Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/CO/75/MDA

5 août 2002

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMMISSION DES DROITS DE L’HOMMESoixante‑quinzième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

République de Moldova

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le rapport initial de la République de Moldova (CCPR/C/MDA/2000/1) à ses 2029e et 2030e séances, les 18 et 19 juillet 2002 (voir CCPR/C/SR.2029 et 2030). Il a adopté les observations finales suivantes à sa 2038e séance (CCPR/C/SR.2038), le 25 juillet 2002.

A. Introduction

2.Le Comité se réjouit que l’État partie ait ratifié le Pacte en 1993 et le remercie de son rapport initial. Le rapport a voulu donner un aperçu général du droit et des principes appliqués, mais il aurait été utile au Comité que l’accent soit mis davantage sur les réalités pratiques de l’exercice des droits énoncés dans le Pacte. Le Comité regrette que le rapport ait été soumis avec un retard considérable, étant donné qu’il était attendu en 1994.

3.Tout en appréciant les analyses présentées par la délégation sur une série de questions posées oralement par les membres, le Comité regrette qu’un grand nombre de ces questions soient restées partiellement ou totalement sans réponse à la fin du dialogue du débat. Un complément d’information succinct a été reçu pendant la semaine ayant suivi l’examen du rapport en présence de la délégation, mais le Comité attend avec intérêt les réponses complètes à ses questions, que l’État partie s’est engagé à lui fournir par écrit.

4.Le Comité note que l’État partie n’a pas apporté d’informations plus détaillées, ni dans le rapport ni dans sa présentation orale, sur la situation dans la région de la Transnistrie. S’il comprend que le contrôle des autorités moldoves sur cette région est limité et que des structures de gouvernement parallèles s’y sont établies, le Comité doit néanmoins pouvoir évaluer la mesure dans laquelle les droits énoncés dans le Pacte sont respectés sur la totalité du territoire relevant de la compétence de l’État partie. Il salue toutefois la volonté des autorités de l’État partie de rechercher des solutions durables à cet égard, qui lui permettraient de mieux s’acquitter dans cette région des responsabilités que lui confère le Pacte.

B. Aspects positifs

5.Le Comité salue l’adoption en 1994 d’une Constitution comportant des dispositions destinées à protéger les droits des personnes relevant de la compétence de l’État partie, notamment ceux qui concernent la non‑discrimination et l’égalité devant la loi, ainsi qu’à renforcer l’ordre juridique de l’État partie eu égard aux droits énoncés dans le Pacte. Il note également avec satisfaction que la Cour constitutionnelle a le pouvoir d’abroger les lois incompatibles avec les droits en question, comme cela s’est produit, par exemple, lorsqu’elle a déterminé que le régime de la «propiska» (obligation d’obtenir une autorisation pour se déplacer à l’intérieur du pays) était inconstitutionnel. Le Comité salue également l’abolition du travail forcé en 1998, ainsi que l’introduction d’un service civil de remplacement d’une durée égale à celle du service militaire.

6.Le Comité félicite l’État partie d’avoir aboli la peine de mort. Il l’invite à ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour établir des institutions efficaces afin de renforcer le respect des droits de l’homme, en instituant notamment les avocats parlementaires (médiateurs) et le Centre des droits de l’homme, ainsi que d’autres organes rattachés au Parlement ou à l’exécutif et s’occupant des droits de l’homme.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

8.Le Comité relève avec préoccupation qu’en réponse à des questions des membres, l’État partie a indiqué qu’aucune étude n’avait été entreprise pour vérifier que les mesures législatives et autres, prises en application de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité, respectaient les obligations de l’État partie au titre du Pacte.

L’État partie est tenu de veiller à ce que les mesures antiterrorisme prises en application de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité soient pleinement conformes au Pacte.

9.Le Comité déplore les conditions qui règnent dans les centres de détention de l’État partie, en particulier le fait que ce dernier ne respecte pas les normes internationales (comme il l’a reconnu lui‑même), et notamment les garanties énoncées dans les articles 7 et 10 du Pacte. Le Comité est troublé, en particulier, par la prévalence de la maladie, la tuberculose spécialement, qui est le résultat direct des conditions d’emprisonnement. Il rappelle à l’État partie qu’il est tenu de protéger la santé et la vie de toutes les personnes privées de liberté. La mise en danger de la santé ou de la vie des détenus du fait de la propagation de maladies contagieuses et du manque de soins constitue une violation de l’article 10 du Pacte et peut aussi entraîner une violation des articles 9 et 6.

L’État partie devrait prendre sans tarder des mesures pour faire en sorte que les conditions de détention dans ses établissements soient conformes aux normes énoncées dans les articles 6, 7 et 10 du Pacte, notamment prévenir la propagation des maladies contagieuses et dispenser les soins médicaux appropriés aux personnes qui ont contracté des maladies, soit en prison, soit avant leur détention.

10.Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré des tentatives récentes de l’État partie pour faire cesser les activités de ceux qui se livrent au transport clandestin de personnes, on continue à faire état de toutes parts de nombreux cas de traite d’êtres humains, en particulier de femmes, en violation de l’article 8 du Pacte.

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour mettre un terme à la traite des êtres humains, des femmes en particulier, qu’elle parte de son territoire ou qu’elle transite par lui.

11.Le Comité est préoccupé par la longueur de la période qui s’écoule dans la pratique avant qu’une personne soupçonnée d’une infraction pénale soit traduite devant un juge, et par la durée excessive de la détention avant jugement. Il est préoccupé par la pratique apparemment fréquente de l’internement administratif pendant de longues périodes des personnes qualifiées de «vagabonds».

L’État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes soupçonnées d’une infraction pénale soient traduites rapidement devant un juge, comme il y est tenu par l’article 9 du Pacte. Pour que les articles 9 et 14 soient respectés, il faudrait aussi que la détention des personnes qui attendent d’être jugées soit examinée périodiquement et que leur procès ait lieu sans retard excessif. Le Comité rappelle en outre que l’État partie est tenu, en vertu du paragraphe 4 de l’article 9, de permettre aux personnes qui font l’objet d’une mesure d’internement administratif d’engager une procédure pour faire vérifier la légalité de leur détention.

12.Le Comité est préoccupé par des dispositions de la législation de l’État partie qui font naître des doutes concernant l’indépendance et l’impartialité véritables des juges, prescrites par le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Le Comité est préoccupé en particulier par le fait que les juges sont initialement nommés pour une courte durée, à l’issue de laquelle ils doivent satisfaire à certains critères pour être reconduits dans leurs fonctions.

L’État partie devrait revoir sa législation pour faire en sorte que les juges soient maintenus dans leurs fonctions assez longtemps pour assurer leur indépendance, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Le Comité souligne que la révocation des juges ne peut se faire que selon une procédure objective et indépendante prescrite par la loi.

13.Le Comité reste préoccupé par les obstacles artificiels auxquels continuent de se heurter, dans l’État partie, les particuliers et les organisations qui souhaitent exercer la liberté de religion que leur reconnaît l’article 18 du Pacte.

L’État partie doit faire en sorte que sa législation et sa pratique concernant l’enregistrement des organisations religieuses respectent pleinement le droit des personnes relevant de sa compétence d’exercer pleinement leur liberté de religion, comme le stipule l’article 18.

14.Le Comité constate avec préoccupation que, contrairement aux articles 19 et 26 du Pacte, le service de radiodiffusion et de télévision d’État (Tele‑Radio Moldova) a reçu des instructions incompatibles avec les exigences d’impartialité et de non‑discrimination à l’égard des opinions politiques.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires, d’ordre législatif notamment, pour que le service de radiodiffusion et de télévision d’État jouisse d’une grande liberté de décision pour ce qui est du contenu des programmes et que les émissions qu’il diffuse rendent compte de manière appropriée d’opinions antagoniques, notamment celles des partis politiques opposés à la politique gouvernementale.

15.Le Comité est en outre préoccupé par l’obligation de donner aux autorités compétentes un préavis de 15 jours pour pouvoir tenir des réunions. Il considère qu’un préavis aussi long risque de restreindre indûment les formes légitimes de réunion.

Le Comité devrait revoir sa législation pour faire en sorte que les délais de préavis à respecter pour notifier des réunions aux autorités, ainsi que les procédures appliquées à ces demandes et aux appels des décisions initiales, laissent toute possibilité aux personnes concernées, dans la pratique, d’exercer pleinement les droits que leur reconnaît l’article 21 du Pacte.

16.Le Comité constate avec préoccupation que certaines conditions imposées par l’État partie à l’enregistrement des partis politiques, par exemple en ce qui concerne l’étendue de leur représentation territoriale, peuvent contrevenir à l’article 25 du Pacte en restreignant le droit des personnes d’exprimer pleinement leurs libertés politiques.

L’État partie devrait revoir sa législation et sa pratique concernant l’enregistrement des partis politiques, en supprimant les éléments qui entravent le plein exercice des droits protégés par le Pacte, en particulier par l’article 25.

17.Tout en saluant l’amélioration progressive de la représentation des femmes au Parlement et dans les organes de l’exécutif, le Comité reste préoccupé par le fait que leur participation à la vie économique et politique de l’État partie reste anormalement faible, en particulier aux postes importants dans le secteur public et dans les milieux d’affaires.

L’État partie devrait prendre des mesures appropriées pour que les femmes participent à la vie de la République de Moldova, politique, publique et autre, dans des conditions d’équité et d’égalité avec les hommes, conformément aux dispositions des articles 3 et 26 du Pacte.

18.Le Comité note avec préoccupation qu’en réponse à une question, la délégation n’a pu dire si la pratique de l’avortement comme moyen de contraception était une cause du niveau élevé de mortalité maternelle dans l’État partie.

L’État partie devrait procéder à une évaluation approfondie de la question de l’avortement et de la mortalité maternelle et prendre les mesures voulues pour réduire le taux élevé de mortalité maternelle.

19.Tout en prenant acte des mesures qui ont été prises pour améliorer le statut des minorités au regard de la loi, le Comité reste préoccupé par leur situation dans la pratique. Sur ce point, il exprime son inquiétude au sujet de la situation des Gagauz et des Roms, qui font toujours l’objet d’une grave discrimination, notamment dans les zones rurales.

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour que les engagements internationaux qu’il a pris en vertu des articles 26 et 27 du Pacte se traduisent par des mesures concrètes en faveur de ces minorités, notamment les Gagauz et les Roms dans les communautés rurales.

20.L’État partie devrait diffuser largement le texte de son rapport initial, des réponses fournies à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales.

21.Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les directives du Comité concernant l’établissement des rapports (CCPR/C/66/GUI/Rev.1). Le deuxième rapport périodique devrait être établi conformément à ces directives, une attention particulière étant accordée à la mise en œuvre dans la pratique des droits énoncés dans le Pacte. Il devrait indiquer aussi les mesures prises pour donner effet aux présentes observations finales.

22.Conformément au paragraphe 5 de l’article 70 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait fournir dans un délai d’un an les renseignements pertinents sur l’application des recommandations du Comité figurant dans les paragraphes 8, 9, 11 et 13 ci‑dessus. Le deuxième rapport périodique devrait être soumis d’ici au 1er août 2004.

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