Présentée par :

L. O. et consorts (représentés par un conseil, Catherine Haenni)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteure, ses deux filles et son fils

État partie :

Suisse

Date de la communication :

31 décembre 2017 (date de la lettre initiale)

Références :

Communiquée à l’État partie le 5 janvier 2018 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision :

6 juillet 2020

Objet :

Expulsion vers la Mongolie

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes ; défaut de fondement

Article(s) de la Convention :

1er, 2 c) à f) et 3

Article(s) du Protocole facultatif :

4 1) et 2 c)

Exposé des faits

L’auteure de la communication est L. O., de nationalité mongole, née en 1974. La communication est présentée au nom de l’auteure, de ses deux filles, K. B. et M. O., nées respectivement en 2002 et 2015, et de son fils, K. B., né en 2004. L’auteure a été déboutée de sa demande d’asile et risque d’être expulsée avec ses enfants. Elle affirme que leur expulsion vers la Mongolie violerait les droits qu’elle tient de l’article premier et des articles 2 c) à f) et 3 de la Convention. La Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour la Suisse en 1997 et 2008, respectivement. L’auteure est représentée par un conseil, Catherine Haenni.

Le 5 janvier 2018, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Groupe de travail des communications présentées en vertu du Protocole facultatif à la Convention, a demandé à l’État partie de se garder d’expulser l’auteure et ses enfants vers la Mongolie avant qu’il n’ait examiné son cas, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif et à l’article 63 de son règlement intérieur.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1L’auteure est née à Oulan-Bator. Elle y a travaillé comme enseignante de maternelle et cuisinière, occupant encore d’autres emplois temporaires. Elle a fait la connaissance de son conjoint, B. Y., en 1996. Quatre ans plus tard, celui-ci s’est mis à boire de plus en plus et est devenu violent, aussi bien verbalement que physiquement. Lorsque son conjoint était ivre, l’auteure allait vivre chez sa mère, décédée en 2004, période à laquelle il a commencé à lui infliger régulièrement des mauvais traitements et à frapper également sa fille. L’auteure indique qu’elle n’a pas de frères et sœurs.

2.2L’auteure affirme que B. Y. la brutalisait en moyenne quatre à cinq fois par semaine, qu’il l’a violée à plusieurs reprises et qu’il maltraitait physiquement les enfants. Elle fait état de nombreux actes de violence, dont une fracture à la main dont a été victime sa fille. Lorsque celle-ci était âgée d’environ huit ans, B. Y. l’a laissée dehors en hiver, sans vêtements chauds, alors que les températures étaient bien inférieures à zéro. Elle est restée à l’extérieur pendant plusieurs heures, ce qui lui a valu des engelures. Il arrivait souvent à B. Y. de menacer avec un couteau l’auteure et ses enfants, qu’il a blessés ou poignardés plusieurs fois. Un jour, il a fait une entaille au coin de l’œil de l’auteure en lui lançant un couteau. Un autre jour, il a tenté de la poignarder et lui a lacéré les doigts lorsqu’elle a essayé de se protéger. Elle a fini à l’hôpital et a eu besoin de points de suture. Une autre fois, il a menacé de lui crever les yeux et lui a transpercé les mains lorsqu’elle s’est caché le visage. À une autre occasion encore, il a essayé de lui trancher la langue et de lui sectionner la lèvre. Il a également tenté de s’en prendre à leur fils de six ans avec un couteau. Leur fille, K. B., alors âgée de huit ans, a été blessée à la main en s’interposant et a eu besoin de points de suture. Deux mois plus tard, il a de nouveau blessé celle-ci à l’arme blanche, cette fois à l’abdomen.

2.3Lorsque l’auteure était enceinte de son dernier enfant, B. Y. est rentré un jour à la maison en compagnie d’un de ses amis. Il était tellement ivre qu’il s’est endormi. Alors que son ami tentait de la violer, elle s’est mise à crier, réveillant B. Y. Elle lui a raconté ce qui s’était passé, mais il a refusé de la croire. Elle a alors appelé la police, qui a placé celui-ci en détention avant de le relâcher, le lendemain. Dès lors, il est devenu encore plus violent. Sa fille n’était plus en mesure de poursuivre sa scolarité à Oulan-Bator, parce qu’à force de se présenter à son école, ivre, et exigeant à grands cris qu’elle le conduise à sa mère quand il voulait lui soutirer de l’argent, son père avait provoqué son renvoi, car l’établissement craignait que la situation ne mette en danger les autres élèves.

2.4Alors que l’auteure était enceinte de six mois de son dernier enfant, elle a été violemment agressée par son conjoint, qui a voulu tuer le bébé. Souffrant d’une hémorragie, elle a dû être hospitalisée. Un mois plus tard, il s’en est de nouveau pris à elle. Peu de temps après, l’un des amis de B. Y. a tenté de violer sa fille, alors âgée de 12 ans. Elle a appelé la police, qui a refusé d’intervenir, au motif que l’interposition de l’auteure avait empêché le viol. C’est à ce moment-là qu’elle a décidé de quitter la Mongolie, faute de pouvoir y trouver une protection pour elle-même et ses enfants.

2.5L’auteure a demandé, en 2009, l’aide d’un centre d’hébergement pour femmes situé à Oulan-Bator. Elle y a passé la nuit avant d’être renvoyée chez elle, le lendemain matin, parce que son agression n’avait fait l’objet d’aucun signalement à la police. En 2014, elle a de nouveau été attaquée, avec sa fille, par B. Y., armé d’un couteau et d’une seringue que l’auteure utilisait pour soigner ses allergies. Elle a une nouvelle fois tenté de trouver refuge au centre d’hébergement, mais elle s’est vu refuser toute assistance parce qu’aucune place n’était libre. Après cela, elle ne l’a plus jamais sollicité. Il lui arrivait parfois de partir chez une amie, jusqu’au jour où B. Y. s’est présenté au domicile de cette dernière et s’est battu avec son mari. Dès lors, l’auteure n’a plus été en mesure de séjourner chez son amie, qui avait peur de B. Y. En 2014, elle a fui à Darkhan pour échapper à ce dernier, qui l’a retrouvée trois mois plus tard et l’a ramenée de force à Oulan-Bator.

2.6L’auteure a porté plainte à plusieurs reprises pour violences auprès de la police, qui était toutefois réticente à lui venir en aide, notamment parce qu’elle et son conjoint n’étaient pas mariés, et que ses plaintes n’étaient pas considérées comme « recevables ». Les quelques placements en détention dont a écopé B. Y. n’ont jamais dépassé quelques heures, au bout desquelles il était toujours relâché, encore plus violent à l’égard de l’auteure et de ses enfants. C’est pourquoi elle n’a plus fait aucun signalement aux autorités.

2.7En septembre 2015, l’auteure, alors enceinte de sept mois, a quitté la Mongolie avec ses deux enfants. Après s’être enfuis en Fédération de Russie, ils sont arrivés en Suisse avec l’aide d’un trafiquant de personnes. Le 5 septembre 2015, l’auteure a déposé une demande d’asile dans ce pays et a eu sa première audition au titre de celle-ci. Elle y a déclaré avoir fui la Mongolie à cause de la violence domestique exercée par son ex-conjoint et de l’incapacité de la police à la protéger, elle et ses enfants. Lors de sa deuxième audition, le 14 juillet 2016, elle a ajouté que le centre d’hébergement pour femmes avait refusé de l’aider et de lui offrir une protection durable.

2.8Le 17 janvier 2017, le Secrétariat d’État aux migrations a demandé au bureau de l’ambassade de Suisse à Oulan-Bator de corroborer les déclarations de l’auteure. Le 27 avril 2017, le Secrétariat d’État a informé celle-ci des conclusions, en précisant que le rapport était confidentiel, et ce, pour garantir la protection des fonctionnaires ou des parties censés avoir mené l’enquête en Mongolie. Il y était écrit que les informations reçues contredisaient ses déclarations, aucune trace de son conjoint et de ses enfants ainsi que des certificats de décès de ses parents n’ayant été trouvée auprès de l’Administration générale des registres nationaux de Mongolie. Les auteurs du rapport précisaient également que la famille n’avait pas vécu à l’adresse indiquée par la requérante lors de ses auditions et que B. Y. n’avait fait l’objet d’aucun signalement pour violence domestique auprès d’un poste de police ou de quelconque institution. L’auteure soutient que le ton de la lettre qu’elle a reçue était très insultant, car il laissait clairement entendre que le Secrétariat d’État avait conclu qu’elle mentait.

2.9Le 8 mai 2017, l’auteure a répondu de façon détaillée au Secrétariat d’État, en précisant qu’elle ignorait si son ex-conjoint, qui répondait au nom de B. Y. et non d’Y. B., comme l’affirmait l’État partie, était inscrit sur l’un des registres de l’Administration générale des registres nationaux de Mongolie. Elle l’a également informé que B. Y. possédait un autre nom de famille dont elle n’avait pas connaissance, que l’inscription n’était devenue obligatoire qu’en 1990 et que 160 000 Mongols n’étaient toujours pas enregistrés, ajoutant que, dans le cas des enfants, cette formalité n’était obligatoire qu’à partir de l’âge de 16 ans. Par ailleurs, elle a expliqué que l’État partie avait confondu le nom de son père (O. C.) avec celui de sa mère, qui s’appelait B. D. Son père était décédé en 1978, alors qu’elle n’avait que quatre ans, et elle ignorait où se trouvait son certificat de décès ainsi que l’endroit où il était enterré. Elle ne savait dire pourquoi le certificat de décès de sa mère était introuvable et confirmait que celle-ci était bien décédée le 9 avril 2004. Elle a communiqué une fois de plus au Secrétariat d’État son adresse en Mongolie, y compris le numéro de téléphone de son ancien propriétaire et le montant du loyer mensuel dont la famille s’acquittait.

2.10Pour ce qui est de l’absence de signalements à la police, l’auteure a fait observer qu’elle avait appelé la police à de nombreuses reprises, mais que celle-ci se contentait à chaque fois de mettre B. Y. en détention jusqu’à ce qu’il soit dégrisé avant de le renvoyer chez lui. Elle a indiqué le numéro de téléphone d’une amie et l’adresse du centre d’hébergement, expliquant que, pour obtenir une preuve de son séjour dans ce centre, une demande officielle devait être faite par la représentation de la Suisse.

2.11Le 9 juin 2017, le Secrétariat d’État a rejeté la demande d’asile de l’auteure, estimant que ses déclarations ne remplissaient pas les critères de crédibilité, car le fait que ses enfants aient un passeport supposait qu’ils aient été enregistrés en Mongolie. L’auteure a fait remarquer que les enfants mineurs n’avaient pas besoin d’être enregistrés pour obtenir un passeport, leurs parents pouvant en faire la demande à leur place. Le Secrétariat d’État a également considéré que l’auteure n’avait pas habité à l’adresse indiquée et lui a reproché de ne pas avoir pu produire les certificats de décès de ses parents ni de preuves écrites des signalements de violence domestique faits à la police. L’auteure a indiqué à ce sujet que le Secrétariat d’État n’avait pas pris contact avec son ancien propriétaire.

2.12Le Secrétariat d’État a estimé que la loi contre la violence domestique qui était en vigueur en Mongolie depuis 2005 était appliquée dans les faits et a relevé que l’auteure avait dit avoir contacté plusieurs fois la police, qui avait répondu à ses appels, prouvant ainsi qu’elle était capable de lui fournir une protection. Il a considéré qu’il se serait attendu à ce que l’auteure trouve refuge dans un centre d’hébergement, ce qu’elle n’avait pas fait, même si elle prétendait avoir sollicité l’aide d’un centre d’hébergement pour femmes. Il lui a également reproché de ne pas avoir fourni de preuves écrites, refusant de croire que tous ses documents officiels avaient été confisqués par le trafiquant de personnes.

2.13Le 14 août 2017, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours déposé par l’auteure.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure soutient qu’en les renvoyant en Mongolie, elle et ses enfants, l’État partie violerait les obligations que lui imposent les articles 1er, 2 c) à f) et 3 de la Convention.

3.2Elle argue qu’en la renvoyant avec ses enfants en Mongolie, l’État partie les exposerait à un risque réel, personnel et prévisible de subir des formes graves de discrimination, car ils y feraient l’objet de violence domestique de la part de son ex‑conjoint et ne pourraient pas compter sur la protection des autorités. Elle affirme que le Secrétariat d’État et le Tribunal administratif fédéral n’ont pas traité sa demande d’asile en tenant compte des questions de genre, car ils lui ont reproché de ne pas connaître le deuxième nom de famille de son conjoint et de ne pas avoir sollicité l’aide d’un centre d’hébergement pour femmes, et parce qu’ils ont jugé adéquate la réaction de la police la concernant. Elle ajoute qu’elle a étayé l’allégation selon laquelle elle courrait un risque réel, personnel et prévisible de subir des formes graves de discrimination si elle retournait en Mongolie, qu’elle a fourni suffisamment de précisions sur les violences qu’elle avait subies, comme le nom de son conjoint, le nom du poste de police où elle s’est rendue, des photos de ses blessures et de celles de ses enfants et l’adresse du centre d’hébergement pour femmes – informations qui, selon elle, auraient pu être vérifiées par les autorités suisses. Elle estime également que l’État partie ne s’est pas suffisamment efforcé d’établir qu’il existait des motifs sérieux de croire qu’elle et ses enfants seraient exposés à de graves formes de discrimination, à leur retour en Mongolie.

3.3L’auteure fait, en outre, valoir que les informations dont on dispose sur la Mongolie révèlent que des violences graves, récurrentes et systématiques y sont commises contre les femmes, comme en atteste la prévalence élevée de la violence domestique et des viols. Dans ses observations finales concernant les huitième et neuvième rapports périodiques (présentés en un seul document) de la Mongolie, le Comité s’est dit inquiet de la forte prévalence de la violence domestique et du fait qu’il n’existe qu’un seul foyer public pour les victimes d’actes de violence (voir CEDAW/C/MNG/CO/8-9, par. 18). Dans ses observations finales concernant le rapport unique de la Mongolie valant cinquième, sixième et septième rapports périodiques, le Comité s’est dit préoccupé par le niveau de la violence, qui demeurait élevé dans les familles, s’inquiétant aussi de ce que ce type de violence continue d’être considéré comme une affaire privée, y compris parmi les responsables de l’application des lois, et préoccupé par le faible nombre de poursuites engagées au titre de la loi sur la lutte contre la violence domestique (voir CEDAW/C/MNG/CO/7, par. 25). L’auteure relève que seuls 20 cas de violence domestique ont donné lieu à des poursuites depuis l’entrée en vigueur de la loi, le 7 novembre 2008. Elle cite également un rapport de l’organisation non gouvernementale américaine Advocates for Human Rights, et soutient que les autorités mongoles rechignent souvent à intervenir dans les affaires de violence domestique, dont elles font peu de cas et qu’elles assimilent à des cas d’ébriété, les auteurs étant placés en détention pendant une nuit et libérés le lendemain, une fois dégrisés. Elle se réfère, en outre, au rapport que le Département d’État des États-Unis a publié en 2012 sur les droits de l’homme en Mongolie, d’après lequel :

Aucune loi n’interdit spécifiquement le viol conjugal, qui ne fait généralement l’objet d’aucune reconnaissance ni d’aucune poursuite. Les victimes sont souvent stigmatisées et accusées de manquer à leurs devoirs conjugaux, raison pour laquelle de nombreuses organisations non gouvernementales imputent le silence observé par les victimes de viols conjugaux aux responsables de l’application des lois.

Selon des organisations non gouvernementales, les autorités de police ne portent qu’un petit nombre de cas à la connaissance des autorités judiciaires, invoquant l’insuffisance de preuves. De plus, d’après elles, de nombreuses allégations de viol ne sont pas enregistrées et le caractère éprouvant des procédures policières et judiciaires a tendance à décourager les victimes de porter plainte. La stigmatisation sociale a, elle aussi, un effet dissuasif.

3.4L’auteure fait également référence au rapport sur les droits de l’homme en Mongolie publié en 2014 par le Département d’État des États-Unis, selon lequel :

La violence domestique demeure un problème grave et très répandu. Il n’existe aucune disposition pénale concernant ce type de violence, de sorte qu’il est difficile de comptabiliser les cas signalés. La loi de 2004 sur la lutte contre la violence domestique, qui ne relève pas du droit pénal, assure une certaine protection aux victimes, car elle prévoit notamment le recours à des ordonnances de protection, mais un certain nombre d’obstacles en matière de procédure et d’exécution en compliquent l’obtention et l’application. Les cas de violence domestique ne peuvent être signalés anonymement, les personnes devant souvent décliner leur nom et lieu de résidence, ce qui a un effet dissuasif, car elles redoutent la divulgation de leur identité aux auteurs. Des organisations non gouvernementales indiquent qu’il est rare que des ordonnances de protection soient rendues dans les affaires de violence domestique et que, même si elles le sont, leur suivi et leur application laissent à désirer.

Il arrive que des auteurs présumés de violences domestiques soient placés en détention administrative plutôt que détenus au titre du droit pénal, auquel cas ils sont généralement condamnés à verser une amende de 15 000 tugrugs (huit dollars) et libérés au bout de 72 heures au maximum.

3.5L’auteure allègue que les informations disponibles sur la Mongolie ajoutent à la crédibilité de ses déclarations. Les antécédents de son conjoint et les informations disponibles sur son pays lui font craindre, à juste titre, d’être la cible de violences domestiques si elle était renvoyée en Mongolie. Elle fait valoir que ses enfants, qui l’ont accompagnée dans sa fuite, encourraient des risques de représailles similaires et que ses filles, en particulier, seraient directement à la merci de persécutions sexistes. En Mongolie, la violence domestique est considérée comme une affaire de famille et le système de justice pénale est généralement à la traîne quand il s’agit d’appliquer des lois censées protéger les femmes. L’auteure indique qu’alors qu’elle a dénoncé son partenaire à la police à plusieurs reprises, aucune ordonnance de protection n’a été délivrée et aucune enquête n’a été ouverte. Elle affirme que le système judiciaire mongol n’est ni disposé à la protéger, elle et ses enfants, contre la persécution sexiste, ni en mesure de le faire.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 29 juin 2018, l’État partie a transmis ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication.

4.2S’agissant de la question de savoir si les dispositions invoquées par l’auteure constituent des droits au sens de l’article 2 du Protocole facultatif et peuvent faire l’objet d’une plainte émanant d’un particulier, l’État partie renvoie aux observations qu’il a formulées le 29 mai 2018 dans le cadre d’une autre affaire examinée par le Comité. Considérant que ces dispositions relèvent davantage de normes générales que de droits individuels, il estime que cette plainte est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.3En l’espèce, l’auteure cite l’article 3 de la Convention sans étayer ses dires comme elle l’a fait pour ce qui est de l’allégation de violation de l’article 2 du Protocole facultatif. Sa plainte au regard de l’article 3 est, par conséquent, irrecevable.

4.4Eu égard à l’allégation de violation de l’article 2 de la Convention, l’État partie considère également que ce grief n’est pas suffisamment étayé. Il fait observer que, dans le cadre de l’examen des communications émanant de particuliers, le Comité s’est prononcé à plusieurs reprises pour le respect des exigences de la Convention relatives à la procédure d’asile, soulignant qu’il ne se substituait pas aux autorités nationales dans l’appréciation des faits.

4.5L’État partie rappelle que l’auteure a été entendue à deux reprises par le Secrétariat d’État, soit le 15 septembre 2015 et le 14 juillet 2016, et que, lors de la deuxième audition, elle a eu la possibilité de décrire précisément les motifs de sa demande d’asile. Pour corroborer ses allégations, le Secrétariat d’État a contacté le bureau à Oulan-Bator de l’ambassade de Suisse, qui a demandé à un avocat de confiance de procéder à des vérifications. Ni B. Y. ni les premiers enfants du couple ne figuraient sur les registres de l’Administration générale des registres nationaux de Mongolie. Le décès des parents de l’auteure n’y était pas non plus consigné. Par ailleurs, l’auteure, ses enfants et B. Y. n’avaient, semble-t-il, jamais habité à l’adresse indiquée. De plus, personne sur place n’avait été en mesure de le confirmer. Enfin, B. Y. n’avait apparemment fait l’objet d’aucun signalement pour violence domestique auprès d’un poste de police ou de quelconque institution.

4.6Conformément au droit d’être entendue accordé à l’auteure, ces éléments lui ont été communiqués le 27 avril 2017. Elle a répondu de façon détaillée le 4 mai 2017, expliquant qu’il existait en Mongolie de nombreux services officiels d’enregistrement, que la seule ville d’Oulan-Bator comptait au moins 17 registres locaux et que d’autres villes ou aimags (collectivités territoriales analogues aux cantons) possédaient des registres de ce type. Les vérifications concernant B. Y. supposaient de consulter l’ensemble des registres existants. Si, en théorie, l’Administration générale des registres nationaux était censée centraliser toutes les informations, dans les faits, celles-ci étaient soit incomplètes, soit manquantes. Selon l’auteure, les jeunes Mongols ne sont enregistrés et ne reçoivent des papiers d’identité qu’à l’âge de 16 ans, raison pour laquelle ses enfants n’étaient pas encore inscrits sur les registres. Leurs actes de naissance figuraient certainement dans le registre d’état civil du district de Bayanzürkh. Né en 1974, B. Y. était kazakh de souche. Les Kazakhs avaient deux noms de famille. B. était son prénom et Y., l’un de ses noms de famille. La réponse de l’ambassade indique que l’auteure ignorait le deuxième nom de famille de son conjoint, car elle n’avait jamais été mariée avec lui. Cette dernière affirmait également ignorer où B. Y. avait été enregistré, ajoutant que, pour trouver les documents le concernant, il fallait consulter tous les registres officiels. En outre, avec le changement de régime intervenu en 1990, de nombreux registres avaient été égarés ou négligés, de sorte que quelque 160 000 Mongols n’étaient pas enregistrés.

4.7S’agissant des certificats de décès de ses parents, l’auteure a fait savoir que les noms de ses parents avaient été inversés. Son père était mort quand elle avait quatre ans. Sa mère était décédée à Oulan-Bator en 2004. Il était nécessaire de consulter l’ensemble des registres. Elle a déclaré avoir habité 11 ans avec B. Y. et leurs enfants à l’adresse indiquée, d’octobre 2004 à octobre 2015. Les appartements, les chambres et les yourtes étaient généralement loués de manière informelle, aucun contrat de location n’étant porté à la connaissance des autorités, pour des raisons fiscales. Comme les contrôles étaient peu fréquents et les déménagements nombreux, il était donc tout à fait possible, selon elle, que personne ne puisse confirmer que la famille avait vécu à cette adresse. Les habitants hésitent également à communiquer des informations aux étrangers, de peur de se mettre en danger ou de nuire à autrui. Pour autant qu’il n’y ait pas eu de changement de propriétaire, il suffisait d’appeler le numéro de téléphone qu’elle avait indiqué, pour confirmer qu’elle avait habité à cette adresse.

4.8Si Oulan-Bator comptait plusieurs registres d’état civil, il en allait de même pour les postes de police. D’après sa réponse, l’auteure avait déposé plainte à maintes reprises contre B. Y., lequel avait été placé en détention et condamné à une amende pour ivresse et qui, un jour, avait fait une tentative de suicide. Tous ces faits avaient été consignés dans les registres des postes de police. Cependant, comme B. Y. a été policier dans le passé, il était tout à fait possible, selon elle, que les traces écrites aient été « égarées ». Elle a dit qu’elle avait fui, à plusieurs reprises, le domicile familial et qu’elle pouvait donner les noms des deux familles auprès desquelles elle avait trouvé refuge. Elle s’était également adressée à un groupe d’entraide destiné aux femmes et aux enfants. À son arrivée en Suisse, elle avait été auscultée par un médecin, qui avait constaté qu’elle avait des ecchymoses sur le ventre, causées par les coups infligés par B. Y. D’après elle, le médecin pouvait être contacté et il confirmerait cette information.

4.9Le 9 juin 2017, le Secrétariat d’État a rejeté la demande d’asile de l’auteure. En ce qui concerne ses explications au sujet de l’enregistrement de B. Y. et de leurs enfants, il a insisté sur le fait que, lors de la première audition, l’auteure avait indiqué que ses deux premiers enfants détenaient chacun un certificat de naissance et un passeport qui leur avaient été délivrés en 2013 et qui leur avaient été confisqués à Moscou par le trafiquant de personnes. La délivrance de ces pièces d’identité signifiait qu’ils étaient bien inscrits sur les registres officiels. Le Secrétariat d’État a également jugé peu plausible que l’auteure ignore le nom complet de son ex-conjoint, avec lequel elle était en couple depuis 1996 et qui était le père de ses trois enfants. De même, il ne lui a pas échappé qu’elle avait affirmé avoir porté plusieurs fois plainte contre B. Y. auprès de la police, ajoutant que différentes mesures avaient été prises à son endroit, sans pouvoir toutefois fournir la moindre pièce justificative.

4.10Le Secrétariat d’État a estimé que, malgré les nombreuses précisions apportées par l’auteure, il était impossible de faire abstraction des incohérences de son témoignage et que ses allégations ne présentaient pas le degré de crédibilité que l’on était en droit d’attendre dans le cadre d’une demande d’asile. Après avoir examiné toutes les informations dont il disposait, il a conclu que la situation familiale et les conditions de vie des requérants, ainsi que les circonstances des faits en question différaient de celles que ceux-ci dépeignaient. Il a souligné que les risques posés par un tiers n’étaient pas pris en considération dans les demandes d’asile, sauf lorsque l’État ne remplissait pas sa fonction de protection ou ne pouvait pas le faire. En général, cette protection était assurée quand l’État prenait les mesures voulues pour éviter les persécutions, par exemple par le truchement d’instances policières ou judiciaires efficaces, mieux placées pour évaluer la situation, statuer et engager des poursuites, et quand les personnes concernées avaient accès à cette protection. Compte tenu de la pratique des autorités suisses, il y avait lieu de croire, d’une manière générale, que les autorités mongoles avaient la volonté et la capacité de prendre des mesures de protection et qu’elles disposaient des infrastructures nécessaires à cette fin. À cet égard, et comme l’avait décidé le Conseil fédéral, la Mongolie était considérée comme un État sûr au regard du droit d’asile. Ce statut supposait l’existence de services de police et d’un système juridique en état de fonctionner. Une loi contre la violence domestique est entrée en vigueur en 2005 et appliquée depuis lors. L’accès à la police était aussi garanti, comme le montre le fait que l’auteure se soit rendue à plusieurs reprises dans un poste et que des mesures aient été prises. La police avait donc montré qu’elle était prête à la protéger et avait rempli ses obligations en la matière. Le Secrétariat d’État a également pris en considération l’affirmation de l’auteure selon laquelle elle subissait des violences depuis plusieurs années et il estimait qu’elle aurait pu, dans ces circonstances, solliciter sur place l’aide d’une organisation spécialisée. Le Centre national contre la violence gérait notamment plusieurs centres d’accueil et avait mis en place un numéro d’urgence de manière à pouvoir intervenir en cas de crise. Le Centre venait également en aide aux femmes qui étaient à la recherche d’un logement ou d’un emploi, ou d’une assistance juridique. Compte tenu de toutes les informations disponibles, et du fait que l’auteure ne pouvait produire aucun document à l’appui de sa demande d’asile, cette dernière a été rejetée par le Secrétariat d’État.

4.11L’État partie affirme que l’auteure a déposé, le 18 juin 2017, un recours contre cette décision devant le Tribunal administratif fédéral. L’auteure a indiqué que le trafiquant de personnes avait confisqué ses documents et qu’elle avait coupé tout contact avec la Mongolie, de peur que son conjoint ne la localise. Sur les recommandations de son conseil, elle s’était créé un compte anonyme dans les médias sociaux, qui lui avait permis d’entrer en contact avec la famille d’un proche. Celle-ci avait pu lui obtenir une lettre de son ancien propriétaire, dans laquelle il confirmait l’existence du bail et l’alcoolisme de B. Y. Le propriétaire pouvait toujours être joint au numéro qu’avait fourni l’auteure, de sorte que l’information pouvait être confirmée facilement. S’agissant des plaintes contre B. Y. enregistrées dans les fichiers de police, l’auteure a précisé qu’il serait difficile de localiser ces fichiers, surtout depuis la Suisse.

4.12Dans sa décision provisoire du 28 juin 2017, le Tribunal administratif fédéral a conclu, après examen du dossier et du recours déposé par l’auteure, que sa plainte avait peu de chances d’aboutir. Par conséquent, il lui a refusé l’accès à une aide juridictionnelle gratuite. Il a également estimé que les informations recueillies par le Secrétariat d’État devaient rester confidentielles, afin que le Tribunal puisse formuler des observations, et que l’auteure ne devait être informée de son contenu que dans les grandes lignes.

4.13Le Tribunal administratif fédéral a ajouté que les explications de l’auteure quant au fait que ses enfants n’aient pas été enregistrés en Mongolie ne permettaient pas d’établir pourquoi tous les documents d’état civil concernant B. Y. restaient introuvables. Il a estimé que les raisons qu’elle avait avancées concernant les renseignements recueillis sur place n’avaient rien changé à la situation, car il n’y avait aucune raison de considérer que les conclusions du Secrétariat d’État se soient fondées sur des informations inexactes. La lettre du propriétaire de l’immeuble ne modifiait en rien l’analyse de la situation, car elle aurait tout aussi bien pu émaner d’une personne complice. Les photographies de cicatrices qui figuraient dans le dossier ne permettaient pas de tirer de conclusions sur l’origine de celles‑ci. L’absence de preuves au sujet des violences subies pointait le manque de crédibilité des allégations de l’auteure, d’autant plus que cette dernière avait affirmé s’être rendue plusieurs fois au poste de police. Les difficultés à obtenir des documents auprès de la police qu’elle a dit avoir rencontrées n’étaient pas plausibles, car elle avait porté plainte en personne. Le Tribunal a donc considéré qu’il ne pouvait ajouter foi à la violence domestique et aux problèmes connexes dont l’auteure se prétendait victime. Il a estimé que, même si ces allégations étaient vraies, l’auteure n’aurait pas pu infirmer la présomption selon laquelle la Mongolie était en mesure d’offrir une protection contre les violences perpétrées par une tierce personne, d’autant plus que B. Y. avait été placé en détention à plusieurs reprises, selon ses dires. Il a fait observer que l’auteure s’était contredite au sujet de l’année de la disparition de sa mère, indiquant que celle-ci était décédée en 2000 lors de sa première audition et affirmant qu’il s’agissait de l’année 2004, lorsqu’elle a été entendue la deuxième fois, et qu’il n’a pas été possible de corroborer sa situation personnelle et familiale. Par ailleurs, étant donné qu’elle avait déclaré avoir toujours été mesure de subvenir aux besoins de sa famille, elle devrait être capable de continuer à le faire si elle devait retourner en Mongolie.

4.14Le 14 août 2017, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours déposé par l’auteure. Il a estimé que, même avec un troisième enfant, l’auteure pourrait subvenir aux besoins de sa famille, puisque, selon ses propres déclarations, elle avait pu reprendre le travail quatre mois après la naissance de son deuxième enfant. Il a conclu qu’il n’y avait aucune raison de croire que quoi que ce soit s’oppose à ce qu’elle et ses enfants reprennent le cours de leur vie en Mongolie, d’autant qu’elle avait des proches en Mongolie − des amis chez qui la famille avait trouvé refuge dans le passé − et que sa fille aînée, qui allait maintenant sur ses 15 ans, serait en mesure de s’occuper de la benjamine. De plus, le Tribunal était d’avis que les établissements médicaux mongols étaient à même de traiter les pathologies dont souffraient ses enfants. Prenant en compte l’intérêt supérieur des enfants, il a considéré que les deux aînés étaient de bons élèves et qu’ils avaient fait montre d’une capacité d’adaptation qui leur permettrait de se réhabituer à la vie en Mongolie malgré les difficultés que cette réintégration risquait de leur poser, et qu’ils pourraient s’appuyer sur l’expérience acquise pendant leur séjour en Suisse.

4.15D’après l’État partie, il ressort des éléments susmentionnés que l’auteure a eu tout loisir de s’exprimer pendant la procédure d’asile. Il est à noter que l’audition sur les motifs de la demande d’asile a été conduite par une femme et que l’interprétation a également été assurée par une femme.

4.16Comme l’auteure n’a pas pu produire de documents à l’appui de sa communication, le Secrétariat d’État a procédé à des vérifications sur le terrain par l’intermédiaire du bureau de l’ambassade, à Oulan-Bator. L’absence de documents n’a pas joué en sa défaveur. Au contraire, le Secrétariat d’État a activement cherché à confirmer les allégations de l’auteure, en faisant appel à un avocat digne de confiance et en communiquant à celle-ci le résultat de ses vérifications, pour qu’elle les commente.

4.17L’État partie ne partage pas l’opinion de l’auteure, selon laquelle le ton de la lettre du Secrétariat d’État datée du 27 avril 2017 était insultant. Cette lettre récapitulait brièvement et sur un ton informatif et neutre les arguments de l’auteure, avant de décrire de manière objective les vérifications effectuées et ce qu’il en était ressorti.

4.18L’auteure a été déboutée de sa demande d’asile à la lumière de tous ces éléments de preuve, en particulier du résultat des vérifications menées sur place et des incohérences de son témoignage. L’issue de la procédure n’a aucun rapport avec le sexe de la requérante ou le fait que les motifs de fuite avancés soient propres aux femmes. Les autorités compétentes savent pertinemment qu’il peut y avoir des incohérences dans toutes les affaires d’asile, qu’elles concernent un homme ou une femme. De plus, les difficultés à obtenir des documents que l’auteure dit avoir connues n’ont pas été rédhibitoires, car l’absence de preuves écrites ne représentait, pour les autorités, qu’un facteur parmi d’autres.

4.19L’État partie rappelle également que, conformément à la pratique du Comité, aux fins de la recevabilité d’une communication, la personne concernée doit fournir suffisamment de renseignements sur le risque réel, personnel et prévisible de violence grave fondée sur le genre auquel elle serait exposée en cas de renvoi dans son pays. Il apparaît que, dans ses décisions sur la question, le Comité attache une grande importance à l’examen par les autorités nationales des motifs de la demande d’asile. Les communications ont donc été déclarées irrecevables ou rejetées sur le fond. Le Comité renvoie notamment au paragraphe 6.7 de N. c. Pays-Bas (CEDAW/C/57/D/39/2012), qui concernait une ressortissante mongole affirmant avoir fait l’objet de violences de la part de son ancien employeur. La communication avait été déclarée irrecevable, car elle était insuffisamment étayée.

4.20Comme l’auteure a joint à sa communication au Comité plusieurs documents que les autorités suisses n’avaient pas en leur possession au moment où elles ont examiné sa demande d’asile et pris leur décision, l’État partie estime qu’elle n’a pas épuisé les recours internes à cet égard. Il considère que, comme il ne disposait alors pas de ces documents, il ne peut se prononcer sur leur authenticité. En tout état de cause, ces derniers ne sont pas de nature à modifier l’appréciation portée par l’État partie sur la communication de l’auteure.

4.21L’État partie indique que la Mongolie a révisé sa loi contre la violence le 1er février 2017 et pris, la même année, de nombreuses mesures dans ce domaine. Ces mesures seraient à l’origine d’une baisse de 19,6 % du nombre de cas de violence domestique au cours des huit premiers mois de 2017, par rapport à la même période de l’année précédente. Le pays comptait, en 2017, neuf centres de services à guichet unique et 16 abris temporaires, et la construction de 10 centres supplémentaires était prévue en 2018.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Le 9 janvier 2019, l’auteure a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie.

5.2L’auteure fait valoir que le Comité a examiné de nombreuses affaires concernant des griefs formulés au titre de l’article premier et des articles 2 et 3 de la Convention. Les articles qu’elle a invoqués peuvent donc être invoqués dans une communication individuelle présentée au titre du Protocole facultatif.

5.3L’auteure rejette l’argument de l’État partie selon lequel elle n’a pas suffisamment étayé son allégation de violation de l’article 3 de la Convention. Elle fait remarquer qu’au paragraphe 24 de sa recommandation générale no 32 relative aux aspects liés au genre des questions touchant les réfugiées, les demandeuses d’asile et la nationalité et l’apatridie des femmes, le Comité indique que les articles premier, 2, 3, 5 a) et 15 de la Convention font obligation aux États parties de veiller à ce que les femmes ne subissent pas de discrimination et à ce qu’elles soient traitées loin de toute discrimination tout au long de la procédure d’octroi de l’asile. Elle indique qu’elle a invoqué l’article 3, lu en parallèle avec l’article premier et l’article 2 de la Convention.

5.4S’agissant de l’argument de l’État partie selon lequel elle n’a pas expliqué en quoi le champ d’application de l’article 3 dépasse celui, plus précis, de l’article 2, et qu’elle n’a pas suffisamment étayé son allégation de violation de l’article 3, l’auteure soutient qu’elle a décrit de manière très détaillée les violations qu’elle a subies au fil des ans et que son récit est resté le même tout au long de la procédure d’asile. Elle ajoute que, le plus souvent, la violence domestique se produit à l’abri des regards et qu’il n’y a pas d’autre preuve que la déclaration de la victime, à moins qu’il n’y ait des témoins. Même si la police intervient, les faits ne peuvent être corroborés que par la victime, et la police accepte généralement ces déclarations. Or, dans son cas, ses déclarations n’ont pas été prises en compte. Les autorités de l’État partie n’ont fait que demander des preuves supplémentaires à l’auteure et n’ont pas pu prouver qu’elle avait tort, malgré leurs tentatives. Ne tenant pas compte des coutumes culturelles discriminatoires de la Mongolie, elles ont ainsi, de fait, traité l’auteure de manière discriminatoire, et n’ont produit aucun élément concret prouvant que ses déclarations étaient fausses. Ces faits montrent que les autorités de l’État partie ont fait preuve de discrimination à son égard, en violation de l’article 3 de la Convention.

5.5L’auteure fait valoir que les autorités suisses, en particulier le Tribunal administratif fédéral, n’ont pas pris en considération les informations qu’elle avait données sur la situation générale en matière de violence domestique contre les femmes qui règne en Mongolie.

5.6L’auteure renvoie au paragraphe 25 de la recommandation générale no 32, où il est indiqué ce qui suit : « [s]elon l’article 2 c) de la Convention, les demandes d’asile présentées par des femmes à l’État d’accueil doivent être évaluées sur une base égale et dans les meilleurs délais. Il importe qu’à chaque étape de la procédure d’octroi de l’asile, il soit tenu compte de la situation particulière des femmes ». Elle soutient que le fait que son audition sur les motifs de la demande d’asile a été conduite par une femme et que l’interprète était une femme n’est pas suffisant pour dire que sa situation particulière a été prise en compte et ne signifie pas que l’obligation découlant de la Convention a été respectée. Rien n’indique que ces femmes aient été formées au traitement des cas concernant des victimes de violations ou qu’elles comprennent la manière dont de telles victimes se comportent généralement, en particulier dans les situations faisant intervenir des autorités. L’auteure fait observer que les effets de violations graves et systématiques telles que la violence domestique ne disparaissent pas immédiatement une fois la victime soustraite à sa situation. Ces effets persistent et, dans une large mesure, dominent et déterminent le comportement de la victime des années durant. L’auteure a pris la décision extrêmement difficile et courageuse d’échapper aux violations auxquelles elle et ses enfants avaient été assujettis. Les autorités de l’État partie l’ont interrogée sur les pires expériences de sa vie quelques jours seulement après son arrivée.

5.7L’auteure fait valoir que l’État partie a violé ses droits procéduraux, en particulier son droit d’être entendue en vertu de l’article 29 de la Constitution fédérale. Selon le paragraphe 1 b) de l’article 26 de la loi fédérale sur la procédure administrative, une partie a le droit de consulter tous les actes servant de moyens de preuve. L’auteure note que, dans le recours qu’elle a déposé devant le Tribunal administratif fédéral, elle a souligné qu’elle avait dû répondre aux conclusions du Secrétariat d’État sans avoir eu accès au rapport du bureau de l’ambassade de Suisse à Oulan-Bator. Le Secrétariat d’État a affirmé que ce rapport contenait des informations que l’État devait garder confidentielles pour se protéger et protéger les parties qui avaient mené l’enquête. Le Tribunal a jugé que « la plainte s’avérerait probablement irrecevable... et que la plainte pour violation présumée du droit d’être entendu devrait être considérée comme étant non fondée ».

5.8L’auteure soutient que le droit d’accès aux dossiers peut certes être restreint, notamment si des intérêts publics majeurs de la Confédération l’exigent, mais ce refus doit être proportionné et l’accès doit être accordé autant que possible sans révéler les intérêts à protéger. Pour ce faire, les autorités auraient pu censurer les passages relatifs à ces intérêts, tels que l’identité de l’auteure et de la personne chargée de transmettre les copies, ou la méthode utilisée par l’ambassade. L’auteure estime que, dans le cas présent, « il est difficile de croire » qu’il y ait eu un intérêt public majeur à protéger.

5.9L’auteure fait valoir que l’on ne sait pas comment l’avocat chargé de rédiger le rapport en est arrivé à la conclusion que la famille n’avait jamais vécu à l’adresse indiquée et qu’aucun rapport de police n’a pu être retrouvé, ni s’il s’est posé la question de savoir pourquoi on n’a pas trouvé trace de ses enfants et de son ex-conjoint sur les registres de l’Administration générale des registres nationaux. Elle indique que personne ne peut obtenir auprès de l’Administration générale d’informations sur un tiers sans le consentement de celui-ci. C’est parce que le Secrétariat d’État n’a pas indiqué comment les informations avaient été obtenues qu’elle n’a pas pu répondre comme il eût fallu. Elle soutient que la vérification effectuée sur place semble avoir été très défectueuse et inexacte. Les autorités de l’État partie ont fondé leur appréciation uniquement sur les documents manquants et les éclaircissements apportés par l’ambassade, et n’ont donc pas suffisamment examiné l’affaire.

5.10Le Secrétariat d’État n’a contacté l’ancien propriétaire de l’auteure à aucun moment, affirmant qu’il appartenait à celle-ci de fournir les preuves. L’auteure affirme que le Tribunal administratif fédéral n’a pas procédé à un examen complet de tous les éléments de l’affaire, car il n’a tenu compte ni des informations qu’elle a données sur la violence domestique en Mongolie, ni du fait que son troisième enfant était le résultat d’un viol commis par son conjoint, et qu’il a fait abstraction de la lettre du propriétaire, se fondant uniquement sur le rapport de l’ambassade. Elle estime que les autorités ont fait preuve de discrimination à son égard en affirmant que les déclarations qu’elle avait faites, elle qui avait été victime d’une violation grave sous la forme de violence domestique, n’étaient pas fiables et ne cadraient pas avec leurs conclusions, qui étaient fondées sur des enquêtes peu satisfaisantes menées sur place et sur des hypothèses erronées. Les autorités de l’État partie ont donc violé l’obligation qui leur incombait, au titre de l’article 2 c) de la Convention, de tenir compte de la situation particulière des femmes, ayant omis d’évaluer de manière approfondie le risque qu’elle soit de nouveau victime de violence domestique parce qu’elle ne bénéficierait pas de la protection nécessaire de l’État si elle retournait en Mongolie. L’auteure estime que son affaire a été évaluée de manière arbitraire et partiale.

5.11L’auteure fait valoir que son affaire diffère de celle de N. c. Pays-Bas car, dans cette dernière, le responsable présumé était l’employeur de la victime et non son conjoint : B. Y. était le conjoint de l’auteure et le père de ses trois enfants. Si jamais l’auteure était renvoyée, il la chercherait à nouveau, car il la considère comme sa propriété et, vu qu’il est alcoolique, il s’attendrait à ce qu’elle lui donne encore de l’argent. Le fait qu’il l’a recherchée lorsqu’elle s’était enfuie à Darhan montre clairement qu’il la recherchera à nouveau. L’auteure rappelle qu’elle a présenté au Comité un rapport de police montrant que la police avait été contactée à deux reprises et que, dans les deux cas, son ex-conjoint n’avait été détenu que jusqu’au lendemain et qu’aucune autre mesure n’avait été prise.

5.12L’auteure estime que les divergences sont nées des hypothèses erronées du Secrétariat d’État, notamment en ce qui concerne les commentaires sur la manière dont les enfants ont dû obtenir leur passeport. La divergence sur la date du décès de sa mère est très vraisemblablement imputable à une erreur typographique ou à une erreur de traduction.

5.13S’agissant de l’argument de l’État partie selon lequel elle n’a pas épuisé les recours internes en ce qui concerne les nouveaux documents présentés, l’auteure indique qu’elle a créé une page anonyme sur un média social pour obtenir des documents de Mongolie et qu’elle n’a pu se procurer les certificats médicaux et les rapports de police que six mois après l’examen du recours par le Tribunal administratif fédéral. Elle renvoie au paragraphe 43 de la recommandation générale no 32, dans lequel le Comité déclare que « [l]es États parties ne doivent pas considérer qu’une femme qui demande l’asile manque de crédibilité pour la simple raison qu’elle ne peut présenter tous les documents requis à l’appui de sa demande ». Elle prend note de l’argument de l’État partie selon lequel, même si les autorités avaient eu accès à ces documents, elles n’auraient pas changé d’avis sur sa demande. Elle estime que cet argument est la preuve qu’elle n’aurait pas eu accès à un recours utile sur la base des nouveaux documents, et qu’elle a donc épuisé les recours internes.

5.14Selon l’auteure, il aurait été utile que le Secrétariat d’État lui donne accès à une représentation juridique compétente, conformément au paragraphe 50 c) de la recommandation générale no 32, selon lequel les États parties devraient veiller à ce que « [l]es demanderesses d’asile aient accès à une représentation juridique compétente avant le premier entretien concernant l’asile ». Elle affirme qu’une représentation juridique aurait pu l’aider, notamment, à obtenir, en temps voulu, des documents qui corroborent ses déclarations.

5.15L’auteure fait observer qu’au paragraphe 50 g) de la recommandation générale no 32, le Comité déclare que « [l]es demandes d’asile sont acceptées non pas à l’aune du critère de probabilité mais à celui de l’éventualité raisonnable que la demanderesse a des craintes avérées d’être persécutée ou exposée à la persécution à son retour ». Elle affirme qu’elle a des craintes avérées d’être persécutée car, en Mongolie, son ex-conjoint pourrait la retrouver.

5.16L’auteure fait valoir que l’État partie se trompe sur le nombre de refuges pour victimes de violence qui existent en Mongolie. Elle renvoie à un article de presse daté du 25 novembre 2017, dans lequel il est indiqué que cinq des neuf refuges avaient fermé leurs portes faute de financement. Seul un des 10 centres de services à guichet unique prévus avait été ouvert en novembre 2018 et, en raison de la crise financière que connaît la Mongolie, il n’y a probablement pas, au moment de la rédaction de la présente communication, de ressources financières permettant d’en ouvrir d’autres. L’auteure soutient que les informations selon lesquelles la violence domestique a diminué sont trompeuses car, selon une enquête sur la violence fondée sur le genre dans le pays menée par le Fonds des Nations Unies pour la population et le Bureau national de statistique de Mongolie, les cas de violence domestique sont très peu signalés.

Délibérations du Comité

6.1Le Comité doit, conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif. Il s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 4 du Protocole facultatif, que la même question n’avait pas déjà été examinée ou n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Le Comité relève tout d’abord que, après l’enregistrement de la présente communication, l’auteure a soumis des copies de rapports de police et de certificats médicaux concernant des cas de violation commise par son ex-conjoint. Ces documents n’ont pas été remis aux autorités suisses car ils n’ont été obtenus de la Mongolie qu’après l’examen, par le Tribunal administratif fédéral, du recours déposé par l’auteure contre la décision négative prise par le Secrétariat d’État sur sa demande d’asile. Le Comité fait observer que l’auteure n’a pas indiqué pourquoi elle n’avait pas présenté ces documents aux autorités suisses, même à un stade ultérieur, ni demandé que son affaire soit réévaluée à la lumière des preuves nouvellement découvertes.

6.3Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, il n’examine aucune communication sans avoir vérifié que tous les recours internes ont été épuisés, à moins que la procédure de recours n’excède des délais raisonnables ou qu’il soit improbable que le requérant obtienne réparation par ce moyen. Cette exigence vise à donner aux autorités de l’État partie la possibilité d’évaluer les allégations d’un requérant et, le cas échéant, de remédier à la situation. Compte tenu de cette exigence, le Comité estime qu’il ne peut conserver ni examiner ces documents dans le cadre de la communication de l’auteure, les autorités compétentes de l’État partie n’ayant pas eu la possibilité de les étudier ni de les évaluer durant la procédure interne.

6.4Le Comité relève également que l’État partie ne conteste pas que l’auteure ait épuisé les recours internes disponibles en ce qui concerne les autres griefs qu’elle a formulés au titre de la Convention. Par conséquent, il considère que les dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la question.

6.5Le Comité prend note des affirmations de l’auteure selon lesquelles elle sera personnellement exposée à des formes graves de violence fondée sur le genre si l’État partie la renvoie en Mongolie, ce qui constituerait une violation des droits qu’elle tient de l’article premier et des articles 2 c) à f) et 3 de la Convention. Il prend note, en particulier, de sa déclaration selon laquelle elle a été victime de violence domestique en Mongolie aux mains de son ex-conjoint, qui a eu un comportement violent envers elle et ses enfants ; que, lorsqu’elle demandait la protection de la police, celle-ci ne détenait son ex-conjoint que jusqu’au lendemain et le libérait ensuite ; que sa demande d’asile en Suisse a été rejetée principalement sur la base d’une enquête menée par le bureau de l’ambassade de Suisse en Mongolie, sans qu’il soit tenu compte de ses déclarations détaillées ; que les autorités de l’État partie n’ont pas tenu compte des questions de genre dans le traitement de sa demande d’asile en tant que femme demandeuse d’asile et victime de violence domestique.

6.6Le Comité note que l’État partie a fait observer que la communication devrait être déclarée irrecevable au motif qu’elle n’est pas suffisamment étayée et que ses autorités compétentes ont procédé à un examen approfondi de la demande d’asile de l’auteure. Il note également qu’afin de vérifier les allégations de l’auteure, en particulier face à l’absence de documents fournis par celle-ci, le Secrétariat d’État a pris contact avec le bureau de coordination de l’ambassade de Suisse à Oulan-Bator et qu’en conséquence, une enquête a été menée par un avocat recruté au niveau local. À l’issue de cette enquête et à la lumière d’un certain nombre d’incohérences relevées dans les déclarations de l’auteure, les autorités de l’État partie ont décidé de rejeter la demande d’asile de l’auteure. Le Comité note, en outre, que l’auteure a eu la possibilité de déposer un recours contre la décision du Secrétariat d’État devant le Tribunal administratif fédéral, qui a confirmé cette décision.

6.7Le Comité prend également note de l’argument de l’auteure selon lequel l’État partie n’a pas dûment pris en considération, lors de l’examen de l’affaire la concernant, la gravité de la situation des droits de l’homme en Mongolie, notamment pour ce qui est de la violence domestique. Toutefois, il estime qu’en évaluant l’ampleur de la violence domestique en Mongolie, les autorités de l’État partie ont suffisamment tenu compte du cadre juridique en place et de la possibilité d’y bénéficier de la protection des autorités, notamment de la police et du pouvoir judiciaire, ainsi que de l’existence d’un certain nombre de refuges pour victimes de violence domestique dans ce pays. À cet égard, il prend note du fait que l’auteure n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait pas soumis ses plaintes contre son ex-conjoint aux autorités ou aux instances judiciaires mongoles (voir N. c. Pays ‑Bas, par. 6.9). Dans ce contexte, il fait également observer que la Mongolie est partie à la Convention et au Protocole facultatif y relatif et qu’elle est donc liée par les dispositions qui y sont énoncées.

6.8Le Comité rappelle que l’appréciation des faits et des éléments de preuve ou de l’application de la législation nationale dans une affaire précise appartient généralement aux autorités des États parties à la Convention, à moins qu’il ne puisse être établi, en particulier, que cette appréciation est entachée de partialité ou fondée sur des stéréotypes sexistes constituant une discrimination à l’égard des femmes, relève manifestement de l’arbitraire ou représente un déni de justice. Il note que rien dans le dossier ne prouve que l’examen auquel ont procédé les autorités en ce qui concerne les craintes de l’auteure quant aux risques qu’elle encourrait si elle devait retourner en Mongolie ait été entaché de telles irrégularités. À cet égard, le Comité prend note de l’affirmation de l’auteure selon laquelle les autorités de l’État partie ont violé son droit d’être entendue car elles ne lui ont pas communiqué le rapport complet du bureau de l’ambassade de Suisse à Oulan-Bator, qui a été jugé confidentiel. Toutefois, il relève également que les principales parties de l’information ont été communiquées à l’auteure pour lui permettre d’exercer son droit d’y répondre et de faire des observations à ce sujet et que, de l’avis de l’État partie, l’auteure n’a pas présenté d’éléments solides qui prouveraient que le contenu du rapport était inexact. Il relève, en outre, que la décision de garder le rapport confidentiel a été confirmée par le Tribunal administratif fédéral, qui a estimé que le Secrétariat d’État avait respecté le droit qu’avait l’auteure d’être entendue. Il considère que le dossier ne comporte aucun élément qui étaie la conclusion selon laquelle les lacunes perçues dans les procédures d’asile de l’État partie ont constitué ou provoqué une discrimination, ou rendu arbitraires les décisions prises par les autorités au sujet de l’auteure. En outre, dès lors qu’ils respectent les garanties de procédure prévues par le droit international, les États souverains sont, en principe, libres de définir la nature et la structure de leur système de détermination du statut de réfugié et d’en établir les modalités.

6.9En conséquence, le Comité considère qu’aucun élément du dossier n’indique que l’examen des arguments de l’auteure conduit par les autorités de l’État ait été entaché d’irrégularités qui permettraient de conclure que celles-ci n’ont pas évalué correctement les risques auxquels l’auteure et ses enfants seraient exposés s’ils étaient renvoyés en Mongolie, ou qu’elles ont pris des décisions qui relevaient de l’arbitraire ou représentaient un déni de justice, en violation des dispositions de la Convention.

7.En conséquence, le Comité décide ce qui suit :

a)La communication est irrecevable au regard du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif ;

b)La présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure.