NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/COL/CO/38 juin 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante-deuxième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l’enfant: Colombie

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Colombie (CRC/C/129/Add.6) à ses 1147e et 1149e séances (voir CRC/C/SR.1147 et CRC/C/SR.1149), tenues le 26 mai 2006, et a adopté les observations finales ci-après à sa 1157e séance, tenue le 2 juin 2006.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du troisième rapport périodique de l’État partie et de ses réponses écrites détaillées à la liste des points à traiter (CRC/C/COL/Q/3) ainsi que du dialogue franc et ouvert qu’il a pu avoir avec la délégation intersectorielle de haut niveau qui lui ont permis de se faire une idée précise de la situation des enfants en Colombie.

B. Mesures de suivi et progrès réalisés par l’État partie

3.Le Comité note avec satisfaction:

a)La destruction des mines terrestres de l’armée en 2004;

b)Les mesures prises pour combattre le travail des enfants et la mise en œuvre de plans d’action nationaux avec le Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) de l’Organisation internationale du Travail (OIT);

c)Les décisions de la Cour constitutionnelle relatives à l’obligation d’assister les populations déplacées (T-025 de 2004) et à la dépénalisation partielle de l’avortement (C‑355 de 2006);

d)L’action législative avec l’adoption de la loi no 679 de 2001 contre l’exploitation sexuelle des enfants, la pédopornographie et le tourisme sexuel à caractère pédophile;

e)La présence d’un bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) en Colombie et la collaboration de l’État partie avec cette instance.

4.Le Comité salue en outre la ratification des instruments suivants:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 25 juin 2005, et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 11 novembre 2003;

b)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 4 août 2004;

c)Les Conventions de l’OIT concernant l’âge minimum d’accès à l’emploi (no 138 de 1973) et l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination (no 182 de 1999), les 2 février 2001 et 28 janvier 2005, respectivement;

d)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 5 août 2002.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

5.Le Comité note que la pauvreté, la répartition inégale des ressources et le conflit armé interne qui sévit depuis longtemps en Colombie ont un effet négatif sur la mise en œuvre des droits garantis par la Convention.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d’application générales (art. 4, 42, et par. 6 de l’article 44 de la Convention)

Recommandations précédentes du Comité

6.Le Comité constate que l’État partie a donné suite à certaines des préoccupations et recommandations qu’il avait formulées (dans le document CRC/C/15/Add.137 en date du 16 octobre 2000) après l’examen du deuxième rapport périodique de l’État partie (CRC/C/70/Add.5). Il regrette cependant que l’État partie n’ait que partiellement ou insuffisamment réagi à d’autres de ses préoccupations et recommandations, à savoir celles qui avaient trait aux droits de l’enfant et au processus de paix, à la législation, à la collecte de données, aux ressources financières, à la non-discrimination, au droit à la vie, à l’enregistrement des naissances, au droit de ne pas être torturé, à la violence physique et sexuelle à l’égard des enfants à l’intérieur comme à l’extérieur de la famille, aux disparités entre les régions − s’agissant de l’accès aux soins de santé et à la santé de la procréation −, à l’accès limité à l’éducation − dont souffrent tout particulièrement les enfants afro-colombiens et les enfants autochtones −, aux enfants touchés par le conflit armé, aux enfants déplacés à l’intérieur du territoire, à l’exploitation sexuelle et à la traite.

7. Le Comité prie instamment l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour donner suite aux recommandations figurant dans les observations finales relatives au deuxième rapport périodique qui n’ont pas encore été mises en œuvre ou l’ont été insuffisamment, et de donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales concernant le troisième rapport périodique.

Législation et application des textes

8.Le Comité se félicite de l’incorporation de nombreux articles concernant les droits de l’enfant dans la Constitution, laquelle dispose en outre que les instruments internationaux ratifiés par la Colombie priment sur le droit interne. Le Comité regrette toutefois que la réforme du Code des mineurs de 1989, insuffisant, n’ait pas encore abouti malgré 10 années de débats et les nombreux appels que des organismes des Nations Unies ont lancés en faveur d’une modification de la législation nationale propre à la mettre en conformité avec les obligations découlant de la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant. Le Comité note en particulier que pour être compatible avec la Convention, le projet de loi portant révision du Code des mineurs, en cours d’examen par le Congrès, doit traiter de manière adéquate les quatre sujets de préoccupation que sont la justice pour mineurs, l’adoption, le travail des enfants et la protection des enfants contre les mauvais traitements.

9. Le Comité réitère sa préoccupation à ce sujet et recommande à l’État partie de mener sans tarder à son terme le processus de révision du Code des mineurs afin de protéger efficacement les droits de tous les enfants en Colombie, en veillant à mettre en conformité les dispositions relatives aux quatre sujets de préoccupation que sont la justice pour mineurs, l’adoption, le travail des enfants et la protection des enfants contre les mauvais traitements avec les dispositions pertinentes de la Convention.

10.Le Comité note en outre avec préoccupation que la loi de 2004 contre la violence familiale est dépourvue de dispositions relatives aux sévices sexuels au motif qu’ils constituent des violences physiques, lesquelles sont couvertes par le Code pénal, ce qui aura de graves répercussions sur le bien-être et la protection des enfants colombiens en occultant la gravité des sévices sexuels et de leurs séquelles pour les victimes.

11. Le Comité recommande à l’État partie de réintroduire une disposition relative aux sévices sexuels dans sa loi contre la violence familiale conformément à ses obligations juridiques internationales, dont celle découlant de l’article 19 de la Convention relative aux droits de l’enfant.

Plan d’action national

12.Le Comité note qu’un plan d’action national est en cours d’élaboration.

13. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un plan d’action national en faveur des enfants, après avoir consulté la société civile et tous les acteurs chargés de la promotion et de la protection des droits des enfants, dans le but de mettre en œuvre les principes et les dispositions de la Convention eu égard, entre autres, au Plan d’action «Un monde digne des enfants» que l’Assemblée générale a adopté à sa session extraordinaire de mai 2002. Le Comité recommande également que des ressources adéquates soient allouées tant au niveau national que local en vue de la mise en œuvre du plan d’action national.

Coordination

14.Tout en prenant acte des efforts accrus de coopération avec les autorités départementales et municipales, le Comité constate avec préoccupation que l’Institut colombien de protection de la famille (Instituto Colombiano de Bienestar Familiar − ICBF) ne dispose pas de ressources suffisantes et régulières et n’est pas suffisamment implanté aux niveaux régional et municipal pour coordonner efficacement les activités de prévention et la protection globale des droits des enfants.

15. Le Comité recommande à l’État partie d’allouer à l’Institut colombien de protection de la famille des ressources humaines et financières suffisantes sur une base régulière afin de lui donner les moyens d’assurer la coordination d’ensemble en matière de droits de l’enfant et de s’implanter dans tout le pays.

16.Le Comité relève avec préoccupation que les autorités départementales et municipales n’assument pas la responsabilité qui est la leur d’allouer à titre prioritaire des ressources en faveur de l’enfance dans le cadre de leurs politiques et de leurs budgets prévisionnels.

17. Le Comité souligne que les autorités départementales et municipales devraient être soucieuses de s’acquitter dûment des responsabilités dont elles sont investies et affecter des ressources adéquates aux questions en rapport avec l’enfance dans leurs budgets. Le Comité suggère que les autorités départementales et municipales sollicitent la coopération technique de l’UNICEF afin de renforcer leur capacité à prendre en considération les droits de l’enfant dans leur administration.

Suivi indépendant

18.Le Comité note que l’Institution nationale de défense des droits de l’homme (la Defensoría del Pueblo) est dotée d’une unité spécialisée dans les droits de l’enfant et a établi des bureaux régionaux dans chacun des 32 départements. Toutefois, le Comité constate avec inquiétude qu’une grande partie du pays, en particulier des zones rurales peuplées d’une forte proportion d’Afro-Colombiens, d’autochtone et de personnes déplacées est dépourvue d’autorités civiles, notamment d’antenne de la Defensoría del Pueblo, ce qui entrave tout suivi indépendant de la situation des droits fondamentaux des enfants.

19. Le Comité est très attaché au rôle joué par les institutions nationales des droits de l’homme et, à la lumière de son Observation générale n o 2 (2002) sur les institutions nationales de défense des droits de l’homme et des Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe), demande à l’État partie de doter l’instance susmentionnée des ressources nécessaires pour lui permettre de s’acquitter avec efficacité de son mandat et de se déployer dans l’ensemble du pays, en particulier dans les régions les plus vulnérables, afin que tous les enfants aient accès à des recours utiles en cas de violation de leurs droits.

Ressources consacrées aux enfants

20.Le Comité regrette le manque d’informations précises sur les allocations budgétaires et constate avec préoccupation que la répartition inégale des fonds publics, qui a de graves répercussions sur le bien‑être des enfants, plus particulièrement des enfants appartenant aux groupes sociaux les plus vulnérables, constitue un des grands déterminants de la pauvreté en Colombie. Le Comité est en particulier profondément préoccupé par la baisse des dépenses consacrées à l’éducation, à la santé et aux services sociaux, pourtant essentielles à la réalisation des droits de l’enfant.

21. Le Comité recommande vivement que l’État partie, conformément à l’article 4 de la Convention, augmente les crédits budgétaires affectés à la réalisation des droits consacrés par la Convention, assure une répartition plus équilibrée des ressources dans le pays et fixe un ordre de priorité dans les crédits budgétaires afin de donner effet aux droits économiques, sociaux et culturels de tous les enfants, en particulier ceux des groupes économiquement défavorisés, comme les enfants afro ‑colombiens ou autochtones.

Coopération nationale

22.Le Comité se félicite de la présence d’un bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en Colombie et de son mandat, et note que l’État partie s’est engagé à poursuivre la mise en œuvre des recommandations du Haut-Commissariat et a exprimé, lors de la session, son intention deprolonger ce mandat.

23. Le Comité encourage l’État partie à poursuivre la mise en œuvre des recommandations du Haut-Commissariat et lui recommande vivement de renouveler le mandat global de son bureau en Colombie pour quatre ans.

24.Le Comité constate que la Colombie bénéficie d’une coopération internationale dans le cadre de plusieurs initiatives visant à mettre fin au conflit armé mais note que certains volets de cet appui ne tiennent pas compte des répercussions sur les enfants.

25. Le Comité recommande à l’État partie de prendre en considération les droits de l’enfant dans la formulation de toutes les activités de coopération visant à mettre un terme au conflit armé.

Collecte de données

26.Tout en accueillant avec intérêt les statistiques et autres informations contenues dans le rapport et les réponses écrites, le Comité déplore l’absence de données ventilées, en particulier sur les groupes vulnérables et les inégalités entre zones urbaines et rurales. L’absence de données de ce type constitue un véritable obstacle à la définition des défis à relever et des mesures correctives à prendre.

27. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et amplifier ses efforts tendant à mettre en place un système global de collecte de données relatives à la mise en œuvre de la Convention. Ces données devraient porter sur toutes les personnes âgées de moins de 18 ans et être ventilées de façon à distinguer les groupes d’enfants nécessitant une protection spéciale, notamment les filles, les enfants déplacés, les enfants afro ‑colombiens et les enfants autochtones.

Formation et diffusion de la Convention

28.Le Comité note avec préoccupation que les mesures prises par l’État partie en vue de diffuser des informations sur la teneur de la Convention auprès de la population, en général, et des enfants en particulier, sont insuffisantes. La formation sur les devoirs et les responsabilités découlant de la Convention dispensée aux groupes professionnels qui travaillent dans des domaines en rapport avec les droits de l’enfant demeure très lacunaire.

29. Le Comité recommande à l’État partie d’amplifier ses efforts visant à diffuser la Convention dans l’ensemble du pays et à sensibiliser la population, en particulier les enfants et leurs parents, à ses principes et dispositions. Une coopération avec les organisations de la société civile, les centres universitaires, les médias et les ONG devrait s’instaurer à cet effet.

30. Le Comité encourage en outre l’État partie à intensifier ses efforts en vue de proposer systématiquement des programmes de formation et/ou de sensibilisation aux droits de l’enfant aux groupes professionnels qui travaillent avec ou pour les enfants, en particulier les agents de la force publique, les parlementaires, les juges, les avocats, les personnels de santé, les enseignants, les directeurs d’établissements scolaires et, au besoin, d’autres professionnels. Le Comité encourage l’État partie à demander l’assistance technique de l’UNICEF et de l’Institut interaméricain de l’enfance aux fins de la formation des professionnels.

Coopération avec la société civile

31.Le Comité s’inquiète du rôle assez limité de la société civile, en particulier des ONG, dans la promotion et la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il considère que l’État partie n’a pas pleinement conscience de l’importance que revêt une société civile active et diversifiée. Le Comité regrette en outre que l’action de défenseurs des droits de l’homme soit contestée par certains hauts fonctionnaires.

32. Le Comité recommande à l’État partie d’encourager la participation active et systématique de la société civile, dont les ONG, à la promotion et à la mise en œuvre des droits de l’enfant, en particulier, entre autres, au suivi de la mise en œuvre des observations finales du Comité. Le Comité engage l’État partie à respecter les ONG et à favoriser l’autonomie et la diversité des ONG ouvrant à promouvoir les droits de l’enfant.

2. Définition de l’enfant (art. premier de la Convention)

33.Le Comité note avec préoccupation que l’âge minimum du mariage est trop bas et discriminatoire, puisqu’il est de 12 ans pour les filles et de 14 ans pour les garçons. Les mariages d’enfants et les grossesses précoces ont un effet tout à fait préjudiciable sur la santé, l’éducation et le développement des filles.

34. Le Comité recommande à l’État partie de revoir sa législation et de faire évoluer la pratique en vue de porter l’âge minimum du mariage, avec ou sans le consentement des parents, à un niveau acceptable au regard des normes internationales, pour les filles comme pour les garçons, conformément à son Observation générale n o  4 sur la santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/GC/2003/4).

3. Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12 de la Convention)

Non ‑discrimination

35.Le Comité est préoccupé par l’ampleur de la discrimination dont sont victimes certains groupes vulnérables, tels que les enfants déplacés, afro‑colombiens, autochtones ou vivant dans des régions rurales ou reculées. Leur accès aux établissements d’enseignement et de santé est très limité du fait de la répartition inégale des ressources. Le Comité note avec inquiétude que les membres de ces groupes sont davantage susceptibles d’être recrutés par les forces armées et d’être victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales, de déplacement interne ou de traite. Le Comité note aussi avec inquiétude que les droits des filles et des femmes continuent d’être violés.

36. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts tendant à faire appliquer les lois en vigueur qui garantissent le principe de non-discrimination et à donner pleinement effet à l’article 2 de la Convention, ainsi que d’adopter une stratégie volontariste et globale ayant pour but d’éliminer la discrimination fondée sur le sexe, l’origine ethnique, la religion ou tout autre motif, à l’égard de tous les groupes vulnérables dans l’ensemble du pays.

37. Le Comité demande en outre que le prochain rapport périodique contienne des renseignements précis sur les mesures et les programmes touchant à la Convention relative aux droits de l’enfant que l’État partie aura mis en œuvre pour garantir une protection spéciale aux groupes vulnérables, dont les filles et les enfants autochtones et afro ‑colombiens , et pour donner suite à la Déclaration et au Programme d’action adoptés lors de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte également de l’Observation générale n o  1 concernant le paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (les buts de l’éducation).

Intérêt supérieur de l’enfant

38.Le Comité note avec préoccupation que la législation et les politiques actuelles ne tiennent pas compte du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

39. Le Comité recommande à l’État partie de tenir pleinement compte du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans tous les programmes et politiques, ainsi que dans les procédures judiciaires et administratives, en particulier dans le cadre de la révision du Code des mineurs et de l’élaboration d’un plan d’action national.

Droit à la vie

40.Le Comité constate avec une vive inquiétude que le nombre d’enfants victimes d’exécutions extrajudiciaires, d’homicides ou de massacres liés au conflit armé demeure élevé. Les enfants continuent d’être victimes de disparitions et d’opérations de nettoyage social, en particulier du fait qu’ils sont considérés avec suspicion en tant qu’enfants déplacés. Le Comité est préoccupé par les tueries qui touchent actuellement des centaines d’enfants dans les régions de Ciudad Bolivar et de Soacha, à la périphérie de Bogota. Enfin, le Comité note que les relations entre des agents de l’État et des membres de groupes armés illégaux, en particulier les groupes paramilitaires, n’ont toujours pas été rompues.

41. Le Comité exhorte l’État partie à prendre à titre prioritaire des mesures et dispositions efficaces pour protéger la population civile contre toutes les formes de violations, en particulier celles concernant les enfants, et rappelle à l’État partie qu’il pourrait voir sa responsabilité engagée s’il s’abstenait de prendre des dispositions en vue de prévenir pareilles violations. Le Comité exhorte en outre l’État partie à faire cesser les relations qui continuent d’exister entre agents de l’État et membres de groupes armés illégaux, en particulier de groupes paramilitaires.

42.Le Comité note que l’État partie n’a pas mis en place de système d’alerte précoce pour prévenir les violations graves des droits de l’homme, et n’a pris aucune mesure préventive efficace, ce qui a occasionné la mort de nombreux civils, dont des enfants.

43. Le Comité engage l’État partie à prendre des mesures efficaces de prévention dès que le système d’alerte précoce met en évidence des situations à risque, afin d’éviter que l’inaction des autorités ne se solde par des pertes en vies humaines.

44.Le Comité est alarmé par les nombreux cas de violences commises par des membres des forces militaires régulières ayant abouti à la mort d’enfants, dont certains ont été fallacieusement déclarés tués au combat par l’armée. Enfin, le Comité note avec préoccupation la persistance de l’impunité et de la tendance à saisir la justice militaire des affaires de violations graves des droits de l’homme dans l’État partie.

45. Le Comité exhorte l’État partie à en finir avec la tradition d’impunité, à ouvrir sans tarder une enquête pénale en cas de violation des droits de l’homme ayant entraîné mort d’enfant et à traduire en justice à titre éminemment prioritaire les auteurs des actes en cause. Le Comité demande en outre à l’État partie de respecter ses obligations juridiques international es s’agissant du droit à un procès équitable et de veiller à ce que toutes les enquêtes soient menées dans l’indépendance et l’impartialité.

Respect de l’opinion de l’enfant

46.Le Comité note que l’opinion des enfants n’est pas suffisamment prise en considération au sein de la famille, à l’école et dans d’autres institutions.

47. Le Comité recommande à l’État partie de promouvoir, faciliter et assurer la mise en œuvre dans la pratique, au sein de la famille, à l’école, au niveau de la communauté et dans les institutions, ainsi que dans les procédures judiciaires et administratives, du principe de respect des opinions de l’enfant et de sa participation à toutes questions le concernant, conformément à l’article 12 de la Convention.

4. Libertés et droits civils (art. 7, 8, 13 à 17 et 37 a) de la Convention)

Enregistrement des naissances

48.Le Comité prend note des efforts entrepris avec divers organismes des Nations Unies en vue d’accroître le taux d’enregistrement des naissances, mais constate avec préoccupation que 20 % des enfants colombiens ne sont toujours pas enregistrés, notamment dans les régions rurales et au sein des populations afro‑colombienne et autochtone.

49.À la lumière de l’article 7 de la Convention, le Comité, réitérant une recommandation (CRC/C/15/Add.137, para. 37), demande instamment à l’État partie d’ériger en priorité l’enregistrement immédiat de toutes les naissances et de promouvoir et faciliter l’enregistrement des enfants n’ayant pas été enregistrés à la naissance. Le Comité recommande à l’État partie de moderniser les services de l’état civil et de veiller à ce qu’ils fonctionnent correctement, en particulier en les dotant des ressources nécessaires pour couvrir les régions rurales. Le Comité encourage l’État partie à poursuivre sa coopération avec les organismes des Nations Unies afin d’améliorer l’enregistrement des naissances.

Torture

50.Le Comité note avec une vive inquiétude que des enfants continuent à être victimes de torture et d’autres traitements cruels et dégradants. Il relève que, même si les responsables sont principalement des membres de groupes armés illégaux, des agents de l’État, dont des membres des forces armées, sont également impliqués. Le Comité s’inquiète spécialement de la situation dans les zones rurales où les enfants sont exposés du fait du conflit armé interne en cours. Le Comité est en particulier préoccupé par le nombre croissant de filles victimes de violences sexuelles et alarmé par le nombre important de plaintes pour viol visant des membres des forces armées. Le Comité est également préoccupé par d’autres formes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants imputés à des responsables de l’application des lois, y compris dans les établissements pénitentiaires, ainsi que par les violences commises sur des enfants placés en institution.

51. Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour protéger les enfants contre la torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il souligne la nécessité urgente d’enquêter sur toutes les affaires signalées impliquant des membres des forces armées, des responsables de l’application des lois et toute personne agissant à titre officiel et de sanctionner les auteurs, afin de briser le cercle vicieux de l’impunité dont bénéficient les auteurs de violations graves des droits de l’homme. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que tous les enfants victimes de torture et de traitements cruels et dégradants puissent bénéficier d’une réadaptation physique et psychologique et d’une réinsertion sociale et obtenir réparation, compte dûment tenu des obligations consacrées aux articles 38 et 39 de la Convention.

5. Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 18 (par. 1 et 2), 9 à 11, 19 à 21, 25, 27 (par. 4), et 39 de la Convention)

Protection familiale

52.Le Comité est préoccupé par le peu de ressources et de soutien consacrés aux enfants vulnérables dans les régions où l’Institut colombien de protection de la famille est absent, carence qui expose les enfants à un risque accru d’exploitation, de mauvais traitements et de séparation d’avec leurs parents.

53. Le Comité recommande à l’État partie d’apporter un soutien supplémentaire aux familles afin d’éviter que parents et enfants ne soient séparés, par exemple sous la forme de conseils, d’aide à la parentalité et de prestations financières.

Protection de remplacement

54.Le Comité prend note des efforts entrepris pour promouvoir le placement familial comme forme de protection de remplacement, mais ilreste préoccupé par le grand nombre d’enfants placés en institution pour une longue durée.

55. Le Comité recommande à l’État partie de promouvoir le placement familial comme forme de protection de remplacement et propose de ne recourir au placement en institution qu’en dernier recours, en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. En outre, le Comité recommande de veiller à une dotation en ressources suffisantes, au bon fonctionnement et à la supervision des institutions accueillant des enfants, y compris celles gérées par des ONG, et du système de placement familial, ainsi que de procéder à un examen périodique du placement, conformément à l’article 25 de la Convention et aux recommandations formulées à l’issue de la journée de débat général consacrée en 2005 aux enfants sans protection parentale.

Adoption

56.Le Comité note avec préoccupation que le nombre d’adoptions internationales est élevé et que la moitié d’entre elles seulement sont gérées par l’Institut colombien de protection de la famille. Il relève avec une inquiétude toute particulière que les «foyers d’adoption» privés constituent une pratique accentuant le risque de faire de l’adoption une activité lucrative et contraire à l’article 21 de la Convention.

57. Le Comité recommande à l’ État partie de veiller à ce que les adoptions international es soient gérées par une autorité centrale, conformément à l’article 21 de la Convention et à la Convention n o  33 de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption international e, à laquelle la Colombie est partie. Il recommande aussi à l’ État partie de s’attacher à privilégier les adoptions nationales.

Violence, sévices, négligence et maltraitance

58.Le Comité constate avec alarme que malgré les efforts que déploie le Gouvernement, par exemple le programme Haz Paz (Faire la paix) mis en place pour combattre la violence intrafamiliale, les plaintes visant des violences dans le milieu familial à l’égard d’enfants, tout particulièrement de filles, dénotent une accentuation de ce phénomène. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’absence de statistiques, ainsi que par le nombre peu élevé d’enquêtes menées et de sanctions imposées dans ce type d’affaires.

59. Le Comité demande instamment à l’ État partie:

a) De renforcer les mécanismes qui permettent de recenser le nombre d’affaires et l’ampleur des violences, des sévices sexuels, de la négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation visés à l’article 19, notamment au sein de la famille, dans les établissements scolaires, dans les institutions ou dans le cadre d’autres formes de prise en charge;

b) De veiller à ce que les professionnels travaillant avec des enfants (dont les enseignants, les travailleurs sociaux, les personnels de santé, les policiers et les membres de l’appareil judiciaire) reçoivent une formation sur leur obligation qui est la leur de signaler les cas présumés de violences familiales à enfant et de prendre les mesures s’imposant;

c) De renforcer le soutien apporté aux victimes de violence, de sévices, de négligence et de mauvais traitements afin de leur donner accès à des services adéquats de réadaptation, de conseil et d’autres formes d’aide à la réinsertion;

d) De contribuer à l’extension du service d’accueil téléphonique gratuit pour enfants ( Teléfono Amigo ) à l’ensemble du pays afin de le rendre accessible aux enfants des régions reculées de l’ensemble du pays.

60. Dans le cadre de l’étude approfondie du Secrétaire général sur la violence contre les enfants (E/CN.4/2005/75) et du questionnaire envoyé aux pays à ce titre, le Comité accueille avec satisfaction les réponses écrites de l’État partie, ainsi que sa participation à la consultation régionale pour l’Amérique latine tenue en Argentine du 30 mai au 1 er  juin 2005. Le Comité recommande à l’État partie de s’appuyer sur les résultats de cette consultation pour mener, en partenariat avec la société civile, des actions visant à garantir à chaque enfant une protection contre toutes les formes de violence physique ou psychologique, et promouvoir des initiatives concrètes, éventuellement assorties d’un échéancier, visant à prévenir et à combattre ces violences et abus.

Châtiments corporels

61.Le Comité déplore le manque d’informations sur le nombre de cas signalés et note avec inquiétude que des châtiments corporels continuent à être administrés à l’école, dans la famille et en institution.

62. Le Comité recommande à l’ État partie de faire appliquer les dispositions législatives interdisant expressément toutes formes de châtiments corporels sur la personne d’un enfant et ce, dans tous les contextes, y compris à la maison. L’État partie devrait également mener des campagnes de sensibilisation et d’éducation du public pour combattre la pratique des châtiments corporels, et promouvoir le recours à des méthodes de discipline et d’éducation non violentes et participatives, tout en tenant dûment compte de l’Observation générale n o  8 du Comité des droits de l’enfant sur la protection contre les châtiments corporels et les autres formes de discipline cruelles ou dégradantes (2006).

6. Santé et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) de la Convention)

Enfants handicapés

63.Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des ressources consacrées aux enfants handicapés. Le Comité regrette tout particulièrement l’absence d’informations sur les mesures de réadaptation et de réinsertion en faveur des enfants victimes de mines terrestres.

64. Le Comité recommande à l’État partie eu égard aux recommandations adoptées par le Comité lors de sa journée de débat général consacrée aux droits des enfants handicapés (voir CRC/C/69):

a) De veiller à la mise en œuvre des Règles pour l’égalisation des chances des handicapés, adoptées par l’Assemblée générale le 23 décembre 1993;

b) De poursuivre les efforts visant à donner aux enfants handicapés la possibilité d’exercer leur droit à l’éducation autant que faire se peut;

c) D’amplifier les efforts tendant à mettre à disposition les compétences professionnelles (à savoir des spécialistes du handicap) et les ressources financières nécessaires, en particulier au niveau local, et à promouvoir et étendre les programmes de réadaptation à assise communautaire, notamment les groupes de soutien parental, en étant particulièrement attentif aux enfants victimes des mines terrestres.

Niveau de vie

65.Le Comité est très préoccupé par l’accentuation des disparités en termes de niveau de vie et le nombre croissant d’enfants vivant dans la pauvreté ou l’extrême pauvreté, qu’atteste également la hausse du coefficient Gini, norme internationale utilisée pour mesurer les degrés d’inégalité. Il s’inquiète du fort pourcentage de la population n’ayant pas accès aux services de base et, en particulier, par les grandes disparités, entre zones rurales et zones urbaines, en matière d’accès à l’eau potable et à l’eau courante ainsi qu’aux réseaux d’assainissement. Les inégalités en termes de niveau de vie constituent un obstacle majeur à la jouissance dans des conditions d’égalité des droits que consacre la Convention.

66. Le Comité recommande à l’ État partie d’allouer à titre prioritaire des ressources suffisantes pour remédier aux inégalités croissantes et réduire sensiblement les disparités en termes de niveau de vie, notamment, entre zones rurales et zones urbaines. Le Comité souligne la nécessité de renforcer la capacité des autorités départementales et municipales à fournir des services de base. La priorité devrait en particulier être donnée à l’élargissement de l’accès à de l’eau courante potable et aux réseaux d’assainissement en milieu rural.

Santé et services médicaux

67.Le Comité est préoccupé par le faible niveau et les fluctuations des dépenses publiques de santé, en particulier par l’accès limité au système de soins de santé, quelque 40 % des habitants n’étant toujours pas assurés. Le Comité note avec inquiétude que les jeunes enfants représentent une forte proportion des personnes dépourvues d’accès aux services médicaux de base.

68.En particulier, le Comité note avec préoccupation que:

a)L’accès à la santé et aux services de santé est inégal, en particulier dans les régions rurales et reculées du pays;

b)Les taux de mortalité maternelle et infantile et de mortalité des moins de 5 ans demeurent, malgré une certaine amélioration, élevés compte tenu du niveau de développement du pays et révèlent d’importantes disparités entre régions;

c)La malnutrition continue d’affecter une forte proportion des personnes déplacées, afro-colombiennes ou autochtones;

d)Malgré les efforts considérables entrepris en vue d’accroître les taux de vaccination, la couverture vaccinale continue à présenter des disparités régionales;

e)Les services de santé mentale sont généralement inadéquats;

f)Le taux d’allaitement maternel est faible.

69. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’augmenter à titre prioritaire les dépenses publiques dans le secteur de la santé et de veiller à les répartir en tenant compte des groupes de population et des régions défavorisés;

b) De veiller à ce que tous les enfants bénéficient d’une assurance adéquate et aient ainsi accès aux services de santé, conformément à l’article 24 de la Convention;

c) De prendre toutes les mesures possibles pour améliorer l’accès aux services de santé et de redoubler d’efforts pour réduire d’urgence la mortalité infantile, enfantine et maternelle partout dans le pays grâce à la prestation de soins et services de santé de qualité;

d) De poursuivre la lutte contre la malnutrition et la faiblesse de la couverture vaccinale en privilégiant les zones rurales et reculées ainsi que les personnes déplacées, afro-colombiennes ou autochtones;

e) D’affecter davantage de ressources aux services de santé mentale;

f) De faire connaître les programmes de promotion de l’allaitement maternel et d’encourager à les soutenir.

Santé des adolescents

70.Le Comité prend note de l’arrêt de la Cour constitutionnelle en date du 10 mai 2006, qui dépénalise dans certains cas l’avortement, ce qui devrait faire baisser le taux de mortalité maternelle chez les adolescentes. Le Comité est cependant gravement préoccupé par le taux déjà élevé et croissant de grossesses d’adolescente et par la pénurie de services de santé sexuelle et procréative, imputable aussi à l’insuffisance des crédits affectés à ce secteur. Outre les risques qu’elles comportent pour la santé physique et mentale, les grossesses d’adolescente limitent le développement personnel des intéressées, affaiblissent leur capacité à subvenir à leurs besoins et créent un engrenage de la pauvreté aux retombées négatives sur l’ensemble de la société. De plus, le Comité juge inquiétant le taux de suicide chez les adolescents.

71. Le Comité recommande à l’État partie de promouvoir et de garantir l’accès de tous les adolescents aux services de santé procréative , dont les cours d’éducation sexuelle et procréative dans les écoles, en tenant dûment compte de son Observation générale n o 4 sur la santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/GC/2003/4). Eu égard à l’arrêt de la Cour constitutionnelle en date du 11 mai 2006 autorisant l’avortement dans certains cas, le Comité encourage l’État partie à veiller à ce que des installations médicales sûres soient disponibles à cet effet. En outre, le Comité recommande que des ressources suffisantes soient affectées, dans le cadre d’une stratégie appropriée, à des activités de sensibilisation, des services d’orientation et à d’autres mesures de prévention du suicide chez les adolescents.

Salubrité de l’environnement

72.Tout en reconnaissant que la lutte contre la production de drogues est une priorité légitime de l’État partie, le Comité est préoccupé par les problèmes environnementaux découlant de l’utilisation du glyphosate lors des campagnes de fumigation aérienne des cultures de coca (menées dans le cadre du Plan Colombie), qui ont des répercussions sur la santé des personnes appartenant à des groupes vulnérables, dont les enfants.

73. Le Comité recommande à l’État partie de consacrer des études indépendantes et axées sur les droits de l’enfant aux conséquences environnementales et sociales des épandages effectués dans diverses régions du pays et de veiller à ce que, le cas échéant, les communautés autochtones soient consultées au préalable et que toutes les précautions nécessaires soient prises afin d’éviter que ces campagnes n’aient des effets néfastes sur la santé des enfants.

VIH/sida

74.Le Comité est préoccupé par l’augmentation de la transmission verticale du VIH/sida (de la mère à l’enfant) et par les ressources insuffisantes allouées à la prévention de l’infection d’enfants par le VIH/sida.

75. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures suivantes:

a) Renforcer les mesures déjà engagées pour prévenir la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant, notamment par des campagnes de sensibilisation en direction des adolescents, en particulier de ceux appartenant à des groupes vulnérables tels que les personnes déplacées et les enfants des rues;

b) Fournir un traitement antirétroviral à tous les enfants séropositifs, mettre en place des services de consultation adaptés aux enfants et renforcer le dépistage du VIH/sida chez les femmes enceintes;

c) Fournir les ressources financières et humaines nécessaires à une mise en œuvre efficace d’un plan stratégique national de lutte contre le VIH/sida, en tenant compte de son Observation générale n o 3 sur le VIH/sida et les droits de l’enfant ainsi que des Directives internationales concernant le VIH/sida et les droits de l’homme (E/CN.4/1997/37);

d) Solliciter une assistance technique supplémentaire, notamment auprès du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) et du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

7. Éducation, loisirs et activités culturelles

(art. 28, 29 et 31 de la Convention)

76.Le Comité note que la Constitution consacre le droit à neuf années de scolarité gratuite, avec la réserve toutefois que des frais de scolarité sont perçus des parents qui en ont les moyens. Cette disposition a engendré dans la pratique un système éducatif discriminatoire caractérisé par des redevances arbitraires et l’exclusion sociale. Le Comité demeure préoccupé par plusieurs points touchant au droit à l’éducation, en particulier les suivants:

a)Les crédits budgétaires restent insuffisants et inégalement répartis entre le secteur public et le secteur privé;

b)L’État partie ne s’est toujours pas doté d’une stratégie nationale pour l’éducation axée sur les droits de l’enfant;

c)La qualité de l’éducation laisse à désirer dans le système public, ce au détriment des groupes vulnérables de la société;

d)Des coûts indirects afférents aux redevances administratives, à l’achat d’uniformes et de matériel et au transport subsistent, ce qui explique le taux élevé et croissant d’abandon scolaire chez les enfants des groupes vulnérables de la société, en particulier en milieu rural;

e)La politique d’éducation ethnique (enseignement bilingue) en faveur des communautés autochtones a une portée limitée et est souvent appliquée sans que les intéressés aient été suffisamment consultés;

f)Les filles sont victimes de discrimination et contraintes d’abandonner l’école en raison de grossesses et mariages précoces. Les écoles continuent d’expulser les jeunes filles enceintes malgré un arrêt de la Cour constitutionnelle estimant que ces mesures discriminatoires à l’égard des filles constituent des violations du droit à l’éducation;

g)Il n’existe toujours pas de statistiques sur les taux de couverture, d’abandon et de réussite scolaires par type de zones (urbaine ou rurale), appartenance ethnique et sexe;

h)Un grand nombre d’enseignants (en moyenne trois par mois) sont tués dans les zones où sévit le conflit armé interne, ce qui entrave grandement l’exercice du droit à l’éducation;

i)L’utilisation fréquente d’écoles par les forces armées et la création de bases militaires à proximité d’établissements scolaires en font des cibles militaires pour les groupes armés illégaux, ce qui empêche les enfants de recevoir un enseignement;

j)Étant donné le conflit armé qui sévit actuellement dans le pays, la participation d’enfants à des activités de formation militaire et à des voyages d’étude organisés pour visiter des bases militaires va à l’encontre du principe consacré dans le droit humanitaire de la distinction entre militaires et civils et expose les enfants à des risques de représailles de la part de membres de groupes armés illégaux;

k)L’enseignement des droits de l’homme est encore insuffisamment intégré aux programmes scolaires.

77. Le Comité engage l’État partie à modifier la législation nationale afin d’y consacrer clairement le droit à l’éducation primaire gratuite et lui recommande aussi:

a) D’affecter une plus grande part du budget national à l’éducation et d’accroître sensiblement le pourcentage de ressources allant au secteur public;

b) D’élaborer une stratégie nationale pour l’éducation fondée sur les droits de l’enfant;

c) De se concentrer sur l’amélioration générale de la qualité de l’enseignement, en particulier dans les zones rurales;

d) D’amplifier les efforts visant à éliminer la discrimination dans l’accès à l’éducation en veillant à ce que les droits d’inscription et d’autres frais soient effectivement supprimés afin de remédier au taux élevé d’abandon scolaire et au faible taux de réussite. Le Comité recommande l’adoption de mesures volontaristes, notamment un soutien accru propre à compenser les frais indirects afin de combattre la discrimination généralisée et l’exclusion sociale dont sont victimes les groupes vulnérables tels que les enfants des zones rurales, déplacés, afro-colombiens ou autochtones;

e) De débloquer des ressources supplémentaires et de consulter au préalable les communautés autochtones en vue de concevoir un programme d’enseignement bilingue respectueux de leur culture et de garantir leur accès effectif à ce programme;

f) De suivre de près le problème de la discrimination à l’égard d’adolescentes expulsées de leur école au motif qu’elles sont enceintes et de sanctionner les établissements d’enseignement prenant pareille mesure;

g) De compiler des statistiques désagrégées par zones (rurale ou urbaine), appartenance ethnique et sexe afin d’évaluer l’impact des mesures de lutte contre la discrimination;

h) De protéger les enseignants en les faisant bénéficier du système de protection du Ministère de l’intérieur, d’enquêter sur les meurtres d’enseignants et d’en punir les auteurs;

i) De faire cesser immédiatement l’occupation et l’utilisation d’écoles par les forces armées nationales ou l’implantation de bases militaires à proximité d’écoles et de continuer de dispenser un enseignement sur le principe de distinction et la protection de la population civile dans le cadre de la formation des membres de la police et des forces armées;

j) De s’abstenir de faire participer des enfants à des activités en relation avec l’armée, y compris des excursions dans des bases militaires ou la participation à des manifestations militaires organisées à l’école car, eu égard au conflit armé sévissant dans le pays, ces activités vont à l’encontre du principe de distinction entre civils et militaires consacré par le droit humanitaire et exposent les enfants à un risque de représailles de la part de membres de groupes armés illégaux;

k) D’investir davantage de ressources aux fins de l’intégration dans les programmes scolaires d’un enseignement relatif aux droits de l’homme propre à favoriser la connaissance des droits et des valeurs porteurs d’une culture de paix;

l) Enfin, le Comité recommande à l’État partie de prendre dûment en considération les recommandations formulées par la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation dans son rapport à la Commission des droits de l’homme sur la mission qu’elle a effectuée en 2003 (E/CN.4/2004/45/Add.2).

8. Mesures spéciales de protection (art. 22, 30, 32 à 36, 37 b) à d) et 38 à 40 de la Convention)

Enfants déplacés

78.Tout en prenant note de l’intention de l’État partie d’accroître les ressources destinées à aider les enfants déplacés à l’intérieur du pays, le Comité est vivement préoccupé par le nombre très élevé d’enfants qui continuent à être déplacés chaque année en Colombie. Selon le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), la Colombie est le pays du monde qui compte le plus grand nombre de personnes déplacées, avec un total estimé à 1,7 million de personnes en 2005, officiellement, et à plus de 3 millions, officieusement. Le Comité partage les inquiétudes exprimées par la Cour constitutionnelle (arrêt T-025 de 2004) face à l’absence de services et d’aide ciblés en faveur des enfants déplacés, d’autant plus que, selon les estimations, plus de la moitié des personnes déplacées sont des enfants. En outre, le Comité constate avec préoccupation qu’une attention insuffisante est accordée à la protection physique des enfants déplacés et au besoin qu’ils ont d’une assistance psychosociale pour surmonter le traumatisme du déplacement.

79. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’accroître sensiblement les ressources affectées aux personnes déplacées à l’intérieur du pays et de mettre en œuvre des programmes ciblés en faveur des enfants visant à leur assurer un accès adéquat à l’alimentation, à un hébergement, à l’éducation et aux services de santé. À ce propos, le Comité recommande à l’État partie d’intensifier sa coopération avec le HCR et d’adhérer pleinement aux Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays (E/CN.4/1998/53/Add.2) et à l’arrêt de T-025 rendu par la Cour constitutionnelle en 2004;

b) D’accorder un surcroît d’attention aux besoins en assistance psychosociale des enfants déplacés et d’assurer aux filles une protection accrue contre les violences à caractère sexiste;

c) De distribuer l’aide humanitaire par l’intermédiaire des autorités civiles afin de maintenir la distinction entre militaires et civils et d’éviter de rendre encore plus vulnérables les personnes déplacées et celles susceptibles de l’être en les exposant à un risque de représailles ultérieures de la part des membres de groupes armés illégaux.

Enfants dans les conflits armés

80.Tout en se félicitant de la ratification par la Colombie du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le Comité constate avec une vive inquiétude que le conflit interne a de lourdes conséquences pour les enfants en Colombie en occasionnant de graves atteintes à leur intégrité physique et mentale et en les privant de la possibilité d’exercer leurs droits les plus fondamentaux. Le Comité note avec satisfaction que du matériel éducatif a été distribué par l’armée dans les écoles situées dans les zones fortement touchées par le conflit et que certaines mesures ont été prises afin d’améliorer la réinsertion et la réadaptation des enfants soldats démobilisés. Le Comité considère cependant que certaines mesures d’importance en faveur des enfants soldats démobilisés et capturés font encore défaut. En particulier, le Comité constate avec préoccupation que:

a)Des groupes armés illégaux recrutent en masse des enfants pour les faire combattre ou les exploiter comme esclaves sexuels;

b)Les enfants soldats capturés et démobilisés sont soumis à des interrogatoires et que les forces armées ne respectent pas le délai de 36 heures fixé par la loi pour les remettre aux autorités civiles;

c)L’armée utilise des enfants à des fins de renseignement;

d)La réinsertion sociale, la réadaptation et l’indemnisation des enfants soldats démobilisés laissent à désirer;

e)De nombreux enfants sont victimes de mines terrestres;

f)Le cadre juridique actuel des négociations en cours avec les paramilitaires ne prend pas en considération les principes fondamentaux que sont la vérité, la justice et l’indemnisation des victimes;

g)L’examen des aspects qui concernent les enfants manque généralement de transparence lors des négociations avec les groupes armés illégaux, ce qui fait que les responsables du recrutement d’enfants soldats continuent de jouir de l’impunité.

81. Afin d’améliorer la situation des enfants touchés par le conflit armé sévissant dans le pays, le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller comme il convient au respect des dispositions du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, auquel la Colombie est partie, et d’accorder une attention spéciale, conformément audit Protocole, aux mesures tendant à prévenir le recrutement d’enfants par des groupes armés et leur participation à des conflits.

b) De donner des instructions claires et de dispenser une formation aux membres des forces armées afin d’éviter qu’ils ne soumettent les enfants soldats capturés et démobilisés à un interrogatoire et d’assurer la remise de ces enfants aux autorités civiles dans un délai de 36 heures;

c) De ne jamais utiliser les enfants à des fins de renseignement car une telle utilisation les expose à un risque de représailles de la part des groupes armés illégaux;

d) D’accroître sensiblement les ressources affectées à la réinsertion sociale, à la réadaptation et à l’indemnisation des enfants soldats démobilisés ainsi que des enfants victimes de mines terrestres. Des ressources supplémentaires devraient être sollicitées auprès de donateurs internationaux et une assistance technique être demandée au HCDH et à l’UNICEF.

e) De prendre les mesures nécessaires et de mener des activités ciblées afin de localiser et neutraliser les mines terrestres;

f) De bien avoir à l’esprit, lors des pourparlers de paix avec les groupes armés illégaux, que les anciens enfants soldats sont des victimes et que ces groupes doivent répondre du crime de guerre que constitue le recrutement d’enfants. La Colombie devrait demander au HCDH des conseils juridiques sur les modalités d’intégration des normes minimales en matière de droits de l’homme et d’une perspective axée sur les droits de l’enfant dans le cadre juridique des négociations de paix, en étant particulièrement attentif aux principes fondamentaux que sont la vérité, la justice et l’indemnisation des victimes;

g) D’envisager de retirer la déclaration par laquelle il n’accepte par la compétence de la Cour pénale internationale pour une période de sept ans, ce qui empêche actuellement la justice d’engager des poursuites contre les responsables présumés du recrutement d’enfants soldats et de la pose de mines terrestres.

Exploitation économique, notamment le travail des enfants

82.Tout en se félicitant des initiatives prises par l’État partie, dont le Plan national de lutte contre l’exploitation économique des enfants pour 2003-2006, élaboré avec l’assistance technique de l’OIT, le Comité s’inquiète du nombre élevé d’enfants victimes d’exploitation économique qui, selon les estimations officielles, dépasserait 1,5 million. En particulier, le Comité s’alarme du grand nombre d’enfants travaillant dans des conditions dangereuses ou dégradantes, notamment dans les mines ou comme ouvriers agricoles dans les plantations de coca. Le Comité déplore que la législation en vigueur n’offre qu’une protection insuffisante aux enfants victimes d’exploitation économique.

83. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De poursuivre et d’intensifier sa lutte, notamment en prévoyant des crédits suffisants, contre l’exploitation économique des enfants en appliquant efficacement son Plan d’action national en collaboration avec l’OIT et l’UNICEF;

b) De réformer d’urgence le Code des mineurs de 1989 afin d’instituer une protection suffisante contre le travail des enfants, conformément à l’article 32 de la Convention et aux Conventions n os 138 et 182 de l’OIT;

c) De veiller à ce que l’Institut colombien de protection de la famille mène des activités de sensibilisation tendant à améliorer les conditions de vie des enfants victimes d’exploitation économique.

Enfants des rues

84.Le Comité constate avec inquiétude que l’État partie compte énormément d’enfants des rues, dont plus de 10 000 à Bogota selon les évaluations officielles, situation imputable à des facteurs socioéconomiques, au conflit interne ainsi qu’à la maltraitance et à la violence familiale. Le Comité s’inquiète de la vulnérabilité de ces enfants face aux bandes de jeunes et, en particulier, par la menace que le «nettoyage social» fait peser sur eux.

85. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre des mesures efficaces de prévention contre le nettoyage social et d’autres formes de violences dirigées contre les enfants des rues;

b) D’entreprendre une étude détaillée pour déterminer l’ampleur, la nature et les causes du phénomène des enfants des rues et des bandes de jeunes délinquants ( pandillas ) en vue de mettre au point une stratégie globale de prévention en la matière;

c) De fournir aux enfants des rues des services de réadaptation et de réinsertion sociale en tenant compte de leur opinion, conformément à l’article 12 de la Convention, en particulier en menant des activités de sensibilisation à but préventif par l’intermédiaire de l’Institut colombien de protection de la famille, compte dûment tenu des aspects concernant plus particulièrement les filles, et d’assurer à ces enfants une alimentation et un hébergement décents, les soins médicaux nécessaires et des possibilités d’accéder à l’éducation;

d) D’élaborer une politique de réunification familiale si cette option est possible et correspond à l’intérêt supérieur de l’enfant;

e) De solliciter une assistance technique, notamment auprès de l’UNICEF.

Exploitation sexuelle et traite

86.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour lutter contre l’exploitation sexuelle et la traite des enfants, plus particulièrementdu durcissement du Code pénal avec l’adoption de la loi n° 679 de 2001 incriminant l’exploitation sexuelle, le tourisme sexuel à caractère pédophile, la pornographie mettant en scène des enfants et contenant des dispositions spéciales visant les fournisseurs d’accès à l’Internet, de la loi n° 747 de 2002 réprimant la traite des mineurs. Le Comité est toutefois préoccupé par le nombre élevé et croissant d’enfants victimes d’exploitation sexuelle et de traite et par des informations selon lesquelles ces enfants risquent d’être considérés comme des délinquants. Le Comité note de plus avec inquiétude que les enfants appartenant à des groupes vulnérables, comme les personnes déplacées ou les enfants démunis, sont davantage susceptibles d’être victimes d’exploitation sexuelle et de traite. L’application hétérogène de la loi et les carences de la lutte contre la traite dans l’État partie constituent une autre source de profonde préoccupation pour le Comité.

87. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’entreprendre de nouvelles études approfondies sur l’exploitation sexuelle des enfants afin d’en évaluer l’ampleur et les causes, de faciliter un suivi efficace du problème et d’élaborer des mesures visant à prévenir, combattre et éliminer cette pratique;

b) D’incorporer une disposition sur le travail des enfants dans le Code des mineurs tel que modifié et d’appliquer un plan d’action national contre l’exploitation sexuelle et la traite des enfants en tenant compte de la Déclaration et du Programme d’action et de l’Engagement mondial adoptés, respectivement, lors des Congrès mondiaux de 1996 et de 2001 contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales;

c) De mettre en œuvre des programmes adaptés d’assistance et de réinsertion en faveur des enfants victimes d’exploitation sexuelle et/ou de traite et de veiller en particulier à ce que ces enfants ne soient pas considérés comme des délinquants;

d) D’adopter et de mettre en œuvre efficacement les mesures nécessaires et de veiller à une application homogène de la loi afin d’éviter l’impunité;

e) De dispenser une formation aux agents chargés de l’application des lois, aux travailleurs sociaux et aux procureurs sur la façon de traiter les affaires d’exploitation d’enfants, de les examiner, d’enquêter à leur sujet et d’engager des poursuites tout en respectant la sensibilité et la vie privée de la victime;

f) De solliciter une assistance technique supplémentaire, notamment auprès du Programme international pour l’abolition du travail des enfants de l’OIT et de l’UNICEF.

Toxicomanie

88.Le Comité s’inquiète de la forte incidence de l’alcoolisme et de la toxicomanie, en particulier chez les enfants des rues. En outre, il note avec une vive inquiétude que de la drogue est fabriquée en Colombie et exportée à partir de ce pays, ce qui a des conséquences néfastes pour les enfants employés à la cueillette des feuilles de coca (raspachines), ainsi que pour ceux qui sont amenés par la contrainte ou la tromperie à passer de la drogue, notamment en l’ingérant (mules).

89. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces de prévention pour faire diminuer la forte incidence de la toxicomanie chez les enfants et de fournir aux intéressés des possibilités de réadaptation et des conseils, ainsi que d’autres formes d’aide au rétablissement.

Administration de la justice pour mineurs

90.Le Comité est préoccupé par l’augmentation rapide du nombre d’enfants poursuivis par les juridictions ordinaires, le grand nombre d’enfants privés de liberté et la détention d’enfants dans des établissements non conformes aux normes internationales et où le principe de séparation des mineurs et des détenus adultes n’est pas respecté. En outre, le Comité constate qu’il n’existe pas de programmes de réadaptation et de réinsertion sociale en faveur des enfants.

91. Le Comité recommande à nouveau à l’État partie de mettre son système d’administration de la justice pour mineurs en pleine conformité avec la Convention, en particulier ses articles 37, 40 et 39, et avec d’autres normes adoptées par les Nations Unies dans ce domaine, notamment l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté et les Directives de Vienne relatives aux enfants dans le système de justice pénale, ainsi que les recommandations qu’il avait faites lors de la journée de débat général qu’il a consacrée à l’administration de la justice pour mineurs (CRC/C/46, par. 203 à 238). À ce propos, le Comité recommande à l’État partie, en particulier:

a) D’aligner l’âge minimum de la responsabilité pénale sur les normes reconnues au plan international;

b) De veiller à ce que les mesures privatives de liberté ne soient prononcées qu’en dernier recours et à ce que leur application se fasse dans un lieu de détention conforme aux normes internationales;

c) De faire tout le nécessaire pour que toute personne de moins de 18 ans privée de liberté soit détenue séparée des adultes, conformément à l’article 37 c) de la Convention;

d) De créer un mécanisme indépendant, accessible et à l’écoute des enfants, pour recueillir les plaintes émanant d’enfants et leur donner suite, et d’ordonner une enquête sur les cas de mauvais traitements commis par des membres des forces de l’ordre et des gardiens de prison en vue de poursuivre et punir leurs auteurs;

e) De veiller à ce que les enfants privés de liberté sur décision d’une juridiction pour mineurs puissent avoir des contacts réguliers avec leur famille, au premier chef en informant les parents du placement en détention de leur enfant;

f) De s’inspirer à cet égard des lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (résolution 2005/20 du Conseil économique et social);

g) De dispenser une formation sur les droits et besoins particuliers des enfants aux agents des établissements pénitentiaires;

h) De demander une assistance technique en matière de justice pour mineurs et de formation des membres des forces de police, notamment au HCDH et à l’UNICEF.

Privation de liberté

92.Le Comité note avec inquiétude que la détention arbitraire de personnes et de groupes de personnes, pratique qui a pris une grande ampleur en 2003 et 2004, a des répercussions sur la vie privée et l’intégrité des enfants qui leur sont proches, lesquels se voient stigmatisés du fait que des membres de leur famille sont en détention. Le Comité constate aussi avec inquiétude que les agents chargés de l’application des lois font systématiquement publier dans les médias la photographie de personnes arrêtées, au mépris du principe de la présomption d’innocence.

93. Le Comité exhorte l’État partie à faire cesser de toute urgence la pratique des détentions arbitraires, gravement attentatoire à la sécurité et à l’intégrité des enfants. En outre, des enquêtes devraient être menées sans retard et dans le respect du principe de la présomption d’innocence et du droit à un procès équitable.

Enfants appartenant à des groupes autochtones et à des groupes minoritaires

94.Le Comité se félicite des mesures législatives prises en vue de reconnaître la diversité ethnique, l’autonomie et les droits fonciers collectifs des minorités, en particulier afro‑colombiennes et autochtones, mais note que dans la pratique ces groupes sont confrontés à des difficultés et obstacles non négligeables entravant l’exercice de leurs droits. Les forces armées régulières et les groupes armés autres que l’armée nationale bloquent l’acheminement des denrées alimentaires et des médicaments de première nécessité, ce qui se traduit par une forte incidence de la malnutrition et des maladies. Le Comité est particulièrement préoccupé par les menaces visant des chefs autochtones ainsi que par la surreprésentation des enfants appartenant à une minorité ethnique parmi les enfants déplacés, les victimes de mines terrestres et les enfants recrutés de force par les groupes armés illégaux. Le Comité note aussi avec préoccupation que chez les enfants appartenant à une minorité ethnique le taux d’enregistrement des naissances est faible et l’accès aux services de santé de base inexistant. Un programme d’éducation bilingue (etnoeducación) a certes été mis au point mais un nombre restreint de personnes en bénéficie et le taux d’analphabétisme est élevé. Le Comité relève avec inquiétude que, malgré les mesures d’action positive prévues dans la législation, les enfants appartenant à une minorité ethnique sont victimes d’exclusion sociale et de discrimination raciale. En outre, comme l’a souligné le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones dans son rapport relatif à la mission qu’il a effectuée en 2004 en Colombie (E/CN.4/2005/88/Add.2), plusieurs peuples autochtones d’Amazonie sont en danger d’extinction.

95. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’accorder une grande attention à la protection de l’intégrité physique de toutes les personnes appartenant à une minorité, dont les enfants. Les mesures prises à cette fin devraient être appliquées en consultation avec les responsables afro-colombiens et autochtones;

b) D’apporter une assistance spécifique adaptée aux enfants déplacés appartenant à une minorité ethnique;

c) De prendre des mesures volontaristes propres à garantir l’exercice effectif de leurs droits par les enfants appartenant à une minorité ethnique, en particulier dans les domaines de la santé et de l’éducation;

d) De prendre dûment en considération les recommandations adoptées par le Comité à l’issue de la journée de débat général qu’il a consacrée aux droits des enfants autochtones en septembre 2003 et d’accorder une attention particulière aux recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones dans son rapport sur la mission qu’il a effectuée en 2004.

9. Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant

96. Le Comité encourage l’État partie à soumettre les rapports initiaux qu’il est tenu de présenter en vertu des Protocoles facultatifs dans les meilleurs délais et, si possible, simultanément, afin d’en faciliter l’examen.

10. Suivi et diffusion

Suivi

97. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant aux ministères concernés, au Congrès et aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

Diffusion

98. Le Comité recommande en outre à l’État partie de diffuser largement son troisième rapport périodique, ses réponses écrites et les recommandations y afférentes (observations finales) adoptées par le Comité dans les langues du pays (dont les langues autochtones), notamment (mais non exclusivement) par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupements de jeunesse et des enfants, de façon à susciter un débat et à faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi.

11. Prochain rapport

99. Le Comité invite l’État partie à présenter ses quatrième et cinquième rapports périodiques en un seul document avant le 26 août 2011 (soit 18 mois avant la date fixée pour la soumission du cinquième rapport). Il s’agit là d’une mesure exceptionnelle adoptée par le Comité en raison du grand nombre de rapports qu’il reçoit chaque année et du retard qui s’accumule entre la date de soumission du rapport par les États parties et son examen par le Comité. Ce rapport ne devra pas compter plus de 120 pages (voir CRC/C/118). Le Comité attend de l’État partie qu’il présente ensuite un rapport tous les cinq ans, comme le prévoit la Convention.

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