédurales effectives garantissant que toutes les personnes dont la capacité juridique serait restreinte puissent rapidement obtenir un réexamen judiciaire effectif des décisions ayant une incidence sur elles et bénéficier d ’ une représentation juridique gratuite et utile dans toutes les procédures concernant leur capacité juridique  ;

c) Renforcer la stratégie concernant l ’ abandon du placement en milieu fermé qui vise à remplacer les établissements sociaux à grande capacité par des cadres communautaires et veiller à ce que toute décision d ’ isoler, de placer ou de traiter des personnes présentant un handicap mental, intellectuel ou psychosocial soit prise après un examen médical complet, à ce que toute restriction soit légale, nécessaire et proportionnée et ait pour but de protéger l ’ intéressé de tout préjudice grave ou de prévenir les atteintes à autrui, à ce que la stérilisation de personnes handicapées ne soit pratiquée qu ’ avec le consentement libre et éclairé des intéressés, et à ce qu ’ un recours utile soit garanti, à ce que tout abus donne lieu à une enquête effective et à ce qu ’ en pareil cas la responsabilité pénale soit engagée  ;

d) Veiller à ne pas exercer de discrimination à l ’ égard des personnes présentant un handicap mental, intellectuel ou psychosocial en leur refusant le droit de vote pour des motifs disproportionnés ou n ’ ayant aucun lien raisonnable et objectif avec leur aptitude à voter, compte tenu de l ’ article 25 du Pacte.

Discrimination fondée sur le sexe

23.Le Comité constate avec préoccupation que les femmes sont sous-représentées aux postes de prise de décisions dans le secteur public, en particulier dans les ministères et au Parlement. Il regrette que des visions patriarcales stéréotypées aient encore cours dans l’État partie en ce qui concerne la place des femmes dans la société et prend note avec préoccupation des propos discriminatoires que des personnalités politiques tiennent à l’égard des femmes (art. 2, 3, 25 et 26).

24. L ’ État partie devrait prendre des mesures spécifiques pour renforcer la représentation des femmes aux postes de prise de décision s dans le secteur public, y compris, si besoin est, des mesures temporaires spéciales appropriées pour donner effet aux dispositions du Pacte. L ’ État partie devrait prendre les mesures concrètes qui s ’ imposent, notamment mener des campagnes de sensibilisation, pour faire disparaître, tant dans la législation que dans la pratique , les stéréotypes négatifs concernant la place des femmes dans la société, et revoir les dispositions législatives et constitutionnelles qui pourraient alimenter ces stéréotypes.

Violences conjugales

25.Nonobstant les mesures positives qu’a prises l’État partie, notamment l’augmentation du nombre de lits disponibles dans les centres d’accueil, le Comité est préoccupé par les informations indiquant que les violences conjugales persistent et continuent de ne pas être systématiquement signalées, que l’action de la police dans les affaires de violences conjugales et les dispositifs destinés à protéger et à aider les victimes ne sont pas adaptés et que l’accès aux centres d’accueil demeure insuffisant. Il constate avec préoccupation que le Code pénal ne protège pas pleinement les femmes victimes de violences conjugales, son article 212/A 2), qui réprime les comportements violents de gravité moindre que les coups et blessures, établissant les obligations suivantes : a) que la victime porte plainte ; b) que la victime et l’auteur des actes de violence aient vécu ou vivent sous le même toit ou aient des enfants ensemble ; et c) que des faits de violence familiale se soient produits à deux reprises au moins dans un laps de temps réduit. Le Comité constate en outre que l’article 212/A 2) ne mentionne pas expressément les violences à caractère sexuel parmi les actes de violence conjugale (art. 2, 3, 7 et 26).

26. L ’ État partie devrait faire en sorte que les cas de violences conjugales soient signalés et enregistrés, que des enquêtes approfondies soient menées à ce sujet, que les auteurs des faits en cause soient poursuivis et condamnés à une peine appropriée, que les victimes disposent de recours utiles et bénéficient de réels moyens de protection, et veiller notamment pour ce faire à ce qu ’ un nombre suffisant de foyers soient répartis dans l ’ ensemble du pays. Il devrait renforcer le cadre juridique, notamment le Code pénal, afin de protéger les femmes des violences conjugales et de la violence sexuelle et envisager de ratifier la Convention d ’ Istanbul. En outre, il devrait veiller à ce que les membres de la police, les procureurs et les juges reçoivent une formation appropriée pour traiter efficacement les affaires de violences conjugales.

Traite des êtres humains

27.Bien que prenant note des différents programmes mis en œuvre par l’État partie pour combattre la traite des êtres humains et venir en aide aux victimes, le Comité est préoccupé par les allégations concernant la persistance de ce phénomène dans l’État partie, en particulier dans les zones de transit (art. 8).

28. L ’ État partie devrait  :

a) Poursuivre son action de sensibilisation et, en coopération avec les pays voisins, combattre la traite des êtres humains, y compris à l ’ échelon régional, dans les zones de transit  ;

b) Rassembler des données statistiques sur les victimes de la traite, et les ventiler par sexe, âge, pays d ’ origine et de destination et type de traite, de manière à pouvoir faire reculer ce phénomène et mesurer l ’ efficacité des programmes et stratégies actuels  ;

c) Veiller à ce que tous les individus responsables de traite d ’ êtres humains soient poursuivis et sanctionnés à la hauteur des infractions commises  ;

d) Veiller à ce que les victimes obtiennent une réparation appropriée et soient dûment indemnisées.

Justice pour mineurs

29.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie a abaissé l’âge de la responsabilité pénale de 14 à 12 ans pour les crimes de haine. Il est également préoccupé par le grand nombre de mineurs en conflit avec la loi qui sont soumis à une privation de liberté (art. 9, 14 et 24).

30. L ’ État partie devrait veiller à ce que son système de justice pénale pour mineurs défende les droits consacrés par le Pacte et par d ’ autre s instruments internationaux et commencer par ramener l ’ âge de la r esponsabilité pénale de 12 à 14  ans pour toutes les infractions. Il devrait veiller à ce que les mineurs en conflit avec la loi soient traités d ’ une manière qui favorise leur intégration dans la société et observer le principe qui veut que la détention d ’ un enfant ne soit qu ’ une mesure de dernier ressort et soit d ’ une durée aussi brève que possible.

Droit à un procès équitable et à l’assistance d’un avocat

31.Le Comité est préoccupé par le pouvoir discrétionnaire qu’exerceraient les autorités dans la désignation des avocats commis d’office, par la pratique qui consisterait à désigner les mêmes avocats dans la majorité des cas et par les informations qui donnent à penser que les défendeurs indigents bénéficieraient d’une représentation en justice de moindre qualité. Ilprend note des renseignements communiqués par l’État partie, selon lesquels le nouveau Code de procédure pénale établit des règles plus strictes de notification des avocats représentant des personnes arrêtées, mais demeure préoccupé par les carences qui auraient été observées à cet égard en application de la loi existante, notamment le délai très réduit de notification des audiences aux avocats (art. 9 et 14).

32. L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté bénéficient de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de la détention. Il devrait veiller à ce que les avocats commis d ’ office assurent une représentation adéquate et utile devant les tribunaux.

Répression du sans-abrisme

33.Nonobstant la décision no 38/2012 (XI.14) de la Cour constitutionnelle, qui établit que la répression des sans-abri au motif qu’ils vivent dans des espaces publics constitue une atteinte au droit à la dignité humaine, le Comité est préoccupé par la législation nationale et locale de l’État partie, qui repose sur le quatrième amendement à la Loi fondamentale, lequel interdit l’accès des sans-domicile fixe à de nombreux espaces publics et réprime de fait le sans-abrisme. Le Comité prend note des explications de l’État partie quant au fait que, dans la pratique, les sans-abri ne sont pas verbalisés, mais regrette néanmoins que la législation prévoie encore des peines d’amende et le placement en détention, de sorte que ces mesures pourraient être appliquées à tout moment (art. 2, 9, 17 et 26).

34. L ’ État partie devrait nouer un dialogue avec les autorités nationales et locales dans l ’ optique d ’ abolir les lois et politiques qui incriminent de fait le sans-abrisme aux niveaux national et local. Il devrait veiller à ce que toutes les parties prenantes, notamment les travailleurs sociaux, les professionnels de santé, les représentants des forces de l ’ ordre et le personnel de justice, à tous les niveaux, coopèrent étroitement, afin d ’ intensifier l ’ action visant à remédier au sans-abrisme , dans le respect des normes relatives aux droits de l ’ homme.

Interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, et du recours excessif à la force

35.Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état d’un recours excessif à la force, notamment de mauvais traitements et d’actes de torture, par des représentants des forces de l’ordre au moment de l’arrestation et durant les interrogatoires, et par le nombre très réduit de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans ces affaires. Il rappelle ses précédentes observations finales (CCPR/C/HUN/CO/5, par. 14) et regrette que la règle qui veut que des membres des forces de l’ordre soient présents lorsque le médecin examine le détenu, sauf demande expresse du membre du personnel ou du détenu concerné, soit toujours en vigueur (art. 7 et 10).

36. L ’ État partie devrait  :

a) Veiller à ce que toutes les allégations de recours excessif à la force, notamment d ’ actes de torture et de mauvais traitements, de la part d ’ agents des forces de l ’ ordre, donnent rapidement lieu à des enquêtes impartiales, approfondies et efficaces et à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et condamnés à une peine appropriée  ;

b) Prendre des mesures appropriées pour renforcer l ’ o rgane indépendant chargé d ’ instruire les plaintes relatives à des violations commises par la police, étendre ses attributions en matière d ’ enquête et garantir son indépendance dans la conduite des enquêtes portant sur des allégations de comportement répréhensible de la part de membres de la police  ;

c) Envisager d ’ établir un organisme médical indépendant qui serait chargé d ’ examiner les victimes présumées d ’ actes de torture et de garantir le respect de la dignité humaine pendant les examens médicaux  ;

d) Veiller à ce que tous les programmes de formation des représentants des forces de l ’ ordre comportent un volet sur la prévention de la torture et des mauvais traitements et les mesures d ’ enquête à ce sujet, et intégrer le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) dans ces programmes.

Droit à la liberté et à la sécurité de la personne et droit des personnes privées de liberté d’être traitées avec humanité

37.S’il se félicite des progrès accomplis par l’État partie pour remédier au problème de la durée excessive de la détention avant jugement, le Comité est préoccupé par le fait que la durée de la détention avant jugement ne serait pas précisément limitée par la loi et par le recours excessif à la détention avant jugement au stade de l’enquête, notamment pour les mineurs (art. 9, 14 et 24).

38. L ’ État partie devrait  :

a) Continuer de réduire la durée de la détention avant jugement, recourir à des solutions non privatives de liberté et revoir sa législation en conséquence  ;

b) Procéder régulièrement à un examen de la durée de chaque détention avant jugement afin de déterminer si elle est raisonnable et nécessaire, et garantir le droit d ’ être jugé dans un délai raisonnable  ;

c) Veiller à ce que la détention des mineurs ne soit utilisée qu ’ en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible.

Réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle

39.Le Comité est préoccupé par les conditions juridiques très restrictives qui régissent l’octroi de la grâce aux personnes condamnées à la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle, qui prévoient que la grâce ne peut être accordée qu’après quarante ans de réclusion et que la décision finale du Président n’a pas besoin d’être justifiée (art. 7 et 10).

40. L ’ État partie devrait veiller à ce que la procédure de grâce prévue par la loi dans le cas des détenus purgeant une peine de réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle offre une réelle possibilité de libération fondée sur un examen opportun, approprié et non arbitraire.

Personnes privées de liberté

41.S’il reconnaît les efforts consentis par l’État partie pour remédier à la surpopulation carcérale, notamment avec la construction de nouveaux établissements et le recours à des solutions non privatives de liberté, le Comité est néanmoins préoccupé par la persistance du problème et regrette que l’État partie ne recoure pas davantage à des mesures de substitution à l’incarcération qui ne soient pas privatives de liberté. Il est également préoccupé par les mauvaises conditions de détention (art. 7 et 10).

42. L ’ État partie devrait intensifier son action pour remédier à la surpopulation dans les lieux de détention, notamment en recourant davantage à des mesures de substitution à l ’ incarcération qui ne soient pas privatives de liberté. Il devrait également améliorer les conditions de détention et redoubler d ’ efforts pour garantir le droit des détenus d ’ être traités dignement.

Surveillance exercée par les pouvoirs publics et interception de communications

43.Le Comité constate avec préoccupation que le cadre législatif de l’État partie régissant la surveillance secrète à des fins de sécurité nationale (art. 7/E 3) surveillance) : a) autorise l’interception généralisée des communications ; et b) prévoit des garanties insuffisantes contre l’ingérence arbitraire dans le droit au respect de la vie privée. Il est également préoccupé de ce qu’il n’existe aucun recours effectif en cas d’abus et de ce qu’il n’est pas obligatoire de notifier la personne placée sous surveillance dans les meilleurs délais, sans que cela aille à l’encontre de l’objectif de la restriction, après qu’il a été mis fin à la mesure de surveillance (art. 2, 17, 19 et 26).

44. L ’ État partie devrait renforcer la transparence des attributions prévues par le cadre législatif en matière de surveillance secrète à des fin s de sécurité nationale (art.  7/E 3) surveillance) et les garanties contre les abus dans ce domaine, et envisager de publier, dans leur totalité ou en partie, ses principes directeurs et décisions, sous réserve de considérations touchant à la sécurité nationale et aux intérêts des individus concernés par lesdites décisions à ce que leur vie privée soit préservée. Il devrait veiller à ce que toutes les lois et politiques régissant la surveillance secrète soient pleinement conformes aux obligations qui lui incombent au titre du Pacte, en particulier de son article 17, notamment les principes de légalité, de proportionnalité et de nécessité, à ce que des mécanismes effectifs et indépendants de contrôle de la surveillance secrète soient en place et à ce que les personnes concernées aient accès à des recours utiles en cas d ’ abus.

Détention de migrants dans les zones de transit et détention d’immigrants

45.Le Comité est préoccupé par les effets négatifs des grandes réformes législatives sur l’immigration adoptées par l’État partie au cours des dernières années. Bien que prenant note de la position de l’État partie selon laquelle, en tant qu’État souverain, il est en droit de freiner l’immigration illégale sur son territoire, le Comité constate avec préoccupation que la loi adoptée en mars 2017, qui autorise le renvoi automatique de tous les demandeurs d’asile vers les zones de transit pendant toute la durée de leur procédure d’asile, à l’exception des enfants non accompagnés reconnus comme étant âgés de moins de 14 ans, ne satisfait pas aux normes juridiques prévues par le Pacte en raison : a) de la période d’enfermement longue et indéfinie autorisée ; b) de l’absence de toute obligation légale d’examiner rapidement les circonstances particulières de chaque personne concernée ; et c) de l’absence de garanties procédurales permettant de contester valablement le renvoi vers les zones de transit. Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations faisant état d’un recours généralisé à la détention automatique des immigrants dans les centres de détention situés en Hongrie et par les allégations selon lesquelles les restrictions à la liberté individuelle seraient utilisées comme mesure générale de dissuasion contre l’entrée illégale plutôt qu’à l’issue d’une détermination des risques au cas par cas. Il est aussi préoccupé par les allégations reçues concernant les mauvaises conditions de vie observées dans certains lieux de détention (art. 2, 7, 9, 10, 13 et 24).

46. L ’ État partie devrait mettre sa législation et ses pratiques relatives au traitement des migrants et des demandeurs d ’ asile en conformité avec le Pacte, en tenant notamment compte de l ’ observation générale n o  35 (2014) du Comité sur la liberté et la sécurité de la personne. Il devrait aussi  :

a) S ’ abstenir de renvoyer automatiquement tous les demandeurs d ’ asile vers les zones de transit et de limiter ainsi leur liberté, et procéder à une évaluation au cas par cas de la nécessité de les transférer  ;

b) Réduire sensiblement la période initiale de détention obligatoire des immigrants, veiller à ce que toute détention au-delà de cette période initiale soit justifiée par son caractère raisonnable, nécessaire et proportionné, compte tenu de la situation de l ’ intéressé, et s ’ assurer qu ’ elle fasse l ’ objet d ’ un réexamen périodique par la justice  ;

c) Élargir le recours à des solutions autres que la détention pour les demandeurs d ’ asile  ;

d) Limiter légalement la durée totale de détention des immigrants  ;

e) Prévoir un droit de recours utile contre la détention et les autres restrictions à la liberté de circulation  ;

f) Veiller à ce que les enfants et les mineurs non accompagnés ne soient détenus qu ’ en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible, en tenant compte, au premier chef, de leur intérêt supérieur quant à la durée et aux conditions de détention, ainsi que de leur besoin particulier de protection  ;

g) Améliorer les conditions de vie dans les zones de transit et veiller à ce que les migrants soient gardés dans des locaux appropriés, sains et non punitifs, et pas dans des prisons.

Non-refoulement et recours excessif à la force

47.S’il prend note des renseignements donnés par l’État partie sur les normes applicables et sur les garanties de non-refoulement, le Comité constate cependant avec inquiétude que le cadre juridique de l’État partie n’offre pas une protection complète contre le refoulement. Il prend note avec préoccupation : a) de la loi sur le refoulement, mise en place en juin 2016, qui autorise l’expulsion sommaire par la police de toute personne ayant franchi la frontière de manière irrégulière et arrêtée sur le territoire hongrois dans un rayon de huit kilomètres à partir de la frontière, limite qui a été étendue à l’ensemble du territoire de l’État partie ; et b) du décret 191/2015 désignant la Serbie comme « pays tiers sûr » et autorisant de ce fait les refoulements à la frontière qui sépare la Hongrie de la Serbie. Le Comité prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles les mesures de refoulement seraient appliquées sans discernement et les personnes visées par de telles mesures n’auraient qu’une possibilité très limitée de présenter une demande d’asile et pratiquement aucune possibilité de recours. Il prend également note avec inquiétude des informations faisant état d’expulsions collectives et violentes, qui se seraient accompagnées de passages à tabac, d’attaques par des chiens policiers et de tirs de balles en caoutchouc, lesquels auraient causé de graves blessures et, dans un cas au moins, le décès d’un demandeur d’asile (art. 2, 6, 7, 9 et 13).

48. L ’ État partie devrait veiller à ce que le principe de non-refoulement soit garanti par la loi et strictement respecté dans la pratique, et à ce que tous les demandeurs d ’ asile, quels que soient les moyens par lesquels ils sont arrivés en Hongrie, aient accès à des procédures équitables et efficaces de détermination du statut de réfugié et à une protection efficace contre le refoulement. En particulier, il devrait  :

a) Abroger la loi sur le refoulement adoptée en juin 2016 et ses modifications, et faire en sorte sur le plan juridique que tout renvoi soit conforme aux obligations de non-refoulement qui lui incombent  ;

b) Envisager de réviser le décret 191/2015 et d ’ instaurer des garanties procédurales contre le refoulement, notamment la possibilité de faire réexaminer les décisions en matière d ’ asile par un organe judiciaire indépendant qui pui sse offrir des recours utiles  ;

c) Ne pas expulser collectivement des étrangers et procéder à une évaluation objective et individualisée du niveau de protection disponible dans les « pays tiers sûrs »  ;

d) Veiller à ce que la force ou la contrainte physique ne soit pas employée contre les migrants, sauf dans des conditions strictes de nécessité et de proportionnalité, et à ce que toutes les allégations de recours à la force contre eux fassent rapidement l ’ objet d ’ une enquête, à ce que les auteurs soient poursuivis et condamnés à une peine appropriée, et à ce que les victimes se voient offrir une réparation.

Enfants demandeurs d’asile et mineurs non accompagnés

49.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que les modalités d’évaluation de l’âge des enfants demandeurs d’asile et des mineurs non accompagnés dans les zones de transit reposent dans une large mesure sur un examen visuel réalisé par un expert et que ladite évaluation est entachée d’erreurs, et que les enfants concernés n’ont pas un accès approprié à l’éducation, aux services sociaux et psychologiques, et à l’aide juridictionnelle (art. 24).

50. L ’ État partie devrait veiller à ce que, dans les cas où il existe un doute raisonnable sur l ’ âge de la personne concernée, les procédures d ’ évaluation de l ’ âge ne soient réalisées que par des experts du domaine, dans l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant. Il devrait également faire en sorte que les enfants demandeurs d ’ asile, en particulier les enfants non accompagnés, puissent être scolarisés de manière appropriée, et bénéficier de services sociaux et psychologiques, ainsi que de l ’ aide juridictionnelle, et qu ’ un représentant légal ou un tuteur leur soit attribué dans les meilleurs délais.

Liberté de pensée, d’opinion et d’association dans l’enseignement supérieur

51.Le Comité prend note avec préoccupation de la modification apportée en 2017 à la loi CCIV de 2011 sur l’enseignement supérieur national, qui impose des restrictions disproportionnées au fonctionnement des universités accréditées à l’étranger. Bien que prenant note de l’explication donnée par la délégation de l’État partie selon laquelle cette loi s’applique à toutes les universités accréditées sur son territoire, le Comité relève que le choix d’imposer de telles restrictions à la liberté de pensée, d’expression et d’association, ainsi qu’à la liberté universitaire, n’est pas étayé par des arguments solides. Il constate avec inquiétude que ces contraintes touchent particulièrement l’Université d’Europe centrale à cause de ses liens avec George Soros (art. 18, 19, 21, 22 et 26).

52. L ’ État partie devrait revoir les modifications apportées récemment à la loi CCIV de 2011 sur l ’ enseignement supérieur national et faire en sorte que les restrictions imposées au fonctionnement des universités accréditées à l ’ étranger soient strictement nécessaires, proportionnées et conformes aux conditions énoncées, entre autres, au paragraphe 3 de l ’ article 19, à l ’ article 21 et au paragraphe 2 de l ’ article 22 du Pacte, et qu ’ elles ne visent pas de manière déraisonnable ou disproportionnée l ’ Université d ’ Europe centrale.

Financement étranger des organisations non gouvernementales

53.Le Comité est préoccupé par les conditions déraisonnables, écrasantes et restrictives imposées à certaines organisations non gouvernementales (ONG) recevant des financements étrangers par la loi LXXVI de 2017 sur la transparence des organisations recevant une aide de l’étranger, notamment par l’obligation qui est faite à certaines ONG de se faire enregistrer comme « organisations recevant une aide de l’étranger » et de révéler l’identité de leurs mécènes étrangers. La délégation de l’État partie a certes affirmé que la loi visait à assurer la transparence en ce qui concernait les sources de financement desdites organisations, mais le Comité constate néanmoins une absence d’arguments solides justifiant l’application de telles exigences qui, lui semble-t-il, relèvent d’une volonté de discréditer certaines d’entre elles, dont celles qui se consacrent à la protection des droits de l’homme en Hongrie (art. 19, 21, 22 et 26).

54. L ’ État partie devrait réviser la loi LXXVI de 2017 sur la transparence des organisations recevant une aide de l ’ étranger en vue de la mettre en conformité avec les obligations que lui imposent les dispositions du Pacte, en particulier les articles 19, 21, 22 et 26, et tenir compte de l ’ avis adopté à cet égard par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) en 2017.

Mesures « Stop Soros »

55.Le Comité prend note avec préoccupation de l’ensemble de trois projets de loi récemment déposés au Parlement, également connu sous le nom de mesures « Stop Soros » (T/19776, T/19775 et T/19774) qui, en cas d’adoption, imposeront de sérieuses restrictions aux activités des organisations de la société civile et des adversaires de la politique d’immigration de l’État partie. Le Comité craint que parce qu’ils font allusion à la « survie de la nation » et à la protection des citoyens et de la culture, et associent le travail des organisations non gouvernementales à une prétendue conspiration internationale, ces projets de loi ne stigmatisent ces organisations et ne limitent leur capacité de mener à bien leurs importantes activités en faveur des droits de l’homme et, en particulier, des droits des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants. Le Comité craint également que le fait d’imposer des restrictions aux fonds étrangers destinés aux ONG ne soit utilisé pour exercer sur elles des pressions illégitimes et s’ingérer dans leurs activités. Il est particulièrement préoccupé par les propositions de ces projets de loi visant à imposer : a) des exigences supplémentaires notoires en matière de rapports et des charges financières aux ONG définies comme des « organisations soutenant la migration » ; b) une taxe de 25 % sur le financement étranger des ONG œuvrant pour la protection des droits des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants ; c) des restrictions interdisant l’entrée dans une zone de huit kilomètres à l’intérieur des frontières du pays, ou interdisant aux ressortissants de pays tiers l’accès à l’ensemble du territoire du pays, pour lesquelles sont invoqués des motifs touchant à la sauvegarde de la sécurité nationale et à l’ordre public (art. 19, 22 et 25).

56. L ’ État partie devrait rejeter les projets de loi, connus sous le nom de mesures « Stop Soros », déposés au Parlement le 13 février 2018, et veiller à ce que toute la législation relative aux ONG soit pleinement conforme aux obligations internationales mises à sa charge par le Pacte, traduise le rôle important de ces dernières dans une société démocratique, et soit conçue pour faciliter leurs activités et non pour les saper.

Liberté des médias

57.Le Comité est préoccupé par les lois et pratiques de l’État partie relatives aux médias, qui restreignent la liberté d’opinion et d’expression. Il constate avec inquiétude qu’à la suite de modifications successives de la législation, le cadre législatif actuel ne garantit pas pleinement le fonctionnement sans entrave ni censure de la presse. Il note avec préoccupation que le Conseil des médias et l’Autorité nationale des médias et de l’information n’ont pas l’indépendance nécessaire pour s’acquitter de leurs fonctions et que leurs attributions en matière de réglementation et de sanction sont excessivement vastes (art. 17, 18 et 19).

58. L ’ État partie devrait réviser sa législation et sa pratique pour garantir la pleine jouissance de la liberté d ’ expression de chacun dans la pratique, notamment en garantissant l ’ existence de médias et d ’ organes de régulation des médias véritablement indépendants, et en créant un cadre propice à leur fonctionnement, sans influence ni ingérence indue de l ’ État. L ’ État partie devrait également veiller à ce que toute restriction à l ’ exercice de la liberté d ’ expression soit conforme aux conditions strictes énoncées au paragraphe 3 de l ’ article 19 du Pacte.

D.Diffusion et suivi

59. L ’ État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s ’ y rapportant, de son sixième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu ’ auprès du grand public afin de les sensibiliser aux droits consacrés par le Pacte. L ’ État partie devrait faire en sorte que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans sa langue officielle.

60. Conformément au paragraphe 5 de l ’ article 71 du Règlement intérieur du Comité, l ’ État partie est invité à faire parvenir, pour le 6 avril 2020, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 46 (détention de migrants dans les zones de transit et détention d ’ immigrants), 48 (non-refoulement et recours excessif à la force) et 56 (mesures « Stop Soros ») ci-dessus.

61. Le Comité demande à l ’ État partie de présenter son prochain rapport périodique en 2023 au plus tard. L ’ État partie ayant accepté d ’ utiliser la procédure simplifiée de présentation des rapports, le Comité lui communiquera en temps voulu une liste de points établie avant la soumission du rapport. Les réponses de l ’ État partie à cette liste constitueront son septième rapport périodique. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots.