Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/CO/78/SLV

22 août 2003

FRANÇAIS

Original: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Soixante-dix-huitième session

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

EL SALVADOR

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné les troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques d’El Salvador regroupés en un seul document (CCPR/C/SLV/2002/3) à ses 2113e, 2114e et 2115e séances (CCPR/C/SR.2113, 2114 et 2115), tenues les 22 et 23 juillet 2003, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 2125e séance (CCPR/C/SR.2125), le 30 juillet.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction les troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques, regroupés en un seul document, présentés par El Salvador, tout en déplorant qu’ils l’aient été tardivement. Il note que le rapport renferme des renseignements utiles sur les modifications opérées dans certains domaines en matière juridique et institutionnelle, ainsi que sur les difficultés et obstacles auxquels l’État partie se heurte dans la mise en œuvre du Pacte.

B. Aspects positifs

3.Le Comité se félicite des efforts faits par l’État partie pour consolider et affermir l’état de droit et la démocratie et prend note avec satisfaction des réformes d’ordre juridique et institutionnel qu’il a adoptées ces dernières années dans le domaine des droits de l’homme suite aux Accords de paix de 1992.

4.Le Comité prend acte avec satisfaction de l’adhésion, en juin 1995, de l’État partie au Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

5.Le Comité se félicite de la création, en juin 2000, au sein de la Police nationale civile (PNC) d’un service des droits de l’homme, service d’appui chargé de veiller à la protection et à la promotion des droits de l’homme dans le cadre des missions dévolues à la police. De même, le Comité accueille avec satisfaction les déclarations de la délégation confirmant l’approbation en 2001, aux termes d’une loi organique, de la création du Conseil d’éthique policière, organe de contrôle de la PNC, tout en notant que ledit organe est encore en cours de formation.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité se déclare de nouveau profondément préoccupé par la loi d’amnistie générale pour la consolidation de la paix de 1993 et par son application dans des cas de violations graves des droits de l’homme, y compris celles examinées et établies par la Commission de la vérité. Tout en prenant note de la position de l’État partie, pour qui la loi d’amnistie générale est compatible avec la Constitution salvadorienne, le Comité pense que la loi porte atteinte au droit à un recours utile prévu à l’article 2 du Pacte, car elle empêche d’engager des poursuites contre tous les responsables de violations des droits de l’homme et de les châtier et qu’elle empêche aussi les victimes d’obtenir réparation.

Le Comité réitère les observations finales qu’il a adoptées le 8 avril 1994, au titre desquelles il a recommandé de réexaminer les effets de la loi d’amnistie générale et de la revoir pour la rendre pleinement compatible avec les dispositions du Pacte. L’État partie doit respecter et garantir l’exercice des droits consacrés par le Pacte.

7.le Comité est préoccupé par le fait que l’affaire concernant l’assassinat de Monseigneur Oscar Romero, archevêque de San Salvador, ait été classée pour cause de prescription, bien que le présumé responsable du crime ait été identifié, sans qu’il ait été vérifié si cette décision était compatible avec les obligations imposées par le droit international.

L’État partie doit réviser le régime de la prescription pour le rendre pleinement compatible avec les obligations prévues dans le Pacte et pour qu’il soit possible de faire enquêter sur les violations des droits de l’homme et de les réprimer.

8.Le Comité regrette que la délégation n’ait pas apporté de réponse satisfaisante à la question de savoir si tous les militaires et officiers de justice cités dans le rapport de la Commission de la vérité ont été effectivement suspendus de leurs fonctions, comme la Commission l’a recommandé.

L’État partie est instamment prié de donner suite aux recommandations figurant dans le rapport de la Commission de la vérité et de communiquer les renseignements demandés.

9.Tout en accueillant avec satisfaction les mesures que l’État partie a commencé à prendre pour réformer le système judiciaire, par exemple la création du Conseil national de la magistrature, le Comité craint que les réformes engagées ne soient pas suffisantes pour assurer l’application de l’article 14 du Pacte.

L’État partie est invité à communiquer dans son prochain rapport des informations supplémentaires sur le nouveau système judiciaire, en ce qui concerne en particulier le nombre de juges nommés après les réformes et leurs fonctions respectives.

10.Tout en prenant acte avec satisfaction des enquêtes menées à propos de l’usurpation de titres d’avocat, de juge et de procureur pour s’assurer des qualifications professionnelles de ceux qui administrent la justice, comme le veut le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, le Comité constate que, nonobstant le grand nombre de cas qui ont fait l’objet d’enquêtes, deux destitutions seulement ont été prononcées.

L’État partie doit poursuivre les enquêtes pour garantir le bon niveau professionnel des membres de l’appareil judiciaire.

11.Le Comité s’inquiète des conditions de recrutement dans la PNC, car elles n’écartent pas ceux qui auraient commis des violations des droits de l’homme ou du droit humanitaire.

L’État partie doit prendre des mesures pour s’assurer qu’aucun membre de la PNC n’a commis de violations des droits de l’homme ou du droit humanitaire.

12.Le Comité est préoccupé par les plaintes touchant l’implication de la PNC dans des violations du droit à la vie (art. 6) ainsi que dans des actes de torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants et dans des abus de pouvoir (art. 7), et regrette de n’avoir pu obtenir d’informations précises sur le nombre de destitutions prononcées pour des actes de torture ou actes analogues.

Le Comité invite l’État partie à fournir des renseignements précis sur ce point et recommande que la PNC applique les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois. Il devrait aussi envisager de mettre en place un mécanisme indépendant de la PNC, habilité à faire des recherches et à surveiller celle‑ci.

13.Le Comité se déclare préoccupé par les informations selon lesquelles la Procuratrice générale aurait reçu des menaces dans l’exercice de ses fonctions.

Pour ce qui est de l’article 2 du Pacte, le Comité invite instamment l’État partie à appuyer le Bureau du Procureur général à lui apporter un soutien institutionnel sans réserve pour garantir son indépendance et à lui fournir des ressources matérielles et humaines nécessaires à son bon fonctionnement. Il recommande également à l’État partie d’adopter les mesures complémentaires voulues pour garantir la sécurité de tous les fonctionnaires du Bureau du Procureur général dans l’exercice de leurs fonctions.

14.Le Comité s’inquiète de la sévérité des lois en vigueur dans l’État partie qui pénalisent l’avortement, étant donné en particulier que les avortements illégaux ont des conséquences préjudiciables pour la vie, la santé et le bien‑être des femmes.

l’État partie doit prendre les mesures voulues pour que sa législation soit conforme aux dispositions du Pacte relatives à la protection de la vie et de l’intégrité de la personne, afin d’aider les femmes à éviter les grossesses non désirées et de veiller à ce qu’elles n’aient pas à subir d’avortements clandestins mettant leur vie en danger, comme indiqué dans l’Observation générale no 28.

15.Tout en prenant note des efforts faits par l’État partie pour lutter contre la violence au foyer, le Comité constate avec préoccupation que les violences contre les femmes persistent, ce qui soulève des questions en ce qui concerne l’article 9 du Pacte. En outre, il est préoccupé par le fort pourcentage de femmes qui ont été victimes d’actes de violence au sein de la PNC.

L’État partie doit adopter des mesures pour garantir l’application de la loi contre la violence au foyer. De même, le Comité espère que le Plan institutionnel touchant la prise en compte des sexospécificités à l’intérieur de la PNC aboutira.

16.Le Comité est préoccupé par les agressions perpétrées contre des personnes, dont certaines sont mortes, en raison de leur orientation sexuelle ou de leur sexe, par le nombre peu élevé d’enquêtes conduites sur ces actes illicites et par les dispositions en vigueur (comme les «Ordinanzas Contravencionales» de portée locale) qui servent à faire une discrimination fondée sur les mœurs (art. 26).

L’État partie doit assurer une protection efficace contre la violence ou la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

17.Le Comité note avec préoccupation que nonobstant la classification récente des centres pénitentiaires établissant une distinction entre les centres de prévention et les centres d’exécution des peines, les prisons continuent d’être surpeuplées et que les prévenus continuent d’être incarcérés avec les condamnés.

L’État partie doit prendre les mesures voulues pour éviter le surpeuplement carcéral et garantir la séparation des prévenus des condamnés, conformément à l’article 10 du Pacte.

18.Le Comité est préoccupé par le libellé de l’article 297 du Code pénal, où la qualification du délit de torture manque de précision.

L’État partie doit renforcer la protection contre la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 7), notamment en précisant la définition de la torture que donne l’article 297 du Code pénal et en faisant appliquer cet article quand il y a lieu.

19.Le Comité regrette que la délégation n’ait pu expliquer sur quels critères l’Assemblée législative s’est fondée pour ne pas appuyer la création d’une commission nationale de recherche chargée de localiser les enfants disparus durant le conflit (art. 6, 7 et 24).

L’État partie est instamment prié de fournir des données détaillées sur les enfants retrouvés vivants et les enfants qui ont péri au cours du conflit. De même, il invite l’État partie à envisager de nouveau la création de la commission nationale de recherche des enfants disparus et à instituer un fonds de réparation au bénéfice des jeunes qui ont été retrouvés.

20.Le Comité prend note avec préoccupation des déclarations de la délégation par lesquelles celle‑ci a reconnu les limitations apportées au droit d’adhérer à un syndicat, faisant valoir cependant que ces limitations ne s’appliquent pas systématiquement.

L’État partie doit garantir à toute personne le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer pour protéger ses intérêts, conformément à l’article 22 du Pacte.

21.Le Comité fixe au 1er août 2007 la date de la présentation du sixième rapport périodique d’El Salvador et demande instamment à l’État partie de diffuser largement dans le pays le texte des troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques présentés en un seul document, ainsi que les présentes observations finales, et de porter le sixième rapport périodique à la connaissance des organisations non gouvernementales et des groupes de défenseurs des droits de l’homme qui opèrent en El Salvador.

22.Conformément au paragraphe 5 de l’article 70 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie doit faire parvenir dans un délai de … des renseignements sur la suite donnée aux recommandations figurant aux paragraphes (7, 8, 12, 13, 18). Le Comité demande à l’État partie de communiquer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur la suite donnée aux autres recommandations faites à propos de l’application du Pacte qui sont contenues dans les présentes observations finales.

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