Nations Unies

CAT/C/SR.1002

Convention contrela torture et autres peinesou traitements cruels,inhumains ou dégradants

Distr. générale

6 juin 2011

Original: français

Comité contre la torture

Quarante-sixième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 1002e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 23 mai 2011, à 10 heures

Présidente:Mme Gaer (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

Rapport initial de l’Irlande

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

(CAT/C/IRL/1)

1.Sur l’invitation de la Présidente, la délégation irlandaise prend place à la table du Comité.

2.M. Aylward (Irlande) dit que l’Irlande est partie à la Convention contre la torture, qu’elle a ratifiée en avril 2002, mais aussi à la Convention européenne pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, entrée en vigueur pour elle en 1989. Le Comité européen pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CPT) a effectué cinq visites en Irlande, dont une tout récemment, en janvier et février 2010. Son rapport sur cette dernière visite a été publié en février 2011, à la demande du Gouvernement irlandais.

3.L’engagement sans faille de l’Irlande à lutter contre la torture s’est traduit par l’adoption de la loi de 2000 sur la justice pénale (Convention des Nations Unies contre la torture), qui consacre le principe de l’interdiction absolue de la torture, y compris dans des circonstances exceptionnelles comme l’état de guerre ou toute autre urgence publique. Ce texte établit la compétence extraterritoriale entière des juridictions irlandaises pour les infractions de torture et les infractions connexes, sans condition de nationalité de l’auteur ou de la victime des actes visés, allant ainsi plus loin que les obligations fixées par la Convention. De plus, le Gouvernement irlandais vient d’approuver la rédaction d’un texte de loi en vue de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, qu’il s’efforcera de mener à bien dans les plus brefs délais.

4.Plusieurs entités sont habilitées à procéder à des visites régulières et inopinées des lieux de détention, notamment l’Inspecteur des prisons, qui rend compte au Ministère de la justice et de l’égalité et dont tous les rapports sont publics, l’Inspecteur des services de santé mentale, chargé de visiter les services de psychiatrie et placés sous l’autorité du Ministère de la santé, et l’Inspection des services sociaux, qui relève de l’Office de l’information sanitaire et de la qualité des services sanitaires (HIQA).

5.Le Comité aura certainement pris connaissance des rapports que lui ont soumis la Commission irlandaise des droits de l’homme et les ONG irlandaises, dont il y a lieu de souligner qu’elles ont aussi grandement contribué aux travaux préparatoires du premier Examen périodique universel de l’Irlande, qui aura lieu en octobre 2011. Ces rapports soulèvent un certain nombre de questions, que le Gouvernement a étudiées avec soin et sur lesquelles il attend avec intérêt les questions et commentaires du Comité. Le rapport publié par le CPT à l’issue de sa dernière visite dans le pays a pris acte d’évolutions positives dans le système pénitentiaire, comme la modernisation du parc carcéral, tout en appelant l’attention sur certains problèmes persistants comme la forte surpopulation carcérale ou l’utilisation des tinettes dans certaines prisons. Plusieurs mesures concrètes ont été prises dans le but de répondre à ces préoccupations. Sur le plan législatif, des dispositions visant à développer les peines de substitution à la privation de liberté pour les auteurs d’infractions mineures, non violentes, ont été adoptées. Il convient de citer à cet égard la loi de 2010 relative aux amendes ainsi que les amendements en cours d’examen à la loi pénale de 1983 relative au travail d’intérêt général. Sur le plan des infrastructures, l’État a lancé un vaste programme d’investissement, qui a déjà permis d’augmenter la capacité du système carcéral de près de 600 places depuis janvier 2008. Le centre pénitentiaire de Midlands devrait pouvoir accueillir 300 détenus de plus d’ici à la fin 2012 et le complexe de Mountjoy devrait compter 70 places supplémentaires dans le quartier des femmes et 36 cellules équipées de sanitaires supplémentaires dans l’aile C d’ici à la fin de l’été 2011. Si, à l’heure actuelle, 72 % des cellules disposent de sanitaires, ce chiffre devrait passer à 80 % avec l’ouverture en 2012 de l’extension de la prison de Midlands. Le Service pénitentiaire étudie en outre actuellement la possibilité d’équiper de sanitaires toutes les cellules de la prison de Cork.

6.L’Irlande s’emploie par ailleurs à lutter contre la traite des êtres humains sous toutes ses formes. Une Unité de lutte contre la traite a été créée en 2008 au sein du Ministère de la justice et de l’égalité dans le but de coordonner l’action menée dans ce domaine. En collaboration avec ses partenaires publics et avec la société civile, celle-ci a mis au point un plan d’action national de prévention et de lutte contre la traite des êtres humains pour 2009‑2012. De plus, des unités spéciales ont été créées au sein de la police nationale, à la Direction des services de santé et à la Commission de l’aide juridictionnelle aux fins de la prise en charge des victimes de la traite. La loi pénale de 2008 (Traite des êtres humains) prévoit des peines sévères, pouvant aller jusqu’à la réclusion à perpétuité, à l’encontre des auteurs de la traite. Elle punit en outre d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq années d’emprisonnement le fait de solliciter une victime de traite à des fins de prostitution. Sur le plan international, l’Irlande a ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et le Protocole s’y rapportant visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, entré en vigueur le 17 juillet 2010, ainsi que la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, entrée en vigueur le 1er novembre 2010. Le pays est en outre le chef de file de la campagne lancée en 2008 en collaboration avec cinq autres pays européens mais aussi Europol, Interpol et Eurojust autour du slogan «Ne fermez pas les yeux sur la traite des êtres humains», relayée par l’Unité de lutte contre la traite des êtres humains et ses partenaires.

7.Six ministères et une centaine d’organisations non gouvernementales s’occupent de la lutte contre la violence dans la famille et la violence sexuelle. En juin 2007 a été créé le Bureau national pour la prévention de la violence dans la famille et des violences sexuelles et sexistes, qui a mis au point en consultation avec de nombreuses parties prenantes une stratégie nationale pour la période 2010-2019. Sur la scène internationale, l’Irlande soutient la campagne du Secrétaire général de l’ONU «Tous UNISpour mettre fin à la violence contre les femmes» et a versé des contributions au Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies à l’appui de la lutte contre la violence à l’égard des femmes.

8.M. GallegosChiriboga (Rapporteur pour l’Irlande) se félicite de la présentation du rapport initial de l’État partie et souligne qu’il s’agit là d’une étape importante, marquant le début d’une démarche de coopération constructive. Ce dialogue sera en particulier l’occasion pour l’État partie d’indiquer si oui ou non la définition de la torture dans la législation nationale a été modifiée de manière à ne plus couvrir que les actes ou omissions d’agents de la fonction publique, ce qui, si cela était vrai, constituerait un recul et serait contraire à la Convention. La délégation pourra peut-être par ailleurs décrire ce qui est fait pour résoudre le problème posé par les coupes budgétaires de plus de 30 % dont pâtit la Commission irlandaise des droits de l’homme et pour permettre à l’Office de l’information sanitaire et de la qualité des services sanitaires d’inspecter les foyers pour personnes handicapées et pour personnes âgées. Les préoccupations exprimées par le CPT concernant les conditions de détention des personnes souffrant de troubles mentaux appellent également des commentaires. Le consentement au traitement tel qu’il est prévu dans la loi de 2001 relative à la santé mentale n’est pas conforme aux normes internationales et l’internement forcé de personnes handicapées mentales dans des institutions sans possibilité de recours suscite de vives préoccupations. En ce qui concerne la lutte contre la traite, le Rapporteur encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

9.La délégation est invitée à exposer les mesures adoptées pour permettre aux autorités d’agir en cas de soupçon de remise de détenu engendrant un risque de torture. À ce sujet, il serait intéressant d’avoir des commentaires sur les révélations de Wikileaks, reprises par Amnesty International, concernant une conversation au cours de laquelle l’Ambassadeur des États-Unis aurait remercié le Ministre irlandais des affaires étrangères de ne pas avoir procédé à des inspections recommandées par la Commission des droits de l’homme sur des avions soupçonnés d’avoir été utilisés pour des vols dits de transfert. Selon Amnesty International, rien ne prouve que l’espace aérien irlandais n’ait pas été utilisé à des fins contraires au droit international et il reste à démontrer que l’interdiction faite aux aéronefs militaires étrangers de voler ou d’atterrir en Irlande sans l’autorisation du Gouvernement irlandais s’applique aussi aux avions des services secrets. Pour l’ONG, une enquête indépendante sur les allégations de «vols de transfert» est indispensable pour lever les doutes quant à de possibles violations des droits de l’homme et prévenir de telles violations à l’avenir.

10.Il serait utile que la délégation explique pourquoi le nombre de personnes bénéficiant de l’asile est en baisse et comment l’État partie entend circonscrire les larges pouvoirs dont jouit le Ministère de la justice en vertu de l’article 36 de la loi de 1999 relative aux migrations. Différentes ONG ont fait état d’un manque de transparence dans l’examen des demandes du statut de réfugié et craignent de possibles violations de l’article 3 de la Convention par l’Irlande. La loi de 1996 sur les réfugiés a établi deux entités chargées d’examiner les demandes mais leur indépendance est sujette à caution, étant donné qu’elles relèvent toutes deux du Ministère de la justice. En 2010, seuls 2 % des demandeurs auraient obtenu le statut de réfugié, contre 27 % pour la moyenne européenne. De tels chiffres appellent des commentaires.

11.Des garanties complémentaires contre le refoulement ont été apportées par une procédure supplémentaire introduite en 2006 mais plusieurs ONG considèrent que cette procédure comporte des lacunes, liées notamment au fait qu’elle n’est engagée qu’une fois qu’une décision d’expulsion a été rendue et qu’elle manque également d’indépendance. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a quant à lui fait part de ses préoccupations au sujet de la procédure prévue par la loi de protection de 2010 et appelé à la mise en place d’un système plus transparent et plus efficace. L’article 59 2) de la loi sur l’immigration, le séjour et la protection suscite en particulier des inquiétudes, du fait qu’il permet l’expulsion sommaire d’un immigré en situation irrégulière par un agent de la police ou des services d’immigration. La question se pose de savoir comment peut dès lors être respectée l’obligation de non-refoulement prévue à l’article 58 du même texte. Il semble en outre qu’aucun mécanisme de recours ne soit prévu. La délégation pourra peut-être apporter des éclaircissements sur ce point. Elle pourra peut-être en outre indiquer si les dispositions du Protocole d’Istanbul sont appliquées pour évaluer les cas de torture.

12.Le Comité s’inquiète de la suppression du Comité consultatif national sur le racisme et les relations interculturelles dans le cadre de la politique de rigueur budgétaire et fait valoir que cet organisme aurait un rôle d’autant plus grand à jouer en temps de crise, les difficultés économiques ayant tendance à s’accompagner d’une multiplication des infractions racistes. Les coupes budgétaires ont également affecté la Commission nationale des droits de l’homme, à un point tel que son fonctionnement même est remis en cause. Diverses ONG, tout comme la Commission elle-même, plaident pour que cette institution ne relève plus du Ministère de la justice, mais du Parlement. L’État partie est à ce sujet invité à se référer aux Principes de Paris. Par ailleurs, la prolifération de médiateurs risquant de compliquer la promotion des droits de l’homme, il y aurait lieu d’étudier comment fusionner ces différents mécanismes en une institution indépendante globale unique.

13.Pour finir, le Rapporteur salue le fait qu’en Irlande les auteurs d’actes de torture sont passibles de la réclusion à perpétuité, signal fort contre l’impunité. Il l’invite pour compléter ses engagements dans le domaine des droits de l’homme à ratifier sans délai la Convention relative aux droits des personnes handicapées, afin notamment de mieux protéger les personnes souffrant de troubles mentaux qui se trouvent actuellement dans le système pénitentiaire.

14.MmeKleopas (Corapporteuse pour l’Irlande) accueille avec satisfaction le rapport initial de l’Irlande, dont elle note toutefois qu’il a été soumis avec plusieurs années de retard. S’il expose en détail les dispositions du droit interne qui intéressent l’application de la Convention, celui-ci contient en revanche très peu de statistiques et d’exemples concrets, or ces données sont indispensables pour permettre au Comité d’évaluer efficacement l’application de la Convention par l’État partie. Plusieurs ONG et organismes de défense des droits de l’homme se sont plaints de ne pas avoir été véritablement consultés dans le cadre de l’élaboration du rapport. La délégation pourra peut-être indiquer si, outre l’appel à contributions lancé le 13 décembre 2005, des consultations ont été menées avec la société civile aux fins de l’établissement du rapport.

15.L’enregistrement des interrogatoires de suspects par la police est essentiel pour prévenir la torture et les mauvais traitements. L’État partie indique dans son rapport que le nombre de postes équipés dans l’ensemble des divisions de la Garda Síochána est suffisant pour permettre que tous les interrogatoires soient enregistrés, ce qui est une très bonne chose. On apprend toutefois plus loin qu’il peut arriver que des interrogatoires ne puissent pas être enregistrés parce que le matériel est déjà utilisé ou n’est pas disponible pour une autre raison. Ces arguments ne sont pas très convaincants et il serait intéressant de savoir quelles mesures sont prises pour faire en sorte que les interrogatoires soient systématiquement enregistrés, sans exception. Un programme de rénovation et de réaménagement des cellules de garde à vue a été élaboré à la suite d’une étude réalisée par les services de la Garda Síochána. Mme Kleopas voudrait savoir quelles mesures concrètes ont été prises en application de ce programme, en particulier dans les commissariats de Bridewell et de Mayfield (Cork). Elle souhaiterait également savoir si les personnes détenues par la police pendant plus de vingt-quatre heures ont la possibilité de faire de l’exercice en plein air une fois par jour.

16.Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires ont été vivement critiquées, entre autres par la Commission irlandaise des droits de l’homme, l’Inspecteur des prisons, le CPT et le Comité des droits de l’homme. Le surpeuplement persistant, le manque d’installations sanitaires, l’absence de services de santé mentale, l’absence de séparation entre condamnés et prévenus et la violence entre détenus ont été jugés particulièrement préoccupants. S’agissant du surpeuplement, les mesures annoncées par le chef de la délégation dans sa déclaration liminaire sont certes bienvenues, mais il n’est pas certain qu’elles seront suffisantes pour remédier efficacement au problème compte tenu de l’ampleur que celui-ci a prise ces dernières années en raison de la forte augmentation du nombre de détenus. L’augmentation de la capacité du parc pénitentiaire n’est qu’un aspect de la solution; il faut aussi agir sur le nombre de personnes en détention. À cet égard, l’adoption en 2010 de la loi sur les amendes et les modifications de la loi pénale de 1983 relative au travail d’intérêt général, qui encouragent l’application de mesures non privatives de liberté, sont un pas dans la bonne direction. Il serait intéressant de savoir si d’autres mesures sont envisagées pour faire baisser le nombre de personnes placées en détention.

17.Mme Kleopas prend note des travaux entrepris pour équiper progressivement toutes les cellules d’installations sanitaires mais fait observer que ceux-ci ne seront pas achevés avant plusieurs mois et qu’il faut en attendant trouver d’urgence une solution de remplacement à l’emploi des tinettes, qui est très dégradant pour les détenus. La délégation pourra peut-être indiquer si des mesures ont été prises dans ce sens. Le précédent gouvernement avait lancé un projet concernant la construction d’un important complexe pénitentiaire à Thornton Hall, qui devait commencer en 2010. Il serait intéressant de savoir si le nouveau gouvernement a l’intention de poursuivre le projet et, dans l’affirmative, dans quel délai la nouvelle structure sera opérationnelle. Le CPT et la Commission irlandaise des droits de l’homme ont exprimé des réserves à l’égard de ce projet, faisant valoir que les grandes structures étaient souvent difficiles à gérer et ne répondaient pas efficacement aux besoins des différentes catégories de population qu’elles accueillaient. Il serait intéressant d’entendre la délégation à ce sujet.

18.D’après un rapport de 2010 de l’Inspecteur des prisons, le placement en cellule spéciale d’observation est souvent utilisé à d’autres fins que celles expressément prévues par le Règlement pénitentiaire et le placement en isolement n’est pas systématiquement consigné dans un registre. Mme Kleopas voudrait savoir si des mesures concrètes ont été prises pour remédier à ces problèmes, notamment en clarifiant les procédures appliquées. À propos de la violence dans les prisons, elle relève dans le rapport du CPT sur sa visite de 2010, qu’en dépit des mesures prises depuis 2006 pour améliorer la sécurité dans les prisons, l’incidence de la violence reste très élevée à la prison de Mountjoy, où les agressions de toutes sortes sont quotidiennes. Le CPT indique en outre que les détenus appartenant à la communauté des gens du voyage sont particulièrement exposés à des actes d’intimidation de la part des autres détenus. Il serait intéressant de savoir quelles mesures ont été prises pour donner suite aux recommandations formulées par le CPT, en particulier pour réaliser des évaluations individuelles des risques et des besoins, veiller à ce que le personnel de surveillance soit suffisamment nombreux et assurer à l’ensemble du personnel pénitentiaire, tous grades confondus, une formation continue de qualité, notamment à la gestion de la violence entre détenus.

19.Mme Kleopas note avec satisfaction qu’en vertu de la législation de l’État partie, les mineurs en conflit avec la loi ne peuvent être placés en détention qu’en dernier recours, auquel cas ils sont en principe envoyés dans des établissements d’éducation surveillée qui relèvent du Service de la justice pour mineurs. Elle relève cependant avec préoccupation que des garçons âgés de 16 à 18 ans sont détenus au centre pénitentiaire de Saint-Patrick, un établissement dont les mauvaises conditions de détention ont été dénoncées par la Commission irlandaise des droits de l’homme et par le Médiateur des enfants. Le Comité a été informé que l’État partie envisageait de construire un centre de détention pour mineurs. Où en est le projet et un délai a-t-il été fixé pour l’achèvement des travaux et la mise en service du centre? En ce qui concerne les conditions de détention dans les établissements d’éducation surveillée, une inspection effectuée en 2008 a révélé que la mise à l’isolement était utilisée de manière abusive. La délégation voudra bien indiquer si des mesures ont été prises pour encadrer plus rigoureusement le recours à l’isolement.

20.Mme Kleopas croit comprendre que la compétence du Médiateur des enfants en matière d’examen de plaintes est limitée aux plaintes émanant de mineurs détenus dans les établissements d’éducation surveillée. Cela signifie donc que les mineurs détenus dans d’autres contextes, par exemple au centre pénitentiaire de Saint-Patrick ou par les services de l’immigration, ne peuvent pas saisir le Médiateur, auquel cas il faudrait savoir s’ils ont accès à un autre mécanisme de plainte. Il semble en outre que les organismes publics d’accueil et de protection des enfants créés après l’entrée en vigueur de la loi de 2002 sur le Médiateur des enfants soient également exclus du champ de compétence du Médiateur, à moins d’être expressément désignés par le Gouvernement. Il serait donc intéressant de savoir si celui-ci a l’intention de faire usage de cette disposition pour étendre la compétence du Médiateur. Par ailleurs, l’Inspection des services sociaux a recommandé au Service de la justice pour mineurs de prendre des mesures pour assurer à tous les mineurs en détention l’accès à une procédure de plainte efficace et les aider à s’en prévaloir. La délégation pourra peut-être indiquer quelle suite a été donnée à cette recommandation.

21.Il est regrettable que la Commission du Médiateur de la Garda Síochána ne dispose pas de ressources suffisantes pour enquêter efficacement sur toutes les plaintes mettant en cause des membres des forces de police. En vertu de la loi, la Commission a l’obligation d’enquêter sur tout cas de décès ou de dommages corporels graves causés à une personne pendant sa détention par la police mais elle peut renvoyer les plaintes relatives à des faits moins graves aux autorités de la Garda. Or on peut craindre que par manque de moyens la Commission ne soit amenée à renvoyer un nombre important de plaintes à la Garda, ce qui compromettrait sérieusement l’indépendance des enquêtes. L’insuffisance des ressources est également un obstacle à l’efficacité des enquêtes menées par la Commission du Médiateur, dont la durée est excessivement longue. Dans ce contexte, il serait intéressant de savoir quelles mesures, législatives et autres, l’État partie compte prendre pour faire en sorte que toutes les enquêtes sur les allégations de torture ou de mauvais traitements mettant en cause des membres de la Garda Síochána soient effectuées par la Commission du Médiateur et non par les services de la Garda Síochána, et notamment s’il envisage à cette fin d’allouer davantage de ressources à la Commission.

22.Dans son rapport de 2010, l’Inspecteur des prisons a signalé qu’il n’existait pas de mécanisme de plainte indépendant dans les prisons et que les procédures existantes n’étaient pas conformes aux meilleures pratiques en la matière. Il a recommandé au Gouvernement de créer un organisme indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes émanant des détenus et de modifier la loi de 2007 sur les prisons et le Règlement pénitentiaire de 2007 afin d’établir une procédure équitable et transparente pour le dépôt et l’examen des plaintes. Il serait intéressant de savoir quelle suite a été donnée à ces recommandations.

23.L’absence de mécanisme d’enquête indépendant sur les décès en prison est un autre sujet de préoccupation. Les coroners déterminent les causes médicales de la mort mais ne sont pas habilités à enquêter sur les circonstances du décès. Une commission d’enquête a été constituée pour faire la lumière sur le décès de Gary Douch, qui était détenu à la prison de Mountjoy. La délégation pourra peut-être indiquer si le rapport de la commission sera bientôt rendu public et si l’État partie envisage de créer un organisme d’enquête indépendant spécifiquement chargé d’enquêter sur les décès en prison. Il faudrait de même établir un mécanisme d’enquête indépendant doté de tous les pouvoirs nécessaires pour enquêter sur les décès de mineurs confiés aux soins de l’État et sur les défaillances du système de protection de l’enfant que ceux-ci pourraient révéler afin que des mesures appropriées puissent être prises pour y remédier.

24.L’État partie ne donne aucune information sur des cas de torture ou de mauvais traitements mettant en cause des agents pénitentiaires. Or, dans son rapport de 2010, le CPT donne plusieurs exemples de détenus ayant été victimes de mauvais traitements de la part de gardiens. D’après le CPT, il n’y a pas eu de véritable enquête sur ces incidents. L’Inspecteur des prisons indique également dans son rapport que les enquêtes qui ont été menées sur les 67 plaintes de détenus de la prison de Mountjoy dont il a été saisi entre le 1er janvier 2008 et le 14 mai 2009 n’ont pas été satisfaisantes. La délégation pourra peut-être commenter ces conclusions et indiquer si l’État partie envisage de prendre des mesures pour faire en sorte que toutes les allégations de torture ou de mauvais traitements donnent lieu à une enquête impartiale, conformément à ses obligations au titre de l’article 12 de la Convention.

25.Lorsque le rapport de la commission d’enquête sur les violences dont ont été victimes des centaines d’enfants dans des institutions religieuses dépendant de l’Église catholique des années 30 jusqu’aux années 90 (rapport Ryan) a été publié en mai 2009, le gouvernement de l’époque s’est engagé à mettre en œuvre l’intégralité des recommandations qui y étaient formulées. Or il semblerait qu’à ce jour la plupart des recommandations soient restées lettre morte. Outre les violences, notamment sexuelles, et les mauvais traitements, le rapport dénonce l’inefficacité du système d’inspection du Ministère de l’éducation dont relevaient les établissements concernés. Mme Kleopas voudrait savoir si l’État partie a l’intention d’ouvrir une enquête indépendante sur les violations dénoncées dans le rapport en vue de poursuivre et de condamner les responsables et quelles mesures il compte prendre pour faire en sorte que les victimes obtiennent réparation, conformément à l’article 14 de la Convention. Elle voudrait également savoir si l’État partie a l’intention de faire procéder à une enquête sur les actes de torture et les sévices perpétrés dans les établissements religieux dits les «blanchisseries de la Madeleine» (Magdalene laundries), dans lesquels des dizaines de milliers de jeunes femmes ont été exploitées et maltraitées entre 1922 et 1996, et de prendre des mesures pour faire en sorte que les victimes obtiennent réparation.

26.Mme Kleopas accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour combattre la violence à l’égard des femmes et la violence dans la famille. Il serait souhaitable que l’État partie établisse des statistiques officielles détaillées sur ce type de violence afin de pouvoir évaluer l’efficacité des mesures mises en œuvre et élaborer au besoin des politiques plus ciblées. L’organisation non gouvernementale Women’s Aid indique que depuis 2009 plus de 14 000 faits de violence dans la famille lui ont été signalés, dont de nombreux cas de violences sexuelles et de viols. La délégation voudra peut-être commenter ces informations. Il serait intéressant à cet égard de savoir si le viol conjugal constitue une infraction distincte au regard du droit pénal de l’État partie. La loi de 1996 relative à la violence dans la famille prévoit différentes mesures de protection, qui sont généralement appliquées à la demande de la victime. Mme Kleopas demande si l’État partie envisage de modifier la loi de manière à préciser les modalités d’application de ces mesures, en particulier des mesures d’éloignement et de sécurité. Elle voudrait également savoir quelles mesures sont prises pour garantir l’accès des femmes victimes de violences à des centres d’accueil et à des services de réadaptation, sachant que les fonds publics alloués aux organisations de la société civile actives dans ce domaine ont été considérablement réduits.

27.Rappelant que le Comité des droits de l’homme, le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ont exprimé leur préoccupation face aux conditions extrêmement restrictives dans lesquelles une femme peut obtenir légalement une interruption volontaire de grossesse dans l’État partie, Mme Kleopas demande si la délégation pourrait préciser les circonstances expressément prévues par la loi dans lesquelles une femme peut obtenir l’avortement légal. Dans bien des cas, la seule alternative qui s’offre aux femmes qui souhaitent interrompre une grossesse non désirée consiste à aller avorter à l’étranger ou, pour celles qui n’en ont pas les moyens, à avorter clandestinement, au risque de mettre leur vie en danger. Il serait intéressant de connaître la position de l’État partie face à ce problème et les solutions envisagées pour y remédier. Enfin, Mme Kleopas demande si l’État partie a l’intention d’interdire les châtiments corporels à l’égard des enfants en toutes circonstances.

28.M.Mariño Menéndez note que, d’après la présentation orale de la délégation et le rapport de l’État partie, la définition de la torture figurant dans la loi de 2000 sur la justice pénale confère aux juridictions de l’État partie une compétence extraterritoriale entière. Il demande si cela signifie que les tribunaux irlandais peuvent connaître de toutes les affaires de torture, même lorsque le responsable présumé n’est pas irlandais et que les faits ont été commis hors du territoire national. Si tel est le cas, il souhaiterait savoir si l’Irlande réclamerait l’extradition d’un tortionnaire présumé qui se trouverait à l’étranger.

29.En ce qui concerne la question de l’asile, des précisions seraient bienvenues sur le rôle joué par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés dans le cadre de l’examen des demandes d’asile ou des demandes de protection subsidiaire et sur les moyens utilisés par les autorités compétentes pour déterminer l’âge des mineurs − accompagnés ou non − et la vulnérabilité des demandeurs d’asile. À ce propos, la délégation voudra bien indiquer si le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) est utilisé pour détecter d’éventuelles séquelles de torture chez les demandeurs d’asile. La délégation voudra peut‑être aussi préciser si les demandeurs d’asile arrivés en Irlande depuis un pays où ils auraient pu demander le statut de réfugié sont automatiquement renvoyés dans ce pays, conformément au Règlement no 343/2003 du Conseil de l’Europe établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, dit «Règlement Dublin II», ou s’ils ont la possibilité de former un recours. À cet égard, de plus amples détails seraient utiles sur le déroulement de la procédure d’asile décrite au paragraphe 329 du rapport.

30.Un complément d’information serait bienvenu sur les garanties juridiques fondamentales, en particulier sur la question de savoir si une personne frappée d’une mesure privative de liberté − par exemple un demandeur d’asile maintenu en rétention en attendant que les autorités compétentes se prononcent sur sa demande − peut former un recours en habeas corpus afin de contester la légalité de sa détention. En outre, il serait intéressant de savoir si un suspect peut être placé à l’isolement dans le cadre de la détention provisoire. Si tel est le cas, quelle est la durée maximale de cette mesure et quel est le rôle du juge? De même, la délégation voudra bien indiquer quelle est la durée maximale de la mise à l’isolement d’un détenu qui exécute une peine et quelle est l’autorité habilitée à réexaminer le bien-fondé de cette mesure. D’après les informations dont dispose le Comité, le silence gardé par un suspect au cours de son interrogatoire − que celui-ci ait lieu en présence ou en l’absence de son conseil − est souvent interprété d’une manière qui lui est peu favorable. Il serait intéressant de savoir si le silence d’un suspect produit des effets juridiques, notamment sur la présomption d’innocence.

31.Relevant que l’Irlande n’accepte pas d’extrader une personne vers un État dans lequel la peine de mort est en vigueur à moins que ce dernier lui donne officiellement des assurances que l’intéressé ne sera ni torturé ni exécuté, M. Mariño Menéndez souhaiterait savoir quelle autorité demande ces assurances à l’État requérant et si la décision d’extradition est examinée par un tribunal avant de remettre l’individu réclamé.

32.Il serait utile de savoir si les mutilations génitales féminines sont définies comme une infraction pénale dans le droit interne. Enfin, la délégation voudra bien indiquer si l’État partie envisage de faire la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention.

33.MmeSveaass note que, d’après des informations dont elle dispose, environ 6 000 mineurs non accompagnés sont venus demander l’asile en Irlande au cours des dix dernières années et que 500 d’entre eux ont disparu. Elle aimerait savoir où sont hébergés les mineurs non accompagnés qui arrivent dans l’État partie, quelles mesures sont prises en cas de disparition et si certains de ces mineurs se trouvent dans des lieux privatifs de liberté. D’après le rapport de l’organisation non gouvernementale Spiritan asylum services initiative (SPIRASI), le nombre de rapports médico-légaux demandés par les autorités à cette organisation aux fins de l’examen des demandes d’asile fondées sur des allégations de torture aurait fortement baissé entre 2007 et 2010. Or, le nombre de demandes d’asile aurait également baissé pendant cette période, mais dans des proportions beaucoup moins importantes. La délégation est invitée à donner des éclaircissements sur ce point et à préciser de quelle façon les rapports médico-légaux sont utilisés dans le cadre de la procédure d’asile ou de l’examen des demandes de protection subsidiaire.

34.Concernant l’affaire des blanchisseries de la Madeleine (Magdalene laundries), Mme Sveaass note à la lecture du rapport soumis au Comité par l’organisation non gouvernementale Justice for Magdalenes (JFM) qu’en novembre 2010, la Commission irlandaise des droits de l’homme a officiellement recommandé au Gouvernement irlandais d’ouvrir immédiatement une enquête publique sur les allégations de violations commises dans les blanchisseries de la Madeleine. Mme Sveaass souhaiterait savoir qui sera chargé de l’enquête, quand les poursuites seront entamées et si toutes les plaintes seront prises en considération, y compris celles émanant de femmes qui avaient été placées dans des institutions privées. À cet égard, elle rappelle que, dans son Observation générale no 2 concernant l’application de l’article 2 de la Convention (CAT/C/GC/2), le Comité souligne que les États parties ont l’obligation d’interdire et de prévenir la torture et d’accorder des réparations aux victimes lorsqu’ils ont des motifs raisonnables de penser que des actes de torture ou des mauvais traitements sont infligés à des personnes par des acteurs non étatiques ou du secteur privé. Enfin, même si une grande partie des faits survenus dans les blanchisseries de la Madeleine sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la Convention dans l’État partie, il serait hautement souhaitable que le Gouvernement irlandais fasse un geste en faveur des survivantes en leur présentant des excuses publiques, d’une part, et en leur accordant une indemnisation sous la forme d’une rente, d’autre part.

35.Concernant les établissements psychiatriques, Mme Sveaass note que le CPT et la Commission irlandaise des droits de l’homme ont tous deux constaté dans leurs rapports que certaines hospitalisations étaient abusivement qualifiées de volontaires car les patients concernés n’étaient pas libres de quitter l’institution s’ils le souhaitaient. En outre, elle relève avec une vive préoccupation que le type d’internement peut être modifié après l’hospitalisation du patient et passer ainsi de «volontaire» à «involontaire». Une loi proscrivant cette pratique a été adoptée en 2008 mais, comme elle n’a pas d’effet rétroactif, les personnes internées avant l’entrée en vigueur de ce texte ne peuvent pas en invoquer les dispositions. De plus, des sédatifs seraient administrés aux patients agités ou violents afin d’éviter de recourir aux mesures de contrainte physique. Cette méthode n’étant pas répertoriée comme une forme de contrainte, elle ne serait pas soumise à une surveillance. La délégation voudra peut-être formuler des observations sur ces points préoccupants. Enfin, Mme Sveaass demande si l’État partie envisage d’adresser une invitation permanente aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales.

36.M. Bruni note à propos de l’application par l’État partie des articles 1er et 4 de la Convention que, dans la loi de 2000 sur la justice pénale, la torture est définie non seulement comme un acte, mais aussi comme une omission par laquelle une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne. S’interrogeant sur les raisons qui ont amené le législateur à intégrer dans cette définition un terme qui ne figure pas dans l’article premier de la Convention, M. Bruni invite la délégation à citer des cas de jurisprudence dans lesquels la torture serait directement liée à une omission.

37.Concernant l’article 2 de la Convention, M. Bruni souhaiterait savoir si l’État partie a pris des mesures pour que les subordonnés qui ne voudraient pas exécuter un ordre manifestement illégal d’un supérieur, notamment un ordre supposant la commission d’un acte de torture, puissent désobéir et dénoncer leur supérieur sans avoir à craindre de représailles. Pour ce qui est de l’article 3 de la Convention, il voudrait savoir si le projet de loi (2008) sur l’immigration, le séjour et la protection des étrangers a été adopté ou s’il est encore en cours d’examen par le Parlement.

38.En ce qui concerne l’article 11 de la Convention, la délégation voudra bien indiquer si le comité consultatif et stratégique sur les droits de l’homme dont la création est annoncée au paragraphe 202 du rapport a librement accès à tous les lieux de détention et s’il peut y effectuer des visites inopinées. Concernant l’article 12, M. Bruni note à la lecture du rapport que la Commission du Médiateur de la Garda Síochána a reçu 4 746 plaintes mais que 25 affaires seulement ont donné lieu à des sanctions disciplinaires, que 37 dossiers ont été transmis au Procureur général et qu’une seule condamnation a été prononcée. Il souhaiterait un complément d’information sur la suite donnée aux 4 683 affaires restantes. Enfin, concernant l’article 16, il aimerait recevoir des explications sur la forte augmentation de la population carcérale entre octobre 2006 et octobre 2010, sur laquelle le CPT appelle l’attention dans son rapport, ainsi que des statistiques sur le taux actuel d’occupation des établissements pénitentiaires irlandais.

39.MmeBelmir croit comprendre qu’en vertu des dispositions du projet de loi (2008) sur l’immigration, le séjour et la protection des étrangers, les décisions en matière de renvoi sont du ressort exclusif du Ministre de la justice. Elle voudrait savoir si les décisions de ce dernier sont définitives ou si elles sont susceptibles de recours. S’étonnant que les fonctionnaires des services de l’immigration et, dans certains cas, la police, soient habilités à évaluer l’âge des demandeurs d’asile mineurs, elle souligne que cette tâche devrait être confiée à des experts médicaux. En outre, elle relève avec surprise que, dans la définition de la torture figurant dans la loi de 2000 sur la justice pénale, il est dit que la nationalité de l’agent public qui se rend coupable d’actes de torture importe peu (whatever his or her nationality). Des éclaircissements seraient bienvenus sur ce point. Enfin, la délégation est invitée à formuler des observations sur l’augmentation du nombre de personnes placées à l’isolement et sur des allégations selon lesquelles la police effectuerait des contrôles d’identité en se fondant exclusivement sur l’apparence physique (délit de faciès) et utiliserait des méthodes portant atteinte à la dignité des intéressés.

40.M. Gaye se demande si les divergences relevées par les intervenants précédents entre la définition de la torture figurant dans la loi de 2000 sur la justice pénale et celle énoncée à l’article premier de la Convention ne risquent pas de créer un conflit de lois. Lisant dans le rapport que, depuis son entrée en fonctions, la Commission du Médiateur de la Garda Síochána n’a jamais reçu de plaintes pouvant être considérées comme dénonçant des faits de torture, il souhaiterait savoir sur quels types d’actes portent les 4 746 plaintes dont elle a été saisie.

41.M.Wang Xuexian, soulignant la qualité du rapport soumis au Comité par la Commission irlandaise des droits de l’homme, regrette que cette institution si active et efficace soit affectée par les coupes budgétaires imposées à l’ensemble des services publics en raison de la crise financière. D’après des renseignements émanant d’organisations non gouvernementales, 24 demandes d’asile seulement sur plus de 2 000 avaient abouti à une décision favorable à la fin du premier semestre de 2010. La délégation voudra bien indiquer si ces chiffres sont exacts et, le cas échéant, s’ils s’inscrivent dans une tendance générale. En outre, la délégation est invitée à fournir des statistiques sur le nombre de demandes d’asile approuvées au cours du deuxième semestre de 2010 et du premier semestre de 2011.

42.En ce qui concerne les blanchisseries de la Madeleine, M. Wang Xuexian estime que cette page de l’histoire n’est pas encore tournée et que l’État devrait prendre des mesures pour accorder des réparations aux anciennes pensionnaires de ces institutions qui sont encore en vie. Enfin, lisant dans le rapport que toute personne qui détiendrait des informations sur d’éventuels transferts illégaux de suspects est encouragée à les porter à la connaissance de la Garda Síochána, M. Wang Xuexian fait observer que, de par leur nature, ces opérations sont organisées dans le plus grand secret et qu’il est très peu probable qu’un simple particulier ait des informations à leur sujet. C’est à l’État qu’il incombe de recueillir des renseignements sur un sujet aussi sensible.

43.La Présidenteinvite la délégation à préciser la notion d’omission qui figure dans la définition de la torture adoptée par l’État partie. Elle demande également des précisions sur les critères appliqués pour la nomination des membres de la Commission du Médiateur de la Garda Síochána. Elle souhaiterait savoir en particulier si les membres de cette Commission peuvent avoir été auparavant membres de la police. Relevant que toute personne soumise à la juridiction militaire qui subit des blessures graves, décède ou est blessée mortellement à la suite d’actes de torture peut faire l’objet d’une commission d’enquête ou d’une enquête du coroner, elle s’étonne que la législation de l’État partie prévoie la possibilité et pas l’obligation absolue d’ouvrir une enquête dans ces circonstances. La délégation pourra peut-être apporter des éclaircissements sur ce point et donner des exemples d’affaires illustrant la pratique des institutions judiciaires dans ce domaine. À propos des demandes d’asile, il serait utile de disposer de données statistiques plus complètes et ventilées concernant le nombre de demandes enregistrées et de demandes acceptées, le nombre d’expulsions et les pays d’origine et de renvoi.

44.La Présidente regrette le manque d’information sur les suites données aux conclusions du rapport Ryan, s’agissant en particulier des poursuites à l’encontre des responsables des faits dénoncés, et sur les intentions de l’État partie quant aux procédures à engager concernant les blanchisseries de la Madeleine. La délégation pourra peut-être donner des renseignements et formuler des commentaires au sujet du traitement de ces affaires.

45.M.Aylward (Irlande) dit que la délégation a pris note avec attention et intérêt des nombreux points soulevés par les membres du Comité et s’efforcera d’y répondre de la manière la plus détaillée possible. À ce stade, il tient simplement à souligner la nécessité de garder un point de vue nuancé sur toutes les questions abordées. Les affaires mentionnées dans le rapport Ryan et l’affaire des blanchisseries de la Madeleine, en particulier, remontent à une période lointaine et nombre des victimes et des auteurs des actes dénoncés ne sont plus de ce monde. Il est difficile d’établir aujourd’hui les faits sans réécrire l’histoire. En ce qui concerne les coupes budgétaires dans le financement des organisations de défense des droits de l’homme, il convient de rappeler que l’Irlande a traversé une période de crise économique très grave et que des coupes claires ont été imposées à toutes les organisations de l’État. Cela ne signifie donc nullement que le Gouvernement souhaite freiner les activités dans le domaine de la protection des droits de l’homme.

46.La délégation irlandaise se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 20.