Nations Unies

CED/C/COL/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

27 octobre 2016

Français

Original : espagnol

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumispar la Colombie en application du paragraphe 1de l’article 29 de la Convention *

Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par la Colombie en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (CED/C/COL/1) à ses 183e et 184e séances (voir CED/C/SR.183 et 184), le 6 octobre 2016. À sa 192e séance, le 12 octobre 2016, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par la Colombie en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention, qui a été élaboré conformément aux directives pour l’établissement des rapports, ainsi que les informations qui y figurent. Il tient aussi à exprimer sa reconnaissance pour la qualité du dialogue ouvert et constructif intervenu avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures adoptées pour appliquer les dispositions de la Convention, qui a permis de dissiper bon nombre de ses inquiétudes. En outre, il remercie l’État partie de ses réponses écrites (CED/C/COL/ Q/1/Add.1) à la liste de points (CED/C/COL/Q/1), qui ont été complétées par les réponses données oralement par la délégation pendant le dialogue, et des informations supplémentaires fournies par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la totalité des principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et plusieurs des protocoles facultatifs s’y rapportant, ainsi que la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Le Comité félicite également l’État partie des mesures prises dans des domaines intéressant la Convention, notamment :

a)Le fait qu’il soit énoncé expressément à l’article 12 de la Constitution de la Colombie que « [n]ul ne peut être soumis à une disparition forcée » ;

b)L’adoption de la loi no 1719 de 2014, qui prévoit notamment l’imprescriptibilité de l’action pénale pour les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes guerre ;

c)L’adoption de la loi no 1531 de 2012, qui institue la procédure de déclaration d’absence en cas de disparition forcée et d’autres formes de disparition involontaire ;

d)L’adoption de la loi no 1408 de 2010, qui rend hommage aux victimes du crime de disparition forcée et prévoit des mesures pour leur localisation et leur identification, et du décret no 303 de 2015 réglant l’application de cette loi ;

e)L’adoption de la loi no 971 de 2005, qui régit le Mécanisme de recherche d’urgence ;

f)L’adoption de la loi no 589 de 2000 qui, entre autres dispositions, incrimine la disparition forcée des personnes, crée la Commission de recherche des personnes disparues et institue le Mécanisme de recherche d’urgence. 

Le Comité constate avec satisfaction l’existence d’une société civile dynamique qui contribue sensiblement au suivi de l’application de la Convention dans l’État partie.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adressé à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays.

Le Comité prend note des efforts menés dans le cadre des négociations de paix entre l’État partie et les Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC‑EP) qui ont notamment porté sur un certain nombre de droits et obligations prévus par la Convention et, prenant note du résultat du référendum qui a rejeté l’accord final avec les FARC-EP, il encourage l’État partie à poursuivre ses efforts pour assurer la pleine réalisation des droits des victimes de disparition forcée.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité prend acte des nombreux efforts faits par l’État partie pour lutter contre le fléau des disparitions forcées. Il estime cependant que, au moment de l’adoption des présentes observations finales, l’État partie se heurte encore à de nombreux problèmes et difficultés en matière de prévention des disparitions forcées, d’enquête et de répression ainsi que de recherche des personnes disparues, et qu’il est encore fait état de nombreux cas de disparitions forcées dans diverses régions du pays. Le Comité tient à souligner que l’État partie reconnaît qu’il doit encore faire face à des problèmes majeurs et des difficultés très complexes pour garantir les droits consacrés par la Convention et donner effet à l’engagement qu’il a pris de surmonter ces obstacles. Le Comité engage l’État partie à mettre en œuvre ses recommandations, qui ont été formulées dans un esprit constructif et une logique de coopération, pour aider l’État partie à donner effet, en droit et dans la pratique, aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

Renseignements d’ordre général

Procédure d’action en urgence

Le Comité sait gré à l’État partie de sa coopération dans le cadre de la procédure d’action en urgence, même si les renseignements fournis se sont avérés insuffisants dans certains cas (art. 30).

Le Comité engage l’État partie à continuer de coopérer avec lui dans le cadre de sa procédure d’action en urgence et à améliorer ses mécanismes afin de garantir le traitement immédiat et le suivi régulier de toutes les actions en urgence et toutes les demandes de mesures conservatoires et de protection transmises par le Comité.

Communications émanant de particuliers et d’États

Le Comité constate que l’État partie n’a pas encore reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d’États en vertu des articles 31 et 32 de la Convention.

Le Comité encourage vivement l’État partie à reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d’États en vertu des articles  31 et 32 de la Convention en vue de renforcer le régime de protection contre les disparitions forcées établi par la Convention.

Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1er à 7)

Registre des personnes soumises à la disparition forcée

Le Comité est préoccupé par l’absence de statistiques précises sur le nombre de personnes soumises à la disparition forcée. Il note que l’État partie affirme que l’utilisation du Registre national des personnes disparues est obligatoire et qu’il a pris des mesures pour mettre à jour ce registre et recouper les informations qui y figurent avec celles contenues dans d’autres bases de données institutionnelles, mais il est préoccupé par les informations faisant état de différences persistantes entre les diverses bases de données sur les personnes disparues. Il note aussi avec préoccupation que près de 80 % des cas figurant dans le Registre national des personnes disparues ne sont pas classés par catégories et regrette de ne pas avoir reçu de statistiques sur les cas qualifiés de « disparition présumée forcée » dans lesquels il est estimé que des agents de l’État auraient pu être impliqués (art. 1er à 3, 12 et 24).

Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer le processus de mise à jour et de consolidation des données sur les personnes disparues en vue de générer des informations précises et fiables permettant de prendre des mesures de prévention, d’enquête et de recherche plus efficaces. À ce sujet, il l’invite à fixer un délai pour achever le processus de mise à jour du Registre national des personnes disparues afin que celui-ci intègre effectivement et le plus tôt possible tous les cas de personnes disparues et contienne des informations aussi complètes que possible. Il lui recommande également  :

a) De redoubler d’efforts pour veiller à ce que les autorités compétentes inscrivent dans le Registre national des personnes disparues tous les cas de personnes disparues, sans exception , de manière uniforme et exhaustive dès qu’elles ont connaissance d’une disparition , et pour que le registre soit mis à jour en permanence ;

b) De prendre des mesures efficaces pour progresser dans le classement du plus grand nombre possible de cas  ;

c) De prendre les mesures nécessaires pour produire des statistiques permettant de déterminer l’ampleur du phénomène de la disparition forcée au sens strict, à savoir les cas dans lesquels des agents de l’État auraient été impliqués directement ou indirectement dans la commission de l’infraction .

Infraction de disparition forcée

Le Comité note que l’article 165 du Code pénal prévoit que les actes qui y sont visés peuvent être commis tant par des agents de l’État que par des personnes agissant ou non à l’instigation d’un agent de l’État ou avec ou sans son approbation. À ce sujet, il prend note des informations données par l’État partie qui affirme que cette définition tient compte des circonstances particulières des disparitions en Colombie et qu’elle « est conforme aux éléments essentiels figurant dans l’article 2 de la Convention » (voir CED/C/COL/Q/1/ Add.1, par. 29). Toutefois, le Comité estime que l’un des éléments essentiels de la définition de la disparition forcée figurant à l’article 2 de la Convention est précisément la participation directe ou indirecte d’agents de l’État au comportement criminel, ce qui différencie celui-ci des autres agissements similaires, ainsi qu’il ressort de la lecture des articles 2 et 3. Il considère que le fait d’inclure des acteurs non étatiques dans la définition du crime de disparition forcée dilue la responsabilité de l’État et il estime que la définition large de la disparition forcée figurant à l’article 165 du Code pénal risque d’avoir des conséquences sur d’autres plans, telles que le manque de clarté des statistiques ou des défaillances dans les recherches sur les personnes disparues et les enquêtes pénales qui exigent des stratégies et des méthodes différentes (art. 2 à 4).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires afin que l’application de la définition figurant à l’article  165 du Code pénal garantisse un déroulement efficace des recherches de personnes disparues et des enquêtes pénales et ne dilue pas la responsabilité de l’État.

Responsabilité pénale du supérieur hiérarchique

Le Comité prend note des articles 25 et 28 à 30 du Code pénal et de l’affirmation de l’État partie selon qui la notion de responsabilité du supérieur hiérarchique est considérée comme ayant été incorporée dans l’ordre juridique par la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Il estime cependant que l’absence de disposition pénale spécifique risque de donner lieu à différentes interprétations qui ne satisfont pas pleinement à l’obligation prévue au paragraphe 1 b) de l’article 6 de la Convention (art. 6).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures législatives nécessaires pour inscrire expressément dans le droit pénal la responsabilité pénale des supérieurs, conformément aux dispositions de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention .

Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Plaintes et enquêtes sur les cas de disparition forcée

Le Comité note que le nombre de disparitions forcées signalées a nettement diminué ces dernières années. Il est néanmoins préoccupé par les allégations indiquant que des disparitions forcées au sens strict auraient continué d’être commises, c’est-à-dire avec l’intervention directe ou indirecte d’agents de l’État. Il prend note des informations données par l’État partie au sujet des procédures pénales engagées dans des affaires de disparitions forcées dans lesquelles des agents de l’État ont été mis en cause, inculpés et condamnés, mais il est préoccupé par l’absence d’avancées significatives en ce qui concerne les enquêtes sur les cas de disparition forcée et la condamnation des responsables (art. 2, 12 et 24).

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De garantir dans la pratique que, lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne a été soumise à la disparition forcée, une enquête exhaustive et impartiale soit menée sans tarder, y compris en l’absence de plainte formelle ;

b) D’accélérer les recherches pour disparition forcée qui sont en cours, y compris celles qui ont lieu dans le cadre des procédures pénales spéciales du processus « Justice et Paix », en veillant à ce qu’aucun fait de disparition forcée ne reste impuni ;

c) De redoubler d’efforts en vue de garantir que les familles des personnes disparues puissent porter plainte, d’encourager et de faciliter leur participation aux enquêtes et à toutes les étapes de la procédure dans le respect des garanties prévues par la loi, et de veiller à ce qu’elles soient régulièrement informées des progrès et des résultats des enquêtes ;

d) De veiller à la coordination et à la coopération effectives de tous les organes chargés des enquêtes de façon qu’ils se renforcent mutuellement et ne se gênent pas les uns les autres, et de veiller à ce qu’ils disposent des ressources techniques, financières et humaines dont ils ont besoin pour s’acquitter de leurs fonctions avec diligence et efficacité ;

e) De procéder au traitement conjoint des enquêtes conformément à des stratégies spécifiques basées sur des modèles communs de commission et des caractéristiques régionales, pour éviter que leur fragmentation ne nuise à leur efficacité ;

f) De veiller à ce que les autorités qui participent aux enquêtes sur les disparitions forcées aient accès effectivement et en temps opportun à toute la documentation et aux autres informations pertinentes pour leur enquête qui pourraient être détenues par des organes de l’État, en particulier les documents détenus par les services de renseignement, les forces armées et les services de sécurité.

Le Comité note avec satisfaction qu’il est expressément interdit à la juridiction pénale militaire de connaître des crimes de disparition forcée (voir CED/C/COL/1, par. 111). Cependant, il est préoccupé par les informations indiquant que c’est la juridiction pénale militaire qui est saisie de nombreuses affaires dites « faux positifs », qui s’apparentent à des exécutions extrajudiciaires, et relèvent aussi de la définition de la disparition forcée énoncée par la Convention, de sorte qu’il n’est pas garanti qu’une enquête indépendante et impartiale soit menée ni que la qualification juridique appropriée soit retenue (art. 2, 11 et 12).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir dans la pratique que la juridiction civile soit saisie dès le départ de toutes les affaires dans lesquelles il est présumé que la victime a été soumise à une disparition forcée, quand bien même elle ne serait pas retrouvée vivante .

Enquêtes sur les disparitions perpétrées sans l’autorisation, l’appuiou l’acquiescement d’agents de l’État

Le Comité est préoccupé par la persistance des disparitions perpétrées par des groupes armés organisés et des groupes armés illégaux formés en marge de la loi sans l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement d’agents de l’État, malgré les mesures adoptées par l’État partie pour prévenir et réprimer de tels actes (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre l’action de prévention menée ainsi que les efforts faits pour mener sans tarder des enquêtes approfondies et impartiales au sujet de tou s les actes décrits à l’article  3 de la Convention, et de poursuivre et sanctionner les auteurs de tels actes.

Recherche des personnes disparues

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour rechercher et localiser les personnes disparues et, en cas de décès, identifier leurs restes. Néanmoins, il est préoccupé par les informations faisant état d’une série de difficultés pratiques en ce qui concerne la recherche des disparus et l’identification de leurs restes. Il note avec inquiétude les allégations selon lesquelles le Plan national de recherche des personnes disparues n’est guère appliqué et les informations faisant état de cas où le Mécanisme de recherche urgente n’aurait pas été déclenché immédiatement. Il note aussi avec préoccupation que l’Institut national de médecine légale et sciences médico-légales a dû cantonner la plupart de ses campagnes de collecte d’échantillons génétiques aux zones urbaines, faute de ressources, ce qui aggrave le problème posé par le grand nombre de corps trouvés qui n’ont pu être identifiés et restitués (art. 12 et 24).

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’accroître l’action qu’il mène pour rechercher, localiser et libérer les personnes disparues et, en cas de décès, rechercher, respecter et restituer leurs restes. En particulier, il lui recommande :

a) De faire en sorte qu’en pratique, en cas de signalement d’une disparition, la personne soit recherchée d’office et sans délai, que des mesures concrètes et efficaces de recherche soient prises pour accroître les possibilités de la retrouver en vie et de continuer la recherche jusqu’à ce que l’on sache ce qu’il est advenu d’elle ;

b) De redoubler d’efforts pour localiser les restes, de renforcer la banque des profils génétiques, en particulier en menant de vastes campagnes pour obtenir des renseignements ante mortem et des échantillons génétiques de membres de la famille des disparus, tout particulièrement en zone rurale, et d’accélérer l’identification et la restitution des corps exhumés ;

c) D’adopter des mesures plus efficaces pour garantir la coordination, la coopération et l’échange de données entre les divers organes chargés de la recherche des disparus et, en cas de décès, de l’identification de leurs restes, et de veiller à ce que ces services disposent des ressources économiques, techniques et humaines nécessaires ;

d) De redoubler d’efforts pour faire en sorte que toutes les autorités pertinentes reçoivent régulièrement la formation spécialisée voulue sur les moyens prévus dans le cadre normatif en vigueur en matière de recherche de personnes disparues, et de respect et de restitution de leurs restes en cas de décès, en particulier sur l’application correcte du Plan national de recherche des personnes disparues et du Mécanisme de recherche urgente ;

e) De veiller à ce que les recherches soient menées par les autorités compétentes, avec la participation active des proches de la personne disparue, s’ils le demandent ;

f) D’intensifier l’action menée pour que toutes les mesures d’identification et de restitution des restes tiennent dûment compte des traditions et des coutumes des peuples ou des communautés des victimes, en particulier lorsque les victimes sont issues de peuples autochtones ou de communautés d’ascendance africaine.

Protection des personnes qui dénoncent des disparitions forcéesou qui participent à l’enquête

Le Comité prend note de la création du Comité national des garanties de protection des défenseurs des droits de l’homme ainsi que de l’existence de programmes visant à protéger les victimes, les témoins et les intervenants dans des procédures pénales, et les personnes, groupes ou communautés en situation de risque extraordinaire ou extrême directement en raison de l’exercice de leurs activités ou fonctions politiques, publiques, sociales ou humanitaires. Néanmoins, il est préoccupé par les allégations relatives à l’existence de lacunes dans l’application de ces programmes, notamment des retards pris dans l’évaluation des risques et la décision d’ordonner des mesures de protection, et par l’inadéquation des mesures aux particularités des besoins des bénéficiaires. Le Comité est aussi préoccupé par les allégations faisant état de faits de harcèlement, d’intimidation, d’attaques et de menaces dont auraient été l’objet les proches de certains disparus, certaines personnes ayant dénoncé des faits de disparition forcée, des défenseurs des droits de l’homme qui aident les victimes et même des agents du système judiciaire (art. 12 et 24).

  Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour garantir la protection effective de toutes les personnes visées au paragraphe  1 de l’article 12 de la Convention contre tout mauvais traitement ou toute intimidation. En particulier, il lui recommande d’accroître l’action qu’il mène pour :

a) Garantir l’application rapide et efficace des systèmes de protection prévus dans les différents programmes de prise en charge et d’assistance, garantir aussi la participation des personnes devant bénéficier de la protection à l’évaluation du risque et à l’établissement des mesures de protection, et veiller à ce que les systèmes de protection disposent des ressources nécessaires pour s’acquitter efficacement de leur mandat ;

b) Prévenir et réprimer les actes d’intimidation et/ou les mauvais traitements dont pourraient faire l’objet les proches de disparus, ceux qui dénoncent des faits de disparition forcée, les défenseurs des droits de l’homme qui aident les victimes et ceux qui participent à une enquête sur une disparition forcée.

Mesures destinées à prévenir les disparitions forcées (art. 16 à 23)

Communication des personnes privées de liberté

Le Comité est préoccupé par les allégations relatives à des cas d’arrestation qui n’auraient pas été communiqués promptement aux personnes désignées par la personne détenue, comme l’établit le paragraphe 2 de l’article 303 du Code de procédure pénale (loi no 906 de 2004), en particulier dans des cas de rétention provisoire. D’autre part, comme le Comité contre la torture (voir CAT/C/COL/CO/5, par. 8), le Comité estime que le paragraphe 4 de l’article 303 du Code de procédure pénale, tel que rédigé, risque d’ouvrir largement la porte aux interprétations parce qu’il établit que la personne arrêtée a le droit de désigner un avocat de confiance et de s’entretenir avec lui dans les plus brefs délais possibles (art. 17).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures efficaces pour garantir que, dans la pratique, toutes les personnes privées de liberté, y compris celles qui se trouvent en rétention provisoire, et toutes les personnes qui sont transférées dans un lieu de privation de liberté ou un autre lieu puissent communiquer sans tarder avec leur famille, un avocat ou toute autre personne de leur choix.

Registre des personnes privées de liberté

Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état de cas de personnes placées en rétention provisoire dont on aurait omis d’enregistrer la privation de liberté, ou au sujet desquelles on aurait modifié les données des registres ou on aurait oublié de consigner des renseignements pertinents (art. 17).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que soient inscrites toutes les privations de liberté sans exception, y compris celles qui ne s’inscrivent pas dans le contexte d’une procédure judiciaire, dans des registres ou des dossiers uniformes incluant au minimum les renseignements obl igatoires énoncés au paragraphe  3 de l’ article  17 de la Convention ; il lui recommande aussi que tous les registres et/ou dossiers de personnes privées de liberté soient complétés et mis à j our promptement et précisément et, enfin, que tous les registres et/ou dossiers de personnes privées de liberté fassent l’objet de vérifications périodiques et, en cas d’irrégularité, que les fonctionnaires fautifs fassent l’objet d’une enquête et soient sanctionnés à proportion de la gravité de leurs actes.

Mesures de réparation et de protection des enfantscontre les disparitions forcées (art. 24 et 25)

Centre national de mémoire historique

Le Comité accueille avec satisfaction la création du Centre national de mémoire historique (loi no 1448 de 2011, art. 146) et les activités menées par celui-ci en matière de disparition forcée, en particulier, étant d’avis que ces activités contribuent à la réalisation du droit à la vérité et du droit d’obtenir réparation des victimes de disparition forcée (art. 24).

Le Comité recommande à l’État partie de continuer de tenir compte des programmes, des rapports et des recommandations du Centre national de mémoire historique en matière de disparition forcée et d’appuyer les travaux du Centre, en veillant particulièrement à ce qu’il dispose de ressources suffisantes pour s’acquitter efficacement de son mandat.

Droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablementet de manière adéquate

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi no 1448 de 2011, qui prévoit notamment une série de mesures visant à assurer le dédommagement intégral des victimes de conflit armé, y compris les victimes de disparition forcée, et les efforts immenses déployés par l’État partie afin de l’appliquer. Il regrette cependant l’insuffisance des renseignements communiqués au sujet des mesures de réparation prévues dans la législation nationale en ce qui concerne les victimes de disparition forcée qui ne seraient pas couvertes par la loi no 1448 de 2011 (art. 24).

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que, en dehors du champ d’application de la loi n o 1448 de 2011, la législation nationale prévoie un système complet de réparation et d’indemnisation qui soit pleinement conforme a ux dispositions des paragraphes  4 et 5 de l’ article  24 de la Convention, et aux autres normes internationales applicables, et prenne en considération la situation individuelle des victimes, en tenant compte de critères tels que le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’origine ethnique, la situation sociale et le handicap ;

b) De poursuivre et d’intensifier les efforts menés pour faire en sorte que toutes les personnes qui ont subi un préjudice direct à la suite d’une disparition forcée perpétrée dans le contexte du conflit armé obtiennent intégralement réparation.

Situation légale de la personne disparue dont le sort n’a pas été élucidéet de ses proches

Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de la loi no 1531 de 2012, instituant la procédure de déclaration d’absence en cas de disparition forcée et d’autres formes de disparition involontaire. Néanmoins, il note avec préoccupation les informations faisant état de la connaissance limitée du fonctionnement de cette procédure par les proches des disparus et par les autorités qui devraient l’appliquer. Il regrette de ne pas avoir reçu de renseignements statistiques sur le nombre de demandes de déclaration d’absence pour disparition forcée auxquelles il a été donné la suite voulue (art. 24).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’application opportune et efficace des dispositions légales en vigueur concernant la situation légale des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidé et celle de leurs proches. À ce sujet, il lui recommande de renforcer les campagnes d’information et de donner une formation précise et régulière aux autorités pertinentes sur la procédure de déclaration d’absence par disparition forcée prévue dans la loi n o 1531 de 2012 et sa compatibilité avec les autres mécanismes pertinents, tels que les instruments de protection prévus dans la loi n o  986 de 2005.

Protection des enfants contre la soustraction

Le Comité prend note des dispositions pénales relatives à l’enlèvement, mais il note avec préoccupation que dans la législation en vigueur, il n’y a pas de disposition réprimant spécifiquement les actes de soustraction d’enfants décrits à l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention. Il est également préoccupé par le fait qu’il y a 2 250 mineurs inscrits dans le Registre national des disparus qui auraient été victimes de disparition forcée, dont 47 n’ont toujours pas été retrouvés et avaient moins de 4 ans au moment de leur disparition et étaient donc particulièrement exposés à la substitution d’identité (art. 25).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures législatives nécessaires pour ériger en infractions pénales précises les comportements décrits à l’ alinéa  a) du paragraphe  1 de l’ article  25 de la Convention, et de prévoir des peines appropriées, compte tenu de l’extrême gravité de tels comportements. Il lui recommande aussi d’accroître l’action menée pour rechercher et identifier les enfants disparus et de veiller à ce qu’ ils soient restitués à leur famille d’origine si leur identité a été modifiée.

D.Diffusion et suivi

Le Comité tient à rappeler les obligations auxquelles les États ont souscrit en devenant parties à la Convention et, à ce propos, demande instamment à l’État partie de veiller à ce que toutes les mesures adoptées, quelles que soient leur nature et l’autorité dont elles émanent, sont pleinement conformes aux obligations qu’il a assumées en devenant partie à la Convention et d’autres instruments internationaux pertinents. Le Comité demande tout particulièrement à l’État partie de faire en sorte que toutes les disparitions forcées fassent l’objet d’une enquête efficace et de garantir le plein exercice des droits des victimes tels qu’ils sont consacrés dans la Convention.

Le Comité tient également à souligner l’effet particulièrement cruel qu’ont les disparitions forcées sur les droits fondamentaux des femmes et des enfants qu’elles touchent. Les femmes victimes de disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence sexiste. Lorsqu’elles sont les parentes d’une personne disparue, les femmes sont particulièrement exposées à de graves conséquences sociales et économiques ainsi qu’à la violence, à la persécution et aux représailles du fait des efforts qu’elles déploient pour localiser leur proche. Pour leur part, les enfants victimes de disparition forcée, qu’ils soient eux-mêmes soumis à une disparition ou qu’ils subissent les conséquences de la disparition de leurs parents, sont particulièrement exposés à de multiples violations des droits de l’homme, notamment la substitution d’identité. C’est pourquoi le Comité insiste sur la nécessité, pour l’État partie, de continuer de tenir compte des questions de genre et de la sensibilité des enfants dans l’application des droits et obligations qui découlent de la Convention.

L’État partie est invité à diffuser largement la Convention, ainsi que le rapport qu’il a soumis en application du paragraphe 1 de l’article 29, ses réponses écrites à la liste de points élaborée par le Comité, et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales qui sont actives dans le pays et le grand public. Le Comité invite aussi l’État partie à encourager la société civile, en particulier les associations de familles de victimes, à participer à la mise en œuvre des présentes observations finales.

Conformément au règlement du Comité, l’État partie devrait communiquer, le 14 octobre 2017 au plus tard, des renseignements pertinents sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 14, 20 et 26.

En application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 14 octobre 2019, des informations précises et actualisées sur la mise en œuvre de toutes les recommandations formulées, ainsi que tous renseignements nouveaux concernant l’exécution des obligations découlant de la Convention, dans un document conforme aux prescriptions énoncées dans les Directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention (voir CED/C/2, par. 39). Le Comité encourage l’État partie, lorsqu’il compilera ces informations, à continuer de consulter la société civile, notamment les organisations de victimes.