Nations Unies

CAT/C/TUN/3

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

18 août 2010

Français

Original: arabe

Comité contre la torture

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Troisième rapport périodique des États partiesdevant être soumis en 1997

Tunisie * , **

[16 novembre 2009]

Table des matières

Paragraphes Page

I.Introduction1–163

II.Mesures et nouveaux textes législatifs relatifs à l’applicationdes articles 1 à 16 de la Convention17–3917

Article 117–217

Article 222–1367

Article 3137–14430

Article 4145–17431

Article 5175–18335

Article 6 184–18937

Article 7190–22438

Article 8225–22743

Article 9228–23143

Article 10232–26644

Article 11267–32153

Article 12322–34363

Article 13344–37067

Article 14371–37972

Article 15380–38773

Article 16388–39174

III.Informations complémentaires et réponses aux observations faitespar le Comité à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique392–40475

I.Introduction

1.La Tunisie soumet au Comité contre la torture son troisième rapport périodique en application de l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le rapport initial (CAT/C/7/Add.3) avait été présenté en son temps et a été suivi du deuxième rapport périodique (CAT/C/20/Add.7) daté du 10 novembre 1997, qui a été examiné par le Comité le 18 novembre 1998 (CAT/C/SR.358, 359 et 363).

2.Le présent rapport a été élaboré conformément à l’article 19 du Règlement intérieur du Comité contre la torture. Conformément aux directives générales du Comité, il est divisé en trois parties, à savoir: l’introduction; les mesures et nouveaux textes législatifs concernant l’application des articles 1 à 16 de la Convention; un complément d’information et les réponses aux observations formulées par le Comité à la suite de son examen du deuxième rapport périodique. L’introduction passe en revue les principales mesures prises durant la période 1999-2009 pour renforcer la protection et la promotion des droits de l’homme et en diffuser aussi largement que possible la culture.

3.Pour plus d’informations à ce sujet, il convient de se reporter au rapport soumis par la République tunisienne au Secrétariat des Nations Unies le 16 mai 1994, en tant que document de base d’un État partie aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et aux deux rapports précédents soumis au Comité par la Tunisie.

4.La préparation du rapport a pris un certain temps vu le souci de dresser un tableau général complet des réformes entreprises dans le pays, tant du point de vue de la forme que sur le fond. L’objectif était également de présenter les mesures pratiques prises pour développer les systèmes législatif, judiciaire et pénal et renforcer les mécanismes propres à assurer la protection des libertés individuelles publiques et des droits de l’homme compte tenu de leur caractère universel et indissociable et de leur complémentarité. Le rapport a été préparé selon une approche participative par un comité constitué de représentants de nombreux ministères, d’organisations non gouvernementales et du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

5.Conformément à la politique de réforme que suit la Tunisie depuis 1987, marquée en particulier par la ratification sans réserve de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 1988 et la révision du Code de procédure pénale en 1999, qui a permis, notamment, de mettre la définition de la torture en conformité avec celle de la Convention comme l’avait recommandé le Comité contre la torture en 1998, plusieurs mesures ont été prises pour renforcer et étoffer les mécanismes des droits de l’homme.

6.L’approche globale, intégrée et multidimensionnelle des questions des droits de l’homme, adoptée par la Tunisie s’articule autour de trois axes: le premier consiste à jeter les bases législatives de la promotion et de la protection des droits de l’homme sous tous leurs aspects; le deuxième vise à mettre en place des mécanismes pour assurer le respect de ces droits part tout un chacun; le troisième a pour but de diffuser la culture des droits de l’homme, sachant que la prise de conscience de leur importance est la meilleure garantie de leur application et de leur sauvegarde.

7.À cet égard, la Tunisie a connu progressivement, durant la période considérée, de profonds changements à la suite des importantes réformes qui ont été menées, notamment dans les domaines de la législation et de l’administration de la justice, en vue de garantir comme il convient la protection des droits de l’homme et d’éliminer toute forme de discrimination et d’injustice. Dans cette optique, la législation pénale a été modifiée aux fins d’une plus grande conformité avec les normes des Nations Unies et afin de charger l’appareil judiciaire, en tant que principal garant de ces normes, de leur protection. En outre, les mécanismes de surveillance et de protection des droits de l’homme ont été renforcés.

8.La première réforme a été effectuée en 1999, lorsque la définition de l’acte de torture, qui figure dans la Convention, a été incorporée dans le droit national et que les garanties offertes aux personnes privées de liberté ont été renforcées. D’autres réformes ont suivi, avec en particulier une révision fondamentale de la Constitution par le biais de la loi constitutionnelle du 1er juin 2002, qui a renforcé les bases de l’état de droit et les institutions, garanti explicitement les libertés et les droits de l’homme et énoncé les principes de solidarité et de tolérance.

9.Cette révision a accordé à l’universalité, à l’indivisibilité et à l’interdépendance des droits de l’homme et des libertés fondamentales une place centrale dans la Constitution, étendant la portée de la protection de la vie privée, consacrant l’inviolabilité de la correspondance et la protection des données personnelles, subordonnant l’arrestation et la détention provisoire des personnes à une décision de justice et établissant le principe du droit de la personne privée de liberté d’être traitée avec humanité et dans le respect de sa dignité. L’article 12 de la Constitution stipule ce qui suit: «La garde à vue est soumise au contrôle judiciaire, et il ne peut être procédé à la mise en détention provisoire que sur décision de justice. Il est interdit de soumettre quiconque à une garde à vue ou à une détention arbitraire.». En outre, l’article 13 de la Constitution a été modifié par la mention expresse suivante: «Tout individu ayant perdu sa liberté est traité humainement dans le respect de sa dignité, conformément aux conditions fixées par la loi.».

10.S’agissant des mécanismes de protection, les droits de l’homme ont été placés sous l’égide du Ministère de la justice en 2002 et un coordinateur général des droits de l’homme a été nommé dans le cadre des efforts pour inscrire ces droits dans une perspective juridique et judiciaire, tout en veillant à en diffuser la culture et à renforcer le respect dans le texte et dans la pratique.

11.Les lois adoptées au cours de la période considérée (création d’un poste de juge d’application des peines et renforcement de ses compétences, création d’un poste de médiateur en matière pénale, indemnisation des personnes arrêtées et condamnées dont l’innocence a été établie, remplacement des peines privatives de liberté par des travaux d’intérêt général, institution d’une peine de réparation du préjudice causé, renforcement des droits de l’accusé, amélioration des conditions de détention et facilitation de la réinsertion) ont enrichi le système de justice pénale et apporté de nouvelles garanties aux personnes privées de liberté.

12.La réponse favorable de la Tunisie aux recommandations des procédures des Nations Unies dans le domaine des droits de l’homme, notamment à celles du Comité contre la torture, est illustrée par l’adoption de nombreuses mesures pratiques et lois visant à renforcer les droits de l’homme.

13.De 1999 à 2009, la législation tunisienne a été étoffée par plusieurs textes complémentaires portant directement ou indirectement sur la lutte contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il y a lieu de mentionner notamment:

L’adoption de la définition internationale du crime de torture (loi no 89 du 2 août 1999 portant modification du Code pénal);

L’abolition du travail obligatoire afin de faire respecter dans les prisons la dignité humaine et d’assurer une plus grande conformité entre le système pénal et les principes des droits de l’homme (loi du 2 août 1999 portant modification du Code pénal);

Le renforcement des garanties des personnes placées en détention provisoire par la réduction de la durée de cette détention, la notification des membres de la famille, la garantie de l’accès à un médecin et la bonne tenue des registres de détention (loi no 90 du 2 août 1999 portant modification du Code de procédure pénale);

L’instauration d’un système de justice fondé sur le principe du double degré de juridiction en matière pénale (loi no 43 du 17 avril 2000 portant modification du Code de procédure pénale);

La création du poste de juge d’application des peines (loi no 77 du 31 juillet 2000) et renforcement de ses compétences (la loi no 92 du 29 octobre 2002);

Le transfert des établissements pénitentiaires et correctionnels de la tutelle du Ministère de l’intérieur à celle du Ministère de la justice et des droits de l’homme (loi no 51 du 3 mai 2001) sur les agents de prison et de rééducation;

La promulgation de la loi no 52 du 14 mai 2001 relative à l’organisation des prisons;

La reconnaissance du droit à l’indemnisation en cas d’erreur judiciaire (loi no 94 du 29 octobre 2002 relative à l’indemnisation des personnes ayant fait l’objet d’une détention provisoire ou d’une condamnation et dont l’innocence a été prouvée);

La reconnaissance du droit d’un suspect d’être informé, lors de son audition par les officiers de police judiciaire, de son droit d’être assisté d’un avocat pendant son interrogatoire, comme le prévoit la loi no 32 du 22 mars 2007;

L’adoption de la loi no 21 du 4 mars 2008 portant obligation de motiver la décision de prolonger la durée de la garde à vue ou de la détention provisoire;

L’adoption de la loi no 58 du 4 août 2008 relative à la mère détenue enceinte et allaitante;

L’adoption de la loi no 75 du 11 décembre 2008 portant consolidation des garanties octroyées à l’inculpé, amélioration des conditions de détention et de réinsertion;

L’adoption de la loi no 68 du 12 août 2009 relative à l’instauration de la peine de réparation pénale et à la modernisation des procédés de remplacement de l’emprisonnement.

14.Les mesures prises par la Tunisie pour empêcher toute violation des droits de l’homme, dissuader quiconque s’aviserait de commettre des abus et punir dûment de tels actes témoignent d’une volonté politique qui est de nature à promouvoir les libertés et les droits et à assurer le fonctionnement normal des institutions et des organes publics, notamment la justice, en tant que mécanisme essentiel de l’état de droit.

15.À la lumière de cette approche globale, de nombreuses autres mesures importantes ont été prises, dont:

L’élévation au rang de loi du texte qui régit le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui a désormais le statut d’institution nationale dotée de la personnalité juridique et d’une indépendance financière et dont les compétences ont été étoffées. Cet organe est à présent habilité à s’occuper de toute question relative au renforcement des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à leur protection et à contribuer à l’élaboration des rapports présentés par la Tunisie aux organes des droits de l’homme de l’ONU, à suivre les observations et les recommandations émanant de ces organes et à établir et à diffuser un rapport national annuel sur la situation des droits de l’homme dans le pays. Le Comité supérieur est aujourd’hui ouvert à tout un éventail de compétences, de spécialisations et d’écoles de pensée. La loi no 37 du 16 juin 2008 sur le Comité supérieur est de nature à faire du Comité un organe indépendant satisfaisant aux Principes de Paris;

L’instauration du double degré de juridiction en matière pénale pour les enfants, conformément à la loi no 53 du 22 mai 2000 portant modification du Code de la protection des enfants;

L’adoption de la loi no 52 du 3 juin 2002 relative à l’octroi de l’aide judiciaire, ultérieurement modifiée par la loi no 27 du 27 mai 2007 pour étendre le bénéfice de cette aide aux affaires portées devant la cour d’appel. Ces mesures renforcent encore plus les droits des suspects et des demandeurs sans ressources ou ayant un revenu limité;

La recherche de mesures de substitution aux poursuites pénales (loi no 93 du 29 octobre 2002 complétant le Code de procédure pénale, relative à l’institution de la transaction par médiation dans le domaine pénal);

L’assistance aux délinquants récidivistes (loi no 93 du 3 octobre 2005 complétant quelques dispositions du Code de procédure pénale).

16.Outre l’adoption de ces textes législatifs essentiels par lesquels la Tunisie s’est conformée aux normes internationales et systèmes pénaux avancés, l’État a continué de s’occuper de l’amélioration des conditions et du traitement dans les centres de garde à vue, et de détention provisoire et dans les prisons grâce aux mesures décrites ci-après:

Le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales a continué d’effectuer des visites à l’improviste dans les prisons, les centres de détention et les locaux de garde à vue pour surveiller les conditions et le traitement des détenus. Des groupes de travail, composés du Président du Comité et d’autres personnalités juridiques éminentes connues pour leur compétence et leur intégrité, ont été constitués pour mener ces visites et faire rapport au Président de la République. Une commission spéciale d’enquête sur les cas relevés de mauvais traitement de personnes incarcérées a également été créée. De plus amples détails sur les activités du Comité supérieur seront donnés une autre partie du présent rapport;

Le Ministère de la justice et des droits de l’homme et le Ministère de l’intérieur et du développement local ont poursuivi leurs efforts pour diffuser la culture des droits de l’homme parmi les juges et les policiers;

Un accord a été conclu le 26 avril 2005, entre le Coordinateur général du Comité supérieur et le délégué régional du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Il permet aux délégués du CICR d’effectuer des visites dans les établissements pénitentiaires et les maisons de correction qui sont sous l’autorité du Ministère de la justice et du Ministère de l’intérieur et du développement local. Depuis l’entrée en vigueur de l’accord, le CICR a effectué plusieurs visites dans différents lieux de garde à vue et prisons du pays. Il a pu s’entretenir en privé avec les détenus qu’il a souhaité rencontrer et a reçu tout le soutien nécessaire pendant ses visites;

Les comités chargés des questions d’amnistie, de libération conditionnelle et de réinsertion judiciaire et sociale, ont poursuivi leur travail, adoptant diverses décisions en la matière.

II.Mesures et nouveaux textes législatifs relatifs à l’application des articles 1 à 16 de la Convention

Article 1

17.En réponse aux recommandations du Comité contre la torture, la législature tunisienne a modifié le Code pénal en y ajoutant l’article 101 bis par la loi no 89 du 2 août 1999 qui dispose ce qui suit: «Est puni d’un emprisonnement de huit ans, le fonctionnaire ou assimilé qui soumet une personne à la torture et ce, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Le terme “torture” désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, ou lorsque la douleur et les souffrances aiguës sont infligées pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit.».

18.Cette définition de la torture repose sur le texte de l’article premier de la Convention. Comme le stipule ce même article de la Convention, l’article 101 bis s’applique à tout fonctionnaire public ou personne intervenant à titre officiel. L’article 101 bis utilise l’expression analogue «fonctionnaires ou assimilés».

19.Conformément à l’article 82 du Code pénal «Est réputé fonctionnaire public soumis aux dispositions de la présente loi, toute personne dépositaire de l’autorité publique ou exerçant des fonctions auprès de l’un des services de l’État ou d’une collectivité locale ou d’un office ou d’un établissement public ou d’une entreprise publique, ou exerçant des fonctions auprès de toute autre personne participant à la gestion d’un service public. Est assimilé au fonctionnaire public toute personne ayant la qualité d’officier public ou investie d’un mandat électif de service public, ou désignée par la justice pour accomplir une mission judiciaire.».

20.Cette évolution de la législation traduit l’importance accordée dans le système pénal à la protection des personnes privées de liberté, conformément aux dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Elle illustre également l’approche humaine adoptée par l’État en ce qui concerne l’interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

21.De nombreuses mesures d’application judiciaires destinées à dissuader les fonctionnaires d’avoir recours à la torture et autres peines ou traitements cruels ou inhumains dans l’exercice de leurs fonctions et la jurisprudence tunisienne à cet égard seront abordées dans le contexte de l’article 4. En outre, des données statistiques sur la question se rapportant à la période considérée seront présentées.

Article 2

22.L’État fait tout son possible pour adopter les mesures législatives, administratives, judiciaires et autres requises pour empêcher l’usage de la torture sur tout le territoire sous sa juridiction. Aucune circonstance exceptionnelle, d’ordre administratif ou politique, ne peut être invoquée pour justifier la torture. La loi tunisienne ne permet pas non plus d’invoquer l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique quelle qu’elle soit en cas de violation des droits de l’homme. La loi est applicable à toutes les personnes sans distinction.

23.Dans le cadre de la politique de l’État visant à assurer l’intégrité physique et morale des personnes face à toute violation qui pourrait être commise par les forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions, les mesures destinées à empêcher la torture et toutes les formes de mauvais traitements ont été renforcées, l’accent continuant d’être mis sur le respect des dispositions des paragraphes 2 et 3 de l’article 2, en vertu desquels aucun prétexte ne peut être invoqué pour justifier la torture et de l’article 3 aux termes duquel le recours à la torture ne saurait être justifié par l’ordre d’un supérieur.

Renforcement des mesures visant à empêcher les actes de torture et toutes les formes de mauvais traitements

24.Les principales mesures prises dans ce domaine pour la période considérée sont les suivantes.

Mesures législatives

25.L’État s’est attaché à assurer une meilleure protection de l’intégrité physique et morale des personnes contre toute forme de mauvais traitement et de torture en renforçant des dispositions législatives sur quatre niveaux: droit constitutionnel, droit pénal, Code de procédure pénale et loi sur les établissements pénitentiaires.

Droit constitutionnel

26.La Loi constitutionnelle no 51 du 1er juin 2002, portant modification de certaines dispositions de la Constitution tunisienne, a donné rang constitutionnel aux garanties judiciaires applicables en cas de garde à vue et de détention provisoire et inscrit dans la Constitution le principe du traitement humain des personnes privées de liberté.

Élévation au rang constitutionnel des garanties judiciaires applicables en cas de gardeà vue et de détention provisoire

27.Le (nouvel) article 12 de la Constitution dispose ce qui suit: «La garde à vue est soumise au contrôle judiciaire et il ne peut être procédé à la détention provisoire que sur ordre juridictionnel. Il est interdit de soumettre quiconque à une garde à vue ou à une détention arbitraire». Quant à l’article 13, il stipule que «tout individu ayant perdu sa liberté est traité humainement, dans le respect de sa dignité, conformément aux conditions fixées par la loi».

28.Ce n’est qu’en 1987 que le législateur tunisien a adopté des mesures pour régir la garde à vue et la détention provisoire. Le 26 novembre de cette même année, le Code de procédure pénale a, pour la première fois, limité la durée de la garde à vue à quatre jours avec la possibilité d’une prolongation de même durée puis de deux jours supplémentaires en cas d’absolue nécessité. Le 2 août 1999, le délai de garde à vue a été ramené à trois jours avec la possibilité de le prolonger une seule fois d’une période similaire.

29.Pour la détention provisoire, la loi du 26 novembre 1987 en avait limité la durée à six mois, avec une possibilité de prolongation pour une période de même durée (soit douze mois au maximum) pour les infractions mineures et de deux prolongations de six mois pour les infractions graves (soit dix-huit mois au maximum). La loi no 114 du 22 novembre 1993 a ramené la durée du placement en détention provisoire à neuf mois (six mois avec une possibilité de prolongation de trois mois) pour les infractions mineures et à quatorze mois (six mois avec deux prolongations de quatre mois) pour les infractions graves.

30.L’inscription du contrôle judiciaire de la garde à vue et de la détention provisoire dans la Constitution montre clairement l’importance que l’État attache à la protection des libertés individuelles et au rôle croissant de l’appareil judiciaire dans le cadre de la mise en œuvre de cette protection. Vu la primauté de la Constitution sur toutes les autres lois, cette disposition donne à la protection des libertés individuelles rang de garantie constitutionnelle.

Inscription dans la Constitution du principe de traitement humain des personnes privéesde liberté

31.Dans le cadre de cette même révision de la Constitution, un nouveau paragraphe a été ajouté à l’article 13. Il prévoit que «tout individu privé de sa liberté doit être traité humainement, dans le respect de sa dignité, conformément aux conditions fixées par la loi». Cet ajout constitue un important acquis pour le système des droits de l’homme en Tunisie, compte tenu de l’impact positif de cette mesure au niveau de la législation et de la réglementation relatives au système de justice pénale. Les nouvelles garanties sont en conformité avec l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et avec l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, deux instruments qui influent sur l’orientation de la politique pénale de la Tunisie.

Droit pénal

32.Par-delà le dispositif législatif qui existait avant 1999 et qui couvrait les infractions commises contre les personnes par des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, le législateur tunisien s’est efforcé d’étoffer le système pénal.

La législation pénale avant 1999

33.La législation pénale comprenait avant 1999 d’importantes dispositions incriminant les différentes formes d’agression contre les personnes visées par l’article 101 du Code pénal, qui interdit le recours à la violence contre les personnes et punit de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende tout fonctionnaire ou assimilé qui commet en personne ou par le biais d’un tiers, sans justification, un acte de violence contre autrui dans l’exercice de ses fonctions. Il apparaît donc que le législateur a adopté une conception large de la notion de torture, qui est définie comme allant au-delà du préjudice physique pour inclure la torture mentale. Pour le législateur, l’infraction ne peut exister qu’en l’absence d’un motif légitime.

34.Dans ce contexte, seule la justification légale peut être un motif légitime. La réaction d’un fonctionnaire pour faire face à une agression ou en situation de légitime défense, sans intention d’infliger des tortures ou d’autres mauvais traitements, est considérée comme justifiée. L’article 102 du Code pénal punit d’un an d’emprisonnement et d’une amende tout fonctionnaire ou assimilé qui, sans observer les prescriptions légales ou sans nécessité démontrée, pénètre dans la demeure d’un particulier contre le gré de celui-ci.

35.L’article 103 du Code pénal punit de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende tout fonctionnaire qui, sans motif légal, porte atteinte à la liberté d’une personne ou use directement de violence ou de mauvais traitements envers un accusé ou un témoin ou un expert pour en obtenir des aveux ou des déclarations. La peine est ramenée à six mois d’emprisonnement s’il n’y a pas eu de menaces de violence ou de mauvais traitements.

36.Est assimilé à des actes de torture tout abus de pouvoir portant atteinte à la propriété individuelle. Le Code pénal dispose à cet égard que tout fonctionnaire ou assimilé, usant de violence ou de mauvais traitements pour acquérir un bien meuble ou immeuble contre le gré de son propriétaire légitime ou qui oblige son propriétaire à le céder à autrui, est passible de deux ans d’emprisonnement. Le tribunal ordonnera en sus de la peine encourue la restitution du bien spolié ou de sa valeur, sous réserve des droits des tiers de bonne foi. L’article 105 du Code pénal punit également de deux ans d’emprisonnement et d’une amende tout fonctionnaire ou assimilé qui use de violences et de mauvais traitements pour imposer à autrui des travaux ne correspondant pas à des activités d’utilité publique exécutés pour le compte de l’État.

37.Le présent rapport abordera la question de l’application de ces articles à la lumière de la jurisprudence tunisienne dans le contexte de l’article 4 de la Convention.

Dispositions législatives de droit pénal adoptées après 1999 et applicationde ces dispositions

38.La législation pénale s’est renforcée après 1999 par des lois portant création de plusieurs institutions dans le cadre d’une nouvelle approche visant à humaniser le système pénal en prévoyant d’autres types de peines en remplacement des sanctions pénales traditionnelles. L’application de ces nouvelles peines, qui visent à éviter le recours à la privation de liberté, a eu un effet positif sur la protection des libertés individuelles, ce qui a conduit les autorités à d’autres changements allant dans ce sens en 2009.

Définition et criminalisation de la torture

39.En réponse aux recommandations des organes de l’ONU et mu par un réel souci de mieux lutter contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le législateur tunisien a modifié le Code pénal en y ajoutant, par la loi no 89 du 2 août 1999, un article 101 bis qui reprend mot pour mot la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention.

Abolition du travail obligatoire dans les prisons

40.Pour protéger la dignité humaine et assurer la conformité du système pénal avec les principes des droits de l’homme, la loi no 2 du 2 août 1999 a supprimé le dernier paragraphe de l’article 13 du Code pénal qui prévoyait l’astreinte des détenus à un travail obligatoire pendant l’exécution de leur peine. Cette mesure correspond à la nouvelle approche adoptée par le législateur visant à développer et à rendre plus transparente la politique pénale conformément à la loi du 23 janvier 1995 portant abolition du travail rééducatif et du service civil pendant l’exécution d’une peine.

41.La nouvelle loi en date du 14 mai 2001 sur l’organisation des prisons reconnaît aux prisonniers le droit à un travail rémunéré dans la limite des moyens disponibles et dans le respect des garanties connexes. L’article 19 de la loi énumère comme suit aux paragraphes 7 et 8 les droits des détenus:

«Les détenus condamnés ont droit à unemploi rémunéré dans la limite des moyens disponibles, et dans le respect de la durée légale. Un arrêté commun du Ministre des prisons et de la rééducation et du Ministre des affaires sociales définit le mode et les conditions de rémunération;

Les détenus jouissent de droits et de garanties prévues par la loi en cas d’accidents du travail ou de maladie professionnelle.».

42.Pour mieux réglementer le droit au travail et les conditions de travail des prisonniers, le Ministère de la justice et des droits de l’homme et le Ministère des affaires sociales de la solidarité et des Tunisiens à l’étranger ont adopté le 8 avril 2004 une décision conjointe qui fixe les conditions de rémunération des prisonniers, établissant un barème des salaires à verser en fonction des spécialisations et des qualifications, et prévoyant certaines garanties restreignant la possibilité de travailler aux détenus déjà condamnés qui le souhaitent et la subordonnant à l’autorisation d’une commission de l’emploi des prisonniers.

43.Afin d’offrir aux détenus d’autres garanties contre les accidents de travail et les maladies professionnelles, la loi du 12 août 2009 a aboli le régime institué par la loi no 28 du 21 février 1994 portant application aux prisonniers condamnés à une peine de travail d’utilité publique du régime de réparation des préjudices résultant des accidents de travail et des maladies professionnelles.

Travail d’utilité publique en lieu et place d’une peine d’emprisonnement

44.Conformément à la loi no89 du 2 août 1999, une nouvelle peine a été ajoutée à l’article 5 du Code pénal sous le titre «travail d’utilité publique». Comme suite à cette modification, il a fallu ajouter d’autres dispositions au Code comme les articles 15 bis, 15 ter, 17 et 18, tels que modifiés, et 18 bis. Par la loi no 90 du 2 août 1999, le législateur a également ajouté au Code de procédure pénale de nouvelles dispositions relatives à l’application de cette nouvelle peine, aux articles 343, 344, 345, au nouvel article 346 bis et à l’article 348.

45.Ces nouveaux articles déterminent le champ d’application pour les travaux d’utilité publique, qui se limite aux contraventions, à certaines infractions mineures sans danger pour la société commises par des délinquants occasionnels, comme certains actes de violence et infractions au code de la route, et atteintes aux biens. D’autres critères objectifs (comme la présence de l’accusé à l’audience pour exprimer ses regrets, sa promesse de ne pas récidiver et l’acceptation de la peine avant le verdict) doivent être respectés pour bénéficier du nouveau régime. Le législateur a souligné, en particulier, la nécessité d’informer l’accusé de son droit de refuser d’accepter la peine et d’enregistrer son acceptation afin d’éviter que la peine ne devienne une forme de travail forcé.

46.Le remplacement de la peine d’emprisonnement par un travail d’utilité publique exige de prendre certaines dispositions pour déterminer le type d’institution qui sera apte à accueillir les délinquants. De par la nature du travail, seuls les organismes publics, les collectivités locales et les organisations d’utilité publique peuvent en bénéficier. Le travail d’utilité publique est considéré comme une compensation des préjudices causés à la société et permet au délinquant d’éviter la prison.

47.Les mécanismes mis en place pour assurer l’efficacité de ces dispositions comprennent un examen médical pour s’assurer de l’aptitude physique et mentale de la personne qui bénéficie également des garanties de sécurité au travail prévues par la loi du 2 août 1999.

48.L’exécution de la peine de travail d’utilité publique exige des règles de procédure concernant sa mise en place, la garantie que le travail sera effectué, les absences ou la résiliation de l’arrangement. Les règles de procédure mises en place pour organiser le travail d’utilité publique font appel à une grille tenant compte du comportement de la personne et de la fréquence des absences au travail non autorisées. La loi insiste particulièrement sur la nature volontaire de l’arrangement et prévoit des garanties en cas d’arrêt de travail pour des raisons familiales, professionnelles ou de santé. Le tableau ci‑dessous contient la liste des affaires où il y a eu recours au travail d’utilité publique pour la période allant du 2 août 1999 à la fin de l’année judiciaire 2008/2009.

Tribunal

2001/02

2002/03

2003/04

2004/05

2005/06

2006/07

2007/08

2008/09

Appel

1

7

28

11

20

4

3

0

Première instance

8

84

272

143

246

259

181

274

District

6

79

86

104

290

164

144

235

Total

15

170

386

258

556

427

328

509

49.Un examen du recours à cette mesure au fil des années montre que les résultats restent modestes en raison des difficultés de procédure rencontrées. La présence de l’accusé à l’audience et l’expression de ses regrets pour bénéficier d’une telle mesure ne sont pas toujours possibles. Plaider coupable est une condition qui doit être remplie pour que le tribunal remplace une peine de prison par un travail d’utilité publique.

50.D’autres difficultés sont liées à l’emploi de l’expression «avant le prononcé du jugement» dans le deuxième paragraphe de l’article 15 ter du Code pénal, qui souvent empêche le tribunal de prononcer une peine de travail d’intérêt général avant d’avoir déclaré un détenu coupable et l’avoir condamné à six mois d’emprisonnement maximum: car c’est seulement alors que le tribunal peut informer le détenu de son droit d’accepter un travail d’intérêt général au lieu d’une peine d’emprisonnement.

51.Afin de surmonter ces difficultés et simplifier les mesures de remplacement d’une peine d’emprisonnement par un travail d’intérêt général, la loi de 1999 a été modifiée par la loi no 68 du 12 août 2009 relative à l’instauration de la peine de réparation pénale et à la modernisation des mesures de remplacement de l’emprisonnement. La loi modifiée porte de six mois à un an la peine maximale d’emprisonnement pouvant être remplacée par un travail d’utilité publique. Elle étend également le champ des infractions couvertes par l’accord et n’exige plus que des regrets soient exprimés. Les nouvelles dispositions prévoient d’informer le coupable de son droit de refuser le travail d’intérêt général et de consigner au procès-verbal sa réponse. La présence à une seule audience est suffisante pour que l’accusé bénéficie d’une mesure de travail d’intérêt général.

52.En échange de la suppression de l’obligation d’exprimer des regrets, d’autres critères ont été fixés. Le tribunal doit en effet tenir compte dans sa décision de l’existence de circonstances atténuantes ou avoir la conviction qu’une peine de travail d’intérêt général peut contribuer à la réinsertion dans la société.

53.En conformité avec les mesures adoptées pour protéger les détenus contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, la loi du 12 août 2009 a aboli le régime établi par la loi no 28 du 21 février 1994. Cette mesure vise à surmonter les réticences des entreprises à employer des détenus devant exécuter une peine de travail d’intérêt général. D’autre part, afin de faciliter la réinsertion des personnes condamnées à une peine de travail d’intérêt général, il a été décidé de ne pas faire mention de ce travail sur le casier judiciaire.

Établissement d’une peine de réparation pénale

54.Dans le cadre des efforts pour renforcer les droits de l’homme et moderniser le système pénal, par un recours moins fréquent aux peines privatives de liberté de courte durée, spécialement pour les primodélinquants, pour élargir le pouvoir discrétionnaire des tribunaux d’opter pour une peine de remplacement en fonction de la gravité de l’infraction et en application des dispositions pénales visant à personnaliser la peine et à prendre en compte la nature du préjudice subi, la loi no 68 du 12 août 2009 sur l’instauration de la réparation pénale et la modernisation des procédés de remplacement de l’emprisonnement habilite le tribunal, en cas d’infraction ou de délit mineur emportant une peine d’emprisonnement de courte durée, à remplacer cette peine par une réparation accordée par le condamné à la victime, dans un délai déterminé, étant entendu que la peine initiale est appliquée en l’absence de réparation dans les délais prescrits.

55.La réparation pénale remplace l’emprisonnement en cas d’infraction ou de délit ayant causé un préjudice personnel et direct à la victime et emportant une peine d’emprisonnement de six mois au maximum, période trop courte pour que le condamné puisse bénéficier des programmes de rééducation et de réadaptation, et ne permettant donc pas d’atteindre les objectifs visés à travers la peine privative de liberté, ce qui peut amener le condamné à récidiver.

56.La peine de réparation pénale permet également au tribunal de protéger les droits de la victime en obligeant le condamné à lui verser une réparation pénale. Le montant de cette réparation est de 20 dinars au minimum et de 5 000 dinars au maximum, même lorsqu’il y a plusieurs victimes.

57.Afin d’assurer un juste équilibre entre les intérêts de la victime, de l’accusé et de la société, sont exclues du champ d’application de cette loi les infractions emportant une peine privative de liberté de plus de six mois et celles qui, de par leur nature, représentent un danger pour la société et dont les effets ne peuvent pas être effacés par la réparation. En sont également exclues certaines infractions considérées comme graves même si elles sont punies de moins de six mois d’emprisonnement, telles que la corruption, et des infractions dont la gravité dépend de l’âge de la victime comme les infractions commises contre les mineurs. Sont également exclues certaines infractions que le législateur a soumises à un régime spécial, telles que l’homicide et les blessures causées dans le cadre d’un accident de la circulation et le paiement au moyen d’un chèque sans provision.

58.Un écrit à date certaine prouvant l’exécution de la peine ou la consignation du montant de la réparation pénale doit être présenté par l’accusé, ses descendants, ses proches ou son conjoint au représentant du ministère public près le tribunal qui a rendu le jugement prononçant la peine de réparation pénale dans le délai prescrit qui est de trois mois.

59.En cas de non-exécution de la peine de réparation pénale par l’accusé ou de non-consignation du montant de la réparation pénale dans un délai de trois mois à compter de la date d’expiration du délai de recours contre le jugement prononcé en premier ressort ou de la publication du jugement en dernier ressort, le ministère public poursuivra les procédures d’exécution de la peine d’emprisonnement déjà prononcée.

60.Afin de favoriser la réinsertion de l’accusé dans la société, la loi prévoit la non-inscription des réparations pénales au casier judiciaire, étant donné que ce document peut être consulté par toute personne qui en fait la demande.

Code de procédure pénale

61.Les ajouts et modifications les plus remarquables portés au Code de procédurepénale en matière de protection physique et mentale des personnes privées de liberté se résument aux mesures ci-après.

Réglementation des procédures de détention

62.L’article 84 du Code de procédure pénale prévoit explicitement que la détention provisoire est une mesure exceptionnelle qui ne peut pas dépasser neuf mois pour les infractions mineures et quatorze mois pour les délits graves.

63.Pour souligner la nature exceptionnelle de la détention provisoire, le législateur a modifié l’article 85 du Code de procédure pénale par la loi no 74 du 11 décembre 2008 qui élargit le régime de la mise en liberté de droit, exige de motiver toute décision de détention, fait obligation de relâcher le suspect une fois la période de détention provisoire écoulée et prévoit de nouvelles mesures pour améliorer les conditions des détenus.

Élargissement du régime de mise en liberté de droit

64.La loi susmentionnée prévoit la mise en liberté de droit d’un accusé n’ayant pas été condamné à une peine supérieure à six mois (contre trois mois dans la loi précédente). Le nouveau texte applique également la règle de la mise en liberté conditionnelle pour les personnes qui exécutent une peine d’emprisonnement de moins de deux ans alors que la durée prise en compte dans les dispositions antérieures était d’un an. Le nouvel article dispose qu’un accusé doit être mis en liberté avec ou sans cautionnement cinq jours après l’interrogatoire sous réserve qu’il ait une résidence fixe en Tunisie et qu’il n’ait pas été condamné à une peine supérieure à six mois d’emprisonnement quand le maximum de la peine prévue par la loi ne dépasse pas deux ans d’emprisonnement, sauf s’il est condamné pour des délits qui tombent sous les articles 68, 70 et 217 du Code pénal.

Motivation obligatoire de la détention

65.Il convient de noter que la même année, le législateur a adopté la loi no 21 du 4 mars 2008 dans le même but et qu’il a fait obligation de motiver toute décision de détention d’un suspect et d’apporter toute preuve juridique et matérielle justifiant la délivrance d’un ordre de mise en détention. Dans ce contexte, l’article 85 du Code pénal dispose que l’inculpé peut être placé en détention provisoire en cas de délit grave ou flagrant et chaque fois qu’en raison de l’existence de présomptions graves, la détention semble nécessaire comme mesure de sécurité pour éviter de nouvelles infractions, comme garantie de l’exécution de la peine ou pour faciliter l’enquête.

66.La période de détention provisoire dans les cas mentionnés ci-dessus ne doit pas durer plus de six mois en tenant compte des motifs matériels et juridiques qui justifient la décision de mise en détention. Si l’enquête nécessite de prolonger la détention, le juge d’instruction peut, après avoir demandé l’avis du Procureur, prolonger, en motivant sa décision, la détention d’une période de trois mois pour les infractions mineures et deux périodes de quatre mois pour les délits majeurs. Dans les deux cas, la prolongation de la détention est susceptible d’appel.

Obligation de rendre la liberté à l’inculpé à l’expiration de la période de détention provisoire

67.Pour renforcer les garanties accordées aux détenus en détention provisoire, le législateur fait obligation de libérer un suspect à l’expiration de la période prescrite. L’avant-dernier paragraphe de l’article 85 du Code de procédure pénale prévoit à cet égard ce qui suit:

«La décision de la chambre d’accusation de renvoyer l’affaire devant le juge d’instruction pour l’accomplissement de certains actes nécessaires à la mise de l’affaire en l’état ne peut entraîner le dépassement de la durée maximale de la détention provisoire de l’accusé, le juge d’instruction ou la chambre d’accusation, selon le cas, devant ordonner d’office à l’expiration de cette durée la mise en liberté provisoire, sans que cela n’empêche la prescription des mesures nécessaires pour garantir sa comparution.».

Nouvelles mesures juridiques pour améliorer la condition des détenus

68.Ces nouvelles mesures visent à réduire la durée de la détention provisoire et à accélérer la procédure. Une des méthodes consistent à disjoindre les dossiers. L’article 104 bis du Code de procédure pénale prévoit à ce propos qu’à l’exception des cas où la jonction des procédures est obligatoire en application de l’article 131 de ce Code et de l’article 55 du Code pénal, le juge d’instruction peut, lorsqu’il est en charge d’une affaire concernant une personne inculpée de contravention ou de délit, disjoindre le dossier et le communiquer au Procureur de la République afin que ce dernier dépose ses réquisitions écrites sans que cela empêche la poursuite de l’enquête concernant les autres inculpés auxquels sont imputés des faits pouvant être qualifiés selon la loi de crimes.

69.Le juge d’instruction peut, même lorsqu’il est saisi de faits qualifiés de crimes impliquant plusieurs inculpés, procéder à la disjonction du dossier en vue de statuer rapidement sur le sort de ceux d’entre eux qui sont détenus, sans que cela empêche la poursuite de la procédure concernant les autres inculpés pour des considérations relatives aux exigences de l’instruction. Aussitôt que le Procureur de la République aura déposé ses réquisitions, le juge d’instruction statue par ordonnance séparée à l’égard de tous les inculpés objets de poursuites et demeure saisi de l’instruction pour les autres inculpés jusqu’à ce qu’il rende une ordonnance séparée à leur égard. Le rapport initial et deuxième rapport périodique soumis par la Tunisie donnent des détails sur l’attention particulière accordée par les autorités publiques aux conditions de détention.

Procédures pénales de substitution

70.Outre le système de médiation mis en place en 1995 qui a donné des résultats positifs, le législateur a adopté une autre méthode en 2002: la médiation pénale par conciliation.

Médiation

71.L’article 113 du Code de la protection de l’enfant définit la médiation comme un mécanisme qui vise à réconcilier l’enfant auteur d’une infraction ou son représentant légal, avec la victime, son représentant ou ses ayant-droits. Elle a pour objectif d’interrompre les poursuites pénales, un procès ou l’exécution d’un jugement. La médiation est considérée comme pouvant remplacer les mesures pénales traditionnelles qui s’appuient sur le principe selon lequel «toute infraction donne ouverture à une action publique ayant pour but l’application des peines et, si un dommage a été causé, à une action civile en réparation de ce dommage», comme le prévoit l’article premier du Code de procédure pénale. La médiation, en revanche, prime ce principe et va même jusqu’à le dépasser. Elle permet, si elle est engagée avant l’ouverture de la procédure, d’éviter le dépôt d’une plainte ou, une fois la procédure engagée, de suspendre une action ou l’exécution d’un jugement. C’est pourquoi la médiation est similaire à la réconciliation de par sa nature, mais différente de par sa procédure.

72.Conformément au Code de la protection de l’enfant, la médiation peut être sollicitée à n’importe quel moment de la procédure, mais n’est permise que pour les contreventions et les infractions mineures. La procédure commence par une requête présentée par l’enfant délinquant ou son représentant légal au délégué de la protection de l’enfance qui sert de médiateur pour trouver une solution entre les parties. L’accord rédigé et signé est ensuite transmis aux autorités judiciaires compétentes pour approbation. Ces mesures ne s’appliquent pas aux cas d’atteintes à l’ordre public ou aux mœurs. Le Code de la protection de l’enfant prévoit également un examen de l’accord obtenu par un juge pour enfants afin de préserver l’intérêt supérieur de l’enfant. Pour encourager le recours à la médiation, l’article 117 du Code de la protection de l’enfant exempte les requêtes de médiation des droits d’enregistrement et de timbre.

73.La médiation satisfait plusieurs objectifs louables comme éviter à l’enfant de se présenter au poste de police et de comparaître devant des organes judiciaires, permettre à la victime de demander réparation pour tout ou partie du préjudice causé, permettre à l’enfant de participer à la recherche d’une solution et faire gagner du temps à la justice.

74.Les chiffres du Ministère des affaires de la femme, de l’enfant et des personnes âgées, sous l’égide duquel opèrent les délégués de la protection de l’enfance, font apparaître une augmentation des dossiers de médiation, ce qui prouve l’efficacité de cette mesure et son acceptation progressive. Le tableau ci-après indique le nombre d’affaires qui se sont conclues par un accord de conciliation.

Année

Accords de conciliation conclus

1999

165

2000

260

2001

434

2002

449

2003

514

2004

618

2005

708

2006

481

2007

932

2008

912

Conciliation par médiation en matière pénale

75.Une des mesures de substitution aux mesures pénales traditionnelles adoptées par le législateur est la conciliation par médiation prévue en matière pénale par la loi no93 du 29 octobre 2002. Cette mesure a pour but de garantir la réparation du préjudice subi par l’auteur de l’infraction et de responsabiliser l’auteur des actes incriminés pour faciliter sa réinsertion dans la société.

76.Le Procureur général peut proposer une conciliation, de sa propre initiative ou sur requête d’une des parties ou de leur représentant légal, pour des contraventions et certaines infractions mineures visées à l’article 335 ter et ce, avant que la procédure ne soit engagée par le ministère public. L’exécution de l’arrangement conclu par médiation dans les délais impartis ou sa non-application à cause du plaignant exonère l’accusé de ses responsabilités. La procédure reste suspendue, sans délai de prescription, tant que les efforts de médiation sont en cours. Le tableau ci-dessous montre l’évolution du recours à la conciliation par médiation depuis l’adoption de la loi jusqu’à la fin du premier semestre 2008/2009.

Issue des affaires

2002/03

2003/04

2004/05

2005/06

2006/07

2007/08

2008/09

Résolues par médiation

176

1 206

890

964

942

934

840

Échec de la médiation

8

103

120

130

162

173

128

Total

184

1 309

1 010

1 094

1 104

1 107

968

77.Vu le succès de la conciliation par médiation en matière pénale et son adoption définitive, une nouvelle loi a été promulguée sous le numéro 68, le 12 août 2009. Elle étend le champ des infractions auxquelles la conciliation est applicable, qui relevaient de l’article 335 bis du Code de procédure pénale à celles prévues aux articles 226 bis et 296 du Code.

78.La nouvelle loi concerne aussi les petites infractions et les vols dictés par le besoin, sans tendance à la délinquance. Dans ces cas, toutefois, il est tenu compte de la nature de l’infraction et la conciliation ne s’applique qu’aux primodélinquants afin de leur éviter une peine de prison et de faciliter leur réinsertion dans la société.

Législation relative aux établissements pénitentiaires

79.Les établissements pénitentiaires étaient régispar la décision no 1876 du 4 novembre 1988. Toutefois, dès 2001, ce secteur entrait dans un nouveau cadre juridique réglementé par la loi no52 du 14 mai 2001 qui régit les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, les droits des détenus et leur future réinsertion dans la société conformément aux normes internationales applicables.

80.L’application des dispositions de la loi ci-dessus n’entre pas dans les seules attributions de l’administration des établissements pénitentiaires. Elle concerne également d’autres parties impartiales et indépendantes comme le Président du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les juges d’application des peines, le chef de la cellule des droits de l’homme au Ministère de la justice et des droits de l’homme et les juges de l’inspection judiciaire au même Ministère. La loi présente les principales caractéristiques suivantes:

Légalité de l’emprisonnement et preuve d’innocence

81.L’article 4 de la loi dispose que «nul ne peut être admis en prison qu’en vertu d’un mandat d’amener ou de dépôt ou en exécution d’un jugement ou d’une décision de contrainte par corps». La distinction faite entre les lieux de détention, les prisons pour exécuter des peines et le régime carcéral ouvert reflète l’importance attachée à la présomption d’innocence telle que prévue par l’article 12 de la Constitution. Les personnes en détention provisoire ne sont pas détenues dans le même établissement que les détenus qui exécutent leur peine. Lorsque cette séparation n’est pas possible, une aile distincte de l’établissement pénitentiaire est affectée à chaque catégorie.

Droits et devoirs des détenus

82.Cette loi dispose explicitement qu’un «équilibre doit être trouvé entre les droits des détenus, la sécurité de l’établissement pénitentiaire et la sécurité des autres détenus». Les droits des détenus sont, entre autres:

a)Le droit d’être informé de la loi qui régit les prisons pour qu’ils soient au fait de leurs droits et devoirs;

b)La préservation de leur intégrité physique et mentale contre toute forme de mauvais traitement;

c)La reconnaissance de leur droit aux soins de santé, physique et mentale, et la satisfaction de leurs besoins quotidiens (hygiène, surveillance médicale, lecture et éducation);

d)L’accès libre des enfants de moins de 13 ans à l’un de leurs parents emprisonné;

e)Le droit à un suivi médical des détenues enceintes pendant et après la grossesse et le droit des femmes détenues accompagnées d’enfants à des soins médicaux et sociaux.

f)La loi définit également les devoirs des détenus et prescrit des mesures et sanctions disciplinaires pour la transgression des règles pénitentiaires.

Préparation des détenus à leur réinsertion sociale après la prison

83.Plusieurs mesures ont été mises en place à cet égard; elles consistent à:

a)Aider les détenus à maintenir des liens familiaux et sociaux en leur permettant de recevoir des visites et en les autorisant, après vérification soigneuse, à effectuer des visites en dehors de l’établissement pénitentiaire;

b)Favoriser la réinsertion sociale des détenus en leur donnant la possibilité d’étudier, d’apprendre un métier ou de travailler si possible en tenant compte de la législation du travail et des règles relatives à la sécurité du travail;

c)Inciter les détenus à avoir un bon comportement en leur donnant, par exemple, la possibilité d’obtenir une recommandation pour bénéficier d’une mise en liberté anticipée ou de suivre une formation professionnelle ou d’acquérir gratuitement des outils de travail à leur sortie de prison.

84.Trouver le juste équilibre entre les droits des détenus et la sécurité dans les prisons étant la responsabilité des gardiens de prison, la loi a défini les obligations du personnel des prisons, leur interdit l’usage d’une force allant au-delà du nécessaire pour préserver leur sécurité et celles des détenus ou la sécurité de la prison. Certaines des options et approches en la matière seront examinées dans une autre partie du présent rapport.

Améliorer l’environnement et les conditions de travail à l’intérieur des établissements pénitentiaires

85.Les améliorations portent sur plusieurs volets.

Aide sociale

86.L’aide sociale est une des composantes les plus importantes du système correctionnel en Tunisie. Elle a pour but de dispenser des services aux détenus pendant qu’ils exécutent leur peine afin de leur permettre de rester en contact avec leur famille et de les aider à surmonter leurs difficultés ou, une fois remis en liberté, de les aider à se réinsérer dans la vie économique et sociale du pays.

87.L’assistance sociale pendant l’incarcération comprend l’intervention au nom du détenu ou de sa famille auprès des autorités publiques pour l’aider à maintenir les liens familiaux à la suite de son emprisonnement et de ses conséquences, pour favoriser les visites lorsque le détenu est transféré dans une autre institution ou pour aider les familles les plus affectées. Le tableau ci-dessous établit la liste des aides apportées aux familles des détenus entre 1999 et 2008.

Année

Assistance apportée

1999

7 025

2000

8 600

2001

7 513

2002

5 753

2003

7 158

2004

6 671

2005

10 266

2006

9 355

2007

12 173

2008

16 589

Assistance après la mise en liberté et réinsertion

88.Les détenus remis en liberté qui souhaitent réintégrer la société peuvent obtenir un soutien pour éviter qu’ils ne récidivent. Cette assistance consiste à les aider à trouver un emploi, à créer de petites entreprises et à obtenir des prêts auprès de la Banque tunisienne de solidarité pour financer de petits projets ou à passer des tests d’embauche auprès des différentes agences pour l’emploi. D’autres services consistent à offrir une aide pendant des fêtes nationales ou religieuses. On trouvera ci-après quelques exemples pratiques d’assistance sociale et à la réinsertion:

En 2005, des tentatives ont été faites pour rapprocher de son frère aisé un détenu handicapé remis en liberté. Les services sociaux de la prison n’ont pas réussi à convaincre le frère à prendre en charge le détenu. Les autorités pénitentiaires ont alors pris contact avec les autorités locales de la province de Kairouan pour lui trouver une place dans une maison d’accueil pour personnes âgées;

En 2007, le bureau social de la prison de Jendouba a permis, après deux ans d’efforts, à un détenu de retrouver sa mère dont il était séparé depuis vingt-cinq ans. Le contact avait été perdu après le divorce de ses parents. Le transport a été assuré par l’administration de la prison pour aider la mère infirme à venir voir son fils;

En 2007, les autorités pénitentiaires sont intervenues pour aider un détenu remis en liberté à acquérir un logement, par le biais de la Cellule 21-21 pour le logement social, et à obtenir l’autorisation d’avoir un étal au marché central de Tunis;

En 2009, les autorités pénitentiaires sont intervenues, de concert avec le bureau et l’inspection de l’emploi, pour aider un détenu exécutant une longue peine à obtenir une pension de vieillesse et une allocation logement pour sa famille;

En 2009, les services sociaux sont intervenus auprès de l’Association pour la réinsertion des anciens détenus et du Gouverneur de Tunis pour aider un détenu libéré à acquérir un camion d’une valeur de 11 000 dinars et à obtenir 4 000 dinars auprès de la Banque tunisienne de solidarité pour réaliser un projet de commerce ambulant;

En 2009, les autorités pénitentiaires ont aidé une ancienne détenue à obtenir un emploi, une allocation logement et une carte de soins de santé.

89.Depuis l’établissement de la Banque tunisienne de solidarité en 1999, et jusqu’en juin 2009, 630 000 dinars ont été accordés à 164 anciens détenus pour qu’ils créent de petites entreprises.

Contact du prisonnier avec le monde extérieur

90.Dans le cadre des privilèges accordés et des services fournis par les autorités pénitentiaires, les détenus sont autorisés à avoir des contacts avec leur famille et le monde extérieur. Les autorités compétentes (l’administration pénitentiaire et les autorités judiciaires) répondent favorablement aux demandes de contact direct et permettent aux détenus d’assister aux funérailles de leurs plus proches parents comme le montre le tableau ci-dessous.

Année

Contacts directs (autorisés par les autorités pénitentiaires)

Contacts directs (autorisés par les autorités judiciaires)

Total

Sorties à l’occasion de f unérailles

2003

13 902

197

14 099

41

2004

19 081

258

19 339

60

2005

15 108

352

15 460

32

2006

22 128

449

22 577

44

2007

10 945

226

11 171

57

2008

22 630

369

22 999

122

2009*

11 816

47

11 863

119

Total

115 610

1 898

117 508

475

* Jusqu’au 31 juillet 2009.

Soins de santé

91.L’administration pénitentiaire attache une importance particulière aux soins de santé dispensés aux détenus qui relèvent de sa responsabilité. À leur arrivée, les détenus passent un examen médical suivi de contrôles réguliers jusqu’à leur remise en liberté. Les soins médicaux sont dispensés par un personnel médical dans tous les domaines de spécialisation. Outre les services de santé assurés par les établissements pénitentiaires, les détenus bénéficient de traitements dans les hôpitaux publics. Le tableau ci-dessous contient des statistiques sur les types de services dispensés aux détenus de 1999 à 2008.

Données / Année

Visites de médecine interne

Visites de médecine générale

Visites de médecine spécialisée

Consultations externes à l’hôpital

Séjours hospitaliers

Nombre de jours d’hospitalisation

1999

233 593

213 183

20 410

19 791

1 124

567

2000

244 007

215 656

15 726

18 772

1 011

8 306

2001

276 680

247 085

15 497

16 825

1 139

8 240

2002

249 988

232 307

26 681

16 518

1 215

10 014

2003

244 831

215 975

28 856

17 330

1 253

7 837

2004

242 675

212 754

29 921

15 333

1 209

6 567

2005

212 126

184 482

27 644

14 420

1 174

6 434

2006

247 658

217 911

13 054

17 087

1 240

8 003

2007

259 576

234 050

12 019

15 797

1 117

6 504

2008

289 721

257 881

12 116

18 479

1 189

7 036

92.Les soins de santé mentale ont une grande importance, chaque établissement pénitentiaire disposant d’une unité spécifique de soins psychiques. Le terme de soins de santé mentale a été introduit par la loi du 14 mai 2001, qui prévoit à l’article premier (par. 2)que les «détenus bénéficient de l’assistance médicale et psychologique». Des psychologues évaluent l’état des détenus au cours des entretiens qu’ils conduisent avec eux et avec les jeunes délinquants pour les aider à s’habituer à l’incarcération et les rendre conscients du fait qu’ils sont dans un nouvel environnement non seulement pour exécuter une peine, mais également pour se corriger.

93.Des études d’évaluation sont menées sur les détenus qui présentent des symptômes de troubles mentaux ou qui ont des troubles du comportement. Certains détenus passent des tests psychologiques pour déterminer les effets de l’incarcération sur leur personnalité. Les résultats de ces études sont utilisés pour améliorer la qualité des soins psychiques dispensés dans les prisons. L’administration pénitentiaire fait tout son possible pour élever le niveau des soins psychiques spécialisés. Les activités menées dans ce domaine au cours de la période 1999 à 2008 sont résumées dans le tableau ci-après:

Données / Année

R é ception

Entretiens psychologique s

Études de cas

Participation à la dynamique de groupe

Détenus ayant bénéficié de soins à l’hôpital

1999

1 701

3 070

75

67

217

2000

1 843

3 721

93

38

357

2001

4 769

7 225

84

32

821

2002

2 445

4 900

145

42

470

2003

2 309

3 184

150

44

565

2004

5 239

5 826

457

65

997

2005

6 442

14 902

348

71

980

2006

7 635

13 050

419

134

609

2007

7 294

17 586

669

238

953

2008

6 468

17 726

893

250

1 615

94.En raison de ce suivi psychique, le taux de suicide des détenus qui s’élève à 0,00033 % est pratiquement négligeable, ce qui est principalement attribué aux sessions d’entretien intensives organisées par le personnel de l’unité psychologique dans chaque prison. Les sessions contribuent à atténuer les effets des tensions subies par les détenus. Par ailleurs, l’administration pénitentiaire veille à ce que tout détenu présentant un diagnostic de trouble mental soit examiné par un spécialiste. Le tableau ci-dessous indique les cas de suicide dans les prisons de 2005 à 2009.

Année

N o mbr e de suicides

2005

3

2006

1

2007

2

2008

2

2009

1

95.L’administration pénitentiaire prend des mesures de précaution supplémentaires lorsqu’elle traite avec certaines catégories de détenus pour les empêcher de recourir au suicide. L’observation de la conduite et du comportement et des entretiens intensifs figurent parmi les méthodes destinées aux détenus qui sont:

Impliqués dans des affaires de violence, de meurtre, de mœurs, d’incendie criminel ou d’autres actes commis à la suite de circonstances inhabituelles ou de conflits familiaux;

Renvoyés en prison après avoir comparu devant un juge d’instruction, été déclarés coupables des faits reprochés, terminé la phase d’interrogatoire ou été condamnés à de longues peines d’emprisonnement;

Informés du décès d’un parent proche;

Avertis de l’exécution d’un jugement au civil portant sur la saisie de leurs biens en règlement de dettes.

Mesures de rééducation

Éducation et formation

96.L’administration pénitentiaire coordonne ses efforts avec les autorités compétentes et les établissements éducatifs pour aider les détenus à passer leurs examens en prison. Chaque prison a sa propre bibliothèque et salle de lecture avec des livres et des périodiques que les détenus peuvent emprunter. Ils peuvent commander des journaux et des magazines à leurs propres frais et conformément au règlement en vigueur dans la prison.

97.L’administration pénitentiaire a donné à plusieurs détenus les moyens de passer les examens nationaux à tous les niveaux comme indiqué ci-après.

Année scolaire 2003/04

98.Au cours de cette année scolaire:

Cinq détenus se sont présentés au baccalauréat et un d’eux, incarcéré dans la prison de Gabès, a réussi son examen;

Un détenu de la prison de Tunis a réussi le baccalauréat français;

Un détenu de la prison de Tunis a obtenu une licence en sciences comportementales;

Deux détenus de la prison de Tunis ont passé leur examen de troisième année d’enseignement supérieur.

Année scolaire 2004/05

99.Au cours de cette année scolaire:

Six détenus se sont présentés au baccalauréat et deux, incarcérés dans les prisons de Borj Er-Roumi et Monastir, ont réussi l’examen;

Un détenu de la prison de Tunis a réussi le baccalauréat français;

Un détenu de la prison de Sfax a obtenu sa licence de droit;

Deux détenus de la prison de Tunis ont réussi les examens de première et deuxième années de l’enseignement supérieur.

Année scolaire 2005/06

100.Au cours de cette année scolaire:

Neuf détenus se sont présentés au baccalauréat et un d’entre eux, incarcéré dans la prison de Borj El-Amri, a réussi l’examen;

Douze détenus ont poursuivi leurs études secondaires à différents niveaux.

Année scolaire 2006/07

101.Au cours de cette année scolaire:

Douze détenus se sont présentés au baccalauréat et deux d’entre eux, incarcérés dans les prisons de Harboub et de Gabès, ont réussi l’examen;

Un détenu a réussi les épreuves du baccalauréat français;

Quatorze détenus ont poursuivi leurs études supérieures (un au troisième cycle, trois en année de licence, quatre au premier cycle, deux au deuxième cycle).

Année scolaire 2007/08

102.Au cours de cette année scolaire:

Sept détenus se sont présentés au baccalauréat et l’un d’entre eux l’a obtenu;

Un détenu a obtenu le baccalauréat français;

Six détenus ont poursuivi leurs études supérieures (un a suivi les cours du CAPES, un les cours de l’école normale supérieure (section sciences), un en troisième année de physique, un en deuxième année de français et deux en première année).

Année scolaire 2008/09

103.Au cours de cette année scolaire:

Sept détenus se sont présentés au baccalauréat et un d’entre eux, incarcéré dans la prison de Rjim Maatoug, a réussi son examen;

Dix détenus ont poursuivi leurs études supérieures (un en quatrième année d’anglais, un en quatrième année de français, un en troisième année de droit, un en deuxième année d’arabe, un en troisième année d’électromécanique et cinq en première année préparatoire).

Un détenu a suivi les cours de préparation au concours de réorientation en journalisme et communication.

104.Les détenus peuvent bénéficier de cours privés organisés par l’administration de la prison ou bien choisir de suivre les programmes nationaux. Cette mesure a pour but d’alphabétiser les prisonniers non instruits et d’aider ceux qui ont abandonné leurs études à les reprendre ou à acquérir des qualifications professionnelles. Le tableau suivant fait le point sur les résultats des programmes d’enseignement des adultes de 2000 à 2009.

Année

Candidats ayant obtenu leur diplôme

Hommes

Femmes

2000

363

363

-

2001

568

519

49

2002

701

616

85

2003

578

536

42

2004

654

606

48

2005

620

589

31

2006

704

651

53

2007

730

680

50

2008

752

701

51

2009

902

854

48

105.Les détenus sont guidés dans le choix des compétences professionnelles, qu’elles soient professionnelles, artisanales ou agricoles, en fonction de leurs inclinations, de leurs capacités physiques et de leurs aptitudes intellectuelles. Des spécialistes de la formation appartenant à différentes organisations viennent faire passer des examens, et les détenus qui les réussissent obtiennent un diplôme ou un certificat d’aptitude professionnelle à la fin de la période de formation.

106.En conformité avec l’article 39 de la loi sur l’organisation des prisons, les certificats obtenus ne font pas référence au lieu et à la façon dont les qualifications ont été obtenues. Cette politique a pour but de permettre aux détenus, une fois remis en liberté, d’entrer sur le marché du travail et de réintégrer la société. Les détenus peuvent être employés dans les secteurs artisanal ou agricole pendant les heures de travail définies par la loi.

107.Pour sauvegarder les droits des détenus, l’article 19, paragraphe 8, de la loi sur les prisons garantit la jouissance des droits prévus par la loi no 28 du 21 février 1994 sur la santé et la sécurité au travail. Le tableau ci-dessous indique les chiffres relatifs à la formation des détenus.

Année

Cours

Nombre de béné ficia i res

Date du cours

2007

Un

68

Jan vier

Deux

47

Av ril

2008

Un

196

Jan vier

Deux

169

Av ril

2009

Un

220

Jan vier

Deux

161

Av ril

108.S’agissant des enfants délinquants, une méthode pédagogique faisant appel à la dynamique de groupe de six personnes continue d’être utilisée par tous les centres de rééducation. En outre, des mesures ont été prises pour:

Aider les enfants en système semi-ouvert à suivre les programmes conçus de concert avec le Ministère de l’éducation en utilisant des outils pédagogiques comme les livres de lecture, les manuels et les guides didactiques;

Permettre aux enfants qui suivent un programme de soutien intensif de suivre des cours privés de formation et d’orientation;

Célébrer la Journée de la connaissance et récompenser les élèves qui ont terminé leurs études en fonction de leurs résultats, comme c’est le cas dans les différents établissements d’enseignement.

109.Les enfants en centres de rééducation sont également autorisés à suivre une formation professionnelle ou agricole dispensée en coordination avec le Ministère de l’éducation, le Ministère de l’agriculture et le Ministère des ressources en eau, le but étant de les préparer aux examens de fin d’études et d’aptitude professionnelle.

Emploi

110.Partant du principe que le droit à la dignité humaine est le droit de l’homme le plus important et qu’il n’y a pas de dignité sans travail, le service des ateliers de l’administration pénitentiaire s’est tout particulièrement attaché à susciter chez les détenus le souhait de s’engager dans un travail sérieux pour les accoutumer à gagner honnêtement leur vie.

Trouver des emplois aux 450 détenus qui participent aux ateliers de l’unité;

Diversifier les branches d’activité par l’acquisition de nouvelles qualifications comme la pâtisserie traditionnelle (prison de femmes de Manouba, 1998) et la fabrication de chaussures (prison civile de Borj Er-Roumi, 2000);

Engager des dépenses de pas moins de 110 000 dinars (95 000 dollars des États‑Unis) en 2004 pour un équipement professionnel sûr;

Créer des emplois rémunérés afin que les détenus apprennent à aimer le travail et pour les préparer à leur réinsertion sur le marché du travail une fois remis en liberté. Le revenu perçu est divisé en deux parts: la première est utilisée par les détenus pendant l’exécution de leur peine et la deuxième est versée à leur famille s’ils le souhaitent ou leur est remise à leur libération;

Encourager la créativité des détenus qui ont un emploi en présentant leurs produits dans des foires nationales ou régionales dans le cadre de l’exposition permanente des établissements pénitentiaires.

Réadaptation professionnelle

111.Le programme de réadaptation qui a commencé en 1992 vise à permettre aux détenus d’acquérir une qualification ou d’apprendre une profession qui les aidera à gagner leur vie. Le programme a donné beaucoup de satisfaction. Il garantit un niveau minimal de dignité pour ceux qui ont commis des délits, les aide à réintégrer la société et évite qu’ils récidivent.

112.Ce programme constitue une éclatante illustration du rôle correctionnel des établissements pénitentiaires. En effet:

Les détenus qui suivent des programmes de réadaptation professionnelle reçoivent une formation professionnelle, agricole ou artisanale sur une période de six mois, qui s’achève par un examen supervisé par des spécialistes du Ministère de l’emploi et de la formation professionnelle et du Ministère de l’agriculture, à la suite duquel le détenu obtient un certificat d’aptitude professionnelle exempt de toute référence à la période passée en prison;

Pendant la période de réadaptation, les détenus suivent des cours dans les domaines social, psychologique et juridique complétés par une formation à la gestion financière et à l’hygiène pour les préparer à la vie après leur détention.

113.Une fois le programme de réadaptation achevé, les détenus obtiennent une remise de peine leur permettant de retrouver la liberté armés des connaissances qui leur éviteront de récidiver. Le tableau ci-dessous indique le nombre de détenus ayant bénéficié d’une remise de peine grâce au programme de réadaptation professionnelle de 2006 à septembre 2009.

Année

Nombre de détenus

2006

650

2007

688

2008

833

2009

1 009

Activités éducatives et sportives

114.Les programmes éducatifs et sportifs sont destinés à aider les détenus et les enfants délinquants à utiliser le temps qui leur est alloué pour les loisirs à atténuer les effets de la privation de liberté. Ces activités aident également les détenus à s’exprimer. L’article 19 de la loi sur l’organisation des prisons accorde aux détenus le droit de participer à des activités physiques ou intellectuelles dans la limite des moyens disponibles. De nombreux clubs d’art, d’artisanat, de musique et de théâtre sont en place dans certains établissements pénitentiaires.

115.Toutes les prisons ont leur propre station de radio qui diffuse des programmes choisis pour aider les détenus dans leur vie quotidienne. Toutes les salles communes ont une télévision dont un certain nombre est relié à un système vidéo. Les activités offertes comprennent aussi:

Des manifestations culturelles à l’occasion des fêtes nationales et internationales;

Des représentations théâtrales;

Des foires où sont exposées les réalisations des détenus;

Des expositions des objets fabriqués par les détenus et l’exposition permanente pour les prisons et les institutions de rééducation;

Des activités sportives dans l’enceinte de la prison;

Des compétitions sportives entre différentes ailes de la prison ou contre d’autres établissements pénitentiaires.

Mesures administratives

116.Plusieurs mesures administratives destinées à améliorer les méthodes de travail et l’administration des établissements correctionnels ont été prises pendant la période considérée. Ces mêmes mesures ont également contribué à renforcer les mécanismes de contrôle des droits de l’homme. Les mesures ci-après méritent d’être mentionnées:

Transfert de la direction des établissements pénitentiaires au Ministère de la justiceet des droits de l’homme

117.La décision de transférer au Ministère de la justice la direction des établissements pénitentiaires qui relevait jusque-là du Ministère de l’intérieur est un fait marquant dans l’évolution du système de justice pénale en Tunisie. Avec ce transfert, non seulement les établissements et l’administration pénitentiaires passent de la tutelle des organes de sécurité à celle de la justice mais le contrôle de l’application des peines est renforcé et la primauté du droit confirmée. Avant cette décision, l’appareil judiciaire n’avait pratiquement aucun rôle dans l’exécution des peines. Les dispositions du Code de procédure pénale limitaient en effet les attributions du Procureur à la supervision de cette exécution à l’envoi des extraits de mandat de dépôt concernés, à la communication des copies des jugements aux accusés ainsi qu’à d’autres tâches qui sont sans relation directe avec l’application de la peine.

Placement des droits de l’homme sous la tutelle du Ministère de la justice et créationdu poste de coordinateur général des droits de l’homme

118.Dans le cadre de la politique de protection des droits de l’homme et de soutien des principes connexes en droit et en pratique, une décision a été adoptée en 2002 afin de déplacer les activités relatives aux droits de l’homme sous la tutelle du Ministère de la justice. Un Coordinateur général des droits de l’homme a été nommé dans ce but. Cette décision est le reflet de l’approche stratégique de l’État vis-à-vis des droits de l’homme et du lien qu’ils entretiennent avec l’état de droit et le système de justice dans le cadre des options stratégiques du processus de développement global et des fondements de la réforme constitutionnelle de 2002.

119.Le mandat du Coordinateur général permet l’établissement de liens directs avec d’autres départements du Ministère de la justice et des droits de l’homme, y compris l’administration pénitentiaire dans tous les domaines liés aux droits de l’homme. Il permet aussi de coopérer et de coordonner les efforts avec les entités des droits de l’homme d’autres ministères et, en particulier, le Ministère de l’intérieur et du développement local et le Ministère des affaires étrangères. Ce réseau officiel de protection des droits de l’homme constitue un moyen efficace de surveillance des violations de ces droits et d’intervention rapide chaque fois que la loi ou la situation le requiert, l’accent étant mis sur la sensibilisation et la protection.

Renforcement du rôle des services d’inspection administrative

120.Les mesures prises concernent les bureaux des relations avec les citoyens et visent à garantir l’impartialité des comités de discipline créés en vertu de la loi sur l’organisation des prisons.

Rôle des bureaux des relations avec les citoyens concernant la réception des requêtes

121.Les bureaux des relations avec les citoyens établis auprès du Ministère de la justice et des droits de l’homme et de l’administration pénitentiaire reçoivent les requêtes des citoyens et les soumettent aux organes compétents de l’administration, du Ministère et des services pénitentiaires pour examen et suite à donner.

Impartialité du comité de discipline

122.Lors d’une visite dans une des prisons, l’attention du chef de la cellule des droits de l’homme a été attirée sur le cas d’un détenu soumis à une mesure disciplinaire. L’enquête a révélé un manque de respect du principe d’impartialité parce que la personne choisie comme président du comité de discipline était, en tant que directeur, partie au litige avec le détenu. De plus, la décision du comité n’a pas respecté la règle selon laquelle un médecin pénitentiaire devait être consulté dix jours avant l’application de la mesure disciplinaire. Un rapport sur l’affaire a été soumis au Ministre de la justice et des droits de l’homme qui a émis le 13 novembre 2008 une circulaire sur les garanties dont devrait bénéficier le détenu avant l’application d’une mesure d’isolement disciplinaire. La circulaire insiste sur le respect des procédures et des mesures juridiques, notamment concernant la composition du comité de discipline, l’obligation d’obtenir l’avis écrit du médecin pénitentiaire avant de prendre une décision, de surveiller l’état de santé du prisonnier et de tenir dûment compte de la gravité de la violation commise au moment de déterminer la durée de la peine.

Mesures judiciaires

123.Parmi les principales garanties juridiques adoptées pendant la période considérée pour protéger les droits des justiciables y compris ceux soumis à la torture et aux mauvais traitements, figure l’instauration du système du double degré de juridiction en matière pénaleet la création d’un poste de juge d’application des peines doté de plus larges pouvoirs.

Instauration du système du double degré de juridiction

124.En vertu de la loi no43 du 17 avril 2000, le système du double degré de juridiction a été mis en place pour la première fois dans l’histoire de la Tunisie. Avant cette date, les décisions des chambres pénales des cours d’appel n’étaient pas susceptibles de recours car elles étaient considérées comme des décisions prises par des juridictions du second degré. Ces décisions pouvaient, par conséquent, uniquement faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

125.Cette modification est en conformité avec la norme internationale qui garantit aux parties le droit de demander réparation à deux niveaux du système pénal. L’article 14, paragraphe 5, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose que «Toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi». Pour les mêmes raisons, l’article 40 (par. 2 b), point v)) de la Convention relative aux droits de l’enfant confirme le droit de l’enfant, s’il est reconnu avoir enfreint la loi pénale, de faire appel de cette décision devant une autorité ou une instance judiciaire supérieure.

126.En conséquence, le législateur tunisien a harmonisé le droit national avec les normes internationales en adoptant la loi susmentionnée et en modifiant certains articles du Code de procédure pénale ainsi qu’en incorporant des dispositions similaires dans la législation relative à l’enfant par la loi no 53 du 22 mai 2000.

127.Le système du double degré de juridiction en matière de justice pénale pour adultes consiste, d’une part, à faire examiner par un tribunal de première instance, comprenant cinq juges, les affaires pénales soumises par la chambre d’accusation et, d’autre part, dans la possibilité de faire appel des décisions de ce tribunal devant une juridiction supérieure composée de cinq juges de rang plus élevé. Le droit de porter la décision d’une cour d’appel devant la Cour de cassation reste acquis.

Création d’un poste de juge d’application des peines doté de plus larges pouvoirs

128.Pour renforcer les principes de la politique pénale en Tunisie visant à promouvoir les droits de l’homme sous tous leurs aspects, notamment la dimension humaine du système pénal, la réinsertion du coupable dans la société, la protection de son intégrité et le respect de sa dignité, l’État a créé le poste de juge d’application des peines et a doté ce dernier de plus larges pouvoirs afin de lui permettre de remplir dûment ses fonctions de contrôle.

129.Le poste a été créé en application de la loi no 77 du 31 juillet 2000 modifiant et complétant certains articles du Code de procédure pénale. L’article 2 de la loi modifie le titre du chapitre premier, livre V, du Code comme suit: «De l’exécution des sentences pénales et du juge d’exécution des peines». Le rôle du juge d’application des peines a été renforcé ultérieurement par la loi du 29 octobre 2002.

130.Plusieurs mesures de procédure pénale ont été adoptées pour définir la compétence territoriale et le mandat du juge d’application des peines. Le législateur a habilité le juge à contrôler l’application des peines privatives de liberté exécutées dans un établissement de leur ressort. Il entre également dans les fonctions du juge de recommander la libération conditionnelle de certains détenus. L’attribution de cette compétence a pour but de diversifier les entités habilitées à faire de telles recommandations, le but étant de renforcer et d’étendre les droits des détenus. L’article 342 bis du Code de procédure pénale dispose que le juge d’application des peines contrôle les conditions d’exécution des peines privatives de liberté exécutées dans les établissements pénitentiaires sis dans le ressort de sa juridiction». Le législateur habilite, en outre, le juge d’application des peines à visiter les établissements pénitentiaires, à rencontrer les détenus et à avoir accès à leurs dossiers disciplinaires.

131.Cette même modification confère au juge d’application des peines autorité pour accorder une libération conditionnelle pour les infractions sanctionnées par des peines qui n’excèdent pas huit mois d’emprisonnement. Seul le Ministre de justice jouit de ce pouvoir. Le rôle du juge d’application des peines a une incidence positive et importante sur les conditions des prisonniers. Le tableau ci-dessous présente les statistiques concernant les détenus qui ont bénéficié d’une libération conditionnelle accordée par des juges d’application des peines de 2002 à septembre 2009.

Année

Nombre de détenus libérés

2002

3

2003

616

2004

4 459

2005

5 933

2006

6 549

2007

7 171

2008

8 775

2009

7 656

132.Les compétences du juge d’application des peines ont été encore étendues: il exerce désormais un rôle important consistant à suivre l’exécution de la peine du travail d’intérêt général. L’article 336 du Code de procédure pénale, tel que modifié par la loi du 29 octobre 2002, dispose que «le ministère public et les parties poursuivent l’exécution de la sentence chacun en ce qui le concerne».

133.Le juge d’application des peines du lieu du domicile du condamné ou, si le condamné n’a pas de domicile en Tunisie, celui du tribunal de première instance où le jugement a été rendu, procède au suivi de l’exécution de la peine de travail d’intérêt général avec l’assistance des services pénitentiaires. Le juge d’application des peines est également responsable des actes suivants:

Il soumet le condamné à un examen médical conformément à l’article 18 bis du Code pénal;

Il détermine l’établissement dans lequel sera exécutée la peine d’intérêt général en se référant à la liste établie conformément à l’article 17 du Code pénal et il s’assure de l’existence dans cet établissement de toutes les mesures de protection contre les accidents du travail et de la couverture médicale en cas de maladie professionnelle;

Il informe le condamné du contenu des dispositions prévues aux articles 336 bis et 344 du Code;

Il détermine le travail à effectuer par le condamné, son horaire et sa durée et il les soumet à l’approbation du Procureur général.

134.Le juge d’application des peines est également chargé de suivre l’exécution par le condamné de la peine du travail d’intérêt général auprès de l’établissement pénitentiaire concerné qui lui fait rapport de manière continue. Le juge, de son côté, établit un rapport qu’il transmet au Procureur général. Il peut décider de modifier les mesures mises en place conformément à l’article 336 du Code après approbation par le Procureur de la République.

Aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture

135.En conformité avec le paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention, qui dispose qu’«aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture», toute la législation tunisienne respecte ce principe. La République tunisienne, depuis son indépendance en 1956, n’a appliqué de mesures exceptionnelles, conformément à l’article 46 de la Constitution, qu’à deux occasions: en 1978 et en 1984 lorsque l’état d’urgence a été déclaré.

L’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture

136.Conformément au paragraphe 3 de l’article 2 de la Convention, «l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture», l’article 41 du Code pénal prévoit explicitement que «la crainte révérencielle n’a pas le caractère de contrainte», ce qui signifie en d’autres termes que nul ne peut invoquer la contrainte morale ou la peur pour se soustraire à ses responsabilités lorsqu’un supérieur hiérarchique ordonne à son subalterne de se livrer à un acte interdit par la loi.

Article 3

137.Le droit tunisien interdit l’expulsion, le refoulement ou l’extradition d’un étranger vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture, en particulier lorsqu’il est prouvé que cet État a un dossier de violations massives ou flagrantes des droits de l’homme. Ce principe s’applique aux ressortissants tunisiens et aux étrangers.

Ressortissants tunisiens

138.Le droit tunisien interdit l’expulsion des ressortissants tunisiens ou interdit qu’ils soient empêchés de retourner en Tunisie, y compris ceux qui ont une double nationalité. L’article 11 de la Constitution de la République tunisienne interdit qu’un citoyen puisse être banni du territoire national ou empêché d’y retourner. De la même façon, l’article 312 du Code de procédure pénale interdit l’extradition d’un citoyen tunisien quels que soient les motifs de la demande.

139.La peine de bannissement a été abolie par la loi no 45 du 6 juin 2005, qui modifie et complète certaines dispositions du Code pénal. Après l’abolition de la peine de bannissement de la liste des peines principales prévue à l’article 5 du Code pénal par la loi du 2 juillet 1964, la référence à cette peine est devenue sans objet dans d’autres sections du Code et le législateur l’a supprimée des articles 68, 70 et 71 à titre de mesure supplémentaire de protection de la personne et de sa dignité.

Étrangers

140.La loi no7 du 8 mars 1968 réglemente la situation des étrangers qui vivent sur le territoire tunisien et les conditions de résidence temporaire et ordinaire. Elle interdit l’expulsion des étrangers, sauf lorsque leur présence constitue une menace pour l’ordre public comme le prévoit l’article 18 de ladite loi. Dans ces circonstances, le Ministre de l’intérieur est autorisé à prendre un arrêt d’expulsion.

141.Toutefois, les étrangers peuvent faire appel de la décision devant une juridiction administrative et lorsqu’ils craignent d’être exposés à la torture dans l’État où ils doivent être renvoyés, ils peuvent demander au tribunal administratif d’examiner la situation en tenant compte des conditions d’applicabilité lorsqu’il existe des preuves de violations systématiques et flagrantes, collectives ou individuelles, des droits de l’homme dans cet État.

142.L’article 17 de la Constitution interdit d’extrader les réfugiés politiques et, pour les autres cas de figure, la partie VIII du chapitre IV du Code de procédure pénale traite de l’extradition des étrangers ayant commis une infraction (art. 308 à 335).

143.L’article 308 prévoit que les mesures d’extradition pour les auteurs d’infraction sont régies par les dispositions de la partie VIII du Code, sauf dispositions contraires contenues dans les traités internationaux. Ceci procède du principe de la primauté du droit international sur la législation nationale lorsque des instruments internationaux ont été ratifiés conformément aux dispositions de la Constitution. La Tunisie a conclu des accords bilatéraux d’entraide judiciaire avec de nombreux pays. D’autres accords internationaux relatifs à l’extradition d’auteurs d’infractions comme la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ont aussi été conclus. En vertu de l’article 32 de la Constitution, ces accords jouissent d’une priorité d’application par rapport aux dispositions du Code de procédure pénale, en vertu desquelles les instruments légalement ratifiés priment sur la législation nationale.

144.En conséquence, la Tunisie s’engage à ne pas extrader, expulser, refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. L’appareil judiciaire − en particulier la chambre d’accusation à la cour d’appel de Tunis, instance collégiale constituée d’un juge président et de deux autres juges comme conseillers − est chargé d’examiner les demandes d’extradition. Toutes les décisions sont prises conformément aux garanties d’une procédure équitable et compte dûment tenu de toutes les circonstances matérielles et juridiques de l’affaire. S’il y a des raisons de croire que la personne devant être extradée risque d’être torturée, la demande est rejetée et la décision adoptée est contraignante pour le pouvoir exécutif. L’article 323 du Code de procédure pénale dispose ce qui suit: «Dans le cas contraire, la chambre d’accusation, statuant sans recours, donne son avis motivé sur la demande d’extradition. Si la chambre d’accusation estime que les conditions légales de l’extradition ne sont pas réunies ou qu’une erreur évidente a été commise, elle rejettera la demande d’extradition. Cette décision est définitive et l’extradition n’aura pas lieu.». Il convient de noter qu’au cours de la période considérée, il n’y a eu aucun cas d’extradition contraire aux dispositions de la Convention.

Article 4

145.En Tunisie, tous les actes de torture et de mauvais traitements sont punis par le droit pénal. Le sont également toute tentative d’acte de torture ou tout acte de torture commis par une personne complice ou participant à l’acte. Ces infractions emportent des peines qui tiennent compte du degré de gravité de l’acte.

Interdiction par la loi de tous les actes de torture et de mauvais traitements

146.Dans le cadre du renforcement des mécanismes et des mesures relatives aux droits de l’homme, le précédent rapport soumis au Comité précisait que le Code pénal contenait plusieurs dispositions concernant les violations commises par les fonctionnaires. Ces dispositions sont passées en revue ci-après.

147.L’article 101 punit de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende tout fonctionnaire ou assimilé coupable d’avoir usé de violence sans motif légitime envers d’autres personnes dans l’exercice de ses fonctions. Cet article figure dans la section «Abus d’autorité», ce qui signifie que cette disposition ne s’applique qu’aux fonctionnaires chargés de protéger l’ordre public et d’appliquer les lois et règlements ou d’appliquer les ordonnances judiciaires ou administratives.

148.La même peine vaut pour tout fonctionnaire coupable d’avoir porté atteinte à la liberté individuelle d’autrui ou usé de violences, ou qui s’est rendu coupable de mauvais traitements envers un accusé, un témoin ou un expert pour en obtenir des aveux ou déclarations (art. 103, par. 1). La menace de violences ou de mauvais traitements est punie de six mois d’emprisonnement (art. 103, par. 2).

149.Tout fonctionnaire ou assimilé qui, en recourant à la violence, astreint des hommes à des travaux autres que ceux d’utilité publique ordonnés par les pouvoirs publics, est puni de deux ans d’emprisonnement. S’il est déclaré coupable d’avoir porté atteinte aux libertés individuelles, d’avoir utilisé la violence ou d’avoir pratiqué la torture, un fonctionnaire peut être privé de certains droits comme celui de servir dans la fonction publique, ou d’exercer certaines professions, ou perdre le droit de vote, le droit de porter une arme ou de porter des médailles officielles.

150.Le droit pénal tunisien donne une large définition du terme de fonctionnaire. L’article 82 du Code pénal, tel que modifié par la loi no 33 du 23 mai 1998, définit un fonctionnaire comme «toute personne dépositaire de l’autorité publique qui exerce des fonctions auprès des services de l’État, d’une collectivité locale ou d’un établissement public ou de toute autre entité responsable de la gestion d’un service public».

151.Est assimilée à un fonctionnaire public toute personne chargée de remplir des fonctions publiques ou investie d’un mandat électif de service public ou désignée par la justice pour accomplir une mission judiciaire. La qualité de fonctionnaire constitue un élément aggravant en cas de violences et de mauvais traitements. Les juges tiennent compte de cet élément pour fixer la peine.

152.À ce titre, les peines pour des actes de violence ou de mauvais traitements commis par des fonctionnaires envers autrui dans l’exercice de leurs fonctions, qui peuvent conduire à priver les personnes de leur liberté, sont très sévères. Le Code pénal punit toute forme de voies de fait, que la violence soit directe ou indirecte, physique ou mentale.

153.Une peine plus sévère est infligée à tout fonctionnaire déclaré coupable d’actes entraînant des conséquences graves pour la victime. La commission d’un acte de torture par un fonctionnaire est punie en vertu de l’article 237 du Code pénal (tel que modifié en 1989) selon lequel un acte d’enlèvement ou de détournement entraînant une incapacité physique ou une maladie est passible d’une peine d’emprisonnement à vie. La même peine est applicable en cas d’arrestation, de détention ou de séquestration d’une personne sans ordre si de tels actes entraînent une incapacité physique ou une maladie (art. 251 du Code pénal). Si l’incapacité ou la maladie sont le résultat de la prise de contrôle d’un véhicule terrestre, maritime ou aérien, l’acte est passible de dix à vingt ans d’emprisonnement (art. 306 bis).

154.Si un fonctionnaire est déclaré coupable d’un acte de violence prémédité envers autrui, le Code pénal apprécie au cas par cas la gravité du préjudice causé en s’appuyant sur deux critères:

Si l’acte de violence n’a pas d’incidences graves ou durables sur la santé de la victime, la peine prescrite est de quinze jours d’emprisonnement et d’une amende (art. 319);

Si les actes de violence ont un effet durable sur la santé de la victime comme des blessures causées par des coups, l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement et d’une amende (art. 218 et seq .). En cas de violence avec préméditation, la durée d’emprisonnement prescrite est de trois ans. Un acte de violence entraînant la perte d’un membre ou l’incapacité de s’en servir, une défiguration ou une incapacité est puni de cinq ans d’emprisonnement. Si le taux d’incapacité dépasse 20 %, la peine passe à six ans.

155.Une peine de six mois à cinq ans est prescrite pour toute personne qui menace, par quelque moyen que ce soit, autrui d’un acte passible de peines criminelles. La peine est doublée si les menaces sont accompagnées d’un ordre ou d’une condition quand bien même ces menaces seraient orales (art. 222 du Code pénal, tel que modifié en 1977). La menace d’une arme, même sans l’intention de l’utiliser, dans l’exercice des fonctions, est punissable d’une année d’emprisonnement et d’une amende.

Interdiction de tout acte de torture et de mauvais traitements dans la jurisprudence

156.Plusieurs affaires de mauvais traitements et d’abus de pouvoir ont été examinées au cours de la période considérée par la justice tunisienne qui n’a pas hésité à en poursuivre les auteurs, comme le montrent les exemples ci-après.

157.Par son arrêt no 1120 du 25 janvier 2002, la cour d’appel de Tunis a condamné trois agents de l’administration pénitentiaire à quatre ans d’emprisonnement pour violences sur un détenu ayant occasionné une incapacité permanente de plus de 20 %, en application des articles 218 et 219 du Code pénal.

158.Dans cette affaire, la victime, qui était détenue à la prison de Tunis depuis le 24 mars 2000, avait eu une altercation avec des gardiens parce qu’elle avait refusé la nourriture de la prison. Les agents lui ont lié les mains derrière le dos, lui ont enchaîné les pieds et l’ont mise à l’isolement pendant quatre jours. Elle a reçu tant de coups qu’elle n’était plus capable de se tenir debout. Elle a donc été transférée à l’infirmerie de la prison le 2 mai 2000, puis à l’hôpital de la Rabita, et de là à l’hôpital Charles Nicole où elle a dû être amputée des deux jambes le 11 mai.

159.Informé de l’affaire, le Procureur général a ouvert une enquête sur des faits présumés d’abus de pouvoir et de complicité en vertu des articles 32 et 101 du Code pénal et d’usage excessif de la force par un fonctionnaire ayant entraîné une amputation, en application des articles 32, 114, 218 et 219 du Code pénal. Le jugement rendu par le tribunal a ordonné à l’État de verser à la victime 307 000 dinars (220 000 euros) de dommages.

160.Dans son arrêt no 788 du 2 avril 2002, la cour d’appel de Tunis a condamné un agent de police à quinze ans d’emprisonnement pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, en application de l’article 208 du Code pénal.

161.Dans cette affaire, le 8 août 2000, la victime circulait en motocyclette quand un agent de la circulation lui donna l’ordre de s’arrêter. Elle refusa, s’enfuit et fut poursuivie à moto par l’agent qui heurta sciemment sa motocyclette par l’arrière et la fit tomber à terre. La victime a été ensuite battue et a dû être transportée à l’hôpital où elle est morte.

162.Dans son arrêt no1546 du 3 avril 2002, la cour d’appel de Tunis a condamné un agent de la Garde nationale à seize mois d’emprisonnement pour violences ayant causé une incapacité permanente de plus de 20 %, en application des articles 218 et 219 du Code pénal et condamné, par là même, l’État à verser à la victime 18 000 dinars à titre de réparation.

163.Dans cette affaire, le 21 juillet 2000, la victime conduisait une motocyclette sans casque. Repérée par une voiture de police, elle décida de s’échapper en empruntant un dédale de ruelles, finissant par perdre le contrôle de son véhicule et tomber à terre. Un des agents de police l’a frappée de sa matraque, la blessant à l’arcade sourcilière et à l’œil, ce qui a nécessité une opération à l’hôpital ophtalmologique d’El-Hedi Rayess. La victime a perdu l’usage de l’œil droit et son invalidité a été estimée à 30 %.

164.Dans l’arrêt no2645 du 12 mars 2005, la cour d’appel de Tunis a condamné trois agents de police à des peines allant d’un an à dix-huit mois d’emprisonnement pour violences commises par des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, en application de l’article 101 du Code pénal.

165.Dans cette affaire, la victime, qui avait un casier judiciaire, était poursuivie par plusieurs agents de police le 9 novembre 2004. Elle s’est barricadée dans sa maison. Les agents ont pénétré dans les lieux et ont battu l’intéressé avec leurs matraques. Ils l’ont ensuite emmené à l’extérieur où ils l’ont de nouveau roué de coups, ce qui a causé sa mort.

166.Dans son arrêt no 10372 du 2 février 2007, la cour d’appel de Tunis a condamné un chef de poste de police à 500 dinars d’amende pour violences commises par un fonctionnaire public dans l’exercice de ses fonctions, en application de l’article 101 du Code pénal.

167.Dans cette affaire, les faits incriminés ont été commis le 23 mars 2006, lorsque le dénommé B. L. a subi, après avoir été appréhendé en compagnie de plusieurs jeunes, une fracture à la main causée par des violences caractérisées infligées par le chef du poste de police de la localité d’El-Ouardia.

168.Dans son arrêt no 12494, la cour d’appel à Tunis a reconnu le 3 mars 2009 quatre fonctionnaires de police coupables de mauvais traitements ayant causé la mort d’une personne en garde à vue, et a condamné deux d’entre eux à vingt ans d’emprisonnement pour coups et blessures ayant causé la mort sans intention de la donner, et les deux autres, respectivement, à quinze et dix ans d’emprisonnement pour complicité dans les actes en question.

169.Les faits incriminés se sont produits à la suite d’une altercation entre le dénommé M. S. et des fonctionnaires de police de la localité de Soliman, après que le premier a refusé d’acquitter le prix des boissons qu’il avait consommées à l’hôtel Medici. Les policiers l’avaient alors aspergé de gaz lacrymogènes et passé à tabac avant de le ligoter et de le jeter dans une voiture. Ces actes ont entraîné la mort de la victime.

170.Dans son arrêt no 1579 en date du 11 juin 2009, la cour d’appel de Monastir a reconnu deux fonctionnaires de police coupables d’usage de la violence dans l’exercice de leurs fonctions et les a condamnés chacun à deux ans d’emprisonnement.

171.Dans cette affaire, le dénommé F. B. a été victime de voies de fait commises par un agent de police. La victime était dans une discothèque de l’hôtel Cap Sérail en compagnie d’une femme, lorsqu’un policier a essayé d’entraîner cette dernière de force au-dehors pour lui parler. Lorsque l’homme a voulu l’en empêcher, le policier l’a bousculé avant de leur mettre, à lui et à sa compagne, les menottes, de les rouer de coups et de les obliger à monter dans une voiture de police.

172.Le tableau ci-après indique le nombre de fonctionnaires de police traduits en justice pour mauvais traitements et condamnés durant la période considérée.

Année

Nombre d’agents

1999

4

2000

5

2001

2

2002

3

2003

9

2004

27

2005

33

2006

29

2007

43

2008

32

2009 ( jusqu’au 25 septemb r e )

41

Total

228

173.L’expression «mauvais traitements» désigne les actes de violence visés aux articles 101 à 105 concernant l’abus d’autorité, mentionnés plus haut dans les observations relatives à l’article 2 de la Convention, à savoir:

L’abus d’autorité avec usage de la violence;

L’usage de la violence de la part d’un agent de l’État dans l’exercice de ses fonctions;

L’usage de la violence contre des suspects pour leur arracher des aveux;

L’arrestation et la détention arbitraires;

Différentes autres formes d’abus d’autorité et de mauvais traitements.

174.Il y a lieu de signaler que les poursuites et les condamnations susmentionnées sont sans préjudice de toute autre mesure disciplinaire jugée nécessaire par l’administration, conformément au principe de la distinction entre les infractions disciplinaires et les infractions pénales. Les auteurs des actes incriminés sont en général démis de leurs fonctions. Le tableau ci-après indique le nombre de fonctionnaires démis de leurs fonctions, en application de l’article 53 de la loi portant statut général des forces de sécurité intérieure, après avoir été traduits en justice pour mauvais traitements.

Année

Nombre de fonctionnaires

1999

1

2000

1

2001

-

2002

7

2003

2

2004

4

2005

2

2006

-

2007

-

2008

1

2009 ( jusqu’au 25 septemb r e )

-

Total

1 8

Article 5

175.L’État a mis en place les procédures judiciaires voulues pour exercer sa juridiction en matière de délits de torture et de mauvais traitements qui sont du ressort territorial de ses tribunaux, quels que soient le moment et le lieu où l’acte a été commis. Conformément aux dispositions du Code de procédure pénale, les tribunaux tunisiens sont compétents pour connaître des infractions de torture et de mauvais traitements commises sur le sol tunisien et à bord des navires et aéronefs immatriculés en Tunisie. Ces tribunaux sont également compétents dès lors que l’auteur de l’infraction ou la victime est un ressortissant tunisien.

Compétence des tribunaux tunisiens pour les crimes de torture commis sur le territoire tunisien

176.Les principes de compétence et de territorialité s’appliquent aux crimes de torture et aux voies de fait. L’article 129 du Code de procédure pénale dispose que sont compétents pour connaître de tels actes le tribunal du lieu où l’infraction a été commise, celui du domicile du suspect ou de sa dernière résidence ou celui du lieu où il a été appréhendé. Cette disposition s’applique en cas de conflit de compétence entre deux tribunaux tunisiens ou entre un tribunal tunisien et un tribunal étranger. Il a déjà été fait référence précédemment aux cas de torture examinés par des tribunaux tunisiens.

Compétence des tribunaux tunisiens pour les crimes de torture commis à bord de navires ou d’aéronefs immatriculés en Tunisie

177.S’agissant de la compétence des tribunaux tunisiens pour les actes de torture commis à bord de navires et d’aéronefs, la loi no85 du 15 août 2005 a été modifiée par l’article 129 du Code de procédure pénale qui prévoit que «sont compétents pour connaître d’une infraction le tribunal du lieu où elle a été commise, celui du domicile du prévenu, celui de sa dernière résidence ou celui du lieu où il a été appréhendé».

178.C’est le premier tribunal saisi de l’affaire qui statue. Si l’infraction a été commise à bord d’un navire ou d’un aéronef immatriculé en Tunisie ou affrété sans équipage à un exploitant domicilié sur le sol tunisien, le tribunal compétent est celui de l’atterrissage ou de l’accostage.

179.Ce même tribunal est également compétent même si l’une des conditions mentionnées ci-dessus n’est pas remplie, au cas où l’aéronef a atterri ou le navire accosté en Tunisie pendant que le suspect est à son bord. Aucun cas de ce type n’a été relevé au cours de la période considérée.

Compétence des tribunaux tunisiens pour les crimes de torture lorsque l’auteur de l’infraction est un ressortissant tunisien

180.La compétence des tribunaux tunisiens s’étend aux infractions commises par les ressortissants tunisiens en dehors du territoire tunisien comme prévu à l’article 305 du Code de procédure pénale qui dispose que «tout citoyen tunisien qui, hors du territoire tunisien, s’est rendu coupable d’un crime ou d’un délit puni par la loi tunisienne peut être poursuivi et jugé par les juridictions tunisiennes, à moins qu’il ne soit reconnu que la loi étrangère ne réprime pas ladite infraction ou que l’inculpé justifie qu’il a été jugé définitivement à l’étranger et, en cas de condamnation, qu’il a subi sa peine ou obtenu la grâce». Les dispositions de l’alinéa précédent sont applicables à l’auteur du fait qui n’a acquis la qualité de citoyen tunisien que postérieurement au fait qui lui est imputé. Aucun cas de cette nature n’a été relevé au cours de la période considérée.

Compétence des tribunaux tunisiens pour les crimes de torture lorsque la victime est de nationalité tunisienne

181.La compétence des tribunaux tunisiens s’étend également, en vertu des articles 307 et 307 bis du Code pénal, aux infractions commises contre les ressortissants tunisiens. L’article 307 dispose que «tout étranger qui, hors du territoire de la République, s’est rendu coupable, soit comme auteur soit comme complice, d’un délit ou d’un crime attentatoire à la sûreté de l’État ou de contrefaçon du sceau de l’État ou de la monnaie nationale est passible de poursuites conformément à la loi tunisienne s’il a été arrêté sur le territoire tunisien ou si le Gouvernement obtient son extradition».

182.L’article 307 bis du Code dispose que «[quiconque] hors du territoire tunisien s’est rendu coupable, soit comme auteur principal, soit comme complice, d’un crime ou d’un délit, peut être poursuivi et jugé lorsque la victime est de nationalité tunisienne. Les poursuites ne peuvent être engagées qu’à la requête du ministère public, sur plainte de la partie lésée ou de ses ayants droit. Aucune poursuite ne peut être engagée si l’inculpé apporte la preuve qu’il a été définitivement jugé à l’étranger et, en cas de condamnation à une peine, que cette dernière a été exécutée, qu’elle est atteinte de prescription extinctive ou qu’il a bénéficié d’une mesure d’amnistie».

183.À titre d’exemple, il convient de citer l’affaire d’un jeune Tunisien qui s’est suicidé dans une cellule de la prison de la ville de Beaune, France, en utilisant la ceinture de son pantalon, instruite par le tribunal d’instance de Tunis sous le numéro de dossier 89641/2, celle d’un Tunisien trouvé, le 18 juin 2008, pendu à un lampadaire et portant des marques de violences physiques dans une ferme en dehors de la ville de Foggia, instruite par le tribunal d’instance de Tunis sous le numéro de dossier 08613/5, ou encore celle d’un Tunisien trouvé poignardé dans un appartement de la ville de Wiesbaden (Allemagne), instruite sous le numéro de dossier 74231/13, le 26 mars 2009. Ces trois affaires sont encore en cours d’instruction.

Article 6

184.Le droit tunisien autorise, lorsque les conditions juridiques sont remplies, la détention sur le territoire tunisien d’une personne soupçonnée d’une infraction tombant sous le coup d’une disposition pénale déjà en vigueur. La détention doit respecter les procédures légales en place et ne doit pas être arbitraire ou assimilable à un acte de représailles. La période de détention doit être conforme aux délais légaux fixés pour la conduite de l’enquête, le jugement et l’extradition. Il appartient à l’État tunisien de mener l’enquête préliminaire sur les circonstances de l’affaire.

185.Tout ressortissant étranger détenu reçoit immédiatement une assistance pour qu’il puisse prendre contact avec le service consulaire le plus proche de l’État dont il a la nationalité ou, s’il s’agit d’une personne apatride, avec le service consulaire de l’État où il réside habituellement. En cas d’arrestation d’un ressortissant étranger, les autorités tunisiennes informent immédiatement les autorités de son pays de son arrestation et de l’ouverture de l’enquête préliminaire et indiquent si la personne va être jugée.

186.Il est à noter que les dispositions de l’article 6 sont appliquées au moyen de l’article 32 de la Constitution qui est libellé comme suit «… les traités n’entrent en vigueur qu’après leur ratification et à condition qu’ils soient appliqués par l’autre partie. Les traités ratifiés par le Président de la République et approuvés par la Chambre des députés ont une autorité supérieure à celle des lois.».

187.Toutes les garanties prévues par le Code de procédure pénale sont assurées aux accusés pendant l’interrogatoire. Le Procureur général procède immédiatement à l’interrogatoire afin d’établir l’identité du suspect, de l’informer du document à la base de son arrestation et dresse un procès-verbal de l’audition (art. 309 du Code de procédure pénale). Ensuite, le suspect étranger est présenté à la chambre d’accusation de la cour d’appel de Tunis «dans un délai maximum de quinze jours à compter de la notification du titre d’arrestation. Il est alors procédé à un interrogatoire dont il est dressé procès-verbal. Le ministère public et l’intéressé sont entendus. Ce dernier peut se faire assister d’un avocat et d’un interprète. Il peut être remis en liberté provisoire à tout moment de la procédure conformément aux dispositions du présent code.» (art. 321 du Code de procédure pénale).

188.Selon la procédure suivie, un suspect étranger peut être convoqué pour subir un interrogatoire. Le refus de se présenter peut conduire le juge d’instruction à émettre un mandat d’amener détaillant les chefs d’accusation et les textes de loi applicables et autorisant la police judiciaire à exécuter ledit mandat. Le juge d’instruction, après interrogatoire du suspect, peut délivrer un mandat de dépôt après avoir consulté le Procureur général, si l’acte commis est passible d’emprisonnement ou d’une peine plus sévère. Au cours de l’interrogatoire préliminaire, le suspect peut décider de ne répondre aux questions qu’en présence d’un avocat de son choix et d’un interprète. Si le suspect est placé en détention provisoire après l’interrogatoire, il est en droit de s’entretenir avec son avocat à tout moment. Ces règles générales de procédure montrent qu’un détenu étranger a accès à un représentant de son pays même en l’absence de dispositions explicites à cet égard.

189.Comme la Convention, qui est le thème de ce rapport, fait partie intégrante du système juridique tunisien depuis sa ratification en 1988 ainsi que le prévoit l’article 32 de la Constitution, son article 6 (par. 3 et 4) complète les dispositions de la loi tunisienne. Un détenu étranger peut à tout moment non seulement communiquer avec son avocat (art. 70 du Code de procédure pénale) qui est normalement désigné par la mission diplomatique de son pays mais «également communiquer immédiatement avec le plus proche représentant qualifié de l’État dont il a la nationalité ou, s’il s’agit d’une personne apatride, avec le représentant de l’État où [il] réside habituellement» comme l’exige l’article 6, paragraphe 3, de la Convention. En outre, les accords d’entraide judiciaire signés par la Tunisie avec d’autres pays réglementent les moyens de communication visés à l’article 6 de la Convention.

Article 7

190.Ayant ratifié la Convention, la Tunisie veille à ce que toute personne accusée des infractions visées à son article 4 se trouvant sur son territoire qui n’est pas extradée soit présentée aux autorités tunisiennes compétentes pour qu’elle soit jugée.

191.Certes la loi tunisienne prévoit des peines sévères en cas de tortures et de mauvais traitements mais les droits du suspect sont également protégés pendant l’arrestation, l’interrogatoire et le procès. Il est à noter que les actes de torture sont considérés comme des infractions de droit public graves. Ainsi, même lorsque l’infraction est mineure et l’ouverture d’une enquête facultative, il est d’usage que les autorités judiciaires mènent une enquête chaque fois que le suspect est un fonctionnaire afin d’assurer un procès équitable.

192.Les procédures et les peines prescrites restent inchangées quel que soit le lieu où l’infraction a été commise ou la nationalité de l’auteur. Le droit tunisien garantit l’équité de toutes les étapes de la procédure judiciaire à tout suspect, tunisien ou ressortissant étranger, accusé de tortures ou de mauvais traitements.

Garanties prévues par le droit tunisien pour assurer une procédure équitableavant le procès

193.Le droit tunisien accorde aux personnes soupçonnées d’avoir commis des actes de torture ou des mauvais traitements et d’autres infractions les garanties énumérées ci-après.

Droit de n’être placé ou être en détention provisoire qu’en cas d’absolue nécessité

194.L’article 84 du Code de procédure pénale souligne le caractère exceptionnel du recours à la détention provisoire. Aux termes de l’article 85 «L’inculpé peut être soumis à la détention provisoire dans les cas de crime ou de délit flagrants et toutes les fois où, en raison de présomptions graves, la détention semble nécessaire comme mesure de sécurité pour éviter de nouvelles infractions, comme garantie de l’exécution de la peine ou comme moyen de faciliter les investigations.».

Droit d’être informé immédiatement d’un mandat de mise en garde à vue ou en détention provisoire

195.La notification sert deux objectifs: elle permet de prendre connaissance des motifs à la base de ces deux mesures pour pouvoir les contester et de connaître les droits garantis en situation de garde à vue ou de détention provisoire.

Droit d’être assisté par un avocat

196.Ce droit est exercé par l’accusé qui peut recruter l’avocat de son choix ou disposer des services d’un avocat désigné d’office. La présence d’un avocat pendant l’interrogatoire de police est désormais garantie par la loi no 32 du 22 mars 2007 complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale qui oblige les agents de police judiciaire d’informer le suspect, au moment de son interrogatoire, de son droit «de se faire assister par l’avocat de son choix et à ce qu’il en soit fait mention dans le procès-verbal» et d’informer à l’avance l’avocat du déroulement de la procédure. Il est à noter que dans toutes les affaires mentionnées dans les commentaires sur l’article 4 de la Convention l’ensemble des garanties relatives au droit d’être assisté par un avocat ont été respectées.

Droit de communiquer avec l’extérieur

197.Le droit de communiquer avec l’extérieur pendant la détention s’accompagne de plusieurs autres droits, dont le droit de prendre contact avec un membre de la famille, le droit, pour un détenu étranger, de joindre un représentant de son pays comme le prévoient l’article 13 bis du Code de procédure pénale et l’article 36 de la loi no 52 de 2001 relative à l’organisation des prisons, le droit à des soins médicaux et le droit de recevoir des visites pendant la période de garde à vue ou de détention provisoire.

Droit d’une personne placée en détention provisoire de contester la légalité de sa détention

198.Un inculpé peut faire appel de la décision d’un juge d’instruction de le placer en détention provisoire devant la chambre d’accusation qui est une autorité de niveau supérieur, conformément à l’article 87 du Code de procédure pénale. Une des nouvelles garanties prévues par la législation tunisienne en matière de détention provisoire est l’obligation de motiver toute prolongation de la détention. Cette disposition confirme le caractère exceptionnel de la détention provisoire.

Droit de l’inculpé de disposer de suffisamment de temps pour préparer sa défense

199.Un inculpé, en détention ou maintenu en liberté, a le droit de bénéficier d’un temps suffisant pour préparer sa défense. Il est entendu par «temps suffisant» le temps nécessaire pour prendre contact avec son avocat afin que celui-ci puisse étudier son dossier et les charges retenues contre lui et recueillir des témoignages, des informations et des preuves.

200.Il est à noter que certaines audiences devant les tribunaux pénaux peuvent se poursuivre tard dans la nuit en raison de la présence de nombreux avocats, le tribunal étant tenu de répondre à leurs demandes par respect du droit de l’inculpé d’assurer sa défense en personne ou par l’intermédiaire de son avocat.

Droits de l’inculpé pendant l’interrogatoire

201.Un des principaux droits accordés à un inculpé par la législation tunisienne est le droit à la présence d’un avocat pendant l’interrogatoire, qui est garanti par la loi no 32 du 22 mars 2007 sur l’interdiction de l’extorsion d’aveux sous la contrainte. Tout aveu obtenu sous la contrainte est nul et non avenu en vertu de l’article 199 du Code de procédure pénale et ceux qui exercent cette contrainte sont passibles de mesures pénales et disciplinaires.

202.Dès la fin des années 60, la Cour de cassation a statué que «même si l’aveu constitue la plus solide preuve de culpabilité, son utilisation est à la discrétion absolue du juge. Les juges peuvent légalement se fier à des aveux s’ils sont convaincants et satisfont la conscience du juge.» (Cour de cassation, arrêt no 6124 du 16 avril 1969, p. 132).

203.Dans un autre arrêt, on peut lire ce qui suit: «la juridiction du fond a l’obligation de tenir compte de toutes les preuves matérielles susceptibles d’influencer sa décision. À ce titre, le rejet par celle-ci de preuves contredisant des aveux est de nature à produire un arrêt non motivé susceptible d’être attaqué en appel.» (Cour de cassation, arrêt no 8616 du 25 février 1974, no 1, 1975, p. 81).

Droit au silence

204.L’article 74 du Code de procédure pénale confirme ce droit en ces termes: «Si l’inculpé refuse de répondre ou simule des infirmités qui l’en empêcheraient, le juge l’avertit qu’il sera passé outre à l’instruction du procès et fait mention de cet avertissement au procès-verbal.».

Droit de l’inculpé à l’assistance d’un interprète

205.La législation tunisienne donne à l’inculpé le droit d’être assisté par un interprète pendant l’interrogatoire s’il est incapable de comprendre ou de parler la langue du tribunal, comme le prévoit l’article 66 du Code de procédure pénale. La Cour de cassation a, dans plusieurs de ses arrêts, considéré le droit d’un inculpé d’être assisté par un interprète comme un droit fondamental dont le déni rend la procédure nulle et non avenue (Cour de cassation, arrêt no 54929 du 29 décembre 1993).

Droit d’être traité avec humanité pendant la détention

206.Une personne en garde à vue ou en détention provisoire a le droit d’être traitée avec humanité. Ce droit est explicitement inscrit dans la Constitution à l’article 13 qui dispose que «toute personne ayant perdu sa liberté est traitée avec humanité dans le respect de sa dignité, conformément aux conditions fixées par la loi».

Garanties d’un procès équitable

207.Parmi les principales garanties prévues par le droit tunisien, figure le droit du justiciable à ce que sa cause soit entendue par un tribunal compétent, indépendant et impartial constitué conformément à la loi. L’article 65 de la Constitution dispose que les juges sont indépendants et ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi. Quant aux articles 66 et 67 de la Constitution, ils stipulent que les magistrats sont nommés par le Président de la République sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature. Leurs fonctions sont réglementées par la loi qui régit le statut des juges. Le Conseil a autorité en matière de nomination, d’avancement et de discipline.

208.En vertu de l’article 23 de la loi relative à l’organisation judiciaire, au Conseil supérieur de la magistrature et au statut de la magistrature «les magistrats doivent rendre la justice de manière impartiale, sans considération de personnes ni d’intérêt. Ils ne peuvent pas se prononcer en se fondant sur la connaissance personnelle qu’ils peuvent avoir de l’affaire, ni émettre d’opinions sur les affaires autres que celles qui les concernent, et ce, ni verbalement, ni par écrit, même à titre de consultation.».

209.Les règles relatives aux audiences et de procédures civiles et pénales permettent de mettre en cause l’impartialité du tribunal, si par exemple, un juge siégeant à l’audience a participé à une autre phase de la procédure. Le Code de procédure pénale prévoit des garanties d’impartialité au chapitre VI relatif à la récusation des magistrats (art. 296 à 304). En sus de ces droits, le droit tunisien prévoit les garanties ci-après.

Droit à la présomption d’innocence

210.Ce droit est inscrit à l’article 12 (par. 2) de la Constitution qui dispose que «tout prévenu est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité à la suite d’une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense». La jurisprudence a à maintes reprises rappelé la nécessité d’appliquer le principe de la conviction «au-delà du doute raisonnable» (Cour de cassation, arrêt no 25744 du 12 novembre 1990, no 1, 1990, p. 15). L’arrêt de la Cour de cassation no 2859 du 17 octobre 2005 a confirmé ce principe en disposant que le doute profite au prévenu et qu’il est préférable d’acquitter un prévenu plutôt que de déclarer un innocent coupable.

Droit à la non-rétroactivité de la loi

211.L’article 13 (par. 1) de la Constitution garantit ce droit en ces termes: «La peine est personnelle et ne peut être prononcée qu’en vertu d’une loi antérieure au fait punissable.». En outre, le Livre premier du Code pénal stipule ce qui suit: «Les infractions sont punies par application des lois en vigueur. Si une loi entre en vigueur avant le prononcé d’une décision, et que le texte de la nouvelle loi est plus favorable à l’inculpé, cette loi est la seule à être appliquée.».

212.Selon un arrêt de la Cour de cassation, «Il est évident que nul ne peut être puni qu’en vertu d’une disposition d’une loi antérieure» conformément au Livre premier du Code pénal qui traite de la légalité de la peine (Cour de cassation, arrêt no 12658 du 25 octobre 2001, p. 194).

Droit de l’inculpé de ne pas être jugé deux fois pour le même délit

213.L’article 132 bis du Code de procédure pénale, qui a été ajouté en 1993, prévoit «qu’aucune personne acquittée ne peut être de nouveau poursuivie en raison des mêmes faits, et ce, même sous une qualification différente». Selon l’arrêt no 8943 du 9 mars 2005 de la Cour de cassation «Le principe de la continuité de la justice est applicable lorsque la même infraction est jugée deux fois par un tribunal. Le deuxième jugement est considéré comme nul et non avenu.». Un autre arrêt (no 16926 du 1er décembre 2007) établit «qu’aucune personne acquittée ne peut être de nouveau poursuivie en raison des mêmes faits et ce, même sous une qualification juridique différente».

Droit à la défense

214.Ce droit est inscrit aux articles 69, 70, 72 et 141 du Code de procédure pénale. L’article 141 dispose que «l’assistance d’un avocat est obligatoire devant le tribunal de première instance sis au siège d’une cour d’appel lorsqu’il statue en matière pénale et aussi devant la Cour pénale sise au siège de la cour d’appel. Si l’accusé ne choisit pas un avocat, le président lui en désigne un d’office». Aux termes de la loi sur la profession d’avocat, cette profession «est libre et indépendante et contribue à l’administration de la justice». À ce titre, c’est un service public à caractère professionnel. Si l’accusé n’a pas les moyens de prendre un avocat, il peut demander l’aide juridictionnelle.

215.La Cour de cassation a souligné dans plusieurs de ses arrêts que le fait de refuser à l’accusé le droit de se faire représenter par un avocat pendant les audiences constitue une violation du droit à un procès équitable et rend le verdict prononcé susceptible d’appel (arrêt no 19713 du 1er octobre 1986 de la Cour de cassation, 1987, p. 130).

Droit d’être présent aux audiences

216.Le Code de procédure pénale a établi le principe de la présence de l’accusé aux audiences (en première instance et en appel), sous réserve de deux exceptions. Aux termes de l’article 141 «Le prévenu poursuivi pour un crime ou pour un délit puni d’emprisonnement est tenu de comparaître personnellement. Pour les délits n’entraînant pas de peine d’emprisonnement et dans tous les cas où il a été cité directement par la partie civile, le prévenu peut se faire représenter par un avocat. Le tribunal peut toujours, s’il le juge utile, ordonner la comparution personnelle.».

217.Lorsque le prévenu, régulièrement cité, ou son représentant ne comparaît pas, le tribunal peut passer outre aux débats et statuer par défaut si le prévenu n’a pas été touché personnellement par la convocation. Le jugement est considéré comme prononcé en présence de l’accusé si celui-ci a été personnellement informé de l’audience, mais a décidé de ne pas comparaître. Une décision par défaut reste susceptible d’appel conformément à l’article 175 et seq. du Code de procédure pénale.

Droit à une audience publique

218.Ce droit est garanti par l’article 143 du Code de procédure pénale: «Le président a la direction des débats et veille au déroulement en bon ordre de l’audience. Les débats sont publics et ont lieu en présence du représentant du ministère public et des parties, à moins que le tribunal ne décide le huis clos, soit d’office, soit à la demande du ministère public pour sauvegarder l’ordre public ou les bonnes mœurs. Mention en est faite au procès-verbal d’audience.».

219.Dans plusieurs de ses arrêts, la Cour de cassation a proclamé le principe de la publicité des audiences pour que la justice soit rendue avec transparence et les droits des parties protégés. Le tribunal doit expliquer et motiver toute décision d’audience à huis clos sous peine de risquer de voir son jugement annulé pour violation du principe de la publicité des audiences (Cour de cassation, arrêt no 6306 du 21 août 1968).

Droit d’appeler à témoin et droit d’audition contradictoire des témoins

220.Toute personne inculpée de délit majeur a le droit d’appeler ses propres témoins ou de demander une audition contradictoire des témoins. Cette disposition concrétise le principe d’égalité des armes pour l’accusation comme pour la défense. L’article 154 (par. 2) du Code de procédure pénale prévoit que la contestation des procès-verbaux ou rapports préparés par la police judiciaire n’est possible que par la production d’une preuve par écrit ou par témoins. En vertu de l’article 158, les témoins sont cités par la voie administrative ou par exploit d’huissier-notaire.

221.Dans son arrêt no 3865 du 24 septembre 2005, la Cour de cassation a statué que «le non-respect par la juridiction du droit de l’accusé à faire entendre un témoin ou de contester son témoignage, rend la décision de la juridiction incompatible avec le droit à une défense équitable et de ce fait, susceptible d’appel». Dans un autre arrêt (no 11073 du 8 mars 2006), la Cour a statué que «la décision dans une affaire où la préparation correcte du verdict n’a pas été possible en raison de l’incapacité à convoquer un témoin au moment approprié rend ladite décision susceptible d’appel pour atteinte aux droits de l’accusé.».

Droit à ce que le verdict soit rendu en public

222.L’article 121 du Code de procédure civile et commerciale confirme ce principe. Il dispose que «… les charges retenues contre un accusé avec preuves à l’appui ne constituent un verdict qu’après son prononcé en audience publique en présence de tous les juges qui ont signé le jugement». L’article 165 (par. 2) du Code de procédure pénale établit le même principe: «la décision n’est définitive qu’après son prononcé en audience publique en présence de tous les magistrats qui l’ont signée».

Droit de faire appel

223.Le droit tunisien garantit des voies de recours à différents niveaux. Il est à noter que la loi no 43 du 17 avril 2000 institue, pour la première fois dans l’histoire du droit tunisien, le principe du double degré de juridiction en matière criminelle. Avant cette date, les décisions des tribunaux pénaux ne pouvaient pas être contestées en appel. Elles étaient portées devant la Cour de cassation. Le même régime est applicable dans le cadre de la justice pour mineurs en vertu de la loi no 53 du 22 mai 2000.

224.Le système du double degré de juridiction s’appuie, dans le cas de la justice pour adultes, sur un tribunal d’instance où siègent cinq juges qui connaissent des affaires soumises par la chambre d’accusation et une cour d’appel composée de cinq juges de rang supérieur. Les affaires pénales examinées par les cours d’appel peuvent être ensuite portées devant la Cour de cassation comme c’était le cas auparavant pour les décisions de première instance.

Article 8

225.En tant qu’État partie à la Convention, la Tunisie considère que les infractions visées à l’article 4 sont comprises dans tout traité d’extradition conclu entre États parties, et en tant qu’État partie, elle s’engage à inclure lesdites infractions dans tout traité d’extradition à conclure avec d’autres États parties. S’agissant de ces infractions, la Tunisie considère également la Convention comme la base juridique de l’extradition lorsqu’elle reçoit une demande d’extradition d’un autre État partie avec lequel elle n’a pas de traité d’extradition.

226.Il est à noter que la Constitution contient une clause qui interdit l’extradition des réfugiés politiques. Cette clause constitue la seule exception aux engagements contractés dans le cadre de la Convention. Le Code de procédure pénale inclut une exception similaire. La Tunisie considère les actes de torture, les voies de fait et les traitements inhumains comme des infractions dont les auteurs peuvent être extradés. Un examen des traités conclus par la Tunisie avec de nombreux États montre qu’aucun d’eux n’exempte les actes de torture de l’extradition.

227.Les conditions et procédures d’extradition relèvent des dispositions du Code de procédure pénale (art. 308 à 330). Ces dispositions n’ont, toutefois, pas la primauté sur des instruments internationaux comme les accords bilatéraux ou les conventions internationales. En vertu du principe de primauté des traités internationaux sur le droit national, cet article prime la législation nationale et est applicable en cas de conflit entre cette législation et le droit international.

Article 9

228.Dans le cadre d’accords d’entraide judiciaire, la Tunisie fournit toute l’assistance juridique et judiciaire nécessaire dans les affaires de torture et de mauvais traitements ayant fait l’objet de décisions judiciaires définitives. Cette assistance comprend la communication des preuves en sa possession qui sont nécessaires à l’avancement de la procédure.

229.L’article 331 du Code de procédure pénale fournit des exemples d’entraide judiciaire entre la Tunisie et d’autres États avec lesquels elle n’a pas d’accord: «En cas de poursuites répressives non politiques dans un pays étranger, les commissions rogatoires émanant de l’autorité étrangère sont reçues par la voie diplomatique et transmises au Secrétariat d’État à la justice. Les commissions rogatoires sont exécutées conformément à la loi tunisienne. En cas d’urgence, elles peuvent faire l’objet d’une communication directe entre les autorités judiciaires des deux États.».

230.Dans le même esprit, on peut lire ce qui suit à l’article 332 du Code: «lorsqu’un gouvernement étranger juge nécessaire la notification d’un acte de procédure ou d’un jugement à une personne résidant sur le territoire tunisien, la pièce est transmise suivant les formes prévues aux articles 316 et 317, accompagnée, le cas échéant, d’une traduction en langue arabe. La signification est faite à la requête du ministère public. Le document constatant la notification est renvoyé par la même voie au gouvernement requérant.».

231.Les engagements internationaux d’entraide judiciaire de la Tunisie rendent pratiquement impossible pour les auteurs d’actes de torture d’échapper à la justice, qu’ils se trouvent sur le sol tunisien ou à l’étranger.

Article 10

232.La Tunisie inclut un enseignement et des informations complètes sur l’interdiction totale de la torture dans les programmes de formation des fonctionnaires de police, tant civils que militaires, et du personnel médical et de la fonction publique ayant un lien avec des personnes soumises à une quelconque forme de détention, d’emprisonnement ou d’interrogatoire. L’interdiction de la torture est également prévue par les lois et instructions qui régissent les tâches et les fonctions de ces agents.

Éducation dispensée et informations fournies sur l’interdiction de la torturedans le cadre des programmes de formation

233.La Tunisie attache une grande importance à l’éducation dans le domaine des droits de l’homme et en tant que meilleur moyen d’en diffuser la culture et de faire évoluer les droits de l’homme, les comportements sociaux, étant donné que les lois et les instructions restent, malgré leur importance, tributaires du degré de sensibilisation de la société à la culture des droits de l’homme et de l’effort d’éducation dans ce domaine. Pour toutes ces raisons, l’éducation constitue la priorité en Tunisie, où l’équivalent de 7,5 % du produit intérieur brut (PIB) lui sont consacrés − un des pourcentages les plus élevés dans le monde.

234.En outre, l’État a veillé à ce que l’éducation devienne le cadre approprié pour une sensibilisation aux droits de l’homme, étant donné que les établissements d’enseignement sont fréquentés par des personnes appartenant aux deux sexes et à tous les segments de la population, y compris les handicapés et tous ceux qui ont des besoins spéciaux.

235.Au cours de la période considérée, les droits de l’homme ont continué d’être enseignés dans les établissements secondaires et supérieurs sur la base de la législation tunisienne et des traités internationaux, notamment dans le cadre de la formation des enseignants d’éducation civique à la faculté des sciences humaines et sociales de Tunis.

236.La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et d’autres instruments internationaux relatifs à la protection des victimes d’abus de pouvoir sont enseignés dans les écoles de formation des forces de l’ordre (la Garde nationale et la police) ainsi qu’à l’École nationale de formation des agents des établissements pénitentiaires et correctionnels, à l’Institut supérieur de la magistrature et à l’Institut supérieur de la profession d’avocat.

237.Des cours de formation, des colloques, des conférences et des tables rondes sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales (Constitution, système républicain et droits fondamentaux inscrits dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme) sont organisés à l’intention des enseignants. Dans le cadre du plan décennal concernant les droits de l’homme (1995-2004), une commission nationale pour l’enseignement des droits de l’homme a été créée le 4 avril 1996 sous l’égide du Ministère de l’éducation.

238.Étant donné que la formation et la sensibilisation aux dangers de la torture font partie intégrante de l’éducation axée sur la culture des droits de l’homme, des efforts sont déployés depuis un certain temps pour promouvoir ces activités de façon à en faire bénéficier tous les agents chargés d’appliquer la loi, notamment ceux relevant du Ministère de l’intérieur et du développement local et du Ministère de la justice et des droits de l’homme.

239.Il est à noter que les différentes entités chargées de la sécurité reçoivent une formation sur les droits de l’homme de quarante heures par an en moyenne en plus des cours consacrés au comportement et à la discipline les relations avec les particuliers. Les matières enseignées en matière de droits de l’homme sont la culture de base, la Déclaration universelle des droits de l’homme, les mécanismes nationaux et internationaux des droits de l’homme, l’évolution du système législatif des droits de l’homme et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier à la torture et autres peines ou traitements cruels ou inhumains. Les agents de l’ordre suivent également dix heures de formation sur l’évolution du système des droits de l’homme dans la législation tunisienne et les règles à appliquer pour respecter l’intégrité physique d’un détenu, l’analyse de l’approche intégrée et universelle des droit de l’homme, adoptée par la Tunisie, les relations entre les agents de l’ordre et les citoyens et les moyens de renforcer le respect des droits de l’homme.

Formation et sensibilisation à l’interdiction de la torture dans les programmes d’enseignement destinés aux cadres et agents du Ministère de l’intérieuret du développement local

240.Les droits de l’homme et les principes régissant un comportement éthique font partie de la formation de base, continue et spécialisée des cadres et des agents de la force publique de tous les niveaux. Cette formation est dispensée par les écoles des forces de sécurité, et complétée par des stages de sensibilisation. De même, le Centre de perfectionnement et de recyclage des cadres du Ministère de l’intérieur et du développement local joue un rôle efficace dans la diffusion de la culture des droits de l’homme et la sensibilisation à cette culture. Les mesures passées en revue ci-après ont été prises en application de l’article 10 de la Convention.

Enseignement des droits de l’homme

241.Les écoles de formation du Ministère de l’intérieur et du développement local poursuivent leurs efforts pour diffuser la culture des droits de l’homme au sein du Ministère, depuis la publication de la circulaire no504 du 15 juin 1994 qui inclut «les droits de l’homme» parmi les matières enseignées à tous les niveaux.

242.La circulaire accorde une importance particulière à l’enseignement et à la formation continue des agents des forces de l’ordre dans cette matière dans le cadre de programmes de perfectionnement destinés aux agents et cadres du Ministère, dont l’exécution est l’occasion de rappeler aux fonctionnaires leurs obligations en tant qu’agents de l’État, l’importance d’un comportement civique dans les relations avec les citoyens et les sanctions qu’ils risquent en cas d’abus d’autorité de recours à la torture, de violation des droits et des libertés de la personne, d’atteinte à la propriété ou de commission de toute forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant. Les responsables du Ministère sont chargés de veiller à ce que le comportement des agents de l’ordre, quelle que soit l’entité où ils exercent leurs fonctions, soit conforme aux principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

243.Parmi les tâches que doivent accomplir les personnes qui participent aux stages de formation de l’École supérieure des forces de sécurité intérieure figure la réalisation d’études et de travaux de recherche sur les droits de l’homme. Au nombre des sujets abordés pendant l’année 2008/09, il y a lieu de mentionner la torture et les traitements dégradants dans le droit tunisien, les instruments juridiques pour combattre le terrorisme, la nouvelle approche progressiste des peines d’emprisonnement et la traite des femmes et des enfants.

Séminaires et journées d’étude

244.Au cours de la période considérée, le Ministère de l’intérieur et du développement local a organisé une série de réunions et de séminaires sur le thème des droits de l’homme; il convient de mentionner, entre autres:

Des exposés et des colloques dans le cadre de stages de formation et de journées d’étude organisés par les écoles des forces de sécurité à tous les niveaux;

Des séminaires périodiques destinés aux chefs de secteur et de régiment et des réunions des chefs de brigade et des chefs de poste, au cours desquels les thèmes de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont abordés;

Des journées d’étude régionales organisées de concert avec l’administration judiciaire visant à faire connaître les nouvelles mesures législatives et les modifications apportées à la législation en vigueur dans le domaine de la sécurité;

L’organisation de semaines consacrées aux droits de l’homme et à l’information sur les mécanismes nationaux pour assurer leur protection, à l’École nationale de formation des officiers adjoints de police de Bizerte.

Réédition du guide des droits de l’homme

245.Le guide réunit des textes de l’Organisation des Nations Unies et de textes nationaux actualisés relatifs aux droits de l’homme. Il a été distribué à tous les fonctionnaires chargés d’appliquer la loi pour qu’il leur serve d’outil de travail et de document de référence. Au nombre des textes faisant partie de ce recueil figurent:

La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

Des extraits des dispositions du Code de procédure pénale relatives à la garde à vue et au traitement des détenus;

La loi sur l’organisation des prisons;

Le Code de conduite des responsables de l’application de la loi;

L’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus;

Les principes d’éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

La Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondée sur la religion et la conviction;

Les principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois;

Les principes de base relatifs au rôle du barreau.

Éducation et information concernant l’interdiction de la torture dans les programmes de formation des juges et du personnel des établissements pénitentiaires

246.Le Ministère de la justice et des droits de l’homme déploie d’énormes efforts non seulement pour assurer la justice, mais aussi pour diffuser la culture des droits de l’homme et dispenser la formation requise dans ce domaine, notamment par le biais du bureau du Coordinateur national des droits de l’homme, du Centre d’études juridiques et judiciaires, de l’Institut supérieur de la magistrature et de l’École nationale des prisons et de la rééducation.

Rôle du Coordinateur national des droits de l’homme et du Centre d’études juridiqueset judiciaires

247.À l’occasion de la Journée des droits de l’homme, célébrée le 10 décembre 2005, deux livres ont été publiés en coopération avec le centre de documentation du bureau du Coordinateur national des droits de l’homme et du Centre d’études juridiques et judiciaires du Ministère de la justice. Le premier a pour titre: Les droits de l ’ homme: textes nationaux et internationaux; le deuxième contient une analyse des dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’homme effectuée par 32 juges des deux sexes.

248.Au titre de la participation de la Tunisie avec la communauté internationale aux cérémonies du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le bureau du Coordinateur national des droits de l’homme a publié sur support papier et numérique un recueil de tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par la Tunisie, y compris le texte complet de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Centre d’études juridiques et judiciaires a, de son côté, publié plusieurs numéros d’une revue sur le système judiciaire et la législation relative aux droits de l’homme.

Éducation dans le domaine des droits de l’homme et formation à la culture des droits de l’homme à l’Institut supérieur de la magistrature

249.Depuis la création de l’Institut supérieur de la magistrature en 1987, chaque année, pas moins de 50 juges y obtiennent un diplôme. L’Institut dispense aux juges une formation professionnelle moderne axée sur le respect des droits de l’homme et des libertés. Cette formation comprend un module important sur les droits de l’homme régi par deux arrêtés du Ministère de la justice datant du 26 juin 1992 portant sur l’organisation de l’enseignement des droits de l’homme à l’Institut. Elle vise à développer les connaissances des juges sur les instruments internationaux, les tendances internationales, les principes édictés par l’ONU et les organisations régionales dans le domaine des droits de l’homme à les aider à se familiariser avec les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme, dont les organes conventionnels, notamment le Comité contre la torture.

250.Le 26 juin 1993, le Ministre de la justice a publié deux arrêtés. Le premier prévoit l’inscription de l’enseignement des droits de l’homme dans les cours de formation dispensés au Conseil supérieur de la magistrature en tant que matière principale. Cet enseignement vise à promouvoir la connaissance des conventions et recommandations internationales, des règles de conduite édictées par l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales en matière de droits de l’homme et des mécanismes internationaux de protection et du droit comparé. Les cours comprennent également des études de cas pratiques, des simulations de procès et d’autres outils de formation susceptibles d’éveiller la sensibilité juridique pour une meilleure compréhension des normes internationales destinées à garantir les droits des justiciables. Cet enseignement dure deux semestres.

251.Par la simulation de procès, les stagiaires apprennent, par exemple, comment traiter le cas d’un accusé qui affirme que ses aveux ont été obtenus par la torture, et quelles mesures ils doivent prendre dans ces circonstances (demande d’une expertise médicale et renvoi du dossier au ministère public pour que soit engagée la procédure requise).

252.Le deuxième arrêté, qui date du 26 juin 1993,concerne l’approfondissement des connaissances acquises à l’Institut. Il prévoit l’organisation de conférences pour permettre aux juges de se perfectionner et d’actualiser leur connaissance des conventions internationales, de la protection des droits de l’homme et de l’évolution de la législation et de la jurisprudence nationale dans l’optique du renforcement des droits de l’homme. Ces conférences ont lieu dans le cadre de journées d’études ou de séminaires organisés à l’Institut ou dans les tribunaux.

253.Les droits de l’homme sont enseignés à l’Institut supérieur de la magistrature au moyen de cours de formation ou de perfectionnement portant sur les modules examinés ci‑après:

Mécanismes internationaux des droits de l’homme

Instruments internationaux de l’ONU et autres (déclarations, recommandations, codes de conduite);

Instruments régionaux adoptés à l’échelon de pays arabes, musulmans, africains, américain et européens.

Mécanismes de protection des droits de l’homme

Mécanismes de l’ONU et des institutions spécialisées, de l’Organisation internationale du Travail et des organisations régionales et liens entre ces mécanismes, le système juridique et judiciaire national;

Rôle des organisations non gouvernementales dans la diffusion de la culture des droits de l’homme et la protection de ces droits.

254.L’Institut continue à organiser des séminaires sur les droits de l’homme dans le cadre de la formation de base des étudiants ou sous forme de cours de perfectionnement pour les juges en poste. Les étudiants de l’Institut présentent de plus en plus des mémoires de fin d’études consacrés à l’analyse des instruments juridiques et des mécanismes internationaux de promotion et de protection des droits de l’homme et procédures judiciaires nationales connexes.

255.Parmi les sujets des nombreux mémoires présentés, on peut citer les mécanismes nationaux de protection des droits de l’homme, la dimension humaine des peines en droit pénal tunisien, la Cour internationale de Justice, les organes conventionnels de l’ONU, la nouvelle loi relative à l’organisation des prisons, les banques de données et la protection de la vie privée, le rôle du greffier dans la protection des droits de l’accusé, l’interrogatoire des suspects, le rôle du juge dans l’instauration de l’égalité des sexes en droit tunisien, les droits des personnes en garde à vue et les garanties d’un procès équitable.

256.Pour approfondir les connaissances des juges dans le domaine de la législation et des instruments relatifs aux droits de l’homme et les encourager à s’appuyer sur ces textes, l’Institut organise une formation de base sur plusieurs thèmes.

Sensibilisation aux droits de l’homme et diffusion de la culture des droits de l’hommeà l’École nationale des prisons et de la rééducation

257.La Direction générale des prisons et de la rééducation, qui est passée sous la tutelle du Ministère de la justice, a inscrit les droits de l’homme au programme de l’École nationale des prisons en tant que matière principale enseignée à tous les étudiants ainsi qu’aux cadres participant à des stages pratiques. En outre, de nombreux stages de formation ont été organisés en vue d’améliorer les qualifications du personnel des prisons et de le familiariser avec tous les faits nouveaux en matière de droits de l’homme. Ces stages ont notamment porté sur les thèmes suivants: droits et devoirs des prisonniers, et règles applicables dans ce domaine; traitement des prisonniers; techniques de dialogue et de communication. La Direction générale des prisons et de la rééducation a, en outre, organisé des journées de sensibilisation aux droits de l’homme conduites par des cadres de cet organisme destinées au personnel des prisons et des centres de rééducation.

Interdiction de la torture dans les lois et dans les instructions adressées aux membres des forces de l’ordre

258.Outre les observations faites plus haut dans le contexte de l’article 2 de la Convention au sujet de l’interdiction de la torture et de l’obligation de traiter avec dignité les personnes privées de liberté comme le prévoit la législation nationale et la Constitution, il y a lieu de signaler que le Ministère de l’intérieur et du développement local et le Ministère de la justice et des droits de l’homme continuent de publier des circulaires destinées aux agents des forces de l’ordre qui contiennent des instructions très strictes concernant le respect de la dignité des personnes et la protection de leurs droits contre toute violation.

Circulaires et arrêtés du Ministère de l’intérieur relatifs au traitement des personnes en garde à vue et en détention préventive

259.Le Ministère de l’intérieur a publié plusieurs circulaires relatives au traitement des personnes en garde à vue et en détention préventive et aux sanctions imposées en cas de violations, notamment la circulaire no 895 du 16 décembre 1991 qui exige l’affichage du texte du serment que doivent prêter les agents des forces de sécurité intérieure lors de leur entrée en fonction, qui mentionne expressément l’obligation de se conformer aux règlements et de respecter les lois. Ce serment doit être prêté devant le Président du tribunal de première instance compétent et un procès-verbal en est dressé.

260.Des efforts continuent d’être déployés pour diffuser l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus. Elles sont l’objet de la circulaire no 904 du 24 décembre 1991 dont le texte est affiché dans tous les postes de police et de la garde nationale. Il est demandé à tous les agents de se conformer à ces règles et à les respecter intégralement.

261.Afin de sensibiliser les agents chargés de l’application des lois au respect des droits de l’homme et de les responsabiliser moralement et juridiquement, le Ministre de l’intérieur a publié la circulaire no 72 du 24 février 1992 sur l’obligation qu’ont tous les agents et cadres des forces de sécurité intérieure de signer, lorsqu’ils sont chargés d’une fonction de commandement, un engagement leur imposant le respect des droits de l’homme et des libertés publiques.

262.Par ailleurs, afin d’améliorer les relations avec les citoyens, la circulaire no 6 du 3 janvier 1992 souligne la nécessité pour les agents des forces de sécurité de s’en tenir à la légalité dans l’exercice de leurs fonctions et de ne commettre aucun abus d’autorité les exposant à des poursuites devant les juridictions compétentes. La circulaire no 53 du 12 février 1992 va dans le même sens en recommandant à tous les fonctionnaires de veiller à améliorer les relations avec les citoyens et à faire preuve de compréhension et de patience. Le tableau ci-dessous présente les arrêtés et circulaires émis à l’intention des agents par le Ministère de l’intérieur et du développement local.

Année

Référence

Objet

1999

Arrêté no 456 du 9 février 1999

Bon déroulement du transfert et de la surveillancedes personnes en garde à vue

2000

Arrêté no 2363 du 16 juin 2000

Bon déroulement du transfert et de la surveillancedes personnes en garde à vue

2001

Arrêté no1156 du 28 avril 2001

Nécessiter de veiller à maintenir des rapports courtois entre les agents de l’ordre et les citoyens

Note de service no 22 du 1er juin 2001

Relations entre les agents des forces de l’ordreet les citoyens

Arrêté no 7210 du 24 juillet 2001

Convocation et traitement avec civilité des citoyens

Arrêté no 3993 du 19 octobre 2001

Amélioration des conditions dans les cellules de gardeà vue

2002

Arrêté no 3661 du 19 octobre 2002

Amélioration des conditions dans les cellules de gardeà vue

Message de la Direction générale de la sécurité nationale no 12922 du 14 octobre 2002

Amélioration de l’entretien des cellules de garde à vue conformément aux principes des droits de l’homme

2003

Note de service no 28 du 11 août 2003

Respect des droits des accusés pendant l’enquête

2004

Note de service no 6 du 25 février 2004

Amélioration des relations entre l’administrationet le citoyen et promotion des droits de l’homme

Note de service no 8 du 10 mars 2004

Sécurité des détenus dans les locaux de police

2004

Message administratif no 39 du 7 avril 2004

Amélioration des conditions dans les cellules de détention

2005

Message administratif no 40 du 7 avril 2005

Modifications de certaines dispositions du Codede procédure pénale pour renforcer les garanties juridiques et judiciaires des suspects et autorisantces derniers à obtenir l’assistance d’un avocatde leur choix lors de l’interrogatoire

2007

Arrêté no 1259 du 21 mai 2007 portant modification de l’arrêté no 982 du 3 mai 1993

Relations entre l’administration et les usagers

Message de la Direction générale de la sécurité nationale no 11391 du 5 octobre 2007

Amélioration des conditions dans les cellules de garde à vue conformément aux principes des droits de l’homme

Circulaire no 37 du 18 octobre 2007

Meilleur accueil des citoyens et transparence des relations entre l’administration et les citoyens

Note de service no 38 du 14 décembre 2007

Spécifications relatives aux cellules de garde à vue

Note de service no 39 du 24 décembre 2007

Relations entre l’administration et les citoyens

2008

Lettre administrative no 145 du 6 novembre 2008

Renforcement des compétences des agents en matière d’enquête judiciaire, et plus grand respect des droitsde l’homme et des libertés fondamentales pendant l’enquête préliminaire

Diffusion des circulaires, notes, instructions et arrêtés publiés par le Ministèrede la justice et des droits de l’homme sur le respect de la dignité des prisonniers

263.Pour améliorer la mise en œuvre de plusieurs textes législatifs relatifs au droit d’ester en justice, aux garanties judiciaires et à celles accordées aux prisonniers, le Ministre de la justice et des droits de l’homme a publié en 2007 et 2008 plusieurs circulaires, dont certaines sont évoquées ci-après.

264.La circulaire no 89/08 du 17 mars 2008, qui traite des pourvois en cassation de jugements pénaux et de la préparation en temps et heure des copies des jugements en cassation, leur suivi et leur archivage.

265.La circulaire no 647/01 du 13 novembre 2008 porte sur les garanties accordées aux détenus placés en cellule d’isolement. Elle rappelle l’obligation de respecter les règles relatives à la composition et la neutralité des commissions de discipline et d’observer les procédures fixées par la loi en prenant cette mesure exceptionnelle à laquelle il n’est fait appel qu’en cas d’atteinte grave à la sécurité des détenus et d’un établissement pénitentiaire.

266.La circulaire no98/09 du 6 janvier 2009, qui prévoit la nécessité de mettre à jour le dossier de toutes les personnes en détention provisoire dans le cadre d’une action commune des autorités judiciaires compétentes, de la Direction générale des prisons et de l’Inspection générale du ministère. Il est demandé au ministère public d’éviter, dans la mesure du possible, de renvoyer les dossiers aux juges d’instruction pour complément d’enquête, et d’effectuer de préférence eux-mêmes ce travail. Le tableau ci-dessous présente quelques arrêtés et notes de service adressées aux agents chargés de l’application des lois des prisons et des centres de rééducation au cours de la période allant de 1999 à 2009 aux fins de promouvoir les droits des détenus.

Année

Référence

Objet

1999

Arrêté no 2 du 7 janvier 1999

Séparation des détenus de 20 ans des autres détenus

Arrêté no 192 du 19 octobre 1999

Respect du règlement intérieur des établissements pénitentiaires par les commissions disciplinaires

Arrêté no 215 du 19 novembre 1999

Transfert des détenus pour exécuter leur peine

2001

Note de service no 328 du 26 janvier 2001

Obligation de signaler l’usage de la violence à l’égard des détenus pendant l’enquête

2002

Note de service no 136 du 9 septembre 2002

Suivi de la situation judiciaire des détenus

Arrêté no 218 du 12 décembre 2002

Mesures à prendre en cas de grève de la faim

2003

Note de service no 73 du 24 avril 2003

Modalités d’octroi aux prisonniers du droit de visite avec contact direct

Note de service no 98 du 6 juin 2003

Sécurité des effets personnels des détenus

2004

Note de service no 62 du 23 avril 2004

Campagne de propreté dans les prisons et unités de rééducation

Arrêté no 95 du 28 juin 2004

Procédures et critères d’emploi extérieur des détenus

Note de service no 110 du 28 juillet 2004

Entretien des espaces d’accueil et de visite

Note de service no 126 du13 septembre 2004

Aménagement d’espaces de coiffure pour les détenus

Arrêté no 131 du 21 septembre 2004

Création d’une cellule psychologique

Note de service no 151 du 28 octobre 2004

Répartition des détenus dans les cellules

2005

Arrêté no 11 du 14 janvier 2005

Autorisation de visites avec contact direct pour les membres de la famille présentant un handicap mental

Note no 64 du 30 mars 2005

États de santé exigeant une attention particulière

Note no 67 du 4 avril 2005

Observation des règles relatives à l’examen médical avant l’incarcération

Note de service no 133 du 10 août 2005

Programme relatif aux douches des détenus et des enfants détenus

Arrêté no 158 du 27 octobre 2005

Amélioration des conditions d’incarcération et de restauration et renforcement des programmes de suivi et de rééducation

2006

Note no 6 du 12 janvier 2006

Distribution des médicaments prescrits aux prisonniers malades

Note de service no 18 du 26 janvier 2006

Renforcement des mesures de rééducation des détenus

Arrêté no 60 du 27 mars 2006

Participation à des sessions de dynamique de groupe

Arrêté no 104 du 6 juin 2006

Sélection des détenus admissibles aux programmes de rééducation

Arrêté no 147 du 9 octobre 2006

Soins dentaires en prison

2007

Note de service no 75 du 5 juin 2007

Suivi des détenus du Centre Amal de Jbel el‑Ouast

Note de service no 85 du 25 juin 2007

Octroi de permissions aux détenus pour rendre visite à un proche atteint d’une maladie grave ou assister à des funérailles

Arrêté no 99 du 1er août 2007

Mise en œuvre et suivi des programmes de formation professionnelle et agricole

Circulaire no 40 du 8 novembre 2007

Mesures pour le bon accueil des citoyens et des relations transparentes avec l’administration

2008

Note de service no 55 du 4 avril 2008

Information des détenus sur la suite donnée à leurs requêtes

Note de service no 57 du 28 avril 2008

Renforcement des programmes de rééducation et de réinsertion des détenus

Arrêté no 91 du 22 mai 2008

Meilleur suivi de la situation de certains détenus

Arrêté no 93 du 23 mai 2008

Conclusion d’un accord de coopération entre la Direction des prisons et l’Association pour la réinsertion des prisonniers concernant la réinsertion des détenus et des jeunes délinquants remis en liberté

Note de service no 110 du 23 juin 2008

Création d’un comité permanent de suivi des détenus et de leurs conditions de détention

Note de service no 161 du 11 novembre 2008

Distribution dans tous les établissements pénitentiaires de la circulaire du Ministre de la justice et des droits de l’homme relative aux garanties accordées aux détenus lorsqu’ils sont placés en cellule d’isolement

2009

Circulaire no 15 du 27 janvier 2009

Renforcement des services sociaux aux familles des détenus

Arrêté no 52 du 11 février 2009

Amélioration des soins psychologiques dans les prisons

Note no 36 du 25 février 2009

Amélioration des services de santé destinés aux détenus qui souffrent d’une maladie chronique grave

Note de service no 39 du 23 mars 2009

Amélioration de la tenue des détenus

Note de service no 48 du 2 avril 2009

Renforcement des soins destinés aux détenus handicapés

Article 11

267.Conformément l’article 11, qui lui fait obligation de vérifier systématiquement le respect des règles relatives à l’enquête et aux méthodes d’interrogatoire et de l’application des dispositions concernant la garde à vue, la détention provisoire et le traitement de personnes privées de liberté, l’État continue de renforcer les règles et mécanismes juridiques propres à assurer la surveillance requise de façon à éviter tout cas de torture.

Contrôle systématique de l’application des règles qui régissent l’enquêteet des méthodes d’interrogatoire

268.Le contrôle systématique de l’application des règles d’enquête et d’interrogatoire afin d’éviter des actes de torture ou des mauvais traitements est exercé de deux façons: sur le plan judiciaire et au niveau administratif.

Contrôle judiciaire

269.Les autorités judiciaires contrôlent les méthodes utilisées par les agents de la police lors de l’interrogatoire des suspects par le biais du Bureau du Procureur général et des juges d’instruction. Le travail des juges d’instruction est quant à lui contrôlé par la chambre d’accusation.

Contrôle judiciaire des interrogatoires menés par la police judiciaire

270.En premier lieu, il est à noter qu’en vertu de l’article 11 du Code de procédure pénale, tout commissaire de police, officier de police ou chef de poste de police ou officier, sous-officier ou chef de poste de la Garde nationale est sous l’autorité directe du Procureur général en tant qu’auxiliaire de celui-ci.

271.Conformément à l’article susmentionné, tous les agents des forces de l’ordre ont l’obligation d’aviser immédiatement le Procureur général de toute mesure prise, y compris des interrogatoires effectués. De ce fait, leurs activités sont soumises au contrôle direct du Procureur général. Les agents de police judiciaire ne sont pas autorisés à procéder à un acte d’investigation sans autorisation écrite préalable du Procureur général, sauf en cas de flagrant délit.

272.Les agents des forces de l’ordre susmentionnés sont également sous le contrôle des juges d’instruction lorsqu’ils exécutent des mandats judiciaires. Tous les actes entrepris par les agents des forces de l’ordre, à l’exclusion de la délivrance de mandats, qui est du ressort exclusif du juge d’instruction, sont sous le contrôle des juges.

273.Aux fins de renforcer les garanties juridiques pendant l’interrogatoire, la loi no 32 du 22 mars 2007 réaffirme le droit du suspect d’être assisté par un avocat de son choix lorsqu’il est entendu par la police à la demande des autorités judiciaires. Il ne fait pas de doute que la présence de l’avocat constitue une garantie fondamentale des droits du suspect. L’avocat peut être en effet le témoin de tous les actes des agents chargés de l’interrogatoire.

Contrôle par la chambre d’accusation des activités des juges d’instruction, y comprisdes interrogatoires

274.Afin de protéger les droits des suspects pendant la phase d’instruction, particulièrement pendant les interrogatoires, le législateur tunisien a adopté un ensemble de règles qui régissent le travail des juges d’instruction. Ils ne peuvent entendre les témoins ou procéder à des interrogatoires, à des perquisitions ou des saisies qu’en présence d’un greffier en application de l’article 53 du Code de procédure pénale. En sus du greffier, un avocat et, le cas échéant, un interprète, assistent aux interrogatoires conformément à l’article 72 du Code. L’article 73 dispose que le Procureur général peut assister aux interrogatoires. La présence de toutes ces personnes pendant l’interrogatoire est une garantie du respect des droits fondamentaux du suspect.

275.La chambre d’accusation jouit de pouvoirs étendus de contrôle des activités des juges d’instruction, y compris des interrogatoires, et elle n’hésite pas à déclarer nulle et non avenue toute action non conforme aux règles ou aux intérêts légitimes de l’accusé en application de l’article 199 du Code de procédure pénale. Ce même article stipule que c’est la décision prise par la chambre d’accusation qui détermine la portée de la nullité. La décision peut couvrir un ou plusieurs aspects des mesures prises ou ordonner l’abandon des poursuites. Dans ce cas, le juge d’instruction a l’obligation de refaire toutes les opérations demandées par la chambre d’accusation.

Contrôle administratif

276.Afin d’assurer le bon fonctionnement de la justice, l’Inspection générale du Ministère de la justice et des droits de l’homme effectue des inspections régulières des activités des tribunaux de façon à repérer les éventuels dysfonctionnements. Elle enquête en outre sur les plaintes pour violation d’un droit déposées par les parties au procès.

277.L’article 13 du décret no 1330 du 20 juillet 1992 relatif à l’organisation du ministère public définit les fonctions exercées par l’Inspection générale sous l’autorité directe du Ministre, comme consistant à contrôler l’ensemble des juridictions, à l’exception de la Cour de cassation, ainsi que tous les services et établissements relevant du Ministère.

278.L’Inspection rassemble et analyse les rapports d’inspection élaborés par les premiers présidents et procureurs généraux des cours d’appel dans le cadre de leurs sphères de compétence respectives afin de s’assurer de la bonne administration de la justice par les tribunaux. Elle veille dans ce cadre à rechercher les moyens susceptibles d’améliorer leur fonctionnement.

279.Depuis le début de décembre 2008, l’Inspection générale utilise une base de données spéciale reliant l’Inspection à la Direction générale des prisons et de la rééducation pour éviter que la période maximale de détention provisoire ne soit dépassée. Ce système repose sur les informations communiquées par la Direction générale à l’Inspection concernant les détenus et permet:

De connaître la situation générale de la population placée en détention provisoire, le nombre total des détenus au stade des juridictions d’instruction et des chambres d’accusation et la durée de leur détention;

D’intervenir immédiatement pour attirer l’attention de l’autorité judiciaire sur une durée excessive du maintien en détention selon les critères suivants:

Trois mois (situation normale);

Six mois (situation nécessitant un rappel);

Dix mois (situation appelant une mise en garde);

Quatorze mois (adoption des mesures nécessaires pour éviter une détention d’une durée excessive);

D’effectuer des inspections auprès des services d’enquête et des chambres d’accusation en se fondant sur l’analyse des données du système et d’établir un rapport sur les dysfonctionnements et les mesures à prendre pour les résoudre.

280.Pour assurer une meilleure efficacité du système, une circulaire datée de janvier 2009 est venue souligner l’importance de mettre à jour les informations figurant sur les listes des détenus de la Direction générale des prisons et de la rééducation et de vérifier leur conformité avec celles des listes tenues par les tribunaux.

281.Les services d’inspection du Ministère de l’intérieur et du développement local, de leur côté, soumettent à un contrôle administratif les activités des membres des forces de sécurité intérieure pour vérifier qu’aucune violation de la loi n’a été commise.

282.Le paragraphe 2 de l’arrêté no 1 du 8 janvier 2004 définit comme suit les missions de l’Inspection générale des forces de sécurité intérieure:

a)Inspecter à tout moment de manière publique ou secrète les unités de la sécurité intérieure, de la Garde nationale, de la protection civile et des services des douanes sur tout le territoire pour faire en sorte que les agents exécutent leurs missions dans le respect des lois et des règlements;

b)Signaler au Ministre de l’intérieur et du développement local toutes les mesures prises et faire des observations sur les activités des agents des forces de sécurité intérieure et des services des douanes;

c)Présenter au Ministre un rapport d’évaluation annuel complet sur l’évolution du comportement du personnel et des unités, accompagné de recommandations appropriées.

283.L’Inspection générale comprend l’unité d’inspection de la police et de la sécurité nationale et une autre pour les douanes. Les deux organes contrôlent le comportement du personnel et répondent aux plaintes et observations faites à ce sujet.

284.Selon l’article 15 de l’arrêté susmentionné, lorsqu’une infraction commise par un membre du personnel de l’Inspection générale est signalée et requiert des mesures disciplinaires de deuxième degré, l’inspecteur principal soumet au Ministre un rapport décrivant en détail l’infraction et proposant la suspension de l’agent en cause. Il incombe à l’instance compétente de prendre les mesures disciplinaires requises.

Contrôle systématique de l’application des règles relatives à la garde à vueet à la détention provisoire et au traitement des personnes privées de liberté

285.La Tunisie s’est employée ces dernières années à renforcer ses mécanismes de contrôle judiciaire et extrajudiciaire de l’application des règles relatives à la garde à vue, à la détention provisoire et au traitement des personnes privées de liberté afin de prévenir tout acte de torture ou autre forme de violation des droits de l’homme.

Mécanismes de contrôle judiciaire

286.Le renforcement des mécanismes de contrôle judiciaire de l’application des règles relatives à la garde à vue et à la détention provisoire a porté sur l’accroissement de l’efficacité du contrôle exercé par le ministère public et la création du poste de juge d’application des peines, qui est destiné à garantir un traitement humain aux personnes privées de liberté.

Développement de la fonction de contrôle du ministère public sur l’applicationdes règles relatives à la garde à vue et à la détention provisoire

287.Depuis les années 1980, le système de justice pénale a connu une importante avancée qualitative dans le renforcement des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la réaffirmation de l’inviolabilité des droits de la personne et de la présomption d’innocence. Dans cette optique, les règles de détention provisoire et de garde à vue ont été révisées. Avant 1987, la police judiciaire pouvait maintenir un suspect en garde à vue sans limitation de temps. La loi no 70 du 26 novembre 1987, telle que modifiée, fixe une période initiale de détention de quatre jours avec notification au Procureur général. Cette période peut être prolongée par écrit de quatre jours supplémentaires. Dans des circonstances exceptionnelles, une prolongation de deux autres jours peut être accordée.

288.La loi no 90 du 2 août 1999 réduit la période de garde à vue de quatre à trois jours avec la possibilité d’une seule prolongation de trois jours supplémentaires. La garde à vue est soumise au contrôle du Procureur général, qui a seul autorité de la prolonger en cas de circonstances exceptionnelles. Il est tenu d’ordonner un examen médical du suspect dans un délai de quatre jours.

289.La même loi prévoit que pendant ou après la garde à vue, le suspect, un de ses parents ou enfants ou son conjoint peut demander un examen médical. Cette demande doit être consignée dans un procès-verbal qui doit également indiquer les dates de début et de fin de la garde à vue et le nombre d’interrogatoires subis par le suspect.

290.Comme pour la garde à vue, la détention provisoire n’était pas réglementée avant 1987. La loi no 70 du 26 novembre 1987 fixe la durée de cette détention à six mois renouvelables une seule fois pour les infractions mineures et deux fois pour les infractions graves. La loi no 114 du 22 novembre 1993 réduit ces périodes de prolongation à une fois pendant trois mois et deux fois pendant quatre mois respectivement.

291.Afin de renforcer la protection des libertés et de la dignité de la personne, la loi de réforme constitutionnelle du 1er juin 2002, approuvée par référendum, a élevé au rang constitutionnel les questions relatives à la garde à vue et à la détention provisoire, à la présomption d’innocence, au droit à un procès équitable et aux droits de la défense.

292.Aux fins d’élargir le champ des garanties judiciaires avant jugement et de renforcer les fonctions de contrôle par le ministère public de l’application des règles régissant la garde à vue et la détention provisoire, la loi du 4 mars 2008 portant modification des articles 13 bis, 57 et 85 du Code de procédure pénale stipule expressément que la décision de prolonger la durée de la garde à vue et de la détention provisoire doit être obligatoirement étayée par la présentation par écrit des motifs de fait et de droit la justifiant. En vertu de cette loi, le Procureur de la République est habilité en matière de garde à vue à vérifier les motifs justifiant son prolongement, notamment le risque d’une nouvelle infraction ou la nécessité d’entendre des témoins dans le cadre d’une enquête, d’arrêter un suspect en fuite ou d’apprécier les indices à la base de la décision de procéder à l’arrestation.

293.L’obligation faite au juge d’instruction de présenter les motifs justifiant la mesure de détention provisoire permet à la Chambre d’accusation, en cas de contestation de cette décision, de contrôler la validité des motifs invoqués, y compris sous l’angle du principe selon lequel la liberté doit être la règle et la privation de liberté l’exception, de façon à pouvoir prendre la décision appropriée à ce sujet.

Création d’un poste de juge d’application des peines pour un meilleur contrôle judiciaire de la situation des personnes privées de liberté

294.Le poste de juge d’application des peines a été créé par la loi no77 du 31 juillet 2000 et les pouvoirs de ce dernier ont été par la suite étendus par la loi no 92 du 29 octobre 2002, qui modifie et complète le Code de procédure pénale.

295.Les lois susmentionnées définissent le mandat du juge d’application des peines qui consiste à:

Contrôler les conditions d’exécution des peines privatives de liberté exécutées dans l’établissement pénitentiaire relevant de sa juridiction;

Visiter l’établissement pénitentiaire au moins une fois tous les deux mois pour prendre connaissance des conditions dans lesquelles les détenus exécutent leur peine;

Informer des conditions des enfants accompagnant leur mère en détention le juge de la famille pour qu’il prenne une des mesures prévues à l’article 52 du Code de protection de l’enfant qui prévoit, entre autres, la possibilité de confier l’enfant de façon temporaire ou permanente à une famille d’accueil ou à une institution sociale ou éducative compétente ou de le placer dans un centre d’éducation ou de formation professionnelle;

Recevoir dans un bureau privé les détenus qui en ont fait la demande et ceux qu’il souhaite entendre de sa propre initiative; présenter à la direction de l’établissement pénitentiaire une liste de détenus qu’il souhaite entendre en privé sur la base des plaintes ou des informations dont il dispose;

Consulter le registre des mesures disciplinaires, sachant que celles-ci sont régies par les dispositions des articles 22 à 26 de la loi relative à l’organisation des prisons (les articles prévoient la présence d’une commission disciplinaire dans les prisons, dont la composition est définie par l’article 26, qui peut, après avoir entendu le détenu et réuni des preuves, prendre une mesure disciplinaire s’il s’avère que ce dernier a violé les règles pénitentiaires ou porté atteinte à la sécurité de la prison. La sanction prononcée peut être un avertissement ou un blâme, la suspension des visites familiales pendant quinze jours au maximum ou le confinement en cellule individuelle équipée des installations sanitaires nécessaires pendant dix jours au maximum. Le législateur tunisien, en autorisant le juge d’application des peines à consulter le registre des mesures disciplinaires, a garanti un contrôle judiciaire de ces mesures.);

Demander à la direction de la prison de donner aux détenus accès aux services sociaux pour résoudre des conflits familiaux ou les problèmes scolaires de leurs enfants, sachant que la direction des prisons est tenue de soumettre au juge d’application des peines un rapport annuel sur les services sociaux fournis pour lui permettre d’intervenir dans la solution de nombreux problèmes;

Accorder des permissions de sortie pour rendre visite à un conjoint ou à des parents proches en cas de maladie grave ou pour assister à des funérailles, le but étant de permettre au détenu de maintenir des liens familiaux et sociaux;

Obtenir par écrit du médecin de la prison des informations sur tout état de santé grave, l’objectif étant pour le juge de rester informé de tout état de santé particulier pour en déterminer les causes et prendre les mesures appropriées afin d’y remédier; notifier au Procureur général une agression envers un détenu ou appeler l’attention du directeur de la prison sur la détérioration de l’état de santé d’un détenu par manque de soins médicaux; le juge peut exiger dans ce cas que des mesures immédiates soient prises pour sauver la vie du détenu et déterminer les responsabilités dans la détérioration de son état de santé;

Participer à l’élaboration d’un rapport annuel contenant les observations et recommandations des juges d’application destiné à informer le Ministre de la justice de la situation générale dans les prisons;

Soumettre des propositions de libération conditionnelle de certains détenus (cette prérogative, qui va au-delà du simple contrôle de l’application de la peine, englobe les conséquences de celle-ci. Les visites effectuées par le juge pour prendre connaissance par lui-même du comportement des détenus, en les recevant ou en s’entretenant avec la direction de la prison, lui permettent de déterminer s’ils peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle après avoir rempli les conditions requises. Le législateur a préféré, toutefois, limiter dans un premier temps le pouvoir du juge, qui peut seulement proposer la libération, laquelle est accordée par une commission, sur recommandation du juge d’application des peines ou du directeur général de l’administration de la prison.).

296.Le tableau ci-dessous résumel’évolution des fonctions du juge de l’application des peines durant la période allant de l’année judiciaire 2003-2004 au premier semestre de l’année judiciaire 2008-2009.

Fo nction

20003- 2004

2004- 2005

2005- 2006

2006- 2007

2007- 2008

2008- 2009 *

Contrôle

265

210

277

182

255

235

Libération conditionnelle

2 975

4 960

4 925

5 219

6 105

2 404

Visit e s

190

182

243

230

302

258

Autorisation de sortie

172

116

97

147

136

39

N otification des médecins de prison **

33

35

34

50

26

12

* 2008- 2009: premier semestre de l’année judiciaire.

** Nombre de cas graves signalés au juge par les médecins de prison .

Mécanismes de contrôle extrajudiciaire

297.Les mécanismes de contrôle extrajudiciaire sont de différentes sortes. Outre les organes de contrôle administratif, les organes et institutions des droits de l’homme, ils comprennent les organisations non gouvernementales connues pour leur impartialité et leur expérience.

Structures et organes de contrôle administratif

298.Outre les services d’inspection du Ministère de l’intérieur et du développement local, du Ministère de la justice et des droits de l’homme et de la Direction générale des prisons, les cellules des droits de l’homme des différents ministères et l’organisation «Citoyens vigilants» contribuent également à assurer la protection des droits de l’homme contre toute violation.

Cellules des droits de l’homme des ministères

299.Au début des années 1990, des cellules des droits de l’homme ont été créées au Ministère de la justice et des droits de l’homme (pour recevoir les plaintes des citoyens), au Ministère de l’intérieur et du développement local (pour recevoir et traiter les plaintes des citoyens) et au Ministère des affaires étrangères (pour assurer la liaison avec les organes des Nations Unies et les organisations non gouvernementales et internationales qui travaillent dans le domaine des droits de l’homme et veiller au respect des obligations qui incombent à la Tunisie en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme). Toutes ces cellules contribuent, dans leur domaine de compétence, à surveiller la situation des droits de l’homme et font rapport à leur autorité de tutelle.

«Citoyens vigilants»

300.Cette institution, créée au début des années 1990, est un des principaux outils de la réforme administrative et un des moyens utilisés pour assurer aux citoyens des services administratifs de bonne qualité. Les «Citoyens vigilants» vont demander un service comme tout autre citoyen ordinaire pour évaluer la qualité des prestations rendues par les fonctionnaires. Les contrôles portent également sur l’accueil fait aux citoyens, les conditions de travail du personnel et l’apparence générale des locaux.

301.Les «Citoyens vigilants» ne sont pas autorisés à divulguer la nature de leur mission, ni à intervenir dans les activités de l’administration inspectée. Ils doivent garder leur mission confidentielle pendant et après son accomplissement. Ils font rapport à l’administration chargée du contrôle de la qualité des services publics, qui réunit toutes les informations recueillies dans un rapport mensuel envoyé aux ministères concernés. Ceux-ci doivent prendre les mesures requises pour éliminer les dysfonctionnements et féliciter les fonctionnaires qui se distinguent par l’excellence de leur travail.

Institutions nationales des droits de l’homme

302.Outre le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui joue un rôle important dans la défense et la promotion des droits de l’homme, le Médiateur administratif contribue lui aussi de façon efficace à leur protection notamment en traitant les plaintes émanant de victimes d’abus de l’administration publique.

Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales

303.Le Comité est une institution nationale créée par l’arrêté no 54 du 7 janvier 1991. Son statut juridique a fait l’objet d’une révision majeure en vertu de la loi no 37 du 16 juin 2008 qui l’a mis en conformité avec les Principes de Paris. Le mandat et la structure du Comité ont été élargis et son indépendance et ses méthodes de travail renforcées.

Modification du statut juridique du Comité supérieur des droits de l’hommeet des libertés fondamentales

304.Les modifications apportées par la loi de 2008 au statut du Comité sont les suivantes:

Élévation du texte qui régit les activités du Comité au rang de loi;

Octroi de l’autonomie financière et administrative au Comité;

Habilitation du Comité à se doter de sections à l’intérieur du pays.

Élargissement du mandat du Comité

305.L’élargissement du mandat du Comité a porté sur:

Son champ d’action (il peut désormais se saisir de toute cause relative à la promotion et à la défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales et attirer l’attention sur toute violation de ces droits);

Ses compétences (participation à l’élaboration des projets de rapport à soumettre aux Nations Unies et aux organisations régionales);

Le suivi et l’application des recommandations formulées par des organismes des Nations Unies et des organisations régionales à l’issue de l’examen des rapports soumis par la Tunisie;

La contribution à la rédaction des plans et programmes d’éducation en matière de droits de l’homme et à leur application;

La coopération avec les organismes des Nations Unies et les organisations régionales compétentes.

Élargissement de la composition du Comité et renforcement de son indépendanceet du pluralisme en son sein

306.La composition du Comité obéit à un certain nombre de principes consistant à:

Assurer son indépendance par la présence en son sein de divers acteurs sociaux et représentants de la société civile;

Garantir la stabilité du mandat de ses membres qui a été fixé à trois ans renouvelables par arrêté;

Non-participation des représentants des ministères au vote;

Dotation du Comité en capacités et en fonds suffisants pour garantir son indépendance.

Amélioration des méthodes de travail du Comité

307.Ces améliorations ont notamment consisté à:

Permettre au Comité d’établir des relations avec les organisations non gouvernementales et d’autres entités actives dans le domaine des droits de l’homme;

Autoriser le Comité à publier des rapports sur ses activités destinés au public.

308.Parmi les activités les plus importantes du Comité supérieur en tant que mécanisme de protection des droits de l’homme, figurent la réception et le traitement des plaintes pour violation des droits de l’homme, la médiation pour résoudre des conflits en matière de droits de l’homme, les visites dans les établissements pénitentiaires et les centres de détention et les missions d’établissement des faits.

Réception et traitement des plaintes pour violation des droits de l’homme

309.La réception et le traitement des plaintes pour violation des droits de l’homme est un important moyen de protection des droits de l’homme. Depuis sa création, le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales a reçu de nombreuses plaintes par contact direct, par courrier ou par téléphone. Grâce à la politique de porte ouverte adoptée par le Comité supérieur, entre 800 et 900 plaintes ont été reçues. Les plaintes sont soigneusement étudiées puis transférées aux ministères concernés pour qu’ils prennent des mesures. Le Comité assure le suivi des résultats en tenant les plaignants informés de l’issue de la plainte.

310.Les différents services du Ministère de la justice examinent les requêtes qui leur sont adressées par le Comité supérieur, chacun en fonction des sujets qui y sont abordés. Les requêtes relatives à l’amnistie et au recouvrement de droits sont transmises à l’Administration générale des affaires pénales tandis que celles qui concernent les violations des droits de l’homme comme l’agression présumée d’un détenu par un gardien de prison ou par un agent des forces de l’ordre sont transmises au Président de la cellule des droits de l’homme. Celui-ci effectue des enquêtes sur le terrain et fait rapport à l’organe de tutelle, qui saisit du dossier la justice si des preuves suffisantes de l’infraction ont été réunies.

Fonction de médiation

311.Lorsqu’au regard du caractère social de l’affaire il n’est pas nécessaire de transférer la plainte aux représentants des ministères, le Président du Comité supérieur exerce la fonction de médiateur entre le plaignant et l’accusé et essaie de résoudre le litige à l’amiable. Pour les dossiers plus compliqués qui demandent l’intervention d’une instance supérieure, le Comité supérieur transmet l’affaire au Président de la République pour adoption des mesures qui s’imposent. Il est à noter que la fonction de médiation du Président du Comité supérieur est limitée aux affaires qui ne sont pas de la compétence du Médiateur administratif.

Fonction de contrôle

312.Le Président du Comité supérieur effectue des visites sans préavis dans les différents établissements pénitentiaires, centres correctionnels et foyers d’accueil pour jeunes. Ces visites permettent de vérifier dans quelle mesure les lois qui régissent ces institutions et les conditions de détention des personnes privées de liberté sont respectées et d’assurer la conformité des règles nationales avec les normes internationales.

313.À titre d’exemple, le Président du Comité supérieur a effectué en 2002 des visites inopinées dans les prisons de Kairouan, de Borj Er-Roumi et de Borj El-Amri. La même année, il a effectué des visites sans préavis dans un certain nombre de postes de police dans les gouvernorats de Ben Arous et de Nabeul, dans des centres de détention du gouvernorat de Bizerte ainsi que dans les centres de protection et de réinsertion sociale d’Al-Tadhamoun et de Douar d’Hicher. À la suite de ces visites, il a soumis un rapport au Président de la République accompagné de ses observations et recommandations.

314.Au cours des cinq dernières années, le Président du Comité supérieur a effectué 18 visites dans des établissements pénitentiaires et une visite au centre correctionnel pour mineurs d’El Mourouj. Pendant ces visites, il a inspecté les cellules et les installations et a reçu des détenus individuellement et entendu leurs doléances. La plupart des plaintes portaient sur leur situation pénale s’agissant des affaires dans lesquelles ils étaient impliqués ou de la possibilité de bénéficier d’une amnistie ou d’une libération conditionnelle dans le cas de condamnés.

315.Les différents services du Ministère de la justice et des droits de l’homme sont chargés de donner suite aux recommandations qu’ils reçoivent du Président du Comité supérieur. Comme exemple du suivi de ces recommandations, on peut citer la création de toilettes supplémentaires et d’espaces réservés aux détenus ayant des besoins particuliers à la suite d’une visite à la prison de Rabta.

Fonction d’établissement des faits

316.À deux occasions, le Président de la République a confié au Président du Comité supérieur des missions d’établissement des faits, la première le 20 juin 1991 à la suite d’allégations d’atteintes aux droits de l’homme, la deuxième en janvier 2003 pour enquêter sur les conditions de détention de personnes privées de liberté. Ces deux missions ont débouché sur plusieurs conclusions et sur des recommandations auxquelles il a été donné suite ultérieurement.

Médiateur administratif

317.Le poste de médiateur administratif a été créé en vertu du décret du 10 décembre 1992. Par la suite, la loi no51 du 3 mai 1993 est venue définir le mandat du médiateur administratif, avant d’être modifiée, elle-même, par la loi no21 du 14 février 2002, qui fixe la durée du mandat du médiateur à cinq ans renouvelables et consacre son indépendance par rapport aux autorités dans l’exercice de ses fonctions.

318.Le Médiateur examine les plaintes individuelles présentées par des personnes physiques au sujet des questions administratives concernant les services de l’État, des collectivités locales, des organismes administratifs publics, des services publics et autres entités publiques responsables de la prestation de services à la population. Il examine également les plaintes émanant de personnes morales à condition qu’elles soient déposées par des personnes physiques ayant un intérêt direct dans l’affaire. Le Médiateur ne peut intervenir dans les affaires en instance ni changer une décision judiciaire. Il peut, toutefois, faire des recommandations à l’autorité administrative compétente.

319.La nomination d’un Médiateur tient au souci de protéger les citoyens dans leurs rapports avec l’administration lorsqu’ils n’ont pas les moyens juridiques et matériels pour défendre leurs intérêts et leurs doits. La principale tâche du Médiateur administratif est de protéger les droits et les acquis des citoyens en intervenant pour trouver un terrain d’entente entre les particuliers et l’administration publique dans de nombreuses situations comme le refus d’appliquer la décision d’un juge administratif ou le retard dans son application. Il protège également le droit du citoyen à une indemnisation rapide en cas d’expropriation dans l’intérêt public ou lorsque les intérêts du citoyen sont lésés par l’incapacité de l’administration à fournir les services adéquats. Afin d’assurer l’efficacité des interventions du Médiateur administratif, certaines formalités ont été simplifiées comme la suppression de toute limite de temps pour déposer une plainte devant les tribunaux même en cas de prescription.

320.Au vu des résultats positifs obtenus par le Médiateur et pour poursuivre le processus de réforme administrative décentralisé qui vise à faire bénéficier tous les citoyens des services du Médiateur, l’arrêté no884 du 27 avril 2000 a été adopté aux fins de définir les attributions administratives et financières de tous les bureaux régionaux de médiation. Quant à l’arrêté no 3221 du 13 décembre 2005, il régit la compétence territoriale des bureaux régionaux du Médiateur à Sousse, à Sfax, à Gafsa et au Kef.

Contrôle exercé par les organisations non gouvernementales

321.Par ailleurs, parmi les initiatives prises par la Tunisie dans le cadre de la coopération avec les organisations internationales qui s’occupent de droits de l’homme, il y a lieu de mentionner la conclusion d’un accord, en avril 2005, avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui permet au Comité d’effectuer dans l’ensemble des prisons et des lieux de détention du pays des visites pour inspecter les conditions de détention, s’entretenir en privé avec des détenus choisis librement et de faire des observations et des suggestions aux autorités compétentes. Au cours de la période allant de juin 2005 au 31 décembre 2006, le CICR a effectué 61 visites dans 18 postes de police, 9centres de la Garde nationale, et 28 établissements pénitentiaires dans tout le pays. Au cours de ces visites, les représentants du Comité ont entendu en privé des milliers de détenus. Entre janvier 2007 et le 30 juin 2009, le Comité a effectué 66 visites d’établissements pénitentiaires et 6 visites d’institutions correctionnelles. La coopération avec le CICR comprend également la formation des juges, des procureurs et du personnel des établissements pénitentiaires.

Article 12

322.L’État s’est engagé à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis sur tout territoire relevant de sa juridiction. Il y a de la part de l’État la volonté politique requise pour appliquer pleinement cet article, faire respecter les droits des victimes et punir sans exception les auteurs d’actes de torture.

323.Un examen des procédures pour assurer des enquêtes rapides et impartiales sur les cas présumés de torture montre qu’elles ne se limitent pas à celles des autorités judiciaires qui sont connues pour leur impartialité et leur intégrité, s’étendant à celles des autorités administratives qui mènent leurs enquêtes en toute impartialité et transparence. Les mêmes qualités caractérisent les enquêtes menées par le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Enquêtes judiciaires

324.Plusieurs autorités judiciaires ont pour tâche d’enquêter de manière rapide et impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire que des actes de torture ont été commis sur le territoire tunisien. Les principales d’entre elles sont le ministère public, représenté par le Procureur de la République, les juges d’instruction et les juges de la chambre d’accusation.

Enquêtes conduites par le Procureur de la République

325.L’article 26 du Code de procédure pénale dispose que le Procureur général est chargé de la constatation de toutes les infractions, de la réception des dénonciations qui lui sont faites par les fonctionnaires ou les particuliers ainsi que des plaintes des parties lésées. Sauf en cas de délit mineur avéré, il n’a pas compétence pour effectuer des enquêtes, mais il peut mener des investigations préliminaires pour réunir des indices sur le délit, interroger les suspects, entendre leurs déclarations et les consigner dans un procès-verbal.

326.Il apparaît clairement, d’après l’article ci-dessus, que le Procureur de la République a, lorsqu’il reçoit des plaintes ou des informations sur la commission d’un acte de torture, compétence pour mener des enquêtes préliminaires afin de réunir des indices. Il peut aussi interroger les suspects, entendre leurs déclarations et les consigner dans un procès-verbal. Cette enquête préliminaire a pour but d’assurer la diligence et l’efficacité nécessaires en réunissant des moyens de preuve à soumettre au juge d’instruction.

Enquêtes conduites par le juge d’instruction

327.Vu la gravité des actes de torture, le juge d’instruction agit avec la plus grande diligence possible pour établir la vérité et examine tous les éléments propres à aider le tribunal à motiver sa décision. L’article 69 du Code de procédure pénale prévoit expressément que le juge d’instruction peut procéder à un interrogatoire immédiat en passant outre certaines formalités si l’urgence résulte soit de l’état d’un témoin en danger de mort, soit de l’existence d’indices sur le point de disparaître ou s’il se rend sur les lieux en cas de flagrant délit.

328.Une fois que l’instruction est terminée, le juge soumet le dossier au Procureur de la République qui doit décider, dans les huit jours, de transférer le dossier à une juridiction compétente ou de laisser l’affaire en suspens, d’ordonner un complément d’enquête ou de classer l’affaire au motif qu’elle n’est pas de son ressort. Une fois que le Procureur de la République a pris sa décision, le juge d’instruction rédige ses conclusions sur les charges retenues contre le ou les suspect(s) en se fondant sur la requête dudit Procureur.

Enquêtes conduites par les chambres d’accusation

329.Une chambre d’accusation n’est pas une juridiction, mais plutôt un organe d’instruction du deuxième degré. L’article 116 du Code de procédure pénale lui confère notamment la compétence d’ordonner un complément d’information confié à l’un de ses conseils ou au juge d’instruction ou de nouvelles poursuites ou de procéder elle-même ou par le biais d’une tierce partie à des investigations sur des faits qui n’ont pas été encore examinés.

330.Il ressort des dispositions de l’article susmentionné que la chambre d’accusation peut ordonner, lorsqu’elle examine une affaire portant sur des actes de torture commis sur le territoire relevant de sa juridiction, des compléments d’enquêtes ou même ordonner de nouvelles poursuites si elle constate que certaines personnes n’ont pas fait l’objet d’une enquête.

Enquêtes administratives

331.Les enquêtes administratives sur les actes de torture menées lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire que de tels actes ont été commis sur le territoire tunisien sont de deux types: les enquêtes effectuées au niveau de l’administration de la justice par le Ministère de la justice et des droits de l’homme et les enquêtes effectuées par les inspections du Ministère de l’intérieur et du développement local.

Enquêtes administratives au niveau de l’administration de la justice

332.Les enquêtes administratives au niveau des services du Ministère de la justice et des droits de l’homme et, plus particulièrement, au niveau du Directeur de la cellule des droits de l’homme (qui relève directement du Cabinet du Ministre) et de l’Inspection générale des droits de l’homme, sont menées par des magistrats du Ministère lorsqu’une plainte relative à un acte de torture ou de mauvais traitements est déposée auprès du Ministère ou lorsqu’un cas est signalé au cours d’autres enquêtes administratives ou de visites sur le terrain.

333.Dans ces cas, il est d’usage que le Directeur de la cellule des droits de l’homme ou un membre de l’Inspection générale ou les deux visitent l’établissement pénitentiaire où le cas est signalé pour mener une enquête préliminaire et faire immédiatement rapport au Ministre de la justice et des droits de l’homme. Le Ministre charge alors l’autorité judiciaire compétente d’engager les poursuites nécessaires s’il existe suffisamment de preuves ou d’indices quant à l’implication de l’accusé dans des actes proscrits par le Code pénal requérant des sanctions autres que disciplinaires.

Enquêtes administratives au niveau des inspections du Ministère de l’intérieuret du développement local

334.Créée en 2004, l’Inspection supérieure des forces de sécurité intérieures et des services des douanes est chargée de mener des enquêtes administratives lorsqu’une plainte pour actes de torture ou mauvais traitements est reçue par le Ministère ou qu’un cas de torture est signalé à l’occasion d’enquêtes ou de visites sur le terrain.

335.Comme son équivalent au Ministère de la justice et des droits de l’homme, l’Inspection du Ministère de l’intérieur et du développement local transmet par la voie hiérarchique les conclusions des enquêtes administratives aux instances judiciaires pour que des poursuites soient engagées contre tout membre des forces de sécurité intérieures pour lequel il existe des preuves qu’il a commis des actes de torture ou des mauvais traitements; ceci est sans préjudice des sanctions disciplinaires pouvant être appliquées.

Enquêtes menées par les commissions d’établissement des faits

336.Comme mentionné ci-dessus, le chef de l’État a ordonné au Président du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales de créer des commissions d’établissement des faits à deux occasions: la première, le 20 juin 1991, à la suite de plaintes pour violation des droits de l’homme et la deuxième, en janvier 2003, pour enquêter sur les conditions de détention des personnes privées de liberté dans les établissements pénitentiaires.

337.Les travaux de la première commission ont conduit à plusieurs recommandations et conclusions selon lesquelles certaines violations tenaient à des actes commis individuellement par des agents malgré les rappels réguliers des dispositions législatives relatives au bon traitement des prisonniers. Le Comité supérieur a été informé des mesures judiciaires prises contre les auteurs ainsi que des sanctions disciplinaires qui leur ont été imposées.

338.Le 19 octobre 1991, le chef de l’État a demandé que les résultats des activités du Comité et ses recommandations soient rendus publics, dont l’accent mis sur la nécessité de punir tous les auteurs de violations, établies au terme d’enquêtes approfondies, de déterminer les cas qui requièrent des sanctions, de faire connaître les instruments internationaux et de mettre en garde contre les conséquences de leur violation, de préciser les cas et les pénalités prévus par les instruments internationaux et la législation tunisienne, de créer un mécanisme de suivi de la mise en œuvre des instruments internationaux, d’intervenir auprès des instances judiciaires au sujet de cas individuels exceptionnels, de diffuser les principes des droits de l’homme à tous les niveaux du système éducatif et en utilisant les médias et de renforcer la coopération avec les organes des droits de l’homme et de leur recommander de mieux coordonner leur action.

339.La deuxième commission est composée du Président du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en tant que membre de plein droit, de plusieurs personnalités nationales issues du Comité supérieur et de plusieurs personnalités extérieures.

340.Le Président du Comité supérieur a soumis le rapport de la commission au Président de la République le 16 février 2003. Ce rapport contenait les observations de la commission et son évaluation des différents aspects de la vie dans les établissements pénitentiaires, qui mettait particulièrement l’accent sur le surpeuplement de certaines prisons et ses conséquences sur la santé physique et mentale des détenus.

341.Pour remédier au problème du surpeuplement, le chef de l’État a souligné la nécessité d’en traiter les causes au moyen de plusieurs mesures. Ces mesures dont différents médias se sont faits l’écho consistent à:

Examiner la situation des détenus en attente de jugement à la lumière du principe selon lequel la détention provisoire est une mesure exceptionnelle;

Recourir plus largement à la libération conditionnelle ou sous caution pour les infractions qui ne constituent pas une menace pour la sécurité des personnes ou de leurs biens;

Promouvoir l’application de la législation relative au travail d’intérêt général en remplacement des peines privatives de liberté pour certaines infractions au moyen de campagnes de sensibilisation des personnes concernées et des institutions pénitentiaires à l’utilité de cette mesure et à son rôle dans la réinsertion des prisonniers;

Doter d’un nombre suffisant de lits les établissements pénitentiaires qui souffrent d’un manque dans ce domaine.

342.En ce qui concerne les soins de santé physique et mentale prodigués aux détenus, la commission a salué les efforts accomplis et noté l’absence de maladies contagieuses grâce aux mesures préventives et curatives mises en place. Elle a noté, toutefois, qu’il y avait d’autres domaines qui nécessitaient un appui, notamment la dotation en personnel spécialisé et en équipements. À cet égard, le chef de l’État a ordonné les mesures suivantes:

Compléter le programme de création d’unités de santé intégrées dans les prisons de Gabès et Nadhour, puis dans d’autres prisons;

Accélérer l’installation d’appareils de radiologie dans les prisons qui en sont dépourvues et dans les prisons éloignées des centres hospitaliers;

Améliorer les conditions de santé et renforcer en nombre le personnel médical spécialisé dans la santé mentale;

Généraliser la collation du matin à tous les prisonniers;

Augmenter les effectifs et fournir les équipements et les locaux nécessaires eu égard aux effets positifs de ces mesures sur la lutte contre la récidive et la réinsertion des prisonniers;

Réexaminer les conditions d’admissibilité à l’amnistie/réhabilitation afin que le plus grand nombre de détenus puissent bénéficier de cette mesure et gagner décemment leur vie après leur libération;

Renforcer les programmes de recyclage des gardiens de prison pour les informer de l’évolution des méthodes de traitement des prisonniers;

Renforcer le rôle du juge d’application des peines en ce qui concerne le suivi des conditions dans les établissements pénitentiaires, l’exécution des peines et l’octroi de libérations conditionnelles.

343.La commission a également examiné la mise en œuvre de programmes d’éducation dans les prisons portant sur l’élimination de l’analphabétisme et la formation professionnelle, ainsi que des programmes relatifs aux activités sportives et culturelles.

Article 13

344.La Tunisie assure à toute personne qui affirme avoir été soumise à la torture le droit de porter plainte devant les autorités compétentes et à ce que sa cause soit examinée immédiatement et impartialement. De la même façon, l’État assure la protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais traitement ou intimidation en raison du dépôt d’une plainte ou d’une déposition.

345.Un examen détaillé des institutions habilitées par la loi à recevoir des plaintes de personnes affirmant avoir été soumises à la torture montre une évolution sensible grâce à l’attention accordée par l’État à la diversification de ces institutions et à son souci de les rapprocher des personnes privées de liberté pour qu’elles puissent se faire entendre. De même, un examen des textes législatifs montre qu’il existe des règles qui protègent les plaignants et les témoins contre les mauvais traitements ou l’intimidation.

Mécanismes garantissant la protection du droit de toute personne qui affirmeavoir été soumise à la torture de porter plainte devant les autorités compétenteset à ce que sa plainte soit examinée immédiatement et impartialement

346.Il y a trois types de mécanismes de plainte: des mécanismes judiciaires, des mécanismes administratifs et des mécanismes nationaux, à savoir les institutions nationales de défense des droits de l’homme.

Mécanismes de plainte judiciaires

347.Ces mécanismes comprennent les procureurs publics et leurs substituts, les juges d’instruction, les juges d’application des peines et les tribunaux.

Les procureurs publics et leurs substituts

348.L’article 26 du Code de procédure pénale dispose que le Procureur général est chargé de la constatation de toutes les infractions, de la réception des dénonciations qui lui sont faites par les fonctionnaires ou les particuliers ainsi que des plaintes des parties lésées. Il est immédiatement informé par ses auxiliaires des infractions portées à leur attention dans l’exercice de leurs fonctions. Les auxiliaires lui soumettent les procès‑verbaux connexes.

349.Conformément aux articles 30 et 31 de ce même code, le Procureur général peut, lorsqu’il est saisi d’une plainte ou que des informations sont portées à sa connaissance et que cette plainte est insuffisamment motivée ou justifiée, ordonner qu’une enquête contre X soit ouverte par le juge d’instruction jusqu’au moment où des charges pourront être retenues contre des personnes déterminées.

Constitution de partie civile devant le juge d’instruction ou le tribunal lorsqu’une affaire est classée par le ministère public

350.La loi tunisienne garantit à la victime d’un acte criminel la protection contre le rejet de sa plainte par le ministère public en donnant aux personnes le droit de se constituer partie civile devant le juge d’instruction ou à cet égard la juridiction compétente. L’article 36 du Code de procédure pénale dispose que le classement de l’affaire par le Procureur de la République ne fait pas obstacle au droit qu’a la partie lésée de mettre en mouvement l’action publique sous sa propre responsabilité. L’article 37 de ce même code prévoit que l’action civile poursuivie en même temps que l’action publique conformément à l’article 7 du présent code peut être exercée soit devant le juge d’instruction soit devant la juridiction saisie de l’affaire.

351.La procédure de constitution de partie civile est régie par l’article 38 du Code de procédure civile qui stipule que la juridiction saisie ou le juge d’instruction apprécie la recevabilité de la constitution de la partie civile et, le cas échéant, déclare cette constitution irrecevable et que l’irrecevabilité peut être soulevée par le ministère public, le prévenu, la personne civilement responsable ou une autre partie civile, que le juge d’instruction statue par ordonnance après communication du dossier au ministère public et que cette ordonnance est susceptible d’appel devant la chambre d’accusation dans les quatre jours de sa communication, pour le Procureur général, et de sa notification, pour les autres parties.

352.Le législateur a largement facilité les formalités de constitution de partie civile. L’article 29 du Code de procédure pénale prévoit que «la constitution de partie civile est faite au moyen d’une requête écrite signée par le plaignant ou son représentant et présentée suivant le cas au Procureur de la République, au juge d’instruction ou à la juridiction saisie».

353.La loi tunisienne prévoit la double responsabilité, civile et pénale, en cas de constitution abusive de partie civile. L’article 45 dispose à cet égard que si à la suite d’une constitution de partie civile après renoncement à l’action publique un non-lieu est prononcé, l’inculpé peut demander réparation du dommage subi sans préjudice d’éventuelles poursuites pénales. Quand à l’article 46, il dispose qu’en cas de relaxe, le tribunal peut prononcer une amende de 50 dinars contre la partie qui a engagé l’action civile et la condamner du chef de dénonciation calomnieuse, s’il y a lieu.

Dépôt auprès d’un juge d’application des peines de plaintes relatives à des actes de torture et de mauvais traitements présumés

354.Le paragraphe 3 de l’article 342-3, du Code de procédure pénale prévoit que le juge d’application des peines reçoit en privé les détenus qui le demandent ou d’autres personnes qu’il souhaite entendre et qu’il peut consulter, s’il le désire, le registre spécial de discipline. Il ressort des dispositions de cet article qu’il existe deux manières de recevoir les plaintes des détenus: d’une part, le détenu peut demander à être reçu par le juge d’application des peines lorsque celui-ci effectue une inspection périodique d’un établissement pénitentiaire et, d’autre part, le juge peut recevoir des informations ou des plaintes de parents de détenus relatives à des actes présumés de torture ou de mauvais traitements. Dans ce cas, le juge demande au Directeur de l’établissement pénitentiaire de faire venir le détenu dans un bureau privé. En outre, le paragraphe 7 de l’article 17 de la loi no 52 de 2001 relative à l’organisation des prisons prévoit le droit de tout détenu de demander un entretien avec le juge d’application des peines pour lui soumettre ses demandes et ses plaintes.

Dépôt auprès des organes judiciaires de plaintes relatives à des actes de tortureet de mauvais traitement présumés

355.L’article 141 du Code de procédure pénale prévoit qu’un prévenu poursuivi pour un crime ou un délit puni d’emprisonnement est tenu de comparaître personnellement. L’article 143 du même code dispose qu’il appartient au Président du tribunal d’interroger l’accusé dans la salle d’audience et de prendre toutes les dispositions nécessaires à cette fin.

356.La comparution de l’accusé, assisté de son avocat, devant le tribunal en audience publique est une garantie essentielle car cela lui permet de présenter tous ces arguments et en particulier en ce qui concerne les circonstances de son interrogation par la police ou un enquêteur mandaté. Un inculpé qui a été soumis à la torture ou à des mauvais traitements a le droit de déposer une plainte devant le tribunal étayée par les éléments de preuve dont il dispose et de demander un examen médical. Le tribunal peut également demander de sa propre initiative un tel examen s’il a des raisons de croire que celui-ci a été soumis à des actes de torture ou à des mauvais traitements.

357.Les autorités veillent à ce que les requêtes des détenus soient transmises aux autorités judiciaires compétentes en vue de leur examen et à ce que le résultat de cet examen soit communiqué au détenu. Les requêtes couvrent un vaste éventail de questions comme le droit à visite avec contact direct, à des examens médicaux en dehors de l’établissement pénitentiaire, l’obtention auprès du ministère concerné de l’autorisation de poursuivre des études, les demandes de grâce, le rétablissement de droits, les conditions de vie carcérale ou le droit de fumer dans les cellules. Le tableau ci-dessous indique le nombre de requêtes déposées par les détenus auprès des autorités judiciaires de 2007 au 20 octobre 2009.

Année

Nombre de requêtes

2007

164

2008

202

2009

167

Mécanismes de plainte administratifs

358.Dans le cadre de la politique de l’État visant à faire en sorte que les personnes puissent faire entendre auprès des autorités compétentes leurs plaintes relatives à des atteintes à leurs droits ou à des dysfonctionnements de l’administration publique, les efforts ont été intensifiés ces dernières années pour mettre en place les structures nécessaires pour la réception et le suivi de ces plaintes et ce, tant pour garantir une réparation lorsque ces plaintes s’avèrent fondées que pour éviter de futurs dysfonctionnements ou violations.

359.Afin de permettre aux personnes de déterminer l’autorité qui a compétence pour traiter leurs doléances, un poste de directeur de l’orientation judiciaire a été créé au début des années 1990 auprès de toutes les juridictions. Il a pour mission principale d’orienter les citoyens vers l’autorité compétente pour recevoir une plainte. Les mécanismes de plainte administratifs sont passés en revue ci-après.

Bureaux des relations avec les citoyens

360.Ces bureaux, qui dépendent du Ministère de la justice et des droits de l’homme et de la Direction de l’administration pénitentiaire, reçoivent les requêtes des citoyens et les transmettent à leurs services compétents pour examen et suite à donner.

Cellules des droits de l’homme des ministères

361.Ces cellules traitent essentiellement les plaintes relatives aux violations des droits de l’homme. À titre d’exemple, l’article 5 du décret no 1330 du 20 juillet 1992 portant organisation du Ministère de la justice prévoit que la cellule des droits de l’homme est chargée de la réception des plaintes des justiciables se rapportant aux questions relatives aux droits de l’homme.

362.Le tableau ci-dessous récapitule les plaintes et les requêtes reçues par les bureaux des relations avec les citoyens et les cellules des droits de l’homme. Ces plaintes ne se limitent pas à des cas de violations des droits de l’homme, de torture ou de mauvais traitements mais concernent également toutes les questions des droits de l’homme en général et des droits des justiciables en particulier.

Année

Plaintes et requêtes reçues

Pourcentage de cas résolus

2004

4 854

93 %

2005

3 498

95 %

2006

2 973

88 %

2007

3 666

94  %

2008

3 704

95 %

Mécanismes d’inspection des ministères, des organes de sécurité et des établissements pénitentiaires

363.Comme mentionné ci-dessus dans ce rapport, les organes d’inspection du Ministère de l’intérieur et du développement local et du Ministère de la justice et des droits de l’homme jouent un rôle important dans les enquêtes sur des plaintes relatives à des violations présumées des droits de l’homme. Ils assurent également le suivi de l’enquête, le renvoi de l’accusé devant la justice et la soumission des cas les moins graves aux organes disciplinaires.

Création d’une sous-direction des droits de l’homme à la Direction de l’administration pénitentiaire

364.Pour améliorer les mesures pratiques visant à renforcer le système des droits de l’homme dans la pratique, une unité de protection des droits des détenus et des mineurs délinquants,la sous-direction des droits de l’homme, a été créé. Elle est chargée de recevoir et d’examiner les plaintes en la matière et de suivre l’application des instructions relatives aux droits de l’homme. La santé, la situation sociale et pénale des détenus et leurs conditions de détention relèvent également de ses attributions.

365.Afin de traiter de façon appropriée les cas des détenus et des enfants délinquants, le bureau des relations avec les citoyens reçoit les personnes qui ont déposé plainte et les aiguille vers l’organe compétent de la Direction de l’administration pénitentiaire. Il est à noter que toute prison ou établissement correctionnel dispose d’un bureau qui reçoit les requêtes et les plaintes déposées par les familles des détenus et qui oriente celles-ci. Le tableau ci-dessous fait le point sur les mesures administratives prises contre les agents des établissements pénitentiaires qui ont commis des mauvais traitements dans l’exercice de leurs fonctions.

Année

Nombre de cas

Sanction

Premier degré *

Second degré *

Renvoi

1999

-

-

-

-

2000

9

7

2

-

2001

3

3

-

-

2002

1

1

-

-

2003

2

2

-

-

2004

8

4

4

-

2005

6

4

2

-

2006

1

-

1

-

2007

11

3

1

7

2008

11

7

4

-

Total

52

31

14

7

Grand total *

52

366.Le paragraphe a) du nouvel article 50 de la loi no 58 du 13 juin 2000, qui modifie et complète la loi no 70 du 6 août 1982 portant statut général des forces de sécurité intérieure prévoit que les sanctions de premier degré sont l’avertissement, le blâme, l’arrêt simple, l’arrêt de rigueur, le déplacement d’office. L’arrêt et l’arrêt de rigueur sont prononcés par décret.

367.Le paragraphe b) de l’article susmentionné dispose que les sanctions du deuxième degré sont l’abaissement d’un ou de deux échelons, même si cela entraîne une rétrogradation, la rétrogradation, la radiation de la liste d’aptitudes, l’exclusion temporaire pour une période temporaire maximum de six mois avec privation de traitement et la révocation sans suspension des droits à pension. (Des poursuites pénales ont été engagées contre 6 agents sur 52. Quatre d’entre eux ont été condamnés à des peines d’emprisonnement et les deux autres ont été acquittés.)

Mécanismes de plainte nationaux

368.Le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales est chargé d’une mission importante consistant à recevoir les plaintes pour violation des droits de l’homme, y compris pour torture et mauvais traitements. Le Comité reçoit aussi des requêtes se rapportant à d’autres questions relatives aux droits de l’homme comme la restitution de passeports, les demandes de grâce et le rétablissement de certains droits. Le tableau ci-après résume les requêtes reçues entre mai 2004 et avril 2008.

P é riod e

Nombre de plaintes et de requêtes

Pourcentage de cas résolus

15 janvier 2003- 30 av ril 2004

739

60 %

1 er mai 2004- 30 avril 2005

806

65 %

1 er mai 2005-30 av ril 2006

806

70 %

1 er mai 2006-30 av ril 2007

1 056

75 %

1 er mai 2007-30 av ril 2008

759

86 %

Dispositions législatives régissant la protection des plaignants et des témoinscontre toute forme de mauvais traitement ou d’intimidation

369.La loi tunisienne garantit la protection des plaignants et des témoins contre toute forme de mauvais traitement ou d’intimidation. L’article 103 du Code pénal prévoit que tout fonctionnaire qui, sans motif légitime, aura porté atteinte à la liberté individuelle d’autrui ou usé ou fait user de violence ou de mauvais traitements envers un accusé, un témoin ou un expert pour obtenir des aveux ou des déclarations est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 120 dinars d’amende. La peine est réduite à six mois d’emprisonnement s’il y a eu seulement menace de violences ou de mauvais traitements. Au cours de la période considérée, aucune plainte concernant le recours à des pressions ou des menaces n’a été enregistrée.

370.L’article 222 du même code punit de six mois à cinq ans d’emprisonnement et 200 à 2000 dinars d’amende quiconque menace, par quelque moyen que ce soit, autrui d’un acte emportant une peine criminelle. La peine est portée au double si la menace est assortie d’un ordre ou d’une condition, quand bien même elle ne serait que verbale.

Article 14

371.Le système de droit tunisien garantit à la victime d’un acte de torture le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisée équitablement, y compris les moyens nécessaires à la réadaptation la plus complète possible. En cas de décès de la victime d’un acte de torture, les ayants cause de celle-ci ont droit à une indemnisation .

Droit de la victime d’actes de torture d’être indemnisée équitablement

372.L’article premier du Code de procédure pénale reconnaît le principe selon lequel toute infraction appelle une action publique ayant pour but l’application de peines et, si un dommage a été causé, une action civile en réparation de ce dommage. La personne lésée par un acte de torture peut engager une action publique sous sa propre responsabilité et se constituer simultanément partie civile ou choisir de n’intenter qu’une action civile distincte. Une action civile peut être engagée par toute personne ayant subi un préjudice personnel à la suite d’une infraction (art. 7 du Code de procédure pénale). Il est à noter que si la personne lésée ne dispose pas des moyens financiers nécessaires, elle peut bénéficier de l’aide juridictionnelle qui couvre les frais de justice, y compris les honoraires de l’avocat.

373.Conformément à l’article 49 de la loi portant statut des forces de sécurité intérieures, (loi no 70 du 6 août 1982), l’administration garantit à la victime le droit à réparation au civil si un agent des forces de sécurité fait l’objet de poursuites pour avoir commis une faute dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

374.Dans ce contexte, référence est faite à l’arrêt de la cour d’appel no 1120/2002/12 du 20 janvier 2002 qui confirme le jugement en première instance par lequel quatre agents ont été condamnés à quatre ans d’emprisonnement pour abus d’autorité revêtant la forme d’un emploi excessif de la force dans l’exercice de leurs fonctions ayant entraîné l’amputation d’un membre de la victime. Le tribunal a prononcé un jugement dans lequel il a ordonné au préposé aux contentieux de l’État de verser, au nom du Ministère de la justice, au dénommé M. A. M., partie civile, la somme de 200 000 dinars en dédommagement d’un préjudice corporel, de 100 000 dinars pour préjudice moral et 6 000 dinars pour frais de la pose d’un membre artificiel.

Droit à indemnisation des détenus dont l’innocence a été prouvée

375.La promulgation d’une loi consacrant le droit à indemnisation des détenus et des condamnés dont l’innocence a été prouvée ultérieurement est l’un des apports les plus notables au système de justice pénale aux fins de protéger les personnes contre une arrestation ou une détention arbitraire (loi no 94 du 29 octobre 2002 relative à l’indemnisation des détenus et des condamnés dont l’innocence a été prouvée). L’adoption de cette loi apporte des garanties supplémentaires aux parties au procès, notamment aux personnes condamnées à une peine d’emprisonnement et dont l’innocence a été prouvée par la suite. Elle prévoit expressément la responsabilité de l’État pour les erreurs judiciaires et le paiement d’une indemnité à la partie lésée, fixe des règles de compétence juridictionnelle et territoriale en la matière et autorise le transfert des droits de la victime à son conjoint, à ses enfants et à ses parents, selon le cas.

376.La loi stipule que seules les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement ayant fait l’objet d’une mesure de détention provisoire avant d’être innocentées ont le droit de demander une indemnisation. Sont concernées:

Les décisions définitives adoptées à l’issue d’enquêtes établissant l’innocence de l’inculpé parce que l’acte ne constitue pas une infraction, parce que l’infraction ne peut pas être attribuée à l’inculpé ou encore parce qu’il n’y a carrément pas eu d’infraction;

Les jugements définitifs reconnaissant l’innocence de personnes placées en détention provisoire ou maintenues en liberté puis condamnées à une peine d’emprisonnement, dont l’affaire est ultérieurement classée pour les raisons susmentionnées, et les personnes qui sont acquittées après révision de leur procès;

Les jugements prononcés contre un accusé dans une affaire liée au système judiciaire.

Les affaires rejetées pour insuffisance de preuves ne relèvent pas des dispositions ci-dessus.

377.Depuis l’entrée en vigueur de la loi susmentionnée, plusieurs affaires ont été portées devant la cour d’appel de Tunis. À titre d’exemple, on peut citer l’affaire no 22 du 20 mai 2005 dans laquelle une personne était accusée de contrefaçon, d’offre et d’introduction de devises contrefaites dans le pays et de complicité dans de tels actes. Après six mois de détention provisoire, cette personne a été définitivement acquittée par le tribunal. Elle a engagé des poursuites contre l’État pour demander une indemnisation en vertu de la loi no 29 du 29 octobre 2002 et le tribunal a contraint le service des contentieux publics du Ministère de la justice et des droits de l’homme à lui verser 13 000 dinars de dommages.

378.Autre exemple, dans l’affaire no47 du 30 mai 2008, une personne a été déclarée coupable d’abus de confiance et condamnée à quatre mois d’emprisonnement qu’elle a exécutés en totalité. Ultérieurement, il a été prouvé qu’elle avait été condamnée sur la base de deux faux témoignages dont les auteurs ont été condamnés par la suite. Cette personne a fait appel de la décision et a demandé la révision de son procès, procédure qui a abouti à un classement sans suite de la plainte. Elle a également engagé une action contre l’État devant la cour d’appel de Tunis pour demander d’être indemnisée et la cour a tranché en sa faveur, ordonnant à l’État de lui verser 30 000 dinars de dommages. Le tableau ci-après résume les affaires portant sur des demandes d’indemnisation jugées depuis l’entrée en vigueur de la loi jusqu’en 2008.

Nature de la décision

Nombre d’affaires

Indemnisation accordée

4

Droit à indemnisation prescrit

1

Indemnisation refusée au motif que les conditions juridiques n’étaient pas remplies

53

Affaires en cours d’examen

10

Total

68

379.Le rejet des 53 requêtes mentionnées ci-dessus s’explique par le dépôt des demandes après l’expiration des délais réglementaires, l’absence de dispositions juridiques permettant d’engager la responsabilité entière ou partielle de la personne à l’origine de l’arrestation, ou encore par le manque de preuves à l’appui de la demande. Il est normal que le nombre de ces affaires ne soit pas important étant donné qu’il y a peu d’erreurs judiciaires dans les affaires liées aux libertés.

Article 15

380.Selon la législation tunisienne est irrecevable toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture quelle que soit la procédure.

Interdiction d’utiliser comme élément de preuve une déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture

381.Le droit tunisien ne reconnaît pas la validité des aveux obtenus sous la contrainte et interdit de les utiliser comme preuve. L’article 432 du Code des obligations et des contrats prévoit que l’aveu doit être libre et fait en connaissance de cause et que les facteurs qui vicient le consentement vicient l’aveu. L’article 50 du même code définit la violence comme la contrainte exercée sans l’autorité de la loi, et moyennant laquelle on amène une personne à accomplir un acte auquel elle n’a pas consenti. L’article 51 dispose que la violence qui produit chez celui qui en est l’objet soit une souffrance physique, un trouble moral profond ou la crainte d’exposer sa personne, son honneur ou ses biens à un préjudice notable donne ouverture à la rescision de l’obligation. À ce titre, tout aveu obtenu d’une personne sous la torture ne peut pas être retenu contre elle.

382.Il convient également de noter que l’article 13 bis du Code de procédure pénale stipule que l’officier de police judiciaire est tenu de faire examiner le détenu par un médecin si ce dernier ou un de ses parents en fait la demande et que cette demande doit être inscrite au procès-verbal rédigé par ledit officier de police judiciaire. Cette disposition a pour objectif de vérifier si le détenu a été soumis à la torture.

383.Si l’examen médical révèle des marques de torture ou de violence, la déclaration obtenue de la personne est considérée comme nulle et non avenue et ne peut pas être utilisée comme preuve, au motif que les principes généraux de la procédure ont été violés. L’article 155 prévoit que le procès-verbal n’a de force probante que s’il est régulier dans la forme et qu’il contient ce que son auteur, agissant dans l’exercice de ses fonctions et dans le cadre de ses compétences, a vu ou entendu personnellement.

384.D’autre part, les règles de la preuve prévoient que la contrainte est, tout comme les autres moyens de preuve, entièrement soumise à l’appréciation du juge et que, si ce dernier est convaincu que l’aveu du suspect a été obtenu par la contrainte ou la torture, il n’en tiendra pas compte dans sa décision. En général, s’il est judiciairement prouvé qu’il y a eu usage de la torture, toutes les mesures prises contre la victime sont viciées et, sans préjudice des poursuites devant être engagées contre les fonctionnaires qui ont commis des actes de torture, une nouvelle enquête est ouverte par d’autres fonctionnaires.

Interdiction dans la jurisprudence d’utiliser des déclarations obtenues sous la torture

385.Depuis la fin des années 60, la Cour de cassation est d’avis que même si l’aveu est la preuve ultime, il est entièrement soumis à l’interprétation du juge et que celui-ci n’est pas contraint par la loi de ne pas accepter un aveu si cet aveu est clair et satisfait sa conscience (arrêt pénal de la Cour de cassation no 6124 du 16 avril 1969, 1970, p. 132).

386.Dans un autre arrêt, la Cour de cassation a statué que la juridiction du fond a l’obligation de répondre à tous les arguments essentiels qui peuvent influencer sa décision. En conséquence, un refus de ladite juridiction d’examiner des arguments infirmant l’aveu fait par l’accusé est de nature à entacher sa décision d’un vice de motivation et à la rendre susceptible d’appel (arrêt pénal de la Cour de cassation no 8616 du 25 février 1974, 1975, p. 81).

387.Dans un autre arrêt, la Cour de cassation a confirmé qu’un aveu obtenu par l’usage de la violence était frappé de nullité absolue. Elle a fait référence à l’article 152 du Code de procédure pénale qui dispose que l’aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation des juges (arrêt pénal de la Cour de cassation no 12150 du 26 janvier 2005).

Article 16

388.Lorsque la Tunisie est devenue partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, elle s’est engagée à interdire d’autres actes s’apparentant à la torture, particulièrement lorsque ceux-ci sont commis par, ou à l’instigation de, ou avec le consentement ou la tolérance d’un fonctionnaire ou d’autres personnes exerçant des fonctions officielles.

389.Il est à noter que les dispositions de l’article 103 du Code pénal auxquelles il est fait référence ci-dessus dans les commentaires relatifs à l’application de l’article 4 de la Convention ont un caractère global et concernent tous les actes de torture. Cet article prévoit que «tout fonctionnaire public qui, sans motif légitime, porte atteinte à la liberté individuelle d’autrui ou use ou fait user de violences ou de mauvais traitements envers un accusé, un témoin ou un expert, pour en obtenir des aveux ou des déclarations, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 120 dinars d’amende. La peine est réduite à six mois d’emprisonnement s’il y a eu seulement menace de violences ou de mauvais traitements».

390.Le Code pénal prescrit également des peines sévères pour les menaces de violence ou de mauvais traitements. L’article 222 prévoit des peines allant de six mois à cinq ans d’emprisonnement et une amende pour toute personne qui aura, par quelque moyen que ce soit, menacé autrui d’un acte punissable de peines criminelles. La peine est portée au double si les menaces sont accompagnées d’un ordre ou assorties d’une condition, quand bien même ces menaces seraient verbales. L’article 223 du Code prescrit une peine d’un an d’emprisonnement et une amende pour toute personne qui aura menacé autrui à l’aide d’une arme, même sans intention d’en faire usage.

391.La loi tunisienne adopte une définition large de la torture qui couvre les sévices physiques ou moraux infligés à la victime ou à un membre de sa famille. Par exemple, un acte d’enlèvement ou de piraterie est passible de dix ans d’emprisonnement. Toutefois, si la même infraction est commise sous la menace d’une arme, sous une fausse identité ou en prétendant avoir reçu un ordre d’une autorité publique, la peine encourue est l’emprisonnement à vie. L’infraction emporte la peine capitale si l’acte entraîne la mort de la victime (art. 237 du Code pénal).

III.Informations complémentaires et réponses aux observations faites par le Comité à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique

392.Le temps pris par la Tunisie pour préparer ce rapport traduit son désir de parvenir à une conception globale et intégrée de la réforme sur le fond et la forme du système juridique national. Cette approche visait à mettre en place les mécanismes législatifs, judiciaires et pénaux requis pour assurer la protection des libertés individuelles et des droits de l’homme en tant que valeurs universelles et indissociables.

393.Depuis la ratification sans réserve de la Convention en 1988, la Tunisie s’est engagée à poursuivre le processus de réforme, ce qui a nécessité la révision du Code de procédure pénale et du Code pénal. La modification la plus marquante a été l’adoption d’une définition de la torture conforme à celle qui figure dans la Convention.

394.Le présent rapport contient une analyse détaillée de l’évolution du cadre juridique et constitutionnel de la protection des droits de l’homme. Il présente les efforts entrepris pour promouvoir l’éducation dans le domaine des droits de l’homme et diffuser leur culture. Ces efforts, qui sont déployés par différentes parties, ont été renforcés ces dernières années par les pouvoirs conférés au Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales et au Médiateur administratif dans l’exercice de leurs fonctions et de leur autorité territoriale, et particulièrement par la création du poste de coordinateur des droits de l’homme qui supervise la coopération entre les organes des droits de l’homme des Ministères de la justice et des droits de l’homme, de l’intérieur et du développement local et des affaires étrangères dans le cadre de la réforme constitutionnelle de 2002 qui a, par ailleurs, transféré les compétences en matière de droits de l’homme au Ministère de la justice.

395.Une des principales modifications survenue au cours de la période considérée est l’adoption de l’article premier de la Convention, qui a été incorporé à l’article 101 bis du Code pénal en réponse aux inquiétudes exprimées par le Comité au cours du débat sur le précédent rapport. La nouvelle définition procède de trois idées-force:

Utiliser les mêmes termes que la Convention;

Mentionner expressément la torture;

Interdire la torture quel qu’en soit le motif.

396.Force est de souligner que les détenus sont correctement traités sans discrimination aucune conformément à la loi. C’est là la marque de l’état de droit dont l’instauration est la principale préoccupation à la base de la réforme constitutionnelle de 2002. Au cours de la période considérée, aucun cas de recours à des pressions ou à des menaces pour empêcher une personne victime de la torture de porter plainte n’a été enregistré.

397.Toutefois, les efforts se poursuivent pour faire en sorte que toute mauvaise interprétation de l’ordre reçu par des agents des forces de sécurité soit traitée comme il se doit. S’agissant des observations soulevées sur l’usage de la torture dans les prisons et sur le maintien des détenus en cellule d’isolement plus longtemps que ne l’autorise la loi, des mesures disciplinaires sévères ont été prises pour montrer qu’il n’y aura pas d’impunité, quelle que soit la fonction de l’auteur de tels actes.

398.La loi s’applique à tous les agents, y compris les responsables, qui commettent une faute. Elle s’impose à tous et ses dispositions interdisent l’usage de la mise au secret au‑delà du temps prescrit par la sanction et en violation des règlements pénitentiaires. Il est à noter que les décès en prison et en garde à vue font immédiatement l’objet d’investigations et qu’une enquête judiciaire est automatiquement ouverte. Le tableau ci‑dessous indique le nombre de décès dans les établissements pénitentiaires de 2005 au 20 octobre 2009.

Année

Nombre de décès

2005

44

2006

48

2007

27

2008

43

2009

30

399.Selon les registres médicaux, les décès sont attribués à:

Des infarctus du myocarde;

Des attaques cérébrales;

Des cancers à des phases avancées;

Des chocs septiques;

Des suicides (voir le paragraphe 94 du présent rapport);

Des agressions perpétrées par des tiers.

400.Il est à noter qu’au cours de cette même période, deux cas d’agression ont été enregistrés. Le premier concerne l’agression d’un enfant par un autre enfant et l’affaire a été prise en main par le ministère public. Le deuxième concerne l’agression d’un détenu par quatre codétenus qui partageaient la même cellule. Les agresseurs ont fait l’objet de poursuites.

401.Eu égard au nombre des entrées en établissement pénitentiaire qui s’élèvent en moyenne à 60 000 par an, le taux de décès ne dépasse pas 1 % comparé aux 5,5 % enregistrés parmi les personnes qui vivent une vie normale en liberté.

402.L’État s’est tout particulièrement attaché à s’attaquer à toutes les insuffisances de la loi tunisienne (en réduisant le temps de détention, en tenant des registres de détention, en informant les familles, en faisant pratiquer des examens médicaux…) pour faire en sorte que toutes les arrestations soient exécutées conformément à la loi, en respectant toutes les phases de la procédure et en veillant à ce que les familles des détenus ne soient pas victimes de harcèlement. Les autorités sont allées jusqu’à ne pas empêcher des parents de suspects recherchés de les rejoindre à l’étranger.

403.La justice respecte le caractère individuel de l’infraction et de la peine. Elle veille au respect des droits des victimes qu’elle s’est employée à renforcer. L’identité des inculpés reste confidentielle et leurs droits à réparation sont protégés. Le système judiciaire examine toutes les présomptions sérieuses d’obtention d’aveux par la menace ou la torture dès le stade préliminaire de l’enquête.

404.Les réponses complémentaires présentées dans ce rapport sur toutes les questions soulevées traduisent des choix politiques clairs tendant à ce que la législation soit dûment appliquée de façon à combler les lacunes qui peuvent exister entre les textes et la pratique. L’État fait tout son possible pour que personne, quel que soit son statut ou son autorité, ne soit au-dessus des lois et que chacun assume sa responsabilité devant la justice et devant la société.