Cinquante-deuxième session

9-27 juillet 2012

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Samoa

Le Comité a examiné le quatrième-et-cinquième rapport périodique de Samoa (CEDAW/C/WSM/4-5) à ses 1055e et 1056e séances le 19 juillet 2012 (voir CEDAW/C/SR.1055 et 1056). La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document paru sous la cote CEDAW/C/WSM/Q/4-5 et les réponses du Gouvernement samoan dans CEDAW/C/WSM/Q/4-5/Add.1

A.Introduction

Le Comité prend note du fait que Samoa a présenté son quatrième et cinquième rapport périodique, lequel a, d’une manière générale, suivi les principes directeurs du Comité concernant l’établissement des rapports, regrettant toutefois que le rapport vienne avec beaucoup de retard et ne contienne pas de données récentes, ventilées selon le sexe. Le Comité remercie l’État partie de son exposé oral, des réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par son groupe de travail d’avant-session ainsi que des clarifications apportées par la suite aux questions posées oralement par le Comité.

Le Comité se félicite du niveau élevé de la délégation de l’État partie, dirigée par S.E. Mme Gatoloaifaana Amataga Gidlow, Ministre associée de la condition de la femme, des collectivités et du développement social de Samoa, délégation qui comprenait aussi plusieurs représentants de ministères ayant des compétences dans les domaines couverts par la Convention. Le Comité apprécie le dialogue ouvert et constructif qui a eu lieu entre la délégation et ses membres, tout en notant que les réponses à certaines questions étaient vagues et que certaines questions soient demeurées sans réponse.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des progrès accomplis depuis l’adoption des précédentes observations finales en 2005, notamment des réformes législatives qui ont été entreprises et de l’adoption d’un ensemble de mesures législatives. On renvoie spécifiquement aux textes ci-après :

a)Loi sur le divorce et les affaires matrimoniales (2012);

b)Loi sur l’éducation (2009);

c)Loi sur la justice communautaire (2008);

d)Loi sur la lutte contre le tabagisme (2008);

e)Loi sur la santé mentale (2007);

f)Loi sur les enregistrements des professions et normes médicales (2007);

g)Loi sur les soins infirmiers et obstétriques (2007).

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption des politiques suivantes :

a)Plan national pour la promotion de la femme 2008-2012;

b)Politique nationale de prévention du VIH/sida (2011);

c)Politique nationale de prévention et de maitrise des MNT (2011);

d)Politique nationale de santé génésique (2010);

e)Politique nationale concernant les personnes handicapées (2009).

Le Comité note avec satisfaction la mise en place de la Commission de réforme des lois avec pour mission de vérifier la conformité de la législation nationale aux instruments internationaux qui ont été ratifiés par l’État partie, notamment la Convention.

Le Comité se réjouit que l’État partie ait adhéré en 2008 au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

C.Principaux domaines de préoccupation et recommandations

Le Comité rappelle que l’État partie est tenu de mettre continuellement et systématiquement en œuvre toutes les dispositions de la Convention et considère que les préoccupations et les recommandations dont il est fait état dans les présentes observations finales appellent l’attention prioritaire de l’État partie dès maintenant et jusqu’à la présentation du présent rapport périodique. Aussi le Comité engage-t-il vivement l’État partie à concentrer son attention sur ces domaines dans la mise en œuvre des activités correspondantes et à indiquer dans son prochain rapport périodique les mesures qui auront été prises et les résultats obtenus. Le Comité demande à l’État partie de communiquer les présentes observations finales à tous les ministères compétents, au Parlement et au judiciaire afin d’en assurer la pleine mise en œuvre.

Parlement

Tout en réaffirmant que c’est au Gouvernement qu’incombe au premier chef la pleine mise en œuvre des obligations que la Convention fait à l’État partie et qu’il en est particulièrement comptable à ce titre, le Comité souligne que la Convention lie tous les compartiments de l’appareil d’État et il invite l’État partie à encourager le Parlement à prendre, conformément à ses procédures et dans les cas appropriés, les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales dès maintenant et jusqu’à la présentation du prochain rapport que prévoit la Convention.

Visibilité de la Convention et des recommandations générales du Comité

Le Comité s’inquiète du fait que la Convention, son principe d’égalité fondamentale des sexes et ses recommandations générales sont généralement méconnus dans l’État partie, et en particulier dans le judiciaire et autres instances chargées de faire respecter l’application des lois. Il s’inquiète aussi de constater que les femmes elles-mêmes, surtout celles qui vivent dans des zones rurales et écartées, ignorent les droits que leur reconnait la Convention et ne disposent pas, de ce fait, de l’information nécessaire pour les revendiquer.

Le Comité demande à l’État partie :

a) de prendre les mesures nécessaires pour assurer la bonne diffusion du texte de la Convention et des observations générales du Comité entre toutes les parties prenantes, et notamment les ministères, les parlementaires, le judiciaire, les agents de la force publique et les responsables communautaires, afin de susciter une prise de conscience des droits humains des femmes et de mettre solidement en place dans le pays une culture du droit attachée à l’égalité des femmes et à l’absence de discrimination à leur égard;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre les femmes plus conscientes de leurs droits et pour renforcer les moyens de leur donner réalité, en particulier dans les zones rurales et reculées, notamment en leur fournissant des informations sur la Convention par l’utilisation de toutes les mesures appropriées, comme la coopération avec la société civile et les médias.

Statut juridique de la Convention et définition de la discrimination à l’égard des femmes

Le Comité juge préoccupant que la Convention n’ait pas encore été pleinement transposée dans le droit interne, bien que l’État partie l’ait ratifiée sans réserve en 1992 et qu’il ait créé la Commission de la réforme du droit en 2008 afin d’examiner la compatibilité de la législation interne avec ses dispositions. Le Comité s’inquiète en outre que l’État partie n’ait pas encore adopté, ni a fortiori intégré dans la Constitution ou quelque autre texte pertinent, de définition de la discrimination à l’égard des femmes, tant directe qu’indirecte, telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention.

  Le Comité réitère sa recommandation précédente (CEDAW/C/WSM/CC/1-3, par. 21) et exhorte l’État partie :

a) À s’attacher tout particulièrement à transposer toutes les dispositions de la Convention dans son ordre juridique, pour conférer un rôle central à la Convention en vue d’éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;

b) À inclure dans la Constitution ou dans un autre texte interne une définition de la discrimination à l’égard des femmes conçue sur le modèle de l’article premier de la Convention.

Mécanisme national de promotion de la femme

S’il se réjouit des efforts déployés par le Ministère de la condition de la femme, des communautés et du développement social pour veiller à l’épanouissement des femmes dans tous les secteurs de la société samoane, notamment l’adoption d’un plan national de promotion de la femme pour 2008-2012, le Comité constate avec préoccupation que seules 21 des 104 personnes employées par le Ministère sont chargées des questions concernant la problématique hommes-femmes et que 10 % seulement du budget sont consacrés à l’amélioration de la condition de la femme, ce qui risque de ne pas suffire pour que des politiques de promotion de l’égalité entre les sexes soient dûment élaborées et pleinement appliquées dans tous les ministères et services publics.

  Le Comité encourage l’État partie :

a) À renforcer sans tarder le Ministère de la condition de la femme, des communautés et du développement social, en le dotant de ressources humaines, financières et techniques suffisantes pour lui permettre de coordonner les activités et de faire progresser l’égalité entre les sexes et la prise en compte de la problématique hommes-femmes dans l’ensemble des politiques et programmes de tous les secteurs et à tous les niveaux du Gouvernement;

b) À renforcer ses mécanismes d’évaluation des résultats afin que ses politiques de promotion de l’égalité entre les sexes et leur exécution fassent l’objet d’un suivi et d’une évaluation.

Institutions nationales de défense des droits de l’homme

Tout en notant l’existence d’un bureau de l’Ombudsman dans l’État partie, le Comité s’inquiète que cette institution manque de moyens et qu’il y soit rarement fait appel pour le traitement des plaintes. Par ailleurs, bien que l’État partie l’ait informé qu’il bénéficiait d’une assistance technique et financière internationale en vue d’établir une commission des droits de l’homme relevant du bureau de l’Ombudsman et qu’il avait élaboré un projet de plan stratégique relatif aux conditions à réunir pour la création de cette institution, le Comité déplore de ne pas disposer de renseignements plus précis quant au calendrier prévu pour la mise en place de ladite commission.

Le Comité exhorte l’État partie à créer une institution nationale indépendante de défense des droits de l’homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales (Principes de Paris) et selon un calendrier clairement défini.

Mesures temporaires spéciales

S’il note la proposition, en cours d’examen au Parlement, qui tend à fixer un quota de 10 % pour les femmes, le Comité craint que ce quota soit insuffisant et que l’État partie n’ait qu’une compréhension lacunaire du but et de la nécessité de mesures temporaires spéciales prévues au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et dans la recommandation générale no 25 du Comité. Il juge donc préoccupant que les mesures temporaires spéciales ne soient pas systématiquement mises en œuvre alors qu’elles sont nécessaires pour accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre les hommes et les femmes dans les domaines couverts par la Convention, en particulier l’emploi et la participation à la vie politique et publique, dans lesquels les femmes sont sous-représentées ou désavantagées.

Le Comité encourage l’État partie à adopter des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, tel qu’interprété dans la recommandation générale n o  25, dans tous les domaines couverts par la Convention dans lesquels les femmes sont sous-représentées ou désavantagées. À cette fin, il recommande à l’État partie :

a) De fixer des objectifs assortis de délais et d’allouer des ressources suffisantes à la mise en œuvre de stratégies, comme des programmes de sensibilisation et d’appui, l’établissement de quotas et d’autres mesures volontaristes et pragmatiques, visant à instaurer une égalité de fait entre les hommes et les femmes, en particulier dans les domaines de l’emploi et de la participation à la vie politique et publique;

b) De sensibiliser les parlementaires, les agents de l’État, les employeurs et le grand public à la nécessité de recourir à des mesures temporaires spéciales et de présenter, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur l’application de ces mesures et leurs effets.

Stéréotypes et pratiques pernicieuses

Le Comité reconnaît la richesse de la culture et des traditions de l’État partie et leur importance dans la vie quotidienne. Il se déclare toutefois gravement préoccupé par la persistance de normes, pratiques, traditions et mentalités patriarcales pernicieuses et de préjugés profondément ancrés en ce qui concerne le rôle, les responsabilités et l’identité des femmes et des hommes dans tous les domaines de la vie, et par le peu d’efforts engagés par l’État partie pour mettre fin à ces pratiques discriminatoires. Il convient de citer en particulier le fait que les femmes ne peuvent guère prétendre au titre de chef de famille (matai), la discrimination que subissent les femmes mariées à des hommes dépourvus de titre et le bannissement de familles par les conseils de village. Le Comité s’inquiète que de telles coutumes et pratiques perpétuent la discrimination à l’égard des femmes et des filles. En effet, les femmes et les filles se trouvent dans une situation défavorable et d’inégalité dans de nombreux domaines tels que l’éducation, la vie publique et le pouvoir de décision, et elles continuent de faire l’objet de violences. Le Comité constate également avec inquiétude que l’État partie n’a pas encore pris de mesures soutenues pour modifier ou éliminer des stéréotypes et des valeurs et pratiques traditionnelles pernicieuses.

Le Comité prie instamment l’État partie :

a) De mettre en place, sans tarder, une stratégie globale visant à modifier ou éliminer les pratiques patriarcales et les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes, en application des dispositions de la Convention. Il s’agit notamment d’organiser, de concert avec la société civile et les responsables locaux, des campagnes d’information et de sensibilisation sur ce sujet à l’intention des femmes et des hommes à tous les niveaux de la société;

b) D’élargir les programmes de sensibilisation du public, notamment en milieu rural;

c) D’adopter des mesures novatrices visant à faire mieux comprendre le principe de l’égalité des sexes en faisant appel aux médias, et de recourir au système d’enseignement pour promouvoir une image positive et non stéréotypée des femmes;

d) D’assurer le suivi et l’examen des mesures prises de façon à en évaluer l’incidence et à prendre les décisions qui s’imposent.

Violence à l’encontre des femmes

Tout en notant que de nouveaux textes, à savoir le projet de loi de 2010 sur la sécurité de la famille et le projet de loi de 2011 sur les délits, érigeant le viol conjugal en infraction pénale, ont été établis et déposés au Parlement, le Comité n’en demeure pas moins préoccupé par le nombre élevé de cas de violences faites aux femmes dans l’État partie, en particulier les violences commises au sein de la famille et la violence sexuelle, et par le manque d’information et de données statistiques sur la nature, l’ampleur et les causes de ces violences. Le Comité est profondément préoccupé par le fait que les violences faites aux femmes semblent être légitimées par la société, qu’elles s’accompagnent d’une culture du silence et de l’impunité et que, dans bon nombre de cas, les violences ne soient pas déclarées, sachant qu’elles sont considérées comme une « affaire privée » qui ne doit pas sortir de la famille. Le Comité note avec préoccupation qu’en dépit de la création en 2007 d’une unité spéciale chargée de la violence familiale au sein du Ministère de la police et des prisons, les services de protection des victimes et les mesures de répression sont insuffisants et, par ailleurs, l’État partie ne compte aucun refuge pour les femmes victimes de violences.

Le Comité prie instamment l’État partie : 

a) De mettre en place des mesures globales permettant de prévenir et de combattre les violences faites aux femmes et aux filles, en reconnaissant que ces violences sont une forme de discrimination à l’égard des femmes et constituent une violation des droits fondamentaux qui leur sont conférés par la Convention, et en veillant à ce que les femmes et les filles victimes de violence puissent immédiatement bénéficier de mesures de réparation et de protection et que les auteurs soient poursuivis et punis, conformément à la recommandation générale n o  19 du Comité;

b) De dispenser une formation obligatoire aux juges et aux procureurs sur l’application stricte des dispositions légales afférentes aux violences contre les femmes et de former les agents des forces de l’ordre aux procédures à suivre lorsque des femmes sont victimes de violences;

c) D’inciter les femmes à signaler les actes de violence familiale et sexuelle, en cessant de stigmatiser les victimes et en faisant prendre conscience de la nature criminelle de tels actes;

d) D’apporter une aide et une protection adéquates aux femmes victimes de violences en créant des refuges, en particulier dans les zones rurales, et en coopérant davantage avec les organisations non gouvernementales qui offrent aux victimes un refuge et des services de réadaptation;

e) De recueillir des données statistiques sur les violences familiales et sexuelles ventilées par sexe, âge, nationalité et relation entre la victime et l’auteur.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité est préoccupé par l’absence de statistiques ventilées en fonction du sexe et de la situation géographique sur la traite d’êtres humains et l’exploitation de la prostitution sur le territoire de l’État partie. Il s’inquiète également qu’aucune mesure ne soit prise pour prévenir l’exploitation de la prostitution et s’attaquer à ses causes profondes, et pour protéger les victimes et leur assurer certains services. Le Comité constate en outre avec préoccupation que l’État partie n’a ratifié aucun instrument international de lutte contre la traite et l’exploitation de la prostitution. 0

Le Comité exhorte l’État partie à appliquer pleinement l’article 6 de Convention, notamment :

a) À faire figurer dans son prochain rapport des informations et des données sur la prévalence de l’exploitation de la prostitution et de la traite d’êtres humains;

b) À mener des études et des enquêtes à cette fin, notamment sur la prévalence de la prostitution, et à faire appel à l’assistance internationale, en cas de besoin;

c) À s’attaquer aux causes profondes de la traite et de la prostitution, notamment la pauvreté, afin que les filles et les femmes ne fassent plus l’objet de l’exploitation sexuelle et de la traite, et à s’employer à assurer la réadaptation et la réinsertion sociale des victimes;

d) À ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et les autres instruments internationaux pertinents.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité est préoccupé par la sous-représentation des femmes dans toutes les sphères de la vie politique et publique, en particulier au Parlement, dans les institutions judiciaires, dans le corps diplomatique, dans les organes de décision chargés de l’éducation et de l’administration dont les postes sont pourvus par nomination, et au Gouvernement. Le Comité trouve également préoccupant que les femmes ne sont éligibles que si elles détiennent un titre de chef (matai) et que, même si le nombre de femmes auxquelles ce titre est conféré a légèrement augmenté, certains villages interdisent encore l’octroi de ce titre aux femmes et la participation de celles-ci au conseil de village. Le Comité s’inquiète, enfin, des obstacles systématiques qui empêchent les femmes de participer à la vie politique sur un pied d’égalité avec les hommes, tels que les préjugés culturels, l’absence d’un système de quotas adéquat, l’insuffisance des efforts visant à renforcer les capacités des candidates éventuelles, le manque de ressources financières et le défaut d’appui logistique.

  Le Comité demande à l’État partie :

a) De faire le point sur l’utilisation des mesures temporaires spéciales prévues au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention interprété à la lumière des recommandations générales n os  23 et 25 du Comité et de fixer des quotas suffisants afin d’atteindre plus rapidement l’objectif d’une représentation égale des femmes dans toutes les sphères de la vie publique et professionnelle, notamment aux postes de décideur et dans l’administration locale;

b) De veiller à ce que les femmes, qu’elles détiennent ou non un titre de chef, puissent participer à la vie politique et publique tout autant que les hommes, notamment à la planification, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des politiques de développement et des projets entrepris par les collectivités locales;

c) De dispenser une formation à l’égalité des sexes aux responsables politiques, aux journalistes, aux enseignants et aux notables locaux, aux hommes en particulier, afin de leur faire prendre davantage conscience qu’une participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique est indispensable à la mise en œuvre intégrale de la Convention.

Éducation

Le Comité accueille favorablement le programme national et le plan d’action en faveur de l’éducation pour tous et félicite l’État partie des progrès réalisés en matière d’éducation des filles et des femmes, comme en témoigne la parité à l’école primaire. Le Comité s’inquiète toutefois de la grande proportion d’élèves abandonnant l’école entre le primaire et le secondaire (46 %) et de l’absence de renseignements sur le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur. Notant que l’État partie a adopté en 2009 une loi sur l’éducation visant à bannir totalement les châtiments corporels infligés à l’école, le Comité est cependant préoccupé par le nombre élevé de filles qui sont victimes d’actes de violence et de harcèlement sexuel commis par des enseignants. Le Comité est également préoccupé par le taux d’abandon scolaire élevé chez les filles, dont seule une faible proportion poursuivent et terminent leurs études, en particulier dans l’enseignement secondaire et supérieur, à cause des grossesses précoces, des pratiques traditionnelles et culturelles discriminatoires et de la pauvreté, notamment dans les zones rurales. En outre, le Comité craint que les opinions conservatrices exprimées aussi bien par les étudiants que les enseignants tendent à orienter les étudiantes vers des domaines d’études jugées convenir au rôle qui revient aux femmes dans la société et la vie publique.

Le Comité prie instamment l’État partie de mieux respecter les dispositions de l’article 10 de la Convention et de sensibiliser le public à l’importance de l’éducation, qui est un droit fondamental et la condition première de l’autonomisation des femmes. À cette fin, il demande instamment à l’État partie :

a) De s’attaquer aux problèmes faisant obstacle à l’éducation des femmes et des filles, notamment les préjugés culturels et la quantité excessive de travaux ménagers qui leur incombe, de prendre des mesures pour réduire et prévenir le décrochage scolaire chez les filles, et de faire mieux appliquer les politiques de rescolarisation permettant aux filles de reprendre leurs études;

b) De mettre en œuvre des mesures pour éliminer les stéréotypes traditionnels et les obstacles structurels qui peuvent dissuader les filles d’entreprendre des études secondaires et supérieures dans les disciplines scientifiques et mathématiques;

c) De redoubler d’efforts pour fournir aux filles des services d’orientation professionnelle afin de leur faire découvrir des carrières non traditionnelles, en particulier dans les domaines techniques;

d) D’instaurer des conditions permettant aux filles de faire des études en toute sécurité, sans subir de discrimination ni de violence, et d’adopter des mesures pour protéger les filles contre les violences et le harcèlement sexuels à l’école, particulièrement dans les zones rurales;

e) D’intensifier les activités de sensibilisation et de formation à l’intention du personnel des écoles et des élèves, ainsi que les efforts visant à sensibiliser les enfants grâce aux médias, et d’établir des mécanismes permettant de signaler les cas de violences et de harcèlement sexuels à l’école et de garantir que les auteurs de telles infractions soient poursuivis et punis;

f) De faire en sorte que l’attention accordée au fait que les résultats scolaires des garçons ne soient pas satisfaisants ne conduise pas à un recentrage des politiques et stratégies qui négligerait les filles et leurs besoins d’éducation.

Emploi

S’il note avec satisfaction que le nouveau projet de loi de 2011 sur les relations de travail, qui tient compte des normes et principes définis dans la Convention concernant l’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale (Convention no 100) et dans la Convention concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession (Convention no 111) a franchi les étapes de la première et de la deuxième lectures au Parlement, le Comité s’inquiète de la ségrégation horizontale et verticale et de l’écart de rémunération entre les sexes qui caractérisent encore le monde du travail. Le Comité est également préoccupé par le fait que le secteur structuré n’ouvre que peu de possibilités d’emploi aux femmes, lesquelles travaillent essentiellement dans le secteur non structuré qui n’offre pas de prestations comme la sécurité sociale, ainsi que le reconnaît l’État partie. Enfin, le Comité trouve préoccupant que la durée du congé de maternité soit limitée à six semaines dans les deux secteurs, ce qui est contraire aux conventions de l’Organisation internationale du Travail que l’État partie a ratifiées.

Le Comité prie instamment l’État partie :

a) De s’attacher tout particulièrement à adopter le projet de loi sur les relations de travail suivant un calendrier précis;

b) D’établir un cadre réglementaire pour le secteur non structuré afin que les femmes qui y travaillent bénéficient de la sécurité et d’autres prestations;

c) De ratifier la Convention 103 de l’OIT concernant la protection de la maternité et la Convention 156 de l’OIT concernant le congé parental et d’adopter des mesures portant la durée du congé de maternité à 14 semaines dans les secteurs public et privé;

d) De prendre des mesures temporaires spéciales pour mettre un terme à la ségrégation professionnelle verticale et horizontale, l’idée étant d’éliminer progressivement les écarts entre les hommes et les femmes, conformément aux conventions de l’Organisation internationale du Travail.

Santé

S’il se félicite de l’adoption du nouveau plan relatif au secteur de la santé pour 2008-2018, le Comité s’inquiète de la situation des femmes en matière de santé, en particulier celle des femmes vivant dans les zones rurales, qui ont bien du mal à obtenir, au moment où elles en ont besoin, des soins de santé satisfaisants et d’un coût abordable. Le Comité s’inquiète également du taux élevé de grossesses chez les adolescentes et du fait que les programmes d’éducation sexuelle en place ne suffisent pas et n’accordent peut-être pas l’attention voulue à tous les aspects de la prévention, notamment la prévention des maladies sexuellement transmissibles, comme en atteste le taux élevé de personnes concernées dans le pays (selon l’enquête 2008, 32,8 % de la population présente au moins une maladie sexuellement transmissible). Le Comité juge préoccupant que l’avortement soit une infraction passible d’une peine d’emprisonnement de sept ans, ce qui pousse les femmes à se faire avorter illégalement et dans de mauvaises conditions sanitaires, mettant ainsi en péril leur vie et leur santé. Le Comité constate avec inquiétude que 46 % des femmes ne peuvent accéder que de façon très limitée à des services de qualité en matière de santé procréative et sexuelle, en particulier dans les zones rurales, et qu’elles ne puissent pas se procurer de moyens de contraception sans le consentement d’un parent ou de leur conjoint.

Le Comité prie instamment l’État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour que les femmes aient davantage accès aux soins de santé et autres services de santé, comme le préconise la recommandation générale n o  24 du Comité;

b) De réexaminer les lois en vigueur en matière d’avortement en vue d’en supprimer les dispositions prévoyant des sanctions à l’égard des femmes qui se font avorter et de leur donner accès à des services de qualité pour faire face aux complications découlant d’un avortement pratiqué dans de mauvaises conditions sanitaires;

c) De redoubler d’efforts pour qu’un plus large public sache qu’il existe des moyens de contraception d’un coût abordable et y ait accès dans tout le pays, et de veiller à ce que les femmes vivant dans des zones rurales ou reculées puissent librement se procurer des informations et des services de planification de la famille;

d) De promouvoir largement l’information des adolescents et adolescentes concernant la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, en accordant une attention particulière aux grossesses précoces et au contrôle des maladies sexuellement transmissibles, y compris du VIH/sida.

Les femmes des zones rurales

Le Comité se déclare préoccupé par le fait que les femmes qui vivent en milieu rural, soit la majorité des Samoanes (78 %), soient défavorisées et qu’elles vivent dans la pauvreté, qu’elles aient du mal à bénéficier de services sanitaires et sociaux et ne participent guère à la prise de décisions à l’échelle locale. Il s’inquiète également qu’en dépit de l’instauration du plan de développement du secteur de l’eau pour 2008-2013 (Water for Life: Water Sector Plan and Framework Action 2008-2013) et des associations regroupant les services indépendants de distribution des eaux (Independent Water Schemes Associations), les femmes rurales n’ont qu’un accès limité à l’eau propre et à des services d’assainissement adéquats. S’il prend note du fait que l’État partie examine actuellement sa loi sur l’utilisation des terres et les titres de propriété en vue d’en modifier les dispositions discriminatoires, le Comité juge préoccupant que les coutumes et pratiques traditionnelles discriminatoires soient monnaie courante, lesquelles empêchent les femmes, en milieu rural en particulier, d’hériter ou de devenir propriétaires de terres et d’autres biens.

Le Comité prie l’État partie :

a) D’accorder une attention particulière aux besoins des femmes rurales de sorte qu’elles puissent bénéficier de services de santé, d’éducation, de distribution d’eau propre et d’assainissement et des projets qui génèrent des revenus;

b) D’éliminer toutes les formes de discrimination touchant les droits de propriété, de copropriété et de succession foncière;

c) De corriger les coutumes et pratiques traditionnelles négatives, en particulier dans les zones rurales, qui empêchent les femmes de jouir pleinement du droit de propriété.

Les femmes handicapées

Le Comité juge préoccupant que, comme l’affirme le Rapport mondial sur le handicap publié par l’Organisation mondiale de la Santé en 2011, au moins 15 % des Samoanes vivent avec une certaine forme de handicap. Le Comité relève que le Ministère des femmes, de la communauté et du développement social a adopté en 2009 une politique nationale pour les personnes handicapées et un plan d’action connexe, mais s’inquiète de ce que les femmes handicapées soient fortement touchées par la pauvreté, ne bénéficient guère de services d’éducation, d’emploi et de santé, en particulier dans les zones rurales, et ne soient pas représentées dans les instances dirigeantes et les organes de prise de décisions.

Le Comité demande à l’État partie de prendre des mesures préventives et axées sur les résultats, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la politique nationale pour les personnes handicapées et du plan d’action connexe, d’éliminer les multiples formes de discrimination à l’égard des femmes handicapées et de protéger leurs droits fondamentaux et leur dignité.

Mariage et relations familiales

S’il note avec satisfaction que la nouvelle loi sur le divorce et les affaires matrimoniales de 2010 a instauré de nouveaux motifs de divorce, comme la violence conjugale, le Comité s’inquiète de la persistance de lois et pratiques coutumières discriminatoires, notamment dans les zones rurales et au sein de communautés éloignées de tout, en ce qui concerne, notamment, le mariage et sa dissolution, l’héritage et les droits de la propriété. Le Comité s’inquiète en outre de constater que la loi prévoit des âges d’accès au mariage différents pour les femmes et les hommes – 16 ans pour les femmes et 18 ans pour les hommes. Le Comité s’inquiète aussi de constater que le Tribunal de la famille n’ait pas encore été établi.

Le Comité demande à l’État partie :

a) D’amender sans retard toutes les dispositions et règles administratives discriminatoires relatives à la famille, au mariage et au divorce et de prendre toutes les mesures administratives nécessaires pour assurer aux femmes une part égale à tous les biens matrimoniaux;

b) De relever à 18 ans l’âge du mariage pour les femmes, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 16 de la Convention, à la recommandation générale 21 du Comité et à la Convention relative aux droits de l’enfant;

c) D’établir un Tribunal de la famille chargé de traiter d’affaires relatives à la famille.

Collecte de données

Le Comité est préoccupé par l’absence générale de données récentes fournies par l’État partie. Il fait savoir que l’existence de données actualisées ventilées par sexe, âge, race, ethnicité, lieu géographique et profil socioéconomique, par exemple, est nécessaire pour apprécier exactement la situation des femmes, pour savoir si elles souffrent de discrimination, pour élaborer des politiques éclairées et ciblées et pour suivre et évaluer de manière systématique les progrès accomplis vers la réalisation de l’égalité fondamentale des femmes dans tous les domaines sur lesquels porte la Convention.

Le Comité demande à l’État partie de renforcer la collecte, l’analyse et la diffusion de données globales ventilées selon le sexe, l’âge, la race, l’ethnicité, le lieu géographique et le profil socioéconomique ainsi que d’indicateurs mesurables permettant d’évaluer les tendances qui se dessinent dans la situation des femmes et les progrès qu’elles font vers la réalisation de leur égalité fondamentale dans tous les domaines sur lesquels porte la Convention. Il appelle à cet égard l’attention de l’État partie sur la recommandation générale 9 du Comité (1989) sur l’établissement de données statistiques concernant la situation des femmes et il l’encourage à établir des indicateurs non sexistes qui puissent être utilisés dans la définition, la mise en œuvre, le suivi, l’évaluation et, au besoin, la révision des politiques de la femme et de l’égalité des sexes.

Protocole facultatif

Le Comité demande à l’État partie de ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

Modification du paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention

Le Comité encourage l’État partie à accélérer l’acceptation de la modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’Action de Beijing

Le Comité engage vivement l’État partie à utiliser pleinement, pour répondre aux obligations que lui fait la Convention, la Déclaration et Programme d’Action de Beijing, qui renforce les dispositions de la Convention, et il lui demande d’inclure des informations sur ce point dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le Développement

Le Comité souligne que la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement passe par une mise en œuvre pleine et entière de la Convention. Il demande que tous les efforts qui tendent à la réalisation de ces objectifs soient marqués par un souci d’égalité des sexes et une traduction explicite des dispositions de la Convention et il prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur ce point.

Diffusion des observations générales du Comité

Le Comité souhaite que soient largement diffusées dans Samoa les présentes observations finales afin de faire prendre conscience à la population, aux responsables gouvernementaux, à la classe politique, aux parlementaires et aux organisations de femmes et de défense des droits humains des mesures qui auront été prises afin d’assurer aux femmes l’égalité de droit et de fait ainsi que des autres étapes à franchir à cet égard. Le Comité recommande que cette diffusion se fasse aussi au niveau des collectivités locales. On encourage l’État partie à organiser une série de réunions pour examiner les progrès accomplis dans la mise en œuvre de ces observations. Le Comité prie l’État partie de continuer à diffuser largement, en particulier à l’intention des organisations de femmes et des droits humains, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et Programme d’Action de Beijing et le document issu de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale sur le thème « Femmes 2000 : égalité des sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle ».

Ratification d’autres traités

Le Comité fait remarquer que l’adhésion de l’État partie aux neuf grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme donnerait aux femmes davantage de chances de jouir de leurs droits et libertés fondamentales d’êtres humains dans tous les compartiments de la vie. C’est pourquoi le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les traités auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention internationale contre la torture et autres traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les migrants, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Assistance technique

Le Comité recommande que l’État partie envisage de chercher à obtenir coopération et assistance technique pour concevoir et mettre en place un programme global concernant l’application des recommandations ci-dessus ainsi que de la Convention dans son ensemble. Il demande aussi à l’État partie de renforcer toujours plus sa coopération avec les institutions spécialisées et programmes du système des Nations Unies, notamment l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), la Division de statistique, le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le Fonds des Nations Unies pour la population, l’Organisation mondiale de la santé et le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Suivi des observations finales

Le Comité prie l’État partie de fournir, dans les deux ans, des informations écrites sur les mesures qui auront été prises pour mettre en œuvre les recommandations énoncées dans les paragraphes 14 et 28.

Établissement du prochain rapport

Le Comité prie l’État partie d’assurer une large participation de tous les ministères et organismes publics à l’établissement de son prochain rapport et de consulter diverses organisations de femmes et de défense des droits humains durant cette phase.

Le Comité prie l’État partie de répondre, dans son prochain rapport périodique au titre de l’article 18 de la Convention, aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales. Il invite l’État partie à remettre son prochain rapport périodique en juillet 2016.

Le Comité invite l’État partie à suivre les « Directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument », approuvées lors de la cinquième réunion intercomités des organismes créés en vertu de traités sur les droits de l’homme en juin 2006 (voir HRI/MC/2006/3 et Corr.1). Les directives concernant l’établissement de rapports sur chaque instrument, que le Comité a adoptées à sa quarantième session en janvier 2008, doivent être appliquées en conjonction avec les directives harmonisées concernant l’établissement de rapports sur un document de base commun. Ensemble, elles constituent les directives harmonisées concernant l’établissement de rapports au titre de la Convention relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le document relatif à chaque instrument ne devrait pas dépasser 40 pages et le document de base commun 80.