Nations Unies

CED/C/FRA/CO/1/Add.1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

30 juin 2014

Original: français

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par la France en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention

Additif

Commentaires de la France au sujet des observations finales * **

[Date de réception: 18 avril 2014]

I.Introduction

À l’issue de l’examen du rapport présenté par la France en application de l’article 29, paragraphe 1 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ci-après la «Convention») les 11 et 12 avril 2013, au cours de ses 46e et 47e séances, le Comité des disparitions forcées (ci-après le «Comité») a adopté ses observations finales (CED/C/FRA/CO/1), le 19 avril 2013, au cours de sa 57e séance.

Conformément aux dispositions de son règlement intérieur, le Comité a demandé au Gouvernement français de lui fournir, dans un délai d’un an, des informations sur la mise en œuvre des recommandations formulées aux paragraphes 23, 31 et 35 desdites observations.

Remerciant le Comité pour la qualité des échanges qui ont eu lieu au cours de l’examen de son rapport, le Gouvernement français à l’honneur de soumettre à son attention les éléments d’information qui suivent.

Il convient de noter que ces éléments ont été soumis pour avis à la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) qui, conformément aux dispositions de l’article 1er du décret no 2007-1137 du 26 juillet 2007 relatif à sa composition et à son fonctionnement «contribue à la préparation des rapports que la France présente devant les organisations internationales, en application de ses obligations conventionnelles dans le domaine des droits de l ’ homme».

II.Remarque générale

À titre liminaire, il convient de souligner que, depuis l’audition de la délégation française par le Comité, les règles applicables en matière de disparitions forcées ont évolué du fait de l’entrée en vigueur de la loi no 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France.

L’entrée en vigueur de cette loi, qui fait suite à l’adoption sans modification du projet de loi no 736 dont la teneur a été amplement discutée devant le Comité, achève de mettre la législation française en pleine conformité avec les obligations résultant de la Convention.

III.Informations relatives au paragraphe 23 des observations finales

En premier lieu, comme il est souligné dans les observations finales du Comité (par. 22), le projet de loi no 736, devenu depuis lors loi no 2013-711 du 5 août 2013, a permis l’introduction dans le code de procédure pénale de l’article 689-13 instituant au profit des juridictions françaises une compétence quasi universelle pour connaître des faits de disparitions forcées.

Cet article est ainsi rédigé: «Article 689-13 − Pour l’application de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée à New York, le 20 décembre 2006, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l’article 689-1 du présent code toute personne coupable ou complice d’un crime défini au 9° de l’article 212-1 ou à l’article 221-12 du code pénal lorsque cette infraction constitue une disparition forcée au sens de l’article 2 de la convention précitée».

Cette clause de compétence quasi universelle utilise une rédaction strictement identique à celle utilisée aux articles 689-2 à 689-10 du code de procédure pénale qui prévoient une compétence quasi universelle identique au titre de neuf autres conventions internationales.

Elle permet l’engagement d’une procédure pénale pour des faits de disparition forcée indépendamment de l’existence d’une demande d’extradition, en pleine conformité avec l’article 11 de la Convention.

En deuxième lieu, comme le Gouvernement français en avait évoqué l’hypothèse dans son rapport (CED/C/FRA/1, par. 72), l’article 113-8-1 du code pénal a été modifié par la loi du 5 août 2013, dans le double sens suivant:

D’une part, l’application de la loi pénale française et, par suite, la compétence des juridictions françaises, ont été étendues aux faits commis à l’étranger par un ressortissant étranger dont l’extradition est refusée car elle serait susceptible d’avoir des conséquences d’une gravité exceptionnelle en raison, notamment, de son âge ou de son état de santé; auparavant, l’application de la loi pénale française n’était possible que si le refus d’extradition était motivé par la contrariété de la peine encourue à l’ordre public français, le caractère politique de l’infraction ou le défaut de garanties de procès équitable;

D’autre part, l’application de la loi française dans les hypothèses précitées n’est plus subordonnée à la condition d’une dénonciation officielle préalable de l’autorité du pays où le fait a été commis et qui avait requis l’extradition.

Il convient cependant d’attirer l’attention du Comité sur le fait que cette modification de l’article 113-8-1 du code pénal est sans incidence sur la mise en œuvre de la Convention, au titre de laquelle une compétence quasi universelle a été en tout état de cause instaurée par l’article 689-13 du code de procédure pénale, et cela aussi bien dans l’hypothèse de disparitions forcées commises en tant que crime «simple» qu’en tant que crime contre l’humanité.

Toutes autres sont, à l’inverse, les situations auxquelles la modification de l’article 113-8-1 du code pénal vise à répondre.

En effet, cette modification a été décidée pour répondre à certaines situations (rares) où l’extradition d’une personne poursuivie pour des faits ne relevant pas d’une clause de compétence quasi universelle avait été refusée pour des motifs autres que les trois seuls alors énumérés par cet article (contrariété de la peine à l’ordre public français, caractère politique de l’infraction, absence de garanties d’un procès équitable). Tel fut, par exemple, le cas d’une personne dont l’extradition était requise pour d’importantes escroqueries financières et qui a été refusée en raison de l’état de santé de cette personne.

C’est en ce sens que la modification de l’article 113-8-1 précité doit être conçue comme totalement indépendante des adaptations législatives apportées au code pénal et au code de procédure pénale aux fins de mise en œuvre de la Convention. Cela est d’ailleurs confirmé par l’exposé des motifs de la loi qui précise, en son point no 12, que «L ’ article 18 [modifiant l’article 113-8-1 du code pénal] permet d ’ étendre la compétence des juridictions françaises à certaines situations d ’ impunité, telles le cas où l ’ extradition d ’ une personne suspectée de faits graves (crime ou délit puni d ’ une peine supérieure à cinq ans d ’ emprisonnement) n ’ a pas été accordée en raison des conséquences d ’ une gravité exceptionnelle dues notamment, à son âge ou à son état de santé que pourrait avoir son extradition».

De même, et en troisième lieu, le Gouvernement se doit de souligner que l’article 689-11 du code de procédure pénale n’a pas été introduit dans la législation française pour répondre aux obligations de la Convention. Cette disposition, qui résulte de la loi no 2010‑930 du 9 août 2010, a en effet pour objet d’instaurer, sous certaines conditions, la compétence des juridictions françaises pour des crimes relevant de la Cour pénale internationale mais pour lesquels aucune convention spécifique ne prévoit par ailleurs de compétence quasi universelle , ce qui n’est pas le cas des disparitions forcées.

IV.Informations relatives au paragraphe 31 des observations finales

La recommandation formulée par le Comité au paragraphe 31 de ses observations finales vise tout ensemble le contrôle des mesures privatives de liberté par un magistrat du siège (a), le droit de communication des personnes privées de liberté (b) et la possibilité à ce jour jamais mise en œuvre de créer des zones d’attente ad hoc (c).

a)En ce qui concerne le droit de recours devant un juge du siège pour valider la légalité des mesures de contrainte et pour permettre aux personnes détenues d’y être présentées

Le Gouvernement français prend note de la recommandation du Comité, tout en constatant que celle-ci, sans préjudice de son opportunité, apparaît aller au-delà de ce qu’imposent les instruments internationaux auxquels la France est partie et auxquels se réfère l’article 17, paragraphe 2, de la Convention.

En particulier, l’article 5, paragraphe 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la «Convention européenne des droits de l’homme»), tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme impose le contrôle systématique de la privation de liberté par un juge jouissant de garanties d’indépendance mais seulement au-delà d’un certain délai.

Ainsi, il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et notamment de l’arrêt Brogan c. Royaume-Uni du 29 novembre 1998, que le délai de présentation à un magistrat au sens de l’article 5, paragraphe 3, ne peut, en toute hypothèse, excéder quatre jours et six heures. L’arrêt Moulin c. France du 23 novembre 2010 confirme cette jurisprudence puisqu’en l’espèce, la requérante avait fait l’objet d’une privation de liberté d’une durée légèrement supérieure à cinq jours, avant d’être présentée à un juge des libertés et de la détention.

En revanche, la Cour a estimé qu’il n’y avait pas violation de l’article 5, paragraphe 3, de la Convention européenne des droits de l’homme lorsque la comparution devant un juge survient deux jours après l’arrestation (arrêt Aquilina c. Malte du 29 avril 1999), mais aussi lorsqu’une personne gardée à vue a été présentée à un juge au terme d’un délai de 87 heures et 30 minutes (arrêt Sar et autres c. Turquie du 5 décembre 2006).

De même, dans l’observation générale no 35 portant sur l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont il a adopté une version non définitive au cours de sa 110e réunion (mars 2014), le Comité des droits de l’homme estime (par. 33) que cet article doit être interprété en ce sens que le délai dans lequel une personne privée de liberté doit être présentée à un magistrat indépendant ne devrait pas excéder «quelques jours», le Comité précisant que «tout délai supérieur à 48 heures doit demeurer exceptionnel et être justifiés par les circonstances de l’espèce».

Or, en France, une mesure de garde à vue, qui ne peut excéder 48 heures en droit commun, ne peut être prolongée au-delà de ce délai sans l’intervention d’un magistrat du siège remplissant la double condition d’indépendance posée par la CEDH: le juge des libertés et de la détention dans le cadre d’une enquête préliminaire, le juge d’instruction dans le cadre d’une information judiciaire.

En outre, la légalité des mesures de garde à vue peut être contestée puisqu’elle est soumise à l’appréciation des juges du fond, magistrats du siège, lors de la phase juridictionnelle par la voie des exceptions de nullités qui peuvent être soulevées par le prévenu ou son avocat avant toute défense au fond, en application de l’article 385 du code de procédure pénale.

Il convient également de rappeler que, depuis la loi du 14 avril 2011 portant réforme de la garde à vue, la présentation au procureur de la République de la personne gardée à vue aux fins de la prolongation de la mesure est devenue le principe auquel il ne peut être dérogé que pour des raisons exceptionnelles. Ainsi, la circulaire du Garde des Sceaux du 23 mai 2011 d’application de la loi du 14 avril 2011 précise:

« […] La présentation au procureur de la République de la personne gardée à vue devient ainsi le principe, auquel il ne peut être dérogé qu’à titre exceptionnel, quel que soit le cadre procédural : les anciennes dispositions applicables en enquête préliminaire ou sur commission rogatoire sont donc étendues à l’enquête de flagrance. Dans le cas où une présentation ne serait pas possible, le magistrat du parquet devra, dans sa décision d’autorisation de prolongation, en préciser les raisons.

Il doit être rappelé que, sous l’empire des dispositions de l’ancien article 77, la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait déjà considéré que la décision de prolongation de la garde à vue sans présentation au procureur de la République devait être écrite et motivée, faute de quoi il y avait nécessairement atteinte aux intérêts du gardé à vue sans que celui-ci ait à justifier cette atteinte […]».

En tant qu’il présente les garanties ci-dessus décrites, le régime français de la garde à vue apparaît dès lors conforme aux dispositions des instruments internationaux pertinents, y compris l’article 17, paragraphe 2 f) de la Convention.

Enfin, en réponse à la préoccupation du Comité portant sur la fréquence du recours à la garde à vue, celui-ci voudra bien se reporter aux données ci-jointes établies par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP).

Il ressort notamment de ces données une diminution des gardes à vue au cours des années récentes, de même qu’une baisse du ratio établi en rapportant le nombre de gardes à vue au nombre de personnes mis en cause, lequel est passé de 39,4 % en 2008 à 31, 2 % en 2013.

b)En ce qui concerne le droit à communiquer

S’agissant des centres de rétention administrative, le Gouvernement estime nécessaire de dissiper le malentendu qui semble entourer le droit de communication. En effet, tout étranger placé en rétention administrative le temps de l’organisation de son départ a le droit de communiquer avec l’extérieur. Dans les meilleurs délais suivant son arrivée au lieu de rétention, il est informé dans une langue qu’il comprend de son droit à demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil et d’un médecin. Il est également informé qu’il peut communiquer avec son consulat ainsi qu’avec toute personne de son choix. Ce droit à communiquer peut s’exercer dés l’arrivée en rétention et pendant toute la durée de celle-ci. Le procureur de la République ainsi que le juge des libertés et de la détention sont chargés de vérifier le respect de ces droits pendant toute la durée de la rétention en pouvant, à cet effet, se transporter sur les lieux et se faire communiquer les registres qui comportent les informations concernant les conditions de maintien.

En matière de détention provisoire, le «droit de communiquer» se décline de trois manières distinctes que sont le permis de communiquer avec un conseil (i), le permis de visite (ii) et l’accès au téléphone (iii).

i)Le permis de communiquer 

La personne mise en examen peut communiquer librement avec son avocat, verbalement ou par écrit. En aucun cas l’interdiction de communiquer ne s’applique à l’exercice des droits de la défense (art. 145-4 et D. 56 du code de procédure pénale). En effet toutes communications et toutes facilités compatibles avec les exigences de la discipline et de la sécurité de la prison sont accordées aux personnes mises en examen pour l’exercice des droits de la défense (art. 716, al. 2 du code de procédure pénale). L’avocat doit par ailleurs être doté d’un permis de communiquer pour rendre visite à son client. L’obtention de ce permis n’est soumise à aucune autre condition que le fait pour l’avocat d’avoir été effectivement désigné par son client.

Ce droit n’est pas limité dans le temps et peut être exercé dès le début de la détention.

ii)Le permis de visite 

Il incombe au magistrat «chargé du dossier de la procédure» de délivrer les permis de visite (art. R. 57-8-8 du code de procédure pénale). Les visites pour les personnes placées en détention provisoire sont au nombre de trois minimum par semaine (art. D. 410 du code de procédure pénale).

Ainsi, sous réserve des dispositions de l’article 145-4, alinéa 2 du code de procédure pénale, toute personne placée en détention provisoire peut, avec l’autorisation du juge d’instruction, recevoir des visites sur son lieu de détention. À l’expiration du délai d’un mois à compter du placement en détention, le juge d’instruction ne peut refuser de délivrer un permis de visite à une personne de la famille du détenu que par une décision écrite et spécialement motivée au regard des nécessités de l’instruction. Un recours est ouvert devant le président de la chambre de l’instruction qui statue dans un délai de cinq jours par une décision écrite et motivée non susceptible de recours.

Le permis de visite est valable jusqu’à ce que la condamnation devienne définitive et peut intervenir, en cas d’accord du magistrat en charge de la procédure, dès le début du placement en détention.

iii)L’accès au téléphone

Les personnes détenues ont le droit de téléphoner aux membres de leur famille. Elles peuvent également être autorisées à téléphoner à d’autres personnes pour préparer leur réinsertion.

Dans tous les cas, les prévenus doivent obtenir l’autorisation de l’autorité judiciaire. L’accès au téléphone peut ainsi être refusé, suspendu ou retiré, pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions et aux nécessités de l’information en application de l’article 39 de la loi no 2009-1436 du 24 novembre 2009.

L’autorisation relève du magistrat en charge de la procédure (art. R.57-8-21 du décret du 23 décembre 2010). Certains juges d’instruction demandent au détenu de leur communiquer la facture de téléphone de la personne qu’il veut appeler, la photocopie de la carte d’identité de cette personne ainsi que l’autorisation écrite de cette personne de recevoir les communications du détenu. Le détenu peut en revanche librement téléphoner à son avocat lequel est dorénavant autorisé à entrer en détention avec un dictaphone et un ordinateur portable professionnel.

Ce droit n’est subordonné à aucune condition de délai et peut être exercé dès le début de la détention.

c)En ce qui concerne les zones d’attente ad hoc

La loi du 16 juin 2011 a complété l’article L.221-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en prévoyant que: «Lorsqu’il est manifeste qu’un groupe d ’ au moins dix étrangers vient d’arriver en France en dehors d’un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d ’ au plus dix kilomètres, la zone d’attente s’étend pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu’au point de passage frontalier le plus proche».

Cette disposition qui autorise dans des cas exceptionnels la création d’une zone d’attente ad hoc à proximité du lieu de débarquement vise à adapter la législation à des situations exceptionnelles qui peuvent se produire aux frontières extérieures terrestres en leur donnant un encadrement juridique.

Comme l’a relevé le Comité, elle n’a, à ce jour, jamais reçu application.

Les conditions de mise en œuvre de ce dispositif sont très encadrées et, en tout état de cause, les étrangers qui pourraient en faire l’objet bénéficieraient de l’intégralité des droits et garanties conférés par la loi aux étrangers placés en zone d’attente. Les exigences du droit d’asile seraient elles-mêmes pleinement respectées et les demandes d’asile formées dans de telles circonstances examinées dans le respect de l’ensemble des garanties prévues par la loi (audition par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, décision prise par le ministre susceptible d’un recours pleinement suspensif devant le juge administratif).

Il importe en particulier de relever qu’au nombre des garanties reconnues aux personnes qui pourraient se trouver placées dans une zone d’attente ad hoc figureraient, en particulier, la faculté de saisir de façon directe et par tout moyen le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou le Défenseur des droits.

V.Informations relatives aux recommandations formulées au paragraphe 35 des observations finales

S’agissant, en premier lieu, de la définition de la victime au sens de l’article 24, paragraphe 1, de la Convention, il convient de souligner que la jurisprudence des juridictions pénales françaises fait une application extrêmement large de la notion de victime, en y incluant tous les proches de la victime directe, que celle-ci soit ou non décédée, et en admettant par surcroît la recevabilité de leur action quand bien même le préjudice n’est pas démontré mais simplement allégué. Sont ainsi considérés comme victimes les grands-parents (Cass crim , 16 juin 1998), les concubins (Cass crim , 8 janvier 1985), les tantes et grandes-tantes (Cass crim, 23 juin 2010).

La condition tenant au préjudice personnel est ainsi aisément remplie dès lors qu’il existe des liens familiaux ou simplement affectifs entre la victime directe de l’infraction et son proche qui invoque également la qualité de victime.

A contrario, le Gouvernement français se doit de faire part au Comité de sa perplexité quant à l’hypothèse que les auteurs de la Convention aient entendu définir comme «victime» une personne dont le préjudice, tout en étant direct, serait néanmoins «impersonnel».

S’agissant, en deuxième lieu, du droit des victimes à connaître la vérité sur les circonstances de la disparition forcée, l’article 24, paragraphe 2, de la Convention, fait obligation aux États de «prendre les mesures appropriées à cet égard», en leur laissant le soin de prévoir les modalités d’exercice de ce droit.

En droit français, les victimes ont le droit de se constituer partie civile. En application des articles 53-1, 75, 80-3, 90-1, 114 et 183 du code de procédure pénale, elles reçoivent des informations sur l’affaire et ont le droit d’avoir une copie de toutes les pièces du dossier, de solliciter des actes d’enquête (auditions de témoins, confrontations, perquisitions, expertises médicales, génétiques, informatiques, etc.) et de faire appel de certaines décisions (ordonnances de non-lieu, ordonnances de refus de procéder à des actes d’enquête, etc.).

Ces dispositions les mettent ainsi en mesure d’exercer leur droit de savoir la vérité.

Par ailleurs, le projet de loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, en cours d’examen devant le Parlement, prévoit que les parties civiles puissent avoir un accès au dossier directement, sans l’intermédiaire d’un avocat.

S’agissant, en troisième lieu, de l’élargissement des formes de réparation, notamment la restitution, la réadaptation, la satisfaction et les garanties de non-répétition, en conformité avec l’article 24, paragraphe 5, de la Convention, il convient de noter que la «restitution» paraît difficilement concevable dans les affaires de disparitions forcées.

En tout état de cause les victimes peuvent obtenir la restitution des objets placés sous scellés dans le cadre d’une procédure pénale.

Par ailleurs, outre l’indemnisation financière prévue à l’article 2 du code de procédure civile et aux articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale, la victime peut également être prise en charge par une association d’aide aux victimes conformément à l’article 41 du code de procédure pénale, afin d’obtenir des conseils et une prise en charge psychologique, le cas échéant par renvoi auprès des services compétents.

Ces associations, dont le nombre s’établit à 167, proposent aux victimes une prise en charge pluridisciplinaire gratuite et confidentielle incluant une écoute privilégiée, une information sur leurs droits, un accompagnement social, ainsi qu’une aide d’urgence et un soutien spécialisé pour les personnes particulièrement vulnérables ou fragilisées.

Elles bénéficient d’un financement de la part de l’État dans le cadre de conventions passées avec les cours d’appel.

Enfin, il y a lieu de noter que des expériences de justice restaurative sont également menées en France, notamment sous la forme de rencontres entre auteurs et victimes comme il s’est produit récemment à la maison centrale de Poissy entre trois personnes condamnées pour meurtre et les proches de leurs victimes.

De telles expériences de justice restaurative, quand bien même aucune n’a, à ce jour, impliqué des auteurs ou victimes de disparitions forcées, ne peuvent que participer dans leur principe même aux objectifs de réadaptation, de satisfaction et de non-répétition des faits visés à l’article 24, paragraphe 5, de la Convention.