Nations Unies

CCPR/C/BEL/FCO/6

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

14 février 2022

Original : français

Anglais et français seulement

Comité des droits de l’homme

Renseignements reçus de la Belgique au sujet de la suite donnée aux observations finales concernant son sixième rapport périodique *

[Date de réception : 31 janvier 2022]

1.Dans le cadre de ses Observations finales concernant le sixième rapport périodique de la Belgique, Votre Comité a demandé à la Belgique, conformément au paragraphe 1 de l’article 75 du règlement intérieur du Comité, de lui faire parvenir pour le 8 novembre 2021 au plus tard des renseignements sur la suite que l’État aura donnée à trois de ses recommandations.

2.La Belgique a l’honneur de partager les éléments de réponse qui suivent.

Quant à la recommandation 10 : l’Institut fédéral pour la promotiondes droits humains

3.L’État belge s’est effectivement engagé à mettre en place une institution nationale des droits humains (INDH) qui couvrirait l’ensemble des droits fondamentaux pour tout le territoire et serait conforme aux Principes de Paris, ce qui pourrait lui conférer un statut A.

4.La mise en place d’un Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits humains (IFDH) en 2019 a permis d’avancer en couvrant l’ensemble des questions de droits humains relevant de la compétence fédérale et en proposant un scénario d’inter-fédéralisation dans une deuxième étape afin d’assurer une couverture totale des droits humains (également au niveau des entités fédérées).

5.Dans le cadre de l’instauration d’un Institut national des droits humains, il est également possible qu’une entité fédérée mette en place sa propre institution des droits humains.

6.Dans tous les cas, il est nécessaire que les entités fédérées et l’État fédéral s’accordent sur une vision commune. Une négociation entre le fédéral et les différentes entités fédérées en vue d’un accord de coopération sera nécessaire.

Quant à la recommandation 14 : rapatriement de tous les enfants de combattants étrangers belges

7.La politique belge concernant le rapatriement des enfants de combattants étrangers ayant la nationalité belge a été mise à jour en mars 2021, plaçant l’intérêt supérieur de l’enfant au centre de son approche. La politique énonce quatre conditions pour le rapatriement qui reste volontaire :

1.Les enfants et leurs mères ;

2.de nationalité belge âgés de moins de 12 ans ou des enfants dont on peut raisonnablement penser qu’ils pourront acquérir la nationalité belge ;

3.qui se trouvent en Syrie ou en Irak, dans des territoires qui ne sont pas sous le contrôle d’IS, AQ ou d’autres groupes djihadistes, étant donné le défi opérationnel que cela implique ;

4.Si l’enfant est né à l’étranger et qu’aucun papier officiel n’est disponible, un test ADN pour déterminer le lien biologique de l’enfant avec un parent belge est en principe requis :

•Pour les enfants entre 12 et 18 ans, la décision de faciliter un éventuel retour est prise au cas par cas. Jusqu’à présent, tous les enfants belges de plus de 12 ans qui répondaient aux critères de rapatriement ont été rapatriés ;

•L’intérêt supérieur de l’enfant est au centre de la politique belge de rapatriement ;

•Il n’y a actuellement aucun cas connu d’enfant belge (de tout âge) en Irak ;

•Une analyse de la menace est effectuée par les services de sécurité concernant les mères afin de préparer le bon parcours de suivi :

•Si la mère est déjà condamnée par contumace, elle doit purger sa peine. Les enfants jusqu’à trois ans peuvent rester avec leur mère dans des ailes de prison spécialement adaptées. Des contacts réguliers entre les enfants plus âgés et les parents détenus sont garantis ;

•Si la mère n’est pas condamnée, la mère (considérée comme FTF) sera présentée aux autorités judiciaires compétentes qui décideront ou non d’engager des poursuites contre elle et décideront d’une éventuelle détention provisoire.

8.Il y a eu trois opérations de rapatriement différentes jusqu’aujourd’hui (décembre 2021). Tous les rapatriements sont volontaires :

•Au total, 42 enfants sont rentrés en Belgique à ce jour. 25 d’entre eux sont venus de Turquie via la procédure HOTSPOT (retour administratif) ;

•Rapatriements :

•6 enfants via un rapatriement depuis le nord-est de la Syrie à l’été 2019 ;

•1 enfant par un rapatriement du nord-est de la Syrie en décembre 2020 ;

•10 enfants et 6 mères du nord-est de la Syrie en juin 2021.

9.À l’heure actuelle (décembre 2021), il y a encore des personnes belges ou dont on peut raisonnablement penser qu’elles vont acquérir la nationalité belge, qui se trouvent dans deux endroits du nord-est de la Syrie et répondent aux critères de rapatriement : il s’agit de 5 mères et de 22 enfants.

10.Au retour :

•Les services de la police fédérale belge organiseront l’accueil des mères et des enfants une fois en Belgique, où ensuite les Communautés assureront la poursuite de la prise en charge et du soutien des enfants, sauf si le parent est déjà condamné par contumace ;

•Une feuille de route a été élaborée pour permettre un déploiement rapide, bien préparé et intégré dans un partenariat clair avec les différents acteurs en cas de retour effectif d’un enfant. Les services de protection de la jeunesse sont chargés du suivi de l’enfant à son arrivée en Belgique. Les autorités belges (tribunal de la famille et service des tutelles du SPF Justice) décident de la tutelle des enfants. La plupart des enfants retournés restent avec leurs grands-parents, exceptionnellement une petite minorité d’enfants est placée dans un autre type de soins ;

•Le bien-être de la jeunesse relève de la responsabilité des Communautés. Par conséquent, le cadre juridique peut varier légèrement en fonction du groupe linguistique auquel appartient l’enfant ;

•Une approche éducative et réparatrice est privilégiée, en tenant compte des besoins et des droits de l’enfant. Un choix explicite a été fait de placer le travail de jeunesse au premier plan d’une approche multi-agences et multidisciplinaire, avec une attention particulière à la sécurité. Les principes qui s’appliquent au travail de protection de la jeunesse (travail subsidiaire, participation du client, mise en réseau orientée vers la réintégration) s’appliquent également à ce groupe.

Quant à la recommandation 30 : détention pour motifs liés à l’immigration

La détention des migrants

11.En ce qui concerne la détention des migrants, le Gouvernement belge s’est engagé, lors de son installation en septembre 2020, à ne plus détenir des mineurs en centre fermé et à développer des alternatives à la détention supplémentaires. Ceci a été réitéré dans la note politique 2020-2021 du Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration. Depuis lors, un nouveau département « Alternatives à la Détention » a été créé.

12.Préalablement à cette création du nouveau département, des alternatives à la détention étaient déjà utilisées :

•Pour les familles avec enfants mineurs :

•Accompagnement au retour à domicile pour les familles qui ont reçu une décision de séjour / de protection internationale négative ;

•Placement de familles dans les lieux d’hébergement (maisons ouvertes situées dans les communes), à partir desquels un accompagnement au retour est organisé ou un suivi des (nouvelles) procédures (souvent liées aux demandes de protection internationale à la frontière) est assuré ;

•Pour toute personne en séjour irrégulier :

•Prolongation des ordres de quitter le territoire (décisions de retour) en fonction de l’organisation d’un retour volontaire ou en fonction de raisons (temporaires) qui entrainent une suspension de l’organisation du retour (p.e. raisons médicales, obtention de documents de voyage, …) ;

•Procédure SEFOR (www.sefor.be) : sensibilisation des personnes ayant reçu une décision négative sur les possibilités de retour (avec la possibilité de prolonger l’ordre de quitter le territoire) via entrevues au niveau de la commune ou via des brochures mises à la disposition des personnes concernées ;

•Pour certaines catégories de personnes, une assignation à domicile peut aussi être prévue, mais cette option est rarement utilisée étant donné que cela implique une organisation et des contrôles particuliers, en coopération avec plusieurs instances (ce qui n’est pas toujours évident).

13.Depuis le 1 juin 2021 la procédure ICAM (« integrated case management ») a été instaurée : il s’agit d’un accompagnement de personnes en séjour irrégulier, qui ont reçu une décision de retour et pour lesquelles un délai de retour a été fixée. Cette procédure sera implémentée par les collaborateurs du niveau département « Alternatives à la Détention ». À cette fin, le recrutement de 85 accompagnateurs de retour est en cours.

14.Dans ce nouveau trajet d’encadrement, les groupes cibles visés sont élargis. L’accent n’est plus exclusivement mis sur les familles avec enfants mineurs, mais également sur les étrangers individuels résidant à une adresse connue, qui peut être une résidence privée ou une structure d’accueil. En outre, les personnes qui sont interceptées et qui n’ont pas d’adresse connue mais pour lesquelles il n’est pas procédé à un maintien en vue d’un éloignement forcé font également partie du groupe cible.

15.Le nouveau département est responsable du développement et de l’application de (nouvelles) mesures alternatives pour éviter la détention de personnes en séjour irrégulier. Comme mesure principale, les personnes en séjour irrégulier sont guidées par les accompagnateurs ICAM de ce service vers une perspective d’avenir durable. Dans cet encadrement proactif, on s’attachera à stimuler la participation active, l’accompagnement sur mesure et par groupe cible, avec une attention particulière pour les profils vulnérables.

16.En ce qui concerne l’unité de la famille, l’Office des Étrangers en tient compte dans ces décisions en évaluant l’article 8 de la CEDH et en tenant compte de la Convention des droits de l’Enfant. De plus, une interview ou un questionnaire dans le cadre du droit d’être entendu, conformément à l’article 41 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, donne à chaque étranger en séjour irrégulier la possibilité d’expliquer pourquoi un retour n’est pas envisageable. Les seules exceptions au principe de l’unité familiale sont liées aux problèmes graves liés à l’ordre public ou à la sécurité nationale, qui peuvent entraîner un éloignement séparé de la personne ayant commis ces délits.

17.Une attention particulière est accordée aux femmes et spécialement aux femmes enceintes. En ce qui concerne la détention de femmes enceintes, il est toujours évalué si la grossesse est compliquée. Une grossesse non compliquée ne doit pas nécessairement exclure la détention et l’éloignement. Au-delà de 24 semaines, l’éloignement ne peut avoir lieu que lorsqu’il n’y a pas d’opposition de la part de l’intéressée. Dans ce cas, l’éloignement doit être volontaire. À partir de 34 semaines, l’éloignement ne peut plus avoir lieu. Dans le cas d’une grossesse à risque ou dans d’autres cas où il le juge nécessaire, le gynécologue en concertation avec le médecin du centre décide du stade à partir duquel l’éloignement ne peut plus être effectué. De toute façon, l’organisation d’un retour d’une femme enceinte dépend de sa condition médicale et de l’état d’avancement de la grossesse.

Les personnes reconnues apatrides

18.En ce qui concerne les personnes reconnues apatrides, le Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration avait déjà pris l’engagement dans sa note politique 2020-2021 de se pencher sur le volet du droit de séjour des apatrides qui, indépendamment de leur volonté, ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine. Le Secrétaire d’État précise dans sa note politique 2021-2022 qu’au cours de l’année écoulée, les différentes possibilités ont été examinées afin de pouvoir faire une proposition cohérente au gouvernement. Ainsi, tous les avis précédents ont été analysés par la société civile et les services de migration et d’asile ont été entendus.

19.Comme les éléments soulevés dans l’enquête sur la protection internationale se recoupent souvent avec ceux de l’évaluation de l’apatridie, le rôle et l’expertise du Commissariat Général pour les Réfugiés et les Apatrides (instance unique, compétente pour l’évaluation des demandes de protection internationale) sont analysés en particulier.

20.L’objectif est de créer une sécurité juridique pour les apatrides en ne permettant pas que leur droit de séjour relève du pouvoir discrétionnaire de l’article 9 bis de la loi sur les étrangers, sur base duquel une possibilité de régularisation humanitaire est prévue. À cette fin, un droit de séjour distinct sera créé dans la loi sur les étrangers pour les apatrides.