NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/FRA/CO/431 juillet 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑treizième sessionGenève, 7‑25 juillet 2008

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L ’ ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l ’ homme

FRANCE

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le quatrième rapport périodique de la France (CCPR/C/FRA/4) à ses 2545e et 2546e séances (CCPR/C/SR.2545 et 2546), les 9 et 10 juillet 2008, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 2562e séance (CCPR/C/SR.2562), le 22 juillet 2008.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de la France, notamment les renseignements faisant suite à ses recommandations antérieures (CCPR/C/79/Add.80), et se félicite des réponses complètes qui ont été apportées par écrit à la liste de questions du Comité sur des points d’actualité (CCPR/C/FRA/Q/4/Add.1). Le Comité a eu avec la délégation de l’État partie un dialogue ouvert et constructif, et il note que cette délégation comprenait des représentants de directions ministérielles jouant un rôle essentiel dans l’application du Pacte.

3.Le Comité regrette que le rapport de la France ait été soumis avec un retard de six ans et il invite instamment l’État partie à soumettre à l’avenir ses rapports à intervalles réguliers, conformément à ce qui est prévu dans le Pacte. Le Comité regrette également que le rapport ne soit pas pleinement conforme à ses directives concernant l’établissement des rapports, en ce qu’il ne contient pas suffisamment de renseignements concrets sur des questions comme la participation des membres des minorités ethniques à la vie politique, et assez d’informations sur l’application du Pacte dans les départements et territoires d’outre‑mer.

B. Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui confirme la décision antérieure de la France d’abolir la peine de mort.

5.Le Comité prend note de l’institution par l’État partie du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui sera chargé de superviser la modernisation des prisons et le traitement des détenus, dans le cadre de l’action menée pour améliorer les conditions pénitentiaires et réduire la surpopulation carcérale.

6.Le Comité accueille avec satisfaction la création par la France de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), qui peut recevoir les plaintes des particuliers et agir de son propre chef pour remédier aux problèmes de discrimination fondée sur l’origine nationale, le handicap, l’état de santé, l’âge, le sexe, la situation familiale ou conjugale, l’activité syndicale, l’orientation sexuelle, les convictions religieuses, l’apparence physique, le nom patronymique ou les particularités génétiques. Conformément à la loi no 2004/1486 du 30 décembre 2004, la HALDE est habilitée à adresser aux pouvoirs publics des recommandations tendant à des modifications d’ordre législatif ou réglementaire et à suggérer des transactions aux entreprises privées, et elle a exposé ses activités dans des rapports annuels complets.

7.Le Comité prend note de ce que la France a défini une nouvelle infraction pénale de traite des êtres humains constituée par le fait d’exploiter sexuellement une personne ou de lui imposer des conditions de vie ou de travail incompatibles avec le respect de la dignité humaine. L’État partie a condamné à ce titre 130 personnes dans les quatre années qui ont suivi la création de cette infraction.

8.Le Comité se félicite de la nouvelle législation de l’État partie concernant la répression des violences familiales qui élargit le champ d’application de la circonstance aggravante de façon à inclure les violences entre partenaires d’un pacte civil de solidarité et entre ex‑partenaires, qui consacre la jurisprudence reconnaissant le viol entre époux et renforce les dispositions prévoyant l’éviction d’un conjoint violent du domicile du couple (voir la loi no 2006‑399, adoptée le 4 avril 2006), ainsi que de la législation garantissant un droit de séjour dans le pays aux ressortissants étrangers victimes de violences conjugales. En outre, le Comité relève l’importance de la mise en place d’un numéro d’appel téléphonique national (le 3919) permettant de signaler des violences conjugales, l’extension des prestations de chômage aux femmes victimes qui sont obligées de changer de lieu de résidence du fait de violences conjugales, et la priorité accordée aux femmes victimes dans l’attribution des logements financés par l’État.

9.Le Comité se félicite de ce que la France prévoit à présent le même âge légal du mariage pour l’un et l’autre sexe, l’âge légal pour les filles ayant été porté de 15 à 18 ans, y compris dans les départements et territoires d’outre‑mer. Il y a lieu également de saluer le fait que dans le territoire d’outre‑mer de Mayotte l’État partie a établi les principes de la monogamie, de la prohibition de la répudiation unilatérale et de l’interdiction de la discrimination entre enfants en matière d’héritage au motif du sexe ou du caractère légitime de la naissance.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

10.Le Comité relève avec satisfaction l’engagement qu’a pris l’État partie de réexaminer sa déclaration interprétative à l’égard du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, concernant le droit de faire appel d’une condamnation pénale, et sa déclaration relative à l’article 13 concernant l’expulsion des étrangers, mais il demeure néanmoins préoccupé par la portée et le nombre des autres réserves et déclarations qui ont été adoptées aux fins de restreindre le champ d’application du Pacte. Il s’agit notamment de la réserve relative au paragraphe 1 de l’article 4 (prévoyant que le pouvoir du Président de prendre «les mesures exigées par les circonstances» dans un «état d’urgence ou un état de siège» ne peut être autrement limité par le Pacte), ainsi que de la réserve concernant les articles 9 et 14 du Pacte (dans laquelle il est affirmé que ces articles ne sauraient faire obstacle à «l’application des règles relatives au régime disciplinaire dans les armées»).

L’État partie devrait réexaminer ses réserves et déclarations interprétatives à l’égard du Pacte, dans la perspective de les retirer en totalité ou en partie.

11.Tout en saluant la déclaration de l’État partie selon laquelle l’absence de reconnaissance officielle des minorités à l’intérieur de son territoire n’empêche pas l’adoption de politiques appropriées destinées à préserver et à promouvoir la diversité culturelle, le Comité continue de ne pas partager le point de vue de l’État partie selon lequel le principe, dans l’abstrait, de l’égalité devant la loi et l’interdiction de la discrimination constituent des garanties suffisantes pour assurer aux personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques la jouissance égale et effective des droits énoncés dans le Pacte (art. 26 et 27).

L’État partie devrait réexaminer sa position concernant la reconnaissance officielle des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, conformément aux dispositions de l’article 27 du Pacte.

12.Le Comité note que l’État partie n’a donné aucune information statistique qui permettrait d’apprécier concrètement l’accès effectif à l’emploi dans les secteurs public et privé et aux services publics et la participation à la vie politique des personnes appartenant à des minorités raciales, ethniques ou nationales ainsi que des membres des différentes communautés religieuses. Le Comité note que l’absence d’informations à ce sujet peut masquer des discriminations de facto et constituer un obstacle à la conception de politiques publiques appropriées et efficaces pour lutter contre toutes les formes de discrimination raciale et religieuse (art. 2, 25, 26 et 27).

L’État partie devrait recueillir et communiquer des données statistiques adéquates, ventilées par origine raciale, ethnique et nationale, de façon à accroître l’efficacité de son action visant à assurer l’égalité des chances aux personnes appartenant à ces groupes minoritaires, et à satisfaire aux conditions énoncées dans les directives du Comité concernant l’établissement des rapports.

13.Le Comité demeure préoccupé par le fait que, malgré les mesures législatives et les mesures de politique générale adoptées par l’État partie pour promouvoir l’égalité entre les sexes, les femmes sont sous‑représentées dans les emplois de direction et de haut niveau dans la fonction publique de l’État, territoriale et hospitalière de même que dans le secteur privé. L’écart entre la rémunération des hommes et celle des femmes, la surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel et le taux de chômage élevé parmi les femmes appartenant à des minorités raciales, ethniques ou nationales continuent également de poser problème (art. 3 et 26).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour accroître la représentation des femmes dans les emplois de direction et de haut niveau, dans le secteur public comme dans le secteur privé, pour réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes et pour faciliter l’accès des femmes à des emplois à temps complet.

14.Le Comité note que les actes de terrorisme représentent une menace pour la vie mais il s’inquiète de ce que la loi no 2006-64 du 23 janvier 2006 permet de placer en garde à vue les personnes soupçonnées de terrorisme pour une période initiale de quatre jours, avec une prolongation possible jusqu’à six jours, avant de les déférer devant un juge qui décidera l’ouverture de l’instruction judiciaire ou la remise en liberté sans inculpation. Il relève aussi avec préoccupation que dans le cas des personnes en garde à vue soupçonnées de terrorisme l’accès à un avocat n’est garanti qu’au bout de soixante‑douze heures et peut encore être reporté jusqu’au cinquième jour quand la garde à vue est prolongée par un juge. Le Comité note aussi que le droit de garder le silence pendant l’interrogatoire de la police concernant toute infraction pénale, qu’elle soit ou non relative à des actes de terrorisme, n’est pas explicitement garanti dans le Code de procédure pénale (art.7 , 9 et 14).

L ’ État partie devrait veiller à ce que toute personne arrêtée du chef d ’ une infraction pénale, y compris les personnes soupçonnées de terrorisme, soit déférée dans le plus court délai devant un juge, conformément aux dispositions de l ’ article 9 du Pacte. Le  droit de communiquer avec un avocat constitue également une garantie fondamentale contre les mauvais traitements et l’État pa rtie devrait faire en sorte que  les personnes en garde à vue soupçonnées de terrorisme bénéficient sans délai de l’assistance d’un avocat. Toute personne arrêtée du chef d’une infraction pénale devrait être informée qu’elle a le droit de garder le silence pendant l’interrogatoire de police, conformément au paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte.

15.Le Comité demeure préoccupé par la longueur de la détention provisoire dans les affaires de terrorisme et de criminalité organisée, qui peut atteindre quatre ans et huit mois. Le Comité note que l’assistance d’un avocat de la défense et le réexamen périodique de la détention par le juge des libertés et de la détention en ce qui concerne le fondement factuel et la nécessité invoquée de la détention sont garantis et qu’il existe également un droit d’appel. Néanmoins, la pratique institutionnalisée d’une détention prolongée aux fins d’enquête, avant la mise en accusation définitive et le procès pénal, est difficilement conciliable avec le droit garanti dans le Pacte d’être jugé dans un délai raisonnable (art. 9 et 14).

L ’ État partie devrait limiter la durée de la détention avant jugement et renforcer le rôle des juges des libertés et de la détention.

16.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie est habilité en vertu de la loi no 2008‑174 (25 février 2008) à placer des personnes condamnées pénalement en rétention de sûreté pour des périodes renouvelables d’une année, en raison de leur «dangerosité», à l’issue de la peine de réclusion initialement prononcée. Même si le Conseil constitutionnel a interdit l’application rétroactive de cette disposition et si le juge qui condamne un individu inculpé d’une infraction pénale envisage la possibilité d’ordonner le futur placement en rétention de sûreté au moment du jugement de l’affaire, néanmoins le Comité est d’avis que la pratique pourrait continuer de poser des problèmes au regard des articles 9, 14 et 15 du Pacte (art. 9, 14 et 15).

L ’ État partie devrait réexaminer la pratique consistant à placer des personnes condamnées pénalement en rétention de sûreté après qu’elles ont accompli leur peine de réclusion en raison de leur «dangerosité» , à la lumière des obligations découlant des articles 9 , 14 et 15 du Pacte.

17.Le Comité relève les efforts notables entrepris par l’État partie pour rénover les bâtiments pénitentiaires, augmenter le nombre de places pour les prévenus et mettre au point des mesures de substitution à l’incarcération, comme le maintien en liberté sous surveillance, mais il demeure préoccupé par la surpopulation et les conditions par ailleurs mauvaises qui règnent dans les prisons. Le plan visant à augmenter la capacité d’accueil des prisons pour atteindre 63 500 places d’ici à 2012 sera néanmoins à l’évidence nettement insuffisant par rapport à l’augmentation de la population carcérale. En outre, le Comité donne acte à l’État partie des projets tendant à recueillir systématiquement des données sur les allégations de mauvais traitements par les représentants de forces de l’ordre, mais des préoccupations demeurent quant aux comportements non déontologiques de certains agents pénitentiaires, notamment le recours inapproprié à l’isolement cellulaire et les violences à l’intérieur de la prison (art. 7 et 10).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour diminuer la surpopulation dans les prisons et renforcer son contrôle des établissements pénitentiaires de façon énergique, afin de garantir que toutes les personnes en détention soient traitées conformément aux prescriptions des articles 7 et 10 du Pacte et à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus .

18.Le Comité note avec préoccupation que de très nombreux étrangers sans papiers et demandeurs d’asile sont retenus dans des locaux inappropriés − zones d’attente dans les aéroports et centres et locaux de rétention administrative. Le Comité est également préoccupé par des informations faisant état d’une situation d’entassement et d’insuffisance des installations sanitaires, et de la nourriture et des soins médicaux inadéquats, en particulier dans les départements et territoires d’outre‑mer, et par le fait que des inspections indépendantes régulières de ces centres ne soient pas menées. Le Comité note avec inquiétude la situation des mineurs non accompagnés placés dans de tels centres de rétention et les informations signalant l’absence de dispositifs garantissant la protection de leurs droits, et le retour en toute sécurité dans leur communauté d’origine (art. 7, 10 et 13).

L ’ État partie devrait revoir sa politique de détention à l ’ égard des étrangers sans papiers et des demandeurs d ’ asile, y compris des mineurs non accompagnés. Il  devrait prendre des mesures pour atténuer la surpopulation et améliorer les conditions de vie dans l es centres de rétention, en particulier ceux des départements et territoires d ’ outre ‑ mer.

19.Le Comité demeure préoccupé par les allégations indiquant que des étrangers dont des demandeurs d’asile, détenus dans des prisons et des centres de rétention administrative sont l’objet de mauvais traitements de la part des agents des forces de l’ordre et que l’État partie n’a pas ouvert d’enquête sur ces violations des droits de l’homme ni sanctionné comme il convient leurs auteurs. Le Comité note l’absence de renseignements statistiques détaillés sur les cas rapportés de mauvais traitements de ressortissants étrangers, y compris sur les sanctions prises contre les responsables (art. 7 et 9).

L ’ État partie ne devrait accepter aucune tolérance pour les actes de mauvais traitements commis par les agents des forces de l’ordre sur la personne de ressortissants étrangers, y compris de demandeurs d’asile, qui sont placés dans des  prisons et des centres de rétention administrative. Il doit mettre en place des systèmes adéquats pour surveiller les pratiques et prévenir les violations et devrait mettre au point de nouvelles formations à l’intention des agents des forces de l’ordre.

20.Le Comité relève avec satisfaction la déclaration de l’État partie qui affirme qu’il s’efforce d’honorer l’obligation de «non‑refoulement» pour éviter le renvoi de toute personne vers un pays où il y a pour elle un risque réel de mauvais traitements. Néanmoins, il est préoccupé par des informations signalant que des étrangers ont en fait été renvoyés dans des pays où leur intégrité était en danger et ont effectivement été soumis à des traitements contraires à l’article 7 du Pacte. Le Comité a également reçu des informations signalant que souvent les étrangers ne sont pas correctement informés de leurs droits, notamment du droit de demander l’asile, et que souvent l’assistance d’un conseil ne leur est pas assurée. Il relève que les étrangers sont tenus de soumettre leur demande d’asile dans un délai maximum de cinq jours après le placement en rétention et que les demandes doivent être rédigées en français, ce qui se fait souvent sans l’aide d’un traducteur. Le droit d’appel est également assorti d’un certain nombre de restrictions contestables, notamment un délai d’appel de quarante‑huit heures, et l’absence de suspension automatique de l’expulsion en attendant la décision sur le recours dans les cas où des considérations de «sécurité nationale» sont en jeu. Le Comité s’inquiète également de ce qu’en vertu de la procédure dite «procédure prioritaire» l’expulsion physique a lieu sans attendre la décision d’un tribunal si la personne est renvoyée vers un «pays d’origine sûr», y compris apparemment vers l’Algérie et le Niger. De plus, aucun recours en justice n’est ouvert pour les personnes expulsées à partir du territoire d’outre‑mer de Mayotte, ce qui serait le cas de 16 000 adultes et de 3 000 enfants chaque année, ni à partir de la Guyane française ou de la Guadeloupe (art. 7 et 13).

L’ État partie devrait veiller à ce que la décision de renvoyer un étranger, y compris un demandeur d’asile, soit prise à l’issue d’une procédure équitable qui permet d’exclure effectivement le risque réel de violations graves des droits de l’homme dont l’intéressé pourrait être victime à son retour. Les étrangers sans papiers et les demandeurs d’asile doivent être correctement informés de leurs droits, lesquels doivent leur être garantis, y compris du droit de demander l’asile, et bénéficier d’une aide juridictionnelle gratuite. L’État partie devrait également veiller à ce que tous les individus frappés d’un arrêté d’expulsion disposent de suffisamment de temps pour établir une demande d’asile, bénéficient de l’assistance d’un traducteur et puissent exercer leur droit de recours avec effet suspensif.

L’État partie devrait en outre reconnaître que plus la pratique de la torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants est systématique moins il y a de chances que les assurances diplomatiques permettent d’éviter le risque réel de traitements incompatibles avec le Pacte, aussi rigoureuse la procédure de suivi éventuellement arrêtée soit ‑elle. L’État partie devrait faire preuve de la plus grande circonspection quand il recourt aux assurances diplomatiques et adopter des procédures claires et transparentes prévoyant un réexamen par des mécanismes judiciaires appropriés avant de procéder à une expulsion, ainsi que des moyens efficaces de suivre la situation des personnes renvoyées.

21.Le Comité est préoccupé par la durée des procédures de regroupement familial pour les réfugiés statutaires. Il note également que la procédure permettant l’utilisation de tests ADN pour établir la filiation aux fins du regroupement familial, introduite par l’article 13 de la loi no 2007-1631 du 20 novembre 2007, peut soulever des problèmes de compatibilité avec les articles 17 et 23 du Pacte, même si elle a un caractère facultatif et si des garanties procédurales sont énoncées dans la loi (art. 17 et 23).

L’État partie devrait revoir sa procédure de regroupement familial pour les réfugiés statutaires, en vue de garantir que les demandes de regroupement familial soient traitées aussi rapidement possible. Il devrait aussi adopter toutes les mesures voulues pour garantir que l a mise en œuvre des tests ADN comme moyen d’établir la filiation ne crée pas d’obstacles supplémentaires au regroupement familial et que la pratique de ces tests soit toujours subordonnée au consentement éclairé préalable du demandeur.

22.Le Comité reconnaît le rôle important joué par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) pour protéger l’intégrité et la confidentialité des informations concernant la vie privée d’un individu contre toute immixtion arbitraire ou illégale des autorités publiques ou de particuliers ou d’organismes privés, mais il s’inquiète de la prolifération de différentes bases de données, et relève que d’après les rapports qu’il a reçus, la collecte, le stockage et l’utilisation de données personnelles sensibles contenues dans les bases de données comme «EDVIGE» (Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale) et «STIC» (Système de traitement des infractions constatées) peut soulever des questions au regard de l’article 17 du Pacte (art. 17 et 23).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour garantir que la collecte, le stockage et l’utilisation de données personnelles sensibles soient compatibles avec les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 17 du Pacte. Compte tenu de l’Observation générale n o  16 (1988) relative au droit au respect de la vie privée, de la famille, du domicile et de la correspondance, et à la protection de l’honneur et de la réputation, l’État partie devrait veiller en particulier à ce que:

a) La collecte et la conservation de données personnelles dans les ordinateurs, dans des banques de données et selon d’autres procédés, que ce soit par les autorités publiques, des particuliers ou des organismes privés, soient régies par la loi;

b) Des mesures effectives soient adoptées pour garantir que ces informations n’arrivent pas entre les mains de personnes non autorisées par la loi à les recevoir, les traiter et les utiliser;

c) Les individus relevant de sa juridiction aient le droit de demander la rectification ou la suppression d’une donnée qui est incorrecte ou a été recueillie ou traitée en violation des dispositions de la loi;

d) Le fichier «EDVIGE» ne porte que sur les enfants à partir de 13 ans qui ont été reconnus coupables d’une infraction pénale;

e) Le fichier «STIC» soit strictement limité aux individus qui sont soupçonnés, dans le cadre d’une enquête, d’avoir commis une infraction pénale.

23.Le Comité note avec préoccupation que des élèves de l’enseignement primaire et secondaire sont empêchés par la loi no 2004-228 du 15 mars 2004 d’assister aux cours dans les établissements scolaires publics s’ils portent des signes religieux qualifiés d’«ostensibles». L’État partie n’a mis en place que des moyens d’enseignement moyens limités − téléenseignement ou enseignement par Internet − à l’intention des élèves qui veulent, pour des raisons de conscience et de conviction, avoir la tête couverte par exemple d’une calotte (kippa), un foulard (hijab) ou d’un turban. Ainsi les élèves juifs, musulmans et sikhs pratiquants peuvent être empêchés d’aller à l’école en compagnie des autres enfants français. Le Comité note que pour respecter une culture publique de laïcité il ne devrait pas être besoin d’interdire le port de ces signes religieux courants (art. 18 et 26).

L ’ État partie devrait réexaminer la loi n o  2004 - 228 du 15 mars 2004 à la lumière des garanties consacrées dans l’article 18 du Pacte , relatif à la liberté de conscience et de religion, y compris la liberté de manifester sa religion, tant en public qu’en privé, ainsi que du principe d’égalité garanti à l’article 26.

24.Le Comité note que des sources continuent de signaler des cas de violences antisémites graves visant des personnes qui portent des signes visibles de la religion juive dans des lieux publics ou dont on sait qu’elles appartiennent à la communauté juive, ainsi que des violences interethniques (art. 2, 6, 18 et 26).

L ’ État partie devrait redoubler d’efforts pour lutter contre la violence raciste et antisémite, et mener une campagne d’éducation publique sur la nécessité d’observer le respect mutuel entre citoyens d’une entité démocratique.

25.Le Comité note avec préoccupation que malgré les mesures adoptées par l’État partie pour lutter contre la discrimination dans l’emploi, comme l’adoption récente de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 et la signature par plusieurs entreprises privées de la «Charte de la diversité dans les entreprises» conçue comme un instrument de promotion de la diversité sur le lieu de travail, il reste que des personnes appartenant à des minorités ethniques, nationales ou religieuses − spécialement celles qui portent un nom nord‑africain ou arabe − se heurtent à des pratiques discriminatoires graves qui empêchent ou limitent l’accès en toute égalité à l’emploi (art. 2 et 26).

L ’ État partie devrait re nforcer son arsenal législatif et ses mécanismes institutionnels de façon à faire disparaître toute pratique discriminatoire qui empêche l’accès en toute égalité à l’emploi des personnes appartenant à des minorités ethniques, nationales ou religieuses − et tout particulièrement de celles qui portent un nom nord ‑africain ou arabe. De plus, l’État partie devrait entreprendre de rassembler des données statistiques ventilées en fonction de l’origine ethnique ou nationale en ce qui concerne l’accès à l’emploi, de façon à évaluer les progrès accomplis et les obstacles rencontrés sur la voie de la réalisation de l’égalité des chances dans le domaine de l’emploi pour les personnes appartenant à des minorités ethniques, nationales et religieuses.

26.Le Comité relève avec préoccupation que les personnes appartenant à des minorités raciales, ethniques ou nationales sont rarement désignées pour siéger dans des organes représentatifs, notamment l’Assemblée nationale, et qu’il y a peu de fonctions qu’elles peuvent occuper dans la police, l’administration publique et l’appareil judiciaire (art. 2, 25 et 26).

L ’ État partie devrait faciliter la représentation des personnes appartenant à des groupes minoritaires dans les organes électifs, y compris à l’Assemblée nationale et dans les autorités locales. En particulier, il devrait rechercher des moyens pour accroître le nombre de candidats appartenant à des minorités portés sur les listes des partis politiques qui se présentent aux élections. La nomination de personnes originaires de minorités dans la police, l’administration publique et l’appareil judiciaire est également importante pour assurer la prise en compte des besoins de toutes les communautés dans la planification, la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques et des programmes les concernant.

27.L’État partie devrait faire largement connaître le texte du quatrième rapport périodique, les réponses écrites qu’il a apportées à la liste de questions à traiter établie par le Comité et les présentes observations finales.

28.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait adresser, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 12, 18 et 20.

29.Le Comité fixe au 31 juillet 2012 la date ferme à laquelle le cinquième rapport périodique de la France devra lui être soumis. Il demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements concrets à jour sur toutes ses recommandations et sur le Pacte dans son ensemble, notamment des renseignements détaillés sur l’application du Pacte dans les départements et territoires d’outre‑mer. Le Comité demande aussi que le cinquième rapport périodique soit élaboré avec la participation de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans l’État partie.

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