Nations Unies

CAT/C/MAR/CO/4

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.: générale

21 décembre 2011

Original: français

Comité contre la torture

Quarante-septième session

31 octobre-25 novembre 2011

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Observations finales du Comité contre la torture

Maroc

1.Le Comité contre la torture a examiné le quatrième rapport périodique du Maroc (CAT/C/MAR/4) à ses 1022e et 1025e séances (CAT/C/SR.1022 et 1025), les 1 et 2 novembre 2011, et a adopté à ses 1042e, 1043e et 1045e séances (CAT/C/SR.1042, 1043 et 1045) les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique du Maroc, les réponses écrites (CAT/C/MAR/Q/4/Add.1) apportées par l’État partie à la liste de points à traiter (CAT/C/MAR/Q/4/), ainsi que les renseignements complémentaires fournis oralement par la délégation marocaine lors de l’examen du rapport, tout en regrettant que ce dernier ait été soumis avec plus de deux ans de retard. Pour finir, le Comité se félicite du dialogue constructif engagé avec la délégation d’experts envoyée par l’État partie et remercie celle-ci des réponses détaillées apportées aux questions posées, ainsi que des réponses écrites additionnelles fournies.

B.Aspects positifs

3.Le Comité prend note avec satisfaction des actions entreprises par l’État partie pendant la période considérée, concernant les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ci-après:

a)Ratification de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en avril 2009;

b)Ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de son Protocole facultatif, en avril 2009;

c)Ratification du Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en avril 2011;

d)Reconnaissance de la compétence du Comité pour recevoir et examiner les communications individuelles en vertu de l’article 22 de la Convention;

e)Retrait de plusieurs réserves exprimées au regard d’un certain nombre de conventions internationales, notamment de la réserve aux articles 14 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et de la Convention relative aux droits de l’enfant ainsi que de toutes les réserves à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

4.Le Comité prend également note avec satisfaction des éléments suivants:

a)L’adoption par voie de référendum, le 1er juillet 2011, d’une nouvelle Constitution comportant de nouvelles clauses relatives à l’interdiction de la torture et aux garanties fondamentales des personnes arrêtées, détenues, poursuivies ou condamnées;

b) Le processus de réforme du système juridique engagé par l’État partie afin d’adapter et de transformer les lois et les pratiques dans le pays en vue de les rendre conformes à ses obligations internationales;

c)L’établissement du Conseil national des droits de l’homme, le 1er mars 2011, qui a remplacé le Conseil consultatif des droits de l’homme et bénéficie de pouvoirs élargis, ainsi que l’établissement d’instances régionales pour la protection des droits de l’homme;

d)Le moratoire de facto sur l’exécution des peines capitales;

e)L’établissement d’un mécanisme de justice transitionnelle, l’Instance Équité et Réconciliation, chargé d’établir la vérité sur les violations des droits de l’homme intervenues entre 1956 et 1999 et de permettre une réconciliation nationale;

f)L’organisation de différentes activités de formation et de sensibilisation aux droits de l’homme, notamment à l’intention des magistrats et des agents pénitentiaires.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition et criminalisation de la torture

5.Tout en notant que des projets de loi visant à amender le Code pénal sont actuellement en cours de préparation, le Comité reste préoccupé par le fait que la définition de la torture telle que visée à l’article 231.1 du Code pénal en vigueur n’est pas pleinement conforme à l’article premier de la Convention, notamment en raison du champ d’application restreint de sa définition. En effet, l’article 231.1 se limite aux buts énoncés dans l’article premier et ne couvre ni la complicité ni le consentement exprès ou tacite d’un agent de la force publique ou de toute autre personne agissant à titre officiel. De plus, le Comité regrette l’absence dans le Code pénal d’une disposition rendant imprescriptible le crime de torture malgré ses précédentes recommandations en ce sens (art. 1 et 4).

L’État partie devrait s’assurer que les projets de loi actuellement devant le Parlement étendent le champ d’application de la définition de la torture, conformément à l’article premier de la Convention contre la torture. L’État partie, conformément à ses obligations internationales, devrait s’assurer que quiconque se rend coupable ou complice d’actes de torture, tente de commettre de tels actes ou participe à leur commission fasse l’objet d’une enquête, de poursuites et d’un châtiment sans pouvoir bénéficier d’un délai de prescription.

6.Le Comité se déclare préoccupé par certaines dispositions contenues dans le cadre juridique actuel relatif à la torture, en particulier la possibilité d’amnistier et de gracier les auteurs d’actes de torture; par l’absence de toute disposition spécifique établissant clairement l’impossibilité de se prévaloir de l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique pour justifier la torture; et par l’absence d’un mécanisme spécifique de protection des subordonnés qui refuseraient d’obéir à l’ordre de torturer une personne placée sous leur garde (art. 2 et 7).

L’ État partie devrait s’assurer que son cadre juridique prévoi e l’ interdi ction de toute amnistie éventuelle d es crimes de torture et de tou t pardon en violation de la Convention . Il devrait également modifier sa législation de façon à établir explicitement que l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne saurait être invoqué pour justifier la torture . L’État partie devrait instaurer un mécanisme visant à protéger les subordonnés qui refusent d ’obéir à un tel ordre. Il devrait en outre largement diffuser l’ interdiction d’obéir à un tel ordre a insi que les mécanismes de protection y afférents auprès de l’ensemble d es forces de l’ordre.

Garanties juridiques fondamentales

7.Le Comité note la consécration par le droit positif marocain de plusieurs garanties fondamentales en faveur des personnes détenues dans le but de prévenir les actes de torture. Il prend également acte des projets de réforme législative visant, entre autres propositions importantes, à permettre un accès plus rapide à un avocat au cours de la garde à vue. Il reste néanmoins préoccupé par les restrictions imposées à l’exercice de certaines de ces garanties fondamentales, aussi bien dans le droit positif actuel que dans la pratique.Le Comité est notamment préoccupé par le fait que l’avocat, à l’heure actuelle, ne peut rencontrer son client qu’à partir de la première heure de prolongation de la garde à vue au plus tôt, sous réserve de l’autorisation du Procureur général du Roi. Il est également préoccupé par le fait que l’accès d’office au service de l’aide juridique soit limité aux seules personnes mineures et à celles encourant des peines supérieures à cinq années d’emprisonnement. Le Comité déplore le manque d’information relative à la mise en œuvre dans la pratique des autres garanties fondamentales, telles que la visite d’un médecin indépendant et la notification à la famille (art. 2 et 11).

L’État partie devrait veiller à ce que les projets de loi actuellement à l’étude garantissent à toute personne suspectée le droit de bénéficier dans la pratique des garanties fondamentales prévues par la loi, qui incluent notamment que l’intéressé ait accès à un avocat dès son arrestation, qu’il soit examiné par un médecin indépendant, qu’il puisse contacter un proche, qu’il soit informé de ses droits – comme des charges retenues contre lui –, et qu’il soit présenté immédiatement devant un juge. L’État partie devrait prendre des mesures pour permettre l’accès à un avocat dès le début de la garde à vue, sans aucune autorisation préalable, et mettre en place un régime effectif d’aide juridictionnelle gratuite, en particulier pour les personnes se trouvant en situation de risque ou appartenant à des groupes en situation de vulnérabilité.

Loi contre le terrorisme

8.Le Comité note avec préoccupation que la loi no 03-03 de 2003 contre le terrorisme ne contient pas de définition précise du terrorisme, pourtant requise par le principe de légalité des infractions, et inclut les délits d’apologie du terrorisme et d’incitation au terrorisme, qui pour être constitués, ne doivent pas forcément être liés à un risque concret d’action violente. De plus, cette loi étend la période légale de la garde à vue à 12 jours dans les affaires de terrorisme et ne permet l’accès à un avocat qu’au bout de 6 jours, amplifiant ainsi le risque de torture des suspects détenus. En effet, c’est précisément pendant les périodes au cours desquelles ils ne peuvent pas communiquer avec leur famille et leurs avocats que les suspects sont le plus susceptibles d’être torturés (art. 2 et 11).

L’État partie devrait revoir sa loi antiterroriste no 03-03 afin de mieux définir le terrorisme, de réduire la durée maximale de la garde à vue au strict minimum et de permettre l’accès à un avocat dès le début de la détention. Le Comité rappelle qu’en vertu de la Convention contre la torture, aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit ne saurait être invoquée pour justifier la torture. Il note également que, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, notamment 1456 (2003) et 1566 (2004), et à d’autres résolutions pertinentes, les mesures de lutte contre le terrorisme doivent être appliquées dans le plein respect du droit international relatif aux droits de l’homme.

Non-refoulement et risque de torture

9.Le Comité est préoccupé par le fait que les procédures et les pratiques actuelles du Maroc en matière d’extradition et de refoulement peuvent exposer des personnes à la torture. À cet égard, le Comité rappelle qu’il a reçu des plaintes individuelles contre l’État partie, en vertu de l’article 22 de la Convention, portant sur des demandes d’extradition et qu’il est préoccupé par les décisions et les actions prises par l’État partie dans le cadre de ces affaires. En effet, le Comité s’inquiète de la décision actuelle de l’État partie de seulement «suspendre» l’extradition de M. Ktiti, alors qu’il était arrivé à la conclusion qu’une telle extradition constituerait aussi une violation de l’article 3 de la Convention, et qu’il avait dûment transmis sa décision finale à l’État partie. De plus, il exprime sa vive préoccupation devant l’extradition de M. Alexey Kalinichenko vers son pays d’origine, intervenue alors que le Comité avait décidé de demander la suspension temporaire de cette extradition jusqu’à l’arrêt de sa décision finale, d’autant plus que cette extradition s’était faite sur la seule base des assurances diplomatiques fournies par le pays d’origine de M. Kalinichenko (art. 3).

L’État partie ne devrait en aucune circonstance expulser, renvoyer ou extrader une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. Le Comité rappelle sa position selon laquelle les États parties ne peuvent en aucun cas recourir aux assurances diplomatiques comme garanties contre la torture ou les mauvais traitements lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’une personne risque d’être soumise à la torture si elle retourne dans son pays. Pour déterminer si les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention s’appliquent, l’État partie devrait examiner minutieusement, sur le fond, chaque cas particulier, y compris la situation générale en matière de torture dans le pays de retour. En outre, il devrait établir et mettre en œuvre des procédures bien définies pour obtenir ces assurances diplomatiques, des mécanismes judiciaires appropriés de contrôle et des dispositifs efficaces de suivi en cas de refoulement.

Le Maroc devrait respecter ses obligations internationales et se conformer aux décisions finales et provisoires du Comité dans les cas individuels qui lui sont soumis en vertu de l’article 22 de la Convention. Dans le cas de M. Ktiti, le Maroc devrait décider d’annuler son extradition vers son pays d’origine, de manière définitive, sous peine de violer l’article 3 de la Convention.

Recours à la torture dans les affaires de sécurité

10.Le Comité est préoccupé par les nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements commis par les officiers de police, les agents pénitentiaires et plus particulièrement les agents de la Direction de surveillance du territoire (DST) – désormais reconnus comme officiers de police judiciaire – lorsque les personnes sont privées de l’exercice des garanties juridiques fondamentales comme l’accès à un avocat, en particulier celles suspectées d’appartenir à des réseaux terroristes ou d’être des partisans de l’indépendance du Sahara occidental ou durant les interrogatoires dans le but de soutirer des aveux aux personnes suspectées de terrorisme. (art. 2, 4, 11 et 15).

L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures concrètes pour enquêter sur les actes de torture, et poursuivre et punir leurs auteurs. Il devrait garantir que les membres des forces de l’ordre n’utilisent pas la torture, notamment en réaffirmant clairement l’interdiction absolue de la torture, en condamnant publiquement la pratique de la torture, en particulier par la police, le personnel pénitentiaire et les membres de la DST, et en faisant clairement savoir que quiconque commet de tels actes, s’en rend complice ou y participe en sera tenu personnellement responsable devant la loi, fera l’objet de poursuites pénales et se verra infliger des peines appropriées.

«Transfèrements secrets»

11.Le Comité prend note des déclarations de l’État partie selon lesquelles il n’était pas impliqué dans les affaires de «transfèrements secrets» menées dans le contexte de la lutte internationale contre le terrorisme. Néanmoins, le Comité reste préoccupé par les allégations selon lesquelles le Maroc aurait servi de point de départ, de transit et de destination de «transfèrements secrets» opérés en dehors de tout cadre légal, notamment dans les cas de MM. Mohamed Binyam, Ramiz Belshib et Mohamed Gatit. Il note que les informations lacunaires fournies par l’État partie sur les enquêtes qu’il a menées à cet égard ne sont pas à même de dissiper ces allégations. Le Comité est gravement préoccupé par les allégations selon lesquelles tous ces «transfèrements secrets» se seraient accompagnés de détention au secret et/ou dans des lieux secrets, d’actes de torture et de mauvais traitements, notamment lors des interrogatoires des suspects, ainsi que de refoulements vers des pays dans lesquels les personnes auraient été également soumises à la torture (art. 2, 3, 5, 11, 12 et 16).

L’État partie devrait faire en sorte qu’aucun individu placé sous son contrôle à un moment donné ne fasse l’objet de tels «transfèrements secrets». Le transfèrement, le refoulement, la détention et l’interrogation des personnes dans de telles conditions constituent en eux-mêmes une violation de la Convention. L’État partie devrait mener des investigations effectives et impartiales et, le cas échéant, faire toute la lumière sur les cas de «transfèrements secrets» dans lesquels il a pu jouer un rôle. Il devrait poursuivre et punir les auteurs de ces transfèrements.

Evènements concernant le Sahara occidental

12.Le Comité est préoccupé par les allégations reçues sur la situation au Sahara occidental, où seraient pratiqués des arrestations et des détentions arbitraires, des détentions au secret et dans des lieux secrets, des tortures, des mauvais traitements, des extorsions d’aveux sous la torture et un usage excessif de la force par les forces de sécurité et par les forces de l’ordre marocaines.

Le Comité rappelle encore une fois qu’en vertu de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit ne saurait être invoquée pour justifier la torture sur le territoire soumis à la juridiction de l’État partie et que les mesures de maintien de l’ordre ainsi que les procédures d’enquête et d’investigation doivent être appliquées dans le plein respect du droit international relatif aux droits de l’homme, ainsi que des procédures judiciaires et des garanties fondamentales en vigueur dans l’État partie. L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures concrètes pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements décrits précédemment. En outre, il devrait annoncer une politique de nature à produire des résultats mesurables par rapport à l’objectif d’éliminer tout acte de torture et tout mauvais traitements de la part des agents de l’État. L’État partie devrait renforcer les mesures prises pour que des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces soient menées rapidement sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitement infligés à des prisonniers, à des détenus et sur tous les autres cas.

Le Camp Gdeim Izik

1 3 . Le Comité est tout particulièrement préoccupé par les circonstances qui ont entouré l’évacuation du camp de Gdeim Izik en novembre 2010 . A u cours de cette évacuation, plusieurs personnes ont été tuées , y compris des agents des forces de l’ordre, et des centaines d’autres arrêtées. Le Comité reconna î t que la grande majorité des personnes arrêtées ont été depuis remise s en liberté dans l’attente de leur procès . Cependant , il reste sérieusement préoccupé par le fait que lesdits procès se dérouleront devant des tribunaux militaires alors qu e les intéressés sont des civils. De plus, le Comité se déclare préoccupé par le fait qu’ aucune enquête impartiale et efficace n’a été ouverte pour faire la lumière sur c es évènements et établir les responsabilités éventuelles au sein des forces de l’ordre (art. 2, 11, 12, 15 et 16) .

L’État partie devrait renforcer les mesures prises pour que des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces soient menées rapidement sur les violences et les décès survenus à l’occasion du démantèlement du camp de Gdeim Izik, et que les responsables soient traduits en justice. L’État partie devrait modifier sa législation afin de garantir à toutes les personnes civiles d’être jugées exclusivement par des juridictions civiles.

Arrestations et détentions secrètes dans les affaires de sécurité

14.Le Comité est préoccupé par les informations reçues selon lesquelles, dans les affaires liées au terrorisme, les procédures judiciaires qui régissent l’arrestation, l’interrogation et la détention ne sont pas toujours respectées dans la pratique. Il est également préoccupé par les allégations faisant état du schéma récurrent suivant: dans ces affaires, les suspects sont arrêtés par des officiers en civil qui ne s’identifient pas clairement, puis amenés pour être interrogés et détenus dans des lieux de détention secrets, ce qui revient en pratique à une détention au secret. Les suspects sont soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sans être officiellement enregistrés. Ils sont gardés dans ces conditions pendant plusieurs semaines sans être présentés à un juge et sans contrôle de la part des autorités judiciaires. Leur famille n’est informée de leur arrestation, de leurs mouvements et de leur lieu de détention qu’à partir du moment où ils sont transférés à la police pour signer des aveux obtenus sous la torture. Ce n’est qu’alors qu’ils sont officiellement enregistrés et réintégrés dans la procédure judiciaire régulière avec des dates et des données de facto falsifiées (art. 2, 11, 12, 15 et 16).

15.Le Comité prend note des déclarations faites par l’État partie durant le dialogue selon lesquelles il n’existait aucun centre de détention secret situé au siège de la DST à Témara, comme l’attestaient les résultats des trois visites effectuées par le Procureur général du Roi en 2004, mais aussi par les représentants de la Commission nationale des droits de l’homme et par plusieurs parlementaires en 2011. Toutefois, le Comité regrette le manque d’informations relatives à l’organisation et à la méthodologie de ces visites, qui au vu de la situation et des allégations nombreuses et persistantes de l’existence d’un tel centre de détention secret ne permettent pas de lever le doute sur l’existence de ce centre. Celui-ci reste donc un objet de préoccupation pour le Comité. Ce dernier est également préoccupé par les allégations selon lesquelles des lieux de détention secrets existeraient également au sein même de certains établissements de détention officiels. D’après les allégations reçues par le Comité, ces centres de détention secrets ne feraient l’objet d’aucune surveillance ni inspection de la part d’organes indépendants. Pour finir, le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles une nouvelle prison secrète aurait été construite dans les environs d’Ain Aouda, près de la capitale Rabat, pour y détenir les personnes suspectées d’être liées à des mouvements terroristes (art. 2, 11, 12, 15 et 16).

L’État partie devrait garantir que toute personne arrêtée et détenue bénéficie des procédures judiciaires en vigueur et que les garanties fondamentales consacrées par le droit positif soient respectées: par exemple, l’accès du détenu à un avocat et à un médecin indépendant, son droit à ce que les membres de sa famille soient informés de son arrestation et de son lieu de détention, et sa présentation devant un juge.

L’État partie devrait prendre des mesures en vue de garantir que les registres, les procès-verbaux et tous les documents officiels relatifs à l’arrestation et à la détention des personnes soient tenus avec la plus grande rigueur et que tous les éléments se rapportant à l’arrestation et à la détention y soient consignés et attestés à la fois par les officiers de police judiciaire et par la personne concernée. L’État partie devrait s’assurer que des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces soient menées rapidement sur toutes les allégations d’arrestation et de détention arbitraires et les responsables éventuels traduits en justice.

L’État partie devrait faire en sorte que nul ne soit gardé dans un centre de détention secret placé de facto sous son contrôle effectif. Comme l’a souvent souligné le Comité, la détention des personnes dans de telles conditions constitue une violation de la Convention. L’État partie devrait ouvrir une enquête impartiale et efficace sur l’existence de tels lieux de détention. Tous les lieux de détention devraient être soumis à un système régulier de contrôle et de surveillance.

Poursuite les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements

16.Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait de n’avoir reçu à ce jour aucune information faisant état de la condamnation d’une personne convaincue d’actes de torture au titre de l’article 231-1 du Code pénal. Le Comité note avec préoccupation que les officiers de police sont dans le meilleur des cas poursuivis pour violences ou coups et blessures, et non pour le crime de torture, et que selon les données fournies par l’État partie, les sanctions administratives et disciplinaires prises à l’endroit des officiers concernés ne semblent pas proportionnées à la gravité des actes commis. Le Comité note avec préoccupation que les allégations de torture, pourtant nombreuses et fréquentes, font rarement l’objet d’enquêtes et de poursuites et qu’un climat d’impunité semble s’être instauré en raison de l’absence de véritables mesures disciplinaires et de poursuites pénales significatives contre les agents de l’État accusés des actes visés dans la Convention, y compris les auteurs des violations graves et massives des droits de l’homme intervenues entre 1956 et 1999 (art. 2, 4 et 12).

L’État partie devrait faire en sorte que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent rapidement l’objet d’une enquête efficace et impartiale et que les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes, comme le requiert l’article 4 de la Convention. En outre, l’État partie devrait modifier sa législation de sorte que celle-ci stipule explicitement que l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne saurait être invoqué pour justifier la torture. L’État partie devrait également veiller à ce que, dans la pratique, les plaignants et les témoins soient protégés contre tout mauvais traitement et tout acte d’intimidation liés à leur plainte ou à leur témoignage.

Aveux sous la contrainte

17.Le Comité est préoccupé par le fait que dans le système d’investigation en vigueur dans l’État partie il est extrêmement courant que l’aveu constitue une preuve permettant de poursuivre et condamner une personne. Il est préoccupé de constater que de nombreuses condamnations pénales sont fondées sur les aveux, y compris dans les affaires de terrorisme, créant ainsi des conditions susceptibles de favoriser l’emploi de la torture et des mauvais traitements à l’encontre de la personne du suspect (art. 2 et 15).

L’État partie devrait prendre toutes mesures nécessaires pour garantir que les condamnations pénales soient prononcées sur la foi de preuves autres que les aveux de l’inculpé, notamment lorsque l’inculpé revient sur ses aveux durant le procès, et que les déclarations faites sous la torture ne soient pas invoquées comme éléments de preuve au cours de la procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture, conformément aux dispositions de la Convention.

L’État partie est invité à examiner les condamnations pénales prononcées exclusivement sur la foi d’aveux afin d’identifier dans quels cas la condamnation s’est fondée sur des aveux obtenus sous la torture ou par des mauvais traitements. Par ailleurs, il est aussi invité à prendre toutes mesures correctives appropriées et à informer le Comité de ses conclusions.

Surveillance et inspection des lieux de détention

18.Le Comité prend note des informations détaillées fournies par l’État partie relatives aux différents types de visites des lieux de détention effectuées par le Procureur du Roi, les différents juges, les commissions provinciales de contrôle des prisons et les représentants du Conseil national des droits de l’homme. Il prend également note des projets de réforme pour désigner le Conseil national des droits de l’homme comme mécanisme national de prévention dans la perspective de l’adhésion prochaine du Maroc au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que plusieurs organisations non gouvernementales, qui souhaitaient observer la situation dans les établissements pénitentiaires, se sont vu refuser le droit de visiter les centres de détention. En vertu de l’article 620 du Code de procédure pénale, ces visites semblent être du ressort exclusif des commissions provinciales. Il regrette également l’absence d’information sur les suites données aux visites effectuées et sur les résultats obtenus (art. 11 et 16).

L’État partie devrait s’assurer que le mécanisme national de contrôle des lieux de détention soit en mesure d’assurer une surveillance et une inspection effectives de tous les lieux de détention, et qu’une suite soit donnée aux résultats de ces contrôles. Le mécanisme en question devrait prévoir les visites périodiques et inopinées des observateurs nationaux et internationaux de sorte de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’État partie devrait également faire en sorte que des médecins légistes formés à la détection des signes de torture soient présents pendant ces visites. De plus, il devrait modifier sa législation afin d’octroyer également aux organisations non gouvernementales la possibilité d’effectuer des visites régulières, indépendantes, inopinées et illimitées dans les lieux de détention.

Conditions de détention

19.Le Comité note avec satisfaction les informations fournies par l’État partie sur son plan de construction et de rénovation des établissements pénitentiaires. Ce plan a vraisemblablement conduit à une certaine amélioration des conditions de détention dans les établissements concernés. Le Comité reste néanmoins préoccupé par le fait que, selon les informations reçues, les conditions de détention dans la majorité des prisons restent alarmantes, en raison notamment de la surpopulation, des mauvais traitements, des sanctions disciplinaires, y compris la mise au secret pendant des périodes prolongées, des conditions sanitaires, de l’approvisionnement en nourriture et de l’accès aux soins médicaux. Le Comité est préoccupé par le fait que ces conditions ont poussé certains détenus à entamer des grèves de la faim, d’autres à se révolter et à participer à des mouvements de protestation violemment réprimés par les forces de l’ordre (art. 11 et 16).

Afin de rendre les conditions de détention sur l’ensemble du territoire marocain conformes à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, l’ État partie devrait poursuivre son effort de construction de nouveaux établissements pénitentiaires et de rénov ation d es anciens, et continuer d’accroître les ressources allouées au fonctionnement des établissements pénitentiaires, notamment pour la nourriture et l es soins médicaux. Pour lutter contre le surpeuplement carcéral, largement dû au fait que la moitié des personnes détenu e s dans les prisons marocaines le sont à titre préventif, l’ État partie devrait modifier sa législation pour permettre le recours aux mesures de substitution à la mise en détention préventive , conform ément aux Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) . À cet effet, il pourrait développ er un système de cautionnement et de recours plus fréquent aux peines non privatives de liberté pour les infractions les moins graves.

Décès dans les prisons

20.Le Comité prend acte des informations détaillées fournies sur le nombre des décès dans les prisons marocaines et sur leurs causes officielles. Il regrette, néanmoins, l’absence d’information sur les mécanismes en place permettant d’enquêter de manière systématique et indépendante sur les causes de ces décès, alors que les cas de suicide font, quant à eux, systématiquement l’objet d’une enquête (art. 11, 12 et 16).

L’État partie devrait enquêter rapidement et de manière approfondie et impartiale sur tous les décès en détention et poursuivre les personnes responsables, le cas échéant. Il devrait fournir au Comité des informations sur tout décès en détention résultant d’actes de torture, de mauvais traitements ou d’une négligence volontaire. L’État partie devrait aussi veiller à ce que les examens soient effectués par des médecins légistes indépendants, et accepter les conclusions de ces examens comme preuves dans les procédures pénales et civiles.

Condamnés à mort

21.Le Comité prend note du moratoire de facto sur l’application de la peine de mort en vigueur depuis 1993, du projet de réforme législative visant à réduire significativement le nombre des crimes passibles de la peine capitale et de la nécessité que de telles peines soient prononcées à l’unanimité. Le Comité se déclare aussi préoccupé par les conditions d’incarcération des condamnés à mort. Celles-ci, en l’état, peuvent constituer un traitement cruel, inhumain ou dégradant, en particulier compte tenu de la durée de la détention dans les quartiers des condamnés à mort et de l’incertitude pesant sur le sort de ces condamnés du fait, notamment, de l’absence de toute perspective de commutation de leur peine (art. 2, 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. En attendant, l’État partie devrait poursuivre son moratoire de facto sur l’application des peines capitales, faire en sorte que sa législation prévoie la possibilité de commuer les condamnations à mort et veiller à ce que tous les condamnés à mort bénéficient de la protection assurée par la Convention. En outre, il devrait faire en sorte que ces derniers soient traités avec humanité, et qu’ils puissent, en particulier, bénéficier des visites de leur famille et de leurs avocats.

Hôpitaux psychiatriques

22.Le Comité prend note des informations écrites complémentaires qui lui ont été transmises par l’État partie au sujet des mesures envisagées pour lutter contre les mauvais traitements dans les hôpitaux psychiatriques et de la nouvelle loi-cadre de 2011 sur le système de santé. Le Comité reste toutefois préoccupé par le manque d’information sur la surveillance et l’inspection des institutions psychiatriques susceptibles d’accueillir des malades internés, ainsi que sur les résultats éventuels de cette surveillance ou inspection (art. 16).

L’État Partie devrait s’assurer que le mécanisme national de contrôle et de surveillance des lieux de détention qui doit être prochainement établi soit également compétent pour inspecter les autres lieux de privation de liberté, tels que les hôpitaux psychiatriques. En outre, il devrait faire en sorte qu’il soit donné suite aux résultats de ce processus de contrôle. Le mécanisme en question devrait prévoir des visites périodiques et inopinées de manière à prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’État partie devrait également faire en sorte que des médecins légistes formés à la détection des signes de torture soient présents pendant ces visites. L’État partie devrait également s’assurer que les patients détenus dans ces institutions contre leur gré soient en mesure de faire appel de la décision d’internement et d’avoir accès à un médecin de leur choix.

Violence faite aux femmes

23.Au vu de l’importance prise par la violence envers les femmes au Maroc, le Comité se déclare vivement préoccupé par l’absence d’un cadre juridique à la fois spécifique et global visant à prévenir et à réprimer pénalement les violences commises envers les femmes ainsi qu’à protéger les victimes et les témoins de ces violences. Le Comité est également préoccupé par le faible nombre des plaintes déposées par les victimes, par l’absence de procédure pénale ouverte par le parquet, par le fait que les plaintes déposées ne font pas systématiquement l’objet d’enquêtes, y compris dans les cas de viol, mais aussi par le fait que le fardeau de la preuve s’avère excessif et qu’il repose exclusivement sur la victime dans un contexte social où le risque de stigmatisation des victimes est important. De plus, le Comité est préoccupé par l’absence de toute disposition légale spécifique faisant du viol conjugal un crime. Enfin, le Comité est vivement préoccupé par le fait que le droit positif marocain offre à l’auteur du viol d’une mineure la possibilité d’éluder sa responsabilité pénale en épousant la victime. À cet égard, le Comité regrette le manque d’informations sur le nombre des cas dans lesquels la victime a épousé l’auteur du viol ou refusé un tel mariage (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité exhorte l’État partie à promulguer au plus vite une législation sur la violence faite aux femmes et aux filles de manière à ériger en infractions pénales toutes les formes de violence à l’encontre des femmes. L’État partie est en outre encouragé à veiller à ce que les femmes et les filles victimes de violences aient immédiatement accès à des moyens de protection, y compris des foyers d’accueil, qu’elles puissent obtenir réparation et que les auteurs soient poursuivis et punis comme il convient. Le Comité réitère à cet égard les recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. L’État partie devrait modifier sans plus tarder le Code pénal de manière à criminaliser le viol conjugal et à s’assurer que les auteurs de viols n’échappent pas aux poursuites pénales quand ils épousent leur victime. Il devrait aussi procéder à des études sur les causes et l’ampleur de la violence à l’encontre des femmes et des filles, y compris la violence sexuelle et la violence dans la famille. En outre, l’État partie devrait présenter dans son prochain rapport au Comité des informations sur les lois et les politiques en vigueur pour lutter contre les violences envers les femmes et rendre compte des effets des mesures prises.

Châtiments corporels

24.Le Comité note avec préoccupation l’absence de disposition dans la législation marocaine prohibant le recours aux châtiments corporels au sein de la famille, de l’école et des institutions chargées de la protection de l’enfance (art. 16).

L’État partie devrait modifier sa législation afin d’interdire le recours aux châtiments corporels dans l’éducation des enfants, tant au sein de la famille que dans les centres de protection de l’enfance. Il devrait aussi sensibiliser le public aux formes positives, participatives et non violentes de discipline.

Traitement des réfugiés et des demandeurs d’asile

25.Le Comité prend note des informations transmises par l’État partie concernant sa collaboration accrue avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, notamment dans le domaine du renforcement des capacités de l’État partie en matière d’accueil, d’identification et de protection des demandeurs d’asile et des réfugiés. Il s’inquiète néanmoins de l’absence d’un cadre juridique spécifique pour les réfugiés et les demandeurs d’asile qui permettrait d’empêcher tout amalgame avec les migrants clandestins. Le Comité est préoccupé par le fait qu’en l’état actuel des choses les demandeurs d’asile ne sont pas toujours en mesure de déposer leur demande d’asile auprès des autorités compétentes, en particulier aux points d’entrée sur le territoire marocain où ils sont souvent assimilés à des immigrés clandestins. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’un office spécifique offrant aux réfugiés et aux apatrides un traitement diligent et efficace de leur demande d’asile, et garantissant aux réfugiés la jouissance de l’ensemble de leurs droits sur le territoire marocain (art. 2, 3 et 16).

L’État partie devrait établir un cadre juridique en vue de garantir les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile et développer les instruments institutionnels et administratifs propres à mettre en œuvre cette protection, notamment en renforçant sa coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et en octroyant au Haut-Commissariat un statut d’observateur au cours du processus de réforme du système d’asile. Il devrait s’assurer de la mise en place des procédures et des mécanismes propres à garantir l’identification systématique des demandeurs d’asile potentiels à tous les points d’entrée sur le territoire marocain. L’État partie devrait en outre permettre à ces personnes de déposer leur demande d’asile. Ces mécanismes devraient également garantir que la décision rendue soit susceptible d’un recours avec effet suspensif et que la personne ne soit pas refoulée vers un pays où existe un risque de torture.

L’État partie devrait envisager d’adhérer à la Convention relative au statut des apatrides (1954) et à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie (1961).

Traitement des migrants et des étrangers

26.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie relative au cadre juridique régissant les mesures d’éloignement des migrants illégaux, notamment en vertu de la loi no 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc, ainsi que des exemples de reconduites d’étrangers effectuées en conformité avec les dispositions de la loi précitée. Il reste toutefois préoccupé par les informations reçues selon lesquelles, dans la pratique, des migrants illégaux ont été reconduits à la frontière ou expulsés en violation des lois marocaines, sans avoir eu la possibilité de faire valoir leurs droits. Suivant plusieurs allégations, des centaines d’entre eux auraient été abandonnés dans le désert sans eau ni nourriture. Le Comité déplore le manque d’information sur ces évènements de la part de l’État partie, ainsi que sur les lieux et les régimes de détention des étrangers en attente d’expulsion qui ne relèvent pas de l’administration pénitentiaire. Le Comité déplore enfin le manque d’information au sujet des enquêtes éventuellement menées sur les violences commises par les forces de l’ordre à l’encontre des clandestins dans les régions de Ceuta et Melilla en 2005 (art. 3, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures visant à garantir que les garanties légales régissant les reconduites à la frontière des migrants illégaux et l’expulsion des étrangers soient toujours mises en œuvre dans la pratique et que les reconduites et les expulsions soient conformes à la loi marocaine. Il devrait mener des enquêtes impartiales et efficaces sur les allégations selon lesquelles des expulsions de migrants se seraient accompagnées d’un recours excessif à la force ou de mauvais traitements à l’endroit des migrants. En outre, l’État partie devrait faire en sorte que les responsables soient traduits en justice et qu’il leur soit infligé des peines à la mesure de la gravité de leurs actes.

Il est demandé à l’État partie de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur les lieux de détention et les régimes de détention des étrangers en attente d’expulsion ainsi que des données ventilées par année, genre, lieu, durée de détention et raison justifiant la détention et l’expulsion.

Traite des êtres humains

27.Le Comité est préoccupé par l’absence générale d’informations sur la pratique de la traite des femmes et des enfants à des fins d’exploitation sexuelle et autre, ainsi que sur l’ampleur de la traite dans l’État partie, notamment le nombre des plaintes, des enquêtes, des poursuites et des condamnation, de même que sur les mesures prises pour prévenir et combattre ce phénomène (art. 2, 4, 12, 13 et 16).

L’ État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir et combattre la traite des femmes et des enfants, notamment en adoptant une loi spécifique sur la prévention, la répression de la traite et la protection des victimes, en fournissant une protection aux victimes et en assurant l’accès de celles-ci à des services de réadaptation , mais aussi médicaux, sociaux et juridiques, ainsi qu’à des services de conseil en tant que de besoin. L’ État partie devrait en outre créer des conditions propices à l’exercice par les victimes de leur droit de déposer plainte . Il devrait procéder rapidement à des enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les allégations de traite , de même que veiller à ce que les responsables soient traduits en justice et que des peines à la mesure de la gravité de leurs actes leur soient infligées.

Formation

28.Le Comité prend note des informations fournies relatives aux activités de formation, aux séminaires et aux cours sur les droits de l’homme organisés à l’intention des magistrats, des policiers et des agents pénitentiaires. Il s’inquiète, toutefois, de l’absence de formations ciblant le personnel des services de surveillance du territoire (DST), les militaires, les médecins légistes et le personnel médical qui s’occupe des détenus ou des internés psychiatriques et portant notamment sur les méthodes propres à déceler les séquelles physiques et psychologiques de la torture (art. 10).

L’État partie devrait continuer à concevoir des programmes de formation, et à renforcer ces derniers, pour que tous les fonctionnaires – forces de l’ordre, services de renseignement, agents de sécurité, militaires, personnel pénitentiaire et personnel médical des prisons ou des hôpitaux psychiatriques – connaissent bien les dispositions de la Convention; que les violations signalées ne soient pas tolérées; que ces violations donnent lieu à des enquêtes et que les auteurs soient poursuivis. De plus, l’État partie devrait s’assurer que tous les personnels concernés, y compris les membres du corps médical, apprennent à détecter les signes de torture et de mauvais traitements grâce à des formations spécifiques s’appuyant sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul). L’État partie devrait enfin évaluer l’efficacité et l’incidence de ces programmes de formation et de cet enseignement.

L’Instance Équité et Réconciliation et la question de la réparation

29.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur le travail considérable accompli entre 2003 et 2005 par le mécanisme de justice transitionnelle, l’Instance Équité et Réconciliation (IER), qui a enquêté sur les violations graves, massives et systématiques des droits de l’homme commises au Maroc entre 1956 et 1999. Ces enquêtes ont permis de faire la lumière sur grand nombre de ces violations, en élucidant notamment de nombreux cas de disparitions forcées. Grâce à elles, de nombreuses victimes ont ainsi pu bénéficier de réparations sous diverses formes. Le Comité reste toutefois préoccupé par le fait que ces travaux ne sont pas complets puisqu’ils n’incluent pas les violations commises au Sahara occidental et que certains cas de disparitions forcées n’étaient pas résolus à la fin des travaux de l’IER en 2005. De plus, le Comité est préoccupé par le fait que les travaux de l’IER puissent avoir entraîné une impunité de facto des auteurs des violations de la Convention commises au cours de cette période, puisqu’à ce jour aucun d’entre eux n’a été poursuivi. Enfin, le Comité est préoccupé par les informations reçues selon lesquelles toutes les victimes et toutes les familles de victimes n’auraient pas été indemnisées et que les indemnités versées n’auraient pas toujours été équitables, adéquates ou effectives (art. 12, 13 et 14).

L’État partie devrait s’assurer que le Conseil national des droits de l’homme, qui a été désigné pour finaliser les travaux de l’IER, continue de s’efforcer d’élucider les cas de disparitions forcées intervenues entre 1956 et 1999 restés non élucidés, y compris les cas liés au Sahara occidental. L’État partie devrait également intensifier ses efforts pour assurer aux victimes de torture et de mauvais traitements une réparation sous la forme d’une indemnisation équitable et suffisante et d’une réadaptation aussi complète que possible. À cet effet, il devrait inclure dans sa législation des dispositions sur le droit des personnes victimes de torture d’être indemnisées de manière équitable et adéquate du préjudice ainsi subi.

Coopération avec les mécanismes de l’ONU

30 . Le Comité recommande à l’ État partie d’intensifier sa coopération avec les mécanismes des droits de l’homme de l’ONU, notamment en autorisant les visites, entre autres, du Groupe de travail sur la détention arbitraire, d e la Rapporteu se spécial e sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants et du Rapporteur spécial sur le droit de réunion et d’association pacifiques .

3 1 . Le Comité invite l’État partie à envisager d’adhérer aux principaux instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, notamment au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

3 2 . L’État partie est exhorté à diffuser largement les rapports qu’il a soumis au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations de celui-ci, par le biais des sites Internet officiels , des médias et des organisations non gouvernementales.

3 3 . Le Comité pri e l’État partie de lui fournir , avant le 25 novembre 2012 , des renseignements sur la suite qui aura été donnée aux recommandations formulées visant à : 1) assurer ou renforcer les garanties juridiques des personnes détenues ; 2) mener des enquêtes promptes, impartiales et effectives ; 3) poursuivre les suspects et sanctionner le s auteurs , de torture ou de mauvais traitements ; et 4) octroyer les réparations visées aux paragraphes 7, 1 1 , 1 5 et 28 du présent document. De plus, le Comité demande à l’État partie de l’ inform er de la suite qui aura été donnée aux recommandations qu’il lui a adressées sur la loi contre le terrorisme au paragraphe 8 du présent document.

3 4 . Le Comité invite l’État partie à mettre à jour , si nécessaire , son document de base en date du 15 avril 2002 ( HRI/CORE/ 1/Add.23/Rev.1 et Corr.1), conformément aux instructions relatives au document de base commun qui figure nt dans les D irectives harmonisées concernant l’établissement de s rapports destinés aux organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6) .

3 5 . Le Comité invite l’État partie à soumettre son prochain rapport périodique , qui sera le cinquième , le 25 novembre 2015 au plus tard. À cette fin, le Comité invite l’ État partie à accepter, avant le 25 novembre 2012, de soumettre son rapport selon la procédure facultative qui consiste en la transmission par le Comité à l’ État partie d’une liste de questions préalable au rapport périodique. La réponse de l’ État partie à cette liste de questions préalable constituera le prochain rapport périodique de l’ État partie , conformément à l’article 19 de la Convention.