Nations Unies

CED/C/FRA/AI/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

24 juillet 2019

Original : anglais/français

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Dix-septième session

30 septembre-11 octobre 2019

Point 7 de l’ordre du jour provisoire

Examen des rapports des États parties à la Convention

Renseignements complémentaires soumis par la France en application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention *

[Date de réception : 18 avril 2019]

Introduction

A.Élaboration du rapport

1.À l’issue de l’examen du rapport présenté par la France (CED/C/FRA/1) en application de l’article 29 § 1 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ci-après la « Convention ») les 11 et 12 avril 2013, au cours de ses 46e et 47e séances, le Comité des disparitions forcées (ci-après le « Comité ») a adopté ses observations finales le 19 avril 2013, au cours de sa 57e séance (CED/C/FRA/CO/1).

2.Le Gouvernement français a répondu le 18 avril 2014 à la demande d’informations à produire dans le délai d’une année sur la mise en œuvre des recommandations du Comité exprimées dans les paragraphes 23, 31 et 35 de ses observations finales (CED/C/FRA/CO/1/Add.1). Le Comité a évalué la mise en œuvre de ces trois recommandations prioritaires au cours de sa 7ème session du 15 au 26 septembre 2014, faisant l’objet du rapport de suivi CED/C/7/2.

3.Conformément à l’article 29, paragraphe 4, de la Convention, le Comité a demandé dans ses observations finales au Gouvernement français de soumettre au plus tard le 19 avril 2019 des informations concrètes et à jour sur la mise en œuvre de toutes les recommandations et tout autre renseignement nouveau sur le respect des obligations contenues dans la Convention.

4.Le présent rapport répond à cette demande. La participation de la société civile a été assurée par la consultation de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur les éléments de ce rapport. Conformément aux dispositions de l’article 1er du décret no 2007-1137 du 26 juillet 2007 relatif à sa composition et à son fonctionnement, la CNCDH « favorise la concertation entre les administrations, les représentants des différents courants de pensée de la société civile et des différentes organisations et institutions non gouvernementales intéressées » et «contribue à la préparation des rapports que la France présente devant les organisations internationales, en application de ses obligations conventionnelles dans le domaine des droits de l’homme ».

5.Le Gouvernement français, en conformité avec les exigences du document de base commun suivant les directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, a transmis le 3 novembre 2017 la version actualisée du document de base relatif à la France (HRI/CORE/FRA/2017).

B.Cas de disparitions forcées ou involontaires en France et applications des dispositions portant prévention et répression de ce crime

6.À la date du 8 janvier 2019, 17 procédures (enquêtes préliminaires et informations judiciaires confondues) sont en cours au sein du pôle crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre du tribunal de grande instance de Paris sous la qualification de disparitions forcées dont trois qualifiées de crimes contre l’humanité. Sur ces 17 procédures, 13 l’ont été en mettant en œuvre l’article 689-13 du Code de procédure pénale, une en vertu de la compétence personnelle active et trois en application de l’article 689-11 du Code de procédure pénale.

C.Promotion de la Convention

7.La France, conjointement avec l’Argentine, a lancé en avril 2018 une nouvelle campagne en faveur de la ratification universelle de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en appelant tous les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la Convention et à reconnaître la compétence du Comité des disparitions forcées.

Mise en œuvre des recommandations contenues dans les observations finales du CED (CED/C/FRA/CO/1)

Réponse au paragraphe 11 des observations finales

8.Introduit par l’article 15 de la loi no 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France, visant à mettre le dispositif législatif français en conformité avec la Convention, le crime de disparition forcée est prévu par l’article 221-12 du Code pénal. Cet article dispose que : « Constitue une disparition forcée l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté d’une personne, dans des conditions la soustrayant à la protection de la loi, par un ou plusieurs agents de l’État ou par une personne ou un groupe de personnes agissant avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement des autorités de l’État, lorsque ces agissements sont suivis de sa disparition et accompagnés soit du déni de la reconnaissance de la privation de liberté, soit de la dissimulation du sort qui lui a été réservé ou de l’endroit où elle se trouve. La disparition forcée est punie de la réclusion criminelle à perpétuité ».

9.Par ailleurs, l’article 212-1 du Code pénal prévoit que lorsque les disparitions forcées sont commises « en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique », elles sont constitutives de crime contre l’humanité, conformément à l’article 5 de la Convention et à l’article 7 du traité de Rome du 17 juillet 1998 portant statut de la Cour pénale internationale.

10.Ces modifications de mise en conformité du Code pénal avec la Convention ont été présentées par la circulaire du 19 décembre 2013 relative à la présentation des dispositions de droit pénal de la loi no 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France.

11.Si le texte ne prévoit pas de manière explicite qu’aucune circonstance exceptionnelle – qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception – ne peut être invoquée pour justifier le crime de disparition, il convient de rappeler que ces circonstances exceptionnelles ne sont pas mentionnées au titre des causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de responsabilité prévues aux articles 122-1 et suivants du Code pénal consacrés aux causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité. Or la loi pénale est d’appréciation stricte (art. 111-4 du Code pénal). Dès lors, aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la disparition forcée. L’article 1-2 de la Convention est ainsi respecté.

Réponse au paragraphe 13 des observations finales

12.Le crime de disparition forcée est bien prévu de manière autonome par l’article 221‑12 du Code pénal introduit par la loi no 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France qui dispose : « Constitue une disparition forcée l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté d’une personne, dans des conditions la soustrayant à la protection de la loi, par un ou plusieurs agents de l’État ou par une personne ou un groupe de personnes agissant avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement des autorités de l’État, lorsque ces agissements sont suivis de sa disparition et accompagnés soit du déni de la reconnaissance de la privation de liberté, soit de la dissimulation du sort qui lui a été réservé ou de l’endroit où elle se trouve. La disparition forcée est punie de la réclusion criminelle à perpétuité ». L’ensemble des éléments constitutifs de la définition du crime de disparition forcée prévue par la Convention sont ainsi présents dans la définition prévue par le Code pénal.

Réponse au paragraphe 15 des observations finales

13.L’article 212-1 du Code pénal dispose que « constitue également un crime contre l’humanité et est puni de la réclusion criminelle à perpétuité l’un des actes ci-après commis en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique (…) 9° la disparition forcée ».

14.Si dans l’article 7 du statut de la Cour pénale internationale le plan concerté ne figure pas parmi les éléments constitutifs, il est conçu en droit interne comme un élément contextuel dans lequel s’inscrivent les faits et l’attaque commise. Cet élément contextuel est requis s’agissant de la caractérisation de l’ensemble des crimes contre l’humanité.

Réponse au paragraphe 17 des observations finales

15.L’article 221-13 du Code pénal introduit par la loi no 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France dispose qu’est « considéré comme complice d’un crime de disparition forcée mentionné par l’article 221-12 commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectif le supérieur qui savait, ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui indiquaient clairement que ses subordonnés commettaient, ou allaient commettre un crime de disparition forcée et qui n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête ou de poursuite, alors que ce crime était relié à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs ».

16.Il existe pour le crime contre l’humanité de disparition forcée (ainsi que pour tous les autres crimes contre l’humanité) un texte spécifique édictant des règles similaires dérogatoires en matière de complicité, l’article 213-4-1 du Code pénal.

17.L’article 221-13 du Code pénal, prenant en compte la complicité passive ou par abstention en matière de disparition forcée, répond aux attentes de la Convention dont l’article 6 demande aux États parties de tenir pour pénalement responsable « le supérieur qui savait que des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectif commettaient ou allaient commettre un crime de disparition forcée ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui l’indiquaient clairement » ; (art. 6, 1, b, i), « exerçait sa responsabilité et son contrôle effectif sur les activités auxquelles le crime de disparition forcée était lié » et ; (art. 6, 1, b, ii), « n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour empêcher ou réprimer la commission d’une disparition forcée ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites » (art. 6, 1, b, iii).

18.Par ailleurs, le complice étant « puni comme auteur » (art. 121-6 du Code pénal), il encourt donc les mêmes peines, tant principale que secondaires, que l’auteur d’un crime de disparition forcée.

Réponse au paragraphe 19 des observations finales

19.Si le Code pénal français ne connaît plus de dispositif de circonstances atténuantes depuis 1994, l’article 132-78 du Code pénal prévoit un dispositif d’exemption de peine pour la personne qui a tenté de commettre un crime ou un délit, lorsque cette personne, en avertissant l’autorité administrative ou judiciaire, a permis d’éviter la réalisation de l’infraction et, le cas échéant, d’identifier les autres auteurs ou complices. Cet article prévoit également un dispositif de réduction de peine pour la personne ayant commis un crime ou un délit qui, en avertissant l’autorité administrative ou judiciaire, a permis de faire cesser l’infraction, d’éviter que l’infraction ne produise un dommage ou d’identifier les autres auteurs ou complices. Le même dispositif de réduction de peine est prévu pour la personne qui a commis un crime ou un délit, lorsque cette personne a permis soit d’éviter la réalisation d’une infraction connexe de même nature que le crime ou le délit pour lequel elle était poursuivie, soit de faire cesser une telle infraction, d’éviter qu’elle ne produise un dommage ou d’en identifier les auteurs ou complices.

20.Cependant, le crime de disparition forcée ne fait actuellement pas partie des 32 infractions qui permettent l’application de ce dispositif.

21.Un groupe de travail vient d’être installé par le ministère de la Justice (Direction des affaires criminelles et des grâces – DACG) afin de rendre ce dispositif plus cohérent et efficace, et des réflexions se tiendront dans ce cadre sur son éventuelle application aux crimes de disparitions forcées. La première réunion de ce groupe de travail a eu lieu le 14 décembre 2018. Une deuxième réunion s’est tenue en février et la troisième le 29 mars 2019.

Réponse au paragraphe 21 des observations finales

Sur le délai de prescription pénale et son point de départ

22.L’article 7 du Code de procédure pénale fixe la durée du délai de prescription de l’action publique à trente ans et prévoit que la disparition forcée constitutive d’un crime contre l’humanité est imprescriptible.

23.Le crime de disparition forcée étant une infraction continue, le point de départ du délai de prescription de l’action publique est le jour où cesse la disparition, c’est-à-dire le jour où la victime réapparaît ou que son décès est établi, conformément à l’article 8 b) de la Convention.

Sur le délai de prescription pour la réparation civile

24.Aux termes de l’article 10 alinéa 1er du Code de procédure pénale, l’action civile tendant à réparer un dommage trouvant son origine dans une infraction pénale se prescrit selon les règles de l’action publique, lorsqu’elle est exercée devant la juridiction pénale. L’action civile en réparation profite donc, dans ce cas, de la durée de la prescription de l’action publique.

25.Ainsi, l’action en réparation civile du crime de disparition forcée exercée devant les juridictions pénales se prescrit également par 30 ans.

26.Ce n’est que si cette action en réparation est exercée par la victime séparément de l’action publique, devant les juridictions civiles, qu’elle se prescrit selon les règles du Code civil : le délai de prescription est alors effectivement de 5 ans à partir du jour où la victime a eu connaissance des faits (art. 2224 du Code civil) et de 10 ans lorsque le fait a entraîné un dommage corporel, délai courant à compter de la consolidation du dommage (art. 2226 du Code civil).

27.Mais la victime peut, en optant pour la voie pénale, bénéficier de la prescription de 30 ans pour son action en réparation civile.

28.Le délai est donc plus protecteur encore que celui applicable au crime de torture et actes de barbarie pour lequel l’action publique, et donc l’action civile exercée devant le juge pénal, se prescrivent par 20 ans (art. 7 du Code de procédure pénale).

Réponse au paragraphe 23 des observations finales

« Évaluation du Comité (2014) :

[A] : Le Comité accueille avec satisfaction l’introduction dans le Code de procédure pénale de l’article 689-13, ainsi que l’affirmation faite par l’État partie selon laquelle, compte tenu de cette nouvelle disposition, les tribunaux français peuvent exercer leur juridiction qu’une demande d’extradition ait ou non été soumise. Le Comité souhaiterait que l’État partie lui communique des renseignements sur la mise en œuvre de cette disposition dans la pratique lorsqu’il lui soumettra des informations conformément au paragraphe 43 de ses précédentes observations finales (CED/C/FRA/CO/1). ».

29.Sur les 17 procédures ouvertes du chef de disparition forcée au sein du pôle spécialisé de Paris (cf. supra paragraphe 6), 13 l’ont été en mettant en œuvre l’article 689-13 du Code de procédure pénale sur la compétence extraterritoriale des juridictions françaises en matière de disparition forcée. Sur le fondement de cet article, les personnes qui ont commis des infractions de disparition forcée (constitutives ou non d’un crime contre l’humanité) hors du territoire de la République française, peuvent être poursuivies et jugées par les juridictions françaises si ces personnes se trouvent en France.

30.L’introduction de l’article 689-13 du Code de procédure pénale met ainsi la loi française en conformité avec la Convention en permettant la compétence de l’État français indépendamment de l’existence d’une demande d’extradition soumise au préalable à l’encontre du suspect et dans les conditions prévues à l’article 11 de la Convention précitée.

Réponse au paragraphe 25 des observations finales

S’agissant de la déclaration concernant la juridiction militaire

31.En temps de paix, il n’existe pas, en France, de juridiction militaire. Dès lors, les militaires mis en cause pour des faits susceptibles d’être qualifiés de disparition forcée au sens de l’article 221-12 du Code pénal commis dans l’exercice du service, relèvent, en temps de paix de la compétence des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire en application de l’article 697-1 du Code de procédure pénale.

32.Il s’agit de juridictions « civiles », qui appliquent les règles de procédure pénale de droit commun et sont spécialisées dans ce contentieux. Certaines dispositions de procédure spécifiques y sont applicables. C’est le cas de la dénonciation des faits ou de la demande d’avis du ministre chargé de la défense ou de l’autorité militaire habilitée par lui qui doit être réalisée avant la mise en mouvement de l’action publique, excepté en cas de crime ou de délit flagrant (art. 698-1 du Code de procédure pénale). C’est également le cas de l’impossibilité pour une victime de mettre en mouvement l’action publique par une constitution de partie civile pour les faits commis en opérations extérieures. En effet, ces faits relèvent du monopole de la mise en mouvement de l’action publique par le parquet (art. 698-2 alinéa 2 du Code de procédure pénale) ce qui assure la prise en compte de la spécificité des missions et des aspects militaires des affaires qu’elles ont à connaître.

33.En situation de crise (état de siège) ou de guerre, cas où les juridictions militaires seraient rétablies, si un militaire était mis en cause pour des faits susceptibles d’être qualifiés de disparition forcée, le traitement de cette procédure relèverait de la compétence de ces juridictions militaires.

Sur l’absence de saisine d’un corps de police soupçonné du crime de disparition forcéeà la conduite de l’enquête

34.La police judicaire est exercée en France sous la direction du procureur de la République (art. 12 du Code de procédure pénale). Elle est placée, dans chaque ressort de cour d’appel, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l’instruction (art. 13 du Code de procédure pénale).

35.La police judiciaire agit ainsi dans le cadre des enquêtes judiciaires sous l’autorité et le contrôle de l’autorité judiciaire. Elle ne s’autosaisit pas des procédures. C’est le magistrat directeur d’enquête qui lui confie la charge des investigations. Par ailleurs, le procureur de la République (pour les enquêtes préliminaires et de flagrance) et le juge d’instruction (pour les informations judiciaires) saisissent librement les services auxquels ils souhaitent confier des investigations, et ce sur l’ensemble du territoire national (art. 41 du Code de procédure pénale).

36.Aux termes de l’article 43 alinéa 2 du Code de procédure pénale « Lorsque le procureur de la République est saisi de faits mettant en cause, comme auteur ou comme victime, un magistrat (…), un fonctionnaire de la police nationale (…) ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public qui est habituellement, de par ses fonctions ou sa mission, en relation avec les magistrats ou fonctionnaires de la juridiction, le procureur général peut, d’office, sur proposition du procureur de la République et à la demande de l’intéressé, transmettre la procédure au procureur de la République auprès du tribunal de grande instance le plus proche du ressort de la cour d’appel. Si la personne en cause est en relation avec des magistrats ou fonctionnaires de la cour d’appel, le procureur général peut transmettre la procédure au procureur général près la cour d’appel la plus proche, afin que celui-ci la transmette au procureur de la République auprès du tribunal de grande instance le plus proche. Cette juridiction est alors territorialement compétente pour connaître l’affaire (...) ».

37.Dans ces conditions, un magistrat (procureur de la République ou juge d’instruction) qui dirige l’enquête judiciaire ne pourrait assurément pas confier celle-ci à un service de police qui serait lui-même soupçonnée du crime de disparition forcée. Cela d’autant plus que le Code de procédure pénale prévoit d’autres garde-fous tels que, notamment, l’article 83-1 qui dispose que « lorsque la gravité ou la complexité de l’affaire le justifie, l’information peut faire l’objet d’une co-saisine ». En outre, l’article 39-3 alinéa 2 du Code de procédure pénale dispose que le procureur de la République « veille à ce que les investigations tendent à la manifestation de la vérité et qu’elles soient accomplies à charge et à décharge, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée ».

Sur la compétence du pôle judiciaire spécialisé

38.La loi no 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles a créé, au sein du tribunal de grande instance de Paris, un pôle judiciaire spécialisé en matière de crimes contre l’humanité, génocides, crimes et délits de guerre. Il est également compétent s’agissant des crimes de torture pour lesquels les juridictions françaises sont compétentes (art. 628-10 du Code de procédure pénale).

39.Le pôle spécialisé est donc compétent uniquement pour les disparitions forcées qualifiées de crimes contre l’humanité, cette compétence ne faisant pas obstacle à la compétence des tribunaux territorialement compétents en application des dispositions des articles 43 et 52 du Code de procédure pénale.

40.Cependant, a été récemment adoptée par l’Assemblée nationale la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui modifie entre autres l’article 628-10 du Code de procédure pénale. La loi créé un parquet national disposant d’une compétence en matière, d’une part, de terrorisme et, d’autre part, de crimes contre l’humanité, de crimes et délits de guerre, mais également de tortures et de disparitions forcées. Elle prévoit également que le pôle spécialisé du tribunal de grande instance de Paris sera compétent en matière de disparitions forcées, comme il l’est actuellement pour les crimes contre l’humanité, les crimes et délits de guerre et les crimes de tortures. La nouvelle version de l’article 628-10 du Code de procédure pénale ainsi modifiée entrera en vigueur « à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2020 ».

Sur le droit de contester la décision du procureur de classement sans suite

La contestation de la décision par voie hiérarchique

41.L’article 40-2 du Code de procédure pénale prévoit que lorsque le procureur décide de classer sans suite une procédure, il avise les plaignants de sa décision en indiquant les raisons juridiques ou l’opportunité qui la justifient. L’article 40-3 du même code dispose en outre que « toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République peut former un recours auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite prise à la suite de cette dénonciation ». Le procureur général peut alors enjoindre au procureur de la République d’engager des poursuites. Si en revanche il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé.

La contestation de la décision par constitution de partie civile

42.Conformément aux dispositions de l’article 85 du Code de procédure pénale, toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d’instruction. Les juridictions françaises se prononcent alors sur leur compétence qu’elles peuvent retenir en raison de la nationalité française de l’auteur ou du complice du crime de disparition forcée ou de la victime.

43.Par ailleurs, s’agissant du crime de disparitions forcées autonome non constitutif de crime contre l’humanité, en application des articles 689-13 et 689-1 du Code de procédure pénale qui prévoient l’application d’une compétence universelle (auteur de nationalité étrangère, faits commis à l’étranger sur victimes étrangères mais présence en France de l’auteur), une plainte avec constitution de partie civile peut également être déposée de ce chef devant le juge d’instruction.

44.S’agissant en revanche du crime de disparitions forcées constitutif de crime contre l’humanité, le parquet dispose du monopole des poursuites en application de l’article 689-11 du Code de procédure pénale. Les restrictions légales apportées à la mise en mouvement de l’action publique trouvent leur cohérence dans le champ déjà très restreint de la mise en œuvre des dispositions de l’article 689-11. En effet, celles-ci ne sont susceptibles d’être actionnées que pour des faits commis à l’étranger par un auteur étranger, au préjudice de victimes dont aucune n’est française, en l’absence de demande d’extradition, en l’absence de dénonciation officielle, en l’absence de poursuite par la Cour pénale internationale et en l’absence d’applicabilité d’autres cas de compétence quasi universelle tels que des poursuites pour torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Réponse au paragraphe 27 des observations finales

45.À titre liminaire, il convient de préciser que la législation française prohibe le refoulement mais ne fait pas de référence expresse au risque de disparition forcée.

46.Toutefois, dans le cadre des obligations de la France en tant qu’État partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), un ressortissant étranger ne peut être éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu’il y est exposé à des traitements contraires aux dispositions de l’article 3 de la Convention. Or il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme que la disparition forcée est constitutive d’une atteinte tant aux dispositions de l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui protège le droit à la vie, qu’aux dispositions de son article 3 qui interdit la torture et les traitements inhumains ou dégradants (CEDH, Grande Chambre, 18 septembre 2009, Varnava et autres c. Turquie – no 16064/90, 16065/90, 16066/90 et al.). Cette obligation est reprise dans la législation française, par l’intermédiaire de l’article L.513-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui protège ainsi de manière effective les étrangers contre un renvoi dans un pays où ils risquent de faire l’objet d’une disparition forcée.

47.En outre, le respect du principe de non-refoulement est assuré en droit français conformément à l’article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 (voir notamment les articles L.711-1 et suivants et l’article L.743-2 du CESEDA). Les autorités françaises s’assurent donc de ne pas expulser ou ne pas refouler, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. Ainsi, s’il est établi que le ressortissant étranger est susceptible d’être victime d’une disparition forcée, il bénéfice de cette protection. Si le risque de disparition forcée est invoqué devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et que la demande d’asile est malgré tout rejetée, ce risque peut à nouveau être invoqué devant la Cour nationale du droit d’asile. Les craintes de disparition forcée peuvent donc être invoquées et le cas échéant justifier l’octroi de la protection à tous les stades de la procédure.

48.Par ailleurs, la France assure un droit de recours effectif aux personnes qui, ayant demandé l’asile à la frontière, se sont vues opposer une décision de refus d’entrée au titre de l’asile suite à un avis négatif de l’OFPRA (art. L.213-9 du CESEDA), en conformité avec l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui exige une effectivité du recours. En effet, le recours en annulation de la décision de refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile, formée devant le tribunal administratif, a un caractère pleinement suspensif, de telle sorte que le ressortissant étranger ne puisse être réacheminé dans son pays d’origine tant que le délai de recours de 48 heures n’est pas expiré ou tant que le juge, s’il a été saisi, n’a pas statué, dans le délai de 72 heures qui lui est imparti pour ce faire (art. L.213-9 alinéa 7 du CESEDA). 

49.En outre, l’article L.213-9 prévoit que le ressortissant étranger qui fait l’objet d’un refus d’entrée peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné le concours d’un interprète et la désignation d’un conseil juridique.

50.Ce dispositif a d’ailleurs été validé par le Conseil d’État qui a jugé que le délai de recours (48 h) ouvert contre cette décision n’était pas incompatible, au regard de l’accompagnement dont bénéficient les demandeurs d’asile à la frontière, avec l’exercice effectif de leur droit au recours (CE 29 avril 2013, ANAFE, no 357848).

51.Enfin, il convient d’indiquer que depuis la loi du 29 juillet 2015, le recours formé devant la Cour nationale du droit d’asile contre la décision de rejet de la demande d’asile par l’OFPRA présente un caractère suspensif, y compris dans les cas de placement en procédure accélérée (art. L.743-1 du CESEDA). La seule conséquence pratique du placement en procédure accélérée est que la Cour nationale du droit d’asile doit se prononcer à juge unique, non dans un délai de cinq mois, mais dans un délai de cinq semaines (art. L.731-2 CESEDA). Le demandeur dispose par ailleurs d’un délai de recours d’un mois également suspensif.

52.Par dérogation à l’article L.743-1 du CESEDA, le recours devant la Cour nationale du droit d’asile n’a pas un caractère automatiquement suspensif pour certaines catégories de demandeurs d’asile, limitativement énumérées par le CESEDA dans sa rédaction résultant de la loi du 10 septembre 2018 (demandeurs originaires de pays d’origine sûrs, certains cas de réexamen, demandeurs dont la présence constitue une menace grave pour l’ordre public), sous réserve toutefois du respect des stipulations de l’article 33 de la Convention de Genève de 1951 et de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Le CESEDA prévoit que ces personnes ont la possibilité, à l’occasion du recours formé contre la décision d’éloignement elle-même, de demander au juge de rétablir le caractère suspensif du recours formé devant la Cour nationale du droit d’asile. Dans ce cas, le juge administratif peut ordonner la suspension de l’obligation de quitter le territoire français s’il estime que le demandeur présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d’asile, son maintien sur le territoire durant l’examen de son recours devant la Cour nationale du droit d’asile (art. L.743-3 du CESEDA). Il convient de préciser sur ce point que la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier - substituant la directive 2005/85/CE laquelle avait été interprétée par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE, Grande chambre, 19 juin 2018, S. Gnandi c. Belgique, C-181/16) – n’impose pas que ce soit le juge de l’asile qui connaisse d’une telle demande de suspension lorsque le droit au maintien a pris fin à la décision de l’OFPRA, mais seulement une autorité juridictionnelle (en France, le juge administratif).

Réponse au paragraphe 29 des observations finales

En ce qui concerne les causes éventuelles du retard de communication de la capture ou de la rétention des personnes à la chaîne hiérarchique

53.Les forces armées françaises rendent immédiatement compte à la chaîne hiérarchique de toute capture effectuée lors de leur intervention dans un contexte de conflit armé. Dans de rares hypothèses liées aux situations opérationnelles rencontrées, ce compte rendu peut être temporairement différé en raison d’une impossibilité matérielle, de la nécessité d’assurer la sécurité de la personne capturée et de la force ou de la réussite de la mission en cours.

En ce qui concerne l’application des garanties de la Convention aux personnes privées de liberté lors d’un conflit armé

54.Sur les théâtres d’opérations extérieures, les forces armées françaises peuvent être amenées à capturer et retenir des personnes pour des raisons impérieuses de sécurité de la force ou de la population civile en lien avec le conflit armé. Ce processus est strictement encadré afin d’écarter tout risque d’arbitraire dans le traitement des personnes retenues.

55.Ainsi, la personne capturée est informée au plus vite des motifs justifiant sa privation de liberté et de son statut. Elle est enregistrée et retenue dans un lieu officiellement reconnu. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est également informé de la capture dans les plus brefs délais et assure le maintien des liens familiaux en informant la famille de la personne capturée, à moins que cette dernière n’y consente pas. Les représentants du CICR disposent également d’un droit d’accès aux personnes retenues avec lesquelles ils peuvent s’entretenir en privé.

56.La situation des personnes capturées fait l’objet d’un réexamen à intervalle régulier par la chaîne de commandement. Les périodes de rétention successives sont autorisées par des niveaux hiérarchiques différents et de plus en plus élevés qui doivent préciser explicitement les raisons justifiant le maintien de la rétention.

57.Par ailleurs, si la personne capturée décède lors de la rétention ou de la phase de transfert, les forces armées communiquent aux autorités locales ou au CICR les informations nécessaires qui permettront aux proches de la personne décédée de connaître le sort de cette dernière.

En ce qui concerne l’établissement d’un protocole pour assurer un transfert de détenus entre États en pleine conformité avec le droit international

58.Le transfert de personnes capturées par les forces armées françaises vers les autorités d’États tiers s’effectue en conformité avec les engagements internationaux de la France, dont la Convention.

59.Dès lors, avant de procéder à tout transfert d’une personne capturée par les forces armées françaises, les autorités françaises s’assurent d’avoir obtenu des garanties suffisantes auprès des autorités des États concernés, que les personnes qui leurs seront remises ne courent pas un risque de disparition forcée. Ainsi, les accords relatifs au statut des détachements français (SOFA) au Mali et en République centrafricaine contiennent des stipulations visant à écarter d’éventuels risques de disparition forcée en cas de transfert.

60.Par ces accords, les autorités maliennes et centrafricaines se sont notamment engagées à tenir un registre consignant des informations relatives à chacune des personnes remises (identité, date du transfert, lieu de détention, état de santé de la personne remise). Ce registre est consultable par les Parties, le CICR ou, le cas échéant, par tout autre organisme compétent en matière de droit de l’homme.

61.En outre, le transfert à une tierce partie des personnes remises est prohibé sans l’accord préalable des autorités françaises. Il s’agit ainsi de prévenir un risque de refoulement « par ricochet » qui, sans évaluation préalable des risques encourus, pourrait conduire à des violations des droits fondamentaux de la personne, dont des disparitions forcées.

62.Par ailleurs, ces accords garantissent à la Partie française et au CICR un droit d’accès permanent aux lieux de détention ainsi que la possibilité de s’entretenir sans témoin avec les personnes remises. Sur cette base, un conseiller juridique des forces armées françaises, ou son représentant, parfois accompagné d’un personnel du service de santé des armées rend régulièrement visite aux personnes remises pour s’assurer du respect effectif des garanties prévues dans ces accords.

Réponse au paragraphe 31 des observations finales

« Évaluation du Comité (2014) :

[B] : En ce qui concerne le régime de la garde à vue, le Comité rappelle sa recommandation et demande à l’État partie, lorsqu’il lui soumettra des renseignements conformément au paragraphe 43 de ses précédentes observations finales (CED/C/FRA/CO/1), d’apporter des renseignements supplémentaires sur le droit de recours devant un juge du siège pour valider la légalité des mesures de contrainte et pour permettre aux personnes détenues de se présenter devant le tribunal.

[C] : En ce qui concerne le droit de communiquer, le Comité prend note des renseignements fournis, en particulier au sujet des étrangers placés en rétention administrative, mais considère que sa recommandation tendant à ce que toute personne en détention provisoire ou rétention administrative ait le droit de communiquer avec le monde extérieur et à ne pas limiter ce droit pendant une période excédant quarante-huit heures n’a pas été mise en œuvre puisque, selon les renseignements reçus, l’article 145-4 du Code pénal prévoit encore que le droit de toute personne en détention provisoire ou en rétention administrative de communiquer avec le monde extérieur peut être limité pour une période pouvant aller jusqu’à vingt jours. Le Comité réitère sa recommandation et demande à l’État partie de lui communiquer des renseignements sur les mesures prises pour la mettre en œuvre, lorsqu’il lui soumettra des renseignements conformément au paragraphe 43 de ses précédentes observations finales (CED/C/FRA/CO/1).

[C] : En ce qui concerne les zones d’attente ad hoc, le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie, mais considère que sa recommandation tendant à l’abrogation de l’article L221-2 du CESEDA dans la version introduite par la loi du 16 juin 2011 n’a pas été mise en œuvre. Le Comité réitère sa recommandation et demande à l’État partie de lui communiquer des renseignements sur les mesures prises pour la mettre en œuvre, lorsqu’il lui soumettra des informations conformément au paragraphe 43 de ses précédentes observations finales (CED/C/FRA/CO/1). ».

63.Dans le cadre de l’enquête diligentée sous l’autorité du parquet, en préliminaire comme en flagrance, la garde à vue peut être prolongée par le magistrat du parquet en charge de l’enquête. Il faut pour cela une autorisation écrite et motivée du magistrat. Des conditions tenant à la nature de l’infraction pour laquelle la garde est vue est prise sont également requises puisque la peine encourue doit être supérieure ou égale à un an.

64.S’agissant du placement en rétention de ressortissants étrangers en situation irrégulière, il convient d’indiquer que, depuis la loi du 7 mars 2016, le juge des libertés et de la détention (JLD), magistrat du siège, se prononce sur la prolongation de la mesure de placement après les 48 premières heures (et non plus les 5 premiers jours), et que le ressortissant étranger a la possibilité de le saisir à tout moment de la rétention. En outre, en application de l’article L.551-2 du CESEDA, les retenus disposent de toutes les garanties requises et peuvent faire valoir leurs droits (assistance juridique, interprétariat, conditions matérielles de rétention, contact avec les autorités consulaires …).

65.Ce contrôle de la rétention par le JLD comprend :

•Le contrôle des conditions de l’interpellation ;

•Le contrôle des conditions de déroulement de la rétention administrative (notification des droits, contrôle des diligences de l’administration en vue de son éloignement) ;

•- Le contrôle de la légalité de l’arrêté initial de placement en rétention.

66.Cette modification a pour but d’assurer le respect du droit au recours effectif garanti par l’article 5 § 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle est conforme à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 12 juillet 2016 A.M. c. France (no 56324/13) dans lequel la Cour avait constaté que, dans le cadre de la législation antérieure à cette réforme législative, le contrôle du juge administratif était insuffisant dans la mesure où il n’examinait pas la régularité de la privation de liberté.

67.Le juge des libertés et de la détention a également la possibilité, à tout moment de la procédure, de remettre en liberté la personne retenue (art. R.552-18 du CESEDA).

68.S’agissant enfin du régime des zones d’attente « mobiles » ou ad hoc, le paragraphe II de l’article 10 modifie l’article L.221-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatif à la définition des zones d’attente en insérant dans cet article un deuxième alinéa aux termes duquel : « Lorsqu’il est manifeste qu’un groupe d’au moins dix étrangers vient d’arriver en France en dehors d’un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d’au plus dix kilomètres, la zone d’attente s’étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu’au point de passage frontalier le plus proche ».

69.Ces dispositions ont été validées par le Conseil constitutionnel (décision DC no 2011-631 du 9 juin 2011). Le Conseil constitutionnel a considéré que ces zones d’attente tendent à répondre aux difficultés de traitement, au regard des règles d’entrée sur le territoire français, de la situation d’un groupe de personnes venant d’arriver en France en dehors des points de passage frontaliers. Aussi, l’extension de la zone d’attente entre le lieu de découverte des intéressés et le point de passage frontalier le plus proche a pour effet de permettre l’application des règles du titre II du livre II du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile aux seuls étrangers du groupe dont l’arrivée a justifié la mise en œuvre de ce dispositif. En outre, après avoir regardé que tous les membres du groupe en cause devaient avoir été identifiés à l’intérieur du périmètre défini par la loi, lequel ne pouvait être étendu ; que les points de passage frontaliers étaient précisément définis et rendus publics en application du b) de l’article 34 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ; que la zone d’attente n’était créée que pour un délai de vingt-six jours qui ne pouvait être prolongée ou renouvelée ; que le dispositif critiqué ne pouvait être mis en œuvre, sous le contrôle du juge compétent, que s’il était manifeste qu’un groupe venait d’arriver en France, le Conseil constitutionnel a conclu que législateur avait adopté des dispositions suffisamment précises et propres à garantir le risque d’arbitraire.

70.De plus, la circulaire du 17 juin 2011 indique que ce dispositif a vocation à être utilisé de manière exceptionnelle et que les ressortissants étrangers concernés ont vocation à être transférés, dès que possible, au point de passage frontalier le plus proche auquel est rattachée une zone d’attente pérenne.

71.En tout état de cause, s’agissant d’une procédure relative au franchissement de la frontière, elle ne saurait être étendue à l’ensemble du territoire.

72.Enfin, la mise en œuvre de ce dispositif est sans incidence sur le régime juridique des zones d’attente. Le Conseil constitutionnel, qui a validé le principe du maintien en zone d’attente (DC no 92-307 du 25 février 1992), a relevé que le degré de contrainte exercé sur le ressortissant étranger n’est pas le même que celui qui est exercé sur le ressortissant étranger placé en rétention, notamment dès lors que le ressortissant étranger a toujours la possibilité de quitter spontanément la France. La Cour européenne des droits de l’homme elle-même a jugé que les régimes de privation de liberté à la frontière n’étaient pas contraires à la Convention (CEDH, no 13229/03 (Grande Chambre), Saadi c. Royaume-Uni , 29 juin 2008, §64).

73.L’article L.213-9 du CESEDA instaure des garanties suffisantes pour que le recours contre la décision de refus d’entrée soit regardé comme conforme aux stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En effet, le ressortissant étranger maintenu a droit à l’assistance d’un interprète ou d’un conseil. De plus, si le recours doit être formé dans les 48 h, ce délai existe dans d’autres procédures et n’est en rien incompatible avec le respect du droit à un recours effectif, et ce d’autant que le ressortissant étranger dispose d’une assistance juridique en zone d’attente. Le caractère suspensif du recours n’est d’ailleurs pas requis par le Conseil constitutionnel. Toutefois, en cas de demande d’asile à la frontière, il est prévu, comme développé supra, que le refus d’entrée au titre de l’asile ne pourra être exécuté avant que le juge administratif se soit prononcé.

Réponse au paragraphe 33 des observations finales

74.À titre liminaire, concernant l’information relative à la personne disparue visée au paragraphe 3 de l’article 17, le règlement intérieur type des établissements pénitentiaires (art. R57-6-18) prévoit qu’à son arrivée, une personne détenue est soumise aux formalités de l’écrou. Le Code de procédure pénale (art. D148 et suivants) dispose que tout établissement pénitentiaire doit être pourvu d’un registre d’écrou, tenu par le chef de l’établissement pénitentiaire, qui veille ainsi à la légalité de la détention des individus incarcérés. Un acte d’écrou est dressé sur ce registre pour toute conduite dans un établissement pénitentiaire. Il constate la remise de la personne à l’établissement pénitentiaire, la date et la nature du titre de détention, ainsi que l’autorité dont émane ce titre. Il s’agit de vérifier l’identité du détenu (état civil, prise de photos et d’empreintes) mais également de relever l’acte de remise du détenu au gardien, les transcriptions des mandats d’arrêt et jugement, la date de commencement de la peine, la date de sortie etc.

75.Chaque personne détenue doit être immédiatement mise en mesure d’informer sa famille de son incarcération.

76.Des personnes ayant un intérêt légitime peuvent avoir accès à certaines informations sur le détenu. En effet, lors, de son arrivée, la personne détenue est invitée à communiquer le nom d’une personne à prévenir au cas où elle viendrait à décéder, à être frappée d’une maladie grave, à être victime d’un accident ou à être placée dans un établissement psychiatrique. Dans le cas du décès d’une personne détenue, l’administration pénitentiaire est chargée d’en informer la personne désignée, les autorités judiciaires et pénitentiaires, le préfet, le procureur de la République.et le ministre de la Justice. Si le décès concerne un prévenu, avis doit en être donné également au magistrat saisi du dossier de l’information et, s’il concerne un condamné, au juge de l’application des peines. Si le détenu appartient aux forces armées, l’autorité militaire doit en outre être avisée.

77.Le lieu du décès ne doit être indiqué dans l’acte de l’état civil que par la désignation de la rue et du numéro de l’immeuble (art. D280 et suivants du Code de procédure pénale).

78.En cas de décès de la personne détenue, les documents confiés au greffe de l’établissement pénitentiaire sont remis à ses ayants droit ou, à défaut, joints à son dossier individuel et versés, s’il y a lieu, avec ce dossier, aux archives départementales (art. R57-6-4 du Code de procédure pénale).

Réponse au paragraphe 35 des observations finales

« Évaluation du Comité (2014) :

[C] : En ce qui concerne la définition de la victime, le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie, en particulier ceux concernant la jurisprudence des tribunaux français, mais considère que la recommandation par laquelle il l’engage à prendre des mesures législatives adéquates afin d’adopter une définition de victime conforme à celle figurant au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention n’a pas été mise en œuvre. Le Comité réitère sa recommandation et demande à l’État partie de lui fournir des renseignements sur les mesures prises pour la mettre en œuvre, lorsqu’il lui soumettra des renseignements conformément au paragraphe 43 de ses précédentes observations finales (CED/C/FRA/CO/1).

[B] : En ce qui concerne le droit de savoir la vérité, le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie et rappelle sa recommandation, mais demande à l’État partie, lorsqu’il lui soumettra des renseignements conformément au paragraphe 43 de ses précédentes observations finales (CED/C/FRA/CO/1), d’apporter des renseignements supplémentaires sur les mesures prises pour la mettre en œuvre et, en particulier, sur la teneur du projet de loi portant transposition de la directive 2012/13/UE mentionné au paragraphe 51 de son rapport de suivi (CED/C/FRA/CO/1/Add.1), notamment au sujet des personnes qui auront accès aux renseignements figurant dans le dossier, ainsi que de l’état d’avancement de ce projet de loi, y compris des précisions sur les dates auxquelles il devrait être approuvé et entrer en vigueur. ».

79.Le droit français permet déjà à d’autres personnes que la personne disparue d’être considérées comme victime. Ainsi, les proches de la personne disparue ou tout autre personne pourront être considérées comme victime dès lors qu’elles sont en mesure de démontrer avoir souffert personnellement d’un dommage directement causé par l’infraction (art. 2 et 3 du Code de procédure pénale).

80.Dès lors qu’un proche a souffert d’un préjudice découlant des faits objets de la poursuite, ce dommage sera considéré comme lui étant direct et personnel. Il incombe donc aux proches de démontrer qu’ils ont subis un préjudice qui peut être tant matériel (préjudice économique lié à la perte de revenu, frais engendrés) que moral (affection, éloignement d’un être cher, spectacle des blessures). Le dommage subi par une victime directe ou indirecte ouvre droit à réparation intégrale par le versement d’une indemnisation financière. Le préjudice est évalué au moment où le juge statue.

81.De plus, une personne victime peut se constituer partie civile devant le juge d’instruction qui apprécie sa recevabilité. Si la plainte avec constitution de partie civile est recevable, le juge d’instruction procède à des investigations sur les faits. La partie civile aura accès au dossier de la procédure (art. 85 et suivants du Code de procédure pénale). Si la partie civile bénéficie du droit d’être assistée d’un avocat, la représentation par avocat n’est pas obligatoire (art. 80-3 du Code de procédure pénale).

82.En outre, des associations d’aide aux victimes assurent la prise en charge de la victime d’une infraction pénale en l’informant, en l’accompagnant durant la procédure pénale et en l’orientant vers une prise en charge adaptée à ses besoins.

83.Enfin, les objets appartenant à la victime placée sous scellé dans le cadre des investigations peuvent être restitués au cours ou à l’issue de la procédure pénale à la victime ou à ses ayants droits.

Réponse au paragraphe 37 des observations finales

Sur l’introduction de pratiques décrites à l’article 25 § 1 de la Convention comme crimes spécifiquement liés à la disparition forcée

84.L’article 25 paragraphe 1 de la Convention implique de prévenir et réprimer pénalement :

a)La soustraction d’enfants soumis à une disparition forcée ou dont le père, la mère ou le représentant légal sont soumis à une disparition forcée, ou d’enfants nés pendant la captivité de leur mère soumise à une disparition forcée ;

b)La falsification, la dissimulation ou la destruction de documents attestant la véritable identité des enfants visés à l’alinéa a ci-dessus.

85.Le droit pénal sanctionne d’ores et déjà ces comportements par les infractions d’enlèvement, séquestration (art. 224-1 et suivants du Code pénal), et faux (art. 441-1 et suivants du Code pénal) notamment. Ainsi, par exemple, le fait d’arrêter, d’enlever, de détenir ou de séquestrer une personne, est puni de vingt ans de réclusion criminelle.

Sur le recours en révision à l’encontre du jugement d’adoption, du fait que l’adoption trouve son origine dans une disparition forcée

86.La procédure de recours en révision est prévue par les articles 593 et suivants du Code de procédure civile. Bien que l’adoption plénière soit irrévocable et que l’adoption simple ne soit révocable que sous certains motifs, il a été jugé que « l’article 593 du Code de procédure civile n’exclut pas, non plus qu’aucun autre texte, de son champ d’application les jugements rendus en matière gracieuse, de sorte qu’il ne peut qu’être déclaré applicable aux jugements qui relèvent de cette matière, tel le jugement d’adoption » (CA Versailles, 22 novembre 2001, BICC).

87.Les cas d’ouverture du recours en révision sont prévus par l’article 595 du Code de procédure civile ; est notamment prévu que le recours en révision est ouvert « 1. S’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ». L’adoption qui trouve son origine dans une disparition forcée, voire un enlèvement, entre à l’évidence dans le cas de la fraude exposé au paragraphe 1 de l’article 595 du Code de procédure civile.

88.L’introduction d’une disposition explicite à ce sujet n’est pas opportune, l’article 595 du Code de procédure civile étant un article à visée générale et non particulière.

Sur le droit de l’enfant d’exprimer son opinion

89.En vertu de l’article 388-1 du Code civil, dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet.

90.Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande.