Quarante-troisième session

19 janvier-6 février 2009

Projet d’observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : Rwanda

Le Comité a examiné le rapport unique du Rwanda valant quatrième à sixième rapports périodiques (CEDAW/C/RWA/6) à ses 883e et 884e séances, le 4 février (voir CEDAW/C/SR. 883 et 884). On trouvera la liste des questions du Comité suscitées par les rapports périodiques dans le document CEDAW/C/RWA/Q/6 et les réponses du Gouvernement rwandais dans le document CEDAW/C/RWA/Q/6/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie pour son rapport unique valant quatrième à sixième rapports périodiques, établi conformément à ses directives sur l’élaboration des rapports mais remis avec un retard considérable. Le Comité sait également gré à l’État partie de ses réponses écrites à la liste de questions posées par le groupe de travail d’avant session, tout en regrettant le retard avec lequel elles lui ont été transmises. Enfin, le Comité remercie l’État partie de son exposé oral et des éclaircissements supplémentaires apportés à cette occasion. Il prend bonne note qu’un certain nombre de changements favorables aux droits des femmes ont été apportés aux lois, politiques et programmes depuis la fin de la période couverte par le rapport de l’État partie.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau conduite par le Ministre du genre et de la promotion familiale. Il le remercie aussi pour l’aperçu qu’il a donné, dans son exposé oral, des progrès récents et des obstacles en matière d’égalité des sexes au Rwanda, et pour les réponses apportées aux questions posées à l’occasion de leur dialogue constructif.

Le Comité se félicite que le rapport évoque les efforts entrepris par l’État partie pour parvenir aux objectifs stratégiques énoncés dans la Déclaration et le Programme d’action de Beijing adoptés à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, et fournisse des précisions sur les progrès accomplis quant à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement.

Le Comité est pleinement conscient que la guerre civile qui a abouti au génocide de 1994 s’est soldée par plus d’un million de morts, un nombre considérable de réfugiés et de personnes déplacées, l’implosion de l’État, l’effondrement de l’économie et la destruction des infrastructures. Il rend hommage à l’État partie pour la forte volonté politique et le dynamisme qu’il manifeste depuis la fin de la guerre civile, pour les politiques et mesures de lutte contre la discrimination à l’égard des femmes qu’il a adoptées dans tous les domaines couverts par la Convention et pour les progrès qu’il a accomplis en un laps de temps particulièrement bref.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir adopté en 2003 une Constitution qui, en consacrant les principes de la non-discrimination et de l’égalité entre les sexes, a permis l’ouverture d’un vaste chantier de réforme législative visant à abroger toute disposition discriminatoire.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie utilise avec succès un système de quotas dans la vie politique et publique, et le félicite tout particulièrement d’être le pays du monde où les femmes sont le mieux représentées au Parlement.

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir interdit la polygamie.

Le Comité félicite l’État partie pour le recul récent de l’incidence du VIH/sida et du paludisme et pour l’élargissement, pour ces deux maladies, de l’accès à un traitement.

Le Comité salue l’adhésion de l’État partie, le 15 décembre 2008, au Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité rappelle à l ’ État partie son obligation d ’ appliquer de manière systématique et continue toutes les dispositions de la Convention et considère que les préoccupations et recommandations formulées dans les présentes observations finales doivent faire l ’ objet d ’ une attention prioritaire de sa part jusqu ’ à la soumission de son prochain rapport périodique. Le Comité invite par conséquent l ’ État partie à s ’ attacher tout particulièrement à ces questions dans ses activités liées à la mise en œuvre de la Convention , et à le tenir informé des mesures adoptées et des résultats obtenus dans son prochain rapport périodique. Il lui demande également de transmettre les présentes observations finales à tous l es ministères compétents , ainsi qu ’ au Parlement et au pouvoir judiciaire, afin qu ’ elles soient pleinement prises en compte .

Parlement

Tout en réaffirmant que le Gouvernement assume la responsabilité principale et est notamment comptable de l ’ exécution intégrale des obligations contractées par l ’ État partie aux termes de la Convention, le Comité souligne que cet instrument a force obligatoire pour toutes les branches du Gouvernement et invite l ’ État partie, le cas échéant, à encourager son Parlement, suivant ses procédures, à prendre les mesures requises en ce qui concerne la suite à donner à ses observations finales et le prochain processus de présentation de rapport par le Gouvernement au titre de la Convention.

Statut juridique et importance de la Convention et du Protocole facultatif

Tout en se félicitant que les traités internationaux ratifiés fassent partie intégrante du droit interne et que l’article 190 de la Constitution leur donne prééminence sur les lois nationales, le Comité s’inquiète de la méconnaissance générale de la Convention et de son Protocole facultatif dans l’ensemble de la société et, plus particulièrement, parmi les magistrats et les agents de la force publique. Il constate avec inquiétude que les femmes elles-mêmes ne connaissent pas leurs droits aux termes de la Convention ni la procédure de recours prévue par le Protocole facultatif, ce qui les prive de la possibilité de s’en prévaloir. En outre, le Comité s’inquiète que l’État partie n’ait pas été en mesure de donner des exemples d’affaires au cours desquelles les dispositions de la Convention auraient été directement invoquées devant les tribunaux.

Le Comité prie instamment l ’ État partie de prendre les mesures requises pour assurer une diffusion adéquate et une bonne compréhension de la Convention, du Protocole facultatif et de se s propres recommandations générales, notamment au moyen de campagnes de sensibilisation et de programmes de formation destinés aux magistrats, aux avocats, aux policiers et aux autres agents de la force publique. Il invite l ’ État partie à faire mieux connaître leurs droits aux femmes grâce, par exemple, à des programmes de vulgarisation et d ’ assistance juridi que . Le Comité recommande en outre que le Protocole facultatif soit traduit en kinyarwanda.

Constitution et lois nationales

Tout en se félicitant que la Constitution de 2003 consacre les principes de l’égalité et de la non-discrimination entre les sexes et que les dispositions discriminatoires d’un certain nombre de lois aient été abrogées, le Comité constate avec inquiétude que certaines de ces dispositions restent en vigueur. Il prend note de la poursuite de la réforme du Code pénal, du Code de la famille et du Code de commerce, entre autres, mais s’inquiète des délais entourant l’adoption des nouvelles lois et amendements. Il regrette en outre que ni la Constitution ni aucun autre texte n’interdise explicitement la discrimination à l’égard des femmes, comme le prévoit l’article premier de la Convention.

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ accélérer son processus de réforme juridique et de collaborer efficacement avec le Parlement afin que soient abrogées toutes les dispositions discriminatoires du Code pénal, du Code de la famille et du Code de commerce, entre autres, afin de rendre la législation conforme à la Convention et à ses propres recommandations générales. Il invite en outre l ’ État partie à établir un calendrier précis pour ces réformes et lui recommande d ’ intégrer dans sa c onstitution ou dans tout autre acte législatif pertinent une disposition relative à l ’ interdiction de la discrimination à l ’ égard des femmes englobant aussi bien la discrimination directe que la discrimination indirecte , conformément à l ’ article premier et à l ’ article 2 b) de la Convention.

Mécanisme national pour la promotion de la femme

Tout en saluant le travail accompli par le Ministère du genre et de la promotion familiale dans le domaine des droits de la femme, et la création d’un certain nombre de mécanismes visant à assurer l’égalité des sexes, tels que la structure nationale de suivi de la Conférence de Beijing, le Conseil national des femmes et l’Observatoire du genre, le Comité s’inquiète du manque de clarté de la définition des mandats et responsabilités respectifs des diverses composantes du mécanisme national. Le Comité salue les nombreux projets et programmes de promotion de la femme et se félicite que la problématique hommes-femmes soit systématiquement prise en compte dans la Vision 2020 comme dans d’autres politiques et programmes nationaux, mais constate l’absence d’une démarche globale embrassant tous les aspects de la discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à renforcer son Mécanisme national pour la promotion de la femme en définissant clairement la mission et les responsabilités de ses diverses composantes et en coordonnant mieux leur action. Il l ’ engage à élaborer une stratégie globale assortie d ’ objectifs, d ’ échéances et de mécanismes de suivi précis pour promouvoir la femme et lutte r contre la discrimination dans tous les domaines couverts par la Convention et le Programme d ’ action de Beijing , et à l ’ informer , dans son prochain rapport, des progrès enregistrés et des obstacles rencontrés dans la mise en œuvre de cette stratégie.

Mesures temporaires spéciales

Tout en se félicitant de l’efficacité des quotas prévus par la Constitution et les lois électorales pour permettre aux femmes d’accéder aux sièges parlementaires et aux postes à responsabilités, le Comité note qu’aucune information ne lui a été fournie quant à un éventuel recours à des mesures temporaires spéciales afin d’assurer l’égalité de fait entre les hommes et les femmes dans d’autres domaines importants tels que l’éducation ou l’emploi.

Le Comité invite l ’ État partie à maintenir le système de quotas afin, notamment, de renforcer la présence des femmes à des postes à responsabilités dans le monde universitaire et à des postes de décision dans la vie économique. Il l ’ encourage en outre à avoir recours à d ’ autres mesures temporaires spéciales pour accroître dans les faits l ’ égalité entre hommes et femmes dans tous les domaines visés par la Convention, conformément au paragraphe 1 de son article 4, ainsi qu ’ à s a propre recommandation générale n o 25.

Stéréotypes

Le Comité s’inquiète de la persistance des stéréotypes patriarcaux traditionnels profondément ancrés liés au rôle et aux responsabilités des hommes et des femmes au sein de la famille et de la société en général, qui conduisent à des actes de violence à l’encontre des femmes, et dont témoignent, en particulier, l’accès limité à l’éducation et la situation défavorable de celles-ci sur le marché du travail.

Le Comité engage l ’ État partie à mettre en œuvre une série de mesures visant à faire évoluer les mentalités et pratiques largement répandues de subordination de la femme et d ’ enfermement des hommes et des femmes dans des rôles stéréotypés. Ces mesures devraient notamment consister à mener de s campagnes de sensibilisation et d ’ information à l ’ intention des femmes et des hommes, des filles et des garçons, des chefs religieux et des dirigeants locaux , des parents, des enseignants et des agents de l ’ État , conformément aux obligations énoncées aux articles 2 f) et 5 a) de la Convention. Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ encourager les médias à présenter et à promouvoir des images positives et non stéréotypées de la femme , et à faire comprendre l ’ intérêt que l ’ égalité des sexes présente pour la société dans son ensemble .

Reconstruction à l’issue du génocide et traduction en justice des coupables

Tout en saluant les efforts déployés par l’État partie pour reconstruire le pays et effacer les lourdes conséquences du génocide perpétré en 1994 en favorisant un climat de paix, d’unité et de réconciliation, le Comité craint que certains stéréotypes profondément ancrés, les actes de violence dont elles sont victimes et d’autres formes de discrimination n’empêchent les femmes de participer pleinement à la reconstruction après le conflit et au développement socioéconomique. Conscient qu’au cours du génocide de nombreuses femmes et filles ont été victimes d’actes de violence sexuelle, notamment des viols et des sévices sexuels, le Comité craint en outre qu’elles ne bénéficient pas toutes d’un accès égal aux tribunaux et d’une protection et d’un soutien suffisants dans le cadre du vaste processus engagé aux échelles nationale et internationale pour traduire en justice les auteurs de ces actes.

Le Comité demande à l ’ État partie de prendre, conformément aux résolutions 1325 (2000) et 1820 (2008) du Conseil de sécurité de l ’ ONU, à la Convention et au Programme d ’ action de Beijing, toutes les mesures nécessaires pour assurer la participation des femmes sur un pied d ’ égalité à la reconstruction et au développement socioéconomique du pays. En outre, le Comité prie instamment l ’ État partie de continuer d ’ assurer aux femmes victimes d ’ actes de violence sexuelle pendant le génocide la protection et le soutien voulus ainsi qu ’ un accès égal à la justice .

Violence dirigée contre les femmes

Tout en félicitant l’État partie pour les efforts qu’il déploie afin de réprimer la violence à l’encontre des femmes, en créant des comités de lutte contre la violence sexiste et des services spécialisés au sein de la police, en menant des campagnes de sensibilisation et en apportant une aide aux victimes, entre autres, le Comité s’émeut de la prévalence de diverses formes de violence visant les femmes, en particulier la violence sexuelle et la violence dans la famille, et du manque d’informations quant à l’ampleur de ce phénomène. Il s’inquiète aussi de l’absence de stratégie globale de lutte contre toutes les formes de violence à l’encontre des femmes, y compris la violence dans la famille. Le Comité se félicite de l’adoption par le Parlement du projet de loi sur la prévention et la répression des actes de violence sexiste, mais craint que certaines dispositions de ce texte en passe d’être promulgué n’entraînent une discrimination directe ou indirecte à l’égard des femmes, notamment celles relatives à l’incrimination de l’adultère et du concubinage et à la peine d’emprisonnement à vie prévue pour les personnes jugées coupables d’avoir intentionnellement transmis une maladie mortelle.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accroître l es efforts visant à prévenir et à supprimer toutes les formes de violence à l ’ encontre des femmes, en particulier l a violence sexuelle et la violence au sein de la famille , conformément à sa propre recommandation générale n o 19, en se fondant à cette fin, entre autres, sur l ’ Étude approfondie de toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes menée par le Secrétaire général (A/61/122/Add.1 et Corr.1). Il l ’ engage à mettre en place une stratégie et un plan d ’ action d ’ ensemble pour prévenir et éliminer toutes les formes de violence à l ’ encontre des femmes, notamment dans les camps de réfugiés, ainsi qu ’ un mécanisme institutionnel efficace permettant de coordonner les mesures adoptées, d ’ en assurer le suivi et d ’ en évaluer l ’ efficacité. Le Comité invite également l ’ État partie à intensifier son travail de sensibilisation à toutes les formes de violence dont les femmes sont victimes , qui constituent une violation de leurs droits fondamentaux. Il l ’ invite , en outre, à redoubler d ’ efforts pour mettre à la disposition des femmes victimes de la violence des services de soutien et des foyers d ’ accueil en nombre suffisant, dotés d ’ un personnel qualifié et des ressources financières nécessaires à leur bonne marche. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ assurer la collecte et la publication systématiques de données, ventilées en fonction du type de violence et des liens entre l ’ agresseur et la victime, et de se fonder sur ces données pour suivre la mise en œuvre des mesures de politique générale et de soutien en vigueur ou à venir . Pour ce qui est du projet de loi sur la prévention et la répression des actes de violence sexiste, le Comité prie l ’ État partie de réexaminer d ’ urgence l es dispositions susceptibles d ’ entraîner une discrimination directe ou indirecte à l ’ égard des femmes.

Traite des femmes et des filles et exploitation de la prostitution

Tout en se félicitant que l’État partie ait ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et qu’il ait préparé un projet de loi sur ces questions, le Comité est troublé par l’insuffisante appréhension de l’ampleur du phénomène et par l’absence de mesures concrètes pour le traiter dans toutes ses dimensions, y compris ses causes profondes et la nécessaire protection de ses victimes. Il regrette que l’État partie n’ait pas fourni suffisamment d’informations et de données statistiques sur la traite des femmes et des filles et sur l’ampleur de la prostitution. Il s’étonne que les femmes et les filles qui se prostituent puissent être traitées comme des délinquants alors que leurs clients ne sont pas inquiétés.

Le Comité demande instamment que soit rapidement adopté le projet de loi tendant à réprimer, poursuivre et punir la traite des êtres humains, que des mesures de prévention efficaces soient introduites, que les trafiquants soient poursuivis et sanctionnés sans délai et que les victimes bénéficient d’une protection et d’un soutien. Il recommande que l’adoption de la nouvelle loi s’accompagne d’un effort d’information et de formation à destination des magistrats, des avocats et des agents de la force publique, y compris la police des frontières, ainsi qu’à destination des autres représentants de l’État, des travailleurs sociaux et des agents de développement communautaire. Il recommande également à l’État partie d’adopter une panoplie complète de mesures pour lutter contre la traite des femmes et des filles et l’exploitation de la prostitution et d’y affecter des moyens humains et financiers suffisants, en assurant notamment une collecte de données ventilées par sexe. Il recommande encore à l’État partie de s’attaquer aux causes profondes de la traite et de l’exploitation de la prostitution des femmes et des filles et de prendre des mesures de réinsertion sociale des femmes et filles qui en ont été les victimes.

Participation à la vie politique et publique

Tout en félicitant l’État partie pour la forte participation des femmes à la vie politique et publique au niveau national, le Comité déplore que les femmes restent insuffisamment représentées dans l’administration locale et aux plus hauts niveaux de responsabilités du secteur privé.

Le Comité recommande à l’État partie de continuer de redoubler d’efforts pour assurer une plus grande présence des femmes aux postes de responsabilité, particulièrement dans l’administration locale et le secteur privé, y compris en recourant à des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa propre recommandation générale n o  25.

Éducation

Tout en saluant les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre l’analphabétisme féminin, assurer la parité filles-garçons dans l’enseignement primaire et mettre en place une scolarité publique gratuite et obligatoire d’une durée de neuf ans, le Comité note avec inquiétude le faible taux de scolarisation des filles dans l’enseignement secondaire et supérieur et leur taux important de décrochage scolaire. Il note aussi avec inquiétude que les traditions et les grossesses précoces contribuent au décrochage scolaire des filles et que les jeunes filles enceintes qui doivent quitter leur établissement scolaire du fait de la mesure d’exclusion temporaire qui les frappe ont des difficultés à reprendre leurs études après la naissance de leur enfant. Il note encore avec inquiétude le faible nombre d’enseignants de sexe féminin, tout particulièrement dans l’enseignement secondaire et supérieur et à des postes de responsabilité.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour assurer dans les faits l’égalité d’accès des filles et des jeunes femmes à tous les niveaux de l’enseignement, surmonter les attitudes traditionnelles qui empêchent les femmes et les filles d’exercer pleinement leur droit à l’éducation, aider les filles à rester dans le système scolaire et mettre en place des programmes de réinsertion scolaire qui facilitent aux jeunes filles le retour à l’école après une grossesse. Le Comité prie instamment l’État partie de prendre les dispositions voulues pour accroître le taux de scolarisation des filles à tous les niveaux d’enseignement et lui recommande d’introduire des mesures spéciales temporaires à cet effet, conformément à sa recommandation générale n o  25. Enfin, il invite l’État partie à prendre des mesures pour accroître le nombre d’enseignants de sexe féminin, notamment aux niveaux secondaire et universitaire et à des postes de responsabilité.

Marché du travail

Le Comité constate avec inquiétude que les femmes connaissent un plus fort taux de chômage et de sous-emploi que les hommes, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, et qu’elles occupent surtout des emplois mal rémunérés, notamment dans l’agriculture. Il constate également que les femmes sont victimes d’une ségrégation horizontale et verticale sur le marché du travail et qu’elles travaillent principalement dans le secteur informel, d’où leur exclusion des programmes de protection sociale. Il constate aussi avec inquiétude que 75 % des nouveaux emplois non agricoles et 60 % des nouveaux emplois créés par les petites entreprises sont occupés par des hommes, ce qui montre que les femmes ne bénéficient pas autant que les hommes de ces nouveaux emplois. Enfin, le Comité note l’absence de textes législatifs et réglementaires réprimant le harcèlement sexuel et de mesures visant à lutter contre ce phénomène.

Le Comité engage l’État partie à assurer l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le marché du travail, y compris par le biais de mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa propre recommandation générale n o  25. Il recommande à l’État partie de se pencher tout particulièrement sur la situation des femmes travaillant dans le secteur informel, notamment l’agriculture, et de faire en sorte qu’elles bénéficient d’une protection sociale. Le Comité engage également l’État partie à adopter dans les meilleurs délais une législation contre le harcèlement sexuel au travail et d’y prévoir des sanctions contre les auteurs, des voies de recours en matière civile et une indemnisation des victimes. Il engage encore l’État partie à mettre en place un dispositif efficace de surveillance et de réglementation des pratiques du secteur privé en matière d’emploi féminin et des questions y relatives.

Santé

Tout en saluant les mesures prises pour améliorer l’accès des femmes et des filles aux soins avec, notamment, la création de mutuelles, et les efforts déployés pour réduire l’incidence du VIH/sida et du paludisme, le Comité note avec préoccupation que les femmes, notamment les plus âgées d’entre elles et celles vivant en zone rurale, ne peuvent toujours pas exercer pleinement le droit à la santé que leur confère l’article 12 de la Convention. Il note également que, bien qu’il ait baissé, le taux de mortalité maternelle reste élevé, avec 750 décès pour 100 000 naissances vivantes, essentiellement du fait d’un accès insuffisant aux soins obstétriques. Le Comité note aussi avec préoccupation que de nombreuses femmes, notamment en zone rurale, accouchent à domicile. Sachant en outre que les avortements clandestins et pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité sont une cause de mortalité maternelle, le Comité note avec préoccupation que l’avortement est puni par la loi au Rwanda. Il note aussi avec préoccupation que l’État partie ne lui a pas fourni d’informations et de données statistiques sur la santé mentale des femmes.

Le Comité invite l’État partie à prendre des mesures concrètes pour assurer aux femmes, et notamment aux femmes âgées et à celles vivant en zone rurale, un meilleur accès aux soins, conformément à l’article 12 de la Convention et à sa propre recommandation générale n o  24 intitulée « Les femmes et la santé ». Il recommande à l’État partie d’analyser les obstacles qui limitent l’accès des femmes aux soins obstétriques et de s’employer à les lever. Il lui recommande également de mettre en place un plan stratégique de lutte contre la mortalité maternelle et d’adopter des mesures de prévention des grossesses non désirées, notamment en assurant un accès plus large à la contraception et aux méthodes de planification de la famille et en sensibilisant à la question aussi bien les hommes que les femmes. Le Comité recommande à l’État partie de réexaminer sa législation relative à l’interruption volontaire de grossesse en vue de supprimer les sanctions qui frappent les femmes qui ont recours à l’avortement, conformément à sa recommandation générale n o  24 intitulée « Les femmes et la santé » et au Programme d’action de Beijing. Le Comité invite enfin l’État partie à lui communiquer des informations et données statistiques suffisantes sur la santé mentale des femmes dans son prochain rapport périodique.

Émancipation économique des femmes

Tout en se félicitant des efforts déployés par l’État partie pour élaborer des stratégies de lutte contre la pauvreté et pour favoriser l’autonomie des femmes en les aidant à exercer des activités génératrices de revenus et à avoir accès au microcrédit, le Comité note avec inquiétude que la pauvreté frappe un pourcentage important de femmes, et notamment de femmes chefs de famille. Il se dit tout particulièrement préoccupé de la situation des femmes vivant en zone rurale, dont la plupart sont pauvres, exercent une activité agricole dans des conditions de vie précaires et n’ont qu’un accès limité aux tribunaux, aux soins, à l’éducation, à la vie économique et aux services collectifs.

Le Comité engage l’État partie à faire de la promotion de l’égalité des sexes une composante explicite de ses plans et programmes de développement locaux et nationaux, notamment les plans et programmes de lutte contre la pauvreté et de développement durable. Il l’engage également à prêter une attention particulière aux besoins des femmes vivant en zone rurale et des femmes chefs de famille et à veiller à ce qu’elles participent à la prise de décisions et aient pleinement accès au crédit. Il l’engage encore à prendre des mesures volontaristes pour que les femmes vivant en zone rurale aient accès aux soins, à l’éducation, à une eau salubre, à l’électricité, à la terre et aux activités génératrices de revenus. Il recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour concevoir et mettre en œuvre des stratégies et programmes de développement rural tenant compte des disparités entre les sexes et pour associer pleinement les femmes vivant en zone rurale à leur élaboration et leur mise en œuvre.

Femmes réfugiées et rapatriées

Le Comité se dit préoccupé par la situation des femmes réfugiées et rapatriées, y compris les femmes handicapées parmi elles, qui ont dû fuir la violence et la guerre. Il est tout particulièrement préoccupé par les conditions de vie précaires qu’elles subissent dans les camps, où elles sont exposées à la violence, y compris la violence sexuelle, et où elles n’ont pas un accès suffisant aux soins, à l’éducation et à la vie économique.

Le Comité prie l’État partie d’accorder aux besoins des femmes réfugiées et rapatriées, notamment les femmes handicapées parmi elles, une attention particulière qui le conduirait à adopter une politique nationale conforme aux résolutions 1325 (2000) et 1820 (2008) du Conseil de sécurité et à formuler et mettre en œuvre des plans et programmes tenant compte des disparités entre les sexes en vue de la réinsertion sociale, du développement des capacités et de la formation professionnelle des femmes concernées. Le Comité prie l’État partie de protéger les femmes réfugiées et rapatriées contre la violence et de leur assurer un accès immédiat à des voies de recours.

Rapports familiaux

Tout en félicitant l’État partie de reconnaître le seul mariage monogamique à l’article 26 de sa constitution et d’avoir lancé un chantier de réforme du Code de la famille, le Comité constate avec inquiétude que les dispositions discriminatoires de ce code sont encore en vigueur.

Le Comité engage l’État partie d’accélérer de toute urgence l’adoption du projet de loi portant amendement du Code de la famille afin d’en abroger les dispositions discriminatoires et à prendre les dispositions voulues pour bien faire connaître cette réforme auprès du grand public et des autorités judiciaires et administratives.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité engage l’État partie à continuer de se fonder, dans l’application de ses engagements au titre de la Convention, sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui en renforcent les dispositions. Il demande à l’État partie de lui communiquer des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

Le Comité tient à souligner que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement passe nécessairement par une application pleine et effective de la Convention. Il prie l’État partie de prendre expressément en considération le principe de l’égalité des sexes et les dispositions de la Convention dans toute action visant la réalisation de ces objectifs et de lui communiquer des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l’adhésion des États aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribue à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de leur vie. Il encourage donc le Gouvernement rwandais à envisager de ratifier les instruments auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Diffusion

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées au Rwanda pour que la population du pays, en particulier les membres de l’administration, les responsables politiques, les parlementaires, les organisations féminines et les organisations de défense des droits de l’homme, soit au courant des mesures prises pour assurer l’égalité de droit et de fait entre les sexes et des dispositions qui restent à prendre à cet égard. Il demande également à l’État partie de diffuser plus largement, surtout auprès des organisations féminines et des organisations de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention, de son Protocole facultatif, de ses propres recommandations générales, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, ainsi que les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle ».

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie de solliciter une assistance technique pour élaborer et appliquer un programme global de mise en œuvre des recommandations ci-dessus et de la Convention dans son ensemble. Le Comité se tient prêt à poursuivre le dialogue avec l’État partie et propose notamment que certains de ses membres se rendent sur place en vue de lui offrir des conseils supplémentaires pour l’application desdites recommandations et pour l’exécution des obligations contractées au titre de la Convention. Le Comité invite également l’État partie à renforcer encore sa coopération avec les institutions spécialisées et programmes des Nations Unies, y compris le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le Fonds des Nations Unies pour la population, l’Organisation mondiale de la Santé, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ainsi qu’avec la Division de statistique et la Division de la promotion de la femme du Département des affaires économiques et sociales du Secrétariat.

Suivi des observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit dans un délai de deux ans des informations précises sur l’application des recommandations formulées aux paragraphes 26 et 36 des présentes observations finales. Il prie également l’État partie d’envisager de solliciter, si nécessaire et au moment opportun, une coopération et une assistance techniques pour la mise en œuvre des recommandations ci-dessus, y compris sous la forme de services consultatifs.

Date du prochain rapport

Le Comité prie l’État partie de répondre, dans le prochain rapport périodique qu’il établira en application de l’article 18 de la Convention, aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales. Il l’invite à présenter en septembre 2014 un rapport unique valant septième, huitième et neuvième rapports périodiques.