Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/CO/73/AZE

12 novembre 2001

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMESoixante‑treizième session

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du Pacte

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Azerbaïdjan

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le deuxième rapport périodique de la République azerbaïdjanaise (CCPR/C/AZE/99/2) à ses 1974e et 1975e séances (voir document CCPR/C/SR.1974 et 1975), le 26 octobre 2001. Il a adopté les observations finales ci‑après à sa 1983e séance (CCPR/C/SR.1983), le 1er novembre 2001.

A. Introduction

2.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l’Azerbaïdjan. Il se félicite des explications franches et constructives données par la délégation sur les mesures prises par l’État partie depuis la présentation de son rapport initial. Il félicite en outre la délégation de lui avoir fourni des informations à jour au sujet de la situation juridique en Azerbaïdjan, mais regrette de ne pas avoir reçu plus de renseignements sur l’application des droits énoncés dans le Pacte dans la pratique.

B. Aspects positifs

3.Le Comité félicite l’État partie d’avoir entrepris, en période de transition après un régime totalitaire et dans le contexte d’un conflit armé qui s’est traduit par le déplacement d’une grande partie de la population, l’harmonisation de sa législation avec ses obligations internationales. Il note avec satisfaction que de nombreuses lois ont été promulguées pour aligner le droit interne sur les dispositions du Pacte.

4.Le Comité se félicite de l’abolition de la peine de mort en 1998 ainsi que de l’adhésion de l’État partie au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, bien qu’avec une réserve concernant la situation en temps de guerre. Il se félicite également des informations données par la délégation au sujet de la ratification du Protocole facultatif.

5.Le Comité note avec satisfaction qu’en vertu de l’article 151 de la Constitution, en cas de contradiction entre les obligations internationales de l’Azerbaïdjan, y compris les droits énoncés dans le Pacte, et le droit interne, les premières ont la primauté.

6.Le Comité est heureux qu’un accord ait été conclu entre l’État partie et le Comité international de la Croix‑Rouge, aux termes duquel le CICR est autorisé à se rendre dans les prisons et les centres de détention azerbaïdjanais.

7.Le Comité se félicite de la réforme du système de procédure pénale et des responsabilités ministérielles, en particulier du fait que les centres de détention relèvent non plus du Ministère de l’intérieur mais du Ministère de la justice.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

8.Tout en se félicitant de la clause constitutionnelle selon laquelle, en cas d’urgence, toute restriction des droits et des libertés des citoyens est soumise aux obligations internationales de l’État (art. 71, par. 3), le Comité note avec préoccupation que les notifications présentées par l’État partie au sujet du recours à l’article 4 du Pacte sont libellées en termes relativement généraux et vagues.

L’ État partie devrait veiller à ce que le projet de loi sur l’état d’urgence et toute application future de cette loi soient compatibles avec l’article 4 du Pacte et à ce qu’il n’y ait aucune dérogation à des droits dans la pratique, à moins que les conditions énoncées à l’article 4 ne soient réunies.

9.Le Comité juge préoccupante l’absence de mécanisme indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes déposées contre des membres de la police et des gardiens de prison, ce qui peut expliquer le faible nombre de plaintes enregistrées, qui contraste avec les informations émanant de sources non gouvernementales faisant état de nombreuses violations (art. 2, 7 et 9).

L’État partie devrait créer un organe indépendant habilité à recevoir toutes les plaintes relatives à l’usage excessif de la force et autres abus d’autorité commis par les forces de l’ordre et à enquêter sur elles et engager une procédure pénale et disciplinaire contre les auteurs de ces actes.

10.Tout en se félicitant des mesures prises pour harmoniser la législation nationale avec les normes internationales visant à prévenir la torture, le Comité juge profondément préoccupantes les informations indiquant que la loi ne serait pas appliquée et celles qui continuent de faire état du recours à la torture et autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants. Il note que la délégation n’a pu fournir de précisions sur le nombre d’enquêtes et de procédures ouvertes sur des cas de torture, en particulier en vertu du nouveau Code pénal, non plus que sur les recours dont disposent les victimes et leurs familles, notamment la réinsertion et la réparation (art. 2 et 7).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour assurer la pleine application de ses obligations nationales et internationales au regard de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il devrait veiller à ce que toutes les allégations de torture fassent promptement l’objet d’une enquête approfondie et impartiale, à ce que les auteurs soient poursuivis et à ce que les victimes ou, le cas échéant, leur famille obtiennent réparation.

11.Le Comité juge préoccupant que le droit des détenus d’avoir accès aux services d’un avocat, à des conseils médicaux ou de contacter des membres de leur famille ne soit pas toujours respecté dans la pratique (art. 7 et 9).

L’État partie devrait assurer le respect scrupuleux de ces droits par les forces de l’ordre, le ministère public et le pouvoir judiciaire.

12.Le Comité est préoccupé par le surpeuplement dans les prisons. Il note que les informations fournies par l’État partie sur les mesures prises ne sont pas suffisantes (art. 10).

L’État partie devrait faire le nécessaire pour mettre un terme au surpeuplement dans les prisons et veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et dans le respect de leur dignité conformément aux dispositions de l’article 10.

13.Le Comité est préoccupé par l’absence d’inspection indépendante et transparente des prisons.

L’État partie devrait mettre en place un système d’inspection indépendante des établissements de détention, qui devrait comprendre des éléments indépendants du Gouvernement de manière à assurer la transparence et le respect de l’article 10.

14.Tout en notant avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réformer le pouvoir judiciaire, en particulier le Décret présidentiel du 17 janvier 2000 qui vise à améliorer la procédure de nomination des juges, le Comité est préoccupé par des informations faisant état d’irrégularités au cours de la procédure de sélection dans la pratique. Il considère également préoccupant que les juges ne soient pas inamovibles et le fait que la latitude dont les autorités administratives semblent disposer pour décider de l’affectation des juges et de leur place dans la hiérarchie peut exposer les juges aux pressions politiques et compromettre leur indépendance et leur impartialité. Le Comité considère que la nouvelle loi sur le barreau peut empêcher les avocats d’exercer leurs fonctions librement et en toute indépendance (art. 14).

Le Comité recommande la mise en place de procédures claires et transparentes applicables au processus de nomination et d’affectation des membres du pouvoir judiciaire, afin d’assurer la pleine application de la loi dans la pratique et de préserver l’indépendance et l’impartialité des juges. L’État partie devrait en outre veiller à ce que les critères d’accès et d’appartenance au barreau ne compromettent pas l’indépendance des avocats. Il devrait fournir des informations sur la distinction existant entre un «avocat agréé» et un membre du barreau.

15.Le Comité note avec une profonde préoccupation qu’il n’a reçu aucune information sur l’ampleur du problème de la traite des femmes, sachant que l’État partie serait à la fois un pays d’origine et de transit. Tout en reconnaissant la nécessité de lois pour combattre la traite des femmes, la délégation a noté que cette pratique n’était pas définie en tant que délit pénal distinct si la victime n’était pas mineure; en outre, la délégation n’a pas donné d’informations convaincantes sur les mesures prises pour combattre ce phénomène (art. 3 et 8).

L’État partie devrait s’employer résolument à combattre cette pratique, qui constitue une violation de plusieurs droits énoncés dans le Pacte, notamment aux articles 3 et 8, en imposant des sanctions à ceux qui s’y livrent.

16.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas pris les mesures requises pour aider les femmes à éviter les grossesses non désirées et pour veiller à ce qu’elles ne subissent pas d’avortement qui mette leur vie en danger.

L’État partie devrait prendre les mesures requises pour aider les femmes à éviter les grossesses non désirées et les avortements qui mettent leur vie en danger ainsi qu’à adopter des programmes appropriés de planification familiale à cet effet.

17.Pour ce qui est des articles 3, 9 et 26 du Pacte, le Comité juge préoccupant le nombre de cas de violence à l’égard des femmes, notamment de viols et d’actes de violence au foyer. Il note avec inquiétude que la violence dans la famille n’est apparemment pas considérée comme problème. Le Comité note également que des informations sur ces questions ne sont pas systématiquement collectées, que les femmes sont peu sensibilisées à leurs droits et aux recours qui leur sont ouverts et que les plaintes ne sont pas suffisamment prises au sérieux.

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour combattre la violence à l’égard des femmes, y compris le viol conjugal. Il devrait aussi organiser une campagne d’information efficace sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes. Le Comité demande instamment à l’État partie de recueillir et conserver systématiquement des données fiables sur la fréquence des cas de violence et de discrimination contre les femmes sous toutes leurs formes.

18.Le Comité craint que ne soient encore généralisées des attitudes traditionnelles envers les femmes qui réduisent leur rôle pour l’essentiel à celui d’épouse et de mère (art. 3 et 26 du Pacte).

L’État partie devrait prendre des mesures pour modifier les attitudes traditionnelles à l’égard du rôle des femmes dans la société. Il devrait organiser des programmes spéciaux de formation à l’intention des femmes et des campagnes systématiques de sensibilisation en la matière.

19.Le Comité note qu’en dépit des améliorations récentes, la proportion des femmes participant à la vie publique et travaillant dans le secteur privé, notamment à des postes de responsabilité, ou siégeant au Parlement reste anormalement faible (art. 3).

L’État partie devrait faire le nécessaire pour assurer une représentation équilibrée des femmes dans ces secteurs.

20.Pour ce qui est des droits des étrangers, le Comité considère que les dispositions de la législation de l’État partie garantissant les droits énoncés dans le Pacte aux étrangers sur la base du principe de la réciprocité sont contraires aux articles 2 et 26 du Pacte. De même, il juge préoccupant qu’en vertu de l’article 61 de la Constitution le droit d’avoir immédiatement accès à une représentation en justice ne soit garanti qu’aux citoyens.

Le Comité recommande à l’État partie de faire le nécessaire pour garantir tous les droits des étrangers conformément aux articles 2 et 26 du Pacte.

21.Le Comité note que la loi ne prévoit pas le statut d’objecteur de conscience, qui peut légitimement être invoqué en vertu de l’article 18 du Pacte.

L’État partie devrait veiller à ce que les personnes appelées à faire leur service militaire puissent invoquer l’objection de conscience et s’acquitter, sans discrimination, d’une autre forme de service.

22.Le Comité juge préoccupantes les limitations importantes imposées à la liberté d’expression et des médias. Tout en prenant note des explications données par la délégation à ce sujet, il demeure préoccupé par les informations faisant état de harcèlement et du recours à des procédures de diffamation pour tenter de réduire au silence des journalistes critiques du Gouvernement ou des autorités, ainsi que de la fermeture de journaux et de l’imposition de lourdes amendes dans le but de porter atteinte à la liberté d’expression (art. 19).

Le Comité prie instamment l’État partie de faire le nécessaire pour mettre un terme aux restrictions directes et indirectes à la liberté d’expression. La loi sur la diffamation devrait être harmonisée avec l’article 19, en assurant un juste équilibre entre la protection de la réputation d’une personne et la liberté d’expression.

23.Le Comité considère préoccupants les obstacles qui seraient mis à l’enregistrement et à la liberté d’action des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme et des partis politiques (art. 19, 22 et 25).

Le Comité prie instamment l’État partie de faire tout le nécessaire pour permettre aux organisations non gouvernementales nationales de défense des droits de l’homme d’opérer sans entraves. Pour ce qui est des partis politiques, le Comité exhorte l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour que l’obligation d’enregistrement ne serve pas à réduire au silence les mouvements politiques d’opposition et à limiter les droits d’association garantis par le Pacte. En particulier, la loi devrait préciser le statut des associations, des organisations non gouvernementales et des partis politiques pendant la période qui s’écoule entre la demande d’enregistrement et la décision finale; ce statut devrait être conforme aux articles 19, 22 et 25 du Pacte.

24.Le Comité est préoccupé par les ingérences sérieuses observées dans le processus électoral, tout en notant que la délégation a déclaré que les responsables seraient châtiés et démis de leurs fonctions et que les élections seraient annulées et auraient lieu de nouveau dans 11 districts où des violations graves avaient été constatées.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour que le processus électoral se déroule dans des conditions conformes aux dispositions de l’article 25 du Pacte.

25.Le Comité est préoccupé par le fait que le public est apparemment peu conscient des dispositions du Pacte (art. 2).

L’État partie devrait faire largement connaître les dispositions du Pacte et le mécanisme de plainte auquel les citoyens peuvent avoir recours, comme prévu à l’entrée en vigueur du Protocole facultatif dans l’État partie.

26.L’État partie devrait donner une large diffusion à l’examen de son deuxième rapport périodique par le Comité et, en particulier, aux présentes observations finales.

27.Il est demandé à l’État partie, conformément au paragraphe 5 de l’article 70 du règlement intérieur du Comité, de communiquer, dans un délai de 12 mois, des renseignements sur l’application des recommandations du Comité concernant les mesures prises pour assurer la compatibilité de la Constitution et du projet de loi sur les états d’urgence (voir par. 8 ci‑dessus) avec l’article 4 du Pacte; les enquêtes ouvertes sur toutes les allégations de torture, les poursuites intentées contre les responsables et la réparation accordée aux victimes, ou, le cas échéant, à leur famille (par. 10); les mesures législatives et pratiques adoptées pour combattre la violence à l’égard des femmes et la traite des femmes (par. 15 et 17), les mesures prises pour veiller à ce que toutes restrictions imposées à la liberté d’expression n’excèdent pas celles autorisées en vertu de l’article 19 (3) du Pacte (par. 22), ainsi que les dispositions prises pour faire en sorte que les élections générales traduisent fidèlement le choix de la population (par. 24). Le Comité demande que des renseignements relatifs à ses autres recommandations soient inclus dans le troisième rapport périodique, qui doit lui être soumis d’ici au 1er novembre 2005.

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