Nations Unies

CRPD/C/CUB/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

10 mai 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant le rapport initial de Cuba *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport initial de Cuba (CRPD/C/CUB/1) à ses 457e et 458e séances (voir CRPD/C/SR.457 et 458), les 26 et 27 mars 2019. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 469e séance, le 3 avril 2019.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de Cuba, qui a été établi conformément aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports, et remercie l’État partie des réponses écrites (CRPD/C/CUB/Q/1/Add.1) apportées à la liste de points établie par le Comité (CRPD/C/CUB/Q/1).

3.Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec l’importante délégation de l’État partie, qui a fourni des éclaircissements complémentaires en réponse aux questions posées oralement par le Comité et était composée de représentants de divers ministères, entités et institutions, dont le Ministère de l’éducation, le Ministère des relations extérieures, le Ministère du travail et de la sécurité sociale, le Ministère de la santé publique, le Bureau du Procureur général, la Mission permanente de Cuba auprès de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations internationales en Suisse, et trois organisations de personnes handicapées, à savoir l’Association nationale des aveugles, l’Association nationale des sourds de Cuba et l’Association cubaine des handicapés physiques et moteurs.

II.Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour soutenir les personnes handicapées, notamment les mesures législatives et de politique générale suivantes :

a)L’adoption de la nouvelle Constitution, le 24 février 2019, qui constitue la première étape vers la révision du cadre législatif ;

b)La participation des personnes handicapées à la vie politique et publique de l’État partie à des fonctions électives, y compris à l’Assemblée nationale du pouvoir populaire et aux assemblées municipales ;

c)La politique visant à accorder aux personnes handicapées répondant à certains critères des subventions pour les dépenses liées aux produits de première nécessité comme l’électricité, aux transports et aux travaux d’aménagement de leur domicile privé ;

d)Les efforts visant à accroître l’utilisation des technologies alternatives de l’information et de la communication dans les écoles ;

e)Les politiques et stratégies visant à faciliter l’accès des personnes handicapées à des moyens de subsistance et à des possibilités d’emploi.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Principes généraux et obligations générales (art. 1er à 4)

5.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

6. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

7.Le Comité relève avec préoccupation ce qui suit :

a)L’État partie n’a pas encore harmonisé sa législation avec la Convention ;

b)Il n’existe pas de loi-cadre sur les droits des personnes handicapées ;

c)La législation nationale et l’évaluation du handicap reposent essentiellement sur le modèle médical du handicap ;

d)Les efforts visant à intégrer et à mentionner explicitement les droits des personnes handicapées dans les lois, stratégies, politiques et programmes sont insuffisants.

8. Le Comité recommande à l’État partie d’aborder le handicap selon le modèle fondé sur les droits de l’homme consacré par la Convention et :

a) D’accélérer la révision de sa législation nationale, en veillant à ce que la Convention soit pleinement intégrée dans l’ordre juridique interne, d’abroger ou de modifier toute loi contraire à la Convention et d’harmoniser ses politiques et pratiques avec celle-ci ;

b) D’adopter une loi nationale relative à la protection des droits des personnes handicapées ;

c) De veiller à ce que toute évaluation du handicap aux fins de la prestation de services soit effectuée selon le modèle fondé sur les droits de l’homme ;

d) D’intensifier les efforts visant à intégrer systématiquement et à mentionner explicitement les droits des personnes handicapées dans les lois, stratégies, politiques et programmes.

9.Le Comité est préoccupé par le fait que les efforts déployés pour consulter les personnes handicapées et les faire participer activement à tous les processus de prise de décisions qui les concernent, y compris la mise en œuvre de la Convention, sont limités aux organisations de personnes handicapées officiellement enregistrées conformément à la loi no 54 sur les associations et que ces organisations ne comptent pas d’organisations membres de personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel.

10. Le Comité rappelle son observation générale n o 7 (2018) sur la participation des personnes handicapées, y compris des enfants handicapés, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, à la mise en œuvre de la Convention et au suivi de son application et recommande à l’État partie d’adopter des mesures pour consulter effectivement et systématiquement les personnes handicapées et les faire participer activement, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, à l’examen de toutes les questions qui les concernent. Il recommande également à l’État partie de créer les conditions propices à la mise en place et au bon fonctionnement d’organisations de personnes handicapées, en adoptant un cadre stratégique favorable à l’établissement de ces organisations et à leur fonctionnement pérenne. Il recommande en outre à l’État partie de garantir l’indépendance et l’autonomie des organisations de personnes handicapées vis-à-vis de l’État, de créer, de mettre en œuvre et de rendre accessibles les mécanismes de financement voulus, y compris le financement public et la coopération internationale, et d’apporter un appui, y compris une assistance technique, aux fins de l’autonomisation et du renforcement des capacités.

B.Droits particuliers (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination (art. 5)

11.Le Comité relève avec préoccupation :

a)L’absence de mesures interdisant et sanctionnant toutes les formes de discrimination fondée sur le handicap, y compris le refus d’aménagement raisonnable ;

b)La présence de termes péjoratifs qui stigmatisent les personnes handicapées dans des textes législatifs et des documents directifs, tels que la loi relative à la procédure devant les juridictions civiles, administratives, prud’homales et commerciales, le Code de l’enfance et de la jeunesse, le Code de la famille, la loi sur la santé publique et le plan national d’action pour les personnes handicapées (2006-2010).

12. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures qui interdisent toutes les formes de discrimination fondée sur le handicap, y compris le refus d’aménagements raisonnables, et prévoient des sanctions en cas de violation ;

b) D’abroger tous les textes législatifs et documents directifs qui contiennent encore des termes péjoratifs et stigmatisent les personnes handicapées.

13.Le Comité constate qu’il n’existe pas de mécanisme impartial et indépendant accessible aux personnes handicapées, y compris dans les zones rurales, habilité à recevoir leurs plaintes. Il est également préoccupé par l’insuffisance des mesures prises pour accélérer le traitement des plaintes et lever les obstacles tels que l’absence de personnel formé pour faciliter le dépôt des plaintes, et par l’absence de voies de recours en cas de discrimination à l’égard des personnes handicapées.

14. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures en vue de parvenir à l’égalité réelle des personnes handicapées dans la pratique et de mettre en place des recours judiciaires et administratifs accessibles, rapides et indépendants pour qu’elles puissent obtenir réparation en cas de discrimination.

Femmes handicapées (art. 6)

15.Le Comité relève que l’État partie a adopté des stratégies et des plans en vue de promouvoir l’égalité des femmes handicapées dans les domaines de l’emploi, de l’éducation, des sports et de la culture. Il constate cependant avec préoccupation ce qui suit :

a)Les lois et les politiques relatives à l’égalité des femmes ignorent la question des discriminations multiples et croisées à l’égard des femmes et des filles handicapées ;

b)Il n’existe pas d’organisation de femmes handicapées, ce qui signifie que les femmes handicapées, en particulier les femmes d’ascendance africaine, sont automatiquement exclues des processus de prise de décisions qui les concernent ;

c)Les femmes et les filles handicapées, en particulier celles qui vivent en zone rurale, sont d’ascendance africaine ou présentent un handicap intellectuel ou psychosocial, se heurtent à des obstacles lorsqu’elles tentent d’accéder aux services, notamment aux services de santé.

16. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De tenir compte dans sa législation des formes multiples et croisées de discrimination à l’égard des femmes et des filles handicapées et d’adopter des lois et des stratégies qui tiennent compte des questions de genre et de l’ intersectionnalité ;

b) De continuer de promouvoir un environnement inclusif pour faciliter la participation des femmes handicapées, en particulier celles d’ascendance africaine, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, aux prises de décisions qui les concernent ;

c) De veiller à ce que les femmes et les filles handicapées, y compris celles qui vivent en zone rurale, sont d’ascendance africaine ou présentent un handicap intellectuel ou psychosocial , aient accès aux services de santé, y compris en matière de sexualité et de procréation.

Enfants handicapés (art. 7)

17.Le Comité relève avec préoccupation :

a)L’absence dans le plan d’action national en faveur des enfants, des adolescents et de leur famille pour la période 2015-2020 de stratégies visant à promouvoir l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect du développement des capacités des enfants handicapés ;

b)Les informations faisant état du placement en institution d’enfants handicapés et l’absence de données statistiques sur le nombre d’enfants touchés par ces mesures ;

c)Le fait que l’article 86 du Code de la famille dispose que « les parents ont le droit de réprimander et de corriger [les enfants], d’une manière adéquate et modérée », ce qui entraîne des châtiments corporels infligés aux enfants handicapés ;

d)L’absence de mesures visant à garantir que les opinions des enfants handicapés sont prises en considération dans toutes les décisions qui les concernent ;

e)Les allégations selon lesquelles l’enregistrement des nouveau-nés handicapés est retardé.

18. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures visant à promouvoir et renforcer le respect des droits des enfants handicapés dans la société, en particulier s’agissant des enfants handicapés qui vivent en zone rurale, et d’améliorer le soutien aux familles d’enfants handicapés. Il recommande également à l’État partie :

a) De renforcer les mesures visant à faire respecter les droits des enfants handicapés, en adoptant une stratégie globale et un plan d’action pour la promotion et la protection des droits des enfants handicapés, en allouant des ressources humaines, techniques et financières et en établissant des mécanismes de suivi en vue d’en évaluer l’application ;

b) De prendre des mesures pour la désinstitutionnalisation des enfants handicapés en leur accordant une protection de remplacement sûre, dans une structure familiale, et des services pour leur inclusion dans la société ;

c) D’accélérer la révision du Code de la famille afin d’interdire explicitement les châtiments corporels infligés aux enfants, y compris les enfants handicapés, dans tous les contextes, en particulier à la maison et dans les institutions où vivent encore des enfants ;

d) De garantir le droit des enfants handicapés d’exprimer librement leurs opinions et de voir celles-ci prises en compte sur les questions les concernant eux-mêmes et leur famille, et de mettre en place des protocoles, directives et mécanismes relatifs aux procédures judiciaires et administratives applicables ;

e) De veiller à ce que tous les enfants handicapés soient enregistrés dès leur naissance afin de garantir leur droit à un nom, à l’enregistrement de leur naissance et à une nationalité.

Sensibilisation (art. 8)

19.Le Comité constate avec préoccupation l’absence de mesures visant à sensibiliser aux droits des personnes handicapées conformément au modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme.

20. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts, en étroite collaboration avec les organisations de personnes handicapées, et de mener régulièrement des campagnes de sensibilisation auprès des acteurs publics et privés sur les droits consacrés par la Convention en vue d’éliminer les perceptions négatives des personnes handicapées dans la société. Il recommande également à l’État partie de mettre en place des programmes de sensibilisation du public et de renforcement des capacités sur le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme, en particulier pour les fonctionnaires.

Accessibilité (art. 9)

21.Le Comité prend note des initiatives visant à améliorer l’accessibilité des bâtiments et espaces publics en application de la résolution no 81/2016 du Ministère de la construction et du décret no 327/2014. Il s’inquiète toutefois du caractère limité des initiatives visant à assurer l’accessibilité du cadre bâti, de l’information et de la communication. Il est également préoccupé par l’absence d’informations sur les mesures prises pour faire en sorte que les procédures de passation des marchés publics de l’État partie intègrent des normes d’accessibilité et par l’inaccessibilité de ces procédures.

22. Conformément à son observation générale n o 2 (2014) sur l’accessibilité, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter et mettre en œuvre un plan d’action et une stratégie pour recenser les obstacles à l’accessibilité, et de prévoir les ressources humaines, techniques et financières nécessaires à l’élimination de ces obstacles afin de garantir l’accessibilité, entre autres, des bâtiments, des moyens de transport, de l’information et de la communication, y compris des technologies de l’information et des communications, et des autres installations et services ouverts ou fournis au public, tant en milieu rural qu’en zone urbaine. Le plan en question devrait prévoir des contrôles, des délais précis et des sanctions en cas de non-respect, les ressources nécessaires et la participation des organisations de personnes handicapées à tous les stades de la mise en œuvre, et en particulier celui du contrôle ;

b) De veiller à ce que les procédures de passation des marchés publics soient accessibles et intègrent des normes d’accessibilité ;

c) De se conformer à l’article 9 de la Convention et de tenir compte de l’observation générale n o 2 dans ses efforts visant à atteindre l’objectif 9 et les cibles 2 et 7 de l’objectif 11 des objectifs de développement durable.

Situations de risque et situations d’urgence humanitaire (art. 11)

23.Le Comité est préoccupé par le manque de sensibilisation des personnes handicapées à l’existence et à la nature des protocoles d’assistance aux personnes handicapées dans les situations de risque et les situations d’urgence humanitaire, par la diffusion limitée des manuels et guides pratiques sur l’aide aux personnes handicapées en cas de catastrophe et par le peu d’informations disponibles par les moyens de communication et sous les formes accessibles.

24. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De concevoir et d’adopter un plan national sur les situations de risque et les situations d’urgence humanitaire qui prévoie l’assistance aux personnes handicapées et qui tienne compte de leurs besoins, de façon tant spécifique que transversale, et un protocole visant à réduire les risques auxquels sont exposées les personnes handicapées dans les situations de risque, au moyen d’un système d’alertes précoces accessibles notamment en langue des signes, en langue facile à lire et à comprendre (FALC) et en braille, en accordant une attention particulière aux habitants des zones rurales, et de continuer à dispenser une formation aux premiers intervenants ;

b) D’associer les personnes handicapées aux activités de gestion des catastrophes, à tous les stades, de façon à garantir la prise en compte de leurs besoins et le respect de leurs droits.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

25.Le Comité est préoccupé par le fait que la législation de l’État partie, notamment les articles 30, 31 et 67 du Code civil et les articles 137 et 138 du Code de la famille, restreint le droit des personnes handicapées à exercer pleinement leur capacité juridique, en prévoyant la prise de décision substitutive plutôt que la prise de décision accompagnée.

26. Conformément à l’article 12 de la Convention et à son observation générale n o 1 (2014) sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer la révision de sa législation nationale afin d’abroger toutes les dispositions juridiques, et de mettre fin à toutes les pratiques, qui limitent partiellement ou totalement la capacité juridique des personnes handicapées ;

b) De prendre des mesures concrètes pour mettre en place un système de prise de décision accompagnée qui respecte l’autonomie, la volonté et les préférences des personnes handicapées ;

c) De veiller à ce qu’aucun obstacle pratique n’empêche les personnes handicapées d’exercer leur capacité juridique sur la base de l’égalité avec les autres.

Accès à la justice (art. 13)

27.Le Comité est préoccupé par les obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées en matière d’accès à la justice, y compris les obstacles comportementaux et les préjugés du personnel judiciaire, l’insuffisance de la formation du personnel chargé de guider les personnes handicapées dans les procédures judiciaires complexes et le manque d’information sur la participation des personnes handicapées à cette formation. Il est également préoccupé par le fait qu’aucun aménagement procédural n’a encore été fait pour garantir à toutes les personnes handicapées un accès effectif à la justice et aux professions juridiques.

28. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter, conformément à la Convention, un plan d’action sur l’accès des personnes handicapées à la justice, ainsi que les mesures juridiques, administratives et judiciaires nécessaires pour éliminer toutes les restrictions à la participation effective des personnes handicapées à toutes les étapes du processus judiciaire ;

b) De procéder à des aménagements procéduraux, y compris l’octroi d’une assistance individualisée, pour garantir la participation effective des personnes handicapées aux divers aspects des procédures judiciaires ;

c) De redoubler d’efforts pour garantir la présence d’interprètes qualifiés en langue des signes pendant tous les processus judiciaires et les procédures judiciaires et de veiller à ce que d’autres moyens et formes de communication, comme le braille et la langue facile à lire et à comprendre (FALC), soient disponibles ;

d) D’intensifier les efforts visant à dispenser une formation sur la Convention aux responsables de la justice et de l’application des lois, en particulier dans les zones rurales ;

e) De prendre des mesures pour faire en sorte que les personnes handicapées aient accès aux professions juridiques sur la base de l’égalité avec les autres, et de prévoir une assistance individualisée à cette fin ;

f) De se conformer à l’article 13 de la Convention pour atteindre la cible 16.3 des objectifs de développement durable.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

29.Le Comité est préoccupé par ce qui suit :

a)Les personnes handicapées, en particulier les personnes ayant un handicap psychosocial ou intellectuel et les personnes âgées handicapées, peuvent être privées de liberté, sans leur consentement libre et éclairé, sur la base de leur « dangerosité » au sens du Code pénal et de l’article 36 de la loi sur la santé publique ;

b)Il n’existe pas de données statistiques sur le nombre de personnes ayant un handicap psychosocial ou intellectuel et de personnes âgées handicapées qui sont actuellement hospitalisées ou placées en établissement sans leur consentement.

30. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’appliquer les directives du Comité sur le droit à la liberté et à la sécurité des personnes handicapées (A/72/55, annexe), d’abroger toutes les lois qui autorisent la privation de liberté fondée sur une déficience réelle ou perçue, d’adopter des lois qui garantissent la non - discrimination – par exemple en prévoyant des aménagements procéduraux pour les personnes handicapées, notamment pendant les interrogatoires et la détention – et d’interdire expressément le placement forcé des personnes handicapées en institution, en particulier des personnes ayant des troubles psychologiques ou mentaux et des personnes âgées handicapées ;

b) De faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur le nombre de personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel et de personnes âgées handicapées qui sont encore hospitalisées ou placées en institution sans leur consentement.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

31.Le Comité est préoccupé par :

a)Le manque de sensibilisation de la population en général et en particulier des personnes handicapées aux mesures de protection des personnes handicapées contre l’exploitation, la violence et la maltraitance ;

b)Les informations faisant état de représailles contre des personnes disposées à témoigner dans des procédures judiciaires concernant des cas d’exploitation, de violence et de maltraitance à l’égard de personnes handicapées ;

c)Le peu d’informations et de données statistiques disponibles concernant la violence à l’égard des femmes et des filles handicapées et les plaintes qu’elles ont déposées à ce sujet ;

d)Le manque de foyers pour les femmes et les filles victimes de violence, y compris les femmes ayant un handicap psychosocial ou intellectuel.

32. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir l’exploitation, la violence et la maltraitance visant des personnes handicapées, en particulier les personnes ayant un handicap psychosocial ou intellectuel et celles qui sont placées en institution, de veiller à ce que les personnes handicapées soient informées des moyens d’éviter, de reconnaître et de signaler de tels cas, et de veiller à ce que les personnes handicapées victimes d’exploitation, de violence ou de maltraitance aient accès à des mécanismes de plainte indépendants ainsi qu’à des recours appropriés, comme une réparation et une indemnisation adéquate, y compris des moyens de réadaptation ;

b) D’assurer la protection de toute personne témoignant dans des cas d’exploitation, de violence et de maltraitance visant des personnes handicapées ;

c) De créer un mécanisme de collecte de données ventilées sur la situation des femmes et des filles handicapées, en consultation avec les organisations de femmes handicapées, notamment en ce qui concerne la violence à leur égard ;

d) De faire en sorte que des foyers pour les victimes de violence soient créés et qu’ils offrent des installations et des services accessibles aux personnes handicapées, en particulier aux femmes.

Protection de l’intégrité de la personne (art. 17)

33.Le Comité est préoccupé par les risques que pose l’article 18 de la loi sur la santé publique, qui exempte les personnes handicapées de l’obligation de consentement préalable aux interventions médicales. Il est également préoccupé par le fait qu’un tuteur puisse autoriser des interventions médicales au nom d’une personne handicapée, y compris le placement en institution et la stérilisation forcée.

34. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures efficaces pour garantir le respect du droit des personnes handicapées à donner leur consentement libre et éclairé avant un traitement médical, un placement en institution ou une stérilisation, et de mettre en place des mécanismes efficaces d’aide à la prise de décision s pour les personnes handicapées .

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

35.Le Comité constate avec préoccupation ce qui suit :

a)Aucune mesure n’a été prise pour garantir le respect du droit des personnes handicapées à vivre de manière indépendante et leur inclusion dans la communauté, et il n’existe pas de programmes et de services adaptés, notamment en ce qui concerne l’assistance personnelle aux personnes handicapées qui en ont besoin ;

b)L’État partie continue d’investir des ressources publiques dans les établissements pour personnes handicapées, ce qui pourrait encourager le placement en institution ;

c)Toutes les personnes handicapées n’ont pas accès à l’information sur les services disponibles sous des formes accessibles.

36. Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte de son observation générale n o 5 (2017) sur l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société, et :

a) D’accélérer l’application des mesures prises pour faire en sorte que toutes les personnes handicapées, en particulier celles qui vivent dans une institution, quelle qu’elle soit, y compris une unité psychiatrique en milieu hospitalier, puissent jouir pleinement du droit de vivre de manière indépendante et d’être incluses dans la société, avec la même liberté de choix que les autres personnes ;

b) De cesser d’utiliser des fonds publics pour construire des établissements pour personnes handicapées et d’investir davantage dans des cadres propices à l’autonomie de vie ainsi que dans tous les services publics afin de les rendre inclusifs et de garantir leur accessibilité et leur disponibilité pour toutes les personnes handicapées, et de permettre l’inclusion et la participation de ces personnes dans tous les domaines de la vie ;

c) D’adopter et d’appliquer des lois, des normes et d’autres mesures visant à garantir à toutes les personnes handicapées l’accessibilité des communautés locales, de l’environnement, de l’information et de la communication, notamment en fournissant des services communautaires et des informations sur ces services.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

37.Le Comité est préoccupé par l’insuffisance de l’offre d’informations sur Internet et dans des formats accessibles, tels la langue facile à lire et à comprendre (FALC), le langage simplifié, le sous-titrage, la langue des signes, le braille, l’audiodescription, les supports tactiles et les modes de communication améliorée et alternative, dans les médias publics et privés, et par le manque d’accès des personnes handicapées aux technologies de l’information et des communications.

38. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les informations diffusées auprès du grand public soient également mises à la disposition des personnes handicapées sous des formes accessibles, notamment en braille, en langue facile à lire et à comprendre (FALC) et en langue des signes. Il recommande aussi à État partie de garantir un accès aux technologies de l’information et des communications approprié aux personnes handicapées et aux divers handicaps qu’elles présentent, en veillant particulièrement à ce que les sites Web soient accessibles et conformes aux normes établies dans le cadre de l’Initiative pour l’accessibilité du Web lancée par le World Wide Web Consortium. Il recommande en outre à l’État partie de renforcer la formation en langue des signes et de reconnaître la langue des signes comme langue officielle de l’État partie.

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

39.Le Comité constate avec préoccupation ce qui suit :

a)L’article 4 du Code de la famille contient encore des dispositions qui refusent aux personnes présentant un handicap intellectuel ou psychosocial le droit de se marier et de fonder une famille sur la base du libre et plein consentement des futurs époux ;

b)Les personnes handicapées ne bénéficient pas de l’aide nécessaire pour pouvoir exercer leurs droits en matière de procréation dans des conditions d’égalité avec les autres ;

c)L’article 138 du Code de la famille prévoit la mise sous tutelle des « adultes frappés d’incapacité par décision judiciaire ».

40. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’abroger les dispositions juridiques qui interdisent aux personnes présentant un handicap intellectuel ou psychosocial de se marier et de fonder une famille sur la base du libre et plein consentement des futurs époux ;

b) D’adopter les mesures de soutien nécessaires, y compris des mesures d’assistance personnelle, en vue de permettre aux personnes handicapées, en particulier aux femmes, d’exercer leur droit à la parentalité sans être victimes de préjugés et dans des conditions d’égalité avec les autres, et de veiller à ce que les parents handicapés, les enfants handicapés et leur famille bénéficient d’un soutien de la communauté garantissant l’exercice du droit au respect de la famille sur la base de l’égalité avec les autres ;

c) D’abroger ou de modifier l’article 138 du Code de la famille.

Éducation (art. 24)

41.Le Comité constate avec préoccupation ce qui suit :

a)Les enfants rencontrent des difficultés pratiques qui les empêchent de jouir de leur droit à une éducation inclusive de qualité, sur la base de l’égalité avec les autres, et une certaine ségrégation scolaire est encore répandue ;

b)Les élèves handicapés, enfants et adultes, continuent de se heurter à des difficultés pratiques lorsqu’ils tentent d’accéder à l’enseignement supérieur, en partie à cause du manque de soutien individualisé ;

c)Il manque des informations sur la représentation des enfants handicapés dans les associations scolaires et étudiantes.

42. Le Comité recommande à l’État partie, conformément à son observation générale n o 4 sur le droit à une éducation inclusive (2016) :

a) De mettre en place des stratégies d’éducation inclusive de qualité à tous les niveaux, d’assurer la formation du personnel enseignant et non enseignant et de fournir le soutien et les ressources nécessaires pour favoriser un environnement inclusif pour tous les élèves, en particulier ceux qui ont un handicap intellectuel ou psychosocial et les filles handicapées ;

b) De veiller à ce que les établissements d’enseignement, y compris les universités, soient accessibles à tous, d’adopter des mesures législatives et administratives pour garantir la mise à la disposition des personnes handicapées de matériels didactiques accessibles, y compris sur support numérique, en braille, en langue facile à lire et à comprendre (FALC) et en langue des signes, dans l’enseignement technique et supérieur ;

c) De prendre des mesures pour faciliter la participation des enfants handicapés aux associations scolaires et étudiantes ;

d) De se conformer à la Convention et à l’observation générale n o 4 dans la mise en œuvre des cibles 4.1, 4.5 et 4.a des objectifs de développement durable.

Santé (art. 25)

43.Le Comité est préoccupé par les lacunes dans l’accès des personnes handicapées aux services de santé et par le manque de connaissances du personnel de santé concernant les besoins et droits propres aux personnes handicapées.

44. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour garantir des services de santé accessibles à toutes les personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, y compris des services d’information sur la santé sexuelle et procréative, en particulier pour les personnes vivant dans les zones rurales.

Travail et emploi (art. 27)

45.Le Comité s’inquiète de la sous-représentation des femmes handicapées dans la population active et de l’absence de mesures adéquates et applicables pour assurer le respect, dans les secteurs public et privé, des dispositions relatives à l’emploi des personnes handicapées. Il craint également que les ateliers protégés pour personnes handicapées ne favorisent pas nécessairement l’inclusion de ces personnes dans la population active générale.

46. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces et des mesures d’action positive pour encourager et garantir l’emploi des personnes handicapées, en particulier des femmes handicapées, dans les secteurs public et privé, afin de garantir la non-discrimination dans l’emploi et de veiller à ce que le marché du travail ordinaire soit ouvert à tous et accessible.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

47.Le Comité est préoccupé par l’absence de mesures de protection sociale et de lutte contre la pauvreté adaptées aux besoins des personnes handicapées pour leur permettre de faire face aux coûts supplémentaires liés à leur handicap.

48. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revoir ses programmes de protection sociale et de lutte contre la pauvreté afin de garantir un niveau de vie adéquat aux personnes handicapées, notamment au moyen de régimes d’indemnisation sous forme d’allocations qui leur permettent de faire face aux dépenses liées à leur handicap ;

b) De prêter attention aux liens entre l’article 28 de la Convention et la cible 10.2 des objectifs de développement durable, afin d’autonomiser toutes les personnes et de favoriser leur inclusion économique, quel que soit leur handicap.

Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports (art. 30)

49.Le Comité constate avec inquiétude ce qui suit :

a)Les personnes handicapées n’ont pas accès aux installations sportives et récréatives, ce qui entrave leur participation effective aux activités culturelles et récréatives, aux loisirs et aux sports ;

b)Le Comité note que l’État partie n’a pas encore ratifié le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.

50. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter des mesures visant à promouvoir la participation des personnes handicapées aux activités sportives à tous les niveaux, y compris aux compétitions nationales et internationales, de prendre des mesures, inspirées par l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme consacrée par la Convention, pour soutenir et encourager la participation des personnes handicapées, y compris les enfants, aux activités sportives et culturelles et d’adopter des plans d’accessibilité concernant les sites historiques, patrimoniaux et touristiques et les lieux de culture et de loisir ;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour ratifier et mettre en œuvre le Traité de Marrakech.

C.Obligations particulières (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte des données (art. 31)

51.Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe pas dans l’État partie de données ventilées et comparables, dans tous les domaines, sur les personnes handicapées.

52. Le Comité recommande à l’État partie d’encourager systématiquement la collecte, l’analyse et la diffusion de données ventilées et comparables sur les personnes handicapées dans tous les domaines et de recourir au bref questionnaire du Groupe de Washington sur les situations de handicap. Il recommande également à l’État partie de s’intéresser aux liens entre l’article 31 de la Convention et l’objectif de développement durable n o 17.

Coopération internationale (art. 32)

53.Le Comité s’inquiète du manque d’informations disponibles sur la question de savoir si l’État partie a intégré de manière transversale la question du handicap dans les objectifs de développement durable et les projets de développement mis en œuvre dans le cadre de la coopération internationale.

54. Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des droits des personnes handicapées dans l’exécution et le suivi du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et des objectifs de développement durable à tous les niveaux, en étroite collaboration avec les organisations de personnes handicapées.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

55.Le Comité est préoccupé par l’absence de mécanisme indépendant chargé du suivi de l’application de la Convention, conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

56. Le Comité recommande à l’État partie de créer un mécanisme indépendant de suivi de l’application de la Convention, conformément à l’article 33 et aux Principes de Paris, de le doter des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour qu’il puisse s’acquitter de ses fonctions et de veiller à ce qu’il associe les organisations de personnes handicapées à l’exécution de son mandat.

IV.Suivi

Diffusion de l’information

57. Le Comité souligne l’importance de toutes les recommandations contenues dans les présentes observations finales. S’agissant des mesures qu’il convient de prendre d’urgence, le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur les recommandations sur la législation nationale et sa mise en œuvre (par .  8) et sur la participation des personnes handicapées à la prise des décisions qui les concernent (par .  10).

58. Le Comité demande à l’État partie de mettre en œuvre ses recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il lui recommande de transmettre ces observations finales, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux responsables des différents ministères, aux autorités locales et aux membres des professions concernées, tels les professionnels de l’éducation, de la santé et du droit, ainsi qu’aux médias , en utilisant pour ce faire les stratégies de communication sociale modernes.

59. Le Comité encourage vivement l’État partie à associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l’élaboration de ses rapports périodiques.

60. Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organisations non gouvernementales et des organisations de personnes handicapées, ainsi qu’auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs proches, dans les langues nationales et minoritaires, notamment en langue des signes, et sous des formes accessibles, comme le langage facile à lire et à comprendre (FALC). Il lui demande aussi de les diffuser sur le site Web public consacré aux droits de l’homme.

Prochain rapport périodique

61. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre son prochain rapport valant deuxième à cinquième rapports périodiques le 6 octobre 2025 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements sur la mise en œuvre des présentes observations finales. Il invite également l’État partie à envisager de soumettre ce rapport selon la procédure simplifiée de présentation des rapports, dans le cadre de laquelle le Comité établit une liste de points au moins un an avant la date prévue pour la soumission du rapport. Les réponses de l’État partie à cette liste de points constituent son rapport périodique.