Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/BRA/CO/21er décembre 2005

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑cinquième session

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

BRÉSIL

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Brésil (CCPR/C/BRA/2004/2) à ses 2326e et 2327e séances (CCPR/C/SR.2326 et 2327), les 26 et 27 octobre 2005, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 2336e séance (CCPR/C/SR.2336), tenue le 2 novembre 2005.

A. Introduction

2.Le Comité prend note avec satisfaction du deuxième rapport périodique soumis par le Brésil, tout en regrettant qu’il ait été présenté plus de huit ans après l’examen du rapport initial. Il se déclare satisfait du dialogue qui s’est instauré avec la délégation de l’État partie. Il sait gré à cette dernière de lui avoir fourni des réponses écrites détaillées, qui ont facilité la discussion entre la délégation et les membres du Comité. De plus, il exprime sa satisfaction pour les réponses orales fournies par la délégation aux questions posées et aux préoccupations exprimées lors de l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

3.Le Comité accueille favorablement la campagne d’enregistrement des naissances à l’état civil, qui est nécessaire, notamment, pour faciliter et assurer le plein accès aux services sociaux.

4.Le Comité se félicite des mesures institutionnelles prises pour protéger les droits de l’homme dans l’État partie, à savoir, la création de bureaux d’ombudsmans de la police et de guichets juridiques, lesquels fournissent des conseils juridiques et de la documentation aux communautés autochtones et rurales ainsi que la mise en place du programme «Brésil sans homophobie», du programme «Afro‑Attitude» à l’intention des étudiants noirs inscrits dans les universités publiques et du «Plan contre la violence dans les campagnes».

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Tout en notant l’adoption de divers programmes et plans destinés à promouvoir les droits de l’homme, notamment par le dialogue et l’éducation, le Comité regrette l’absence générale de données spécifiques permettant d’évaluer dans la pratique l’exercice des droits de l’homme, particulièrement eu égard aux violations qui seraient commises dans les États de la République fédérative du Brésil (art. 1, 2, 3, 26 et 27 du Pacte).

L’État partie devrait fournir des informations détaillées concernant l’efficacité des programmes, plans et autres mesures prises pour protéger et promouvoir les droits de l’homme; il est encouragé à renforcer les mécanismes de suivi des résultats obtenus au niveau local grâce à ces mesures. Il s’agit notamment de recueillir des statistiques sur des questions telles que la violence contre les femmes au sein de la famille, la létalité de l’action policière et le maintien prolongé en détention arbitraire.

6.Le Comité est préoccupé par la lenteur des travaux de démarcation des terres autochtones, par l’expulsion de populations autochtones de leurs terres et par le manque de recours juridiques permettant de faire annuler ces expulsions et d’indemniser les populations lésées par la perte de leur lieu de vie et de leurs moyens de subsistance (art. 1 et 27).

L’État partie devrait accélérer les travaux de démarcation des terres autochtones et prévoir des recours efficaces, au civil et au pénal, pour toute incursion intentionnelle concernant ces terres.

7.Tout en reconnaissant la structure fédérale du Brésil, le Comité est troublé par le fait que le pouvoir judiciaire de certains États de la Fédération ne se prononce pas contre les atteintes aux droits de l’homme (art. 2).

L’État partie devrait mettre en place des mécanismes appropriés pour surveiller le fonctionnement de l’appareil judiciaire au niveau des États, de manière à se conformer à ses obligations internationales en vertu du Pacte. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour sensibiliser l’appareil judiciaire, surtout au niveau des États, à la nécessité de prendre au sérieux les allégations d’atteintes aux droits de l’homme et de les traiter comme il convient.

8.Tout en accueillant favorablement l’existence d’un Secrétariat spécial pour les droits de l’homme placé sous l’égide de la présidence de la République, le Comité regrette que d’importantes coupes soient prévues dans le budget du Secrétariat (art. 2).

L’État partie devrait renforcer le Secrétariat pour les droits de l’homme et le doter de ressources suffisantes pour qu’il puisse s’acquitter efficacement de son mandat.

9.Le Comité est troublé par l’absence évidente de supervision civile des activités de la police militaire (art. 2).

L’État partie devrait veiller à ce que la police militaire soit assujettie aux institutions et aux procédures de contrôle judiciaire et civil. Les tribunaux ordinaires devraient être compétents au pénal pour connaître de tous les cas de violations graves des droits de l’homme commises par la police militaire, y compris des cas d’usage excessif de la force et d’homicide, volontaire ou involontaire.

10.Le Comité est préoccupé par le faible niveau de participation des femmes, des Afro‑Brésiliens et des peuples autochtones aux affaires publiques et par le fait qu’ils continuent d’être anormalement peu représentés dans la vie politique et judiciaire de l’État partie (art. 2, 3, 25 et 26).

L’État partie devrait prendre les mesures qui s’imposent pour assurer la participation des femmes, des Afro ‑Brésiliens et des peuples autochtones à la vie politique, judiciaire, publique et aux activités des autres secteurs de l’État partie.

11.Le Comité est préoccupé par le manque d’information concernant la fréquence des actes de violence familiale et regrette l’absence de dispositions juridiques spécifiquement destinées à prévenir, combattre et éliminer cette violence. Il est également préoccupé par une pratique illégale de certains employeurs, qui exigent des femmes un certificat de stérilisation comme condition préalable à l’emploi (art. 3).

L’État partie devrait adopter et faire appliquer des lois et des politiques appropriées en matière civile et pénale pour prévenir et combattre la violence familiale et venir en aide aux victimes. Pour mieux sensibiliser le public, il devrait lancer des campagnes médiatiques et augmenter le nombre de programmes éducatifs. Il devrait aussi adopter des mesures adéquates, y compris des sanctions, pour lutter contre la pratique inadmissible consistant à exiger des certificats de stérilisation à des fins d’emploi.

12.Le Comité est préoccupé par le recours généralisé à la force excessive par les forces de l’ordre, par l’utilisation de la torture pour obtenir des aveux de suspects, par les mauvais traitements infligés aux personnes placées en garde à vue et par les exécutions extrajudiciaires de suspects. Il est préoccupé aussi par le fait que des violations aussi flagrantes des droits de l’homme commises par des membres des forces de l’ordre ne font pas l’objet d’une enquête en bonne et due forme et qu’aucune réparation n’est prévue pour les victimes, ce qui crée un climat d’impunité (art. 6 et 7).

L’État partie devrait:

a) prendre des mesures énergiques pour éliminer les exécutions extrajudiciaires, la torture et d’autres formes de mauvais traitements et d’exactions commis par les membres des forces de l’ordre;

b) veiller à ce que des enquêtes impartiales soient menées sans tarder sur toutes les allégations de violations des droits de l’homme par des membres des forces de l’ordre. Ces enquêtes devraient, en particulier, ne pas être menées par la police ou sous son autorité, mais par un organe indépendant, et les accusés devraient être suspendus de leurs fonctions ou affectés à d’autres tâches pendant l’enquête;

c) poursuivre les auteurs de ces violations et veiller à ce qu’ils fassent l’objet d’une sanction correspondant à la gravité des crimes commis, et mettre en place des recours efficaces, y compris réparation, pour les victimes; et

d) accorder la plus grande attention aux recommandations que les rapporteurs spéciaux des Nations Unies chargés d’examiner les questions de la torture, des exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires et de l’indépendance des juges et des avocats ont formulées dans les rapports qu’ils ont présentés à la suite de leur mission dans le pays.

13.Tout en prenant acte de la modification récente de la Constitution brésilienne autorisant le Procureur général de la République à faire passer certaines affaires de violation des droits de l’homme de la juridiction des États à la juridiction fédérale, le Comité est préoccupé par l’absence d’efficacité de ce mécanisme à ce jour. Il est également préoccupé par les nombreux rapports et documents faisant état de menaces et de meurtres dont seraient victimes des dirigeants ruraux, des défenseurs des droits de l’homme, des témoins, des ombudsmans de la police et même des juges (art. 7 et 14).

L’État partie devrait faire en sorte que la garantie constitutionnelle de fédéralisation des crimes relatifs aux droits de l’homme devienne un mécanisme efficace et concret grâce auquel une enquête rapide, approfondie, indépendante et impartiale sera menée sur les violations graves des droits de l’homme et les auteurs de ces violations seront poursuivis.

14.Tout en prenant acte de la création de la Commission nationale pour l’éradication du travail en servitude, le Comité demeure préoccupé par la persistance du travail en servitude et du travail forcé dans l’État partie et par l’absence de sanctions pénales efficaces contre ces pratiques (art. 8).

L’État partie devrait renforcer les mesures qu’il a prises pour combattre le travail en servitude et le travail forcé. Il devrait instituer une sanction pénale clairement définie pour ces pratiques, poursuivre et châtier ceux qui s’y adonnent, et veiller à ce que protection et réparation soient accordées aux victimes.

15.Le Comité est préoccupé par la traite persistante de femmes et d’enfants, la participation présumée de certains représentants de l’État à la traite et l’absence de mécanisme efficace de protection des témoins et des victimes (art. 8, 24 et 26).

L’État partie devrait renforcer les mécanismes de coopération internationale pour combattre la traite d’êtres humains, en poursuivre les auteurs, offrir protection et réparation à toutes les victimes, protéger les témoins et éradiquer la corruption des représentants de l’État liée à la traite.

16.Le Comité est préoccupé par le surpeuplement flagrant et les conditions inhumaines de détention dans les prisons des États et les prisons fédérales, le recours à des prolongations de la garde à vue et le maintien en détention arbitraire de prisonniers qui ont déjà exécuté leur peine (art. 9 et 10).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour améliorer les conditions de détention de toutes les personnes privées de liberté, qu’elles soient prévenues ou condamnées. Il devrait veiller à ce que la période de garde à vue, avant que l’intéressé ne puisse avoir accès à un conseil, n’excède pas un à deux jours suivant l’arrestation, mettant ainsi fin aux détentions provisoires dans les locaux de la police. Il devrait mettre en place un système de libération sous caution, veiller à ce que les accusés soient traduits en justice le plus rapidement possible et prévoir des peines de substitution. De plus, l’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour mettre fin à la pratique très répandue consistant à maintenir en détention prolongée des prisonniers qui ont déjà exécuté leur peine.

17.Tout en prenant note des efforts que l’État partie a faits récemment pour réformer son système judiciaire et en améliorer l’efficacité, le Comité demeure préoccupé par les atteintes à l’indépendance de la justice et par la corruption des magistrats. Il est également préoccupé par le fait que l’accès à un conseil et à l’aide judiciaire ne soit pas toujours assuré et par les retards excessifs pris dans le cadre des procès (art. 14).

L’État partie devrait garantir l’indépendance du système judiciaire, prendre des mesures pour éliminer toute forme d’atteinte à l’indépendance de la justice, veiller à ce qu’une enquête approfondie indépendante et impartiale soit rapidement menée sur toutes les allégations d’ingérence et à ce que les auteurs soient poursuivis et punis. Il devrait mettre en place des mécanismes propres à améliorer la capacité et l’efficacité de l’appareil judiciaire, afin de garantir que chacun ait accès à la justice sans discrimination.

18.Tout en notant que l’État partie a créé un droit à réparation pour les victimes d’atteintes aux droits de l’homme imputables à la dictature militaire au Brésil, le Comité constate qu’il n’y a eu aucune enquête officielle sur les graves violations des droits de l’homme perpétrées sous la dictature et qu’aucune responsabilité directe n’a été déterminée en la matière (art. 2 et 14).

Afin de combattre l’impunité, l’État partie devrait envisager d’adopter d’autres méthodes pour déterminer les responsabilités concernant les violations des droits de l’homme perpétrées sous la dictature militaire − notamment, de frapper les auteurs de violations manifestes d’une interdiction d’exercer une fonction dans l’administration publique et de diligenter des enquêtes pour faire justice et rechercher la vérité. L’État partie devrait rendre publics tous les documents portant sur des violations des droits de l’homme, y compris les documents actuellement placés sous séquestre en vertu du décret présidentiel n o  4553.

19.Le Comité est préoccupé par la situation des enfants des rues, ainsi que par l’absence d’information sur leur situation et de mesures propres à remédier à cette situation (art. 23 et 24).

L’État partie devrait adopter des mesures efficaces pour lutter contre le problème des enfants des rues et contre la maltraitance et l’exploitation des enfants en général, et mener des campagnes de sensibilisation concernant les droits des enfants.

20.Le Comité est préoccupé par le manque d’information sur la communauté rom et par les allégations selon lesquelles cette communauté subirait une discrimination, en particulier en ce qui concerne l’accès aux services de santé, à l’assistance sociale, à l’éducation et à l’emploi (art. 2, 26 et 27).

L’État partie devrait fournir des informations sur la situation de la communauté rom et sur les mesures prises pour qu’elle puisse jouir pleinement de ses droits au titre du Pacte.

21.Le Comité demande à l’État partie de rendre public son deuxième rapport périodique, la liste des points à traiter et les présentes observations finales, et de les diffuser largement sur l’ensemble de son territoire dans les principales langues parlées dans le pays; il lui demande aussi de porter son prochain rapport périodique à la connaissance des organisations non gouvernementales présentes dans le pays avant de le soumettre au Comité.

22.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait présenter dans un délai d’un an les informations requises sur l’évaluation de la situation et l’application des recommandations du Comité figurant aux paragraphes 6, 12, 16 et 18 ci‑dessus.

23.Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport, qui doit être présenté le 31 octobre 2009 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations formulées et sur l’application du Pacte dans son ensemble.

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