Nations Unies

CCPR/C/BEL/CO/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.: générale

18 novembre 2010

Original:français

Comité des droits de l ’ homme

Centième session

Genève, 11-29 octobre 2010

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Projet d’observations finales du Comité des droits de l’homme

Belgique

1. Le Comité des droits de l’homme a examiné le cinquième rapport périodique de la Belgique (CCPR/C/BEL/5) à ses 2750e et 2751e séances tenues les 14 et 15 octobre 2010 (CCPR/C/SR.2750 et 2751). Il a adopté les observations finales ci-après à sa 2766e séance (CCPR/C/SR. 2766), qui s’est tenue le 26 octobre 2010.

A.Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de la Belgique, et se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie. Il sait gré à l’État partie d’avoir soumis à l’avance des réponses écrites à la liste de points qui lui avait été adressée (CCPR/C/BEL/Q/5/Add.1). Le Comité remercie la délégation pour les renseignements complémentaires détaillés qu’elle a fournis oralement pendant l’examen du rapport et pour les renseignements supplémentaires apportés par écrit.

B. Aspects positifs

3. Le Comité accueille avec satisfaction la ratification des instruments ci-après,ou l’adhésion à ces instruments:

a) La Convention relative aux droits des personnes handicapées et Protocole facultatif, le 2 juillet 2009;

b) Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 14 juin 2004;

c) Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 11 août 2004;

d) La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ainsi que le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 17 novembre 2005.

4.Le Comité prend note de l’attention soutenue accordée par l’État partie à la protection des droits de l’homme et se félicite des mesures d’ordre constitutionnel et législatif adoptées ci-après:

a) L’adoption d’une disposition constitutionnelle consacrant l’abolition de la peine de mort, le 2 février 2005;

b) La loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination;

c) La loi du 10 mai 2007 modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie;

d) La loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes;

e) La loi du 10 mai 2007 adaptant le Code judiciaire à la législation tendant à lutter contre les discriminations et réprimant certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie;

f) La loi du 25 avril 2007 qui insère un article 391 sexies dans le Code pénal et qui modifie certaines dispositions du Code civil en vue d’incriminer et d’élargir les moyens d’annuler le mariage forcé;

g) La loi du 18 mai 2006 visant à insérer un nouvel alinéa à l’article 417 ter du Code pénal interdisant explicitement d’invoquer l’état de nécessité pour justifier la torture.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5. Le Comité prend note des initiatives prises par l’État partie et des informations fournies sur la mise en œuvre de ses constatations dans l’affaire Nabil Sayadi et Patricia Vinck (CCPR/C/D/1472/2006). Il regrette, toutefois, que l’État partie n’ait pas été en mesure de lui fournir les renseignements demandés sur l’octroi éventuel d’une compensation à Nabil Sayadi et à Patricia Vinck.

L’ É tat partie devrait envisager l’ octroi éventuel d’une compensation aux requérants Nabil Sayadi et Patricia Vinck .

6. Le Comité regrette l’absence au sein de l’État partie d’un mécanisme dédié à la mise en œuvre des constatations du Comité (art. 2).

L’ É tat partie devrait envisager la mise en place d’un mécanisme dédié à la mise en œuvre des constatations du Comité.

7.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie maintient ses réserves sur les paragraphes 2 a, 3 et 5 de l’article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que sur le paragraphe 1 de l’article 14 et sur les articles 19, 21 et 22, de même que ses déclarations interprétatives du paragraphe 1 de l’article 20 et du paragraphe 2 de l’article 23 du Pacte (art. 2).

L ’ État partie devrait envisager de retirer ses réserves et ses déclarations interprétatives à l’égard des dispositions du Pacte.

8. Malgré les informations fournies par l’État partie sur la coordination de ses différentes structures dans le domaine des droits de l’homme et sur les raisons de l’absence d’une institution nationale des droits de l’homme, le Comité regrette que l’État partie n’ait pas créé une institution nationale des droits de l’homme. Le Comité craint, en outre, que la multiplication des organes de droits catégoriels ne soit susceptible de faire obstacle à une mise en œuvre plus efficace de la part de l’État partie de ses obligations en vertu du Pacte et à une meilleure lisibilité de sa politique globale en matière de droits de l’homme (art. 2).

L ’ État partie devrait envisager la création d’une institution nationale des droits de l’homme en conformité avec les Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale).

9. Le Comité note avec préoccupation que la violence domestique persiste dans l’État partie, et que l’État partie ne s’est toujours pas doté d’une législation complète pertinente.

L’ É tat partie devrait intensifier ses efforts pour lutte r contre la violence domestique, notamment en adoptant une législation complète contre la violence domestique, tout en garantissant aux victimes l’ accès immédiat aux moyens de recours et de protection.

10.Le Comité juge préoccupant que l’accès à certains droits énoncés dans le Pacte puisse être entravé du fait des décisions prises par les autorités communales de Flandre portant, notamment, sur l’achat de terrains communaux, l’accès aux services et au logement, la jouissance de certaines prestations sociales ainsi que l’exercice du droit d’être élu, et exigeant la connaissance ou l’apprentissage du néerlandais, ce qui crée une discrimination à l’égard d’autres catégories de la population (art. 2, 17, 25 et 26).

L’ É tat partie devrait veiller, conformément à l’article 50 du Pacte, à ce que les décisions prises par l es autorités communales portant sur l’exigence linguistique ne conduisent à aucune discrimination dans l’exercice des droits énoncés par le Pacte à l’égard de certaines catégories de la population . Il devrait également favoriser la connaissance et l’exercice du droit de recours contre de telles décisions auprès de s catégories concernée s .

11.Le Comité est préoccupé par le fait que la discrimination à l’égard des personnes handicapées persiste dans l’État partie et entrave une pleine insertion politique et socioéconomique de ces personnes (art. 2).

L’ É tat partie devrait intensifier ses efforts pour lutter contre la discrimination , améliorer l’intégration des personnes handicapées dans l es sphères politique et soci oéconomique et pren dre des mesures facilit a nt l’accès des personnes handicapées au marché de l’emploi .

12.Malgré les différentes mesures prises par l’État partie en vue de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, le Comité note avec préoccupation que la discrimination à l’égard des femmes reste forte et que l’inégalité de traitement persiste dans la sphère socioéconomique, la vie sociale, les parcours d’emploi et l’accès à la prise de décision, tout comme pour la promotion à certains postes (art. 3).

L’ É tat partie devrait veiller à appliquer toutes l es mesures adoptées dans ce domaine , notamment d ’ordr e législati f , et procéder à leur évaluation de manière à obt e nir des résultats concrets en ce qui concerne la lutte contre les stéréotypes, la participation équilibrée des hommes et des femmes à la prise de décision, l’égalité de traitement et l’accès des femmes à l’emploi.

13.Malgré les informations fournies par l’État partie sur les règles et les conditions entourant l’utilisation du pistolet à impulsions électriques (Taser) par les forces de police, le Comité reste préoccupé par le fait que l’emploi de ces armes puisse entraîner des douleurs aiguës, mais aussi des blessures pouvant avoir une issue mortelle (art. 6 et 7).

L’ É tat partie devrait envisager de ne plus autoriser l’usage du pistolet à impulsion s électrique s (Taser) . Tant que ces armes seront utilisées, l’ É tat partie devrait intensifier ses efforts pour que les forces de police respectent les règles et les conditions qui entourent leur utilisation. L’ É tat partie dev rai t également entreprendre d ’ évalu er les effets de l’ emploi de ces armes.

14.Le Comité juge préoccupantes les informations faisant état d’un emploi excessif de la force, non conforme aux Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, en particulier lors des interpellations de police, et du fait que les plaintes déposées à l’encontre de la police ne sont pas toujours suivies de sanctions à la hauteur des faits. Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles il y aurait eu un emploi excessif de la force et des arrestations préventives lors des manifestations qui se sont déroulées le 29 septembre et le 1er octobre 2010 dans l’État partie (art. 7et 9).

L ’ État partie devrait prendre toutes l es mesures nécessaires pour garantir que les membres de la police, en recourant à l’ emploi de la force, agissent en conformité avec les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois , et pour s’assurer que les arrestations se déroulent d ans le strict respect des dispositions du Pacte . L’ É tat partie devrait, en cas de plaintes alléguant de mauvais traitements, conduire systématiquement des enquête s et poursuivre et sanctionner les auteurs à hauteur des faits commis. L’État partie devra informer le Comité sur la suite qui aura été donnée aux plaintes déposées à la suite des manifestations qui se sont tenues le 29 septembre et le 1 er octobre 2010.

15.Malgré les informations fournies par l’État partie sur les améliorations apportées dans le recrutement des membres du Service d’Enquêtes du Comité P, dont la mission est d’enquêter sur les plaintes visant des membres de la police, le Comité juge préoccupant que des doutes subsistent sur l’indépendance et l’objectivité du Comité P et sur la capacité de ce dernier à traiter dans la transparence les plaintes portées à l’encontre des fonctionnaires de police (art. 7 et 14).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts en vue de garantir une totale indépendance des membres du Service d’ E nquêtes du Comité P et d’ assurer un traitement dans la transparenc e des plaintes portées à l’en contre d es fonctionnaires de police.

16.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur les mesures prises en vue de protéger les victimes de la traite d’êtres humains. Toutefois, le Comité reste préoccupé devant les moyens insuffisants mis en place pour assister les victimes de la traite d’êtres humains, y compris le fait que les permis de séjour ne sont accordés aux victimes que si celles-ci collaborent avec les autorités judiciaires. Le Comité juge également préoccupant le fait que les ressources allouées dans ce domaine demeurent insuffisantes (art. 8).

L ’ État partie devrait envisager de modifier sa législation d e sorte d’ octroyer le permis de séjour aux victimes de la traite d’êtres humains sans l’assortir de la condition d e leur coopération avec les autorités judiciaires . Il devrait en outre renforcer l’ assistance aux victimes. L’ É tat partie devrait également augmenter les ressources qu’il alloue aux programmes et aux plans de prévention et de lutte contre la traite d’êtres humains.

17.Le Comité juge préoccupant le fait que les personnes détenues, tant dans le cadre d’une arrestation judiciaire ou administrative que dans celui d’une garde à vue, n’ont toujours pas la garantie d’accès à un avocat dès les premières heures de la privation de liberté. Le Comité note également avec préoccupation que le droit d’accès à un médecin n’est toujours pas prévu de façon explicite pour les arrestations judiciaires (art. 7, 9 et 14).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires en vue de garantir l’accès à un avocat dès les premières heures de la privation de liberté , tant dans le cadre de l’ arrestation judiciaire ou administrative que dans celui de la garde à vue , ainsi qu e le droit d’accès systématique à un médecin.

18.Le Comité juge préoccupantes les conditions de détention dans les prisons belges, en particulier la surpopulation carcérale, dont le taux s’élève à 150 pour cent dans certaines prisons, la vétusté des bâtiments et l’absence parfois de toute séparation des détenus en fonction du régime de détention. Le Comité juge également préoccupant le fait que les dispositions de la loi Dupont relatives au droit de plainte des détenus ne sont toujours pas entrées en vigueur (art. 7 et 10).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’améliorer les conditions de détention dans s es prisons, en particulier au regard de la surpopulation carcérale. A ce propos, outre la construction de nouveaux établissements, l’ É tat partie devrait recourir plus souvent aux peines de substitution , notamment la surveillance électronique , et favoriser l a libération conditionnelle. Il devrait également veiller plus attentivement à sépar er l es détenus en fonction du régime de détention. L’ É tat partie devrait enfin accélérer l’entrée en vigueur des dispositions de la l oi Dupont relatives au droit de plainte des détenus auprès des Commissions des plaintes prévues à cet effet.

19.Le Comité reste préoccupé devant la pratique de la détention des malades mentaux dans les prisons et les annexes psychiatriques des prisons belges, et devant la longue période d’attente qui leur est imposée avant leur transfert dans les établissements de défense sociale (EDS) (art. 7, 9 et 10).

L ’ État partie devrait , comme l’a recommandé le Comité dans ses précédentes observations finales, veiller à mettre fin à la pratique de la détention des malades mentaux dans les prisons et les annexes psychiatriques . Il devrait également augmenter le nombre des places d’internement dans les établissements de défense sociale et améliorer les conditions de vie des malades .

20.Le Comité prend note avec préoccupation:

a)Des informations faisant état de l’emploi d’une violence excessive à l’endroit des étrangers tombés sous le coup d’une mesure d’éloignement du territoire de l’État partie et placés dans des centres fermés ou lors de l’éloignement;

b)De la difficulté pour ces personnes de porter plainte en raison de leur statut et de voir leurs plaintes aboutir devant la Commission des plaintes, soit parce que ces personnes sont accusées de rébellion soit parce que leur éloignement ne favorise pas l’établissement de la preuve et la poursuite des responsables (art. 2, 7, 10 et 26).

L’État partie devrait prendre toutes les mes ures nécessaires afin d’éviter l’ emploi de la violence à l’ endroit des étrangers tombés sous le coup d’une mesur e d’éloignement ; il devrait leur garantir de pouvoir porter plainte en cas de mauvais traitements auprès de la Commission des plaintes , qui a pour mission de poursuivre et de punir les responsables .

21.Le Comité juge préoccupantes les allégations selon lesquelles les visites de contrôle des éloignements seraient insuffisantes et que les organes chargés de ce contrôle ne seraient pas indépendants (art. 2, 7 et 13).

L’ É tat partie devrait accroître les contrôles exercés sur l es opérations d’ expulsion d es étrangers et s’assurer de l ’ indépendance et de l ’ objectivité des organes chargés de ces contrôles .

22. Le Comité juge préoccupantes la résurgence des actes antisémites et des actes racistes ainsi que la hausse des actes et des propos islamophobes dans l’État partie. Le Comité est particulièrement préoccupé par la propagation de ce phénomène dans les médias, en particulier Internet, ainsi que par la banalisation qui est faite du discours islamophobe, notamment par des partis politiques bénéficiant de financements publics. Le Comité regrette que la proposition de loi visant à interdire les manifestations néonazies n’ait pas été adoptée par la Chambre des représentants et qu’elle soit devenue caduque (art. 2 et 20).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts contre l es actes antisémit es , racis t e s et islamophob es , notamment e n conduisant des enquêt es et en poursuiv ant et en puni ssant les responsables de tels actes . Il devrait persévérer et combattre la propagation de ce phénomène dans les médias, en particulier Internet. Enfin, l ’ É tat partie devrait envisager de soumettre une nouvelle fois pour examen la proposition de loi visant à interdire les manifestations néonazies , tout comme de priver d e financement public les partis politiques qui propagent la haine, la discrimination ou la violence.

23.Le Comité note avec préoccupation que malgré la révision, en 2006, de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, la loi continue de prévoir le dessaisissement qui permet de juger des mineurs âgés entre 16 et 18 ans comme des adultes (art. 14, 24 et 26).

L ’ État partie devrait revoir sa législation afin d’éviter que d es mineurs âgés entre 16 et 18 ans puissent être jugés comme des adultes.

24.L’État partie devrait diffuser largement dans ses langues officielles son cinquième rapport périodique, ses réponses écrites à la liste de points à traiter élaborée par le Comité et les présentes observations finales.

25.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la situation actuelle et sur la suite qui aura été donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 14, 17 et 21 ci-dessus.

26.Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son sixième rapport périodique, attendu au plus tard le 31 octobre 2015, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.