Nations Unies

CERD/C/RUS/CO/20-22

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

17 avril 2013

Français

Original: anglais

Comité pour l’éliminati on de la discrimination raciale

Observations finales concernant les vingtième à vingt‑deuxième rapports périodiques de la Fédération de Russie, adoptées par le Comité à sa quatre‑vingt‑deuxième session (11 février‑1er mars 2013)

1.Le Comité a examiné les vingtième à vingt-deuxième rapports périodiques de la Fédération de Russie (CERD/C/RUS/20‑22), soumis en un seul document, à ses 2211e et 2212e séances (CERD/C/SR.2211 et 2212), les 14 et 15 février 2013. À ses 2227e et 2228e séances, les 26 et 27 février 2013, il a adopté les observations finales ci‑après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite que l’État partie ait soumis dans les délais voulus ses vingtième à vingt‑deuxième rapports périodiques, qui sont conformes aux directives concernant l’établissement des rapports. Il salue le fait qu’un chapitre ait été consacré aux mesures adoptées pour donner suite aux observations finales précédemment formulées par le Comité.

3.Le Comité accueille aussi avec satisfaction le dialogue ouvert qu’il a eu avec la délégation de haut niveau dépêchée par l’État partie, les renseignements fournis dans le cadre de la procédure de suivi du Comité (CERD/C/RUS/CO/19/Add.1) et les compléments d’information apportés par la délégation lors du dialogue, nonobstant le nombre de questions et de sujets soulevés par le Comité.

B.Aspects positifs

4.Le Comité prend acte des efforts que l’État partie a mis en œuvre depuis l’examen de son dernier rapport, en août 2008, pour renforcer son cadre juridique afin d’améliorer la protection des droits de l’homme et de donner effet aux dispositions de la Convention, notamment:

a)L’adoption de la loi fédérale no 182‑FZ, du 12 novembre 2012, portant modification de la loi fédérale de 2002 sur la nationalité russe et visant à simplifier la procédure d’acquisition de la citoyenneté pour certaines catégories de personnes, telles que les ressortissants des anciennes républiques soviétiques;

b)L’entrée en vigueur de la loi fédérale no 3-FZ, du 1er mars 2012, relative à la police, qui s’inscrit dans le cadre des efforts de réforme du système d’application des lois et qui dispose entre autres choses que la police doit «protéger les droits, les libertés et les intérêts légitimes des individus et des citoyens sans distinction de sexe, de race, d’appartenance à un groupe ethnique, de langue et d’origine» (art. 7).

5.Le Comité se félicite en outre qu’au cours de la période à l’examen l’État partie ait ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après, ou y ait adhéré:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (septembre 2008);

b)La Charte sociale européenne (octobre 2009);

c)Le Protocole no 14 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme) (février 2010);

d)La Convention de La Haye concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (août 2012);

e)La Convention relative aux droits des personnes handicapées (septembre 2012).

6.Le Comité prend également note d’autres initiatives prises par de l’État partie en faveur des droits de l’homme et de la mise en œuvre des droits consacrés par la Convention, parmi lesquelles:

a)L’établissement en 2011 d’un Groupe de travail ministériel chargé des relations interethniques, présidé par le Vice‑Premier‑Ministre et composé de représentants de 15 organes fédéraux du pouvoir exécutif, du Conseil de la Fédération et de la Douma d’État;

b)L’allocation de fonds à la Section antidiscrimination du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le soutien aux travaux du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

Absence de législation complète sur la discrimination raciale

7.Tout en relevant que l’article 19 de la Constitution prévoit que l’État garantit les droits et les libertés des individus sans distinction de sexe, de race, d’appartenance ethnique, de langue ou d’origine, le Comité se dit une nouvelle fois préoccupé de ce que l’État partie n’a toujours pas adopté de législation exhaustive en matière de lutte contre la discrimination contenant une définition claire de la discrimination raciale (CERD/C/RUS/CO/19, par. 9 et 11). De plus, tout en constatant qu’il existe des garanties d’égalité dans un certain nombre de textes législatifs fédéraux et régionaux, le Comité s’inquiète du fait que cette législation ne couvre que certains domaines et craint qu’elle ne s’applique qu’aux nationaux (art. 1er, 2 et 6).

Le Comité r appelle sa recommandation antérieure (CERD/C/RUS/CO/19, par. 9 et 11) quant à l’adoption par l’État partie d’une législation complète de lutte contre la discrimination, contenant une définition claire des formes directes et indirectes de la discrimination raciale et couvrant tous les domaines du droit et de la vie publique, conformément au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention.

Données ventilées

8.Le Comité regrette que le rapport périodique de l’État partie ne contienne pas de données ventilées concernant l’exercice des droits protégés par la Convention chez les minorités ethniques et les étrangers, alors qu’il en avait expressément fait la demande dans ses observations finales précédentes (CERD/C/RUS/CO/19, par. 10) (art. 1er et 5).

Le Comité recommande à nouveau à l’État partie ( CERD/C/RUS/CO/19, par. 10) d’instituer un mécanisme de collecte systématique de données, fondé sur le principe de l’auto ‑ identification, afin d’évaluer la situation socioéconomique des différents groupes ethniques vivant sur le territoire, notamment dans des domaines tels que l’éducation, l’emploi et le logement. Il est en effet indispensable de disposer d’un tel mécanisme pour concevoir et mettre en œuvre des mesures spéciales visant à corriger les inégalités en matière de jouissance des droits ainsi que pour évaluer l’efficacité des diverses mesures adoptées par l’État partie pour combattre contre la discrimination, comme cela est souligné dans les directives révisées pour l’établissement des rapports (CERD/C/2007/1, par. 11). Il lui recommande aussi de s’assurer que ces données sont ventilées par sexe, compte tenu du fait que les facteurs liés au sexe peuvent être en corrélation avec la discrimination raciale ( R ecommandation générale n o 2 5 (2000)).

Affaires de discrimination raciale devant les tribunaux

9.Le Comité a pris note de la réponse fournie par l’État partie selon laquelle ce dernier ne tient pas de statistiques sur le nombre de procédures civiles ou administratives engagées suite à des plaintes pour discrimination raciale au motif que de tels actes sont rares en Fédération de Russie (CERD/C/RUS/CO/19, par. 28), mais se redit préoccupé par l’absence d’informations sur ces actes de discrimination raciale, particulièrement à la lumière d’informations qu’il a reçues et qui tendent à prouver qu’ils sont au contraire répandus. LeComité regrette aussi l’absence de renseignements sur les affaires qui illustreraient l’application directe et indirecte de la Convention par les instances judiciaires et administratives ainsi que sur les voies de recours accessibles aux victimes de discrimination raciale (art. 2 et6).

Le Comité prie l’État partie de présenter dans son prochain rapport périodique, à la lumière également de sa R ecommandation générale n o  31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale:

a) Les mesures adoptées pour collecter des renseignements sur le nombre de plaintes pour discrimination raciale et sur les décisions rendues dans le cadre des procédures pénales, civiles et administratives, y compris sur les réparations accordées aux victimes de discrimination raciale;

b) Les mesures prises pour faire en sorte que les victimes de discrimination raciale aient connaissance des voies de recours à leur disposition et aient accès à l’aide juridictionnelle, compte tenu de la recommandation déjà formulée à ce sujet (CERD/C/RUS/CO/19, par. 28);

c) Les mesures prises pour garantir le partage de la charge de la preuve dans les procédures pénales, civiles et administratives concernant des actes de discrimination;

d) Des exemples illustrant la manière dont la Convention est appliquée dans les procédures pénales, civiles et administratives.

Rôle du Médiateur aux droits de l’homme et des médiateurs régionaux dans la lutte contre la discrimination raciale

10.Le Comité prend acte de l’existence du Médiateur aux droits de l’homme et de médiateurs régionaux, dont des médiateurs régionaux pour les droits des petits peuples autochtones. Il prend également acte des renseignements donnés par l’État partie selon lesquels les plaintes pour discrimination dans l’un quelconque des domaines de la vie sociale peuvent être adressées aux services du Médiateur aux droits de l’homme (CERD/C/RUS/20-22, par. 522). Le Comité regrette néanmoins qu’aucune information n’ait été communiquée sur de telles affaires, en particulier sur des affaires de discrimination raciale. Il renvoie à cet égard à la recommandation qu’avait également formulée le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée quant à la création d’un organisme indépendant traitant exclusivement de la question de la discrimination raciale, à la suite de sa mission en Fédération de Russie en 2007 (A/HRC/4/19/Add.3, par. 83) (art. 2 et 6).

Le Comité prie l ’ État partie de bien vouloir présenter dans son prochain rapport périodique:

a) Les plaintes pour discrimination raciale reçues et examinées par le Médiateur aux droits de l ’ homme (Commissaire pour les droits de l ’ homme) et les médiateurs régionaux , ainsi que l ’ issue de ces plaintes et les mesures prises pour faire connaître le rôle de ces institutions en la matière;

b) T oute autre action précise prise par le Médiateur aux droits de l ’ homme et les médiateurs régionaux en matière de lutte contre la discrimination raciale.

Infractions à caractère raciste

11.S’il prend acte des efforts entrepris par l’État partie pour lutter contre les organisations extrémistes et de la diminution signalée des manifestations d’extrémisme en 2011, le Comité est toutefois vivement préoccupé par le fait que:

a)Le nombre des violences et des homicides à motivation raciale, a apparemment augmenté en 2012, en particulier chez les jeunes et contre les personnes originaires d’Asie centrale, du Caucase, d’Asie et d’Afrique, ainsi que contre les Roms et les minorités ethniques de confession musulmane ou juive;

b)Les actes racistes et xénophobes, y compris l’instigation d’affrontements de rue et de passages à tabac, entre autres par des groupes néonazis et des supporters d’équipes de football, contre des membres de minorités ethniques, sont devenus plus fréquents en 2011 et en 2012 et ont parfois fait des blessés et des morts dans ces minorités;

c)Ces acteurs racistes et xénophobes ne sont pas suffisamment condamnés par les autorités;

d)Les tribunaux ont souvent tendance à imposer des peines avec sursis dans les affaires d’infraction à motivation raciste, bien que le Code pénal ait été modifié en 2007 afin que le fait qu’une infraction soit motivée par la haine ou le fanatisme ethnique, racial et religieux constitue une circonstance aggravante;

e)La liste fédérale des matériels extrémistes interdits et des organisations extrémistes continue, malgré des mises à jour récentes, à contenir des renseignements incohérents et obsolètes (art. 4).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De condamner de manière systématique, ferme et sans équivoque tous les actes d ’ intolérance, de racisme et de xénophobie;

b) De redoubler d ’ efforts pour se fixer comme objectif principal, dans le cadre de l ’ application de la législation sur la lutte contre les activités extrémistes et de l ’ article 282 du Code pénal, la lutte contre les organisations extrémistes et leurs membres qui se livrent à des actes de discrimination raciale ;

c) De veiller à une prompte intervention de la police, du parquet et des juges aux fins d ’ enquêter sur les infractions racistes et de les réprimer, ainsi que de continuer à développer les actions de formation et de sensibilisation à destination de ces corps de métiers;

d) De collecter et publier des statistiques concernant les infraction s raciste s dans l ’ État partie, qui soient ventilées par catégorie d ’ infraction, lieu de commission et nombre de victimes. Ces statistiques devraient s ’ appuyer sur les décisions de justice et prendre en compte aussi bien les acqui ttements que les condamnations.

Discours de haine raciale

12.Le Comité s’inquiète vivement de ce que:

a)Des groupes extrémistes proclamant leur exclusivité et leur supériorité pour des raisons raciales, tels que les groupes néonazis, sont semble-t-il de plus en plus actifs et visibles dans la vie publique, alors qu’ils expriment ouvertement des opinions racistes et xénophobes;

b)Les déclarations racistes ou xénophobes ne sont pas toujours condamnées publiquement par les représentants de l’État;

c)Les personnalités politiques ont de plus en plus recours à une rhétorique xénophobe et raciste, en particulier en période électorale, et associent fréquemment les Roms au trafic de drogues et aux infractions connexes, de même qu’elles ont tendance à associer facilement les migrants et les personnes originaires du Caucase à la criminalité;

d)Les médias continuent à véhiculer des stéréotypes négatifs et des préjugés concernant les groupes minoritaires, notamment les Roms et les Tchétchènes;

e)Ces idées se répandent de plus en plus via Internet (art. 4).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De condamner systématiquement, avec fermeté et sans équivoque, toute diffusion d ’ idées fondées sur la supériorité ou la haine racial e, toute incitation à la discrimination raciale , ainsi que tous actes de violence, ou provocation de tels actes, dirigés contre une race, ou un groupe de personnes d ’ une certaine couleur ou d ’ une certaine origine ethnique;

b) De veiller à ce que des sanctions adéquates soient prises contre les personnalités politiques attisant l ’ intolérance ou l ’ incitation à la haine, conformément à l ’ article 4 c) de la Convention. À cet égard, le Comité se félicite qu ’ au cours du dialogue l ’ État partie se soit engagé à prendre des mesures complémentaires suite à l ’ abandon des poursuites judiciaires contre le maire de Sochi, M. Pakhomov, qui avait publiquement déclaré en octobre 2009 que tous les Roms et les sans-abri auraient dû être expulsés de la ville et contraints de participer aux travaux de construction s itués en périphérie de la ville;

c) D ’ encourager les professionnels des médias à promouvoir la tolérance et le respect de la diversité ethnique et culturelle, notamment en s ’ attachant plus activement à former et informer sur leurs obligations en matière d ’ éthique et en usant de manière plus efficace d es mécanismes exista nts d’autorégulation des médias;

d) De créer des mécanismes efficaces pour lutter contre la diffusion de discours de haine sur Internet, tout en veillant à mettre en place des garde-fous appropriés pour prévenir toute ingérence inutile dans le droit à la liberté d ’ expression.

Lois sur la lutte contre l’extrémisme et sur les «agents de l’étranger»

13.Bien que l’État partie ait déclaré travailler à adopter une définition plus exacte de l’extrémisme (CERD/C/RUS/20-22, par. 107 à 113), le Comité se déclare à nouveau préoccupé par la définition des «activités extrémistes» donnée dans la loi fédérale no 114 de juillet 2002 sur la lutte contre l’extrémisme ainsi que dans les articles 280 et 282 du Code pénal, qui demeure à la fois trop vague et trop large, ouvrant la voie à une application arbitraire (CERD/C/RUS/CO/19, par. 17). De plus, il s’inquiète de l’adoption de la loi fédérale relative à l’«encadrement des activités des organisations non commerciales remplissant la fonction d’agents de l’étranger», entrée en vigueur en novembre 2012, et de l’effet qu’elle pourrait avoir sur la capacité des organisations non gouvernementales œuvrant à promouvoir et à protéger les droits des minorités ethniques ou religieuses, des peuples autochtones et d’autres groupes vulnérables, de poursuivre leurs activités légitimes (art. 2 et 4).

Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier la définition de l ’ extrémisme figurant dans la loi sur la lutte contre l ’ extrémisme et dans les articles 2 80 et 282 du Code pénal afin de veiller à ce que son libellé soit clair et précis et couvre uniquement les actes de violence, l ’ incitation à la violence et la participation à des organisations qui prônent la discrimination raciale et incitent à cette discrimination, conformément à l ’ article 4 de la Convention.

Le Comité lui recommande aussi de réviser la loi fédérale sur les organisations non commerciales afin de veiller à ce que les organisations non gouvernementales travaillant avec les minorités ethniques, les peuples autochtones, les étrangers et les autres groupes vulnérables victimes de discrimination puissent mener à bien leur travail de promotion et de protection des droits consacrés par la Convention, sans ingérence injustifiée ni obligations coûteuses.

Traitement discriminatoire des minorités ethniques par les forces de l’ordre et les «patrouilles de Cosaques»

14.Le Comité se redit préoccupé par le fait que des minorités ethniques, notamment les Tchéchènes et les autres personnes originaires du Caucase ou de l’Asie centrale, les Roms et les Africains, continuent de faire plus souvent l’objet de contrôles d’identité, d’arrestations, de placements en détention et d’actes de harcèlement de la part des policiers et autres responsables de l’application des lois, en raison de leur apparence (CERD/C/RUS/CO/19, par. 12). Il s’inquiète aussi des informations faisant état d’extorsions de fonds, de confiscation de documents d’identité et de recours à la violence et d’insultes raciales lors de ces contrôles d’identité, et par le faible nombre d’enquêtes efficaces ouvertes, de poursuites engagées et de sanctions imposées contre les forces de l’ordre pour ces faits de mauvais traitements, abus ou discrimination contre les minorités ethniques. Le Comité s’inquiète en outre des informations selon lesquelles des «patrouilles de Cosaques» volontaires ont commencé à apparaître en 2012 dans plusieurs régions, où elles exercent des fonctions de maintien de l’ordre aux côtés de la police, et selon lesquelles il y aurait eu des cas de recours à la violence par ces patrouilles contre des minorités ethniques ou religieuses (art. 2 et 5).

Le Comité engage vivement l ’ État partie à:

a) S ’ assurer que la loi sur la police est effectivement mise en œuvre et que des me sures juridiques appropriées so nt prises contre tout membre des forces de l ’ ordre qui aurait enfreint la loi pour des motifs de discrimination raciale;

b) D ispenser des formations obligatoires et ambitieuses sur la thématique des droits de l ’ homme aux fonctionnaires de police et autres responsables de l ’ application des lois, dans le cadre de leur formation initiale et tout au long de leur carrière, en vue de prévenir le profilage racial, et revoir en conséquence les objectifs de performance de la police, compte tenu de la Recommandation générale  n o  31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale;

c) S ’ assurer que les fonctions de maintie n de l’ordre public so nt dévolues à des fonctionnaires de l ’ application des lois formés avec professionnalisme et que toute atteinte aux droits des individus par des organisations de Cosaques est dûment sanctionnée;

d) Fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures prises pour éliminer ces pratiques et leurs conséquences.

Droits des Roms

15.Tout en se félicitant que l’État partie ait indiqué au cours du dialogue avoir adopté en janvier 2013 un plan d’action visant à améliorer la situation socioéconomique des communautés roms, le Comité regrette que des objectifs, des stratégies, un calendrier et des mécanismes de mise en œuvre et d’évaluation précis n’aient pas encore été encore établis et que le contenu de ce plan n’ait pas été rendu public (art. 2 et 5).

Le Comité demande instamment l ’ État partie de s ’ assurer que:

a) Des consultations ouvertes et participatives so nt tenues dans le cadre des travaux d ’ élaboration et de mise en œuvre du Plan national d ’ action visant à résoudre les problèmes rencontrés par les Roms dans l ’ exercice de leurs droits, en garantissant la partici pation de la communauté rom, de représentants de la société civile et d ’ experts de la question, et de faire en sorte que ce plan soit rendu public;

b) Ce plan contient des mesures spéciales pour promouvoir l ’ accès des Roms à l ’ enregistrement du lieu de résidence, à la nationalité, à l ’ éducation, à un logement convenable avec la garantie de ne pouvoir être expulsé, à l ’ emploi et aux autres droits économiques, sociaux et culturels, conformément à la Recommandation générale n o  27 (2000) concernant la discrimination à l ’ égard des Roms, comme l ’ avait déjà recommandé le Comité (CERD/C/RUS/CO/19, par. 14) , et que ce plan est particulièrement axé sur les droits des femmes roms, conforméme nt à la Recommandation générale n o 25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale;

c) Ce plan se voit allouer des fonds suffisants pour que son efficacité soit garantie.

16.Le Comité reste vivement préoccupé de ce que des expulsions de Roms et des démolitions de campements roms continuent de se produire, ainsi que l’État partie le reconnaît lui-même (CERD/C/RUS/20-22, par. 500). Il s’inquiète aussi des informations selon lesquelles ces actions seraient fréquemment menées à bien avec violence et de ce que les Roms se verraient rarement proposer de logement de remplacement ou de réparation adéquate, de sorte que la précarité de leur situation ne ferait que s’aggraver (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre un terme à la pratique tenace des expulsions forcées de Roms et des démolitions de campements roms sans reloger les intéressés ni les indemniser de manière adéquate. Il réaffirme que les campements existants devraient, dans la mesure du possible, être légalisés (CERD/C/RUS/ CO/19 , par. 26).

17.Le Comité a pris note de ce que, selon l’État partie, le placement des enfants roms dans des classes spéciales ne constitue pas une mesure de ségrégation forcée (CERD/C/RUS/20-22, par. 507), mais est préoccupé par les informations selon lesquelles les enfants roms placés dans ces classes sont généralement isolés des autres élèves, au point de ne pas être tolérés dans les couloirs ou les sanitaires, et que les conditions dans les écoles prévues pour les enfants roms sont souvent bien pires que dans les établissements ordinaires (art. 3 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour:

a) Mettre un terme à toutes les pratiques de ségrégation de fait des enfants roms et veiller à ce que ceux-ci aient accès à tous les équipements dans les écoles;

b) Réexaminer attentivement les critères d’ori entation des enfants roms dans d es classes de rattrapage;

c) Veiller à ce que les enfants roms soient pleinement intégrés dans l e système d’enseignement général et participent sur un pied d’égalité à tous les niveaux du système.

Questions concernant l’enregistrement

18.S’il prend acte des actions entreprises par l’État partie pour simplifier la procédure d’octroi des permis de séjour temporaire et de travail, le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles la police dans certaines régions met volontairement en place diverses barrières administratives pour retarder et parfois même empêcher l’enregistrement des individus appartenant à certaines minorités, notamment les Tchétchènes et autres groupes de personnes originaires du Caucase, ou encore les étrangers et les Roms. De plus, il constate que, si l’enregistrement du lieu de résidence n’est pas requis pour exercer les droits énoncés dans la Constitution en vertu de la loi fédérale no 5242-1 de 1993 sur le droit à la liberté de circulation et au choix du lieu de résidence, dans la pratique, la jouissance de nombreux droits et prestations, tels que l’accès au logement, aux services sociaux, aux centres de santé et dans certains cas à l’éducation, est malheureusement subordonnée à cet enregistrement (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De faire en sorte que le système d’enregistrement du lieu de résidence soit utilisé de manière transparente et équitable, afin de garantir les droits des personnes présentant une demande, y compris en mettant les informations à disposition dans les langues voulues;

b) Prendre les mesures administratives nécessaires pour garantir l’enregistrement des membres de toutes les communautés vulnérables, notamment les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les Roms;

c) Poursuivre et , le cas échéant , sanctionner tout comportement discriminatoire ou arbitraire de s fonctionnaire s impliqué s ;

d) Veiller à ce que les personnes présentant une demande puissent faire appel des décisions qu ’ elles estiment être discriminatoires;

e ) Garantir que l’exercice des droits par tous les individus de la Fédération de Russie soit indépendant de l’enregistrement du lieu de résidence.

Droits des travailleurs migrants et issus des minorités ethniques

19.Ayant pris note du fait que, selon le rapport, «la législation russe contient toutes les dispositions nécessaires pour interdire la discrimination dans l’emploi, ainsi que des normes dont l’application permet le rétablissement des droits violés» (CERD/C/RUS/20-22, par. 499), le Comité reste cependant préoccupé par des informations selon lesquelles des travailleurs migrants et issus de minorités ethniques, notamment des femmes et des filles, venant principalement d’Asie centrale et du Caucase, continuent d’être soumis à des conditions de travail qui peuvent être qualifiées d’exploitation et de faire l’objet de discrimination à l’embauche. Le Comité note aussi que la régularisation des migrants demeure difficile en raison des sentiments que nourrit la population à l’égard des immigrés, d’une application médiocre de la réglementation existante, d’un système de quotas restrictif qui limite le nombre de permis de travail délivrés et de l’existence d’un secteur non structuré qui prospère en grande partie grâce à la main-d’œuvre clandestine. Le Comité s’inquiète en outre de ce que, du fait des modifications apportées en 2006 au Code du travail, les personnes s’estimant victimes de discrimination dans la sphère professionnelle ne peuvent plus s’adresser à l’inspection du travail (art. 5 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les travailleurs migrants, indépendamment de leur statut légal, soient effectivement protégés contre les conditions de travail assimilables à de l’exploitation et contre la discrimination à l’embauche , notamment en facilitant l’accès à des recours utiles. Le Comité lui recommande en outre de prendre à cet égard des mesures particulières en faveur des femmes et des filles migrantes. Il prie par ailleurs l’État partie de communiquer des renseignements sur le nombre d’affaires de discrimination dans l’emploi portées devant les tribunaux ainsi que sur l’issue de ces affaires.

Droits des peuples autochtones

20.Le Comité salue l’adoption en 2009 d’un document d’orientation sur le développement durable des peuples autochtones, définissant la politique de la Fédération en la matière pour 2009-2025, mais demeure préoccupé par le fait que:

a)La mise en œuvre des objectifs fixés dans le document d’orientation reste lente, et que des changements récemment apportés à la législation fédérale concernant l’utilisation des terres, des forêts et des ressources en eaux, tels que l’abrogation de l’article 39 2) de la loi fédérale sur la pêche et la préservation des ressources biologiques aquatiques, la révision de l’article 48 de la loi sur le règne animal et les modifications apportées au Code de la terre et au Code des forêts, ont semble-t-il amenuisé les droits des peuples autochtones à un accès préférentiel, libre et non concurrentiel aux terres, à la faune et à la flore sauvages et aux autres ressources naturelles, du fait de l’octroi de licences permettant à des sociétés privées d’avoir accès à ces ressources;

b)Depuis l’adoption de la loi fédérale de 2001 sur les territoires destinés à l’exploitation traditionnelle de la nature par les petits peuples autochtones du Nord, de la Sibérie et de l’Extrême-Orient russe, qui prévoit la possibilité de créer des territoires protégés au niveau fédéral pour garantir le libre accès à la terre des peuples autochtones, aucun territoire de ce type n’a été établi à ce jour;

c)Un nouveau projet de loi fédérale sur les territoires d’utilisation traditionnelle des ressources naturelles, évoqué dans le rapport de l’État partie (CERD/C/RUS/20-22, par. 277), risque d’affaiblir le statut des territoires protégés, dans la mesure où le projet ne contiendrait apparemment plus de référence ni la gratuité et à l’usage exclusif des territoires par les peuples autochtones, ce qui ouvrirait le voie à des expropriations et à une utilisation des territoires par des tiers, dont les sociétés des industries extractives;

d)L’obligation de consulter les peuples autochtones par l’intermédiaire de leurs organes de représentation librement élus avant de conclure tout accord concernant le développement industriel de leurs terres, prévue dans la loi de 1999 sur les territoires, est mise en œuvre à des degrés divers selon les régions et est souvent contournée;

e)Même s’il a été indiqué que le Ministère du développement régional avait approuvé une méthode de calcul du montant des pertes causées par des sociétés privées à l’habitat traditionnel des peuples autochtones, le versement d’indemnisations se fait sur la base du volontariat (CERD/C/RUS/20-22, par. 286), et les communautés autochtones ne sont que rarement indemnisées en cas de destruction de leur habitat et de leurs ressources par des entreprises − parmi lesquelles Norilsk Nickel, qui compte parmi les plus grands conglomérats industriels de l’État partie;

f)Les communautés autochtones rencontreraient des difficultés pour se tourner vers des activités économiques autres que leurs «activités traditionnelles»;

g)Les peuples autochtones continuent à être sous-représentés à la Douma d’État et dans les autres organes de l’État aux niveaux fédéral et régional (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De fournir dans son prochain rapport périodique des informations concrètes sur les résultats et les effets de la mise en œuvre du document d’orientation de 2009 sur le développement durable des peuples autochtones, ainsi que l’avait déjà demandé le Comité ( CERD/C/RUS/CO/19, par. 15);

b) De veiller à ce que toute modification législative ait pour effet de renforcer, et non d’amenuiser, les droits des peuples autochtones, comme le veut la D éclaration des Nations Unies sur le droit des peuples autochtones;

c) De prendre toutes les mesures qui s’imposent pour approuver et établir des territoires destinés à l’exploitation traditionnelle de la nature, de manière à assurer la protection de ces territoires contre les activités de tierces parties;

d) De veiller à ce que les communautés autochtones soient effectivement et véritablement consultées dans la pratique par l’intermédiaire de leurs organes de représentation librement élus pour toute décision susceptible de les affecter et qu’une indemnisation adéquate soit versée aux communautés ayant connu un préjudice du fait des activités d’entreprises privées, conformément à la R ecommandation générale n o  23 (1997) du Comité concernant les droits des peuples autochtones;

e) De faire en sorte que les peuples autochtones soient dûment représentés à tous les niveaux de l’État et de l’administration, comme le Comité le lui avait déjà recommandé (CERD/C/RUS/CO/19, par. 20);

f) De donner suite aux autres recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones à la suite de sa mission en Fédération de Russie en octobre 2009 (A/HRC/15/37/Add.5).

Initiatives éducatives et culturelles visant à lutter contre les préjugés

21.Tout en prenant acte de l’éventail impressionnant d’initiatives prises par l’État partie dans les domaines de l’éducation, de la culture et de la sensibilisation pour promouvoir la tolérance et lutter contre les préjugés (CERD/C/RUS/20-22, par. 311 à 401), le Comité fait observer que rien ne lui a été dit des effets concrets de ces activités, de la mesure dans laquelle les communautés ciblées sont associées à l’élaboration et à la mise en œuvre des divers plans et programmes, ni des procédures en place pour évaluer l’efficacité de ces actions (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à ce que les fonds alloués en faveur des activités culturelles des communautés minoritaires soient distribués suivant des critères clairs et accessibles à toutes les communautés minoritaires intéressées, dans la transparence;

b) De faire en sorte que toutes les activités et initiatives soient mises en œuvre après que les besoins o nt été soigneusement examinés et des objectifs précis définis , et d’en évaluer les effets et l’efficacité.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

22.Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux contenant des dispositions en lien direct avec le thème de la discrimination raciale, telles que la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990), la Convention relative au statut des apatrides (1954) et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie (1961), les Conventions de l’Organisation internationale du Travail no 169 relatives aux peuples indigènes et tribaux (1989) et no 189 concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques (2011).

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

23.À la lumière de sa Recommandation générale no 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et la tolérance qui y est associée, en tenant compte du Document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour appliquer la Déclaration et le Programme d’action au plan national.

Consultations avec les organisations de la société civile

24.Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et resserrer son dialogue avec les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier de la lutte contre la discrimination raciale, lors de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Amendement à l’article 8 de la Convention

25.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvés par l’Assemblée générale dans sa résolution no 47/111. À cet égard, le Comité rappelle les résolutions nos 61/148, 63/243 et 65/200, dans lesquelles l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties d’accélérer les procédures internes de ratification de l’amendement concernant le financement du Comité et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement.

Diffusion

26.Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que ses rapports périodiques soient rendus publics et soient accessibles au moment de leur soumission, et de diffuser de la même manière les observations finales du Comité qui s’y rapportent dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il convient.

Document de base commun

27.Relevant que l’État partie a soumis son document de base en 1995 (HRI/CORE/1/Add.52/Rev.1), le Comité l’encourage à présenter un document de base mis à jour, conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles concernant le document de base commun, telles qu’adoptées par la cinquième Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tenue en juin 2006 (HRI/GEN.2/Rev.6, chap. I).

Suite donnée aux observations finales

28.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 12 b), 13, 15 b) et 20 b) et c).

Recommandations d’importance particulière

29.Le Comité souhaite aussi appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 8, 9, 10 et 14, et prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport

30.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses vingt-troisième et vingt‑quatrième rapports périodiques en un seul document, d’ici au 6 mars 2016, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 40 pages fixée pour les rapports propres au Comité et la limite de 60 à 80 pages fixée pour le document de base commun (voir les directives harmonisées figurant dans le document HRI/GEN.2/Rev.6, chap. I, par.19).