Communication présentée par :

S. N. et E. R. (représentées par un conseil, Adam Weiss, European Roma Rights Centre)

Au nom de :

S. N. et E. R.

État partie :

Macédoine du Nord

Date de la communication :

27 octobre 2016 (date de la lettre initiale)

Références :

Communiquée à l’État partie le 31 octobre 2016 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

24 février 2020

Exposé des faits

Les auteures sont S. N. et E. R., ressortissantes de Macédoine du Nord d’origine rom, nées à Skopje en 2001 et 2000, respectivement. Les deux auteures étaient enceintes au moment de la présentation de la communication. Le 1er août 2016, elles ont été expulsées du campement dans lequel elles vivaient et se sont retrouvées sans abri, sans accès à un hébergement ou à des soins de santé. Elles affirment être victimes d’une violation des droits qu’elles tiennent de l’article 2 d) et f), des paragraphes 1 et 2 de l’article 4, des paragraphes 1 et 2 de l’article 12 et du paragraphe 2 b) et h) de l’article 14 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, l’État partie n’ayant pas pris toutes les mesures positives appropriées pour protéger leur droit à la santé, notamment leur droit à des soins de maternité, leur droit de bénéficier de conditions de vie convenables et leur droit de ne pas faire l’objet de discrimination. Elles sont représentées par le conseil Adam Weiss du European Roma Rights Center. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 17 janvier 2004.

Le 31 octobre 2016, lors de l’enregistrement de la communication, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Groupe de travail des communications, a prié l’État partie de fournir aux auteures un hébergement d’urgence approprié, une alimentation adéquate et de l’eau potable ainsi qu’un accès immédiat aux soins de santé, notamment aux soins de santé maternelle, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif à la Convention et à l’article 63 du règlement intérieur du Comité.

Rappel des faits présentés par les auteures

Au moment de la présentation de la communication, les deux auteures étaient mineures et vivaient chacune sur le site de leur ancien domicile avec leur conjoint. Elles étaient enceintes d’un premier enfant.

S. N. en était à son sixième mois de grossesse. Elle n’avait jamais eu de document d’identité. Elle croit comprendre que sa mère est citoyenne de Macédoine du Nord, mais n’a pas de papiers et, de ce fait, S. N. se trouve dans l’impossibilité de se procurer ses propres documents d’identité. S. N. a consulté un médecin deux ou trois fois pendant sa grossesse. Elle a dû payer les examens.

E. R. en était à son troisième mois de grossesse et elle prévoyait d’accoucher à l’hôpital. E. R. possédait des documents d’identité et un certificat de naissance, mais lorsque les autorités ont démoli son domicile deux ans auparavant, ses documents ont été perdus. Elle n’a pas pu s’en procurer de nouveaux en raison des frais qu’elle aurait dû payer pour les obtenir. Elle a consulté un médecin une seule fois pendant sa grossesse, grâce à l’intervention d’une organisation non gouvernementale.

Les auteures n’ont pas d’assurance maladie publique ou privée, pour autant qu’elles le sachent, et n’ont donc pas droit aux soins de santé primaires gratuits offerts dans les hôpitaux publics. La législation nationale dispose que toute personne couverte par le système public d’assurance maladie a droit à la gratuité des soins de maternité, et que les enfants sont couverts jusqu’à l’âge de 18 ans si l’un ou l’autre de leurs parents l’est. Il ne semble pas que les parents des auteures aient été couverts. En vertu de la loi sur la protection sociale, les personnes hébergées dans des établissements sociaux sont également couvertes par le système public d’assurance maladie ; cependant, les auteures ne sont pas hébergées dans un établissement de cette nature et ne reçoivent aucun soutien social. Conformément à la loi sur la protection de la santé, toute femme sur le point d’accoucher peut se présenter au service des urgences d’un hôpital public ; toutefois, si elle n’est pas couverte par le système public d’assurance maladie, elle devra payer les services qu’elle aura reçus à l’hôpital lors de son accouchement.

Jusqu’au 1er août 2016, les auteures vivaient dans un campement connu sous le nom de « Polygone », près de la rivière Vardar, sous la forteresse (Kalé) dans la municipalité de Centar à Skopje. La communauté était composée d’environ 130 personnes d’origine rom, dont quelque 70 enfants. La plupart des membres de la communauté vivaient sur le site depuis cinq à neuf ans. Ils ne possédaient pas les terres et vivaient pour la plupart dans des habitations qu’ils avaient eux-mêmes construites avec les matériaux disponibles. Les conditions de vie étaient mauvaises.

Le Ministère des transports et des communications était auparavant propriétaire des terres sur lesquelles la communauté rom était installée. En novembre 2011, les terres ont été privatisées et vendues à une société privée. Plusieurs fois au fil des ans, les autorités ont évacué les biens des habitants ou détruit leurs habitations et leurs biens sans leur offrir de les reloger. Les habitants, y compris les auteures, ont reconstruit leurs habitations en utilisant les matériaux à disposition. Certains habitants ont parfois présenté des demandes de logement social, mais aucune n’a été retenue. Les auteures n’ont quant à elles jamais présenté de demande de logement social, faute de documents d’identité.

Le 11 juillet 2016, le Service de l’inspection de la ville de Skopje a pris la décision de « nettoyer » le campement, sous prétexte que le plan d’urbanisme de la ville prévoyait la construction d’une route à cet emplacement. Les membres de la communauté n’ont jamais été formellement avisés qu’ils seraient expulsés de leur domicile, bien que certains d’entre eux aient été avertis verbalement qu’ils devraient déménager leurs effets personnels hors du site. La décision du 11 juillet n’a été adressée ou communiquée à aucun des membres de la communauté. Un recours contre la décision du Service de l’inspection n’aurait pas eu d’effet suspensif automatique, si bien que les autorités auraient pu procéder à l’expulsion nonobstant tout recours qui aurait été formé.

Dans la matinée du 1er août 2016, sans préavis, la police est entrée dans le campement et a détruit l’unique source d’eau (une seule pompe à eau). Plus tard dans la journée, des bulldozers sont arrivés et ont rasé toutes les habitations. La municipalité n’a pas offert d’autre logement aux victimes, se bornant à les orienter vers la municipalité de Šuto Orizari, même si les victimes n’y avaient aucun bien ni aucun titre de propriété. Après la démolition, le Centre intermunicipal d’action sociale, organisme public de la ville de Skopje, a informellement offert de reloger certains habitants du site à Čičino Selo, un centre d’accueil pour les réfugiés, les personnes déplacées et les sans-abri. Toutes les personnes qui ont reçu cette offre l’ont refusée, en raison de l’insécurité et des mauvaises conditions de vie qui règnent au centre d’accueil. Les auteures ne se sont pas vu offrir de logement, apparemment parce qu’elles n’avaient pas de documents d’identité.

Après l’expulsion, les auteures et la plupart des autres habitants de la communauté sont restés sur le site de leur ancien campement. Ils n’avaient pas d’abri, aucun accès à l’eau et nulle part où aller. Cette situation menaçait directement leur vie et leur santé. Beaucoup d’entre eux souffraient de problèmes de santé (bronchite, maladies de peau) occasionnés par leurs mauvaises conditions de vie. Les femmes, en particulier celles qui étaient enceintes, y compris les auteures, se sont trouvées dans une situation de vulnérabilité extrême et ont été exposées à de graves risques pour leur santé. Elles se sont retrouvées sans accès aux articles de première nécessité et sans aucune assistance en matière de soins de santé maternelle.

Les auteures affirment qu’il n’existait aucun recours interne utile contre l’expulsion le 1er août 2016. Pour procéder à l’expulsion, laquelle était tout à fait inattendue, les autorités se sont fondées sur une décision de « nettoyer » le campement qui avait été notifiée à un tiers. Les auteures ne disposaient d’aucun recours susceptible de suspendre l’expulsion. Notamment, la décision de « nettoyer » le campement ne leur avait pas été adressée et le droit interne ne prévoit aucun recours avec effet suspensif automatique contre une telle décision.

Les auteures maintiennent que le Comité a compétence pour examiner la plainte, dès lors qu’elles ne disposent d’aucun autre recours pour obtenir réparation des violations subies. Ne pouvant prouver qu’elles sont nationales de Macédoine du Nord ou qu’elles appartiennent à une autre catégorie de personnes admissibles à l’assurance maladie publique, elles n’ont pas droit à cette assurance. Elles signalent qu’il n’existe pas de règlement ou de procédure d’application garantissant l’admissibilité à l’assurance maladie de tous les nationaux de Macédoine du Nord et que, par conséquent, la situation ne peut pas être contestée devant les tribunaux nationaux. Elles n’ont connaissance d’aucune démarche juridique permettant d’obtenir des soins médicaux gratuits ou un hébergement par quelque autre moyen. À supposer même qu’un tel moyen existe, comme les auteures étaient enceintes et que le temps pressait, on ne pouvait attendre d’elles qu’elles explorent cette possibilité avant de saisir le Comité, si l’on considère l’absence de précédents concernant des personnes en semblable situation obtenant une quelconque réparation. En outre, étant sans papiers, elles ne pourraient pas engager de poursuites judiciaires devant un tribunal de l’État partie.

Enfin, les auteures prient le Comité d’inviter l’État partie à prendre des mesures provisoires pour empêcher qu’un préjudice irréparable ne leur soit causé et de leur fournir un hébergement d’urgence approprié, une alimentation saine et de l’eau potable, ainsi qu’un accès immédiat aux soins de santé, notamment aux soins de santé maternelle.

Teneur de la plainte

Les auteures déclarent avoir subi une violation persistante de leurs droits au titre de l’article 2 d) et f) , des paragraphes 1 et 2 de l’article 4, des paragraphes 1 et 2 de l’article 12 et du paragraphe 2 b) et h) de l’article 14 de la Convention, les autorités n’ayant pas pris toutes les mesures appropriées pour respecter, protéger et réaliser leur droit à la santé, notamment leur droit à des soins de maternité, leur droit de bénéficier de conditions de vie convenables et leur droit de ne faire l’objet d’aucune discrimination, pendant et après leur expulsion.

Les auteures déclarent qu’elles ont subi une discrimination croisée fondée sur leur genre, leur appartenance ethnique et leur état de santé. Elles soutiennent que les expulsions forcées dans l’État partie sont relativement rares et que lorsqu’elles se produisent, elles semblent viser les communautés roms et que, par conséquent, l’expulsion des auteures constitue une discrimination indirecte. Elles soutiennent également que l’État partie n’a pas tenu compte de leur situation vulnérable et des formes spécifiques de soutien dont elles avaient besoin, en violation des droits qu’elles tiennent de l’article 2 d) de la Convention.

Les auteures affirment également que l’État partie a violé l’article 2 f) de la Convention en ne poursuivant pas par tous les moyens appropriés une politique qui aurait modifié ou éliminé la discrimination dont elles ont été victimes ou qui y aurait remédié. Elles font valoir que l’État partie n’a pris aucune mesure appropriée pour mettre fin à la pratique discriminatoire des expulsions forcées visant les communautés roms, y compris les femmes roms, et ses effets particulièrement discriminatoires sur les adolescentes roms qui sont enceintes. En outre, elles affirment que l’État partie ne leur a assuré aucune forme de recours approprié, par exemple des réparations ou un soutien social.

Les auteures soutiennent également que l’État partie a violé les droits qu’elles tiennent de l’article 4, en ce qu’il n’a pris aucune mesure spéciale visant à pourvoir aux besoins particuliers des femmes roms mineures qui sont enceintes dans le cas particulier de l’expulsion. Elles affirment qu’un ensemble de plusieurs caractéristiques – le fait qu’elles soit des femmes, d’origine ethnique rom, enceintes, mineures, sans-abri et vivant dans la pauvreté et dans des conditions équivalentes à celles des femmes en milieu rural – les rend susceptibles d’être victimes de formes multiples et croisées de discrimination. Elles ont donc besoin de mesures spéciales visant à empêcher que de telles situations se produisent et à les protéger le cas échéant, mais aucune mesure de ce type n’a été prise. Les auteures sont d’avis que, dans une situation au sujet de laquelle le Comité a indiqué que des mesures positives concrètes devaient être prises et alors que l’État partie concerné a omis de façon flagrante de prendre de telles mesures, entraînant par là même une situation telle que celle à laquelle les auteures sont confrontées, il y a violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 4 de la Convention.

Les auteures affirment en outre que l’État partie les a soumises à une discrimination en limitant leur accès aux services de soins de santé, notamment à des services de santé de la procréation, en violation des droits qu’elles tiennent des paragraphes 1 et 2 de l’article 12 de la Convention. Les auteures notent qu’elles n’ont ni assurance, ni pièces d’identité, ni moyens de payer les soins de maternité et qu’elles ne perçoivent aucune prestation sociale qui leur aurait permis de payer au moins une partie des médicaments et des traitements ou de se procurer la nourriture nécessaire pour satisfaire à leurs besoins nutritionnels pendant leur grossesse.

Les auteures considèrent que les milieux dans lesquels elles ont vécu et les difficultés qu’elles ont rencontrées sont identiques à ceux des femmes qui vivent en milieu rural. Elles affirment qu’en ne mettant pas des services de santé accessibles et gratuits à leur disposition, en tant que membres d’une communauté marginalisée vivant dans des conditions s’apparentant au milieu rural, l’État partie a exercé une discrimination à leur égard, en violation des droits qu’elles tiennent du paragraphe 2 b) de l’article 14 de la Convention, en particulier en ce qui concerne les circonstances qui ont suivi leur expulsion.

Les auteures font également valoir qu’en les expulsant sans leur offrir un autre logement approprié en temps voulu, les laissant dans la peur et la détresse et les exposant directement aux dangers particuliers que présentent les inondations, et qu’en ne leur garantissant pas l’accès à des conditions de vie convenables, notamment s’agissant du logement et de la nutrition, de l’eau potable en quantité suffisante pour les usages personnels et ménagers, des sources d’énergie durables et d’une hygiène et d’installations sanitaires correctes, l’État partie viole les droits qu’elles tiennent du paragraphe 2 h) de l’article 14 de la Convention.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

L’État partie a présenté ses observations dans une note verbale datée du 9 avril 2019. Il a noté que le Ministère du travail et de la politique sociale avait pris des mesures pour protéger les familles, y compris les auteures, qui résidaient sous la forteresse (Kalé) de Skopje. Des experts du Centre intermunicipal d’action sociale, institution publique de Skopje, ont rendu visite aux familles à plusieurs reprises. Les familles se sont vu offrir un logement au centre pour sans-abri de Skopje et la priorité a été donnée aux familles comptant des femmes enceintes et des bébés. Cependant, toutes les familles ont rejeté ce service.

L’État partie observe que le nombre et la composition des familles résidant dans le campement informel changent constamment, ce qui rend la situation difficile à suivre. Compte tenu des basses températures de janvier 2017, le Ministère a hébergé certaines des familles dans un centre d’accueil pour sans-abri ; cependant, environs deux jours plus tard, elles ont quitté l’établissement de leur propre chef, et certaines ont d’emblée refusé l’offre d’hébergement.

L’État partie a expliqué qu’à la suite des sessions du Gouvernement des 5 et 15 octobre 2017, les mesures prises en matière d’hébergement d’urgence et temporaire visaient à donner la priorité aux groupes suivants : a) les familles comptant des femmes enceintes ou des nourrissons (âgés de 3 ans ou moins), la priorité étant accordée aux familles comptant plusieurs enfants ; b) les familles comptant des enfants âgés de 4 à 7 ans et des enfants handicapés ; c) les personnes âgées de plus de 65 ans et les personnes malades ou fragiles. L’État partie fait observer que, grâce aux mesures prises, une centaine de personnes environ ont été logées dans des établissements sociaux.

Toutes les personnes hébergées ont reçu un repas chaud, des vêtements, des chaussures et des articles d’hygiène personnelle. Les enfants plus jeunes ont été inscrits au Centre de jour pour enfants des rues Gazi Baba, où ils ont été transportés quotidiennement par un véhicule du Centre intermunicipal d’action sociale. Les enfants plus âgés (de 15 à 18 ans) ont fait l’objet d’une procédure d’inscription au programme éducatif de l’école élémentaire pour les adultes de Skopje. En 2016, l’État partie a fourni des informations concernant deux femmes enceintes, J. Dj. et S. M., affirmant que la première avait refusé le logement qui lui avait été offert et qu’il avait été constaté qu’elle ne résidait plus dans le campement informel en 2017, et que la seconde, qui était mineure, avait été hébergée dans un établissement pour enfants ayant des problèmes éducatifs ou sociaux et un comportement perturbé.

L’État partie a précisé en outre que toutes les personnes relogées avaient été inscrites à un programme de soutien à l’autonomie destiné à leur permettre d’acquérir des compétences pratiques et professionnelles visant à faciliter leur réinsertion sociale. Deux organisations non gouvernementales roms ont entrepris d’analyser la situation et les besoins de chaque famille afin de mener des activités spécifiques fondées sur des plans individuels.

Commentaires des auteures sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

Les auteures ont fait part de leurs commentaires le 14 juin 2019. Le conseil note que la réponse de l’État partie est parvenue au bout de plus de deux ans, soit après l’expiration du délai de réponse de six mois fixé par le Protocole facultatif. L’État partie n’a fourni aucune explication quant à ce retard. En conséquence du non-respect du délai, le Comité devrait, selon le conseil, ignorer la réponse − ce serait sinon accepter un abus de procédure. Le retard de l’État partie doit donner lieu à une constatation distincte de violation de l’article 6 du Protocole facultatif. Les victimes ne peuvent avoir accès à la justice que si les États parties respectent les délais. En outre, la qualité de la réponse de l’État partie laisse croire que les autorités ne prennent pas suffisamment au sérieux les obligations qui leur incombent au titre du Protocole facultatif.

Le conseil juge également inapproprié que le Comité donne à l’État partie la possibilité de présenter ses observations sur les présents commentaires, mais le cas échéant, le délai de réponse ne devrait pas dépasser un mois.

En outre, l’État partie n’a pas donné suite à la demande faite par le Comité que des mesures provisoires soient prises. Le refus d’obtempérer à la demande de mesures provisoires constitue une violation distincte de l’article 5 du Protocole facultatif par l’État partie.

Le conseil note que l’État partie a affirmé que toutes les familles concernées avaient rejeté les offres de logement. Cette affirmation ne correspond pas aux faits, selon le conseil, et elle contredit les dires de l’État partie qui prétend que les victimes avaient accepté certaines formes de logement. Cette observation illustre bien la référence automatique aux tropes stéréotypés de l’antitsiganisme, tenant les Roms responsables de la situation défavorable dans laquelle ils se trouvent.

En réponse aux observations générales de l’État partie, le conseil fait observer que ses collègues rendent régulièrement visite aux victimes de l’expulsion de 2016. Les mesures prises par les autorités n’ont pas été appliquées de manière cohérente et restent inefficaces. Aucun effort n’a été fait pour apporter une solution durable aux problèmes des personnes expulsées. Par exemple, s’il existe un service de transport pour les enfants jusqu’à la garderie de la rue Gazi Baba, le chauffeur a harcelé les enfants d’une manière raciste. Le European Roma Rights Centre soutient actuellement des familles dans le cadre d’une poursuite pénale sur la question, en instance devant le parquet de Skopje. Aucun service n’est offert aux personnes expulsées vivant sur le site du Polygone, parmi lesquelles certaines des victimes dans le cas présent.

L’État partie a aussi affirmé que les autorités collaboraient avec deux organisations non gouvernementales pour améliorer la situation sur le site du Polygone. Le conseil est en contact avec les deux organisations locales (« Ambrela » et « LIL ») et affirme qu’elles sont sous-financées et ne peuvent faire face aux problèmes fondamentaux auxquels la communauté est confrontée, y compris le manque de nourriture et d’accès aux médicaments.

Le conseil note en outre que l’État partie s’est contenté de mentionner seulement deux autres femmes enceintes, J. Dj. et S. M., sans aborder la situation des auteures de la présente communication, connue sous les initiales S. N. et E. R. Il précise que S. N. a été hébergée temporairement au centre Ranka Milanovik pendant six à sept mois. Les conditions y étaient extrêmement mauvaises et inadéquates pour les femmes enceintes ou venant d’accoucher. La seule salle de bain disponible pour neuf familles était à peine utilisable et les familles, à leurs propres frais, l’ont peinte et ont installé un nouveau robinet. Les conditions d’hygiène rendaient le lieu presque invivable. S. N. et les autres n’ont pratiquement pas reçu de nourriture ou de vêtements. S. N. ne s’est vue offrir aucun autre logement. Le système d’évacuation des eaux usées est à ciel ouvert ; il s’en dégage une odeur nauséabonde persistante. L’environnement est dangereux pour les enfants : il n’y a pas de portes, il y a des surfaces tranchantes et il y a de nombreux obstacles sur lesquels les enfants peuvent tomber. Il n’y a pas de cuisine ou d’autre endroit pour cuisiner. Dès que son mari a obtenu un emploi dans une usine, S. N. a reçu l’ordre de partir du centre Ranka Milanovik. Comme elle n’avait nulle part où aller, elle est retournée sur le site du Polygone.

E. R. a également été logée à un certain moment au centre Ranka Milanovik, et a vécu dans les mêmes conditions que S. N. Elle s’est sentie obligée de partir parce qu’elle ne se sentait plus en sécurité à la suite de vols commis sur les lieux. Elle est également retournée sur le site du Polygone. Les autorités ont refusé de la reloger car elle était partie volontairement du centre Ranka Milanovik.

Le conseil explique que les victimes vivaient dans la rue pendant leur grossesse par suite de l’expulsion du 1er août 2016. L’une d’elles a accouché alors qu’elle vivait en plein air sur le site du Polygone après l’expulsion ; l’autre a accouché au centre Ranka Milanovik. Dans les deux cas, la situation à laquelle les autorités les ont exposées en fin de grossesse et immédiatement après la naissance était contraire aux dispositions de la Convention.

En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, le conseil précise que les auteures n’ont pas déposé de plainte devant les instances nationales, se prévalant plutôt de la Convention. Il renvoie à ses observations initiales à cet égard (voir le paragraphe 2.10) et note que l’État partie n’a pas formulé d’objection fondée sur ces motifs. Le conseil souligne à nouveau que les auteures ne disposaient d’aucun recours utile ou qu’il était peu probable que les recours ouverts leur permettent d’obtenir une réparation effective.

En ce qui concerne les droits des femmes enceintes en matière de procréation, le conseil signale que le temps est un facteur essentiel. Les recours devant les tribunaux qui interviennent des mois ou des années plus tard sont inutiles pour garantir le respect des droits consacrés par la Convention. Afin de garantir le droit à des services appropriés dans le cadre de la grossesse et le droit à une nutrition adéquate pendant la grossesse et l’allaitement (par. 2 de l’article 12 de la Convention), un recours doit pouvoir être exercé au moment où une réparation est possible ; la grossesse et l’accouchement n’attendront pas les procédures judiciaires ordinaires. Un recours a posteriori, tel qu’une action civile, ne saurait être considéré comme susceptible d’apporter une réelle réparation. Les dommages causés par l’absence de services appropriés et d’une nutrition adéquate pendant la grossesse ne peuvent pas être réparés ultérieurement.

En l’espèce, aucun recours de ce type n’a été possible car l’expulsion s’est produite sans préavis et sans droit de recours : les victimes se sont retrouvées sans abri, ce qui a compromis leur santé procréative et leur nutrition pendant la grossesse d’une manière qui violait les droits qu’elles tiennent notamment du paragraphe 2 de l’article 12 de la Convention. En procédant à l’expulsion de cette manière, les autorités ont privé les victimes de l’accès à un recours qui leur aurait permis d’obtenir une réparation effective.

Le conseil note que quand bien même aurait existé, après l’expulsion, un recours pouvant être considéré comme susceptible de leur permettre d’obtenir une réparation effective, les auteures ne disposaient d’aucun recours qui leur aurait permis de faire constater une violation des droits que leur confère la Convention. Il n’existe pas dans le droit interne de l’État partie de procédure permettant à une femme enceinte dont les droits consacrés au paragraphe 2 de l’article 12 de la Convention ont été violés d’obtenir d’urgence l’accès au soutien social et médical dont elle a besoin. L’État partie n’a présenté aucune observation tendant à démontrer le contraire. Un tel recours, en tout état de cause, devrait tenir compte de la situation de très grande vulnérabilité des victimes : les femmes enceintes roms vivant dans une pauvreté extrême, sans accès à un soutien juridique ou autre.

À cet égard, le conseil ajoute que la Cour européenne des droits de l’homme a été saisie, le 1er août 2016, d’une demande concernant la même expulsion, dans l’affaire Bekir et autres c. Macédoine du Nord (requête no 46889/16). La Cour rejette pour cause d’irrecevabilité la grande majorité des requêtes dont elle est saisie, sans les communiquer aux États concernés. Toutefois, l’affaire Bekir et autres a été communiquée aux autorités de la Macédoine du Nord et le jugement est attendu prochainement. Si l’épuisement des voies de recours internes avait posé un problème dans cette affaire, la Cour n’aurait pas hésité à déclarer la requête irrecevable. Le conseil est convaincu que la Cour européenne des droits de l’homme reconnaîtra qu’il n’y avait pas de recours utile à épuiser et qu’aucun recours n’aurait pu permettre aux victimes d’obtenir une réparation effective.

Le fait que l’État partie n’ait pas donné suite à la demande de mesures provisoires du Comité indique également que, dans la pratique, il n’y avait aucun espoir d’obtenir une réelle réparation.

Au vu de ce qui précède, le conseil invite le Comité à conclure que l’État partie a agi en violation des articles 5 et 6 du Protocole facultatif, car il n’a pas donné suite à la demande qui lui avait été faite par le Comité de prendre des mesures provisoires et n’a pas respecté le délai de réponse. Le conseil demande également que l’État partie soit empêché de contester la recevabilité car il ne l’a pas fait initialement, et de ne pas tenir compte de la réponse tardive de l’État partie.

Observations complémentaires de l’État partie

L’État partie a communiqué des observations complémentaires dans une note verbale datée du 10 septembre 2019. L’État partie réaffirme que le Ministère du travail et de la politique sociale, en coopération avec le Centre intermunicipal d’action sociale de Skopje, a offert d’héberger les familles à Čičino Selo Skopje, un centre pour sans-abri, et qu’elles ont toutes refusé l’offre. Il fait valoir que les familles souhaitaient plutôt être hébergées à l’institution pour enfants de Ljubinci ou à Kalajanovo, ou encore dans des « logements sociaux ». L’État partie affirme que l’institution pour enfants de Ljubinci est un établissement délabré dépourvu de services élémentaires et que le Ministère du travail et de la politique sociale ne dispose pas de « logements sociaux » destinés aux sans-abri. À l’inverse, le centre d’accueil pour sans-abri Čičino Selo offre gratuitement à ses résidentes et résidents les examens médicaux et les médicaments dont ils ont besoin. De plus, le centre fournit par ailleurs trois repas par jour et organise quotidiennement des activités visant à favoriser l’insertion sociale ; il offre aussi un service de gardiennage afin d’assurer la sécurité de ses résidents.

L’État partie indique également que le Ministère des transports et des communications est chargé de l’appel public à candidatures pour l’attribution des logements sociaux et qu’une commission pour l’attribution des logements sociaux prend les décisions finales. Il fait également valoir que le Centre intermunicipal d’action sociale de Skopje s’est efforcé d’apporter un soutien aux familles touchées et qu’un grand nombre d’entre elles ont bénéficié d’une aide financière.

L’État partie affirme que, le 5 janvier 2017, 11 familles (60 personnes) ont été logées dans deux établissements de protection sociale et que 12 familles ont refusé cet hébergement. Ces établissement ont finalement accueilli jusqu’à 83 personnes qui avaient résidé sous la forteresse (Kalé). On leur a fourni des vivres, des boissons chaudes, des articles d’hygiène, des couvertures, des matelas et des vêtements. Le 8 janvier 2017, elles ont subi un examen médical et reçu des médicaments. Selon le Centre intermunicipal d’action sociale, la majorité de ces personnes possédaient des documents d’identité, et une organisation non gouvernementale nommée Ambrela a aidé celles qui n’en possédaient pas à faire les démarches pour s’en procurer. Elles ont par ailleurs toutes été inscrites au régime public d’assurance maladie.

L’État partie fait valoir qu’à la suite des sessions du Gouvernement des 5 et 15 octobre 2017 et du 24 juillet 2018, des logements provisoires ont été fournis à environ 120 personnes, qui ont également bénéficié d’un programme d’insertion sociale axé sur le soutien à l’autonomie et à la réinsertion (voir par. 4.5 ci-dessus). Il ajoute également qu’à la fin 2018, les fonds affectés à ce programme par le Gouvernement s’élevaient à 1 200 000 denar de Macédoine du Nord (environ 19 000 euros). En outre, des enfants âgés de 5 à 13 ans ont participé aux activités du Centre de jour pour enfants des rues et, en mai, les enfants ayant l’âge voulu ont été inscrits à l’école primaire « Frères Ramiz et Hamid ». En 2018, des enfants ont profité d’un programme offrant gratuitement des vacances d’été et d’hiver.

L’État partie affirme en outre que 14 familles ont été transférées dans un « campement de conteneurs » faisant office de logements indépendants provisoires. Elles ont signé un bail de six mois, qui a par la suite été prolongé d’une nouvelle période de six mois. Les résidentes et résidents avaient l’obligation contractuelle d’entretenir le campement et certains ont ainsi fait des réparations dans les toilettes et les salles de bain. Ils étaient aussi tenus de se présenter régulièrement à l’agence pour l’emploi et de rechercher activement du travail. Malheureusement, les cours de formation offerts par l’agence pour l’emploi n’ont pas été bien accueillis par les résidents. Au 8 février 2019, 11 personnes avaient trouvé un emploi : 6 l’occupaient toujours et 5 l’avaient abandonné. En outre, comme les résidents avaient l’obligation d’« intégrer les enfants dans le processus éducatif », ceux qui avaient l’âge requis ont été inscrits à l’école primaire ou à l’école du soir. Ils se sont vu offrir un service de transport, des fournitures scolaires et une aide à l’étude.

L’État partie affirme que toutes les personnes hébergées dans le « campement de conteneurs » ont reçu des soins de santé ; elles se sont vu remettre une carte de soins de santé et leurs enfants, un carnet de vaccination. Les nouveau-nés ont quant à eux reçu un extrait d’acte de naissance et ont été inscrits au programme public d’assurance maladie.

En novembre 2018, le Ministère du travail et de la politique sociale et le Centre intercommunal d’action sociale de Skopje ont procédé à un réaménagement de l’établissement informel situé sous la forteresse (Kalé) de Skopje. En décembre 2018, l’institution publique chargée de la prise en charge des enfants ayant des problèmes éducatifs et sociaux et des troubles du comportement, basée à Skopje, a organisé l’hébergement de 85 personnes dans un établissement de protection sociale. Au total, 12 enfants âgés de 6 à 13 ans ont fréquenté le Centre de jour pour enfants des rues. Le personnel médical a vacciné les enfants et examiné les membres de leur famille. Une infirmière a rendu visite aux familles ayant des nouveau-nés.

L’État partie n’est pas d’accord avec l’allégation selon laquelle il n’a pas donné suite à la demande de mesures provisoires. En effet, depuis 2016, il a pris toutes les mesures urgentes et opportunes nécessaires pour protéger ces personnes (les familles roms). Ces mesures sont par ailleurs toujours appliquées. Pour cette raison, il invite le Comité à ne pas conclure à une violation de l’article 5 du Protocole facultatif.

En outre, l’État partie affirme qu’il existe des recours pour la protection des droits des femmes au titre de la loi de 2012 sur l’égalité des chances entre hommes et femmes et de la loi de 2010 sur la prévention de la discrimination et la lutte contre la discrimination, qui définissent les mécanismes de protection et les procédures judiciaires pertinents. L’État partie rappelle aussi que le Bureau du Médiateur offre un mécanisme de protection qui peut être utilisé dans de tels cas. Il précise qu’il ne coûte rien d’engager des procédures devant la Commission pour la protection contre la discrimination ou le Bureau du Médiateur et que les auteures auraient également pu recourir au « mécanisme de protection judiciaire ». L’État partie prie le Comité de déclarer la communication irrecevable au regard de l’article 4 du Protocole facultatif.

L’État partie estime que les allégations concernant le retard excessif avec lequel il a soumis ses observations ne sont pas fondées, car le fait qu’il a tardé à répondre au Comité n’a aucune conséquence pour les personnes concernées.

Commentaires des auteures sur les observations complémentaires de l’État partie

Le 25 octobre 2019, les auteures ont présenté leurs commentaires sur les observations complémentaires de l’État partie. Elles affirment que, dans sa réponse « non sollicitée », l’État partie ne donne aucun détail précis sur la situation personnelle des victimes, notamment par rapport aux renseignements fournis dans les précédentes observations des auteures. Le Comité devrait donc considérer que les éléments de fait présentés par les auteures ne sont pas contestés. Elles soulignent également que l’État partie a tardé à faire valoir une nouvelle fois qu’il avait offert aux personnes dont les foyers avaient été détruits le 1er août 2016 la possibilité d’être hébergées au foyer de Čičino Selo. Elles affirment que cela est « invraisemblable », car il n’y avait pas de places disponibles dans cet hébergement, qui était presque plein et « devait fonctionner avec une capacité limitée à la suite d’un incendie ». À cet égard, les auteures prennent note de la lettre du 24 août 2016, adressée par l’État partie à la Cour européenne des droits de l’homme, dans laquelle il est indiqué que 55 personnes vivaient dans cet hébergement. Elles mentionnent que, même s’il y avait eu de la place pour accueillir un plus grand nombre de personnes, les conditions ne convenaient ni aux auteures ni à personne d’autre. En 2013, le Bureau du Médiateur a estimé que les conditions de vie dans le foyer d’hébergement étaient inadéquates, notant, en particulier, l’approvisionnement alimentaire insuffisant, le faible niveau d’hygiène et les problèmes relatifs à la collecte des déchets, à la santé, à la sécurité personnelle et à l’accès des enfants roms à l’éducation. Les auteures affirment que des bandes de criminels avaient pu s’introduire dans le foyer d’hébergement et avaient commis des actes de violence contre ses résidentes et résidents, qu’il était de notoriété publique que des actes de violence interethnique visant les Roms étaient commis dans ce foyer et que les parents craignaient que leurs filles y soient victimes d’atteintes sexuelles et d’exploitation. Enfin, l’État partie n’a fourni aucun élément de preuve attestant qu’il avait expressément offert aux auteures un tel hébergement.

Les auteures font valoir que les efforts que l’État partie affirme avoir faits, plusieurs mois et années après leur expulsion, n’ont pas d’importance, car le temps était un facteur essentiel dans la présente affaire. Elles répètent qu’elles se sont retrouvées sans logement et sans accès à une aide sociale ou médicale. Les efforts tardifs consentis par l’État partie pour empêcher les auteures de « mourir gelées six mois après l’expulsion » ne peuvent pas être considérés comme suffisants pour assurer la protection de leurs droits consacrés par la Convention. Les auteures affirment également qu’en déclarant que des documents d’assurance maladie ont été fournis aux personnes hébergées, l’État partie admet que les auteures n’étaient pas couvertes par une assurance maladie pendant et après la grossesse, en violation du paragraphe 2 de l’article 12 de la Convention.

Les auteures contestent en outre la déclaration de l’État partie selon laquelle il a accédé à la demande de mesures provisoires présentée par le Comité. Elles soutiennent que la seule mesure prise par l’État partie a été d’offrir un hébergement au foyer de Čičino Selo, qui, au 1er août 2016, ne pouvait accueillir que cinq ou six personnes. En outre, rien n’indique que les auteures aient eu la priorité ou que les conditions de vie qui régnaient dans ce centre étaient adéquates pour les femmes enceintes ou venant d’accoucher.

En ce qui concerne l’affirmation de l’État partie selon laquelle les auteures n’ont pas épuisé les recours internes et le Médiateur aurait pu constituer un recours utile, les auteures font valoir que le Médiateur est seulement habilité à formuler des recommandations, des propositions et des conseils. En ce qui concerne les affaires soumises au Commissaire à la protection contre la discrimination ou les recours judiciaires, les auteures font valoir que lorsqu’une mesure concrète prise par les autorités met en péril les droits des femmes en matière de procréation, l’article 2 de la Convention exige que la mesure en question (l’expulsion dans le cas présent) fasse l’objet d’un examen avant d’être concrétisée. Or, puisque les autorités n’ont pas donné de préavis d’expulsion aux auteures, il n’existait pas de recours susceptible d’être épuisé. À cet égard, le Comité a jugé que lorsqu’un recours est inefficace en raison du laps de temps qui s’est écoulé depuis les faits, il est « peu probable qu’il donne satisfaction » et il n’est donc pas nécessaire qu’il soit épuisé. En outre, le Comité a également indiqué, au paragraphe 11 de sa recommandation générale no 33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, que les États parties ont des obligations découlant des traités et qu’ils doivent veiller à l’égalité d’accès de toutes les femmes à des voies de recours effectives et en temps utile. En conséquence, les auteures soutiennent que l’État partie doit veiller à ce que les femmes aient accès aux recours avant qu’une « atteinte grave et planifiée à leurs droits » se produise. Cela est particulièrement important lorsque les personnes concernées sont enceintes ou qu’elles viennent d’accoucher.

Les auteures font valoir que l’affirmation de l’État partie selon laquelle le fait qu’il a tardé à répondre au Comité n’a aucune conséquence pour les personnes concernées démontre son manque de respect pour le Comité, le Protocole facultatif et les auteures elles-mêmes. Après avoir attendu pendant plusieurs années une réponse de l’État partie, les auteures affirment avoir perdu « l’espoir d’obtenir justice » au titre du Protocole facultatif.

Enfin, l’État partie, n’ayant pas respecté les délais prescrits, ne peut prétendre que les auteures n’ont pas épuisé les recours internes, conformément au paragraphe 6 de l’article 69 du Règlement intérieur du Comité.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif. En application du paragraphe 4 de l’article 72 du règlement intérieur, il doit prendre cette décision avant de se prononcer sur le fond de la communication.

Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 4 du Protocole facultatif, que la question n’avait pas déjà fait l’objet ou ne faisait pas actuellement l’objet d’un examen dans le cadre d’une autre procédure d’enquête ou de règlement international.

Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, il n’examine aucune communication sans avoir vérifié que tous les recours internes ont été épuisés, à moins que la procédure de recours n’excède des délais raisonnables ou qu’il soit improbable que le requérant obtienne réparation par ce moyen.

À cet égard, le Comité note que les auteures affirment qu’il n’existait pas, à l’époque, de recours interne utile avec effet suspensif par lequel elles auraient pu obtenir réparation effective au regard de leur situation, en particulier la démolition et leur expulsion le 1er août 2016, et qu’en tout état de cause, elles n’avaient pas été informées de la démolition prévue. Le Comité prend note en outre de l’argument des auteures selon lequel, en tout état de cause, les auteures ne disposent d’aucun autre recours pour obtenir réparation des violations qu’elles décrivent, puisqu’elles ne peuvent prouver qu’elles sont citoyennes de l’État partie ou qu’elles appartiennent à une autre catégorie de personnes admissibles à l’assurance maladie publique. Le Comité prend note de l’affirmation des auteures, qui font valoir que, même s’il existe en théorie des procédures juridiques permettant d’obtenir des soins médicaux gratuits ou un hébergement, comme elles étaient enceintes et que le temps pressait, on ne pouvait attendre d’elles qu’elles exercent ces recours ; en outre, étant sans papiers, elles ne pourraient pas engager de poursuites judiciaires devant un tribunal de l’État partie.

Le Comité réaffirme son rôle subsidiaire par rapport aux systèmes juridiques nationaux. Un auteur est par conséquent tenu d’avoir épuisé tous les recours interne pour que sa communication soit recevable. À cet égard, le Comité note l’affirmation de l’État partie selon laquelle les auteures n’ont pas déposé de plainte au titre des voies de recours qui existent pourtant bel et bien pour protéger les droits des femmes en vertu de la loi de 2012 sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes et de la loi de 2010 sur la prévention de la discrimination et la lutte contre la discrimination.

Le Comité estime toutefois qu’il appartient aux États parties au Protocole facultatif de démontrer que des recours déterminés sont pertinents dans une affaire donnée et qu’ils auraient pu apporter réparation effective dans les circonstances particulières des requérantes. Le Comité observe que l’État partie ne donne aucune autre précision ou ne mentionne aucune jurisprudence pertinente qui aurait pu être appliquée en l’espèce, pour montrer que les recours invoqués auraient pu apporter une réparation effective aux auteures. Au lieu de cela, l’État partie se contente d’expliquer que les recours existent en droit, mais ne fournit pas d’explications ou d’exemples pour montrer que les recours en question étaient non seulement pertinents mais auraient aussi pu être utiles dans les circonstances de l’espèce.

À la lumière de ce qui précède et en l’absence d’autre pièce pertinente dans le dossier prouvant l’utilité des recours internes en l’espèce, le Comité estime donc que, dans le contexte particulier de l’expulsion et de la grossesse des auteures, au moment de la violation de leurs droits, l’État partie n’a pas démontré qu’il existait un recours qui aurait pu être considéré comme utile et qui aurait permis aux auteures d’obtenir immédiatement un hébergement de remplacement et l’accès à des services de santé procréative et aux autres services sociaux nécessaires, mais qu’elles n’ont pas épuisé.

Par conséquent, dans les circonstances particulières de la présente affaire, le Comité estime que les dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la communication.

Ainsi, dans la mesure où la communication touche à des questions relevant de l’article 2 d) et f), des paragraphes 1 et 2 de l’article 12 et du paragraphe 2 b) et h) de l’article 14 de la Convention, le Comité déclare la communication recevable et procède à l’examen au fond.

Examen au fond

Le Comité a examiné la présente communication à la lumière de toutes les informations que lui ont communiquées les auteures et l’État partie, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 7 du Protocole facultatif.

Le Comité constate qu’en l’espèce, les auteures affirment avoir été victimes d’une discrimination croisée fondée sur leur genre, leur appartenance ethnique, leur âge et leur état de santé, en violation de l’article 2 d) et f) de la Convention. Il prend note de l’affirmation des auteures selon laquelle l’État partie, en les expulsant sans prendre de dispositions pour leur assurer un logement de remplacement, des soins de santé et des soins de maternité appropriés, n’a pas tenu compte de leur situation d’extrême vulnérabilité et de l’effet particulièrement disproportionné et discriminatoire de cette mesure sur les adolescentes roms enceintes.

Le Comité prend note en outre de l’affirmation des auteures selon laquelle les expulsions forcées sont relativement rares dans l’État partie et ont tendance à viser de manière disproportionnée les communautés roms. Le Comité note également le grief des auteures qui affirment qu’outre le fait qu’il ne s’est pas abstenu de procéder à des expulsions forcées, ce qui constitue une discrimination indirecte à l’égard des communautés roms, l’État partie n’a pris aucune mesure positive appropriée pour mettre fin à la pratique discriminatoire qui consiste à expulser les communautés roms, y compris les femmes enceintes, et n’a offert aux auteures aucune réparation adéquate. À cet égard, le Comité rappelle le paragraphe 12 de sa recommandation générale no 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, dans lequel il renvoie à l’obligation faite aux États parties de prendre des mesures temporaires spéciales pour mettre un terme aux nombreuses formes de discrimination à l’égard des femmes qui peuvent souffrir de discrimination fondée, notamment, sur la race, l’appartenance ethnique ou l’identité religieuse. Il rappelle également que dans ses observations finales concernant le rapport de l’État partie valant quatrième et cinquième rapports périodiques (CEDAW/C/MKD/CO/4-5, par. 19), il a encouragé l’État partie à adopter des mesures spéciales, y compris dans les situations où les femmes qui appartiennent à des minorités ethniques sont défavorisées. Le Comité constate que, bien qu’elles aient été mineures et enceintes, les auteures n’ont pas été traitées différemment des autres personnes expulsées et se sont retrouvées sans abri et dans une situation de dénuement extrême. Le Comité fait également observer que le droit de ne faire l’objet d’aucune discrimination suppose non seulement l’égalité de traitement pour toutes les personnes qui se trouvent dans des situations similaires, mais également le traitement différencié de celles qui se trouvent dans des situations différentes.

Le Comité prend note également de l’affirmation générale de l’État partie selon laquelle le Ministère du travail et de la politique sociale a pris des mesures pour fournir d’urgence un logement temporaire, donnant la priorité aux familles comptant des femmes enceintes ou des nourrissons âgés de 3 ans ou moins. Il relève toutefois que l’État partie fait mention d’autres personnes dont l’identité a été rendue anonyme et n’aborde pas la situation concrète des deux auteures enceintes de la présente communication. En l’absence de toute autre information dans le dossier, le Comité observe donc que l’État partie n’a pas respecté, protégé et réalisé le droit des auteures de ne faire l’objet d’aucune discrimination et n’a pas pris de mesures temporaires spéciales visant à répondre aux besoins urgents spécifiques des femmes enceintes roms mineures dans le cas particulier de l’expulsion, et conclut à une violation des droits reconnus aux auteures à l’article 2 d) et f) et aux paragraphes 1 et 2 de l’article 4 de la Convention.

Le Comité note en outre que les auteures affirment qu’elles se sont heurtées à de sérieux obstacles pour protéger leur santé et leurs droits en matière de procréation pendant leur grossesse, alors que le temps pressait, en violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 12 et du paragraphe 2 b) de l’article 14 de la Convention. Le Comité prend note du fait incontesté que, malgré son extrême pauvreté, la première auteure a dû payer les quelques examens que lui a fait subir un médecin, tandis que la deuxième auteure n’a reçu la visite d’un médecin qu’une seule fois grâce à l’intervention d’une organisation non gouvernementale. À cet égard, le Comité rappelle que le respect par les États parties de l’article 12 de la Convention est essentiel à la santé et au bien-être des femmes et qu’il faut accorder une attention particulière aux besoins et aux droits en matière de santé des femmes qui appartiennent aux groupes vulnérables et défavorisés, et des filles. Les États parties devraient rendre compte des mesures prises pour lever les obstacles auxquels se heurtent les femmes en matière d’accès aux services de santé ainsi que des mesures adoptées pour garantir aux femmes un accès rapide et peu coûteux à ces services, en particulier ceux concernant la santé de la procréation.

Le Comité note que ni les auteures ni leurs parents n’ont de documents d’identité, de sorte qu’ils ne sont pas couverts par le régime public d’assurance maladie de l’État partie (ou par un régime privé d’assurance maladie). Comme les auteures sont sans papiers et sans assurance, elles n’ont pas accès à des établissements de santé adéquats et n’ont droit à aucun soin de santé primaire, secondaire ou maternel gratuit. En outre, elles n’avaient aucun revenu et aucun moyen de payer les soins de maternité et la nourriture nécessaire pour satisfaire à leurs besoins nutritionnels pendant la période de procréation. Le Comité relève en outre que les deux auteures n’ont pas accouché dans un hôpital spécialisé, mais en plein air au Polygone ou au centre Ranka Milanovik. Le Comité observe que l’État partie n’a pas contesté ces faits et n’a pas fourni d’informations concrètes sur le point de savoir si les auteures se sont vu offrir l’accès à des services de santé et si des mesures appropriées ont été prises pour garantir, plus particulièrement, leur accès à des soins de santé de la procréation. En l’absence de toute autre information dans le dossier, le Comité conclut que les droits que les auteures tiennent des paragraphes 1 et 2 de l’article 12 et du paragraphe 2 b) et h) de l’article 14 de la Convention ont été violés.

Quant à la jouissance par les auteures de conditions de vie convenables, le Comité prend note de leurs affirmations selon lesquelles, après l’expulsion, elles ont d’abord vécu en plein air pendant leur grossesse. En plus de ne pas s’être vu offrir un logement de remplacement durable après l’expulsion, les auteures n’ont jamais fait de demande ni reçu d’offre de logement social ou d’autres formes d’aide sociale, apparemment du fait qu’elles n’avaient pas de papiers. Le Comité note également que, pendant et après l’expulsion, les deux auteures enceintes ont été exposées à des conditions de vie extrêmement précaires et n’avaient accès ni à l’eau potable ni à l’eau nécessaire à leur hygiène personnelle. À cet égard, le Comité observe que tous ces éléments ont contribué à la situation d’extrême vulnérabilité et de précarité dans laquelle les auteures se sont retrouvées, qui entraînait un risque grave pour leur santé.

Le Comité note que les deux auteures ont plus tard été hébergées temporairement au centre Ranka Milanovik, où les conditions étaient extrêmement mauvaises et inappropriées pour les femmes enceintes. Il observe également que, dès que son mari a obtenu un emploi, S. N. a reçu l’ordre de quitter le centre Ranka Milanovik, alors qu’E. R. est partie, elle, pour des raisons de sûreté et de sécurité. Le Comité observe en outre que les deux auteures n’ont eu d’autre choix que de retourner sur le site du Polygone et que les autorités ont refusé de reloger E. R. parce qu’elle était volontairement partie du centre Ranka Milanovik. Il note également qu’en conséquence, les deux auteures étaient de fait sans abri pendant leur grossesse et qu’elles ont accouché, l’une alors qu’elle vivait en plein air sur le site du Polygone, l’autre au centre Ranka Milanovik.

Le Comité prend aussi note de l’affirmation générale de l’État partie selon laquelle une centaine de personnes ont été relogées, de jeunes enfants ont été inscrits dans un centre de jour et une procédure de scolarisation des enfants plus âgés a été engagée. Il observe toutefois que l’État partie n’a pas fourni d’informations concrètes sur les conditions de vie des deux auteures pendant et après la démolition de leurs habitations, ni sur les mesures prises pour améliorer leur situation au regard du logement en proposant des solutions de remplacement durables et appropriées. Le Comité observe que l’État partie n’a ni contesté la description des faits donnée par les auteures ni fourni d’informations concrètes sur les mesures appropriées qu’il aurait prises pour garantir à ces dernières l’accès à des services adéquats dans le domaine de la santé ainsi que des conditions de vie convenables. Par conséquent, le Comité considère que les faits tels qu’ils sont présentés font apparaître une violation des droits que les auteures tiennent de l’article 14 d) de la Convention, compte tenu de la recommandation générale no 28 (2010) du Comité sur les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention.

En l’absence de toute autre information pertinente dans le dossier, le Comité accorde le crédit voulu aux allégations des auteures.

Conformément au paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif à la Convention et au vu des considérations qui précèdent, le Comité constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits que les auteures tiennent de l’article 2 d) et f), des paragraphes 1 et 2 de l’article 4, des paragraphes 1 et 2 de l’article 12 et du paragraphe 2 b) et h) de l’article 14 de la Convention, compte tenu de ses recommandations générales nos 24 (1999) sur les femmes et la santé, 25, 28 et 34 (2016) sur les droits des femmes rurales.

À la lumière de ces conclusions, le Comité adresse les recommandations suivantes à l’État partie :

a)Concernant les auteures de la communication :

i)Accorder des réparations adéquates, y compris la reconnaissance des préjudices matériels et moraux qu’elles ont subis en raison de leur accès insuffisant à un logement et à des soins de santé pendant leur grossesse, circonstance aggravée par leur expulsion ;

ii)Fournir un hébergement adéquat ainsi qu’un accès à l’eau potable et à une alimentation appropriée et garantir un accès immédiat à des services de santé abordables ;

b)De manière générale :

i)Adopter et appliquer des politiques, programmes et mesures ciblés concrets et efficaces, y compris des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale no 25 (2004), pour lutter contre les formes croisées de discrimination à l’égard des femmes et des filles roms ;

ii)Garantir aux femmes et aux filles roms l’accès à un logement convenable ;

iii)Assurer l’accès à des soins de santé et à des services de santé de la procréation abordables et de grande qualité et prévenir et éliminer la pratique consistant à facturer illégalement aux femmes et aux filles roms des frais pour la prestation de services de santé publique ;

iv)Élaborer des programmes spécifiques d’atténuation de la pauvreté et d’inclusion sociale pour les femmes et les filles roms ;

v)Renforcer l’application de mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale no 25 du Comité, dans tous les domaines visés par la Convention où les femmes et les filles appartenant à des groupes ethniques minoritaires, en particulier les femmes et les filles roms, sont défavorisées ;

vi)Coopérer activement, notamment grâce à l’apport d’un soutien financier, avec les organisations de la société civile et les organisations de défense des droits humains et les organisations de femmes représentant les femmes et les filles roms, afin de renforcer les activités de prévention des formes de discrimination croisée fondées sur le sexe, le genre et l’appartenance ethnique et de promouvoir la tolérance et la participation égale des femmes roms dans tous les domaines de la vie ;

vii)Faire en sorte que les femmes et les filles roms, individuellement et collectivement, aient accès à l’information concernant les droits que leur reconnaît la Convention et soient à même de faire valoir ces droits de manière effective ;

viii)Veiller à ce que les femmes et les filles roms aient accès en temps voulu et à un coût abordable à des voies de recours utiles, à l’aide juridictionnelle ou à une aide juridique, si nécessaire, et soient entendues par un tribunal compétent et indépendant agissant dans le cadre d’une procédure régulière, ou par une autre institution publique ;

ix)Veiller à ce qu’aucune expulsion forcée de femmes ou de filles roms ne soit exécutée si aucun logement de remplacement n’a été fourni aux personnes concernées.

Conformément au paragraphe 4 de l’article 7 du Protocole facultatif, l’État partie examinera dûment les constatations et les recommandations du Comité, auquel il soumettra dans un délai de six mois une réponse écrite l’informant de toute mesure prise pour donner suite à ses constatations et recommandations. L’État partie est prié de faire traduire et publier les constatations et recommandations du Comité dans sa langue officielle et de les diffuser largement afin de toucher tous les secteurs de la société.

Annexe

Opinion dissidente de Gunnar Bergby, membre du Comité

Je ne saurais partager l’avis de la majorité concernant la recevabilité.

À mon avis, la communication aurait dû être jugée irrecevable au regard du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif à la convention pour non-épuisement des recours internes, ces recours n’ayant de fait pas été épuisés du tout. Je ne partage pas non plus l’avis selon lequel la procédure de recours excéderait des délais raisonnables ou qu’il serait peu probable qu’elle permette d’obtenir une réparation effective.

En outre, je considère que la communication est également irrecevable au regard du paragraphe 2 a) du de l’article 4 Protocole facultatif, au motif que la même expulsion du 1er août 2016 est examinée par la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Convention européenne des droits de l’homme (Bekir et autres c. Macédoine du Nord), même si les auteures de la communication no 107/2016 ne sont pas parties à l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme.