Observations finales concernant le rapport unique valant septième à neuvième rapports périodiques sur le Rwanda *

Le Comité a examiné le rapport unique du Rwanda valant septième à neuvième rapports périodiques (CEDAW/C/RWA/7-9), à ses 1486e et 1487e séances, le 23 février 2017 (voir CEDAW/C/SR.1486 et 1487). La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/RWA/Q/7-9 et les réponses du Rwanda dans le document CEDAW/C/RWA/Q/7-9/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la présentation, par l’État partie, de son rapport unique valant septième à neuvième rapports périodiques. Il remercie l’État partie pour ses réponses écrites à la liste de points et questions soulevés par le groupe de travail d’avant session. Il remercie la délégation de la présentation orale dudit rapport et des précisions apportées aux questions posées oralement par le Comité durant le dialogue.

Le Comité salue le fait que l’État partie est représenté par une délégation de haut niveau, menée par la Ministre du genre et de la promotion de la famille, Espérance Nyirasafari, et réunissant des représentants du Département de la justice internationale et de la coopération judiciaire du Ministère de la justice, du Ministère du genre et de la promotion de la famille et de la Mission permanente du Rwanda auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres organisations internationales sises à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis par l’État partie depuis l’examen de son sixième rapport périodique en 2009 (CEDAW/C/RWA/6) grâce à certaines réformes législatives, notamment l’adoption des textes suivants :

a)La loi n° 32/2016 du 28 août 2016 régissant les personnes et la famille, qui abroge plusieurs dispositions discriminatoires à l’égard des femmes;

b)La loi n° 27/2016 du 08 juillet 2016 portant régimes matrimoniaux, libéralités et successions, qui interdit expressément la discrimination entre garçons et filles en matière successorale;

c)La loi organique n° 12/2013/OL du 12 septembre 2013 relative aux finances et au patrimoine de l’État, qui impose l’application de mesures de responsabilisation afin que les ressources soient allouées en tenant compte des disparités entre les sexes dans tous les secteurs, programmes et projets, au moyen de textes budgétaires tenant compte de la problématique hommes-femmes;

d)La loi organique n° 10/20/2013/OL du 11 juillet 2013 régissant les partis politiques et les politiciens, qui interdit toute forme de discrimination fondée sur le genre, le sexe, la race et la religion dans les partis politiques;

e)La loi n° 43/2013 du 16 juin 2013 portant régime foncier au Rwanda, qui interdit la discrimination fondée sur le sexe en ce qui concerne l’accès à la terre;

f)La loi organique n° 01/2012/OL du 2 mai 2012 portant Code pénal, qui interdit la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants;

g)La loi n° 54/2011 du 14 décembre 2011 relative aux droits et à la protection de l’enfant, qui dispose que les deux parents ont les mêmes responsabilités en matière de protection de l’enfant;

h)La loi organique n° 02/2011/OL du 27 juillet 2011 portant organisation de l’éducation dispose que l’éducation du citoyen n’est caractérisée par aucune forme de discrimination;

i)La loi n° 27/2010 du 19 juin 2010 relative aux élections, qui dispose qu’au moins 30 % des candidats aux élections parlementaires sur les listes des partis politiques doivent être des femmes.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, notamment l’adoption des mesures suivantes :

a)Le plan stratégique national en faveur de l’égalité des sexes 2016-2020;

b)Le plan d’action national au titre de la résolution 1325 (2000) (2016-2020) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité;

c)Le plan national de mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing (2012-2017);

d)la politique nationale de lutte contre la violence sexiste (2011) et son plan stratégique (2011-2016);

e)Le cadre juridique et politique pour l’égalité des sexes et l’émancipation des femmes au Rwanda (2011);

f)La politique nationale du genre et son plan stratégique (2010).

Le Comité salue le fait que, depuis l’examen du rapport périodique précédent, l’État partie a ratifié, en 2015, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif dans la pleine application de la Convention (voir la déclaration du Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement, conformément à son mandat, à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les présentes observations finales avant la présentation du prochain rapport au titre de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Statut juridique de la Convention

Le Comité accueille avec satisfaction les informations fournies par la délégation d’après lesquelles la Convention peut être directement appliquée par les tribunaux nationaux et invoquée devant ceux-ci. Il est cependant préoccupé par le fait que, à la suite des modifications apportées à la Constitution en 2015, la Constitution et les lois organiques priment les traités internationaux.

9. Le Comité, se référant à sa recommandation générale n° 28 (2010) relative aux obligations fondamentales des États parties découlant de l ’ article 2 de la Convention, encourage l ’ État partie à conférer à la Convention le statut que les instruments internationaux ratifiés avaient avant la modification de la Constitution, en 2015.

Définition de l’égalité et de la non-discrimination

10.Le Comité note avec satisfaction que la Constitution consacre le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes et l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe. Il salue également l’adoption d’une législation antidiscrimination dans différents domaines. Il note toutefois avec préoccupation que plusieurs dispositions discriminatoires figurent toujours dans la loi, telles les sanctions prévues en cas de viol conjugal – plus légères qu’en cas de viol –, que des coutumes discriminatoires continuent d’être appliquées, par exemple en droit successoral, et qu’il n’existe pas de loi générale contre la discrimination.

11.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ abroger toutes les dispositions légales qui sont discriminatoires à l ’ égard des femmes et d ’ adopter une législation complète contre la discrimination qui interdise la discrimination fondée sur quelque motif que ce soit et qui couvre la discrimination directe et indirecte, dans les sphères publique et privée, ainsi que les formes croisées de discrimination à l ’ égard des femmes, conformément à l ’ article premier de la Convention et à la recommandation générale n° 28. Il recommande également à l ’ État partie d ’ offrir des programmes de renforcement des capacités pour les juges, les autorités locales et les membres des comités de médiation (abunzi) au sujet de la stricte application de cette législation antidiscrimination.

Accès à la justice

12.Le Comité salue la mise en place d’un système d’aide judiciaire pour les femmes et les hommes vulnérables, au moyen des Maisons d’accès à la justice qui ont été créées dans chaque district de l’État partie et qui offrent des services d’aide judiciaire réservés aux femmes, ainsi que la création des centres de services intégrés Isange, qui apportent une aide judiciaire limitée aux femmes victimes de violence sexiste. Il note également avec satisfaction que l’article 2 de l’arrêté ministériel n° 002/08.11 du 11 février 2014 concernant les frais de justice dans les affaires civiles, commerciales, sociales et administratives exempte les requérants de frais de justice en cas de plainte pour violence sexiste à l’égard des femmes. Toutefois, il est préoccupé par l’absence de programmes d’aide judiciaire spécifiques pour les femmes qui tiennent compte de leur manque d’indépendance économique et des obstacles socioculturels qui entravent leur accès à la justice, par exemple lorsqu’elles essaient de porter plainte pour violence sexiste ou qu’elles réclament un héritage foncier. Il note également avec préoccupation que de nombreuses femmes ne connaissent pas leurs droits ni les moyens qui existent pour les faire valoir devant les tribunaux.

13.Se référant à sa recommandation générale n° 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D e renforcer les systèmes d ’ aide judiciaire et de défense publique pour qu ’ ils soient accessibles, durables et adaptés aux besoins des femmes et de veiller à ce que ces services soient fournis en temps opportun et de manière continue et efficace, à tous les stades de la procédure juridictionnelle ou quasi juridictionnelle;

b) D ’ éliminer les obstacles qui continuent d ’ entraver l ’ accès des femmes à la justice, y compris les obstacles économiques et socioculturels, en leur fournissant une aide judiciaire et de veiller à ce que les frais de délivrance de documents et de dépôt de plainte, ainsi que les frais de justice, soient réduits pour les femmes disposant d ’ un faible revenu et annulés pour les femmes pauvres;

c) D e mettre en place des activités de sensibilisation ciblées afin de faire connaître les mécanismes judiciaires et la façon dont les femmes peuvent y avoir accès, ainsi qu ’ aux dispositifs d ’ aide judiciaire, et de promouvoir une culture et un environnement social dans le cadre desquels la recherche de la justice par les femmes est considérée à la fois comme légitime et acceptable, et non comme un motif supplémentaire de discrimination ou de stigmatisation.

Dispositif national de promotion de la femme

Le Comité prend note avec satisfaction des progrès réalisés par l’État partie en matière de mise en œuvre et d’intégration des droits de la femme et le félicite pour son dispositif national de promotion de la femme, qui est coordonné par le Ministère du genre et de la promotion de la famille. Il note avec satisfaction que les coordonnateurs en matière de genre aux niveaux des provinces et des districts facilitent l’intégration d’une démarche antisexiste. Il est cependant préoccupé par l’absence d’organismes régionaux pour l’égalité des sexes.

15. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à renforcer son dispositif national en le dotant de la visibilité, du pouvoir et des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à tous les niveaux afin d ’ en renforcer l ’ efficacité et d ’ améliorer sa capacité de coordination et de suivi des mesures prises pour promouvoir la condition de la femme et l ’ égalité des sexes. Il lui recommande également de mettre particulièrement l ’ accent sur le renforcement des capacités du dispositif national au niveau régional.

Organisations non gouvernementales

16.Le Comité se dit préoccupé par les obstacles importants que les organisations non gouvernementales rencontrent, en particulier par la lourdeur des conditions d’enregistrement instaurées par la loi n° 04/2012 du 17 février 2012 portant organisation et fonctionnement des organisations non gouvernementales nationales et par la loi n° 05/2012 du 17 février 2012 régissant l’organisation et le fonctionnement des organisations non gouvernementales internationales, ainsi que par l’ingérence du Conseil rwandais de la gouvernance en matière de nomination de responsables de certaines organisations non gouvernementales.

17. Le Comité rappelle à l ’ État partie le rôle important de la société civile, en particulier des organisations de défense des droits de la femme. Il lui recommande de revoir les conditions d ’ enregistrement des organisations non gouvernementales afin de garantir que celles qui œuvrent dans le domaine des droits de l ’ homme, en particulier les organisations de défense des droits de la femme, puissent être constituées et fonctionner sans restriction excessive, et de veiller à ce que le C onseil rwandais de la gouvernance joue un rôle uniquement réglementaire.

Mesures temporaires spéciales

18.Le Comité salue l’adoption de mesures temporaires spéciales dans différents domaines en vue de promouvoir les femmes et de lutter contre la discrimination dont elles sont victimes. Il note avec préoccupation qu’il n’y a pas suffisamment de mesures temporaires spéciales pour accroître la participation des femmes en situation particulièrement vulnérable, notamment les femmes chefs de famille, les femmes handicapées, les femmes rurales et les femmes Batwa. En outre, le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les mesures temporaires spéciales prises pour accroître la présence des femmes dans le service diplomatique et dans les syndicats, ainsi que dans tous les secteurs de l’économie, y compris l’agriculture, l’industrie horticole, la pêche et le commerce transfrontalier.

19. Le Comité recommande à l ’ État partie de lancer des campagnes de sensibilisation, notamment pour faire connaître l ’ objectif de l ’ adoption de mesures temporaires spéciales en tant que stratégie nécessaire pour accélérer la réalisation de l ’ égalité de fait des femmes. Il lui recommande également de prendre d ’ autres mesures temporaires spéciales, notamment d ’ adopter un système de parité des sexes pour la nomination et le recrutement accéléré de femmes, en particulier aux postes à responsabilité et dans tous les secteurs de l ’ économie, en mettant spécialement l ’ accent sur les femmes qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité particulière, notamment les femmes chefs de famille, les femmes handicapées, les femmes rurales et les femmes Batwa.

Stéréotypes

20.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures de sensibilisation prises par l’État partie pour lutter contre les stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société. Toutefois, il est préoccupé par le fait que ces mesures ne s’attaquent pas suffisamment à la prévalence d’attitudes patriarcales et de stéréotypes profondément ancrés qui confèrent un statut supérieur aux hommes et aux garçons et qui entraînent la subordination des femmes et des filles, ce qui porte atteinte à leur statut social et à leur autonomie, compromet leurs possibilités éducatives et professionnelles, et constitue en outre une cause sous-jacente de la violence sexiste à l’égard des femmes. À cet égard, le Comité relève également avec préoccupation les éléments suivants :

a)D’après les données existantes, dès 15 ans, les filles accomplissent chaque jour près de six heures de travail domestique de plus que les garçons du même âge et la société accepte une telle répartition inégale des tâches domestiques;

b)Les femmes sont souvent empêchées de participer à la prise de décisions au sein du ménage et les hommes ont généralement la main sur les biens du ménage;

c)De manière générale, les femmes ne sont pas acceptées aux postes de décision et il y a une certaine réticence à appliquer leurs décisions.

21.Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D e renforcer ses mesures de sensibilisation et d ’ adopter une stratégie globale d ’ élimination des attitudes patriarcales et des stéréotypes discriminatoires à l ’ égard des femmes afin de promouvoir efficacement l ’ égalité des sexes et d ’ éliminer les attitudes patriarcales et les stéréotypes profondément ancrés quant aux rôles et aux responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société. Ces mesures doivent inclure les efforts déployés en collaboration avec la société civile et les responsables communautaires pour éduquer et faire connaître l ’ égalité de fond entre femmes et hommes et pour atteindre les femmes et les hommes à tous les niveaux de la société, ainsi que les mesures éducatives ciblant l ’ ensemble de la population et l ’ enseignement obligatoire sur les droits de la femme et l ’ égalité des sexes dans les établissements scolaires, à tous les niveaux;

b) D e redoubler d ’ efforts pour lancer des campagnes d ’ information avec les médias afin de mieux faire comprendre l ’ égalité de fait entre hommes et femmes et de continuer à éliminer les stéréotypes concernant le rôle des femmes en dressant un portrait positif et non stéréotypé des femmes;

c) D ’ établir une ligne de référence et des indicateurs clairs permettant de mesurer les avancées réalisées grâce à ces stratégies et d ’ indiquer au Comité les progrès accomplis dans son prochain rapport périodique.

Violence sexiste à l’égard des femmes

22.Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour éliminer la violence sexiste à l’égard des femmes et fournir une assistance aux victimes, notamment l’adoption d’une politique nationale de lutte contre la violence sexiste assortie d’un plan stratégique et la création des centres de services intégrés Isange, de clubs mixtes de prévention de la violence sexiste dans les établissements scolaires et de guichets d’accueil des femmes au sein de la Police nationale et des Forces rwandaises de défense. Le Comité note toutefois avec préoccupation que le nombre de femmes victimes de violences sexuelles et sexistes est particulièrement élevé dans l’État partie. Il est en outre préoccupé par les faits suivants :

a)La violence sexiste à l’égard des femmes est largement acceptée par la société, situation qui est exacerbée par l’idée communément admise selon laquelle le système patriarcal traditionnel est « menacé » et par le fait que les jeunes hommes ont tendance à considérer qu’ils sont en droit de frapper leur femme;

b)Les cas de violence sexiste à l’égard des femmes sont rarement signalés parce que les victimes ont peur d’être stigmatisées ou de devenir la cible de représailles, qu’elles sont économiquement dépendantes de l’auteur de l’infraction et qu’elles ne disposent pas des informations nécessaires sur leurs droits ni sur les moyens de les faire valoir;

c)Le Code pénal punit le viol conjugal beaucoup moins sévèrement que le viol;

d)La loi no 59/2008 du 10 septembre 2008 portant prévention et répression de la violence sexiste incrimine le fait qu’une victime refuse de témoigner;

e)Il existe peu d’informations sur les moyens d’hébergement de longue durée et les dispositifs de changement du lieu de résidence des victimes de violence sexiste, et les services intégrés Isange ne sont offerts que dans les districts, ce qui contraint de nombreuses victimes à parcourir de longues distances pour les atteindre;

f)Les ressources allouées aux services qui apportent une aide médicale, psychologique et juridique aux victimes sont insuffisantes;

g)Il n’existe pas de système centralisé de collecte de données sur la violence sexiste à l’égard des femmes.

23.Rappelant sa recommandation générale n o 19 (1992) sur la violence à l ’ égard des femmes, ainsi que la cible n o 5.2 des objectifs de développement durable sur l ’ élimination de toutes les formes de violence à l ’ égard de toutes les femmes et de toutes les filles dans la vie publique et privée, y compris la traite d ’ êtres humains, l ’ exploitation sexuelle et d ’ autres formes d ’ exploitation, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D e redoubler d ’ efforts pour combattre fermement toutes les formes de violence sexiste à l ’ égard des femmes, notamment la violence familiale et la violence sexuelle, en accordant une importance particulière aux groupes défavorisés;

b) D e prendre, en coopération avec la société civile, des mesures éducatives supplémentaires destinées aux personnes de tous âges, afin d ’ éliminer la principale cause de violence sexiste à l ’ égard des femmes, à savoir la prédominance d ’ attitudes patriarcales quant à la place des femmes dans la société et aux relations entre hommes et femmes qui continuent de bafouer les droits fondamentaux des femmes sous le prétexte de « protéger la famille » ;

c) D e prendre des mesures visant à encourager les femmes victimes de violence sexiste à dénoncer ces actes, notamment en organisant des campagnes de sensibilisation de l ’ ensemble de la population, et des femmes et des filles en particulier, à mettre un terme à la stigmatisation des victimes et à mieux faire comprendre combien il importe de défendre les droits fondamentaux des femmes;

d) D ’ accélérer l ’ augmentation prévue du nombre de centres de services intégrés Isange, notamment dans les zones rurales, afin d ’ offrir aux femmes et aux filles victimes de violence sexiste et à leurs enfants la possibilité de bénéficier d ’ un hébergement de longue durée et de déménager, ainsi qu ’ une aide financière et un accès à des activités rémunératrices ;

e) D e veiller à ce que les actes de violence sexiste signalés donnent lieu à de véritables enquêtes, à ce que des poursuites soient engagées et à ce que les auteurs soient dûment punis, et d ’ accroître les ressources allouées à l ’ aide aux victimes;

f) D ’ accélérer la révision du Code pénal actuellement en cours et d ’ alourdir la peine prévue au paragraphe 199 en cas de viol conjugal afin de l ’ aligner sur la peine pour viol prévue au paragraphe 197;

g) D e modifier la loi n o 59/200 8 portant prévention et répression de la violence sexiste de façon à ce que le fait qu ’ une victime refuse de témoigner contre son agresseur ne constitue plus une infraction ;

h) D e mettre en place un système de collecte et d ’ analyse normalisées des données sur la violence sexiste à l ’ égard des femmes qui permette d ’ apprécier l ’ ampleur, l ’ évolution et les formes de cette violence et d ’ utiliser ces données pour prendre des dispositions générales et mener des interventions ciblées;

i) À la lumière des résultats de l ’ évaluation en cours, de reconduire le P lan stratégique national (2011-2016) afin de mettre en œuvre la P olitique nationale de lutte contre la violence sexiste.

Violence sexiste à l’égard des femmes dans les situations de conflit

24.Le Comité est préoccupé par des informations faisant état de graves violations des droits de l’homme commises par des membres des forces armées, notamment des viols collectifs et d’autres formes de violence sexuelle à l’égard des femmes, comme indiqué dans le rapport publié par l’ONU en 2010 sur l’inventaire des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo, sur lesquelles l’État partie n’a pas ouvert d’enquête, ce qui a conduit à l’impunité pour les auteurs de ces actes.

25.À la lumière de la recommandation générale n o 30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d ’ après - conflit, le Comité rappelle à l ’ État partie que l ’ acceptation passive de la violence passée renforce une culture du silence, de l ’ impunité et de la stigmatisation et que, aux termes de la Convention, l ’ État partie est tenu de lutter contre toutes les atteintes aux droits des femmes ainsi que contre la discrimination sexuelle et sexiste structurelle sous-jacente dont ces atteintes sont l ’ expression. Il recommande à l ’ État partie :

a) D e créer une commission d ’ enquête composée d ’ experts nationaux et internationaux chargés d ’ enquêter sur toutes les allégations mettant en cause des membres des forces armées, et de veiller à ce que les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes et à ce que les victimes obtiennent des réparations effectives et adaptées;

b) D e contrôler la manière dont le code de conduite des militaires est appliqué et de renforcer la formation ordinaire et continue aux droits des femmes et à l ’ application d ’ une politique de tolérance zéro à l ’ égard de toutes les formes de violence sexiste à l ’ encontre des femmes.

Traite des personnes et exploitation de la prostitution

26.Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour engager des poursuites à l’encontre des auteurs d’actes de traite, en particulier de femmes et de filles, l’organisation de campagnes de sensibilisation aux risques de traite et l’assistance apportée aux victimes. Il note également qu’un projet de loi sur la traite des personnes est à l’étude. Il est toutefois préoccupé par :

a)Le nombre relativement faible de poursuites engagées et de condamnations prononcées à l’encontre de trafiquants, en raison notamment du manque de ressources allouées à la police;

b)L’insuffisance des efforts de prévention, comme le montre l’augmentation signalée du nombre d’adolescentes victimes de traite à des fins d’esclavage sexuel, auxquelles ont fait miroiter la possibilité d’étudier ou de travailler à l’étranger.

27.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer l ’ adoption du projet de loi sur la traite des personnes et de veiller à ce qu ’ il soit pleinement conforme au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, assorti d ’ un plan d ’ action national complet et doté de ressources suffisantes. Il recommande également à l ’ État partie :

a) D e s ’ attaquer aux causes profondes de la traite des femmes et de leur exploitation aux fins d ’ esclavage sexuel et de prostitution en redoublant d ’ efforts pour améliorer leur situation économique;

b) D e renforcer les mesures prises pour protéger les victimes potentielles de la traite, notamment en multipliant les campagnes qui favorisent une perception commune de ce phénomène, de créer un numéro d ’ urgence gratuit, accessible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, et d ’ encourager les victimes et la population à dénoncer les cas de traite;

c) D ’ accroître les ressources humaines, techniques et financières allouées à l ’ ouverture d ’ enquête sur les auteurs d ’ actes de traite, à leur poursuite en justice et à leur condamnation.

28.Le Comité note avec préoccupation que la pauvreté continue de contraindre de nombreuses femmes à se prostituer et que l’article 205 du Code pénal incrimine la prostitution des femmes. Il se félicite de la création de programmes d’aide aux femmes qui ne veulent plus se prostituer mais craint que ceux-ci ne manquent de ressources financières.

29.Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre à profit la révision du Code pénal actuellement en cours pour :

a) D épénaliser la prostitution féminine;

b) É largir l ’ accès des travailleuses du sexe aux programmes visant à les aider à sortir de la prostitution et faire en sorte qu ’ elles disposent des moyens nécessaires pour dénoncer les cas de violence sexiste à l ’ égard des femmes;

c) M ettre en œuvre des mesures énergiques d ’ éducation et de sensibilisation à l ’ intention du grand public, notamment des hommes et des garçons, afin de réduire la demande de prostituées. Il convient de s ’ attacher en particulier à éliminer toute notion de subordination des femmes et toutes les formes de chosification des femmes.

Participation à la vie politique et publique

30.Le Comité se félicite du rôle moteur que joue l’État partie en ce qui concerne la participation des femmes au Parlement, où elles sont plus nombreuses que dans tout autre pays du monde, et leur présence relativement importante aux postes de décision, y compris à des postes de gouverneur de province et dans la magistrature. Il note toutefois avec préoccupation que les quotas obligatoires ne sont pas respectés au niveau local et que la part des femmes reste faible au niveau des districts, en particulier aux postes de direction. Il est également préoccupé par le fait que les femmes continuent à occuper moins de postes de direction dans le secteur privé que les hommes.

31.Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts en faveur de l ’ application de quotas réglementaires pour la représentation des femmes dans les organes de décision tant au niveau local qu ’ à l ’ échelle des districts, notamment:

a) E n lançant des campagnes de sensibilisation qui mettent en avant l ’ importance d ’ une pleine participation des femmes, sur un pied d ’ égalité avec les hommes, à la vie politique et publique, en particulier aux postes de décision à tous les niveaux;

b) E n dispensant une formation à l ’ égalité des sexes aux politiques, aux journalistes, aux enseignants, aux élus locaux et aux personnalités de la société civile, en particulier les hommes, pour leur faire mieux comprendre qu ’ une participation véritable, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique, sur un pied d ’ égalité avec les hommes, est indispensable pour donner plein effet à la Convention.

Éducation

32.Le Comité note avec satisfaction que le nombre de filles inscrites dans un établissement primaire ou secondaire a augmenté dans l’État partie. Il se félicite également des campagnes de sensibilisation et d’information concernant la menstruation à l’intention des garçons. Il note toutefois avec préoccupation que :

a)Le taux de passage des filles en classe supérieure est inférieur à celui des garçons, ce qui pourrait s’expliquer par le nombre élevé de grossesses précoces, le manque d’installations sanitaires pour les filles et les stéréotypes discriminatoires concernant l’éducation des femmes et des filles;

b)Bien que les notes de passage en classe supérieure aient été abaissées pour les filles, les garçons continuent d’obtenir de meilleurs résultats scolaires, en partie parce que les filles assument davantage de tâches ménagères et qu’elles ont donc moins de temps pour étudier;

c)Les filles qui tombent enceintes sont renvoyées de l’école pendant un an;

d)L’accès des femmes et des filles aux emplois traditionnellement occupés par les hommes et à l’enseignement supérieur reste faible;

e)De nombreuses filles seraient victimes de violences sexuelles à l’école commises par des enseignants, des membres du personnel administratif, d’autres élèves ou des membres de la communauté;

f)Les filles en situation de vulnérabilité, en particulier les filles handicapées, batwa ou réfugiées, se heurtent à des obstacles sociétaux, infrastructurels et économiques qui limitent leur accès à l’éducation.

33.Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les campagnes de sensibilisation pour venir à bout des attitudes traditionnelles qui font obstacle à l ’ éducation des femmes de tous âges et :

a) D e lutter contre les stéréotypes discriminatoires qui obligent les filles à assumer davantage de tâches ménagères que les garçons;

b) D e veiller à ce que tous les établissements scolaires soient dotés d ’ installations sanitaires appropriées pour les filles afin que celles-ci ne manquent des cours ou n ’ abandonnent l ’ école à cause de leurs règles;

c) D ’ abroger la suspension obligatoire des élèves enceintes et d ’ élaborer une politique générale de réintégration des filles enceintes et des mères adolescentes à l ’ école, en assurant notamment l ’ accès à des services d ’ appui tels que des conseils en matière de compétences parentales, des structures d ’ accueil pour les enfants et des services appropriés de santé sexuelle et procréative;

d) D e renforcer la sensibilisation et la formation du personnel scolaire et des élèves à la tolérance zéro en matière de violence sexiste, y compris la violence sexuelle, et de mettre en place des mécanismes permettant aux victimes et aux témoins de violences et de harcèlement sexuels à l ’ école de les dénoncer en toute confidentialité et garantissant que les auteurs de tels actes seront poursuivis et dûment punis;

e) D ’ allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour assurer une éducation inclusive aux filles et aux garçons handicapés, ainsi qu ’ un soutien financier aux filles qui n ’ ont pas les moyens d ’ acheter les fournitures scolaires, et pour garantir que toutes les filles aient accès à l ’ éducation, y compris dans les zones reculées et les camps de réfugiés, par exemple en créant des écoles mobiles.

Emploi

34.Le Comité se félicite des mesures prises pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes dans l’emploi, notamment de l’application de la loi no 13/2009 du 27 mai 2009 portant réglementation du travail au Rwanda, qui garantit en particulier l’égalité des chances et une rémunération égale pour un travail de valeur égale et qui interdit la discrimination fondée sur le sexe, la situation matrimoniale ou les responsabilités familiales, ainsi que la violence sexiste à l’égard des femmes et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)La ségrégation professionnelle des femmes, en particulier leur surreprésentation dans les emplois agricoles et informels mal rémunérés, et le taux de chômage relativement plus élevé chez les femmes, quel que soit leur niveau d’instruction;

b)Les violences et les mauvais traitements infligés aux vendeuses de rue par les agents de sécurité privés, ainsi que leur arrestation et leur détention par la police;

c)La persistance du harcèlement sexuel sur le lieu de travail dans l’État partie.

35.Le Comité recommande à l ’ État partie de promouvoir l ’ intégration des femmes dans le monde du travail et d ’ adopter une politique de l ’ emploi qui tienne compte de la problématique hommes-femmes, qui soit dotée de ressources suffisantes et qui prévoie notamment des mesures temporaires spéciales visant à promouvoir l ’ emploi des femmes‚ en particulier dans le secteur formel et dans les domaines traditionnellement réservés aux hommes, et à renforcer la formation technique et professionnelle des femmes dans ces domaines. Il recommande également à l ’ État partie:

a) D e promouvoir le partage équitable des responsabilités familiales entre les deux sexes, notamment en instaurant un congé de paternité obligatoire ou un congé parental partagé après l ’ accouchement;

b) D e prendre des dispositions concrètes pour faire bénéficier les femmes d ’ une formation professionnelle et des mesures d ’ incitation à travailler dans des domaines non traditionnels, et d ’ éliminer la ségrégation professionnelle, tant horizontale que verticale, dans les secteurs public et privé;

c) D e créer un cadre réglementaire pour le secteur informel afin d ’ offrir une protection sociale aux femmes qui y travaillent et de contrôler leurs conditions de travail ;

d) D ’ étendre la pratique de l ’ économie de marché à toutes les régions du pays, de légaliser la vente ambulante et de poursuivre et condamner toutes les formes de violence et de harcèlement à l ’ égard des vendeuses de rue;

e) D ’ appliquer rigoureusement l ’ interdiction du harcèlement sexuel, de mettre en place un dispositif permettant aux femmes qui en sont victimes de porter plainte en toute sécurité et confidentialité et de faire en sorte que chaque plainte donne lieu à une enquête et que les auteurs de tels actes soient dûment punis.

Travailleuses domestiques

36.Le Comité salue les mesures prises pour réduire le travail des enfants, notamment le travail domestique. Il est cependant préoccupé par le fait que de nombreuses filles vivant dans la pauvreté continuent d’être exploitées comme travailleuses domestiques, condition qui les expose fréquemment à la précarité, à l’exploitation par le travail, aux sévices sexuels, à des violences et au harcèlement.

37.Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre en justice et de punir sévèrement ceux qui exploitent le travail des enfants. Il recommande également à l ’ État partie de renforcer le pouvoir des inspecteurs du travail de contrôler les lieux de travail, notamment au domicile des particuliers, et de publier des informations sur ces inspections et sur les sanctions imposées pour dissuader d ’ avoir recours à l ’ exploitation par le travail, en particulier des enfants. Il recommande également que l ’ État partie:

a) Assure aux familles vivant dans la pauvreté une protection sociale suffisante et crée à leur intention des activités génératrices de revenu;

b) Conçoive et organise des campagnes de sensibilisation des travailleuses domestiques et des familles vivant dans la pauvreté pour les informer de leurs droits et des risques associés au travail domestique;

c) Garantisse aux travailleuses domestiques le droit à une aide judiciaire et l ’ accès à des mécanismes leur permettant de porter plainte, et leur fournisse une protection et un soutien adéquats ainsi que l ’ accès à des dispositifs leur permettant d ’ échapper à l ’ exploitation par le travail.

Santé

38.Le Comité note avec satisfaction que le taux de mortalité maternelle a considérablement diminué. Il note toutefois avec préoccupation que ce taux demeure relativement élevé dans l’État partie, notamment en raison du nombre insuffisant d’accoucheuses qualifiées, de mauvaises conditions d’hygiène, du manque d’accès à des soins postnatals et du manque de personnel médical qualifié et d’établissements de santé, qui se trouvent souvent à une heure de marche. Il est en outre préoccupé par les faits suivants :

a)La mortalité maternelle est encore aggravée par les avortements non médicalisés, auxquels de nombreuses femmes doivent recourir en raison de la criminalisation de l’avortement, dont la pratique n’est autorisée que dans des cas exceptionnels, sous certaines conditions difficiles à remplir, à savoir la délivrance d’une ordonnance judiciaire en cas de viol, d’inceste ou de mariage forcé, et l’autorisation de deux médecins si la santé de la femme enceinte ou du fœtus est en danger, ce qui, dans la pratique, rend l’avortement légal impossible;

b)Un nombre alarmant de femmes purgent des peines de prison pour des infractions liées à l’avortement, beaucoup ayant été arrêtées alors qu’elles cherchaient à se faire soigner d’urgence pour des complications survenues après un avortement;

c)L’accès aux formes modernes de contraception demeure insuffisant, celles-ci n’étant disponibles que dans un nombre limité d’établissements de santé;

d)L’incidence du cancer du col de l’utérus reste élevée et il n’y a pas de services de santé mentale.

39.Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts pour réduire encore le taux de mortalité maternelle, notamment en améliorant la qualité, la disponibilité et l ’ accessibilité de l ’ assistance médicale sur tout le territoire. Il recommande également que l ’ État partie :

a) Dans le cadre de la révision de son code pénal actuellement en cours, dépénalise l ’ avortement, quelles qu ’ en soient les circonstances, et supprime les lourdes exigences qui conditionnent l ’ accès à l ’ avortement légal;

b) Garantisse aux femmes l ’ accès à des soins de qualité après l ’ avortement, surtout en cas de complications résultant d ’ avortements non médicalisés;

c) Gracie les femmes qui purgent une peine de prison pour des infractions liées à l ’ avortement;

d) Assure à toutes les femmes et à toutes les filles une éducation en matière de droits et de santé sexuelle et procréative, et leur garantisse un accès adéquat aux moyens de contraception modernes et d ’ un coût abordable, y compris la contraception d ’ urgence;

e) Crée les conditions permettant aux femmes de subir régulièrement des tests de dépistage du cancer du col de l ’ utérus et d ’ avoir accès à des services de santé mentale.

Autonomisation économique des femmes

40.Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour faciliter l’accès des femmes au crédit, notamment au moyen du programme pour l’accès des femmes et des jeunes au financement (2012-2022). Il note toutefois avec préoccupation que les femmes sont souvent incapables de fournir les garanties nécessaires à l’obtention de prêts et autres formes de crédit, du fait que dans la plupart des ménages, les principaux actifs sont contrôlés par les hommes. Il est préoccupé par le fait que l’inégalité d’accès des femmes au crédit limite leur accès à différents secteurs d’activité ou les en exclue.

Le Comité recommande à l ’ État partie de faciliter l ’ accès des femmes au crédit, en particulier pour celles qui ne sont pas en mesure d ’ offrir les garanties nécessaires, par exemple en créant un fonds d ’ État accordant des petits crédits et des microcrédits aux femmes qui ne peuvent fournir une garantie ou une caution financière. Il lui recommande également d ’ intensifier ses initiatives visant à promouvoir l ’ émancipation économique à long terme des femmes.

Femmes des zones rurales

Le Comité note avec satisfaction l’adoption de plusieurs mesures législatives qui ont permis d’améliorer l’égalité des sexes dans l’accès à la terre, en particulier la loi n° 43/2013, dont la mise en œuvre s’effectue dans le cadre du Programme de régularisation du régime foncier. Il salue également les mesures prises pour réduire la pauvreté, tels le programme Vision 2020 Umurenge et la deuxième Stratégie de réduction de la pauvreté et de développement économique, qui mettent l’accent sur la problématique hommes-femmes en tant que question transversale. Il est cependant préoccupé par le fait que :

a) L ’ application de la loi n° 43/201 3 est entravée par des attitudes stéréotypées concernant le droit des femmes de posséder des biens ou d ’ en hériter et par la persistance de coutumes discriminatoires;

b) Les femmes rurales sont généralement peu au fait de leurs droits, et les coutumes discriminatoires, les attitudes patriarcales, les stéréotypes et la crainte de la stigmatisation les empêchent de s ’ en prévaloir;

c ) Beaucoup de femmes rurales continuent d ’ occuper des emplois non rémunérés ou sous-payés dans des secteurs informels ou à risque;

d) Les femmes rurales, notamment quand elles sont chefs de ménage, sont particulièrement touchées par la pauvreté et l ’ analphabétisme.

Dans le droit fil de sa recommandation générale n° 34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande que l ’ État partie :

a)Veille à ce que les femmes rurales ainsi que les autorités locales, les membres des comités de médiation (abunzi) et les magistrats soient suffisamment informés des droits des femmes en matière de propriété foncière qui sont garantis par la Convention et la nouvelle législation;

b) Veille à ce que les femmes rurales exerçant un emploi non rémunéré ou travaillant dans le secteur informel aient accès à la protection sociale non contributive conformément à la recommandation générale n° 16 (1991) sur le travail non rémunéré des femmes dans des entreprises familiales rurales et urbaines, et que celles qui travaillent dans le secteur structuré aient accès aux prestations de sécurité sociale contributives de leur propre droit, indépendamment de leur situation matrimoniale;

c) Protège la santé et la sécurité au travail des femmes rurales;

d) Donne aux femmes rurales l ’ accès à l ’ alphabétisation des adultes et lance des programmes d ’ éradication de la pauvreté spécialement destinés aux femmes.

Femmes twa

Le Comité est préoccupé par les formes de discrimination croisée et de marginalisation dont sont victimes les femmes twa, qui sont exposées à l’extrême pauvreté, au manque de services de base, à l’analphabétisme, au chômage et à la violence sexiste. Il comprend qu’à la suite du génocide, la priorité de l’État partie a été d’éviter toute forme de catégorisation fondée sur l’appartenance ethnique. Il est cependant préoccupé par le fait que cette approche contribue à occulter les problèmes spécifiques des femmes twa.

Le Comité recommande à l ’ État partie de recueillir des données sur la situation particulière des femmes twa en vue d ’ évaluer l ’ ampleur de la discrimination dont elles sont victimes, notamment des formes de discrimination croisée, et de prendre des mesures pour y remédier. Il recommande également à l ’ État partie de garantir l ’ égalité d ’ accès des femmes twa aux services de base, de lancer des programmes d ’ alphabétisation à leur intention et de mener des campagnes de sensibilisation pour les informer de la manière dont elles peuvent exercer les droits que leur reconnait la Convention, notamment en signalant les violences sexistes et en bénéficiant des programmes d ’ aide aux victimes.

Femmes handicapées

Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour apporter un soutien aux femmes handicapées. Il relève toutefois avec préoccupation que la loi n° 01/2007 du 20 janvier 2007 relative à la protection des personnes handicapées en général ne prévoit pas de mesures spécifiques pour les femmes et les filles handicapées. Il est également préoccupé par :

a)Le nombre très réduit de femmes handicapées occupant des postes de responsabilité, un seul siège du Parlement étant réservé à une personne handicapée;

b)Le manque d’information sur l’accès des femmes et des filles handicapées aux services et aux droits en matière de sexualité et de procréation.

47. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des dispositions législatives tendant à l ’ élimination des formes de discrimination croisée à l ’ encontre des femmes et des filles handicapées. Il recommande également à l ’ État partie d ’ adopter des mesures spéciales, par exemple l ’ augmentation du nombre de sièges parlementaires réservés aux femmes handicapées, afin d ’ accroître leur représentation dans les institutions politiques à tous les niveaux, et de veiller à ce qu ’ elles aient pleinement accès à l ’ information sur les services et les droits en matière de sexualité et de procréation et sur les moyens d ’ en bénéficier.

Femmes et filles réfugiées

Le Comité félicite l’État partie d’avoir accepté un grand nombre de réfugiés. Il n’en est pas moins préoccupé par :

a)La forte prévalence des violences sexistes à l’encontre des femmes et des filles, notamment les violences sexuelles telles que le viol et la prostitution dite de survie, à l’intérieur et aux abords des camps de réfugiés, ce qui, de surcroît, explique en grande partie le nombre relativement élevé de grossesses chez les adolescentes;

b)Le faible taux de dénonciation des violences sexuelles et sexistes par les femmes et les filles réfugiées, notamment par crainte de représailles;

c)Le risque élevé de traite des femmes et des filles parmi les réfugiées;

d)Les mauvaises conditions de sécurité pour les femmes et les filles dans les camps de réfugiés;

e)L’accès limité à l’assistance pour les femmes et les filles réfugiées qui sont victimes de violences sexuelles et sexistes, en raison, entre autres, de l’éloignement des camps de réfugiés des centres de services intégrés Isange.

49. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur la recommandation générale n° 32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d ’ asile, de nationalité et d ’ apatridie. Il recommande que l ’ État partie :

a) Améliore les conditions de sécurité à l ’ intérieur et aux abords des camps de réfugiés, notamment en y déployant un nombre suffisant d ’ agents de police, notamment féminins, en veillant à ce que l ’ éclairage à l ’ intérieur et aux abords des camps soit suffisant, en ouvrant des centres de services intégrés Isange à proximité des camps et en garantissant aux femmes et aux filles l ’ accès à un abri et à de la nourriture pour elles-mêmes et leurs enfants afin d ’ éviter la prostitution dite de survie;

b) Mette en place des mécanismes confidentiels de dépôt de plainte pour les femmes et les filles réfugiées victimes d ’ atteintes à leurs droits, et améliore leur accès à la justice, notamment par la tenue d ’ audiences foraines dans les camps, et assure une protection suffisante aux victimes et aux témoins, notamment par la non-divulgation de leur identité et l ’ accès à un hébergement approprié;

c) Renforce les mesures prises pour prévenir la traite des personnes dans les camps de réfugiés.

Mariage et relations familiales

50.Le Comité note avec préoccupation que les femmes vivant en union libre, notamment les femmes mariées selon le droit coutumier ou partenaires d’un mariage polygame, manquent de protection juridique, la loi ne reconnaissant que le mariage civil monogame entre un homme et une femme. Il note par exemple que les femmes vivant en union libre n’ont droit à aucune part des actifs de leur partenaire, y compris leurs terres. Alors que la loi n° 59/2008 sur la prévention et la répression de la violence sexiste prévoit une répartition égale des biens détenus en commun par les partenaires d’une union libre, une telle copropriété est difficile à prouver par les femmes vivant en union libre en l’absence de certificats de propriété.

51. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa recommandation générale n° 29 (2013) relative aux conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution. Tout en recommandant à l ’ État partie de continuer d ’ encourager la régularisation des mariages et de décourager la pratique de la polygamie, qui est contraire à la Convention et à la dignité des femmes et des filles, il recommande également à l ’ État partie de garantir la protection juridique des droits économiques des femmes vivant en union libre.

Modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

52. Le Comité prie l ’ État partie d ’ accepter au plus vite la modification apportée au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention relatif à la période de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l ’ État partie de tenir compte de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing dans ses initiatives visant à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Transformer notre monde : le Programme de développement durableà l’horizon 2030

Le Comité appelle à la réalisation de l ’ égalité effective entre les sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Diffusion

55. Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient communiquées en temps utile, dans ses langues officielles, aux institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et à l ’ appareil judiciaire, afin d ’ en assurer l ’ application intégrale.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie de lier la mise en œuvre de la Convention à ses efforts de développement et de recourir à cette fin à l ’ assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme renforcerait l ’ exercice par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage dès lors l ’ État partie à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, à laquelle il n ’ est pas encore partie.

Suivi des observations finales

58. Le Comité demande à l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des renseignements sur les mesures qu ’ il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant aux alinéas d) et e) du paragraphe 23, à l ’ alinéa b) du paragraphe 25 et à l ’ alinéa b) du paragraphe 27 ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son dixième rapport périodique en mars 2021. En cas de retard, le rapport devra couvrir toute la période allant jusqu ’ à la date de soumission.

Le Comité demande à l ’ État partie de suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des traités internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, y compris les directives relatives à un document de base commun et à des documents spécifiques aux différents traités (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).