Nations Unies

CRPD/C/5/SR.4

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

20 avril 2011

Original: français

Comité des droits des personnes handicapées

Cinquième session

Compte rendu analytique de la 4 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 12 avril 2011, à 15 heures

Président: M. Mc Callum

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 35de la Convention (suite)

Rapport initial de la Tunisie (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 35de la Convention (suite)

Rapport initial de la Tunisie (CRPD/C/TUN/1; liste des points à traiter (CRPD/C/TUN/Q/1); réponses écrites de la Tunisie à la liste des points à traiter (CRPD/C/TUN/Q/1/Add.1)) (suite)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation tunisienne reprend place à la table du Comité.

2.Le Président présente avec émotion à l’assistance la version braille du rapport initial de l’État partie que le secrétariat a fait distribuer aux membres du Comité, en anglais et en espagnol.

Articles 5 à 30 de la Convention (suite)

3.M. Zribi (Tunisie) explique que le Conseil supérieur de la protection des personnes handicapées est chargé de rendre des avis, notamment sur les politiques nationales relatives au handicap et à l’intégration des personnes porteuses de handicap, et de mener des études sur le handicap et les questions y afférentes. En tant qu’organe de coordination des politiques et des programmes nationaux, il rassemble des représentants de ministères, d’organisations nationales d’employeurs, de travailleurs, d’agriculteurs et de femmes, ainsi que des 10 organisations les plus représentatives du pays en matière de handicap. Présidé par le Premier Ministre, le Conseil se réunit une fois par an, fait rapport à la plus haute autorité du pays pour suite à donner, et se prononce sur les activités des organisations qui s’occupent des personnes handicapées.

4.Souhaitant clarifier la question de la représentation des femmes et des statistiques concernant les femmes handicapées, M. Zribi souligne que toute personne handicapée a le droit de demander une carte de handicap. Les programmes mis en œuvre parviennent à intégrer les femmes et les filles dans le système scolaire et les femmes, qui représentent près de la moitié de la population, sont aujourd’hui largement représentées dans les professions médicales, à l’université ou encore au sein du corps judiciaire. La Tunisie compte également des programmes axés sur la famille qui permettent d’alléger le fardeau des mères d’enfants handicapés, notamment grâce au soutien de petites associations et institutions, ainsi que d’organisations spécialisées. Enfin, les soins à domicile pour personnes handicapées se développent: les unités mobiles qui sillonnent le pays couvrent actuellement 66 % du territoire.

5.M me Doula (Tunisie) dit que depuis que la Tunisie a ratifié la Convention en 2008, de nombreuses mesures administratives ont été prises et de nombreux amendements ont été apportés à la législation nationale afin de faciliter l’accès des personnes handicapées au système judiciaire et leur participation à la vie politique du pays. Ainsi, les personnes handicapées peuvent désormais aisément intenter une action en justice et, suite à l’adoption de décrets, elles ont également le droit de prendre part aux processus électoraux et d’être accompagnées d’un assistant à cette fin.

6.Mme Doula donne des exemples de mesures prises par le Ministère de la justice pour permettre aux personnes handicapées d’accéder aux locaux et à la justice, qui vont de la dotation d’un budget spécifique aux fins de l’aménagement de l’espace public, notamment la construction de rampes, à la formation du personnel judiciaire au handicap en passant par l’intégration des personnes handicapées au sein des professions de la justice. En tant que responsable des politiques de promotion de la parité hommes-femmes, elle souligne que le personnel de l’ensemble du système judiciaire est aujourd’hui à 40 % féminin.

7.M. Sidhom (Tunisie) dit que la politique de l’État tunisien en matière de santé de la mère et de l’enfant vise essentiellement à offrir des soins obstétriques et postnataux de qualité afin d’éviter les complications susceptibles de se produire pendant la grossesse ou de survenir lors de l’accouchement, qui restent une source importante de handicaps. Cette politique s’articule autour de trois axes: l’aide aux mères, notamment par la surveillance plus stricte des grossesses, la fourniture de soins adaptés au cours de l’accouchement et l’offre de soins postnataux. Des travaux sont aussi entrepris pour réduire la mortalité maternelle et périnatale, conformément aux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), et en particulier les décès en couches, l’objectif étant de faire chuter le nombre de décès à 20 pour 100 000 naissances vivantes d’ici à 2015. Outre les très nombreux centres de santé pour les mères et leurs enfants dispersés dans tout le pays, il existe des unités mobiles de soins dans les zones rurales.

8.M. Chaker (Tunisie) explique combien il est important de sensibiliser les personnes handicapées au VIH, à la sexualité et à la santé génésique. À cet égard, il présente l’action de l’Union nationale des aveugles de Tunisie (UNAT) et le projet conjointement mené par l’UNAT et l’Association tunisienne de la santé de la reproduction, grâce à une généreuse participation de la Fédération internationale pour la planification familiale (IPPF), en faveur des jeunes aveugles, principalement des femmes. Ce projet, fondé sur les technologies de l’information et de la communication, a permis d’organiser des séminaires et des formations, ainsi que de former de jeunes aveugles pour qu’à leur tour ils en forment d’autres. Dix unités accessibles ont été offertes à l’UNAT pour permettre aux aveugles de communiquer via Internet sur des sujets autrefois considérés comme tabous. L’expérience a permis de mettre en lumière l’importance de la sensibilisation des femmes handicapées à la santé génésique et sexuelle et de souligner le caractère indispensable de la coopération internationale en la matière. Des projets similaires ont été menés auprès des sourds, et des séminaires sur la sexualité ont été organisés à l’intention des personnes atteintes d’un handicap psychosocial.

9.M. Hedhili(Tunisie) dit que les architectes et les urbanistes jouent un rôle fondamental dans l’adaptation des structures aux besoins des personnes handicapées, contribuant par là même, à faire évoluer la société et les mentalités. Ces professionnels sont tenus, de par la loi, de travailler de concert. Un guide fondé sur les normes européennes, assorti d’échéances et définissant les tenants et les aboutissants de l’aménagement urbain a été largement diffusé, notamment auprès des urbanistes travaillant sur des projets récents, afin qu’ils prennent en compte un certain nombre de besoins particuliers, notamment ceux des personnes handicapées. Le non-respect de ces normes donne lieu à des amendes pouvant aller jusqu’à 80 000 dollars par construction.

10.Dans le domaine scolaire, les programmes d’enseignement sont adaptés aux besoins particuliers et aux compétences des enfants et les enseignants sont sensibilisés à la pédagogie individualisée, qui permet de prendre en compte les particularités de chaque élève. S’agissant des conditions d’examen, les lieux sont aménagés de manière spécifique, des majorations de temps sont prévues et les étudiants handicapés, en particulier malvoyants, peuvent au besoin bénéficier de l’assistance d’un tiers. Le système d’orientation universitaire fondé sur les scores obtenus au baccalauréat ne s’applique pas aux bacheliers handicapés, qui peuvent choisir un établissement d’enseignement supérieur selon leurs besoins et leurs préférences.

11.M. Ríos Espinosa demande si la loi tunisienne prend en compte la notion d’aménagement raisonnable et reconnaît la langue des signes pour les sourds et les malentendants.

12.M me Cisteras Reyessouhaite savoir ce que recouvre le concept de capacité juridique dans la loi tunisienne et quelles en sont les limites. Elle se demande à cet égard quelles sont les personnes handicapées susceptibles d’être placées sous tutelle ou curatelle et quels sont leurs droits personnels ou patrimoniaux qui seraient ainsi limités. Elle s’interroge sur les mesures prises par l’État partie concernant l’expression de la volonté de la personne et les garanties assorties à l’exercice de la capacité juridique.

13.M. Gombos souhaite connaître le nombre d’adultes souffrant de différentes formes de handicaps mentaux qui sont placés sous tutelle. Il demande qui peut devenir tuteur et quelles sont les règles auxquelles celui-ci doit obéir. Il souhaite aussi savoir si une personne placée sous tutelle ou curatelle peut elle-même saisir la justice en cas de non-respect de ses droits ou si elle doit obligatoirement passer par son tuteur ou curateur.

14.M me Maina demande si l’évaluation et la détermination du degré de handicap mental n’empêchent pas les personnes handicapées de jouir de leur capacité juridique sur la base de l’égalité avec les autres. Il serait par ailleurs utile de savoir si la loi tunisienne opère une distinction entre les personnes présentant des handicaps intellectuel, mental ou psychosocial, si les personnes recevant un traitement psychiatrique sont considérées comme des personnes handicapées et, dans l’affirmative, si elles sont protégées par la loi au titre de la Convention. MmeMaina demande s’il existe, en Tunisie, des procédures spéciales, indépendantes du secteur de la santé mentale, visant à faciliter l’accès, en toute égalité, des personnes présentant un handicap intellectuel ou mental aux démarches administratives et judiciaires et, dans l’affirmative, si ces personnes ont alors accès à des modes de communication alternatifs ou augmentatifs qui soient adaptés à la situation en Tunisie. En outre, la délégation voudra bien indiquer si, en cas de placement en institution, les personnes présentant un handicap intellectuel ou psychosocial sont bien informées de la situation, si elles sont consentantes et s’il existe des contrôles pour s’assurer qu’il ne soit administré aucun traitement de force, ni qu’aucun acte de torture n’ait lieu. Elle pourrait également préciser quelles sont les personnes accueillies dans les nombreux établissements spécialisés dans l’hébergement et la prise en charge des personnes handicapées.

15.M me Quan-Chang, supposant que la plupart des personnes placées dans les établissements de prise en charge ont des familles, se demande ce que ces familles font pour en faire sortir la personne handicapée et éviter qu’elle n’y retourne.

16.M me Peláez Narváez souhaite savoir comment procède la Tunisie pour passer de la non-reconnaissance de la capacité juridique des personnes handicapées sur la base de l’égalité avec les autres à la reconnaissance de cette égalité et de leur autonomie en la matière, comme le prescrit la Convention, et comment elle veille à ce que les personnes qui en ont besoin puissent bénéficier de l’accompagnement voulu. Concernant l’article 16 de la Convention, la délégation pourrait préciser comment les institutions chargées de la protection des mineurs protègent les enfants de la violence et de la maltraitance. Mme Peláez Narváez demande si la législation en matière de violence a été modifiée afin, par exemple, de poursuivre les auteurs de viol même lorsque la victime a retiré sa plainte, et quelles dispositions ont été adoptées s’agissant de la violence à l’égard des femmes handicapées. Elle aimerait également qu’on lui précise, en relation avec l’article 23, si les personnes handicapées peuvent se marier quand elles le désirent, maîtriser leur fécondité et adopter des enfants.

17.M. Ríos Espinosa aimerait savoir si la délégation tunisienne estime que le principe de la tutelle est compatible avec l’article 12 de la Convention.

18.M. Gombos, en rapport avec l’article 14, souhaiterait connaître le nombre annuel d’admissions dans les hôpitaux psychiatriques, et plus précisément le pourcentage d’admissions non volontaires. Il demande si la Tunisie entend, comme le font de nombreux pays, réviser sa loi sur la santé mentale qui date de 1992 à la lumière des dispositions de la Convention qui stipule qu’en aucun cas l’existence d’un handicap ne justifie une privation de liberté. Il voudrait savoir en quoi consistent les circonstances exceptionnelles qui permettent le placement de la personne handicapée dans des établissements spécialisés dans l’hébergement et la prise en charge des personnes handicapées, dont il est fait référence au paragraphe 106 du rapport de l’État partie, et si les personnes ainsi placées ont la possibilité de contester leur placement et, dans l’affirmative, selon quelles procédures.

19.M me Cisteras Reyess’interroge sur les mesures prises par la Tunisie pour permettre aux personnes handicapées d’accéder à la justice et répondre à leurs besoins particuliers, en mettant par exemple à leur disposition des services d’interprétation en langue des signes dans les tribunaux. Elle souhaite savoir s’il existe des programmes de formation et de perfectionnement à l’intention des policiers et des personnels pénitentiaires concernant les droits des personnes handicapées. En relation avec l’article 15, elle a noté que la Tunisie prenait des mesures pour faire du handicap une circonstance aggravante en cas de harcèlement sexuel et se demande s’il en est de même pour la violence familiale ou si celle-ci est considérée comme une infraction. Concernant l’article 17, elle demande s’il est possible de pratiquer la psychochirurgie et autres traitements portant atteinte à l’intégralité du patient et irréversibles applicables en cas de maladie mentale sans le consentement de la personne, de même que des expériences scientifiques. Dans l’affirmative, la délégation voudra bien indiquer quel type de protocole s’applique. En ce qui concerne le décès de personnes placées en institution, Mme Cisteras Reyes se demande s’il existe une procédure permettant à un organe indépendant interdisciplinaire d’examiner le cas pour ne pas laisser le médecin habituel en charge de l’institution décider seul s’il doit ou non transmettre le dossier à la justice.

20.M. Ríos Espinosa, concernant l’article 14, souhaite savoir s’il existe des dispositions législatives rendant obligatoires la conception universelle et l’aménagement raisonnable pour les centres pénitentiaires. Établissant un lien entre l’article 14 et l’article 16, il demande quels sont les recours existants en cas de violence à l’encontre de détenus handicapés et si des contrôles préventifs sont effectués dans les prisons.

21.M. Langvad souhaite connaître l’interprétation faite de l’alinéa 1 b) de l’article 24 de la Convention et les modalités de sa mise en œuvre, et savoir si la Tunisie prévoit d’intégrer l’éducation des enfants handicapés dans les systèmes d’enseignement ordinaires sous les auspices du Ministère de l’éducation uniquement. L’intégration étant la meilleure façon d’obtenir les meilleurs résultats pour tous, il demande des précisions quant aux qualifications et aux salaires des enseignants des écoles ordinaires et spécialisées, ainsi qu’aux diplômes et débouchés des enfants handicapés ayant suivi un cursus dans une école spécialisée, notamment concernant leurs possibilités d’accès à l’enseignement supérieur.

22.M. Langvad demande en outre si les enfants dyslexiques reçoivent un enseignement adapté à leurs besoins, si une carte d’invalidité leur est octroyée et si la dyslexie est considérée comme un handicap par les commissions régionales pour les personnes handicapées. Il demande des précisions sur le type d’éducation dont bénéficient les enfants souffrant d’infirmité motrice cérébrale ou de handicaps encore plus lourds et sur les handicaps empêchant des enfants de suivre une scolarité dans une école ordinaire et souhaite savoir, le cas échéant, quelles catégories d’enfants handicapés n’ont pas accès à l’éducation. Enfin, il serait utile de savoir si un interprète en langue des signes est mis à la disposition des enfants dans les établissements d’enseignement ordinaires, si les sourds-muets ont accès à la langue des signes et si celle-ci est reconnue comme leur première langue.

23.M me Degener, s’agissant de l’article 15 et notant que la torture était pratiquée sous l’ancien régime, souhaite savoir si la Tunisie prévoit de recenser les personnes dont le handicap est lié à la torture, qui peuvent avoir besoin de services de réadaptation.

24.M me Maina souhaite savoir si l’État partie est conscient du fait que les programmes et mesures axés sur la prévention du handicap peuvent donner une image négative des handicapés et être sources de rejet et demande si des mesures sont prises pour assurer que ces programmes n’ont pas de répercussions négatives sur les personnes handicapées. Soulignant l’importance du soutien apporté aux familles, elle s’inquiète cependant de savoir s’il est bien tenu compte des besoins réels de la personne handicapée et s’il existe des garanties pour éviter toute mise sous tutelle abusive. Elle souhaite en outre savoir si les personnes demandant une aide sont systématiquement considérées comme ayant un handicap nécessitant une intervention médicale et dirigées vers des procédures médicales ou psychiatriques, au risque d’enfreindre leurs droits. Elle demande si, en ce qui concerne l’accès à l’information publique des personnes souffrant de déficiences intellectuelles, l’État partie s’efforce de promouvoir d’autres modes de communication adaptés et s’assure ainsi que les personnes souffrant de ce type de déficiences sont au fait des mesures prises.

25.M. Gombos, s’agissant de l’article 25, demande si le consentement éclairé concernant les traitements psychiatriques et médicaux est pris en compte dans la législation et quel soutien concret les personnes handicapées reçoivent à cet égard. S’agissant de l’article 29, il souhaite avoir plus de précisions sur la situation actuelle et les mesures prévues en ce qui concerne la participation des personnes handicapées à la vie politique et publique.

26.M. Gombos souhaite connaître le nombre d’adultes handicapés n’ayant pas le droit de vote de jure et ne pouvant pas participer aux élections nationales et locales en raison de leur handicap. Il souhaite savoir si, lorsqu’une personne souffrant d’un handicap intellectuel ou psychosocial est privée de son droit de vote, par exemple en cas de tutelle, une évaluation distincte est effectuée pour évaluer sa capacité à comprendre le concept d’élections et sur quelles bases il est décidé qu’une personne n’est pas capable d’exercer son droit de vote. Il souhaite savoir également si l’État partie envisage d’amender la loi électorale afin d’assurer que les personnes souffrant d’un handicap intellectuel ou psychosocial ne soient plus privées de leur droit fondamental de participer à la vie politique. Il voudrait connaître le statut juridique des handicapés sous tutelle souhaitant devenir membres d’une organisation non gouvernementale et savoir si, d’un point de vue juridique, ces personnes sont autorisées à devenir membres à part entière.

27.M me Cisteras Reyes souhaite connaître le taux d’abstention des personnes handicapées lors des élections et voudrait savoir si les personnes handicapées sont confrontées à des restrictions lorsqu’elles souhaitent présenter leur candidature et quelles sont les politiques mises en œuvre pour encourager leur participation à la vie associative, quelle qu’elle soit.

28.M me Degener, s’agissant de l’article 29, souhaite savoir si la divulgation, par l’assistant chargé d’aider une personne handicapée à voter, du nom du candidat choisi constitue un délit et s’il est refusé à certaines personnes d’assumer cette fonction d’assistant, notamment en cas de conflit d’intérêts. Elle souhaite également savoir si les assistants reçoivent une formation sur le droit de toute personne à voter à bulletins secrets garantissant l’expression libre de leur volonté.

29.M me Maina souhaite savoir si la loi électorale prévoit que les personnes chargées d’aider à la prise de décisions aident les personnes handicapées à voter et si des directives leur sont données afin de garantir le respect du droit des personnes handicapées à prendre leurs propres décisions. En ce qui concerne l’éducation civique et la diffusion des informations relatives au processus électoral, effectuées au meilleur des cas en braille et en langue des signes, elle souhaite également savoir si l’État partie prévoit d’autres modes de communication qui soient accessibles aux électeurs souffrant de handicaps physiques et mentaux.

La séance est suspendue à 16 h 20; elle est reprise à 16 h 45.

Articles 31 à 33 de la Convention

30.M me Degener demande si l’État partie présentera, dans son prochain rapport, le document de base prévu dans les directives harmonisées du Comité. Elle souhaite savoir s’il est prévu d’établir une base de données en vue de formuler une politique visant la mise en œuvre de tous les droits énoncés dans la Convention et si les organisations de personnes handicapées et les organisations des droits de l’homme y participeront. S’agissant de l’article 33, elle demande si le Conseil supérieur de la protection des personnes handicapées comprendra des membres handicapés et souhaite savoir s’il serait bon d’établir une unité spéciale consacrée aux personnes handicapées au sein du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

31.Mme Degener souhaite savoir si le Conseil constitutionnel, qui sera créé en juillet, comprendra des experts handicapés et si la nouvelle Constitution tiendra compte des propositions émanant des organisations de personnes handicapées. S’agissant de l’article 32, elle aimerait savoir si l’État partie prévoit de s’assurer que tous les programmes de coopération internationale tiennent compte des personnes handicapées et que l’ensemble des droits et principes de la Convention fassent l’objet d’une coopération internationale.

32.M me Quan-Chang souhaite obtenir des renseignements plus détaillés sur le fonctionnement duComité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ses modalités de suivi de l’application de la Convention, son budget, la garantie de son indépendance et la participation d’experts des droits des personnes handicapées.

33.M. Gombos demande des précisions sur le fonctionnement du Conseil supérieur de la protection des personnes handicapées.

34.M. Kim Hyung Shik, s’agissant de l’article 31, souhaite connaître les raisons du nombre élevé de personnes souffrant de handicaps congénitaux et les mesures prises à cet égard. Il demande des précisions quant aux cartes de handicap qui, même si elles peuvent s’avérer utiles, risquent d’empêcher certaines personnes d’accéder à un certain nombre de services. Il souhaite également des précisions sur les bénéfices que les personnes handicapées tirent des programmes de coopération internationale établis. S’agissant de l’article 33 et du suivi, il voudrait savoir de quelle manière le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales interagit avec les autres organes de l’État et si sont envisagés des programmes de formation prévoyant la participation des organisations de personnes handicapées en vue d’améliorer la qualité du suivi.

35.M me Peláez Narváez, s’agissant de l’article 31, souhaite savoir si les données sont ventilées par sexe ou si elles vont l’être et si des indicateurs relatifs aux personnes handicapées sont inclus dans les statistiques générales sur la population tunisienne. S’agissant de l’article 32, elle souhaite savoir si la participation des femmes handicapées a été prise en compte dans les programmes de coopération internationale axés sur les femmes et, s’agissant de l’article 33, dans quelle mesure les femmes handicapées participent réellement au mécanisme de suivi et de consultation, ainsi qu’aux organisations qui les représentent.

36.M. Langvad, s’agissant de l’article 32, souhaite savoir si des mesures ont été prises en matière de coopération panafricaine dans le cadre de la Décennie africaine des personnes handicapées et s’il a été envisagé d’établir une organisation de coopération représentant les personnes handicapées dans le cadre de l’Union africaine. Il souhaite savoir si la coopération avec l’Union européenne et les pays africains a permis de tirer des enseignements dont il serait possible de s’inspirer en matière d’amélioration de l’accès et de la participation à la vie publique sur la base de l’égalité avec les autres.

37.M me Cisteras Reyes, en rapport avecl’article 33, demande si le Conseil supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales a été créé conformément aux Principes de Paris reconnus au plan international, notamment en ce qui concerne son impartialité et son indépendance. Sur la question spécifique de la fonction de suivi, elle souhaiterait savoir également comment l’avis des personnes handicapées et leurs divers types de handicaps sont pris en considération, et si les personnes présentant certains handicaps bénéficient d’un quelconque soutien pour pouvoir exprimer ou manifester leurs opinions.

38.M me Maina demande si les organisations de personnes présentant un handicap psychosocial sont associées, à rang d’égalité, aux activités de mise en œuvre et de suivi de la Convention entreprises au niveau national et si leurs travaux sont financés par le Gouvernement ou uniquement par des dons.

39.M me Doula (Tunisie)dit qu’en Tunisie, la mise en œuvre des dispositions de la Convention incombe au Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, auquel il a souvent été reproché de ne pas respecter les Principes de Paris, du fait notamment du manque d’indépendance de ses membres, des modalités de leur désignation et du cumul des mandats. Depuis la révolution du 14 janvier 2011, cette instance nationale est supervisée par un juge de la Cour suprême et une nouvelle loi, qui devrait combler les lacunes de la législation en vigueur, est en cours d’élaboration. Le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales devrait ainsi devenir un observatoire neutre, indépendant et tout à fait représentatif chargé de l’application et du suivi de la Convention. À ce titre, doté d’un budget propre, il sera en mesure d’effectuer des visites dans les établissements pénitentiaires, de rencontrer les détenus, d’inspecter les structures sociales, de recevoir des plaintes et de continuer à réaliser des études sur la situation des droits de l’homme dans le pays, notamment concernant les droits des personnes handicapées. Les recommandations du Comité lui seront transmises, de manière que ce dernier puisse en évaluer directement la mise en application.

40.M. Hedhili (Tunisie) indique que la scolarisation des enfants âgés de plus de 5 ans et spécifiquement, en application de la loi d’orientation no 2005-83 du 15 août 2005 relative à la protection et à la promotion des personnes handicapées, l’intégration des enfants ayant des besoins particuliers dans les établissements d’enseignement primaire ordinaires, s’inscrivent dans un vaste programme national qui a rang de priorité pour l’État. Ce dernier veille à instaurer des conditions propices pour que tous les enfants puissent, à chances égales, jouir de leur droit à l’éducation et à l’enseignement.

41.Comme il n’est pas toujours possible de répondre aux besoins particuliers des enfants handicapés au niveau des écoles de quartier, des établissements comportant des unités ou départements particulièrement destinés aux enfants handicapés ont été mis en place en parallèle. Dans ces écoles handi-accueillantes, l’accent a été mis sur l’aménagement matériel des installations, l’offre de programmes scolaires adaptés aux enfants handicapés et le renforcement des qualifications et des compétences du corps enseignant, l’objectif visé étant d’offrir, en classe, un espace confortable où les enfants handicapés se sentent à l’aise aux côtés de leurs pairs. Des services supplémentaires, tels que des cours de rattrapage, de soutien ou de logopédie, y sont également fournis.

42.De multiples mesures ont en outre été prises pour d’une part permettre aux enfants handicapés de suivre, selon leurs aptitudes, les cours dispensés dans les établissements d’enseignement ordinaires, et d’autre part, depuis l’adoption de la Convention, pallier les lacunes initiales en matière de formation des enseignants, afin que ceux-ci puissent exercer au mieux leur profession, en suivant notamment des cours de formation continue axés sur l’interaction avec leurs élèves. Les enseignants intervenant auprès d’enfants handicapés ne reçoivent aucune prime; ils sont mus par une motivation sincère.

43.Environ 7 % des enfants scolarisés éprouvant néanmoins des difficultés scolaires, un programme a été mis en place pour permettre la détection précoce de ces difficultés et y remédier de manière appropriée, notamment en remaniant les manuels scolaires ou en adaptant les cours de soutien, de manière que ces enfants puissent mieux évoluer au sein du système scolaire. La non-scolarisation des enfants handicapés ne répond en revanche à aucune logique puisque la loi dispose que l’enseignement est dispensé sur un pied d’égalité sans distinction aucune. Aussi, la Tunisie possède-t-elle, à travers toutes ses régions, un réseau de centres d’éducation spéciale dotés des aménagements et des ressources humaines nécessaires à l’accueil des enfants handicapés.

44.Les établissements scolaires tentent ainsi de répondre aux besoins de chaque enfant handicapé, en fonction des ressources disponibles, qu’il s’agisse de dictionnaires en langue des signes, du recours au sous-titrage, de moyens de communication audiovisuelle ou des nouvelles technologies. À cet égard, la Tunisie mène en collaboration avec la Banque mondiale un projet intitulé «e-Handicap», qui a été validé par le Ministère de l’éducation et qui repose précisément sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication aux fins de l’insertion des handicapés. Ce programme d’appui à l’intégration scolaire permet aux élèves de suivre leurs cours soit dans des établissements scolaires soit à distance, ce qui leur offre une certaine flexibilité, en particulier en cas d’hospitalisation.

45.M. Zribi (Tunisie) souligne que les personnes handicapées ont pris part à la révolution récemment intervenue en Tunisie, y compris à certains sit-ins organisés à Tunis. Concernant leur participation à la vie politique du pays, il fait observer que 52 % d’entre elles sont habilitées à voter ou à se porter candidates lors d’élections. Pour des raisons évidentes d’accessibilité, l’on trouve 71 % desdits candidats en zone urbaine, mais la Tunisie va œuvrer pour faciliter l’exercice des droits électoraux par les personnes handicapées résidant en zone rurale. Une lettre a d’ailleurs été adressée en ce sens à la commission chargée de préparer les prochaines élections en vue de la mise en œuvre urgente des dispositions de l’article 29 de la Convention, notamment de ses dispositions relatives à l’accès des personnes handicapées aux bureaux de vote et à la désignation d’un représentant aux fins du vote. Au vu de la situation politique du pays, des mesures seront prises dès le retour de la délégation au pays, la Tunisie ayant à cœur de permettre aux personnes handicapées de faire entendre leur voix et de faire évoluer les mentalités.

46.M. Sidhom (Tunisie) dit que, selon les statistiques les plus récentes, 43,6 % des handicaps seraient dus à des maladies génétiques héréditaires ou à des maladies contractées durant la grossesse. Pour lutter contre ces deux causes majeures de handicap, un vaste programme de prévention a été mis en place. Celui-ci prévoit l’obligation pour les futurs époux de se soumettre à un examen médical prénuptial (gratuit), afin que l’un et l’autre soient avisés des risques éventuels de contracter certaines maladies dangereuses pour le conjoint ou la descendance. Les contrôles et examens médicaux permettant de détecter des maladies telles que la toxoplasmose lors du premier trimestre de la grossesse ont également été renforcés en milieu urbain comme en milieu rural. Dans les écoles et les universités, les élèves et les étudiants sont sensibilisés aux dangers des mariages consanguins et enfin, depuis trois ans environ, le vaccin contre la rougeole est proposé aux nourrissons, aux enfants et aux jeunes.

La séance est levée à 17 h 35.