Nations Unies

CED/C/COL/AI/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

17 janvier 2020

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Dix ‑huitième session

30 mars‑9 avril 2020

Point 7 de l’ordre du jour provisoire

Examen des renseignements complémentaires soumis par les États parties

Renseignements complémentaires soumis par la Colombie en application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention *

[Date de réception : 14 octobre 2019]

I.Introduction

1.Au nom de l’État colombien et conformément aux dispositions de l’article 29 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ci‑après « la Convention »), le Gouvernement colombien soumet au Comité des disparitions forcées (ci‑après « le Comité ») son rapport complémentaire, dans lequel il fournit des renseignements actualisés sur les mesures adoptées entre 2016 et 2019 pour appliquer les dispositions de la Convention.

2.La Colombie a soumis son rapport initial sur l’application de la Convention le 17 décembre 2014. Le 20 juin 2016, elle a répondu à la liste de points et, le 27 octobre 2016, elle a soumis un rapport au Comité.

3.Le 4 octobre 2017, comme le Comité le lui avait demandé au paragraphe 44 du document CED/C/COL/CO/1, daté du 27 octobre 2016 et intitulé « Observations finales concernant le rapport soumis par la Colombie en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention », l’État colombien a fourni des renseignements au sujet de la suite donnée aux recommandations prioritaires formulées aux paragraphes 14, 20 et 26 de ce même document.

4.Comme il l’avait indiqué dans le rapport soumis en 2014, l’État colombien reste fermement engagé dans la lutte contre les disparitions forcées. La Colombie est partie à la plupart des instruments internationaux en la matière et s’est dotée d’une législation et de mécanismes spéciaux pour lutter contre ce fléau.

5.L’acte législatif no 01 de 2017, qui porte création d’un chapitre de dispositions constitutionnelles transitoires relatives à la fin du conflit armé et à la construction d’une paix stable et durable, et énonce d’autres dispositions, prévoit la mise en place du Système intégré pour la vérité, la justice, la réparation et la non‑répétition, qui comprend la Commission pour l’établissement de la vérité, la coexistence et la non‑répétition, l’Unité de recherche des personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé (ci‑après « l’Unité de recherche ») et la Juridiction spéciale pour la paix.

II.Renseignements d’ordre général

(Recommandation figurant au paragraphe 10 du document CED/C/COL/CO/1)

Procédure d’action en urgence

6.La Colombie exprime sa volonté de continuer de coopérer avec le Comité dans le cadre de la procédure d’action en urgence. Il ne fait aucun doute que ce mécanisme permet à l’État colombien de faire des progrès dans les processus visant à établir les faits et à retrouver la trace des personnes présumées disparues. S’agissant des 17 cas pour lesquels le Comité a présenté une demande d’action en urgence, l’État a pris des mesures adaptées aux particularités de chaque cas, dans les limites des attributions des autorités nationales et des ressources dont elles disposent.

7.À cet égard, il y a lieu d’indiquer que le Ministère des relations extérieures est doté d’un groupe de travail interne spécialisé dans le suivi et le traitement des communications envoyées par le Comité, qui coordonne la collecte d’informations auprès des services compétents.

8.La Colombie réaffirme sa volonté de respecter les dispositions de la Convention et demeure résolue à appliquer les principes directeurs concernant la recherche de personnes disparues. L’État prend bonne note des recommandations formulées par le Comité concernant le suivi régulier des actions en urgence.

III.Définition et incrimination de la disparition forcée(art. 1 à 7)

(Recommandations figurant aux paragraphes 14, 16 et 18 du document CED/C/COL/CO/1)

Registre des personnes soumises à la disparition forcée

9.Le Bureau du Procureur général de la nation (Fiscalía General de la Nación) est le service responsable des activités requises aux fins de la recherche, de l’exhumation, de l’identification et de la restitution des personnes disparues, activités qu’il mène avec l’appui technique de l’Équipe technique d’enquête, de l’Institut national de médecine légale et sciences médico‑légales (ci‑après « l’Institut de médecine légale ») et de la Police nationale.

10.En principe, toutes les plaintes concernant des faits en lien avec le crime de disparition forcée doivent être enregistrées dans le Registre national des personnes disparues, puisque la vérification et l’actualisation de ces informations font partie des tâches que le Groupe chargé de la recherche, de l’identification et de la restitution des personnes disparues (Grupo de Búsqueda, Identificación y Entrega de Personas Desaparecidas, ci‑après « le GRUBE ») − qui est rattaché à la Direction de la justice de transition du Bureau du Procureur général de la nation − accomplit dans le cadre du processus de mise à jour et de consolidation des données. Le GRUBE a pour missions principales de : i) rechercher les personnes disparues, dans le cadre des procédures pénales du processus « Justice et Paix » et des procédures engagées devant des tribunaux ordinaires ; ii) rechercher les personnes disparues dans des cimetières et d’autres zones prédéfinies, identifier les dépouilles et les restituer aux familles ; iii) réunir des informations sur des faits imputables à des groupes organisés en marge de la loi ; iv) faire en sorte que la population ait accès à la justice en organisant des ateliers à l’intention des victimes.

11.Le Bureau du Procureur général de la nation attribue à chaque procédure pénale un numéro unique d’identification, ce qui permet d’établir le nombre de procédures engagées. Il se peut qu’un même fait soit examiné dans le cadre de plusieurs procédures puisqu’à chaque désistement d’instance, une nouvelle procédure est ouverte même si les faits à l’examen sont les mêmes que ceux visés par la procédure initiale. Le nombre de procédures peut donc être plus élevé que le nombre de faits qui se sont réellement produits.

12.L’Institut de médecine légale et d’autres institutions mettent à jour le module consacré aux disparitions dans le Réseau d’information sur les personnes disparues et les cadavres (Sistema de Información y Red de Desaparecidos y Cadáveres, ci‑après « le SIRDEC »), après avoir repéré tous les cas qui font l’objet de plusieurs dossiers ou qui ont été enregistrés plusieurs fois du fait qu’il y a plusieurs plaignants ou que plusieurs institutions ont été saisies.

13.L’Institut de médecine légale et d’autres institutions (Bureau du Procureur général de la nation et Police nationale) repèrent les doublons dont il est fait mention ci‑dessus. Tout fonctionnaire ayant accès au SIRDEC est habilité à signaler ces doublons et à demander une correction. Les groupes de travail de l’Institut procèdent à la vérification des données, à leur correction et à leur consolidation dans le dossier initial ou le dossier le plus ancien (processus dit de mise à jour), et c’est le service informatique de l’Institut, administrateur du système, qui supprime directement les dossiers les plus récents enregistrés en double dans le SIRDEC.

14.À partir de 2015, des agents ont été recrutés pour corriger les incohérences ou ajouter des éléments manquants dans le système. Ils ont été chargés d’examiner un fichier au format Excel qui contenait des informations de suivi provenant du Groupe d’information stratégique opérationnelle de la Direction des enquêtes criminelles et d’Interpol. Ils ont comparé 8 384 cas d’arrestation et d’infraction enregistrés dans le Système de données statistiques sur la délinquance et les infractions avec les numéros d’identification des personnes enregistrées comme disparues dans le SIRDEC. Ces recoupements concernaient des dossiers dont la date était postérieure à la date de disparition enregistrée dans chacun des cas. Il a ainsi été établi que 3 389 des 8 384 dossiers correspondaient à des disparitions enregistrées.

15.Au total, 2 463 des 3 389 dossiers susmentionnés ont fait l’objet d’un examen visant à corriger, vérifier et actualiser les données. Ce travail a permis d’obtenir des informations sur les personnes dont le cadavre avait été découvert et sur les personnes signalées comme étant toujours en vie, de corriger certains numéros de carte d’identité et de préciser les données disponibles.Les entités participantes continuent d’unir leurs efforts pour rechercher et recueillir des informations qui permettent d’accélérer le processus et de consolider les données du Réseau d’information.

16.À l’issue de ce processus, le 27 janvier 2017, la Direction de la justice de transition a adopté la décision no 0045, par laquelle elle a demandé, entre autres choses : i) la création d’un groupe de travail interne chargé de mettre à jour, corriger et communiquer les données statistiques sur les disparitions forcées survenues dans le contexte et en raison du conflit armé interne, qui sont administrées par le Bureau du Procureur général de la nation ; et ii) la désignation, au sein de chaque service et unité placés sous son autorité, d’un fonctionnaire chargé de coordonner la communication des informations requises par le groupe de travail créé en application de la décision.

17.Par la suite, en application de la décision no 03481 de 2016, par laquelle le Bureau du Procureur général de la nation a établi des directives sur les procédures de recherche, d’exhumation, d’identification et de restitution des personnes disparues, les mesures voulues ont été prises pour répondre aux besoins des services et accélérer les procédures de recherche de personnes disparues.

18.Quant à l’Institut de médecine légale, il participe à de nombreuses réunions permanentes et compile les informations émanant d’autres institutions, comme le Bureau du Procureur général de la nation, l’Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale et le Ministère de la défense, afin de tenir à jour le Registre national des personnes disparues.

19.Afin de garantir la contribution de toutes les institutions à l’enregistrement des informations concernant tous les cas de personnes disparues et à leur intégration dans le SIRDEC, l’Institut de médecine légale a donné des droits d’accès aux personnes qui peuvent prouver qu’elles participent à ces activités dans les différents services. En outre, des cours de formation et de perfectionnement continuent d’être dispensés aux fonctionnaires de l’Institut et d’autres institutions. Le Registre national des personnes disparues compte 3 831 utilisateurs actifs, ce qui témoigne de son bon fonctionnement à l’échelon national et interinstitutionnel.

20.De surcroît, en application des dispositions de la loi no 938 de 2004, l’Institut de médecine légale continue de préparer les documents techniques relatifs à la saisie et au contrôle des données dans le SIRDEC, notamment des instructions sur la saisie des données dentaires dans les modules consacrés à l’identification et aux disparitions, des instructions sur le contrôle des données saisies, un document relatif à l’examen des dossiers concernant les corps non identifiés, ainsi qu’un guide concernant les procédures médico‑légales appliquées, dans le cadre de l’action humanitaire, aux membres des familles de personnes disparues et à d’autres personnes ayant un lien avec les victimes.

21.Sur la base des documents susmentionnés, la Sous‑direction des services criminalistiques et les directions régionales exercent un contrôle de la qualité des données figurant dans les rapports sur les personnes disparues enregistrés dans le SIRDEC ainsi qu’un suivi mensuel.

22.En vue de garantir le classement effectif des cas signalés comme étant des disparitions dans le SIRDEC, l’Institut de médecine légale a modifié le format du registre des personnes disparues, et des champs ont été ajoutés pour la description du contexte des événements afin que l’autorité chargée d’enquêter ait davantage d’éléments à disposition.

23.Le conseil d’administration du Centre unique virtuel d’identification tient chaque mois des réunions auxquelles participent l’Équipe technique d’enquête, l’Institut de médecine légale et la Direction des enquêtes criminelles et d’Interpol. Ces réunions ont pour but, notamment, de trouver et d’identifier des personnes disparues et de les restituer à leur famille, ce qui permet d’offrir une forme de réparation aux victimes et d’établir la vérité ; de replacer les faits dans leur contexte afin de déceler des comportements criminels récurrents ; et de recueillir, d’analyser et de stocker les données visant à identifier des restes humains qui ont été obtenues lors d’exhumations, dans le cadre de la loi no 975 de 2005 et des accords conclus en la matière.

24.L’Institut de médecine légale dispose d’une base de données statistiques qui peut servir de banque de données centralisée à l’échelon national. À cette fin, il a mis en ligne un mur de photographies de personnes disparues, appelé HOPE, et un outil de recherches publiques. Afin de faire prendre conscience de l’ampleur du phénomène des disparitions forcées, l’Institut a également créé un outil appelé « Observatoire », disponible sur son site Web, où sont affichées des informations sur les personnes disparues et sur les lésions, mortelles ou non mortelles, dues à une cause externe répertoriées en Colombie (http://www.medicinalegal.gov.co/rnd-registro-de-desaparecidos).

25.Dans le cadre des réunions interinstitutionnelles, l’Institut de médecine légale a intégré dans le SIRDEC de nouvelles variables liées au contexte factuel et aux conditions dans lesquelles est survenue chaque disparition. Cela a permis de multiplier les données statistiques destinées à orienter les recherches et à faciliter la localisation, l’identification et la restitution des personnes disparues. Ces informations complètent les données recueillies par l’Institut de médecine légale et contribuent à déterminer de manière plus précise l’ampleur du fléau des disparitions en Colombie. Pour aider les citoyens à retrouver leurs proches, l’Institut a mis au point un outil de recherches publiques et une application permettant d’accéder en ligne au certificat de personnes disparues.

26.Le Registre national des personnes disparues compte 145 263 dossiers, dont 28 453 concernent des cas de disparition présumée forcée ; ces chiffres correspondent aux données historiques disponibles dans le SIRDEC et englobent les dossiers concernant des personnes disparues entre 1930 et le 4 juin 2019 (date butoir).

27.L’article 5 du décret no 589 de 2017 portant sur les fonctions et attributions de l’Unité de recherche précise que, dans l’exercice de ses fonctions, l’Unité doit utiliser le Registre national des personnes disparues, système interinstitutionnel et national créé par la loi no 589 de 2000. Cette disposition rappelle donc qu’il s’agit du seul et unique système d’enregistrement des personnes disparues sur le territoire colombien. Elle garantit l’optimisation des ressources et oblige toutes les institutions à utiliser exclusivement et en toute circonstance le Registre national des personnes disparues.

28.Dans le cadre d’un projet d’organisation des archives du Bureau du Défenseur du peuple, la Commission de recherche des personnes disparues (ci‑après « la Commission de recherche ») a procédé en 2018 à un examen préliminaire des dossiers actifs portés à la connaissance du Bureau du Défenseur du peuple, ce qui a permis de mettre en évidence 8 618 dossiers relatifs à des cas de disparition. L’équipe poursuit l’examen des dossiers en cours de traitement en vue de mettre à jour le Registre national des personnes disparues.

29.En 2016, la Commission de recherche a coordonné un exercice de recoupement des informations figurant dans le Registre national des personnes disparues, le Registre unique des victimes, les systèmes du Bureau du Procureur général de la nation et la base de données sur les personnes enlevées, gérée par le Conseil national de lutte contre les enlèvements et autres atteintes à la liberté individuelle. Cet exercice a mis en lumière la nécessité d’établir une procédure de vérification des informations émanant des institutions afin de mettre à jour et de consolider les données du Registre national des personnes disparues. La Direction de la justice de transition du Bureau du Procureur général de la nation a été chargée de ces activités de vérification interne. Elle s’appuie sur les résultats de l’exercice mené par la Commission de recherche pour s’acquitter de cette mission.

30.Quant à l’Unité de recherche, elle a pour mandat de recenser toutes les personnes portées disparues, en recoupant les informations émanant de différentes sources officielles et non officielles. À cet égard, il convient de souligner deux points : i) le terme « personnes portées disparues » comprend, outre les personnes victimes de disparition forcée, les personnes dont la famille ignore le sort et le lieu où elles se trouvent et dont la disparition est liée à d’autres événements (comme l’enlèvement, le recrutement de force et la participation forcée à des opérations armées, ou la disparition en temps d’hostilités) ; ii) le mandat de l’Unité de recherche se limite aux personnes portées disparues avant le 1er décembre 2016 « dans le contexte et en raison du conflit armé ». À cet égard, la Cour constitutionnelle a précisé que les disparitions forcées qui ne relèvent pas du mandat de l’Unité de recherche (à savoir celles qui ne sont pas survenues dans le contexte et en raison du conflit armé, ou celles survenues après le 1er décembre 2016) demeurent du ressort des mécanismes ordinaires que sont la Commission de recherche et le Bureau du Procureur général de la nation.

31.L’Unité de recherche, opérationnelle depuis octobre 2018, a commencé de recenser toutes les personnes relevant de la catégorie des personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé, en recoupant les informations émanant de différentes sources officielles et non officielles. Il convient toutefois de préciser deux choses. Premièrement, les chiffres officiels qui figurent dans les différents systèmes nationaux d’information varient et montrent que le phénomène est sous‑déclaré, comme le Gouvernement l’a souligné dans sa présentation devant la Cour constitutionnelle lors de l’examen du décret‑loi no 589 de 2017. Selon le Centre national de mémoire historique, 80 742 personnes ont été victimes de disparition forcée entre 1958 et 2018, dont 70 537 sont toujours portées disparues. L’Unité de recherche est parvenue à réunir des informations sur de nombreux cas de disparition forcée survenu pendant le conflit armé qui n’ont pas été enregistrés dans les bases de données des institutions nationales (à savoir le SIRDEC, le Registre national des personnes disparues, le registre du Centre national de mémoire historique, le Registre unique des victimes et le registre du Bureau du Procureur général de la nation). Elle estime que le nombre total de personnes victimes de disparition forcée au cours du conflit armé est de l’ordre de 120 000. Deuxièmement, le Registre national des personnes disparues est administré par l’Institut de médecine légale. Le décret‑loi no 589 de 2017 dispose que l’Unité de recherche doit, en coordination avec l’Institut de médecine légale, créer dans le Registre national des personnes disparues un « module spécial exclusivement réservé à la catégorie des personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé », et que l’Institut de médecine légale continuera d’administrer le Registre national des personnes disparues.

Infraction de disparition forcée

32.En 2019, le Bureau du Procureur général de la nation avait engagé au total 127 583 procédures à raison de disparition forcée. Le tableau 1 figurant dans l’annexe I du rapport présente ces données ventilées en fonction du statut de la procédure (active ou inactive) et de la loi procédurale en vertu de laquelle les enquêtes sont menées. Sur instruction du Bureau du Procureur général adjoint de la nation, la Direction de la justice de transition consolide les données statistiques concernant les victimes de l’infraction de disparition forcée.

33.Le travail d’harmonisation des données se poursuit. Le nombre initial de victimes est de 75 287 personnes et correspond à 46 338 enquêtes menées par des services régionaux du ministère public, 5 604 par la Direction des droits de l’homme et du droit international humanitaire, 8 418 par la Direction d’appui aux enquêtes et aux analyses en matière de criminalité organisée et 28 par le Bureau du Procureur délégué devant la Cour suprême. De plus, 21 577 de ces victimes correspondent à des cas liés à des faits survenus lors ou à l’occasion du conflit armé interne, pour lesquels il appartient à la Direction de la justice de transition de mener des enquêtes sur les personnes démobilisées et visées par les dispositions de la loi no 975 de 2005, sur la base des données figurant dans le système d’information du processus « Justice et paix ». Les chiffres ci‑dessus correspondent au nombre de victimes signalées, dont 9 155 seraient des mineurs.

34.Des condamnations ont été prononcées dans 675 des 127 583 procédures susmentionnées, soit dans 430 procédures engagées en application de la loi no 600 de 2000 et 245 procédures engagées en application de la loi no 906 de 2004. Au total, 1 315 personnes ont été condamnées : 954 en application de la loi no 600 de 2000 et 361 en application de la loi no 906 de 2004.

35.Selon les informations figurant dans les bases de données dont dispose la Direction de la justice de transition du Bureau du Procureur général de la nation, à ce jour, des condamnations ont été prononcées dans 1 832 cas ayant fait 2 808 victimes directes. Parmi les anciens commandants et hauts responsables condamnés pour ces infractions figurent Salvatore Mancuso Gómez, Rodrigo Pérez Alzate, alias Julián Bolívar, Hébert Veloza García, alias HH, Ramón María Isaza Arango, alias El Viejo (le vieux), Luis Eduardo Cifuentes Galindo, alias El Águila (l’aigle), Ramiro Vanoy Murillo, alias Cuco Vanoy, Ivan Roberto Duque Gaviria, alias Ernesto Baez, et Fredy Rendón Herrera, alias El Alemán (l’Allemand). Il convient de souligner que 183 des personnes condamnées sont des agents de l’État, comme indiqué dans le tableau 2 de l’annexe.

36.Parmi les procédures engagées, 1 140 ont donné lieu à des audiences de mise en accusation, soit 563 en application de la loi no 600 de 2000, 575 en application de la loi no 906 de 2004 et deux en application de la loi no 1098 de 2006. Au total, 2 760 personnes ont été mises en accusation : 1 371 en application de la loi no 600 de 2000, 1 387 en application de loi no 906 de 2004 et deux en application de la loi no 1098 de 2006. Il convient de souligner que 677 des personnes mises en accusation sont des membres des forces de l’ordre, comme indiqué dans le tableau 3 de l’annexe.

Responsabilité pénale du supérieur hiérarchique

37.Il convient avant tout de rappeler que, compte tenu des dispositions des articles 29 et 30 du Code pénal colombien, il est indéniable que les mesures nécessaires ont été prises sur le plan législatif pour que tant les auteurs que les participants aient à répondre de tout comportement punissable (lequel s’entend d’un comportement défini par la loi, contraire au droit et répréhensible, la causalité n’étant pas un élément suffisant aux fins de l’imputation du résultat, comme en dispose l’article 9 du Code pénal). L’État partie s’acquitte donc de ses obligations en la matière.

38.D’un certain point de vue, la qualité d’auteur (art. 29) est reconnue aux auteurs directs et indirects : l’auteur direct est celui qui adopte le comportement punissable lui‑même et l’auteur indirect celui qui passe par l’intermédiaire d’une autre personne aux fins de la commission de l’infraction. Le même article dispose en outre que les coauteurs sont ceux qui, d’un commun accord, participent à la commission de l’infraction, la contribution de chacun d’entre eux pouvant être plus ou moins importante.

39.La législation confère également la qualité d’auteur à celui qui agit comme membre ou organe mandataire, autorisé ou de fait, d’une personne morale, d’une entité collective autre qu’une personne morale ou d’une personne physique qu’il représente volontairement, et qui adopte le comportement punissable, bien que les éléments particuliers qui déterminent la sanction prévue pour l’infraction pénale soient rattachables à la personne ou à l’entité collective qu’il représente, et non à lui.

40.Sont considérés comme des participants au comportement punissable la personne qui décide et son complice. Dans le cas à l’examen, la personne qui décide est considérée, selon la doctrine et la jurisprudence, comme celle qui « agit dans l’ombre », à savoir celle qui, au moyen d’un ordre, d’un conseil, de son pouvoir ou autre, incite une autre personne à commettre un acte punissable, dont elle devra répondre.

41.Il convient de souligner que la Chambre de cassation pénale de la Cour suprême de justice a souscrit à la thèse dominante qu’est la théorie de la commission indirecte par le moyen d’appareils organisés de pouvoir, laquelle permet d’établir la responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques au sens où l’entend la Convention, théorie qui s’applique non seulement au crime de disparition forcée, mais également à d’autres infractions.

42.Dans sa décision interlocutoire no 34788 du 23 septembre 2015, la Cour suprême de justice a ainsi déclaré que « [l]a Chambre, par sa décision no 32805 du 23 février 2010, a souscrit à la thèse dominante de la COMMISSION INDIRECTE afin de qualifier, du point de vue de la doctrine pénale, la forme d’intervention dans le fait punissable de ceux qui doivent répondre des crimes commis par une organisation criminelle en ces termes : “ La doctrine nationale s’est intéressée à la qualification juridique qui doit être attribuée aux personnes qui font partie d’une organisation criminelle, tels les cartels de la drogue ou les appareils de pouvoir organisés et dirigés par des paramilitaires et des organisations de la guérilla. Les commentateurs affirment que ces personnes ne sont, stricto sensu, ni des coauteurs ni des complices, et ils proposent que leur responsabilité soit établie sur la base de la commission indirecte et qu’elle repose sur le contrôle ou l’influence que les supérieurs hiérarchiques ont exercé sur l’organisation criminelle, de sorte que les exécutants sont des instruments anonymes et fongibles qui commettent directement l’acte punissable sans même connaître les supérieurs hiérarchiques qui ordonnent le crime.”. Les paramètres que la Cour a analysés pour conclure dans sa décision que l’accusé avait agi en qualité d’AUTEUR INDIRECT des homicides perpétrés par le groupe armé lors du funèbre MASSACRE DE MACAYEPO mettent à leur tour en lumière les critères qui doivent être remplis dans le cas à l’examen, à savoir l’existence d’un lien étroit entre l’intéressé et l’appareil organisé de pouvoir et le fait qu’il exerce un pouvoir hiérarchique au sein de cet appareil ; critères sur la base desquels on peut conclure à l’existence d’un POUVOIR DE COMMANDER, qui définit le CONTRÔLE exercé sur l’“appareil organisé de pouvoir”. Dans cet esprit, la Chambre s’est appuyée sur les lignes directrices suivantes pour conclure que le défendeur était coupable de la COMMISSION INDIRECTE des crimes commis par le groupe armé illégal : “L’accusé exerçait un contrôle hiérarchique sur l’appareil de pouvoir, dont il partageait le commandement avec les chefs militaires qui exécutaient le plan sur le terrain. Les groupes paramilitaires sont des structures organisées de manière verticale, dans lesquelles il y a un cloisonnement et où les hiérarchies supérieures élaborent des plans d’action généraux et un grand groupe de subordonnés est prêt à se conformer à ces directives. Le “massacre de Macayepo” était une action menée dans le cadre des activités “normales” du groupe paramilitaire Bloque Héroes de Montes de María, qu’avait constitué, soutenu et conseillé l’accusé. Il a été établi que des réunions avaient été tenues avec les chefs militaires du groupe et que les communications étaient codées, une manière de faire en sorte que les ordres soient transmis au sein d’organisations armées illégales.”. Sur la base de ces hypothèses et des preuves recueillies, la Chambre a conclu que l’accusé “[…] avait non seulement organisé le groupe d’autodéfense responsable du massacre, mais également adopté des comportements propres à un membre de ce type de groupes armés illégaux, ce qui permettait de lui imputer, à raison de sa qualité d’auteur indirect, les nombreux homicides commis au cours de cette attaque paramilitaire”. Il convient de préciser que les fondements sous‑tendant la thèse de la COMMISSION INDIRECTE ne justifient pas, et autorisent encore moins, de faire l’économie d’un examen des “éléments externes à l’action reprochée” (Cour suprême de justice, Chambre pénale, décision no 29221 du 2 septembre 2009), ce qui signifie que les paramètres qui ressortent de la décision susmentionnée, qui sont conformes à la doctrine et à la jurisprudence comparées, doivent être pris en compte aux fins de l’attribution de l’acte. De plus, de ces fondements du droit comparé découle la doctrine dominante du CONTRÔLE EXERCÉ SUR L’ACTE, sur lequel repose la COMMISSION INDIRECTE. Cette doctrine est née de l’évolution des positions théoriques qui cherchent à expliquer les différentes formes d’intervention dans l’acte criminel sur la base des concepts de qualité d’AUTEUR et de PARTICIPANT, et posent que l’AUTEUR, de manière générale, est celui qui exerce un pouvoir en dernier ressort sur l’acte reproché, contrôlant ainsi le cours logique des événements, et le participant, celui qui ne dispose pas de ce pouvoir de contrôle […] ».

43.Au vu de ce qui précède, la Colombie estime avoir pris les mesures législatives nécessaires pour s’acquitter des obligations internationales qui lui incombent au titre de la Convention.

IV.Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

(Recommandations figurant aux paragraphes 20, 22, 24, 26 et 28 du document CED/C/COL/CO/1)

Plaintes et enquêtes sur les cas de disparition forcée

Enquêtes sur les disparitions perpétrées sans l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement d’agents de l’État

44.Outre les compétences déjà mentionnées et celles que prévoient l’article 221 de la Constitution et l’article 3 de la loi no 1407 de 2010 portant promulgation du Code pénal militaire, la Chambre juridictionnelle disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature est chargée du règlement des conflits de compétence entre juridictions. Sur la base de ces articles, lorsqu’elle a été saisie d’un conflit de compétence opposant la juridiction pénale ordinaire et la juridiction pénale militaire s’agissant de l’infraction de disparition forcée, la Chambre a déclaré que la juridiction ordinaire avait compétence, comme l’illustrent les ordonnances délivrées dans les procédures nos 110010102000201401079 00, 110010102000201400312 et 110010102000201703285 00 (annexes III, IV et V).

45.Pour ce qui est des compétences du Conseil supérieur de la magistrature ayant trait au Système de données statistiques du pouvoir judiciaire, qui compile les données agrégées relatives à l’activité des services judiciaires, elles consistent à fournir, pour les années 2014 à 2019, des données sur le nombre de procédures enregistrées, de procédures terminées et de procédures en cours à la fin de l’année, ainsi que sur le nombre de personnes acquittées et condamnées pour le crime de disparition forcée, comme indiqué dans le tableau 4 de l’annexe du rapport.

46.Dans le droit fil de l’objectif principal de la Commission de recherche, qui est d’appuyer et d’encourager la conduite d’enquêtes sur les cas de disparition forcée, en veillant à respecter pleinement les compétences des institutions et les droits des parties à la procédure, 1 589 enquêtes judiciaires ont été ouvertes pour donner suite à des demandes d’information sur l’état d’avancement des affaires, les mesures d’enquête prises et l’application du Plan national de recherche des personnes disparues, et à des demandes engageant les autorités judiciaires à prendre des mesures concrètes pour encourager la conduite d’enquêtes sur les disparitions forcées et le suivi de ces enquêtes, conformément aux compétences de chacune d’elles.

47.En outre, l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable, conclu entre le Gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie − Armée populaire (FARC‑EP), a abouti à la création du Système intégré pour la vérité, la justice, la réparation et la non‑répétition. Ce système a permis de créer l’Unité de recherche, institution extrajudiciaire dotée d’une personnalité juridique et d’un statut autonome. L’Unité a pour mandat de diriger, coordonner et faciliter les activités humanitaires visant à rechercher et à localiser les personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé et qui sont en vie, et les activités visant, dans la mesure du possible, à identifier les restes et à les restituer dans la dignité en cas de décès.

48.Jouissant d’une autonomie financière et administrative, l’Unité de recherche dispose de ses propres ressources, constituées des crédits qui lui sont attribués au titre du budget général de la nation, de dons publics ou privés, de contributions liées à la coopération internationale et d’autres contributions qu’elle reçoit pour atteindre ses objectifs.

49.L’Unité de recherche est compétente pour connaître des disparitions survenues avant le 1er décembre 2016 (date d’entrée en vigueur de l’Accord) dans le contexte et en raison du conflit armé, et qui sont liées à une disparition forcée, un enlèvement, un recrutement illégal ou d’une disparition de combattants en temps d’hostilités, qu’il s’agisse de combattants réguliers (membres des forces de l’ordre) ou de combattants irréguliers (membres des groupes armés en marge de la loi).

50.De par sa nature humanitaire et extrajudiciaire, l’Unité de recherche n’a pas pour mandat d’enquêter sur l’infraction de disparition forcée ni d’établir la responsabilité pénale d’une telle infraction. Son mandat consiste à diriger, coordonner et faciliter les activités humanitaires visant à rechercher et à localiser les personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé et qui sont en vie, et les activités visant, dans la mesure du possible, à récupérer les restes, à les identifier et à les restituer dans la dignité en cas de décès. À cet égard, la Cour constitutionnelle a précisé que le caractère humanitaire du mandat de l’Unité de recherche ne fait aucun doute et que l’Unité recherche toutes les personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé, qu’elles soient vivantes ou décédées, indépendamment du type de crime ou de conduite à l’origine de la disparition, du statut de la victime ou de l’identité de l’auteur présumé.

51.L’Unité de recherche n’enquête pas sur le crime à l’origine de la disparition. Les activités de recherche sont activées non seulement à la demande des membres de la famille, d’associations de familles, d’organisations de la société civile ou de toute autre personne, mais également sur renvoi d’une affaire par les autorités nationales. Ainsi, l’Unité engage d’office des activités de recherche lorsqu’elle reçoit ou recueille des informations sur des cas de personnes portées disparues. Pour que des activités de recherche soient menées, il n’est pas nécessaire que les faits illicites à l’origine de la disparition aient fait l’objet d’une plainte pénale ou autre, ou que la personne portée disparue ait été déclarée ou inscrite dans un registre ou une base de données officiels (comme, par exemple, le Registre national des victimes, le Registre unique des victimes, la base de données de l’Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale et le SIRDEC).

52.L’Unité de recherche s’intéresse à toutes les personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé, même si l’infraction à l’origine de la disparition n’a pas fait l’objet d’une plainte ou d’une procédure pénale, et indépendamment des procédures pénales en cours ou terminées, du statut juridique de la personne disparue ou du fait qu’elle a été inscrite ou non dans un registre officiel de victimes ou de personnes disparues (comme le Registre national des victimes, le Registre unique des victimes et le SIRDEC).

53.Les activités humanitaires de l’Unité de recherche ne remplacent ni n’entravent les enquêtes judiciaires sur les infractions qui sont à l’origine des disparitions ni n’empêchent les autorités judiciaires compétentes − qu’elles administrent la justice de transition ou la justice ordinaire − d’ouvrir ou de poursuivre des enquêtes visant à établir les circonstances dans lesquelles les infractions ont été commises ou à établir la responsabilité pénale individuelle de leur commission.

54.L’Unité de recherche a accès aux bases de données officielles et toutes les institutions nationales sont tenues de lui communiquer les informations utiles dont elles disposent, afin de lui permettre d’exercer pleinement son mandat. En outre, l’Unité de recherche peut demander les informations qu’elle estime utiles et les obtenir sans restrictions, même s’il s’agit d’informations confidentielles.

55.De plus, l’Unité est habilitée à se rendre dans les lieux où il y a des raisons de croire que se trouvent des personnes portées disparues ou leur corps, sous réserve de certaines exceptions pour lesquelles elle doit disposer d’une autorisation judiciaire délivrée par la Section de révision du Tribunal pour la paix, qui relève de la Juridiction spéciale pour la paix.

56.Dans le cadre de son mandat extrajudiciaire et humanitaire, l’Unité de recherche s’emploie également à rechercher toutes les personnes dont la disparition est liée à des actes commis tant par des agents de l’État que par des membres de toute organisation ayant participé au conflit armé, que celle-ci ait ou non conclu un accord de paix avec les autorités nationales, comme l’Accord final le prévoit expressément et comme la Cour constitutionnelle l’a rappelé. Ainsi, aux fins des recherches qu’effectue l’Unité à titre extrajudiciaire et humanitaire, il n’est pas nécessaire que l’auteur ou l’auteur présumé du fait illicite à l’origine de la disparition d’une personne ait été traduit devant la Juridiction spéciale pour la paix. Toutefois, il convient de noter que lorsque l’auteur ou l’auteur présumé a été traduit devant la Juridiction spéciale pour la paix, la législation prévoit une série de règles concernant le régime des conditions.

57.En outre, l’Institut de médecine légale contribue aux enquêtes sur des disparitions forcées en ce qu’il enregistre, recherche et suit les cas grâce à son système d’information, inspecte des cimetières et confie l’examen des cas de disparition à du personnel compétent, formé aux normes nationales et internationales applicables.

58.L’Institut de médecine légale offre des espaces de dialogue et des ateliers aux familles de personnes disparues. Il met à leur disposition des outils institutionnels de suivi, tels que l’outil de recherches publiques, et les fait participer à la collecte d’informations et aux journées de prélèvement d’échantillons. Il a également lancé des campagnes de sensibilisation dans ses bureaux, sur les thèmes Aquí damos información sobre desaparecidos (Ici nous fournissons des informations sur des personnes disparues) et Aquí se puede realizar registro en SIRDEC de su familiar desaparecido (Ici vous pouvez enregistrer votre proche disparu dans le SIRDEC), afin d’aider les familles de personnes disparues à obtenir des informations.

59.De plus, l’Institut de médecine légale a mis à disposition sur son site Web un outil de recherches publiques, grâce auquel les familles des personnes disparues peuvent suivre l’état d’avancement des mesures prises par les institutions compétentes pour rechercher, localiser et identifier leurs proches. Cet outil est actualisé de manière dynamique et est directement lié aux rapports enregistrés dans le SIRDEC.

60.L’Institut de médecine légale a mis en place des partenariats stratégiques qui permettent d’éclairer les résultats des activités de recherche, de localisation, d’identification et de restitution des personnes disparues. Dans le cadre de ce processus, il convient de signaler le partenariat conclu avec le journal El Tiempo, qui a permis de mettre en place le projet intitulé « Los muertos que nadie reclama » (Les morts que personne ne réclame). Celui-ci dresse un tableau précis du drame des personnes disparues dans le pays et sert également de moteur de recherche des personnes disparues. Grâce à cette initiative, le site eltiempo.com, le plus consulté du pays, permet à toute personne de savoir si un parent ou un proche disparu est décédé. En cas de réponse affirmative, le moteur de recherche donne, en outre, les références du dossier, et indique quel est le service de l’Institut de médecine légale qui a pratiqué l’autopsie et quels sont les numéros de téléphone à appeler.

61.Comme indiqué plus haut, le conseil d’administration du Centre unique virtuel d’identification tient régulièrement des réunions auxquelles participent le Bureau du Procureur général de la nation, l’Équipe technique d’enquête, l’Institut de médecine légale et la Direction des enquêtes criminelles et d’Interpol. Ces réunions permettent de définir les mesures à prendre à l’échelon interinstitutionnel afin d’atteindre l’objectif qui consiste à trouver et à identifier des personnes disparues et à les restituer à leur famille, ce qui permet d’offrir une forme de réparation aux victimes et d’établir la vérité ; et à recueillir, analyser et stocker les données visant à identifier des restes humains.

62.Les progrès accomplis grâce à la coordination interinstitutionnelle ont permis de publier et de diffuser à l’échelon national le document intitulé « Estándares Forenses Mínimos para la Búsqueda de Personas Desparecidas y la Recuperación e Identificación de Cadáveres » (Normes médico‑légales minimales relatives à la recherche de personnes disparues, à la récupération et à l’identification des dépouilles), d’adapter le module consacré aux cas de disparition et à leur suivi afin qu’il satisfasse aux dispositions du décret no 0303 de 2015, et de définir les mesures à prendre dans le cadre des inspections de cimetière, du suivi des affaires, des stratégies communes de mise à jour des bases de données et des propositions de modification du formulaire national de recherche des personnes disparues.

63.La recherche des personnes disparues est un processus concerté auquel participent les différentes institutions compétentes, telles que le Bureau du Procureur général de la nation, l’Institut de médecine légale et la Police nationale (ainsi que la Direction des enquêtes criminelles et d’Interpol).

64.L’Institut de médecine légale a conclu avec le Registre national de l’état civil et le Ministère de l’intérieur un accord (accord no 01 de 2010) dans le cadre duquel 22 689 empreintes digitales relevées sur des cadavres ont été analysées et 9 968 personnes identifiées, dont 440 étaient signalées comme disparues dans le Registre national des personnes disparues, tandis que les 12 721 personnes restantes ne figuraient pas dans le Système d’identification automatisée par les empreintes digitales. Cet accord constituait la seconde phase du projet de recoupement massif des empreintes digitales. Au cours de la première phase, financée par la Commission de recherche, 35 500 empreintes digitales relevées sur des cadavres avaient été analysées, ce qui avait permis de confirmer l’identité de 22 214 personnes décédées et d’établir pour la première fois celle de 1 350 autres corps. Les empreintes digitales des 11 936 cadavres restants ont été examinées en 2010 au cours de la seconde phase.

65.L’Institut de médecine légale a par la suite procédé à la vérification des identités en établissant des rapports d’identification en vue de retrouver les dossiers concernés, connaître l’autorité compétente et localiser les lieux d’inhumation. Sur la base de la problématique mise en exergue et des informations disponibles, une stratégie a été conçue aux fins de la récupération des corps non identifiés enterrés dans les cimetières du pays.

66.Pour sa part, la Direction des droits de l’homme du Ministère de l’intérieur continue d’appuyer une meilleure gestion des cimetières où sont enterrés les corps ou les restes humains de personnes non identifiées ou sans nom. À ce jour, 503 cimetières ont bénéficié de ces mesures de soutien, qui visent à faciliter la recherche des personnes disparues en Colombie.

67.L’Institut de médecine légale s’emploie à remplir sa mission technico‑scientifique de soutien à la justice et d’aide aux victimes grâce aux fonctionnaires mis à sa disposition dans les huit sous‑directions régionales et 25 directions régionales. Ces fonctionnaires sont à l’œuvre dans 125 municipalités et jouissent de la formation et du savoir‑faire nécessaires. En outre, les directions régionales de l’Institut participent aux comités interinstitutionnels sur les disparitions forcées en vue de mettre en place des procédures spéciales pour signaler la disparition d’une personne.

68.En sa qualité d’administrateur du Registre national des personnes disparues, l’Institut de médecine légale veille à ce que les autorités compétentes aient accès aux informations dont elles ont besoin pour leurs enquêtes. Les organisations et les victimes ont également accès aux informations pertinentes grâce à l’outil de recherches publiques, accessible depuis la page Web de l’Institut, qui permet une consultation efficace et rapide de la documentation disponible.

69.Quant au Procureur général de la nation, par sa décision no 03481 du 31 octobre 2016, il a établi des directives concernant les activités de recherche, d’exhumation, d’identification et de restitution des personnes disparues, que mène son bureau. En application de cette décision, la Direction de la justice de transition est notamment chargée de : i) programmer, en collaboration avec le département de criminalistique de l’Équipe technique d’enquête, toutes les procédures d’exhumation demandées par tout service de l’institution ; ii) restituer dans la dignité les corps de personnes disparues ; iii) consolider, mettre à jour et publier les données concernant les disparitions forcées dont dispose le Bureau du Procureur général de la nation.

70.Il convient toutefois de souligner qu’en application de la décision no 02886 de 2007 et de l’article 48 de la loi no 975 de 2005, la Direction de la justice de transition a mené, par l’intermédiaire de la sous‑unité des exhumations (l’actuel GRUBE), des activités visant à rechercher, exhumer et contribuer à identifier des victimes de disparition forcée dans le cadre du conflit armé, et à les restituer dans la dignité à leur famille.

71.Conformément au mandat décrit plus haut et dans le cadre de l’exécution du Plan national de recherche des personnes disparues, par l’intermédiaire du GRUBE, la Direction de la justice de transition a exhumé à ce jour 9 735 corps de personnes portées disparues, dont 4 766 ont été restitués aux familles dans la dignité.

72.Par l’intermédiaire de la Direction de la justice de transition, le Bureau du Procureur général de la nation a été à l’origine d’un nombre important d’enquêtes sur des crimes de disparition forcée commis pendant et à l’occasion du conflit armé interne, au cours desquelles un modèle de criminalité associé au phénomène de la disparition forcée a été établi et mis à jour. Ce modèle correspond aux normes et à la méthodologie établies par les tribunaux internationaux des droits de l’homme, sur la base desquelles il met en accusation tant les principaux responsables que les membres de rang moyen et inférieur des groupes armés illégaux qui ont été démobilisés et traduits en justice. Le voile a été levé sur les pratiques et le mode opératoire de ces organisations criminelles, qui consistent principalement à démembrer les corps, les enterrer dans des fosses clandestines et les jeter dans des fleuves ; pratiques qui sont communes aux différentes structures criminelles. À des degrés moindres, ces organisations ont recours à l’intimidation ou à la force, à la supercherie et à l’installation de « barrages filtrants », entre autres pratiques.

73.La Direction de la justice de transition mène des enquêtes sur les faits avoués par des personnes qui demandent à bénéficier des dispositions de la loi no 975 de 2005 et, lorsqu’il est établi au cours des procédures engagées que des agents de l’État ont participé à la commission d’une infraction, y ont contribué, en sont responsables ou sont impliqués pénalement, elle ordonne que des copies certifiées des aveux soient transmises aux autorités judiciaires compétentes pour qu’elles mènent une enquête. Grâce à sa collaboration avec des services internes et externes du Bureau du Procureur, la Direction de la justice de transition a fait d’importants progrès dans ses activités visant à enquêter sur les disparitions forcées et à localiser et identifier les victimes de ce crime, dans le cadre établi par la juridiction spéciale.

74.L’Équipe technique d’enquête du Bureau du Procureur général de la nation fournit un appui technique aux exhumations réalisées dans tout le pays, mais travaille également en coordination avec les laboratoires de la Direction des enquêtes criminelles et d’Interpol, de la Police nationale et de l’Institut de médecine légale, dans le but d’identifier les corps exhumés. Une fois que les corps ont été identifiés conformément aux dispositions de la loi no 1408 de 2010 et de son décret d’application no 303 de 2015, l’Équipe technique d’enquête assure la coordination avec l’Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale afin que les corps soient restitués aux familles des victimes, et elle collabore avec le Ministère de la santé en vue de leur offrir un soutien psychosocial.

75.En 2019, le Bureau du Procureur général de la nation avait engagé 3 125 procédures à raison d’exécutions extrajudiciaires. Ces données figurent dans le tableau 5, où elles sont ventilées en fonction du statut de la procédure (active ou inactive) et de la loi procédurale en application de laquelle les enquêtes sont menées. Dans le cadre des procédures susmentionnées, 7 056 victimes ont été enregistrées, dont 210 mineurs.

76.Parmi les poursuites engagées pour exécutions extrajudiciaires, des condamnations ont été prononcées dans 395 procédures, soit 308 en application de la loi no 600 de 2000 et 87 en application de la loi no 906 de 2004. Dans le cadre de ces procédures, 1 381 personnes ont été condamnées : 1 176 en application de la loi no 600 de 2000 et 205 en application de loi no 906 de 2004. Parmi les personnes condamnées, 558 sont des membres des forces armées ou d’organisations en marge de la loi, comme indiqué dans le tableau 6.

77.Parmi les poursuites engagées pour exécutions extrajudiciaires, 1 157 procédures ont donné lieu à des mises en accusation, soit dans 616 en application de la loi no 600 de 2000, 539 en application de loi no 906 de 2004 et deux en application de la loi no 1098 de 2006. Dans le cadre de ces procédures, 5 800 personnes ont été mises en accusation : 3 855 en application de la loi no 600 de 2000, 1 933 en application de la loi no 906 de 2004 et 12 en application de la loi no 1098 de 2006. Au total, 2 035 des personnes mises en accusation sont des membres des forces armées ou d’organisations en marge de la loi, comme indiqué dans le tableau 7.

Recherche des personnes disparues

78.Le mécanisme de recherche d’urgence est un outil servant à localiser les personnes présumées disparues. Il a pour objectif de permettre aux autorités judiciaires de prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires à cette fin. Il convient de noter qu’il n’est pas nécessaire d’attendre un certain nombre d’heures avant de demander l’activation du mécanisme de recherche d’urgence, que chacun peut en faire la demande auprès d’un juge ou d’un procureur et que cette démarche est gratuite.

79.Dans le cadre de ses compétences, l’organe législatif a institué par la loi no971 de 2005 le mécanisme de recherche d’urgence, instrument d’action rapide sans formalités majeures, au moyen duquel est engagée la procédure judiciaire visant à retrouver en vie la personne présumée disparue. Par l’intermédiaire de ses délégués, le Bureau du Procureur général de la nation s’acquitte des obligations prévues par la loi et prend des mesures en vue de localiser immédiatement la personne disparue, morte ou vivante, dès qu’un cas est porté à sa connaissance au moyen du mécanisme de recherche d’urgence − mécanisme autonome centralisé pour la prévention et le traitement immédiat et obligatoire des cas de disparition signalés. Le Bureau du Procureur délégué à la sécurité publiquea désigné un procureur délégué chargé de traiter en priorité les cas de disparition.

80.La Direction de la justice de transition a activé et utilisé le mécanisme de recherche d’urgence à quatre reprises et, selon les informations dont elle dispose pour 2019, la Direction spéciale de la lutte contre les violations des droits de lhomme a recouru 19fois au mécanisme de recherche d’urgence jusqu’à présent.

81.Les résultats des enquêtes menées pour retrouver les personnes portées disparues ont permis à la Direction de la justice de transition d’établir que 341personnes portées disparues ont été retrouvées en vie et que, comme indiqué plus haut, 9735corps ont été découverts dans des fosses clandestines ou des cimetières, et exhumés.

82.Au 30juillet 2019, la Direction de la justice de transition du Bureau du Procureur général de la nation avait exhumé, par l’intermédiaire du GRUBE, 9735corps, dont 7481étaient enterrés dans des champs et 2254 dans des cimetières. Il importe de préciser qu’avant 2006, date à laquelle le GRUBE a commencé ses travaux, les services de la justice ordinaire et les directions nationales ont procédé à des exhumations, au sujet desquelles aucune information n’est disponible. En outre, entre 2006 et 2016, le GRUBE n’a procédé à des exhumations qu’en application de la loi no975 de 2005.

83.Au 30juillet 2019, la Direction de la justice de transition avait restitué aux familles 4766corps dûment identifiés, lors de cérémonies organisées avec les proches des victimes et dans le plus grand respect de leurs croyances et de leurs traditions. Sur ces 4766corps, 511 correspondaient à des cas examinés par les services régionaux du Bureau du Procureur délégué à la sécurité publique, 17 à des cas examinés par le Procureur délégué devant la Cour (palais de justice) et 12 par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

84.Le GRUBE applique strictement le Protocole interinstitutionnel pour la restitution digne des corps des personnes disparues (Protocolo interinstitucional para la entrega digna de cadáveres de personas desaparecidas) promulgué par la Commission de recherche, dont le Bureau du Procureur général de la nation fait partie. Il a contribué activement à l’élaboration de ce protocole, fort de son expérience et de ses connaissances spécialisées. Depuis 2007 − avant la promulgation de la loi no1408 de 2010 qui régit l’application du document en question − il a restitué le corps de nombreuses victimes de disparition forcée à leur famille, expérience dont il a été tenu compte dans l’élaboration du Protocole.

85.Les procureurs, les odontologistes médico-légaux et les psychologues en charge de la procédure de restitution sont formés en permanence afin de garantir le strict respect des principes qui la régissent, tels que la dignité humaine, l’intégrité, l’égalité de traitement et la non-discrimination, et l’adoption d’une approche différenciée et non préjudiciable.

86.Comme indiqué précédemment, tous les fonctionnaires des services de justice, de médecine légale, de criminalistique ou de prise en charge psychosociale du Bureau du Procureur général de la nation reçoivent régulièrement des formations sur l’application correcte du Plan national de recherche des personnes disparues et du mécanisme de recherche d’urgence. Ils s’acquittent de leurs fonctions en suivant chacune des étapes prévues par ce Plan : i)collecte d’informations ; ii)vérification et analyse ; iii)récupération, examen et identification ; et iv)dispositions finales. Le tableau8 présente les formations dispensées au sein du Bureau du Procureur général de la nation pour faire en sorte que le Plan national de recherche des personnes disparues et le mécanisme de recherche d’urgence soit appliqués comme il se doit.

87.La Commission de recherche a demandé au Bureau du Procureur général de la nation d’activer le mécanisme de recherche d’urgence à 43reprises, afin d’engager les activités immédiates liées à la recherche de la personne disparue. Grâce à son équipe de travail, elle a également fait plus de 260demandes de prélèvement d’échantillons en vue d’établir davantage de profils des membres de la famille, destinés à être stockés dans la banque des profils génétiques des personnes disparues (ci-après le banque des profils génétiques). Pour ce qui est de « l’accélération de l’identification et de la restitution des corps exhumés », des communications officielles ont été envoyéesafin de favoriser la diffusion d’informationssur les analyses médico-légales et la procédure de restitution des corps à la demande des familles.

88.La Commission de recherche a organisé 10 séminaires sur le thème «Normas, Mecanismos e Instrumentos Nacionales e Internacionales para enfrentar el delito de desaparición forzada »(Normes, mécanismes et instruments nationaux et internationaux visant à lutter contre l’infraction de disparition forcée), qui portaient notamment sur le Plan national de recherche des personnes disparues et le mécanisme de recherche d’urgence. Ces séminaires comprenaient des activités de formation destinées aux fonctionnaires et aux familles (chefs) et se sont déroulés dans les villes de Fusagasugá, Barrancabermeja, Buenaventura et Pasto (en 2017), de Cúcuta, Florencia, Mocoa, Puerto Carreño et Quibdó (en 2018), et de Barranquilla (en 2019).

89.La Commission de recherche a élaboré le Protocole interinstitutionnel pour la restitution digne des corps des personnes disparues, qu’elle a rendu exécutoire le 28août 2014. Dans le cadre de ses activités d’accompagnement sur demande des familles, elle a apporté son soutien à trois procédures de restitution dans la dignité entre 2017 et 2019.

90.Lorsqu’il a connaissance d’informations concernant une disparition présumée forcée, l’Institut de médecine légaleles consigne dans le Réseau d’information et veille à ce que les proches de la victime disposent d’informations suffisantes sur leurs droits et leurs devoirs dans le cadre de la procédure, leur indique la marche à suivre pour déposer une plainte officielle ou non officielle, et leur signale qu’un outil de recherche publique mis à leur disposition sur la page Web de l’Institut leur permet de suivre les démarches de recherche entreprises.

91.En outre, conformément aux règles en vigueur, l’Institut de médecine légale prend les mesures nécessaires aux fins de l’activation du mécanisme de recherche d’urgence et assure un suivi permanent des activités menées à ce titre. La loi no971 de 2005 dispose que seules les autorités judiciaires sont habilitées à activer le mécanisme de recherche d’urgence. L’Institut de médecine légale est chargé de consigner l’activation du mécanisme dans le Registre national des personnes disparues. Il peut également en demander l’activation, mais sa fonction principale en la matière est de vérifier siles informations relatives à la personne disparue correspondent à l’un des cadavressoumis à autopsie, et ainsi de permettre la restitution immédiate et opportune du corps, en cas de décès de la personne disparue.

92.Les tableaux9, 10 et 11 de l’annexe du rapport permettent d’étudier les cas d’activation du mécanisme de recherche d’urgence. Sur les 145263cas de disparition signalés, 28 453 correspondent à des disparitions présumées forcées.

93.Les informations personnelles, y compris les données médicales ou génétiques, recueillies par l’Unité de recherche au titre de ses activités de recherche extrajudiciaires et humanitaires sont confidentielles. Ces informations ne peuvent être collectées sans l’autorisation préalable d’un membre de la famille de la personne portée disparue, qui doit signer un formulaire de consentement éclairé. Lorsque des échantillons biologiques sont prélevés par l’Institut de médecine légale dans le cadre des activités de recherche des personnes portées disparues menées par l’Unité de recherche, le donneur doit avoir signé au préalable le formulaire unique de consentement éclairé pour le prélèvement d’échantillons biologiques à des fins exclusives d’identification.

94.En application de la loi, et comme l’a réaffirmé la Cour constitutionnelle, les informations que l’Unité de recherche reçoit ou recueille − à l’exception des rapports médico-légaux et des éléments associés au cadavre − « ne peuvent pas être utilisées pour établir la responsabilité dans le cadre de procédures judiciaires et n’ont aucune valeur probante ». La Cour constitutionnelle a également précisé que « l’Unité de recherche doit certifier à la Juridiction spéciale pour la paix qu’elle respecte cette condition [de comparution et de contribution à la vérité], mais n’est pas tenue de lui communiquer les informations obtenues, en particulier celles qui ont un caractère incriminant ».

95.La loi no1408 de 2010 (qui rend hommage aux victimes de l’infraction de disparition forcée et prévoit des mesures aux fins de leur localisation et de leur identification) et le décret d’application no303 de 2015 s’appliquent aux données génétiques et aux échantillons biologiques recueillis par l’Unité de recherche à des fins d’identification et enregistrés dans la banque des profils génétiques, administrée par l’Institut de médecine légale, sous la direction du Bureau du Procureur général de la nation et en coordination avec lui. Ces textes législatifs prévoient que : i) « à chaque stade de la procédure, le traitement des échantillons biologiques et des informations obtenues à partir de ces échantillons doit se dérouler dans le respect du droit d’habeas data des personnes qui les fournissent et des dispositions des normes et protocoles internationaux relatifs au consentement éclairé, à la confidentialité, au stockage, à la protection et à l’usage exclusif des données à des fins d’identification, à la sécurité et à la destruction des échantillons une fois les informations obtenues » ; ii)« s’agissant de l’administration de la banque des profils génétiques, le Bureau du Procureur général de la nation s’acquitte des fonctions suivantes : [...] 2. protéger le matériel génétique et les autres informations provenant des corps ou des restes des victimes, ainsi que des membres de leur famille, conformément aux normes internationales et selon les principes éthiques et juridiques relatifs à la confidentialité, au contrôle de la qualité des analyses, à la préservation des éléments de preuve et à l’usage exclusif des données génétiques à des fins d’identification » ; iii)« lesinformations enregistrées, traitées et centralisées dans la banque servent à la recherche et à l’identification des personnes disparues. Toute utilisation à d’autres fins, telles que la recherche scientifique ou les analyses médicales, est interdite à moins que le donneur de l’échantillon n’accepte de participer à ce type d’études ». Il convient de noter qu’en application du décret-loi no589 de 2017, « le Gouvernement national est chargé de renforcer les infrastructures matérielles, humaines et technologiques dont dispose l’Institut de médecine légale ainsi que sa couverture territoriale, en tenant compte de sa fonction d’appui scientifiqueà l’Unité de recherche ».

96.Grâce aux campagnes de sensibilisation qu’il a mis en place dans ses différents bureaux, sur les thèmes Aquí damos información sobre desaparecidos (Ici nous fournissons des informations sur des personnes disparues) et Aquí se puede realizar registro en SIRDEC de su familiar desaparecido (Ici vous pouvez enregistrer votre proche disparu dans le SIRDEC), l’Institut de médecine légal met en avant la nécessité d’engager immédiatement la procédure de recherche des personnes disparues, contrairement à la pratique en vigueur qui consiste à laisser s’écouler un délai de plusieurs heures avant d’entamer les recherches.

97.Les journées de commémoration auxquelles participent les familles et les lignes directrices comme celles établies dans le département de Santander sont autant de moyens de promouvoir la politique d’engagement immédiat des recherches. Les entités qui saisissent des données dans le Registre national des personnes disparues appliquent des directives internes aux fins de l’application de la loi no971 de 2005, prévoyant des voies interinstitutionnelles qui offrent aux familles davantage de possibilités de signaler la disparition d’un proche et permettent au public en général d’obtenir des conseils pour bénéficier de ces mesures, en tenant compte de la responsabilité qui incombe à chacune de ces entités dans la procédure de recherche des personnes disparues.

98.Entre autres efforts entrepris pour retrouver les restes de personnes disparues, depuis 2015, des fouilles sont effectuées dans le cadre d’un projet d’inspection des cimetières, afin de retrouver les corps non identifiés et les corps identifiés mais non réclamés enterrés dans différentes régions de Colombie, en donnant la priorité aux régions où beaucoup de corps non identifiés se trouvent dans un même cimetière, aux zones de conflit armé référencées dans l’atlas du conflit armé de l’observatoire présidentiel des droits de l’homme, et aux régions qui comptent un grand nombre de personnes portées disparues, selon le Registre national des personnes disparues.

99.À ce jour, sept cimetières ont été inspectés dans les municipalités de Bocas de Satinga, Cimitarra, La Plata, Florencia, Puente Nacional, Yarumal et Bojayá, et 577corps ont été exhumés, parmi lesquels 499 ont fait l’objet d’un examen et 84 ont été identifiés avec certitude, à l’aide de techniques scientifiques de pointe et en application des Normes médico-légales minimales relatives à la recherche de personnes disparues, à la récupération et à l’identification des dépouilles. Le groupe des exhumations de l’Unité de la justice et de la paix du ministère public (désormais la Direction de la justice de transition) a lui aussi procédé à des inspections dans les cimetières de La Macarena et des villages alentours, de Vista Hermosa, de Granada et de San José del Guaviare, et a été appuyé dans ses analyses par les laboratoires de l’Institut.

100.En outre, des journées interinstitutionnelles à l’intention des familles de personnes portées disparues sont organisées dans le but de mettre à jour et de compléter les renseignements recueillis à des fins d’identification lors des entretiens judiciaires et enregistrés dans le Registre national des personnes disparues et dans le SIRDEC, de prélever des échantillons biologiques pour alimenter la banque des profils génétiques et procéder aux recoupements pertinents, d’obtenir des informations utiles pour l’enquête et pour la localisation des corps, de fournir des conseils et de prendre des dépositions, si nécessaire. Le Bureau du Procureur général de la nation, le Bureau du Défenseur du peuple, l’Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale, les associations de familles de victimes et l’Institut de médecine légale ont contribué à l’organisation de ces journées.

101.Conformément à la loi no1408 de 2010, les administrations locales (laboratoires de l’Équipe technique d’enquête et Direction des enquêtes criminelles et d’Interpol) et l’administration nationale (Institut de médecine légale) de la banque des profils génétiques ont mené à bien les activités présentées dans les paragraphes suivants.

102.Depuis 2016, les administrations locales (laboratoires de l’Équipe technique d’enquête et Direction des enquêtes criminelles et d’Interpol) et l’administration nationale (Institut de médecine légale) de la banque des profils génétiques élaborent des rapports de gestion afin de contribuer à l’identification des restes de personnes non identifiées. Les rapports relatifs à la gestion de la banque des profils génétiques (après examen par les institutions qui fournissent des profils) sont soumis à la Commission de recherche qui organise et convoque à la fin de chaque année une assemblée, à laquelle prennent part à la fois les associations représentant les familles des victimes du conflit armé et de disparition forcée et les institutions gouvernementales actives dans ce domaine.

103.Les rapports de gestion contiennent des recommandations quant à l’importance: i)de disposer des ressources adéquates, comme le matériel, les données et le capital humain,pour établir, à partir des échantillons prélevés, des profils qui puissent être classifiés et enregistrés avec 23marqueurs génétiques dans la banque, en vue d’améliorer la précision des recherches effectuées; ii)d’avoir les échantillons de plus d’un parent représentatif (père ou mère biologique, enfants biologiques, plus d’un frère ou d’une sœur biologique, grands-parents) afin d’exploiter au mieux les outils de recherche en regroupant les profils génétiques sous forme d’arbres généalogiques, et d’améliorer ainsi la précision des recherches effectuées ; iii)d’actualiser le réseau de communication (routeur) qui permet l’échange d’informations entre les trois institutions fournissant des profils génétiques; iv)d’avoir des licences d’accès à distance qui permettent à plus de deux utilisateurs de se connecter simultanément au serveur national ; v)de mettre en place des serveurs locaux permettant aux différents laboratoires de ces trois institutions de disposer d’une banque de données locale, et ainsi d’accélérer leurs travaux.

104.En juin et juillet 2018, avec l’appui de la sous-direction des services de criminalistique de l’Institut de médecine légale et du groupe d’anthropologie de la Direction régionale de Bogotá, l’administration nationale de la banque des profils génétiques a organisé une journée d’information sur les activités de la banque, à l’intention des procureurs du GRUBE et de tous les fonctionnaires de l’Institut de médecine légale. Les thèmes suivants ont été abordés: i)histoire et structure de la banque des profils génétiques ; ii)explication technique concernant l’importance de disposer d’échantillons provenant de plus d’un parent lié au premier degré avec la personne disparue enregistrée dans la banque; iii)méthode de recherche du système informatique CODIS ; iv)portée et limites de l’utilisation de la banque des profils génétiques à des fins d’identification, et interprétation et analyse des correspondances ; v)travaux interdisciplinaires et interinstitutionnels de recherche de correspondances effectués par la banque des profils génétiques, les laboratoires de génétique médico-légale et les groupes d’anthropologie et de pathologie médico-légales ; iv)atelier pratique consacré à l’analyse des correspondances.

105.Vingt-deux membres du GRUBE, dont des procureurs et des enquêteurs des départements de Cundinamarca et de Meta, ont pris part à la journée d’information susmentionnée. À la suite de cette première activité, la coordonnatrice du GRUBE a décidé de continuer à organiser des journées d’information à l’intention des procureurs du GRUBE de tout le pays et des autres groupes et institutions qui interviennent dans la procédure d’identification. Celles-ci sont en cours d’organisation.

106.Le Comité interinstitutions de génétique créé en application des dispositions de la loi no1408 de 2010 et du décret d’application no303 du 20février 2015 a mené les activités suivantes: i)élaboration et présentation du rapport de gestion de la banque des profils génétiques, une fois par an au cours des trois dernières années (2016, 2017 et 2018) à la demande la Commission de recherche; ii)élaboration du manuel d’utilisation de la banque des profils génétiques et présentation de celui-ci au Comité interinstitutions de criminalistique ; iii)élaboration, à la demande du GRUBE, d’une proposition tendant à actualiser le formulaire de consentement éclairé pour le prélèvement d’échantillons auprès des membres de la famille des personnes disparues, soumise à l’examen et à l’approbation des différentes institutions utilisant ce formulaire.

107.Des statistiques ont été présentées sur la gestion de la banque des profils génétiques,notamment sur les travaux des laboratoires de génétique des trois institutions qui administrent la banque et fournissent des profils génétiques, ainsi que sur les résultats des travaux interdisciplinaires menés en collaboration avec les groupes d’anthropologie et d’identification qui apportent les données non génétiques et contribuent, de cette façon, à l’établissement de correspondances entre les profils génétiques enregistrés dans la banque. Le tableau12 montre qu’au 31décembre 2018, la banque des profils génétiques contenait un total de 47406profils, et indique le nombre de profils enregistrés par type et par institution. Le tableau 13présente quant à lui le nombre de correspondances confirmées entre 2011 et le 31décembre 2018.

108.Il ressort des registres qu’au 31décembre 2018, la banque des profils génétiques avait contribué à l’identification de 264corps non identifiés. Il se peut toutefois que ce chiffre soit sous-évalué, car il est dans bien des cas difficile de donner suite aux correspondances signalées par la banque.

109.Les programmes spéciaux mis en place par l’Institut de médecine légale et le CICR, afin d’obtenir des informations pour la recherche, la localisation, l’identification et la restitution dans la dignité des restes des personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé, sont l’une des mesures immédiates prises pour instaurer la confiance.

110.Le conseil d’administration du Centre unique virtuel d’identification tient chaque mois des réunions auxquelles participent l’Équipe technique d’enquête, l’Institut de médecine légale et la Direction des enquêtes criminelles et d’Interpol. Ces réunions ont pour but, notamment, de trouver et d’identifier les personnes disparues et de les restituer à leur famille, ce qui permet d’offrir une forme de réparation aux victimes et d’établir la vérité ; de replacer les faits dans leur contexte afin de déceler les comportements criminels récurrents ; et de recueillir, d’analyser et de stocker les données visant à identifier des restes humains qui ont été obtenues lors d’exhumations, dans le cadre de la loi no975 de 2005 et des accords conclus en la matière.

111.L’Institut de médecine légale fait partie du Comité national de criminalistique et du Comité interinstitutions de génétique médico-légale, ce qui permet la coordination et la coopération entre les diverses entités concernées aux fins de l’échange de données, comme le montre le rapport de gestion de la banque des profils génétiques.

112.L’Institut de médecine légale a tenu des réunions bilatérales avec l’Unité de recherche et mis en place des groupes de travail afin de définir les mécanismes de coordination entre ces deux entités. À l’issue de ces réunions, les fonctionnaires de l’Unité de recherche se sont vu attribuer des comptes d’utilisateurs et des mots de passe leur donnant accès au Registre national des personnes disparues.

113.Des formations ont été dispensées sur l’utilisation des systèmes d’informationintégrés dans le Registre national des personnes disparues, en particulier dans le SIRDEC. Un projet pilote d’inspection a été mis en place dans deux régions du pays, la priorité étant donnée aux départements de Nariño et de Norte de Santander, afin d’évaluer les informations disponibles sur les corps non identifiés examinés par l’Institut de médecine légale entre 1960 et la signature de l’Accord final.

114.L’Institut de médecine légale offre des formations continues non seulement à ses fonctionnaires, mais aussi aux différentes institutions qui participent au processus, aux victimes et aux organisations sociales qui travaillent avec les victimes du conflit armé. Avec l’appui du CICR, il a également dispensé une formation aux agents de la fonction publique à l’occasion du séminaire national sur la recherche et l’identification des personnes disparues et le soutien aux familles, et une formation aux FARC dans le cadre de la collecte de données sur les personnes disparues, en application du communiqué conjoint no62 (2015) et à la demande de la Commission nationale de la FARC. La première formation s’est tenue en décembre 2018 et la seconde au cours du premier semestre de 2019.

115.Compte tenu de la nécessité d’apporter des réponses satisfaisantes à un nombre important de parents de victimes, en sa qualité d’organe directeur du système national de médecine légale et de science médico-légale, l’Institut de médecine légale, chef de file en la matière, a proposé d’élaborer des normes médico-légales minimales applicables à la recherche de personnes disparues et à la récupération et à l’identification des dépouilles, afin de garantir l’application de bonnes pratiques médico-légales, fondées sur des critères d’assurance de la qualité technique et scientifique, le consensus interdisciplinaire et interinstitutionnel, et l’adoption de stratégies nationales et internationales, adaptées aux besoins du pays.

116.Les entités qui participent à la recherche des personnes disparues, à la localisation, à l’identification et à la restitution des dépouilles, les organisations de victimes, les universités et les organisations non gouvernementales, entre autres, ont contribué à l’élaboration des Normes médico-légales minimales relatives à la recherche de personnes disparues, à la restitution et à l’identification des corps.

117.En outre, dans le cadre des mesures immédiates prises pour instaurer la confiance, en collaboration avec le CICR et en coordination avec les familles des victimes, l’Institut de médecine légale veille à ce que les démarches de restitution soient effectuées en application du Protocole pour la restitution digne et dans le respect le plus complet des coutumes et des demandes des proches.

118.L’Institut de médecine légale participe à la restitution des corps retrouvés et identifiés, et veille à ce que cette procédure, qui fait intervenir des équipes interdisciplinaires et interinstitutionnelles composées, entre autres, d’enquêteurs, de procureurs, de médecins légistes, d’anthropologues et d’odontologistes médico-légaux, et de psychologues, et qui vise à répondre aux préoccupations des familles et à fournir des explications techniques et scientifiquesadaptées à chaque cas selon les indications données par les intéressés, se déroule dans le respect du Protocole pour la restitution digne. Il fournit en outre des conseils juridiques et un accompagnement psychosocial. On peut citer, par exemple, l’approche médico-légale adoptée lors de l’inspection du cimetière de Bojayá (département de Chocó), dans le cadre de laquelle un groupe de travail a été mis en place afin d’entendre les demandes des victimes et d’élaborer une méthode de travail commune qui respecte leurs traditions et leurs coutumes.

119.Le Ministère de la défense nationale continue quant à lui de veiller à l’application au sein des forces armées et de la Police nationale de la directive ministérielle permanente no 06 de 2006, qui a pour fin de faire adopter des mesures de prévention de la disparition forcée de personnes et d’appuyer les enquêtes sur cette infraction et la recherche des personnes disparues à l’aide du mécanisme de recherche d’urgence, conformément aux instruments juridiques mentionnés dans les renvois.

120.À cette fin, le Ministère de la défense nationale a contribué activement aux travaux de la Commission de recherche, en prenant des mesures pour prévenir l’infraction de disparition forcée et pour appuyer les enquêtes sur cette infraction. De par sa nature participative, la Commission de recherche offre un espace propice au dialogue et à l’élaboration de politiques, où les institutions de l’État et les organisations sociales qui en sont membres peuvent soumettre, dans des conditions d’égalité, des propositions concernant les meilleures pratiques à adopter afin de faciliter les enquêtes judiciaires ou disciplinaires en cours, de concevoir des plans de recherche aux niveaux national et régional, de les évaluer et d’appuyer leur exécution, de former des groupes de travail pour assurer le suivi de certains cas particuliers et de collaborer conformément aux dispositions de l’article 8 de la loi no589 de 2000.

121.Le Ministère de la défense nationale a également tenu avec l’Unité de recherche diverses réunions visant à coordonner les activités entreprises pour retrouver des personnes disparues, qu’il s’agisse de membres de la force publique ou d’autres personnes toujours portées disparues.

122.En outre, une évolution positive qui mérite d’être relevée dans ce contexte est la confiance générée par la création de mécanismes internes comme le mécanisme de recherche d’urgence, qui mobilise différentes institutions étatiques, notamment la Police nationale, et le Registre national des personnes disparues administré par l’Institut de médecine légale, avec l’appui de la Commission de recherche et sous sa supervision.

123.Quant à la Police nationale, elle mène des activités de prévention destinées au personnel des forces de police, tant au niveau central qu’au sein des groupes d’action unifiée pour la défense de la liberté personnelle (GAULA), afin d’éviter que des actes relevant de la détention arbitraire, de la privation illégale de liberté et de la disparition forcée ne soient commis. À cette fin, elle a dispensé des cours de formation et de sensibilisation aux agents de police pour prévenir les violations des droits de l’homme et les atteintes au droit international humanitaire.

124.Entre 2016 et 2019, les groupes GAULA ont été chargés de 224enquêtes concernant l’infraction de disparition forcée, dans le cadre desquelles 68personnes ont été retrouvées en vie et 9 sans vie, et 147 font toujours l’objet de recherches. Au cours de cette période, une action interinstitutionnelle a été menée pour obtenir justice et établir la vérité sur cette grave violation des droits de l’homme.

125.En outre, la Police nationale procède en permanence au suivi des comportements contraires aux droits de l’homme dans le cadre de ses activités quotidiennes.C’est pourquoi,dans la dernière communication officielle publiée le 9mai 2019 par les services du Procureur général de la nation sous le no11100111000001,elle indique qu’aucun registre ne fait état de plaintes, de requêtes ou de demandes déposées, ou de procédures disciplinaires ouvertes d’office pour des violations présumées des droits de l’homme et du droit international humanitaire, en ce qui concerne des détentions arbitraires ou des disparitions forcées qui relèvent de la Direction chargée de la lutte contre l’enlèvement et l’extorsion de la Police nationale.

126.Par ailleurs, les militaires reçoivent une double formation aux droits de l’homme : une première formation dispensée dans les écoles d’officiers, de sous-officiers et de soldats, complétée par une formation spécialisée dispensée dans le cadre de leur mission constitutionnelle par l’Institut national pénitentiaire et carcéral (INPEC).

127.Pour ce qui est de l’accompagnement psychosocial des victimes de disparition forcée et d’homicide, l’Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale a chargé une équipe de travailleurs sociaux et de psychologues de fournir un accompagnement psychosocial aux proches des victimes de disparition forcée et d’homicide dans le contexte du conflit armé interne, à tous les stades de la procédure de recherche, à savoir le signalement ou la notification de la disparition, la collecte d’échantillons biologiques aux fins de l’identification génétique, les fouilles, la récupération ou l’exhumation, l’information sur le processus d’identification mené par l’Institut de médecine légale et le Bureau du Procureur général de la nation, la concertation à propos de la restitution digne ou des autres dispositions finales, et la restitution dans la dignité des corps ou des restes sur le territoire colombien.

128.En outre, des mesures de réparation telles que la reconnaissance des victimes et la restauration de leur dignité sont prises afin d’atténuer les conséquences émotionnelles que ces situations peuvent avoir sur les proches des victimes de disparition forcée. Avant chaque étape de la procédure, il est nécessaire de préparer émotionnellement tous les membres de la famille et de s’assurer de leur bonne disposition physique,en favorisant l’autonomie, la connaissance de l’historique des recherches et de l’incidence de la disparition forcée sur la dynamique familiale,et lesmesures de préservation de la mémoire qui permettent de rendre hommage aux victimes. À l’issue de la procédure, les personnes prises en charge par l’Unité font l’objet d’un suivi ou sont orientées vers le Programme d’assistance psychosociale et de soins de santé complets pour les victimes (PAPSIVI) du Ministère de la santé.

129.Toutes les démarches sont prévues et engagées en fonction des besoins des familles bénéficiaires et en tenant compte, s’il y a lieu, des orientations liées à la dimension ethnique, en concertation avec elles et dans le respect de leurs us et coutumes, la plupart des démarches étant effectuées sur les territoires des communautés.

130.La participation des victimes au processus est garantie par l’Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale, qui les aide à assumer les frais de voyage, de logement et de nourriture comme prévu par la loi, et qui tient compte des besoins particuliers de chaque membre de la famille.

131.En outre, l’équipe d’accompagnement psychosocial s’attache à renforcer la participation des victimes et des organisations de victimes de disparition forcée au niveau national, en mettant en place des espaces de formation et en organisant des journées de prise en charge interinstitutionnelle.

132.L’accompagnement psychosocial qu’offre l’Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale peut être mis en place soit à la demande directe du Bureau du Procureur général de la nation ou d’une organisation de victimes, soit à la demande d’un membre de la famille de la victime. Dans tous les cas, l’équipe d’accompagnement psychosocial est en contact permanent avec les institutions chargées de la recherche et de la restitution des dépouilles ainsi qu’avec les organisations de victimes et les organisations spécialisées.

133.La participation des membres de la famille au processus de recherche et de restitution des dépouilles nécessite des mesures d’accompagnement psychosocial non préjudiciables, avant, pendant et après la procédure. Il est fondamental d’avoir connaissance à tout moment des demandes, des besoins et des attentes des familles concernant le procédure afin qu’ils puissent être pris en compte dans le cadre des activités de planification que mènent, en collaboration avec les familles, le bureau du procureur compétent et l’équipe technique médico-légale en charge de la procédure. De janvier 2014 au 31décembre 2018, 1892procédures ont donné lieu à un tel soutien,comme indiqué dans le tableau14.

134.Les psychologues et les travailleurs sociaux qui interviennent dans la procédure ont recours à un guide pratique qui présente les éléments procéduraux et psychosociaux essentiels pour garantir la participation des familles dans le plein respect de leur autonomie et de leur dignité, ainsi que la réalisation de leurs droits à la vérité, à la justice et à la réparation. L’application de ce guide exige la compréhension de la notion d’approche différenciée, en ce qu’elle permet de prendre en compte les caractéristiques liées à la culture, à l’âge et au sexe, desquelles découlent des besoins différents ou des manières différentes de gérer les effets des violences qu’il faut comprendre. Il est particulièrement important de connaître les coutumes et les traditions relatives au traitement des corps et les rites associés aux croyances qui entourent la mort.

135.Les mesures d’accompagnement psychosocial favorisent la prise de décisions éclairées aux niveaux individuel, familial et communautaire concernant les activités liées à la procédure qui touchent directement les proches. Les autorités judiciaires, les équipes médico-légales, les psychologues et les travailleurs sociaux doivent collaborer afin de mettre à disposition des familles des informations dans leur langue qui, grâce à l’accompagnement psychosocial, leur permettent de mieux comprendre les procédés techniques et les potentiels résultats de la procédure, ce qui est essentiel à la participation.

136.Pendant la période 2014-2019, les demandes d’accompagnement formulées dans le cadre de 325procédures de recherche concernant des victimes de disparition forcée ont reçu une réponse et environ 800proches ont pu participer aux procédures et ont bénéficié d’un accompagnement psychosocial,à commencer par les victimes du massacre de Bojayá, en 2017, comme indiqué dans le tableau15.

137.De même, les demandes d’accompagnement psychosocial formulées au titre de procédures judiciaires de restitution dans la dignité du corps de 1837victimes de disparition forcée et d’homicide à leur famille ont été satisfaites, comme indiqué dans le tableau16, et environ 7 441 proches ont été pris en charge.

138.L’Unité de recherche est chargée par la loi de garantir la participation des familles des personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé aux processus de recherche, de localisation, de récupération, d’identification et de restitution des restes dans la dignité. La participation des membres de la famille à l’ensemble du processus de recherche de leur proche disparu est un élément central du mandat à vocation humanitaire de l’Unité de recherche et elle est mentionnée expressément dans la loi régissant cette institution. À cet égard, la Cour constitutionnelle a souligné que l’exécution du mandat relatif à la participation des victimes et de leurs associations incombe à l’ensemble du système intégré pour la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition, dont fait partie l’Unité de recherche.

139.La Cour constitutionnelle a décrit cette participation comme un droit des victimes et une occasion pour celles-ci de contribuer aux travaux de l’Unité de recherche. Si les proches ne sont pas tenus de participer, l’Unité de recherche a quant à elle l’obligation légale de garantir leur participation et de fournir le soutien nécessaire pour la concrétiser et la rendre effective. Comme l’a souligné la Cour constitutionnelle, cette obligation a une portée« vaste et générale et vise à assurer la participation accrue des victimes. À cette fin, le type d’activités mises en œuvre ainsi que les risques ou autres éléments associés à leur participation doivent être pris en compte ».

140.La participation des proches à l’ensemble de la procédure de recherche des personnes portées disparues est un moyen d’alléger leurs souffrances, et permet une nouvelle approche de la recherche, selon un point de vue extrajudiciaire et humanitaire. Ainsi, la Cour constitutionnelle a indiqué que « par l’intermédiaire de l’Unité de recherche, l’État s’acquitte de l’obligation qui lui incombe de fournir un accompagnement aux victimes du conflit armé et un outil efficace et prompt aux fins de la recherche de leurs proches et des autres personnes présumées disparues dans le contexte du conflit armé ».

141.Le décret-loi no589 de 2017 dispose que la participation des familles est recommandéedans: i)l’ensemble de la procédure de recherche (à savoir la recherche, la localisation, la récupération, l’identification et la réunion ou la restitution dans la dignité); ii)la conception, l’élaboration et la mise en œuvre du plan national et des plans régionaux de recherche ; iii)l’établissement des « líneas para la determinación del paradero de las niñas y mujeres dadas por desaparecidas »(lignes directrices visant à élucider le sort des filles et des femmes portées disparues). À propos de la procédure de recherche, la Cour constitutionnelle a précisé que la participation des familles doit être effective et s’étend de la possibilité d’apporter des contributions en vue de l’élaboration des méthodes de travail à celle d’aider les organes d’identification et de restitution des corps dans la dignité à s’acquitter de leur mandat.

142.Dans ce contexte, le décret-loi no589 de 2017 habilite la Directrice générale de l’Unité de recherche à établir des protocoles aux fins de la participation des victimes aux activités de l’Unité de recherche et à entretenir un dialogue permanent avec les victimes et leurs associations. S’agissant des protocoles relatifs à la participation des victimes aux activités de l’Unité de recherche, la Cour constitutionnelle souligne que cette compétence dépend précisément du degré d’autonomie et d’indépendance de cet organe et qu’il s’agit d’une obligation vaste et générale qui vise à assurer la participation accrue des victimes.

143.L’Unité de recherche s’est dotée d’une direction technique chargée d’assurer la participation des victimes, le contact avec celles-ci et l’adoption d’approches différenciées. La Direction technique a pour mandat d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies et des mesures visant à favoriser la participation des familles des victimes et à entrer en contact, entretenir le dialogue et collaborer avec elles afin de garantir la prise de décisions informées et la participation aux recherches. En outre, les équipes régionales de l’Unité de recherche (qui sont au nombre de 10 à ce jour) comptent parmi leurs membres deux fonctionnaires chargés d’apporter un soutien et des conseils aux familles dans le cadre de la procédure de recherche de leurs proches disparus.

144.L’Unité de recherche dispose également d’un Conseil consultatif, composé, entre autres, de deux représentants des organisations de victimes de disparition forcée, de deux représentants des organisations de victimes d’enlèvement et d’un représentant des organisations civiles spécialisées dans les sciences médico-légales. Ces représentants sont nommés par leur organisation.

145.Conformément à la loi, et du fait du caractère participatif de la procédure de recherche, l’Unité de recherche informe régulièrement les proches du déroulement de l’enquête et, à la fin de la procédure, lorsque la personne portée disparue a été retrouvée et identifiée, elle établit un rapport officiel détaillé contenant tous les renseignements dont elle dispose sur le sort de la personne portée disparue. Si l’Unité de recherche est bien un mécanisme à vocation extrajudiciaire et humanitaire, il convient de noter que, d’après la Cour constitutionnelle, les informations que l’Unité de recherche communique aux proches, pendant ou après l’exécution d’un plan de recherche, leur permettent d’exercer leur droit de savoir ou de connaître la vérité sur les circonstances de la disparition et, le cas échéant, de prendre des mesures pour faire respecter leur droit à la justice et à la réparation.

146.Conformément à la loi, l’Unité de recherche est habilitée à mener de façon autonome et indépendante des activités de recherche extrajudiciaires et humanitaires (ycompris en matière d’exhumation) et chargée de coordonner les opérations de recherche, de localisation, de récupération et d’identification menées en collaboration avec d’autres entités, et de faciliter lesactivités humanitaires de recherche. Ainsi, entre autres activités, l’Unité de recherche: i)a coordonné, au titre de son mandat indépendant, autonome, extrajudiciaire et humanitaire, les activités de collecte d’informations menées avec la Juridiction spéciale pour la paix aux fins de la recherche de personnes portées disparues, en particulier dans le cadre des affaires no001 (détention illégale de personnes par les FARC‑EP), no 002 (gravité de la situation en matière de droits de l’homme de la population des municipalités de Tumaco, Ricaurte et Barbacoas dans le département de Nariño), no006 (victimisation des membres de l’Union patriotique) et no 007 (recrutement et utilisation d’enfants dans le cadre du conflit armé colombien) de cette juridiction; ii)a participé aux travaux du groupe technique créé par la section de première instance de la Juridiction spéciale pour la paix chargée des cas de non-reconnaissance de la vérité et de la responsabilité pour les faits et les actes commis, dans le cadre des mesures conservatoires visant à protéger 34sites, qui abriteraient les corps de potentielles victimes de disparition forcée, dans les départements d’Antioquia, de Caldas, de Cesar, de Santander et de Sucre, comme suite à la décision no 01 du 14septembre 2018 de la Juridiction spéciale pour la paix, dans laquelle celle-ci a demandé à l’Unité de recherche de lui apporter son soutien et son expertise technique, dans un esprit de collaboration harmonieuse, ainsi que dans le respect de son autonomie et de la nature extrajudiciaire et humanitaire de son mandat; iii)a signé un accord avec le Bureau du Procureur général de la nation sur l’accès à l’information et l’échange de données et mis en place avec celui-ci un groupe de travail technique chargé des cas de disparition forcée en vue d’agir le plus efficacement possible, d’éviter le chevauchement des activités et d’apporter des solutions efficaces en matière de recherche ; iv)a collaboré avec l’Institut de médecine légale dans le cadre des activités d’identification des personnes portées disparues. En outre, depuis le 15juillet 2018, l’Unité de recherche a lancé avec l’Institut de médecine légale un projet pilote visant à identifier 2100cadavres non identifiés exhumés dans les départements de Nariño et de Norte de Santander. À partir de 2020, le projet sera étendu à d’autres régions du pays et aura pour objectif d’identifier 25000cadavres exhumés et non identifiés.

147.Conformément à son mandat légal, l’Unité de recherche doit adopter, à toutes les étapes de la procédure de recherche (qui comprend la localisation, la récupération, l’identification et la réunion ou la restitution),une approche territoriale différenciée et tenant compte des différences entre les sexes, de manière à respecter les particularités propres à chaque communauté et à chaque région, et à privilégier la protection et la prise en charge des femmes et des enfants victimes du conflit armé. Elle est également tenue de garantir, dans la mesure du possible, la restitution aux familles des restes des personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé, et de le faire dans la dignité et dans le respect des différentes traditions ethniques etculturelles et des normes internationales et nationales en vigueur. À cette fin, la Direction technique chargée d’assurer la participation des victimes, le contact avec celles-ci et l’adoption d’approches différenciées et la Direction technique chargée de la recherche, de la récupération et de l’identification de l’Unité de recherche élaborent actuellement des protocoles pour la restitution dans la dignité.

148.Dans le cadre du processus de consultation préalable, l’Unité de recherche a adopté un protocole concernant les relations et la coordination avec les peuples autochtones de Colombie, dans lequel elle s’engage à garantir la participation des familles, communautés, peuples et organisations autochtones aux processus d’enquête, d’analyse, de planification, de recherche, de localisation des personnes portées disparues et de réunion avec les personnes retrouvées vivantes ; la recherche, la récupération et l’identification des personnes retrouvées mortes, ainsi que la restitution de leur corps à leur famille et à leur communauté dans le respect de leur culture et dans la dignité, ou la restitution symbolique des territoires ancestraux concernés, conformément aux dispositions de ce protocole. Le protocole définit en outre la procédure à suivre pour mettre en œuvre cette obligation. L’Unité de recherche tient actuellement des consultations avec les communautés d’ascendance africaine et la population rom, en vue de l’établissement de règles de procédure.

Protection des personnes qui dénoncent des disparitions forcées ou qui participent à l’enquête

149.En application des articles12 et 18 de la Convention qui imposent aux États de prendre des mesures pour assurer le signalement adéquat des disparitions forcées et la protection des personnes qui participent aux procédures y relatives, l’Unité nationale de protection a mis en place un programme à l’intention des défenseurs des droits de l’homme qui tient compte des différentes populations cibles.

150.Il importe de souligner que toutes les personnes faisant l’objet d’une protection ne sont pas des plaignants, des témoins, des défenseurs ou des victimes de disparitions forcées, mais qu’elles bénéficient toutes de mesures visant à prévenir la violation de leur droit à la liberté individuelle. Dans ce contexte, le tableau17 dresse la liste des différents groupes de population faisant l’objet d’une protection, y compris les personnes susmentionnées, et des différentes mesures de protection en place.

151.Dans le cadre du mandat qui lui est confié en sa qualité de titulaire de l’action publique, le Bureau du Procureur général de la nation est chargé de mener des enquêtes sur les comportements susceptibles de constituer une infraction à l’égard des personnes qui dénoncent des disparitions forcées ou participent à la procédure d’enquête.

V.Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

(Recommandations figurant aux paragraphes 30 et 32 du document CED/C/COL/CO/1)

Communication des personnes privées de liberté

152.En ce qui concerne la détention de courte durée ou son équivalent dans l’ordonnancement juridique, il convient de préciser que les Unités de réaction immédiate sont des centres de prestation de services aux citoyens, relevant du Bureau du Procureur général de la nation, dont l’objectif est de fournir des services en continu et de faciliter l’accès à la justice par l’intermédiaire d’un procureur général et de son équipe. Ces unités n’ont donc pas été créées par la loi dans l’objectif de détenir des personnes qui doivent être privées de liberté en application d’une mesure de sûreté ou pour purger une peine après avoir été placées en détention. On trouvera davantage d’informations sur les missions de la police judiciaire dans le Manuel de police judiciaire, qui décrit notamment les cadres normatif et fonctionnel de la procédure de signalement pénal (voir https://www.fiscalia.gov.co/colombia/wp-content/uploads/Manual-de-Policia-Judicial-Actualizado.pdf).

153.Délai de trente-six heures : article 12. L’article 21 de la loi no 65 de 1993 est modifié comme suit : « Article 21. Centres de détention provisoire et quartiers de détention provisoire . L’article 21 de la loi no 1709 de 2014, portant ajout d’un article 28A à la loi no 65 de 1993, prévoit la possibilité de placer une personne en détention dans une Unité de réaction immédiate ou dans une unité similaire pendant une courte durée, qui ne doit pas dépasser trente-six heures, période à l’issue de laquelle la situation de l’intéressé doit être examinée par l’autorité judiciaire compétente. ».

154.Le délai prescrit est fondé sur l’article 28 de la Constitution et correspond au délai maximal autorisé pour signaler une arrestation à l’autorité compétente, c’est-à-dire à la période durant laquelle les personnes détenues provisoirement ou arrêtées doivent être déférées devant le juge de contrôle ou le juge saisi de l’affaire et placées sous la surveillance de l’INPEC et dans un établissement pénitentiaire ou un centre de détention.

155.La loi no 1095 de 2006, portant règlement d’application de l’article 30 de la Constitution, définit l’habeas corpus comme droit fondamental et établit des règles en vue de son application.

156.En outre, le Ministère de la justice et du droit a publié une brochure présentant de manière illustrée et simplifiée les modalités de la détention provisoire, disponible à l’adresse suivante : https://www.minjusticia.gov.co/Portals/0/4detencionpreventiva.pdf.

157.Dans sa décision no 006349 du 19 décembre 2016, portant création du Règlement général des lieux de détention nationaux administrés par l’INPEC, l’Institut a établi, au chapitre premier, des dispositions relatives aux communications extérieures autorisées pour les personnes privées de liberté.

158.Afin de garantir le droit de toute personne privée de liberté de communiquer avec sa famille, son avocat ou toute autre personne, l’INPEC a souscrit des contrats auprès d’opérateurs de téléphonie chargés de fournir des services téléphoniques dans les lieux de détention. À ce jour, 3 335 téléphones ont ainsi été installés, à l’échelle nationale, dans l’ensemble des lieux de détention administrés par l’INPEC pour assurer les communications extérieures des personnes privées de liberté, ce qui représente un téléphone pour 50 personnes.

159.De la même manière, l’INPEC a mis en place une procédure relative à l’envoi et à la réception de courrier des personnes privées de liberté (PA-DO-P04, version 4), portant principalement sur la mise en place et le contrôle des activités de réception, de classement, d’enregistrement, de distribution et de remise du courrier reçu ou envoyé par les personnes privées de liberté, en interne et en externe, ces services étant assurés par les services postaux nationaux.

160.En ce qui concerne l’accès à la défense, le droit des personnes privées de liberté de s’entretenir avec un avocat est garanti par l’autorisation accordée aux avocats d’accéder aux lieux de détention administrés par l’INPEC sur présentation d’une pièce d’identité et d’une carte professionnelle. En 2008, un module a été intégré au système d’information SISIPEC (Systématisation intégrale du système pénitentiaire) afin d’y consigner les données relatives aux visites des avocats.

161.Une fois que le juriste est enregistré dans le système, l’agent pénitentiaire en charge des admissions peut vérifier si celui-ci possède bien un titre d’avocat auprès du registre du Conseil supérieur de la magistrature. L’avocat se rend alors dans le département juridique de l’établissement, où l’on vérifie s’il a bien été désigné comme avocat de confiance ou avocat commis d’office par la personne privée de liberté. Par la suite, le système génère un fichier d’admission dans lequel figure le nom de la personne privée de liberté autorisée à recevoir de la visite et, enfin, après relevé de ses empreintes digitales, l’avocat peut entrer dans l’établissement pour s’entretenir dans le parloir avec la personne privée de liberté.

162.Selon les données du SISIPEC, depuis la mise en place de ce module, 59 007 avocats ont été enregistrés. Les modalités d’admission du personnel du Bureau du Défenseur du peuple sont les mêmes.

Registre des personnes privées de liberté

163.Depuis 2007, l’INPEC utilise l’application SISIPEC WEB pour consigner des données sur les personnes privées de liberté. Il s’agit d’un système informatique créé, conçu et mis en œuvre pour répondre à la nécessité de systématiser les données relatives aux personnes privées de liberté dans les lieux de détention nationaux administrés par l’INPEC.

164.L’application SISIPEC WEB permet aux utilisateurs d’accéder en temps réel aux informations relatives aux personnes privées de liberté dans le système pénitentiaire. Dans les lieux de détention nationaux et les directions régionales, ainsi qu’au siège central, l’INPEC dispose des infrastructures technologiques minimales nécessaires pour mener à bien tous les processus liés à la gestion des données sur les personnes privées de liberté. En outre, SISIPEC est un système modulaire constamment mis à jour afin de répondre aux nouvelles exigences normatives et aux nouvelles fonctionnalités et procédures liées aux personnes privées de liberté.

165.Depuis la création de SISIPEC en 2007, 617 572 personnes qui ont été ou qui sont encore privées de liberté et qui relèvent de l’INPEC ont été enregistrées dans le système, parmi lesquelles des personnes incarcérées ou faisant l’objet de mesures de substitution, telles que l’assignation à résidence ou le placement sous surveillance électronique.

166.Dans les lieux de détention nationaux et les directions régionales, ainsi qu’au siège central, l’INPEC dispose des infrastructures technologiques minimales nécessaires pour mener à bien tous les processus liés à la gestion des données sur les personnes privées de liberté. En application de la décision no 3670 du 9 septembre 2011, ce système adopté par la Direction générale est le seul autorisé pour le traitement des informations relatives aux personnes privées de liberté, qui sont indispensables aux activités de planification, de prise de décisions et de suivi en vue de l’élaboration des politiques pénitentiaires de l’INPEC.

167.Les données sont recueillies directement dans les lieux de détention et intégrées dans les différents modules du système par des agents des centres pénitentiaires qui ont été formés à l’utilisation de cette application. À cet égard, il convient de mentionner les dispositions du chapitre V du Règlement général des lieux de détention nationaux relatives aux renseignements requis sur les personnes privées de liberté à leur arrivée dans un lieu de détention (art. 25 à 27, 29 et 30).

168.Par ailleurs, en cas de décès d’une personne privée de liberté dans un lieu de détention administré par l’INPEC, les unités de police judiciaire de l’Institut engagent une procédure d’intervention d’urgence qui prévoit une inspection des lieux où se sont produits les faits, un examen du corps, des entretiens, l’arrestation des auteurs en cas de flagrance, l’établissement d’un rapport technique contenant un numéro de signalement pénal à l’intention du Bureau du procureur, l’établissement d’un rapport administratif à l’intention du directeur du lieu de détention et le transfert du corps à l’Institut de médecine légale en vue d’une autopsie, conformément au décret no 786 de 1990.

169.En outre, lorsque le décès d’une personne privée de liberté se produit dans un centre hospitalier et résulte d’une maladie naturelle, les unités de police judiciaire font appel au Bureau du Procureur général de la nation pour procéder à l’examen du corps en vue de mener une autopsie médico-légale, conformément aux dispositions du décret susmentionné.

170.De même, une procédure obligatoire a été établie pour le transfert des personnes privées de liberté vers l’Institut de médecine légale par les unités de police judiciaire des lieux de détention, lorsque la situation ou les faits survenus peuvent constituer une atteinte ou une menace aux droits des personnes privées de liberté, comme les dommages personnels ou les cas présumés de torture, de traitements cruels, inhumains et dégradants ou de violence sexuelle, comme le prévoit la circulaire no 000030 du 9 juin 2015.

171.Conformément à la procédure établie, après avoir consigné les faits susceptibles d’avoir des conséquences pénales pour leurs auteurs, les unités de police judiciaire des lieux de détention nationaux en informent le Bureau du Procureur général de la nation dans les délais impartis et établissent un rapport administratif à l’intention de la direction du lieu de détention, qui est alors chargée d’informer le service de contrôle disciplinaire unique si des agents pénitentiaires sont impliqués.

172.Établi sur la base du registre du groupe de la police judiciaire de l’INPEC pour la période 2016-2019, le tableau 18 présente la liste des décès survenus à l’intérieur des lieux de détention. Ceux-ci ont tous été signalés au Bureau du Procureur général de la nation.

173.L’Institut de médecine légale et l’INPEC ont signé l’accord-cadre interadministratif no 218 du 22 novembre 2018 relatif au partage de renseignements sur le décès de personnes détenues, incarcérées, assignées à résidence ou sous surveillance électronique et se trouvant sous l’autorité de l’INPEC, visant à mettre en place un canal d’échange de renseignements entre les bases de données des deux institutions par l’intermédiaire de Web Servicie.

174.Selon les informations sauvegardées dans SISIPEC, entre 2016 et 2019, l’INPEC a effectué 45 475 transferts de personnes privées de liberté entre différents lieux de détention nationaux. Tous ces transferts ont été enregistrés dans les bases de données. Une fois signé par le Directeur général de l’INPEC, l’ordre de transfert est numéroté, daté et consigné dans l’application SISIPEC WEB phase I, dans le module « Nouveaux transferts − transferts de l’administration pénitentiaire ». Tout transfert de personne privée de liberté vers un autre établissement est ainsi consigné et comporte un numéro d’identification unique, le numéro et la date de l’ordre de transfert, l’origine et la destination du transfert et le motif de celui‑ci.

175.Au niveau de l’armée nationale, le Directeur des centres de détention militaire a indiqué que, conformément à l’article 56 du Code pénitentiaire et carcéral, toutes les privations de liberté étaient consignées dans SISIPEC, ce qui garantissait la traçabilité des informations relatives à la localisation des détenus. En outre, lorsqu’une personne est placée dans un centre de détention militaire, on vérifie si elle a bien reçu la liste des droits de la personne arrêtée, qui lui permet de maintenir un contact régulier avec sa famille ou ses proches ainsi qu’avec les entités chargées de contrôler le bon fonctionnement de l’État.

176.À ce jour, 653 militaires sont privés de liberté dans des établissements pénitentiaires ou des lieux de détention de haute et de moyenne sécurité pour les membres des forces de l’ordre au niveau national, comme indiqué dans le tableau 19 de l’annexe du rapport.

VI.Mesures de réparation et mesures de protection des enfants contre les disparitions forcées (art. 24 et 25)

(Recommandations figurant aux paragraphes 34, 36, 38 et 40 du document CED/C/COL/CO/1)

Centre national de mémoire historique

177.Le Centre national de mémoire historique a pour mission de contribuer à la préservation de la mémoire historique au moyen de la réalisation du droit à la vérité, du droit d’obtenir réparation et des garanties de non-répétition. Ses travaux reposent sur un mandat juridique fondé sur la pluralité et la diversité des récits et reconnaissant le droit à la vérité des victimes et de la société dans son ensemble, ainsi que le devoir de mémoire de l’État vis-à-vis des violations qui se sont produites dans le cadre du conflit armé colombien. En ce qui concerne les disparitions forcées, les efforts que déploient chacune des branches et chacune des équipes de travail du Centre national de mémoire historique méritent d’être soulignés.

178.En 2018, le Musée de la mémoire historique de Colombie a inauguré sa première exposition, intitulée « Voces para transformar a Colombia » (Des voix pour transformer la Colombie), qui a été présentée au Salon du livre de Bogota et à la fête du livre et de la culture de Medellín. Cette exposition représentait les faits relatifs aux disparitions forcées sous diverses formes, à savoir : i) une présentation multimédia consacrée à la pratique consistant à se débarrasser des corps des personnes assassinées en les jetant dans la rivière, dans la région de Magdalena Medio, pour qu’ils ne puissent pas être retrouvés par leurs proches ; ii) des récits de la vie de certaines victimes de disparition forcée, comme le chef de la communauté Embera Katío, Kimy Pernía ; Tiberio Fernández Mafla, prêtre de Trujillo (Valle del Cauca) ; Fair Leonardo Porras, victime de « faux positifs » à Soacha (Cundinamarca) ; Carlos Horacio Urán, magistrat survivant de la prise du palais de justice ; Jesús Antonio Pipicano Mosquera, habitant de Puerto Torres (Caquetá) ; iii) un volet consacré à La Escombrera de Medellín, l’une des plus grandes fosses communes d’Amérique latine où se trouverait la dépouille de milliers de personnes portées disparues.

179.Par ailleurs, la Direction du Musée a appuyé l’organisation de journées et d’événements de commémoration consacrés aux disparitions forcées. La Journée pour la dignité des victimes de disparition forcée a ainsi été commémorée en 2015 dans le département de Meta. La Journée mondiale de lutte contre la détention et la disparition forcée a également été célébrée, et un appui a été fourni à l’organisation de manifestations culturelles à l’occasion de la Journée internationale de la disparition forcée, appelées « Cuerpos Gramaticales » (corps grammaticaux), en 2016, à Bogota, dans les locaux du Musée.

180.La Direction de la préservation de la mémoire historique est chargée de coordonner les recherches permettant au Centre national de mémoire historique de reconstituer l’histoire du conflit armé en mettant particulièrement l’accent sur l’expérience des victimes, en particulier des victimes de disparition forcée. À cet égard, plusieurs rapports ont été établis: i)« Normas y dimensiones de la desaparición forzada en Colombia » (Normes et aspects de la disparition forcée en Colombie) ; ii)« Huellas y rostros de la desaparición forzada de personas en Colombia 1970-2010 » (Traces et figures de la disparition forcée en Colombie entre 1970 et 2010) ; iii)« Entre la incertidumbre y el dolor. Impactos psicosociales de la desaparición forzada » (Entre incertitude et douleur: conséquences psychologiques et sociales de la disparition forcée) ; iv)« Balance de la acción del Estado colombiano frente a la desaparición forzada de personas » (Bilan de l’action menée par l’État colombien face à la disparition forcée) ; v)« Textos corporales de la crueldad. Memoria histórica y antropología forense » (Récits physiques de la cruauté. Mémoire historique et anthropologie médico‑légale) ; vi)« Caquetá: Una autopista sobre la desaparición forzada » (Caquetá: autopsie de la disparition forcée) ; vii)« Buenaventura: Un puerto sin comunidad » (Buenaventura: un port sans population) ; viii)« Hasta encontrarlos. El drama de la desaparición forzada en Colombia » (Jusqu’à ce qu’on les retrouve. Le drame de la disparition forcée en Colombie). Un site Web est également consacré à la disparition forcée : http://www.centrodememoriahistorica.gov.co/micrositios/desaparicionForzada/.

181.Le groupe de travail du Centre national de mémoire historique chargé des stratégies de réparation apporte son soutien aux processus de réparation symbolique des victimes, notamment des victimes de disparition forcée, dans le cadre de procédures administratives (plans complets de réparation collective) ou judiciaires (décisions de juridiction ordinaire, décisions de restitution des terres et décisions de justice et de paix). Ainsi, dans le respect du cadre législatif, le groupe de travail a apporté son soutien aux mesures de réparation suivantes:i) décision du Conseil d’État dans l’affaire concernant Luis Fernando Lalinde, exécuté de manière extrajudiciaire par l’armée nationale et porté disparu. Cette affaire a donné lieu à un documentaire réalisé par le Centre national de mémoire historique et intitulé « Operación Cirirí: Persistente, insistente e incómoda » (Opération Cirirí : persistante, durable et dérangeante, disponible à l’adresse suivante : http://www.centrodememoriahistorica.gov.co/de/noticias/noticias-cmh/operacion-ciriri-persistente-insistente-e-incomoda) ; ii) exposition de photos intitulée « Bogando la Memoria » (à la recherche de la mémoire), organisée dans le cadre du Plan complet de réparation collective de Nueva Venecia et de Buenavista (région de Magdalena), par le Centre national de la mémoire historique.

182.La Direction des accords sur la vérité est chargée du mécanisme non judiciaire de contribution à la mémoire historique, outil de transition en vue de l’application des principes de vérité, de justice et de réparation créé en vertu de la loi no 1424 de 2011 (déclarée applicable par la Cour constitutionnelle dans son arrêt C-771 de 2011), qui a pour objectif de collecter, de systématiser et de préserver les informations découlant des accords de contribution à la vérité historique et à la réparation, ainsi que d’élaborer les rapports nécessaires.

183.En application de la décision no 062 du Centre national de la mémoire historique, en date du 14 mars 2016, dans laquelle le Centre établit les modalités et les procédures relatives au mécanisme non judiciaire de contribution à la vérité, il est prévu de mener avec les signataires des accords sur la vérité des entretiens (art. 2, par. 3) qui serviront de base à l’établissement de rapports (art. 3). En outre, conformément à l’arrêt no C-771 de 2011, la Direction des accords sur la vérité est chargée de collecter, de systématiser et de préserver les informations issues des contributions volontaires, c’est-à-dire des contributions de particuliers, d’institutions ou d’associations souhaitant concourir à l’établissement de la vérité au sujet du paramilitarisme.

184.À partir des renseignements recueillis par le mécanisme non judiciaire de contribution à la vérité, une enquête est menée auprès des signataires à propos des activités des groupes armés dont ils ont connaissance. On leur pose ainsi la question suivante : « Selon les résultats de nos enquêtes, voici la liste des actions commises le plus fréquemment par les groupes paramilitaires dans le pays. [...] », pour leur exposer des faits tels que les assassinats ciblés, les déplacements forcés, la confiscation des terres, la violence sexuelle, la torture, les enlèvements, les massacres, les coups et blessures et la disparition forcée. Les personnes interrogées doivent alors désigner les trois activités de la liste qui, selon elles, ont été commises le plus fréquemment par le groupe armé auquel elles ont été affiliées le plus longtemps. Selon les résultats de cette enquête, la disparition forcée représente le quatrième acte le plus cité, soit 12 % des réponses.

185.De plus, la Direction des accords sur la vérité a établi plusieurs rapports dans lesquels elle présente des éléments de réponse au sujet de la mémoire historique des groupes paramilitaires et de questions liées à ces événements, en s’appuyant sur les contributions de la population démobilisée signataire des accords, les contributions volontaires et ses sources d’information. Dans ces rapports, elle fait mention du recours à la disparition forcée par les groupes armés paramilitaires comme instrument de violence.

186.La Direction des archives des droits de l’homme est chargée de recueillir la mémoire historique du conflit pour garantir aux victimes le droit à la vérité, le droit à la justice et le droit d’obtenir réparation. Elle a pour mission de rassembler des documents sur les atteintes aux droits de l’homme commises durant le conflit armé, ainsi que de recueillir des témoignages oraux, écrits ou sous toute autre forme, afin de constituer des archives sur les droits de l’homme et la mémoire historique.

187.La Direction dispose ainsi de 1 347 fichiers relatifs à des disparitions forcées qu’elle a consignés dans son Registre spécial des archives sur les droits de l’homme, ainsi que des fonds d’archives consacrés à la disparition forcée, parmi lesquels les fonds : i) Fabiola Lalinde de Lalinde (« Operación Cirirí ») ; ii) Asociación de Familiares de las Víctimas de los hechos violentos de Trujillo (AFAVIT) ; iii) Mario de Jesús Agudelo Vásquez.

188.L’Observatoire de la mémoire et du conflit est le système d’information le plus complet sur le conflit armé colombien. Il rassemble des informations sur 11 catégories d’actes de violence commis dans le cadre du conflit armé, entre 1958 et le 15 septembre 2018. Les travaux de l’Observatoire, qui s’appuient sur 592 sources et 10 236 bases de données et documents, contribuent à l’établissement de la vérité historique et à la reconnaissance de la pluralité des mémoires. L’Observatoire a compilé des données sur les circonstances des faits (temps, lieu et méthode) ainsi que sur les auteurs des actes et les victimes du conflit armé, en s’appuyant toujours sur les mêmes questions : « qui a fait quoi ? à qui ? quand ? où ? et comment ? ». Sur le site Web de l’Observatoire, il est possible d’effectuer une recherche en utilisant le filtre « disparition forcée » (voir http://centrodememoriahistorica.gov.co/observatorio/).

189.Plusieurs points de vue transversaux sont adoptés dans le cadre du processus de mémoire historique. L’approche différenciée axée sur le genre a pour objectif de rendre compte des effets différenciés de la guerre sur les femmes et les groupes LGBTI. Trois rapports sur des cas de disparition forcée de personnes relevant de ces catégories ont ainsi été établis en suivant cette approche : i) « Mujeres y guerra » (les femmes et la guerre) (disponible à l’adresse http://www.centrodememoriahistorica.gov.co/descargas/informes2011/Informe_mujeresyguerra.pdf) ; ii) « La Guerra Inscrita en el Cuerpo: Informe Nacional de Violencia Sexual » (les traces physiques de la guerre : rapport national sur la violence sexuelle) (disponible à l’adresse http://www.centrodememoriahistorica.gov.co/descargas/informes-accesibles/guerra-inscrita-en-el-cuerpo_accesible.pdf) ; iii) « Aniquilar la Diferencia: Informe sobre población LGBTI » (anéantir la différence : rapport sur les groupes LGBTI) (disponible à l’adresse http://www.centrodememoriahistorica.gov.co/descargas/informes2015/aniquilar-la-diferencia/aniquilar-la-diferencia.pdf.

190.L’approche différenciée axée sur les personnes âgées vise à inclure ces personnes dans les activités de préservation de la mémoire historique. Ainsi, plusieurs récits de personnes âgées sur la disparition de leurs proches ou de membres de leur communauté ont été recueillis dans une publication intitulée « Ojalá nos alcance la vida » (Si la vie pouvait nous suffire).

191.L’approche différenciée axée sur les personnes handicapées vise à garantir la participation des victimes handicapées, au moyen d’initiatives ciblées fondées sur diverses approches méthodologiques et conceptuelles. Un soutien a ainsi été fourni à des initiatives menées par des organisations sociales (Madres de Falsos Positivos de Soacha y Bogotá, MOVICE et Costurero por la Memoria), dans le cadre desquelles des personnes ont participé à des commémorations et à des activités de préservation de la mémoire historique et ont apporté des témoignages sur la disparition forcée.

192.Il a ainsi été donné suite à la demande expresse de Luz Marina Bernal (l’une des « mères » de Soacha), qui souhaitait faire connaître le cas de son fils, Fair Leonardo Porras, personne ayant des déficiences cognitives, qui avait disparu et avait été présenté comme guérillero tué au combat. Ce témoignage a permis de mettre en lumière le rapport entre le handicap des victimes et leur disparition forcée.

193.L’équipe chargée de la pédagogie de la mémoire historique a pour mission de promouvoir les conditions et les garanties nécessaires pour que les différents secteurs sociaux et institutionnels puissent mener des activités de préservation de la mémoire historique de manière autonome. Elle est également chargée de contribuer à garantir la non‑répétition des faits qui se sont produits dans le cadre du conflit armé et, en particulier : i) de mettre en place une pédagogie sociale qui tienne compte des faits survenus dans le cadre du conflit armé et s’appuie sur cette reconnaissance historique pour promouvoir les valeurs consacrées par la Constitution et la déclaration constitutionnelle des droits ; ii) d’élaborer, à l’intention des membres des forces de l’ordre et des forces de sécurité, une stratégie unique relative à la formation et à la pédagogie en matière de respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire, qui soit fondée sur une approche différenciée et prévoie une politique de tolérance zéro à l’égard de la violence sexuelle dans les institutions publiques ; iii) de promouvoir des mécanismes visant à prévenir et à résoudre les conflits sociaux par des voies démocratiques.

194.L’équipe a ainsi mis au point un outil méthodologique, intitulé « La Caja de Herramientas: Un viaje por la memoria histórica. Aprender la paz y desaprender la guerra » (Boîte à outils : Un voyage à travers la mémoire historique. Apprendre la paix et désapprendre la guerre) (disponible à l’adresse http://www.centrodememoriahistorica.gov.co/micrositios/un-viaje-por-la-memoria-historica/index.html), qui permet d’aborder la question de la mémoire historique dans les écoles selon un point de vue pluriel, rigoureux, non dogmatique, différencié et non préjudiciable.

195.L’outil en question comprend plusieurs modules consacrés à la question de la disparition forcée ou y ayant trait. On peut citer, par exemple, la publication intitulée « Daños: análisis de los impactos del conflicto armado Colombiano » (Préjudices : analyse des répercussions du conflit armé colombien) et les modules 5.6 et 5.7 et, dans une moindre mesure, le module 5.5. Les modules 5.6 et 5.7 mettent en regard les liens entre les préjudices subis dans le cadre du conflit armé et les différents types et formes de violence employés, en s’appuyant sur l’examen des infractions d’enlèvement et de disparition forcée. Le module 5.6 est consacré à l’enlèvement, et le module 5.7 à la disparition forcée.

196.Les activités susmentionnées contribuent grandement à la préservation de la mémoire historique sur les disparitions forcées qui se sont produites dans le cadre du conflit armé en Colombie et à l’établissement de la vérité sur ces infractions, ainsi qu’à la reconnaissance des victimes et à l’affirmation de leur dignité. Bien que les travaux du Centre national de mémoire historique soient axés sur les faits survenus, ils témoignent des efforts de lutte et de résistance déployés par les victimes du conflit armé.

Droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

197.Au 1er juin 2019, 47 712 personnes disparues et 124 859 victimes indirectes de disparition forcée étaient inscrites dans le Registre unique des victimes et, au 1er mai 2019, 11 076 indemnités avaient été versées par voie administrative entre le 1er janvier 2014 et le 31 mai 2019. Il convient de préciser que le montant et les destinataires de ces indemnités avaient été déterminés sur la base de l’article 15 de la loi no 418 de 1997, de l’article 5 du décret no 1290 de 2008 et des articles 2.2.7.3.4 et 2.2.7.3.5 du décret no 1084 de 2015.

198.On trouvera dans les tableaux 20, 21 et 22 le bilan des indemnités susmentionnées, ventilées par : i) période, ii) département et iii) cadre normatif réglementaire. Le tableau 20 présente des données ventilées par année concernant les indemnités administratives gérées par l’Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale entre 2014 et 2019, aux fins de réparation pour fait de disparition forcée, soit un montant total de 87 441 686 935 pesos. Le tableau 21 présente des données ventilées par département concernant les indemnités versées par l’Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale sur cette même période. Enfin, le tableau 22 présente ces mêmes données ventilées par cadre normatif réglementaire en vigueur.

Situation juridique des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidé et de leurs proches

199.Le Plan de formation du personnel judiciaire (2019) établi pour l’école de la magistrature Rodrigo Lara Bonilla, qui relève du Conseil supérieur de la magistrature, comprend un programme de formation des fonctionnaires des services judiciaires à la procédure de déclaration d’absence en raison d’une disparition forcée.

200.Comme indiqué dans la réponse figurant au paragraphe 88 du présent document, la Commission de recherche a dispensé 10 formations à l’intention des fonctionnaires et des familles (chefs) dans différentes régions du pays, au cours desquelles a été abordée la question de la gestion des biens, afin d’éclairer les participants sur les dispositions de la loi no 1531 de 2012 et de la loi no 986 de 2005. Cette présentation a été organisée à la demande des représentants du Ministère de la défense auprès de la Commission de recherche.

201.En outre, la Commission de recherche a élaboré une brochure sur la gestion des biens des personnes disparues, qui récapitule toutes les prestations prévues par la loi dans ce type de situation, qui peut être consultée sur le site Web de la Commission sous l’onglet « Publicaciones », ou à l’adresse suivante : http://www.comisiondebusqueda.gov.co/images/PDF/CARTILLAS2012/e_administracion_de_bienes.pdf.

202.Depuis la promulgation de la loi no 1531 de 2012, la Direction de la justice de transition du Bureau du Procureur général de la nation s’est efforcée, au titre de sa collaboration avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, de tenir informé de ces dispositions le personnel concerné, en particulier les procureurs, les procureurs adjoints et les enquêteurs chargés de traiter les dossiers des victimes de disparition forcée.

203.Par ailleurs, des formations ont été organisées au sujet de l’application de ces dispositions, au cours desquelles l’accent a été mis sur l’importance d’informer les proches des personnes disparues de l’existence de la loi relative à l’absence, et sur le fait que, même lorsqu’un juge était saisi pour déposer une « déclaration d’absence » des personnes disparues, la recherche des victimes se poursuivait pendant une période indéfinie.

204.En outre, des consultations ont été menées avec le CICR au sujet de l’intégration d’un chapitre consacré au champ d’application et à la nature de la loi relative à l’absence dans les formations dispensées de 2012 à 2014, auxquelles avaient participé, entre autres, des proches de personnes disparues, des organisations non gouvernementales, des procureurs, des procureurs adjoints et des enquêteurs du GRUBE, des groupes chargés des droits de l’homme, des services régionaux et des groupes d’action unifiée pour la défense de la liberté personnelle du Bureau du Procureur général de la nation, ainsi que des juges d’instruction militaire.

205.Avec l’aide du GRUBE, la Direction de la justice de transition continue de donner des informations aux proches des victimes de disparition forcée qui assistent à des audiences ou qui prennent part aux journées de prise en charge des victimes concernant l’objectif, l’applicabilité et l’application de la loi no 1531 de 2012.

206.L’article 5 de la loi no 1531 de 2012, relatif à la procédure de déclaration d’absence en raison d’une disparition forcée et d’autres formes de disparition involontaire, dispose qu’une fois la demande reçue, le juge charge le Bureau du Procureur général de la nation ou le ministère public de l’examiner en vue d’en vérifier la conformité et ordonne que la demande soit consignée dans le SIRDEC et publiée dans un journal national à grand tirage.

207.L’Unité de recherche des personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé n’est pas juridiquement responsable de la procédure de déclaration d’absence en raison d’une disparition forcée et d’autres formes de disparition involontaire, prévue par la loi no 1531 de 2012, ni des autres mécanismes de ce type, comme celui prévu par la loi no 986 de 2005. Toutefois, compte tenu de sa mission et de son mandat, l’Unité de recherche fournit des orientations aux proches des personnes disparues sur les autorités compétentes, les procédures légales et la marche à suivre pour protéger leurs droits, par l’intermédiaire de la Direction technique chargée d’assurer la participation des victimes, le contact avec celles-ci et l’adoption d’approches différenciées et des services territoriaux.

Protection des enfants contre la soustraction

208.L’Institut de médecine légale a participé à des initiatives interinstitutionnelles visant à faire en sorte que les enfants portés disparus ou ayant fait l’objet d’un enlèvement ou d’une séquestration soient recherchés et localisés de toute urgence et en priorité, ainsi qu’à garantir le déclenchement du mécanisme de recherche d’urgence et des activités de localisation pour ces enfants.

209.En 2018, en collaboration avec le Bureau du Procureur général de la nation, l’Institut colombien de protection de la famille a engagé un processus afin d’organiser la réponse de l’État en cas de disparition d’enfants. À cet effet, un diagnostic a été réalisé auprès de six régions représentatives au niveau national (Bogotá, Ibagué, Santa Marta, Cúcuta, Pasto et Eje Cafetero), qui a permis de recenser les obstacles réels ou perçus auxquels les acteurs étatiques devaient faire face en matière de disparition d’enfants et de recherche immédiate d’enfants disparus.

210.En 2018 également, un groupe de travail intersectoriel a été créé en vue d’analyser ces obstacles et notamment de procéder à un examen intersectoriel des protocoles internes mis en place dans chaque entité pour rechercher les enfants disparus et à un examen du SIRDEC de l’Institut de médecine légale, l’objectif étant de rendre les mineurs disparus plus visibles et de mettre en place une stratégie intersectorielle en vue de sauver rapidement les enfants disparus.