Nations Unies

CED/C/FRA/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

7 février 2013

Original: français

Comité d es d isparitions f orcées

Examen des rapports soumis par les États partiesen application de l’article 29 de la Convention

Rapports des États parties en application de l’article 29, paragraphe 1, de la Convention dû en 2012

France*

[21 décembre 2012]

Table des matières

Paragraphes Page

I.Introduction1–53

II.Cadre dans lequel s’inscrit la prohibition des disparitions forcées6 – 213

A.Adaptation de la législation interne6 – 123

B.Cas de disparitions forcées ou involontaires en France et applications des

dispositions portant prévention et répression de ce crime135

C.Promotion de la Convention14 – 215

III.Mise en œuvre des dispositions de la Convention22 – 2186

Article 1. Prohibition absolue des disparitions forcées22 – 316

Article 2. Définition de la disparition forcée32 – 368

Article 3. Enquête37 – 408

Article 4. Incrimination41 9

Article 5. Crime contre l’humanité42 – 459

Article 6. Régime de responsabilité pénale46 – 519

Article 7. Peines applicables52 – 53 10

Article 8. Prescription54 – 5711

Article 9. Compétence58 – 6011

Article 10. Détention provisoire61 – 6712

Article 11. Obligation d’extrader ou de juger68 – 7413

Article 12. Dénonciation et enquête75 – 84 14

Article 13. Extradition85 – 9016

Article 14. Entraide judiciaire91 – 9317

Article 15. Coopération internationale9417

Article 16. Non refoulement95 – 10117

Article 17. Interdiction de la détention au secret102 – 15718

Article 18. Information sur la personne détenue158 – 16227

Article 19. Protection des données personnelles163 – 16928

Article 20. Restrictions au droit à l’information170 – 17129

Article 21. Remise en liberté172 – 17530

Article 22. Sanction des entraves et manquement à l’obligation d’information176 – 17730

Article 23. Formation178– 18330

Article 24. Droits des victimes184 – 18731

Article 25. Enfants188– 19832

I.Introduction

1.La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ci-après « la Convention ») fut adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 décembre 2006, ouverte à la signature à Paris le 6 février 2007 et ratifiée par la France le 23 septembre 2008. Elle est entrée en vigueur le 23 décembre 2010, trente jours après le dépôt du vingtième instrument de ratification ou d’adhésion et a été publiée par le décret n° 2011-150 du 3 février 2011, paru au Journal officiel de la République française du 6 février 2011.

2.La France a par ailleurs assorti sa signature d’une déclaration formulée le 9 décembre 2008 aux termes de laquelle elle reconnaît, conformément aux dispositions des articles 31 et 32 de la Convention, la compétence du Comité des disparitions forcées pour recevoir et examiner les communications individuelles et étatiques par lesquelles il serait prétendu que la France ne s’est pas acquittée de ses obligations au titre de la Convention.

3.Le présent rapport est soumis au Comité des disparitions forcées (ci-après « le Comité »), institué par l’article 26 de la Convention, conformément aux dispositions de l’article 29 § 1 prévoyant que les États parties rendent compte des mesures qu’ils ont prises pour donner effet à leurs obligations au titre de la Convention dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de celle-ci à leur égard.

4.Sa présentation et son contenu respectent les lignes directrices adoptées par le Comité lors de sa seconde session tenue du 26 au 30 mars 2012. Il aura par ailleurs vocation à être complété et accompagné d’un « document de base commun », en cours d’élaboration, répondant aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

5.Enfin, il est pris acte de ce que le Comité, après avoir pris connaissance du rapport, disposera de la faculté d’émettre des commentaires et observations à l’adresse de l’État partie conformément aux dispositions de l’article 29 § 3 et de demander à ce dernier des renseignements complémentaires conformément aux dispositions de l’article 29 § 4.

II.Cadre dans lequel s’inscrit la prohibition des disparitions forcées

A. Adaptation de la législation interne

6.Ainsi qu’il sera détaillé ci-après, le droit français n’est que peu affecté par la ratification et l’entrée en vigueur de la Convention, dont l’essentiel des dispositions trouvent d’ores et déjà leur équivalent dans la législation interne.

7.Participent également de ce cadre normatif fort complet plusieurs instruments internationaux auxquels la France est partie et qui, à raison de leur objet, concourent de façon directe à la prévention des disparitions forcées. Parmi ces instruments, méritent en particulier d’être mentionnés:

la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (CEDH) du 4 novembre 1950, dont l’organe de surveillance juridictionnel, la Cour européenne des droits de l’homme, s’est déclarée compétente pour connaître de faits de disparitions forcées sous l’angle de l’article 2 (droit à la vie) de la CEDH;

le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966;

la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 26 novembre 1987, laquelle institue un Comité européen de prévention de la torture (CPT) compétent pour visiter tout lieu de privation de liberté et ayant effectué, à ce jour, onze visites en France;

la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, ainsi que le Protocole facultatif du 18 décembre 2002 relatif à cette dernière, en vertu duquel le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a été institué comme mécanisme national de prévention de la torture;

les Conventions de Genève du 12 août 1949 et leurs Protocoles additionnels du 8 juin 1977, notamment en tant qu’elles dotent le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) du pouvoir de rendre visite aux prisonniers de guerre;

le Statut de Rome du 17 juillet 1998 portant création de la Cour pénale internationale (CPI), dont l’article 7 qualifie de crimes contre l’humanité les disparitions forcées lorsque celles-ci sont commises dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque.

8.En définitive, les seules dispositions de la Convention impliquant une adaptation du droit pénal français sont celles relatives:

à la création d’une incrimination spécifique du crime de disparition forcée (articles 2, 4 et 6b i) de la Convention);

à la fixation du quantum des peines appliquées à ce crime (article 7 §1 de la Convention) ;

à la fixation d’un délai de prescription conforme aux stipulations de l’article 8§1 de la Convention;

à l’instauration d’une compétence quasi-universelle au profit des juridictions françaises par l’ajout de la Convention à la liste des textes visés à l’article 689-1 du code pénal (article 9§2 de la Convention);

à l’inscription du principe « extrader ou juger » (article 11 de la Convention).

9.Un projet de loi portant adaptation du droit pénal français aux obligations de la Convention a été élaboré aux fins de mise en conformité de la législation interne. La version initiale du texte a été transmise, pour observations, à la Commission Nationale Consultative des droits de l’Homme (CNCDH) au début de l’année 2011, celle-ci ayant fait part de ses commentaires dans une note en date du 1er mars 2011.

10.Il a été déposé sur le bureau du Sénat le 11 janvier 2012 sous le n°250, sans avoir été encore inscrit à l’ordre du jour de cette assemblée.

11.Regrettant que cette réforme législative n’ait pu encore aboutir, et résolu à mettre en œuvre toutes diligences en vue de l’adoption de ce projet de loi sous les meilleurs délais, le Gouvernement français s’engage à tenir le Comité informé de la promulgation de ce texte dès qu’elle sera effective et forme le vœu que la portée et la teneur des modifications législatives qui en résulteront puissent faire l’objet de l’échange de vues qu’autorisent les dispositions de l’article 29 §§ 3 et 4 de la Convention.

12.Dans cette attente, seront présentées dans le présent rapport les dispositions telles qu’elles figurent dans le projet dans sa version actuelle, et sous réserve des modifications qui pourraient être apportées à celui-ci au cours de la discussion parlementaire.

B.Cas de disparitions forcées ou involontaires en France et applications des dispositions portant prévention et répression de ce crime

13.A la connaissance du Gouvernement, nulle procédure pénale du chef de disparition forcée au sens de la Convention n’a été engagée en France.

C.Promotion de la Convention

14.Depuis de nombreuses années, la France se mobilise pleinement dans la lutte contre les disparitions forcées.

15.Elle a été à l’initiative de la résolution 33/173, la première sur les personnes disparues, adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 20 décembre 1978 et a présidé les négociations relatives à la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées du 18 décembre 1992, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 47/133.

16.En 1998, c’est un expert français, Louis Joinet, qui a rédigé le premier projet d’instrument contraignant en la matière. En assurant, par ailleurs, la présidence du groupe de travail créé par la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies chargée de l’élaboration d’un projet d’instrument de convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la France a joué un rôle moteur en faveur de l’élaboration d’un texte répondant à la fois au fort besoin de justice exprimé par les associations de victimes, et en même temps satisfaisant pour l’ensemble de la communauté internationale.

17.Conformément à la résolution afférente de l’Assemblée générale et en signe de reconnaissance du rôle éminent joué par la France sur ce dossier depuis plus de 25 ans, la cérémonie de signature de la Convention s’est tenue, de manière exceptionnelle, à Paris.

18.La France a ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées le 23 septembre 2008. Elle a également reconnu la compétence du Comité sur les disparitions forcées à recevoir et examiner les communications visées aux articles 31 et 32 de la Convention.

19.La France milite en faveur de l’universalisation de la Convention et a mené plusieurs campagnes auprès des membres des Nations Unies en vue d’accroître le nombre de signataires et d’engager les États qui ont signé la Convention à la ratifier, que ce soit au sein d’un groupe informel d’États (« Groupe des amis de la Convention »), ou dans le cadre de l’Union européenne.

20.Elle préconise un renforcement des mécanismes internationaux, par l’appel aux États parties à la Convention à reconnaître la compétence du Comité des disparitions forcées et à coopérer avec lui, ainsi que par son soutien à l’action du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires du Conseil des droits de l’homme et du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition institué par ce même Conseil. Bénéficiant, sur ce point, de l’appui marqué et constant de l’Argentine, la France est à l’initiative d’un certain nombre de résolutions qui sont présentées et adoptées à l’Assemblée générale des Nations Unies et au Conseil des droits de l’homme pour promouvoir la lutte contre les disparitions forcées.

21.Ayant encore réaffirmé son engagement dans la lutte contre les disparitions forcées lors de l’événement de haut niveau sur l’état de droit du 24 septembre 2012, la France soutient, organise ou participe régulièrement à des événements sur ce thème, et apporte son appui à l’action de la société civile, notamment à la Coalition internationale contre les disparitions forcées.

III.Mise en œuvre des dispositions de la Convention

Article 1. Prohibition absolue des disparitions forcées

Aucune disposition législative ou règlementaire française n’autorise une disparition forcée.

Une disparition forcée constitue un acte manifestement illégal pour lequel aucune excuse n’est acceptable ainsi qu’en dispose l’article 122-4 al 2 du code pénal selon lequel : « N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ».

S’y ajoutent les dispositions de l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983 relevant tout fonctionnaire du devoir d’exécuter les instructions de son supérieur hiérarchique « (…) dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public », de même que les dispositions de l’article L. 4122-1 du code de la défense selon lesquelles « Les militaires doivent obéissance aux ordres de leurs supérieurs et sont responsables de l’exécution des missions qui leur sont confiées. / Toutefois, il ne peut leur être ordonné et ils ne peuvent accomplir des actes qui sont contraires aux lois, aux coutumes de la guerre et aux conventions internationales ».

Dès lors, tout fonctionnaire civil ou militaire a le droit et l’obligation de ne pas obéir à l’ordre de commettre ou de participer, de quelque manière que ce soit, au crime de disparition forcée, un tel ordre étant manifestement illégal.

De façon générale, si un acte de l’administration dans l’exercice de ses pouvoirs porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, la juridiction administrative peut être saisie en urgence par la procédure du « référé-liberté ». Dans le cadre de cette procédure, le juge des référés peut, dans un délai de quarante-huit heures, ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté, y compris ordonner la suspension de l’exécution de la mesure illégale ou encore adresser des injonctions à l’administration. Au-delà de ce contrôle de légalité, les actes de l’administration qui portent une atteinte grave à une liberté fondamentale et qui sont manifestement insusceptibles de se rattacher à l’une des prérogatives de l’administration constituent une voie de fait dont il revient au juge judiciaire de connaître en sa qualité de gardien des libertés individuelles.

En outre, ni l’état d’urgence ni aucune circonstance exceptionnelle n’est de nature à justifier que soient commises des disparitions forcées.

S’agissant de l’état d’urgence, celui-ci ne peut être déclaré, conformément à la loi n°55-385 du 3 avril 1955, qu’en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ou en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. Déclaré par décret pris en Conseil des ministres, l’état d’urgence confère aux autorités civiles, dans l’aire géographique à laquelle il s’applique, des pouvoirs de police exceptionnels portant sur la réglementation de la circulation et du séjour des personnes, sur la fermeture des lieux ouverts au public et sur la réquisition des armes. Le décret instituant l’état d’urgence peut prévoir un renforcement des pouvoirs de police en matière de perquisition et de contrôle des moyens d’information. Toutefois, cette procédure exceptionnelle ne permet aucunement à ce qu’il soit procédé à des disparitions forcées telles que définies par l’article 2 de la présente Convention, et cela à plus forte raison que le décret déclarant l’état d’urgence, de même que toutes les mesures prises sous son empire continuent de pouvoir faire l’objet d’un contrôle du juge administratif. Par ailleurs, la prorogation de l’état d’urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par une loi, qui en fixe la durée définitive.

L’état d’urgence n’a été décrété qu’à cinq reprises : trois fois dans les alors départements français d’Algérie (1955, 1958, 1961), une fois en Nouvelle Calédonie (1984) et une fois en région parisienne (2005).

Mention doit également être faite des dispositions relatives à l’état de siège ainsi qu’aux pouvoirs spéciaux du président de la République en cas de menace grave contre l’indépendance de la Nation, lesquelles ne peuvent en aucune manière s’analyser comme ayant pour objet de permettre aux autorités de l’État de recourir à des disparitions forcées. Ces dispositifs, dont le premier n’a jamais été mis en œuvre depuis la seconde guerre mondiale et le second une unique fois, il y a plus de cinquante ans, correspondent à l’hypothèse envisagée à l’article 15 § 1 de la CEDH et sont portés à la connaissance du Comité aux seules fins de son information exhaustive, nonobstant le caractère très hypothétique de leur mise en œuvre.

Enfin et en dehors même des hypothèses précitées, il ne peut être pris prétexte d’aucune circonstance exceptionnelle pour justifier que l’État ou ses agents se rendent coupables de disparitions forcées. Il convient à cet égard de se reporter à la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles, développée par la juridiction administrative à l’occasion de situations particulières de temps de guerre et qui a trouvé le plus grand nombre d’illustrations dans les années suivant la fin des deux conflits mondiaux. Aux termes de cette jurisprudence, il est admis que la survenance brutale d’événements graves, imprévus et persistants permette de regarder comme légalement fondées des mesures qui affectent aussi bien la compétence des autorités que le respect des procédures ou le contenu des actes. Toutefois, la légalité de ces mesures n’est admise que pour autant, d’une part, que l’auteur de l’acte se trouvait dans l’impossibilité d’agir conformément aux règles légales en vigueur, et d’autre part, que l’action envisagée revêt un caractère d’intérêt général afin de pourvoir aux nécessités du moment. Aussi, compte tenu de ces critères de mise en œuvre, la théorie des circonstances exceptionnelles n’est en aucun cas susceptible d’être invoquée pour justifier des disparitions forcées au sens de l’article 1er de la Convention.

Article 2. Définition de la disparition forcée

Le projet de loi n°250 portant diverses dispositions en matière pénale et de procédure pénale en application des engagements internationaux de la France prévoit l’insertion dans le titre II du code pénal consacré aux « atteintes à la personne humaine » un nouveau chapitre 1er bis relatif aux « atteintes à la personne constituées par les disparitions forcées ».

La définition de la disparition forcée figurera en tête de ce nouveau chapitre, sous la forme d’un nouvel article 221-12 dont le projet de loi prévoit qu’il soit ainsi rédigé:

Art. 221-12. - Constitue une disparition forcée l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté d’une personne, dans des conditions la soustrayant à la protection de la loi, par un ou plusieurs agents de l’État ou par une personne ou un groupe de personnes agissant avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement des autorités de l’État, lorsque ces agissements sont suivis de sa disparition et accompagnés soit du déni de la reconnaissance de la privation de liberté soit de la dissimulation du sort qui lui a été réservé ou de l’endroit où elle se trouve.

La disparition forcée est punie de la réclusion criminelle à perpétuité.

Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables au crime prévu par le présent article.

Cette définition, nonobstant quelques nuances rédactionnelles sans incidence juridique, est strictement identique à celle figurant à l’article 2 de la Convention.

En outre, ce même projet de loi prévoit que la « disparition forcée » ainsi définie soit inscrite à l’article 212-1 du code pénal au nombre des actes qualifiables de crimes contre l’humanité lorsqu’ils sont commis en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique. Elle remplacera la définition actuellement inscrite au 9° de cet article, inspirée de l’article 7 du Statut de Rome et se lisant comme suit: « L’arrestation, la détention ou l’enlèvement de personnes, suivis de leur disparition et accompagnés du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort qui leur est réservé ou de l’endroit où elles se trouvent dans l’intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée ».

Ainsi, le projet de loi unifie la définition du crime de disparition forcée, que celle-ci soit commise en tant qu’infraction autonome ou en tant que crime contre l’humanité, et en retient l’acception issue de la Convention, plus large que celle du Statut de Rome.

Article 3. Enquête

Les agissements visés à l’article 2, dès lors qu’ils sont commis par des personnes ou des groupes de personnes agissant sans l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, ne constituent plus une « disparition forcée » et sont qualifiables en droit français, soit d’actes de terrorisme au sens de l’article 421-1 du code pénal, soit du crime d’enlèvement et séquestration prévu et réprimé par l’article 224-1 du même code.

L’article 421-1 du code pénal dispose en effet que « Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur (…)1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, définis par le livre II du présent code (…) ».

A défaut de constituer des actes de terrorisme, ces faits relèvent de l’enlèvement et de la séquestration de droit commun, prévus et réprimés par les articles 224-1 du code pénal, aux termes duquel « Le fait, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, d’arrêter, d’enlever, de détenir ou de séquestrer une personne, est puni de vingt ans de réclusion criminelle. ».

Comme toute infraction pénale, les actes précités sont justiciables des mesures d’enquêtes prévues par le code de procédure pénale.

Article 4. Incrimination

Comme il a été dit plus haut dans les observations relatives à l’article 2, le projet de loi n°250 portant diverses dispositions en matière pénale et de procédure pénale en application des engagements internationaux de la France créé une infraction spécifique au nouvel article 221-12 réprimant la disparition forcé en tant que crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité.

Article 5. Crime contre l’humanité

La loi n° 2010-930 du 9 août 2010 portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale a introduit une disposition classant les disparitions forcées en tant que crime contre l’humanité lorsqu’elles sont commises, en temps de paix comme en temps de guerre, dans le cadre d’un plan concerté.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 212-1 9° du code pénal prévoit ainsi que « Constitue également un crime contre l’humanité et est puni de la réclusion criminelle à perpétuité l’un des actes ci-après commis en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique : (…) 9° L’arrestation, la détention ou l’enlèvement de personnes, suivis de leur disparition et accompagnés du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort qui leur est réservé ou de l’endroit où elles se trouvent (…) ».

Issu de l’article 7 du Statut de Rome, ce 9e alinéa de l’article 212-1 sera remplacé, dès l’adoption du projet de loi n°250, par une référence au crime de disparition forcée tel qu’il se trouvera défini au nouvel article 221-12 du code pénal.

Enfin, il est à noter que l’incrimination de la disparition forcée en tant que crime contre l’humanité a pour double conséquence:

que les auteurs de ce crime sont passibles des peines complémentaires prévues aux articles 213-1, 213-2 et 213-3 applicables à tous les crimes contre l’humanité;

que l’action publique ainsi que les peines prononcées sont imprescriptibles conformément à l’article 213-5 du code pénal.

Article 6. Régime de responsabilité pénale

S’agissant de tout crime, l’article 121-4 du code pénal permet l’incrimination de la tentative (par opposition à la commission), cependant que la complicité de crime est elle-même automatiquement incriminée en application des articles 121-6 et 121-7 du même code. En droit français, le complice d’une infraction encourt ainsi les mêmes peines que son auteur.

La définition du complice est, en outre, particulièrement large en tant qu’elle inclut toute personne qui a sciemment facilité la préparation ou la commission de l’infraction par aide ou assistance, ainsi que toute personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir a provoqué à l’infraction ou a donné des instructions pour la commettre.

Nulle disposition spécifique n’est donc requise dans le cas du crime de disparition forcée.

Par ailleurs, s’agissant de l’engagement de la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique, le projet de loi n°250 prévoit l’insertion dans le code pénal d’un nouvel article 221-13 aux termes duquel « Sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 121-7, est considéré comme complice d’un crime de disparition forcée visé par l’article 221-12 commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs, le supérieur qui savait, ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui indiquaient clairement que ses subordonnés commettaient ou allaient commettre un crime de disparition forcée et qui n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir, pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites alors que ce crime était lié à des activités relevant de sa responsabilité ou de son contrôle effectifs. »

Cette formulation est identique à celle de l’article 213-4-1 du code pénal établissant dans les mêmes termes la complicité du chef hiérarchique pour l’ensemble des crimes contre l’humanité.

Enfin, sur le fait qu’aucun ordre ne puisse être invoqué pour justifier un crime de disparition forcée, il est renvoyé aux dispositions de l’article 122-4 du code pénal, de l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de l’article L. 4122-1 du code de la défense évoquées supra dans les observations relatives à l’article 1er de la Convention.

Article 7. Peines applicables

Outre la peine de réclusion criminelle à perpétuité prescrite au nouvel article 221-12 du code pénal, le projet de loi n°250 prévoit également que les auteurs de crime de disparition forcées seront passibles des peines complémentaires suivantes prévues aux nouveaux articles 221-14 à 221-17 du code pénal:

Art. 221-14. - Les personnes physiques coupables du crime prévu par l’article 221-12 encourent également les peines suivantes:

1° L’interdiction des droits civiques, civils et de famille, selon les modalités prévues par l’article 131-26;

2° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-27, soit d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, soit d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d’exercice peuvent être prononcées cumulativement;

3° L’interdiction de séjour, selon les modalités prévues par l’article 131-31;

4° L’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans, au plus une arme soumise à autorisation;

5° La confiscation d’une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition;

6° La confiscation prévue par l’article 131-21.

Art. 221-15. - Les personnes physiques coupables du crime prévu par l’article 221-12 encourent également le suivi socio-judiciaire selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-13.

Art. 221-16. - L’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable du crime prévu par l’article 221-12.

Art. 221-17. - Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2, du crime prévu par l’article 221-12 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38, les peines mentionnées à l’article 131-39.

En revanche, le projet de loi n’a retenu de manière explicite aucune circonstance atténuante ou aggravante, étant souligné que l’article 7§2 de la Convention n’énonce à cet égard qu’une faculté, et non une obligation. Des circonstances aggravantes seraient, au demeurant, de peu d’effet dans la mesure où le quantum maximum de l’échelle des peines françaises est d’ores-et-déjà encouru. Enfin, il doit être indiqué que des circonstances atténuantes peuvent toujours être retenues par le juge, sans qu’il soit besoin que de telles circonstances soient expressément prévues dans un texte spécifique.

Article 8. Prescription

En matière de prescription, le projet de loi n°250 envisage l’insertion dans le code pénal d’un nouvel article 221-18 aux termes duquel : « L’action publique à l’égard du crime [de disparition forcée] défini à l’article 221-12 ainsi que les peines prononcées se prescrivent par trente ans », là où la prescription de droit commun en matière criminelle est de dix ans. Par ailleurs, dans les cas où la disparition forcée constitue un crime contre l’humanité, celui-ci est imprescriptible.

En outre, la jurisprudence des juridictions répressives considère qu’un crime continu (ou qu’un délit continu) ne voit sa prescription commencer à courir qu’à compter de la cessation du crime (ou du délit), c’est-à-dire à partir du jour où celui-ci a pris fin « dans ses actes constitutifs et dans ses effets » (Cass. crim., 19 févr. 1957 : Bull. crim. 1957, n° 166).

Par conséquent, aucune disposition législative n’apparaît requise pour donner son plein effet à l’article 8.1 b) de la Convention.

S’agissant, enfin, du droit des victimes de disparition forcée à un recours effectif pendant toute la durée de la prescription, le droit français prévoit à leur profit, outre le dépôt de plainte simple adressé au Procureur de la République, la voie procédurale particulièrement effective du dépôt de plainte avec constitution de partie civile, dont l’effet est d’entraîner la saisine d’un juge d’instruction.

Article 9. Compétence

Le droit français accorde compétence aux juridictions nationales pour connaître d’un crime de disparition forcée dans les trois hypothèses énumérées à l’article 9§1, à savoir:

lorsque l’infraction a été commise sur son territoire, à bord d’un aéronef ou navire immatriculé en France et, même, sous certaines conditions à bord d’un aéronef ou navire immatriculé dans un autre État conformément aux dispositions de l’article 113-11 du code pénal : « Sous réserve des dispositions de l’article 113-9, la loi pénale française est applicable aux crimes et délits commis à bord ou à l’encontre des aéronefs non immatriculés en France: 1° Lorsque l’auteur ou la victime est de nationalité française ; 2° Lorsque l’appareil atterrit en France après le crime ou le délit; 3° Lorsque l’aéronef a été donné en location sans équipage à une personne qui a le siège principal de son exploitation ou, à défaut, sa résidence permanente sur le territoire de la République. (…) » ;

lorsque l’auteur présumé est un ressortissant français, conformément à l’article 113-6 1er et 3ème alinéas du code pénal selon lequel : « La loi pénale française est applicable à tout crime commis par un Français hors du territoire de la République. (…) Il est fait application du présent article lors même que le prévenu aurait acquis la nationalité française postérieurement au fait qui lui est imputé. » ;

lorsque la victime est un ressortissant français, conformément à l’article 113-7 du code pénal du code pénal, qui prévoit : « La loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu’à tout délit puni d’emprisonnement, commis par un Français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l’infraction. ».

S’agissant, par ailleurs, de la clause de compétence quasi-universelle prévue par l’article 9§2 de la Convention, le projet de loi n°250 inscrit les disparitions forcées à la liste des infractions pour lesquelles l’article 689-1 du code de procédure pénale prévoit qu’ « En application des conventions internationales visées aux articles suivants, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne qui s’est rendue coupable hors du territoire de la République de l’une des infractions énumérées par ces articles. Les dispositions du présent article sont applicables à la tentative de ces infractions, chaque fois que celle-ci est punissable ».

Cette insertion prendra la forme d’un nouvel article 689-13 ainsi rédigé : « Art. 689-13. - Pour l’application de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée à New York le 20 décembre 2006, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l’article 689-1 toute personne coupable ou complice d’un crime défini par le 9° de l’article 212-1 ou l’article 221-12 du code pénal lorsque cette infraction constitue une disparition forcée au sens de l’article 2 de ladite convention ».

Article 10. Détention provisoire

En France, une personne mise en examen pour un ou plusieurs faits criminels peut être placée en détention provisoire soit dans le cadre d’une procédure nationale, soit dans le cadre d’une procédure de remise ou d’extradition, dans le respect des lois en vigueur après décision de l’autorité judiciaire compétente.

Le placement en détention provisoire en matière criminelle ne peut être ordonné que dans le cadre d’une information, et un juge d’instruction sera nécessairement chargé de l’enquête.

En cas de détention provisoire ordonnée dans le cadre d’une procédure de remise (mandat d’arrêt européen ou demande de remise d’une cour internationale) ou d’extradition, il n’appartient pas aux autorités françaises de procéder à une enquête préliminaire ou à des investigations.

Toute personne placée en détention provisoire bénéficie du droit à la protection consulaire garanti par l’article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963, dans des conditions qu’une circulaire du ministre de la Justice en date du 18 septembre 2007 est venue rappeler et préciser.

Enfin, le droit français prévoit également la possibilité de recourir aux mesures alternatives à la détention provisoire que sont le contrôle judiciaire et l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE).

La mesure de contrôle judiciaire est définie à l’article 138 du code de procédure pénale comme une mesure d’astreinte permettant de soumettre un individu à une ou plusieurs obligations dans l’attente de son jugement dès lors qu’il lui est reproché une infraction punie par une peine d’emprisonnement. S’y ajoutent les possibilités d’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) fixe ou mobile introduites à l’article 142-5 du code procédure pénale par la loi du 24 novembre 2009.

Ces dispositifs pourraient, en tant que de besoin, être mis en œuvre pour « pour s’assurer de [l]a présence » d’une personne soupçonnée de disparition forcée au sens de l’article 10 § 1 de la Convention.

Article 11. Obligation d’extrader ou de juger

En son premier paragraphe, l’article 11 de la Convention énonce comme applicable aux disparitions forcées le principe « extrader ou juger » (aut dedere, aut iudicare).

Comme il a été dit ci-dessus, le projet de loi n°250 prévoit l’ajout de la disparition forcée à la liste des crimes pour lesquels les juridictions françaises disposent d’une compétence quasi-universelle leur permettant, en vertu de l’article 689-1 du code de procédure pénale, de poursuivre et de juger, s’ils se trouvent en France, les auteurs de certains crimes réprimés par une convention internationale et commis hors du territoire de la République.

Outre cette hypothèse, des dispositions spécifiques ayant pour objet l’instauration du principe « extrader ou juger » ont été introduites dans le code pénal lors de l’adoption de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

À l’effet de pouvoir juger les personnes dont l’extradition est refusée, l’article 113-8-1 du code pénal issu de cette loi dispose:

Sans préjudice de l’application des articles 113-6 à 113-8, la loi pénale française est également applicable à tout crime ou à tout délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement commis hors du territoire de la République par un étranger dont l’extradition a été refusée à l’État requérant par les autorités françaises aux motifs, soit que le fait à raison duquel l’extradition avait été demandée est puni d’une peine ou d’une mesure de sûreté contraire à l’ordre public français, soit que la personne réclamée aurait été jugée dans ledit État par un tribunal n’assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense, soit que le fait considéré revêt le caractère d’infraction politique.

La poursuite des infractions mentionnées au premier alinéa ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public. Elle doit être précédée d’une dénonciation officielle, transmise par le ministre de la justice, de l’autorité du pays où le fait a été commis et qui avait requis l’extradition.

Des réflexions sont en cours visant à modifier cet article afin de le rendre pleinement conforme aux nouvelles dispositions de la Convention de lutte contre les disparitions forcées en tenant compte de ce que :

en premier lieu, il est possible que l’extradition soit refusée pour d’autres motifs que ceux visés à cet article 113-8-1, (notamment en raison de l’âge, de l’état de santé de la personne poursuivie, ou d’un risque d’atteintes aux articles 2, 3 ou 6 de la Convention européenne des droits de l’homme), de sorte qu’il pourrait apparaître préférable de supprimer toute référence aux motifs du refus de l’extradition ;

en second lieu, la condition de soumission des poursuites à l’existence d’une dénonciation préalable par les autorités du pays où le fait a été commis risque de paralyser les poursuites, singulièrement s’agissant de crimes qui, telles les disparitions forcées, sont commis sous l’autorité ou avec le consentement de l’État et où, par conséquent, une telle dénonciation officielle risque de n’être jamais faite.

Sans préjudice des modifications qui pourraient être apportées à l’article 113-8-1, il convient par ailleurs de souligner que les poursuites engagées sur le fondement de cet article le sont dans les conditions du droit commun et sans qu’aucune disposition particulière ou dérogatoire ne s’applique, ce qui satisfait aux conditions énoncées par l’article 11§2.

Enfin, toute personne poursuivie en relation avec un crime ou délit bénéficie de la garantie d’un traitement équitable à tous les stades de la procédure, de même que toute personne jugée en France bénéficie du droit à un procès équitable devant une cour ou un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi. Il incombe aux juridictions nationales ainsi qu’à la Cour européenne des droits de l’homme de s’assurer du strict respect de ce droit au regard de l’article 6§1 CEDH dont le libellé est identique à celui de l’article 12§3 de la Convention.

Article 12. Dénonciation et enquête

Le droit français garantit à toute personne le droit de porter plainte auprès des services de police judiciaire et fait obligation à ceux-ci de recevoir la plainte et de la transmettre au service compétent. L’article 15-3 du code de procédure pénale dispose en effet: « La police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale et de les transmettre, le cas échéant, au service ou à l’unité de police judiciaire territorialement compétent. / Tout dépôt de plainte fait l’objet d’un procès-verbal et donne lieu à la délivrance immédiate d’un récépissé à la victime. Si elle en fait la demande, une copie du procès-verbal lui est immédiatement remise ».

En outre, en matière criminelle, toute personne peut porter plainte avec constitution de partie civile sans qu’aucune restriction ou condition lui soit opposable, et de provoquer par cette voie la saisine d’un juge d’instruction, magistrat du siège indépendant, conformément aux dispositions de l’article 85 du code de procédure pénale selon lequel: « Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le pôle de l’instruction compétent en application des dispositions des articles 52, 52-1 et 706-42 ».

A ces dispositions du code de procédure pénale permettant une mise en jeu très large de l’action publique conformément aux prescriptions de l’article 12§1 s’ajoutent des dispositifs et instructions pratiques ayant pour objet d’assurer aux victimes l’attention que leur situation commande. Ainsi, la loi du 29 août 2002 d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure rappelle que « l’accueil, l’information et l’aide aux victimes sont pour les services de sécurité intérieure une priorité » et précise les conditions dans lesquelles doivent être mis en œuvre l’obligation pour les services de police et de gendarmerie de recevoir la plainte de toute victime d’une infraction à la loi pénale, quel que soit le lieu de sa commission ou le lieu de domiciliation de la victime, ainsi que le droit pour cette dernière de déposer plainte dans le commissariat ou la gendarmerie de son choix. Ce droit est réaffirmé dans la Charte d’accueil du public et d’assistance aux victimes affichée dans l’ensemble des locaux de police et de gendarmerie, dont l’article 6 prévoit en particulier que « Tout signalement d’une disparition de personne fait l’objet d’une attention particulière et d’un traitement immédiat ».

Dans chaque direction départementale de la sécurité publique un correspondant départemental “aide aux victimes” est chargé de développer les relations avec les associations, d’améliorer l’accueil et de centraliser les renseignements utiles. S’y ajoutent la présence et l’action de 125 postes d’intervenants sociaux attachés aux circonscriptions de police etbrigades de gendarmerie sur l’ensemble du territoire, ainsi que celles de 37 psychologues installés dans des commissariats pour intervenir tant auprès des victimes que des auteurs de violences (chiffres valables pour l’année 2010).

L’accueil et la prise en charge des victimes sont assurées de façon concrète par l’existence de 150 permanences ou points d’accueil d’associations d’aide aux victimes installés dans les locaux des forces de sécurité dans le cadre de conventions passées avec de grands réseaux associatifs dont l’institut national d’aide aux victimes et de médiation (INAVEM). Outre leur mission principale d’assistance aux victimes, les représentants associatifs interviennent également dans les formations initiale et continue des policiers et gendarmes consacrées à l’accueil et à l’aide des victimes d’infraction. En tout état de cause, chaque victime d’infraction pénale se voit remettre les coordonnées d’une association d’aide aux victimes après un dépôt de plainte, cependant qu’une boîte aux lettres électroniques spécialement dédiées à l’aide aux victimes existe dans tous les commissariats de police.

Des dispositions sont, par ailleurs, prévues aux fins d’assurer, lorsque la situation l’exige, la protection des témoins. Ces dispositions résultent des articles du code de procédure pénale ci-dessous reproduits:

Article 706-57: « Les personnes à l’encontre desquelles il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction et qui sont susceptibles d’apporter des éléments de preuve intéressant la procédure peuvent, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, déclarer comme domicile l’adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie. »

Article 706-58 du CPP: « En cas de procédure portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, lorsque l’audition d’une personne visée à l’article 706-57 est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique de cette personne, des membres de sa famille ou de ses proches, le juge des libertés et de la détention, saisi par requête motivée du procureur de la République ou du juge d’instruction, peut, par décision motivée, autoriser que les déclarations de cette personne soient recueillies sans que son identité apparaisse dans le dossier de la procédure. Cette décision n’est pas susceptible de recours, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article 706-60. Le juge des libertés et de la détention peut décider de procéder lui-même à l’audition du témoin.

La décision du juge des libertés et de la détention, qui ne fait pas apparaître l’identité de la personne, est jointe au procès-verbal d’audition du témoin, sur lequel ne figure pas la signature de l’intéressé. L’identité et l’adresse de la personne sont inscrites dans un autre procès-verbal signé par l’intéressé, qui est versé dans un dossier distinct du dossier de la procédure, dans lequel figure également la requête prévue à l’alinéa précédent. L’identité et l’adresse de la personne sont inscrites sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet au tribunal de grande instance. »

La procédure pénale française s’avère également pleinement conforme aux dispositions de l’article 12§2 de la Convention en ce qu’elle permet aux magistrats du parquet et aux officiers de police judiciaire d’engager une enquête sur la base de tout élément leur paraissant le justifier, y compris en l’absence de tout dépôt de plainte.

Les pouvoirs d’enquête reconnus à l’autorité judiciaire (parquet ou juge d’instruction) sont par ailleurs larges, en particulier s’agissant des possibilités d’accès à tout lieu où il existerait des motifs raisonnables de croire que serait retenue une personne victime de disparition forcée.

Pourra, à cet égard, être mentionnée une récente décision du Conseil constitutionnel par laquelle il a été jugé qu’une loi créant des lieux couverts par le secret-défense ne pouvait avoir pour effet que l’autorité judiciaire se voit refuser l’accès à de tels lieux au titre de son pouvoir d’enquête. Le Conseil constitutionnel a en effet estimé qu’ « en autorisant la classification de certains lieux au titre du secret de la défense nationale et en subordonnant l’accès du magistrat aux fins de perquisition de ces mêmes lieux à une déclassification temporaire, le législateur a opéré, entre [la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation dont participe le secret de la défense nationale et l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la recherche des auteurs d’infractions] une conciliation qui est déséquilibrée » .

Sont, enfin, conformes aux prescriptions de l’article 12§4 les dispositions du droit pénal permettant de prévenir et de réprimer toute atteinte à l’action de la justice conformément aux articles 434-1 et suivants du code pénal, parmi lesquels méritent en particulier d’être reproduits :

l’article 434-4 du code pénal qui dispose : « Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende le fait, en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité : 1° De modifier l’état des lieux d’un crime ou d’un délit soit par l’altération, la falsification ou l’effacement des traces ou indices, soit par l’apport, le déplacement ou la suppression d’objets quelconques ; 2° De détruire, soustraire, receler ou altérer un document public ou privé ou un objet de nature à faciliter la découverte d’un crime ou d’un délit, la recherche des preuves ou la condamnation des coupables. / Lorsque les faits prévus au présent article sont commis par une personne qui, par ses fonctions, est appelée à concourir à la manifestation de la vérité, la peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 75000 euros d’amende » ;

l’article 434-5 du même code qui dispose : « Toute menace ou tout autre acte d’intimidation à l’égard de quiconque, commis en vue de déterminer la victime d’un crime ou d’un délit à ne pas porter plainte ou à se rétracter, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende ».

Article 13. Extradition

En vertu de l’article 55 de la Constitution, les dispositions de l’article 13§1 de la Convention relatives à l’extradition sont directement applicables en droit interne et possèdent une autorité supérieure aux dispositions législatives, ainsi qu’en jugent avec constance la Conseil d’État et la Cour de Cassation lorsqu’ils sont saisis de recours contre une mesure d’extradition. L’article 696 du code procédure pénale souligne de façon explicite le caractère subsidiaire des dispositions législatives s’agissant de l’extradition, en disposant : « En l’absence de convention internationale en stipulant autrement, les conditions, la procédure et les effets de l’extradition sont déterminés par les dispositions du présent chapitre. Ces dispositions s’appliquent également aux points qui n’auraient pas été réglementés par les conventions internationales. ».

Conformément à l’article 13§3 de la Convention, la France n’en veillera pas moins à inclure le crime de disparition forcée au nombre des infractions qui justifient l’extradition dans tout traité d’extradition futur, étant au demeurant souligné que la France a déjà procédé à l’extradition de personnes en l’absence de traité d’extradition, sur le fondement d’un engagement de réciprocité, ainsi que l’envisage l’article 13§4.

Au reste, les articles 696 et 696-3 du code de procédure pénale autorisent dès à présent l’extradition d’une personne recherchée pour des faits de disparition forcée, dès lors que ceux-ci sont pénalement réprimés dans l’État requérant. L’article 696-3 du code de procédure pénale dispose en effet que « Les faits qui peuvent donner lieu à l’extradition, qu’il s’agisse de la demander ou de l’accorder, sont (…) : 1° Tous les faits punis de peines criminelles par la loi de l’État requérant ; 2° Les faits punis de peines correctionnelles par la loi de l’État requérant, quand le maximum de la peine d’emprisonnement encourue, aux termes de cette loi, est égal ou supérieur à deux ans, ou, s’il s’agit d’un condamné, quand la peine prononcée par la juridiction de l’État requérant est égale ou supérieure à deux mois d’emprisonnement (…) ».

Ces dispositions doivent être lues en gardant à l’esprit que, même dans l’hypothèse improbable où l’extradition d’une personne soupçonnée de disparition forcée serait demandée par un État sanctionnant dans sa législation ces faits d’une peine délictuelle inférieure à deux ans d’emprisonnement, l’extradition demeurerait possible dès lors que les dispositions de la Convention possèdent une valeur supérieure aux dispositions législatives de l’article 696-3 qui ne valent « qu’en l’absence de convention internationale en stipulant autrement ».

Enfin, le respect des dispositions de l’article 13§5 est garanti par le fait que les chambres de l’instruction et le Conseil d’État, auxquels incombent respectivement l’autorisation et le contrôle de légalité de l’extradition, s’attachent à vérifier que la demande n’a pas été présentée « aux fins de poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son origine ethnique, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social » et que donner suite à ladite demande d’extradition ne causera pas « un préjudice à cette personne pour l’une quelconque de ces raisons ».

Aux fins de la parfaite information du Comité, il doit être indiqué qu’à ce jour, les autorités françaises n’ont été rendues destinataires d’aucune demande d’extradition en lien avec des faits de disparition forcée.

Article 14. Entraide judiciaire

Normalement régie par des conventions bilatérales ou multilatérales, l’entraide judiciaire demeure néanmoins possible, en l’absence même de convention, sur le fondement des dispositions légales internes, sous la seule condition que l’autorité étrangère offre ses services dans des affaires comparables au titre de la réciprocité.

Inversement, les dispositions du code de procédure pénale permettent aux magistrats français, en l’absence de convention, de présenter leurs demandes à des autorités judiciaires étrangères, en faisant des offres de réciprocité.

Marquant leur parfaite disposition à cet égard, les autorités françaises notent cependant qu’aucune demande d’entraide en relation avec des faits de disparition forcée ne leur a été adressée à ce jour.

Article 15. Coopération internationale

A ce jour, les autorités françaises n’ont reçu aucune demande d’assistance ayant pour objet soit de porter assistance à des victimes de disparitions forcée, soit d’aider à leur localisation ou libération. Elles n’ont elles-mêmes adressé aucune demande semblable à un pays étranger.

Article 16. Non refoulement

L’article 3 de la CEDH, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme depuis son arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989 et, à sa suite, par les juridictions nationales, prohibe de manière absolue l’éloignement d’étrangers exposés à des risques de torture ou de traitements inhumains ou dégradants dans leur pays d’origine, et cela quels que soient le fondement juridique ou les modalités de cet éloignement (reconduite à la frontière, expulsion, extradition, remise).

Conformément à la jurisprudence de la Cour, la protection de l’article 3 s’applique dès lors qu’il y a des « motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé courra un risque réel » de mauvais traitements et s’il est avéré que l’intéressé est personnellement et spécialement exposé à de tels risques.

Cette protection est due quelle que soit la gravité des faits qui peuvent être reprochés à l’intéressé. En ce sens, la Cour, dans son arrêt Saadi c. Italie du 28 février 2008, a fermement récusé la possibilité d’une mise en balance entre la gravité de la menace représentée par l’étranger concerné et les risques de mauvais traitements encourus par ce dernier en cas de retour. La Cour rappelle en effet que l’article 3 consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques, qu’il n’admet aucune restriction contrairement à la majorité des clauses normatives de la CEDH et qu’enfin il ne souffre nulle dérogation aux termes de l’article 15 de cette convention, même en cas de danger public menaçant la vie de la Nation.

Cette jurisprudence trouve son équivalent en droit français dans l’article L. 513-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) qui prévoit qu’ : « un étranger ne peut être éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu’il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ».

En conséquence, aucune mesure d’éloignement n’est exécutée par les autorités françaises à l’encontre d’un étranger qui allègue être exposé à des risques en cas de retour sans qu’il ne soit préalablement procédé à un examen individuel de sa situation. Cet examen prend en compte la situation générale prévalant dans le pays en cause en s’appuyant sur l’ensemble des sources disponibles et pertinentes et, de manière approfondie, la situation personnelle de l’étranger concerné (ses activités passées, ses rapports avec les autorités de son pays d’origine…) en s’appuyant sur les éléments qu’il a pu fournir dans le cadre d’une demande d’asile ou dans le cadre de la procédure contradictoire préalable à la mesure d’éloignement.

A ces garanties de fond, s’ajoutent les garanties résultant des procédures juridictionnelles. Les décisions administratives fixant le pays de destination sont ainsi susceptibles de recours devant la juridiction administrative, qui vérifie la conformité de la décision au regard des instruments de protection des droits de l’homme et peut, dans le cadre d’un référé, prononcer la suspension de la mesure administrative.

Il ne fait pour le Gouvernement aucun doute, quand bien même aucune juridiction n’a encore été appelée à se prononcer sur cette question, que le risque pour un individu d’être exposé à une disparition forcée en cas d’éloignement vers un pays donné s’analyse en un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3.

Article 17. Interdiction de la détention au secret

En France, nul ne peut être privé de liberté autrement qu’en vertu d’une décision légale et par une autorité habilitée par la loi, conformément aux dispositions de l’article 5 de la CEDH.

Aucune disposition du droit français n’autorise la détention en secret.

En fonction de ses motifs, et selon qu’elle est décidée par l’autorité judiciaire ou l’autorité administrative, la privation de liberté relève de régimes distincts dont il convient d’exposer les principaux éléments en lien avec les dispositions de l’article 17 de la Convention, avant que de présenter les mécanismes communs permettant de garantir, quel que soit le régime de privation de liberté en cause, la régularité de cette dernière.

En ce qui concerne les privations de liberté résultant de décisions judiciaires:

La Constitution française prévoit en son article 34 que « La loi fixe les règles concernant (…) la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables [ainsi que] la procédure pénale (…) ». Elle énonce également en son article 66 que « Nul ne peut être arbitrairement détenu » et que « L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».

Conformément à ces dispositions constitutionnelles, la loi désigne les autorités compétentes pour ordonner une privation de liberté et prévoit en particulier que :

le placement en garde à vue est ordonné par un officier de police judiciaire sous le contrôle d’un magistrat (procureur ou juge d’instruction) ;

le placement en détention provisoire est ordonnée par le juge des libertés et de la détention ou par la chambre de l’instruction ;

les peines criminelles et délictuelles sont ordonnées par les cours et tribunaux et mises à exécution par le ministère public ;

la contrainte judiciaire est ordonnée par le juge d’application des peines (JAP).

La garde à vue est définie par l’article 62-2 du code de procédure pénale comme « une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs ». Si la description exhaustive du régime qui lui est applicable et des garanties qui l’entourent apparaît excéder l’objet du présent rapport, il convient cependant de souligner que les 4e et 5e alinéas de l’article 63-1 précisent que la personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire, ou sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire « du fait qu’elle bénéficie […] du droit de faire prévenir un proche et son employeur, conformément à l’article 63-2 », cet avis ayant toujours pour unique objet d’informer le tiers de la mesure dont le gardé à vue fait l’objet, sans autre précision que le nom du service ou de l’unité de police judiciaire dans lequel la personne est retenue. Il doit aussi permettre à la personne avisée de désigner un avocat et à la famille de demander un examen médical, lorsque l’avis a été fait à un de ses membres. Le droit d’information ne doit, au demeurant, pas être confondu avec le droit dont dispose également la personne gardée à vue de communiquer avec son avocat au cours d’un entretien d’une durée de trente minutes par période de 24 heures et d’être assistée par lui au cours des auditions et confrontations, conformément aux dispositions de l’article 63-4 du code de procédure pénale. En outre, il est prévu par les articles 64 et 65 du même code que les informations relatives à la garde-à-vue, y compris celles concernant la libération de la personne concernée, sont consignées dans les procès-verbaux d’interrogatoire ainsi que dans un registre spécial tenu à cet effet dans tout local de police ou de gendarmerie susceptible de recevoir une personne gardée à vue.

S’agissant de la détention provisoire, la liberté de communication est la règle et les restrictions à celle-ci l’exception. L’article 145-4 du code de procédure pénale dispose en effet que seul le juge d’instruction peut prescrire une interdiction de communiquer pour une période maximale de dix jours renouvelable une fois, et qu’en aucun cas, l’interdiction de communiquer ne s’applique à l’avocat de la personne mise en examen. Ce même article prévoit par principe que toute personne placée en détention provisoire peut, avec l’autorisation du juge d’instruction, recevoir des visites sur son lieu de détention et à l’expiration d’un délai d’un mois à compter du placement en détention provisoire, le juge d’instruction ne peut refuser de délivrer un permis de visite à un membre de la famille de la personne détenue que par une décision écrite et spécialement motivée au regard des nécessités de l’instruction, et sous le contrôle du président de la chambre de l’instruction qui, en cas de recours, statue dans un délai de cinq jours par une décision écrite et motivée.

Cette liberté de communication et de visites s’applique également, dans des conditions plus larges encore, aux détenus frappés d’une peine privative de liberté en exécution d’une condamnation judiciaire définitive.

Dans tous les cas de figure sont applicables les dispositions des articles D.148 et D.149 du code de procédure pénale ainsi libellées :

Article D.148 CPP: « Tout établissement pénitentiaire est pourvu d’un registre d’écrou. / Le chef de l’établissement, ou sous son autorité le fonctionnaire chargé du greffe, tient ce registre et veille à la légalité de la détention des individus incarcérés ainsi qu’à l’élargissement des libérables. / Le registre d’écrou est constitué de feuilles mobiles sur lesquelles figurent le numéro d’écrou initial ainsi que le numéro d’écrou actuel et classées dans un fichier. / Il doit être présenté aux fins de contrôle et de visa, aux différentes autorités judiciaires à chacune de leurs visites, ainsi qu’aux autorités administratives qui procèdent à l’inspection générale de l’établissement ».

Article D.149 CPP: « Lors de la conduite de toute personne dans un établissement pénitentiaire par l’exécuteur d’un arrêt ou jugement de condamnation, d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, d’un mandat d’amener lorsque ce mandat doit être suivi d’incarcération provisoire, ou un ordre d’arrestation établi conformément par la loi, un acte d’écrou est dressé sur le registre visé à l’article D. 148. Le chef de l’établissement constate par cet acte la remise de la personne et inscrit la nature et la date du titre de détention, ainsi que l’autorité dont il émane. L’acte d’écrou est signé par le chef de l’établissement et par le chef d’escorte. / En cas d’exécution volontaire de la peine, le chef de l’établissement mentionne sur le registre d’écrou l’arrêt ou le jugement de condamnation dont l’extrait lui a été transmis par le procureur général ou par le procureur de la République. / En toute hypothèse, avis de l’écrou est donné par le chef de l’établissement, selon le cas, au procureur général ou au procureur de la République (…) ».

En ce qui concerne la rétention administrative des étrangers en situation irrégulière

Les mesures de privation de liberté concernant des étrangers entrés ou séjournant irrégulièrement sur le territoire sont le maintien en zone d’attente et le placement en rétention administrative, qui correspondent à des situations distinctes. Ces mesures sont précisément encadrées par la loi et codifiées aux articles L.221-1 à L.551-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour en France des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Il s’agit de privations de liberté limitées dans le temps et soumises au principe énoncé par l’article L.554-1 du CESEDA selon lequel un étranger ne peut être maintenu en zone d’attente ou placé en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ.

Le maintien en zone d’attente concerne les étrangers ayant fait l’objet d’une décision de refus d’admission sur le territoire ou qui ont présenté une demande d’asile à la frontière. L’étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui, soit n’est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l’asile, peut être maintenu dans une zone d’attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement, ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s’il est demandeur d’asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n’est pas manifestement infondée.

Il est prononcé pour une durée qui ne peut excéder quatre jours par une décision écrite et motivée prise par le chef du service de la police nationale ou des douanes, chargé du contrôle aux frontières, ou d’un fonctionnaire désigné par lui. La prolongation du maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours ne peut être ordonnée que par le juge des libertés et de la détention et ne peut, en tout état de cause, excéder une durée maximale de vingt jours.

La zone d’attente est délimitée par le préfet du département et, à Paris, le préfet de police. Elle s’étend des points d’embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes.

En outre, dans l’hypothèse où l’étranger maintenu en zone d’attente a présenté une demande d’asile rejetée comme étant manifestement infondée, cette décision de rejet peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le juge administratif. Ce recours a un caractère pleinement suspensif, son exercice empêchant la mise en œuvre de toute mesure d’éloignement.

Le placement en rétention administrative, quant à lui, concerne les étrangers ayant fait l’objet d’une mesure d’éloignement et qui, ne pouvant quitter immédiatement le territoire français, peuvent être placés en rétention pour une durée de cinq jours par l’autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire. Seuls peuvent faire l’objet d’une telle mesure les étrangers se trouvant dans l’une des situations strictement et limitativement définies par la loi, et qu’il est possible de regrouper en trois catégories:

Lorsque l’étranger doit être remis aux autorités compétentes d’un État membre de l’Union européenne, être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction judiciaire du territoire ou être reconduit d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour ;

Lorsque l’étranger fait l’objet d’un arrêté d’expulsion, d’un signalement aux fins de non-admission ou d’une décision d’éloignement exécutoire, d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois années auparavant ou d’une obligation de quitter le territoire français prise moins d’un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n’a pas été accordé ;

Lorsque l’étranger ayant fait l’objet d’une décision de placement en rétention n’a pas déféré à la mesure d’éloignement dont il est l’objet dans un délai de sept jours suivant le terme de son précédent placement en rétention ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire.

La décision de placement en rétention, valable cinq jours, est prise par le préfet, après l’interpellation de l’étranger. Elle est écrite et motivée et prend effet à compter de sa notification à l’intéressé. Le procureur de la République en est informé immédiatement. Sa prolongation au-delà de cinq jours ne peut être ordonnée que par le juge des libertés et de la détention, et pour une durée totale qui ne put excéder quarante-cinq jours.

En principe, les étrangers placés en rétention sont retenus dans des centres de rétention administrative à vocation nationale dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la Justice et publiée au journal officiel. Ce n’est qu’en raison de circonstances particulières et s’ils ne peuvent être immédiatement placés en centre, que des étrangers peuvent être placés dans des locaux de rétention administrative créés par arrêté du préfet, pour une durée qui ne peut excéder, sauf cas exceptionnels, quarante-huit heures. L’autorité administrative, en cas de nécessité, peut procéder au transfert de l’étranger d’un lieu de rétention vers un autre, sous réserve d’en informer le juge des libertés et de la détention ainsi que le procureur de la République.

Les conditions matérielles d’accueil des personnes retenues dans les centres de rétention sont fixées par un décret du 30 mai 2005. Ce texte prévoit en particulier la présence de téléphones en libre accès. Chaque lieu de rétention dispose d’un espace accessible en toutes circonstances, afin que les avocats puissent s’entretenir confidentiellement avec les étrangers retenus. Des membres des représentations consulaires ont accès au centre de rétention sur rendez-vous. Ils peuvent, sur demande, s’entretenir hors la présence du personnel de garde, afin de maintenir la confidentialité de l’entretien. En ce qui concerne les journalistes, il n’existe pas de texte réglementaire prévoyant de manière spécifique les conditions d’accès et de visite. Pour autant, il n’est pas interdit à ces personnes de demander à visiter un retenu en particulier, dans des conditions d’accès qui sont alors celles de droit commun. Des locaux permettant une présence médicale et infirmière quotidienne sont mis à disposition. Les pouvoirs publics veillent à assurer un effort continu de rénovation et de constructions nouvelles, conformes à ces normes. Des dispositions similaires s’appliquent en ce qui concerne les zones d’attente.

Dans chaque lieu de rétention un règlement intérieur - dont le modèle est fixé par un arrêté du 2 mai 2006 - précise l’organisation de la vie quotidienne des centres de rétention dans des conditions conformes à la dignité des personnes et à la sécurité des occupants. Selon les termes de l’article 20 dudit règlement « les étrangers retenus peuvent recevoir la visite de toute personne de leur choix… ». Des instructions en date du 1er décembre 2009 fixent la durée minimale de visite, sauf nécessités de service, à trente minutes.

Le délégué du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ou ses représentants ont accès à la zone d’attente et aux centres de rétention dans des conditions permettant de garantir leur accès effectif aux demandeurs d’asile. Toutefois, cet accès est subordonné à un agrément individuel délivré par le ministre chargé de l’asile.

Enfin, il est prévu que les étrangers placés en centre de rétention puissent bénéficier d’actions d’accueil, d’information, de soutien moral et psychologique ainsi que d’une aide pour préparer les conditions matérielles de leur départ. Pour la conduite de ces actions, l’État a recours à l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) et à des associations spécialisées dans la défense des droits des étrangers. A l’issue d’une procédure d’appel d’offres, cinq associations (La CIMADE, France Terre d’Asile, l’Ordre de Malte, ASSFAM et Forum réfugiés) ont été missionnées pour intervenir dans les lieux de rétention, dans des conditions déterminées par convention conclue entre l’État et ces associations.

S’ajoute à cette présence associative, le droit d’accès aux lieux de rétention reconnu aux associations humanitaires, sous la seule réserve d’une habilitation délivrée par le ministre chargé de l’immigration par la voie d’un arrêté révisable annuellement.

En ce qui concerne la privation de liberté résultant d’un placement en hôpital psychiatrique

Seuls sont habilités à ordonner le placement d’une personne, sans son consentement, dans l’un des établissements psychiatriques mentionnés à l’article L.3222-1 du code de la santé publique les autorités judicaires en cas d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (art. 706-135 du code de procédure pénale), le préfet, représentant de l’État (art. L.3213-1 du code de la santé publique), et les directeurs d’établissement de santé psychiatrique (art. L.3212-1 du code de santé publique).

Dans la première hypothèse, et conformément aux dispositions de l’article 706-135 du code de procédure pénale « lorsque la chambre de l’instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner, par décision motivée, l’admission en soins psychiatriques de la personne, sous la forme d’une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du même code s’il est établi par une expertise psychiatrique figurant au dossier de la procédure que les troubles mentaux de l’intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police est immédiatement avisé de cette décision. Le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les admissions en soins psychiatriques prononcées en application de l’article L. 3213-1 du même code ».

Hormis cet internement directement prononcé par l’autorité judiciaire, deux procédures coexistent, que sont l’hospitalisation à la demande d’un tiers et l’hospitalisation sur demande d’un tiers et l’hospitalisation sur décision du représentant de l’État.

Au titre de l’hospitalisation sur demande d’un tiers prévue à l’article L.3212-1 du code de santé publique, un directeur d’établissement psychiatrique peut prononcer une décision d’admission lorsqu’il a été saisi d’une demande en ce sens présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants exerçant dans l’établissement prenant en charge la personne malade.

Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut toutefois faire l’objet de soins psychiatriques sur décision du directeur d’un établissement psychiatrique que lorsque, d’une part, ses troubles mentaux rendent impossible son consentement et, d’autre part, son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière.

La réunion de ces deux conditions est impérative et doit être attestée par deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours. Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade et doit constater l’état mental de la personne malade, indiquer les caractéristiques de sa maladie ainsi que la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par le certificat d’un second médecin qui peut exercer dans l’établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l’établissement qui prononce la décision d’admission, ni de la personne ayant demandé les soins ou de la personne faisant l’objet de ces soins.

Dans le cadre de la procédure d’hospitalisation sur décision du représentant de l’État, prévue à l’article L3213-1 du code de santé publique, le préfet peut, au vu d’un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, prononcer par arrêté l’admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l’admission en soins nécessaire.

Dans tous les cas, et quel que soit le fondement de l’hospitalisation, toute personne atteinte de troubles mentaux faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement ou transportée en vue de ces soins, ne voit l’exercice de ses libertés individuelles être restreintes que de manière adaptée, nécessaire et proportionnée à son état mental ainsi qu’à la mise en œuvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée. Son avis sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible.

Avant chaque décision prononçant le maintien des soins psychiatriques sans consentement ou définissant la forme de la prise en charge de la personne malade, cette dernière est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.

En outre, la loi prévoit que toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement est informée le plus rapidement possible, et d’une manière appropriée à son état, de la décision d’admission ainsi que des raisons qui la motivent, mais aussi de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes, au nombre desquelles le contrôle systématique par le juge des libertés et de la détention de toutes les mesures d’hospitalisation complète au plus tard le quinzième jour après son prononcé.

En tout état de cause, la loi prévoit que la personne objet de la mesure d’hospitalisation dispose du droit: 1° De communiquer avec le représentant de l’État, le président du tribunal de grande instance, le procureur de la République, le maire de la commune ou leurs représentants ; 2° De saisir la commission départementale des soins psychiatriques qui est chargée d’examiner la situation des personnes admises en soins psychiatriques et, lorsqu’elle est hospitalisée, la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge, cette instance étant présente dans chaque établissement de santé; 3° De prendre conseil d’un médecin ou d’un avocat de son choix; 4° De porter à la connaissance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence; 5° D’émettre ou de recevoir des courriers; 6° De consulter le règlement intérieur de l’établissement et de recevoir les explications qui s’y rapportent; 7° D’exercer son droit de vote; 8° De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.

Ces droits, à l’exception de ceux mentionnés aux 5°, 7° et 8°, peuvent être exercés à leur demande par les parents ou les personnes susceptibles d’agir dans l’intérêt du malade, conformément aux dispositions de l’article L. 3211-3 du code de la santé publique.

Toute mesure d’hospitalisation sans consentement est par ailleurs justiciable du contrôle du juge des libertés et de la détention, saisi par la voie d’un recours dit facultatif ou vérifiant à intervalles réguliers prévus par la loi la nécessité et la régularité de la privation de liberté.

Le recours facultatif, prévu à l’article L. 3211-12 du code de la santé publique, permet que le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l’établissement psychiatrique accueillant le patient puisse être saisi à tout moment aux fins d’ordonner la mainlevée immédiate de la mesure de soins psychiatriques. Il peut être saisi, non seulement, par la personne faisant l’objet des soins, mais aussi par les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure, par la personne chargée de sa protection si le patient a été placé en tutelle ou en curatelle, par son conjoint, son concubin ou la personne avec laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité, par la personne qui a formulé la demande de soins, par un parent ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de la personne faisant l’objet des soins, et par le procureur de la République.

Le juge des libertés et de la détention peut également se saisir d’office, à tout moment. A cette fin, toute personne intéressée peut porter à sa connaissance les informations qu’elle estime utiles sur la situation d’une personne faisant l’objet d’une telle mesure.

Cette possibilité de recours facultative se double, en toute circonstance, d’un contrôle systématique prévu à l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique et en vertu duquel l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de son prononcé, puis à nouveau dans un délai de six mois.

La loi impose également que dans chaque établissement autorisé à accueillir des personnes en soins psychiatriques sans consentement est tenu un registre sur lequel sont transcrits ou reproduits dans les vingt-quatre heures les nom, prénoms, profession, âge et domicile des personnes faisant l’objet de soins en application du présent chapitre, la date de l’admission en soins psychiatriques, les nom, prénoms, profession et domicile de la personne ayant demandé les soins, les dates de délivrance des informations qui doivent être fournies à la personne malade, la mention de la décision de mise sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice lorsqu’elle existe, les avis et les certificats médicaux ainsi que les attestations, la date et le dispositif des décisions rendues par le juge des libertés et de la détention, les levées des mesures de soins psychiatriques et, enfin, les décès éventuels.

Ce registre est soumis aux personnes qui visitent l’établissement (le représentant de l’État dans le département ou son représentant, le président du tribunal de grande instance ou son délégué, le procureur de la République dans le ressort duquel est situé l’établissement et le maire de la commune ou son représentant) ; ces dernières apposent, à l’issue de la visite, leur visa, leur signature et s’il y a lieu, leurs observations.

En ce qui concerne les privations de liberté dans le cadre d’un conflit (militaires combattants des forces ennemies, militaires capturés, civils étrangers, mercenaires, francs-tireurs, espions)

Le ministère de la défense intègre les obligations découlant des textes internationaux, au premier rang desquelles les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, dans les directives données aux forces françaises engagées en opération extérieure.

Toute capture ou rétention par les forces françaises au cours d’une opération militaire fait l’objet d’un rapport circonstancié auprès des autorités hiérarchiques. Les procédures relatives aux traitements des personnes retenues font explicitement mention des informations à transmettre aux organismes extérieurs, notamment au Comité international de la Croix-Rouge (CICR). En situation de conflit armé international, un bureau national de renseignement sur les prisonniers de guerre est activé, qui a notamment pour but de transmettre les données relatives aux personnes capturées au CICR.

Des conseillers juridiques sont dans la mesure du possible attachés aux responsables militaires. Ils sont donc en mesure d’attirer l’attention du commandement sur tout acte ou toute procédure qui serait en contradiction avec les normes de droit internationales et nationales.

Il peut arriver, lors d’une opération extérieure, que les informations relatives à l’individu détenu ne puissent être transmises dans les plus brefs délais (personne retenue sur un navire, ou par une unité isolée), pour des raisons techniques ou des raisons de sécurité. Cependant, les procédures en vigueur insistent généralement pour que tout soit mis en œuvre pour que cette période s’étendant entre la capture et la transmission des informations soit la plus réduite possible.

Garanties communes à toutes les formes de privation de liberté

Outre les mécanismes d’inspections internes propres aux ministères de la Justice, de l’Intérieur, de la Santé et de la Défense, plusieurs mécanismes de contrôle externe des lieux de privation de liberté sont prévus par le droit français ainsi que par plusieurs instruments internationaux.

L’article 719 du code procédure pénale octroie, en premier lieu, un pouvoir de visite des lieux de privation de liberté au bénéfice des parlementaires en prévoyant que « Les députés et les sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France sont autorisés à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d’attente et les établissements pénitentiaires ».

Par ailleurs, une mission de contrôle et d’inspection des lieux de privation de liberté incombe à l’autorité judiciaire en tant que gardienne des libertés individuelles. Elle se traduit par un certain nombre d’obligations à la charge des magistrats précisément définies par le code de procédure pénale :

de manière générale, l’article 727 de ce code prévoit que « le juge de l’application des peines, le juge d’instruction, le président de la chambre d’accusation ainsi qu’il est dit à l’article 222, le procureur de la République et le procureur général visitent les établissements pénitentiaires » ;

l’article D. 178 prévoit que le procureur de la République et le procureur général visitent les établissements pénitentiaires, le procureur devant se rendre dans chaque prison une fois par trimestre et plus souvent s’il y a lieu, notamment pour entendre les détenus qui auraient des réclamations à présenter, cependant que le procureur général doit visiter chaque établissement du ressort de la cour d’appel au moins une fois par an ;

l’article D. 176 fait obligation au juge de l’application des peines de visiter les établissements pénitentiaires au moins une fois par mois pour vérifier les conditions dans lesquelles les condamnés y exécutent leur peine et le charge de faire part de ses observations éventuelles aux autorités compétentes pour y donner suite ;

l’article 222 dispose que le président de la chambre d’instruction visite chaque fois qu’il l’estime nécessaire et au moins une fois par trimestre, les maisons d’arrêt du ressort de la cour d’appel et y vérifie la situation des personnes mises en examen en état de détention provisoire ;

l’article D. 177 prévoit que le juge d’instruction peut également visiter la maison d’arrêt et y voir les prévenus aussi souvent qu’il l’estime utile, de même que le juge des enfants, ce dernier devant en outre procéder à une visite de la maison d’arrêt au moins une fois par an pour y vérifier les conditions de détention des mineurs.

Des dispositions équivalentes sont applicables aux zones d’attentes et locaux de rétention administrative (article L.553-3 du CESEDA) ainsi qu’aux établissements psychiatriques (article L.322-4 du code de la santé publique).

A cette mission de contrôle dévolue à l’autorité judiciaire s’ajoute, par ailleurs, les pouvoirs reconnus à plusieurs organismes nationaux et internationaux ayant pour objet la protection des droits fondamentaux, en particulier dans un contexte de privation de liberté.

Organisme au mandat particulièrement large, le Défenseur des droits est une autorité constitutionnelle indépendante regroupant les missions antérieurement dévolues au médiateur de la République, au défenseur des enfants, à la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité (HALDE) et à la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS). A ce dernier titre, en particulier, le Défenseur des droits peut être saisi par toute personne estimant avoir été victime ou témoin d’un comportement abusif ou répréhensible de la part de forces de sécurité considérées dans leur acception la plus large (policiers, gendarmes, agents de l’administration pénitentiaire, vigiles, etc.).

Joue un rôle similaire, au niveau régional, le Commissaire européen aux droits de l’homme, créé en 1999 par le Conseil de l’Europe en tant qu’institution non judiciaire, indépendante et impartiale ayant pour mission de promouvoir la prise de conscience et le respect des droits de l’homme dans les 47 États membres du Conseil de l’Europe. Dans l’exercice de ses missions, il peut procéder à des visites d’établissements dans lesquels peuvent être soulevées des questions relatives aux Droits de l’Homme (prisons, hôpitaux psychiatriques, foyers pour victimes de violence domestique, camps de réfugiés, centres de rétention administrative…). Les États membres visités s’engagent à faciliter ses déplacements et ses contacts et à lui fournir toutes les informations qu’il demande.

S’agissant plus spécifiquement des personnes privées de liberté, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a été institué par la loi du 30 octobre 2007 en tant que « mécanisme national de prévention » (MNP) français au sens de l’article 17 du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT). Il est chargé de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté aux fins de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux. Il dispose du pouvoir de visiter à tout moment tout lieu de privation de liberté et de s’entretenir confidentiellement avec les personnes dont l’audition leur paraît nécessaire. Toute personne physique, ainsi que toute personne morale (association, ONG, etc.) dont l’objet est le respect des droits fondamentaux peuvent porter à la connaissance du Contrôleur général des faits ou des situations constituant une violation des droits fondamentaux de la personne détenue. Après enquête, le Contrôleur général fait part de ses observations à l’autorité compétente, qui doit y répondre dans un délai donné. Il doit porter à la connaissance du procureur de la République les infractions pénales qui lui sont signalées et peut également saisir l’autorité disciplinaire compétente. Il formule des avis, des recommandations et propose des modifications législatives ou réglementaires.

Des prérogatives équivalentes et un mandat identique sont reconnus aux deux autres mécanismes de prévention de la torture que sont, à l’échelle universelle, le Sous-comité de prévention de la torture (SPT) et, à l’échelle du Conseil de l’Europe, le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), ce dernier ayant effectué onze visites en France depuis sa création.

Sur le recours prévu à l’article 17 § 2 f)

Outre les recours à la disposition d’une personne privée de liberté en vertu d’une décision légale, le f) de l’article 17 § 2 prévoit qu’un recours puisse être exercé par des tiers ayant un intérêt légitime dans le cas où une personne victime de disparition forcée se trouverait, par définition, soustraite à la protection de la loi et donc dans l’incapacité d’exercer les recours que celle-ci prévoit.

Par hypothèse, ce recours n’a vocation à être exercé que dans le cas d’une privation de liberté illégale. Il s’ensuit qu’il a nécessairement pour objet, non pas de dire si la privation de liberté en cause est légale – elle ne peut pas l’être –, mais plus exactement d’en faire constater le caractère illicite, de permettre par tout moyen l’identification et l’appréhension rapides de ses auteurs et de libérer la victime de l’emprise de ces derniers.

Ainsi conçu, ce recours trouve son équivalent dans le droit interne français par la possibilité qu’a toute personne disposant d’éléments laissant suspecter la commission d’une disparition forcée de saisir, soit le procureur de la République par la voie d’une plainte, soit un juge d’instruction par la voie d’une plainte avec constitution de partie civile, et de permettre de la sorte l’ouverture d’une enquête judiciaire dans le cadre de laquelle l’autorité judiciaire dispose des pouvoirs les plus larges, ainsi qu’il a été exposé supra dans les observations relatives à l’article 12 de la Convention.

Article 18. Information sur la personne détenue

Comme indiqué supra dans les observations relatives à l’article 17 de la Convention, toute personne placée en garde à vue est avisée qu’elle bénéficie notamment du droit de faire prévenir un proche et son employeur conformément à l’article 63-2 du CPP.

De même, toute personne placée en détention provisoire peut recevoir des visites sous certaines conditions et, dans tous les cas, le juge ne peut refuser au bout d’un mois la délivrance d’au moins un permis de visite que par décision motivée susceptible de recours.

N’est, en outre, aucunement limité le droit de communication reconnu aux personnes maintenues en zone d’attente, placées en rétention administrative ou faisant l’objet d’un placement en établissement psychiatrique.

Dans ces conditions, le droit français garantit en toutes circonstances le droit à l’information des proches de la personne privée de liberté, mais en réserve la mise en œuvre à la décision de cette dernière dont il convient, en effet, de garantir également le droit au respect de la vie privée.

La conciliation ainsi réalisée entre le droit à l’information et le droit à la vie privée n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle que prévoit, en matière de protection consulaire, la Convention de Vienne du 24 avril 1963 dont l’article 36 subordonne l’obligation d’information des autorités consulaires à la demande expresse en ce sens de la personne privée de liberté.

Article 19. Protection des données personnelles

De nombreuses mesures ont été prises par les autorités françaises pour garantir la compatibilité de la collecte, du stockage et de l’utilisation de données personnelles aux fins de la recherche de personnes disparues avec le respect des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de la dignité de la personne humaine.

Dans le cadre de la recherche des personnes disparues, les autorités françaises ont recours à deux fichiers dont l’utilisation est strictement encadrée.

Le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) est destiné notamment à faciliter l’identification et la recherche de personnes disparues à l’aide du profil génétique de leurs descendants ou de leurs ascendants. Il est placé sous la responsabilité du ministère de l’intérieur, sous le contrôle d’un magistrat-garant des libertés individuelles, assisté par un comité de trois membres tous nommés par le ministre de la justice. Ce magistrat référent dispose d’un accès permanent au fichier et au lieu où se trouve celui-ci, et peut notamment ordonner l’effacement d’enregistrements illicites. En outre, ces données peuvent faire l’objet de modifications ou d’un effacement anticipé (article 706-54 du code de procédure pénale) d’office ou à la demande de l’intéressé, lorsque leur conservation n’apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier. En cas de refus, l’intéressé peut saisir le juge des libertés et de la détention, dont la décision peut être contestée devant le président de la chambre de l’instruction. Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de juger que le FNAEG est conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit (Décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010).

Le fichier des personnes recherchées (FPR) répertorie, au plan national, toutes les personnes faisant l’objet de recherches par l’autorité judiciaire, les services de police et unités de gendarmerie, les administrations ou les autorités militaires dans le cadre de leurs compétences légales. Les données enregistrées sur les personnes sont l’état civil, l’alias, le sexe, la nationalité, le signalement (avec l’intégration possible d’une photographie) et le motif de la recherche. Le FPR a pour objet de faciliter les recherches effectuées par les services de police et unités de gendarmerie à la demande des autorités judiciaires, militaires ou administratives. Ce fichier est placé sous la responsabilité du ministère de l’intérieur. Les données sont effacées sans délai en cas d’aboutissement de la recherche ou d’extinction du motif de l’inscription. Les modalités d’exercice du droit d’accès et de rectification sont aménagées s’agissant d’informations intéressant la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique. L’accès s’exerce par l’intermédiaire de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui désigne un magistrat pour procéder aux investigations et, le cas échéant, aux modifications nécessaires. Cette procédure a pour objet de préserver la finalité de ces traitements sans toutefois priver les intéressés de leurs droits. Lorsque le motif d’enregistrement concerne les personnes disparues faisant l’objet de recherches à la demande d’un membre de leur famille, la procédure de l’accès direct s’applique, c’est-à-dire que l’intéressé doit s’adresser directement au gestionnaire du traitement, en l’espèce le ministère de l’intérieur.

Le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) permet d’enregistrer les traces relevées dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction pour recherche des causes d’une disparition inquiétante ou suspecte prévue par les articles 74-1 et 80-4 du code de procédure pénale. Les informations enregistrées sont conservées pendant une durée maximale de 25 ans, s’il n’a pas été préalablement procédé à leur effacement notamment lorsque le gestionnaire du traitement a été informé du décès ou de la découverte de la personne.

Ces fichiers sont soumis aux dispositions prévues par la loi du 6 janvier 1978 précitée. Cette loi encadre strictement les conditions de création et d’utilisation de tels fichiers, ce qui permet de garantir l’ensemble des droits et libertés fondamentaux. Ainsi, l’utilisation de ces fichiers est exclusivement réservée aux agents habilités dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées. Par ailleurs, des « conseillers informatique et libertés » (CIL) ont été désignés au sein du ministère de l’intérieur et des préfectures afin de veiller au respect de la règlementation dans l’utilisation des fichiers par les personnels placés sous leur autorité. En outre, les consultations font l’objet d’une traçabilité permettant d’identifier le consultant ainsi que la date, l’heure et l’objet de la consultation. La conservation des données ne doit pas excéder la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées. Pour le FNAEG, la durée de conservation est de quarante ans pour les personnes disparues et pour le FPR, la durée varie en fonction du motif d’enregistrement.

La loi du 6 janvier 1978 a, par ailleurs, créé la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) chargée notamment de veiller au respect des droits et libertés fondamentaux dans le cadre de l’utilisation et de la conservation de données personnelles. Son statut d’autorité administrative indépendante lui confère une légitimité et des pouvoirs lui permettant de protéger les citoyens en veillant à ce qu’ils accèdent efficacement aux données contenues dans les traitements les concernant. Cette commission contrôle la sécurité des systèmes d’information en s’assurant que toutes les précautions sont prises pour empêcher que les données ne soient déformées ou communiquées à des personnes non-autorisées. En outre, elle dispose d’un pouvoir de sanction en cas de non respect des dispositions légales. En cas d’atteinte grave et immédiate aux droits et libertés, le président de la CNIL peut demander en référé à un juge d’ordonner toute mesure permettant la sauvegarde de ces droits et libertés.

Article 20. Restrictions au droit à l’information

Les dispositions du 1er § de l’article 20 appellent un renvoi aux observations faites supra concernant l’article 18 de la Convention.

Par ailleurs, le recours prévu par le §2 de ce même article doit être conçu, en droit français, comme essentiellement similaire, par son objet et son but, au recours prévu par l’article 17 §2 f) de la Convention. Il sera donc, là encore, renvoyé aux observations relatives à cet article.

Article 21. Remise en liberté

S’agissant d’une détention s’exécutant dans un établissement pénitentiaire, l’article D.149 du code de procédure pénale prévoit explicitement en son 4e alinéa que « La date de la sortie du détenu, ainsi que, s’il y a lieu, la décision ou le texte de la loi motivant la libération, fait également l’objet d’une mention sur l’acte d’écrou », étant rappelé que le registre d’écrou de chaque établissement doit, en toute circonstance, pouvoir être présenté aux fins de contrôle et de visa aux différentes autorités judiciaires, ainsi qu’aux autorités administratives qui procèdent à l’inspection générale de l’établissement, conformément aux dispositions de l’article D.148 du même code.

Dans le cas des mesures de garde à vue, la libération de la personne faisant l’objet d’une telle mesure est obligatoirement mentionnée dans un registre spécial à propos duquel l’article 65 du code de procédure pénale prévoit que « Les mentions et émargements prévus par le premier alinéa de l’article 64, en ce qui concerne les dates et heures de début et de fin de garde à vue et la durée des interrogatoires et des repos séparant ces interrogatoires, doivent également figurer sur un registre spécial, tenu à cet effet dans tout local de police ou de gendarmerie susceptible de recevoir une personne gardée à vue ».

Dans le cas d’une mesure d’hospitalisation sans consentement, le représentant de l’État dans le département peut lever la mesure de soins psychiatriques dès lors que cette levée est demandée par le médecin traitant, et est tenu de le faire dès lors que cette levée est demandée par deux psychiatres. Il doit aviser dans les vingt-quatre heures de toute levée de mesure de soins psychiatriques sans consentement le procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé l’établissement d’accueil de la personne malade, le procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel celle-ci a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour, le maire de la commune où est implanté l’établissement et le maire de la commune où la personne malade a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour, la commission départementale des soins psychiatriques, la famille de la personne qui fait l’objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l’intéressé.

Si la levée de la mesure de soins psychiatriques est ordonnée par le directeur de l’établissement, celui-ci en informe dans les vingt-quatre heures le représentant de l’État dans le département, la commission départementale des soins psychiatriques, les procureurs de la République et la personne qui a demandé les soins.

Article 22. Sanction des entraves et manquements à l’obligation d’information

Comme il a été indiqué ci-dessus dans l’exposé consacré à la mise en œuvre des dispositions de l’article 12 de la Convention, toute tentative visant à faire obstacle au fonctionnement de la justice est passible de sanctions pénales.

En outre, les hypothèses de manquement à la tenue correcte des registres de privation de liberté ou de refus de fournir une information devant l’être relativement à la situation d’une personne privée de liberté sont susceptibles, en fonction des motifs qui président à ce manquement ou à ce refus, d’entraîner des sanctions pénales, des sanctions disciplinaires, voire la responsabilité de l’État en plus de celle du ou des agents concernés.

Article 23. Formation

La France s’est attachée à développer la formation aux droits de l’Homme des forces de l’ordre, afin d’éviter toute violation des droits des personnes interpellées ou retenues.

Tous les personnels de la police et de la gendarmerie, quel que soit leur corps ou leur grade sont concernés. A titre d’exemple, la formation initiale des élèves gardiens de la paix aborde les droits de l’homme dans le cadre de l’enseignement relatif à la déontologie, aux libertés publiques et aux droits fondamentaux. Les exercices pratiques relatifs à l’accueil du public et aux contrôles d’identité insistent sur le comportement et l’attitude des policiers en fonction des catégories d’usagers auxquelles ils sont confrontés (victimes, témoins, auteurs). Les lieutenants de police suivent deux modules d’enseignements intitulés respectivement “éthique, discernement, déontologie, psychologie” et “libertés publiques et droits fondamentaux”. La formation des commissaires de police inclut l’étude de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ainsi que les droits fondamentaux de l’homme. Une formation éthique et déontologie est suivie par l’ensemble des personnels de la gendarmerie avec un accent mis sur la défense et le respect des droits de l’homme.

Les chefs de centres de rétention administrative participent à une formation spécifiquement dédiée à la règlementation relative à l’interpellation des étrangers en situation irrégulière et aux procédures judiciaires et administratives qui y sont liées, ainsi qu’au respect des droits fondamentaux des personnes placées en rétention

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté participe à la formation professionnelle sur les droits fondamentaux des personnes privées de liberté, en intervenant chaque année dans les écoles de formation des agents publics (École nationale d’administration pénitentiaire, École nationale d’administration, École nationale de la magistrature, Ecole nationale supérieure de la police, École des officiers de la gendarmerie nationale).

Les dispositions de la Convention ont naturellement vocation à figurer au nombre des normes fondamentales faisant l’objet de formations à destination des agents de l’État, à mesure que celles-ci sont mises à jour aux fins d’intégrer les normes d’adoption plus récentes...

Concourt, du reste, à la diffusion la plus large possible de la Convention l’organisation d’événements périodiques tels la conférence internationale tenue à Paris en mai 2012 sur les enjeux d’une mise en œuvre universelle et effective de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le Forum organisé à Manille en mai 2011 et intitulé « The signing and ratification of the international convention for the protection of all persons from enforced disappearances: an Imperative », ou encore la « Semaine sur les disparitions forcées » organisée à Paris en octobre 2010 et consacrée à des actions de plaidoyer, de sensibilisation et de mise en réseau des acteurs concernés.

Article 24. Droits des victimes

Tant la notion de « victime » au sens de l’article 24 de la Convention que les droits reconnus à cette dernière par ce même article sont pleinement garantis par le droit français, sans qu’il soit besoin de modifier celui-ci par l’introduction de dispositions spécifiques.

En effet, l’article 2 du code de procédure pénale dispose que « L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. », étant précisé que la procédure pénale française permet la participation de la partie civile au procès pénal dans des conditions autorisant, par conséquent, cette dernière à connaître la vérité de faits de disparitions forcées dont la juridiction répressive aurait à connaître. A cela s’ajoute, par ailleurs, les dispositions de l’article préliminaire du code de procédure pénale aux termes desquelles « L’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale ».

Le droit à réparation des victimes est, au reste, doublement garanti, d’une part, par la possibilité qu’a toute victime de demander réparation lors d’un procès pénal et, d’autre part, par la possibilité d’engager la responsabilité de l’État devant la juridiction administrative à raison de faits illégaux commis « par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État », pour reprendre la définition figurant à l’article 2 de la Convention.

Toutefois, à ce jour, ces dispositions n’ont pas trouvé à être mises en œuvre faute qu’aucune juridiction française, judiciaire ou administrative, ait été saisie de faits de disparition forcée.

Article 25. Enfants

L’arrestation, l’enlèvement, la détention ou la séquestration d’enfants sont réprimés en toute circonstance, conformément aux dispositions des article 224-1 à 224-4 du code pénal. Les peines sont, en outre, aggravées lorsque l’enfant est âgé de moins de 15 ans, l’article 224-5 du même code prévoyant que la peine est portée à la réclusion criminelle à perpétuité si l’infraction est punie de trente ans de réclusion criminelle et à trente ans de réclusion criminelle si l’infraction est punie de vingt ans de réclusion criminelle.

La mise en œuvre de l’article 25§1 a) de la Convention n’apparaît donc pas nécessiter de modifications des dispositions pénales en vigueur.

Il en va de même de la falsification, dissimulation ou destruction de documents aux fins de la soustraction d’enfants visée à l’article 25§1 b), en tant que celle-ci peut d’ores et déjà être réprimée au moyen des articles 441-1 et 441-2 du code pénal ainsi rédigés:

Article 441-1: « Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques. / Le faux et l’usage de faux sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende » ;

Article 441-2 du code pénal: « Le faux commis dans un document délivré par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d’accorder une autorisation est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende. / L’usage du faux mentionné à l’alinéa précédent est puni des mêmes peines. / Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100000 euros d’amende lorsque le faux ou l’usage de faux est commis : 1° Soit par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant dans l’exercice de ses fonctions; 2° Soit de manière habituelle; 3° Soit dans le dessein de faciliter la commission d’un crime ou de procurer l’impunité à son auteur ».

Il convient également de souligner que le droit français de l’adoption présente des garanties fortes répondant, quoique de manière nécessairement non spécifique, aux dispositions de l’article 25 §§ 2 et 4 de la Convention.

Le droit français connaît deux formes d’adoption : l’adoption simple, qui maintient le lien de filiation entre l’adopté et sa famille d’origine et qui est révocable, s’il est justifié de motifs graves (article 370 du code civil), et l’adoption plénière, qui rompt tout lien de filiation avec la famille d’origine et qui est irrévocable (article 359 du même code).

Quelle que soit la nature de l’adoption, simple ou plénière, les articles 593 et suivants du nouveau code de procédure civile (NCPC) permettent cependant, dans des cas exceptionnels où la bonne foi du juge a été trompée, d’exercer un recours en révision à l’encontre du jugement d’adoption, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.

Ce recours, ouvert aux personnes qui ont été parties ou représentées au jugement, dont le ministère public, ne peut s’exercer que pour des causes limitées, dans les deux mois qui suivent leur connaissance par la partie qui les invoque, à la condition toutefois que celle-ci n’ait pu les faire valoir au moment du jugement. Ces causes, au nombre de quatre, sont énumérées à l’article 595 du NCPC:

s’il se révèle, après le jugement, que la décision a été prise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue;

si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d’une autre partie;

s’il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement;

s’il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.

Il va de soi, par ailleurs, que dans l’hypothèse où elles seraient saisies par un autre État d’une demande d’assistance ayant pour objet l’identification et la localisation d’enfants soustraits à leurs parents victimes de disparition forcée, les autorités françaises ne pourraient qu’y répondre avec toute la diligence requise.

Enfin, et de manière générale, l’intérêt supérieur de l’enfant et, en tant que de besoin, la prise en compte de l’opinion exprimée par celui-ci sont pleinement garantis par le droit français, conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 à laquelle la France est partie.