Nations Unies

CAT/C/SR.1032

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

14 décembre 2012

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-septième session

Compte rendu analytique (partiel)* de la 1032 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 9 novembre 2011, à 10 heures

Président:M. Grossman

p ui s:M. Wang Xuexian (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques de la Bulgarie

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques de la Bulgarie (CAT/C/BGR/4-5, CAT/C/BGR/Q/4-5 et Add.1)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation de la Bulgarie prend place à la table du Comité.

2.M.  Tzantchev (Bulgarie) présente la délégation de l’État partie et dit que des institutions nationales des droits de l’homme, dont le médiateur et la Commission pour la protection contre la discrimination, ont participé à l’élaboration des rapports périodiques présentés en un seul document. Les actes érigés en infractions pénales au sens de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont prohibés au chapitre 2 de la Constitution et une définition de la torture conforme à l’article 1er de la Convention a été intégrée dans la loi relative à l’exécution des peines et la détention. De plus, les articles 143 et 287 du Code pénal répriment les infractions visées par la Convention et les dispositions générales et spéciales du Code sont également pertinentes à cet égard.

3.Des dispositions qui reconnaissent aux détenus des garanties fondamentales figurent dans le Code de procédure pénale (art. 194, par. 1. 2)) et dans la loi relative à l’exécution des peines et la détention (art. 3, par. 3). Une directive de 2009 du Ministère de l’intérieur précise que les fonctionnaires de police doivent ne perpétrer, ne provoquer ni ne tolérer aucun acte de torture, ni peines ou traitements inhumains ou dégradants, ou actes de discrimination à l’égard de détenus. Le Bureau du Procureur s’est employé à lutter contre l’impunité en réduisant les délais pour l’examen des affaires avant jugement, en augmentant sa capacité à connaître des affaires de brutalité policière, en améliorant la périodicité des rapports émanant des chefs de l’administration sur les cas de personnes détenues, en s’efforçant de conclure rapidement ces affaires et en formant des magistrats au droit international des droits de l’homme.

4.M. Tzantchev rappelle au Comité que la Bulgarie a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention en avril 2011. La législation a été modifiée pour permettre au Bureau du médiateur d’assumer la fonction de mécanisme national de prévention. Le Bureau a effectué des inspections dans plusieurs lieux de détention et il a été tenu compte de ses recommandations dans le projet des modifications à la loi relative à l’exécution des peines et la détention. Le Comité Helsinki de Bulgarie a également procédé à des inspections des lieux de détention et d’institutions tels que des établissements accueillant des enfants. Les rapports du Comité sont rendus publics et toute allégation de comportement délictueux est l’objet d’une enquête immédiate par le Bureau du Procureur. Les conclusions de l’Open Society Institute sur la manière dont la police respecte les droits de l’homme dans l’exercice de ses fonctions sont actuellement examinées par les autorités. Le Ministère de l’intérieur collabore étroitement avec les institutions nationales des droits de l’homme, notamment le médiateur et la Commission pour la protection contre la discrimination, à la préparation d’une formation aux droits de l’homme et à la déontologie policière.

5.L’État partie prévoit de fermer d’ici 2025 toutes les institutions publiques accueillant des enfants et de les remplacer par un réseau de services communautaires dans le cadre de sa stratégie nationale intitulée «Vers la désinstitutionalisation des enfants en Bulgarie». La fermeture d’institutions pour enfants handicapés, de centres médicaux et de foyers pour enfants jusqu’à trois ans sera prioritaire. Il est procédé, durant la période de transition, à l’amélioration des conditions dans les institutions publiques et municipales pour enfants. Une démarche analogue est appliquée à la désinstitutionalisation des adultes mentalement déficients placés dans des services médicaux de l’État.

6.M me Kleopas (Rapporteuse pour la Bulgarie) se félicite de la ratification par l’État partie du Protocole facultatif et exprime l’espoir que le mécanisme national de prévention entre en fonction d’ici un an, comme l’a fixé l’État partie. Elle apprécie également la démarche de l’État partie aux fins de désinstitutionalisation des enfants pris en charge.

7.Mme Kleopas se dit préoccupée par l’absence de progrès concernant l’inscription d’une définition de la torture dans le Code pénal, qui soit conforme à l’article 1er de la Convention et renvoie la délégation au paragraphe 11 de l’Observation générale no 2 du Comité. Il ne suffit pas que la législation de l’État partie contienne des dispositions relatives à la torture. La Convention exige que la législation interne contienne une définition de la torture pleinement conforme à l’article 1er. Notant que, en vertu de l’article 5.4 de la Constitution, la Convention constitue une partie intégrante de la Constitution bulgare, Mme Kleopas demande si la Convention peut être invoquée directement devant les tribunaux. Elle souhaite également savoir si la police ouvre des enquêtes sur la base des dispositions de la Convention. La Cour constitutionnelle n’a-t-elle pas décidé en 1992 qu’en vue d’intégrer dans la législation interne les infractions visées dans les traités internationaux, les éléments de ces infractions et les peines correspondantes doivent être définis par modification de cette législation? Eu égard à la compétence universelle, l’État partie peut‑il exercer sa propre compétence pour les actes de torture si le suspect se trouve en Bulgarie et comment s’exerce cette compétence à l’égard de responsables présumés d’actes de torture lorsque l’extradition n’a pas été demandée ou a été refusée?

8.Bien que l’État partie ait pris des mesures, législatives et autres, visant à assurer la mise en place de garanties juridiques pour les détenus dès le moment de leur arrestation, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a, dans son rapport de 2008, constaté que seuls les détenus qui sont en mesure de payer les services d’avocats privés peuvent consulter un avocat dans les vingt-quatre heures, ce qu’ont confirmé des ONG telles que le Comité Helsinki de Bulgarie et l’Open Society Institute. Le Bureau de l’aide juridictionnelle a attribué le faible recours aux services d’avocats au fait que la police n’informe pas les détenus de l’existence de cette option. Un autre obstacle à l’exercice du droit d’obtenir ces services est le régime extrêmement restrictif que la loi impose aux personnes placées en détention dans les postes de police.

9.Une enquête menée par le Comité Helsinki de Bulgarie en août 2011 a révélé des lacunes dans l’octroi d’une aide juridictionnelle durant la détention par la police. Le Comité a constaté que 36 % des détenus interrogés dans la prison de Burgas et 19 % dans celle de Sliven n’ont pas été informés de leur droit à une aide juridictionnelle.

10.Le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats a, dans un rapport en mai 2011, accueilli avec satisfaction l’établissement du Bureau de l’aide juridictionnelle, mais a noté qu’il est insuffisamment doté en personnel et en fonds. L’État partie a-t-il pris des mesures pour y remédier?

11.Mme Kleopas demande si le personnel médical chargé d’examiner les personnes, dès le début de leur détention, est formé à la manière de reconnaître les signes de torture ou mauvais traitements sur la base du Protocole d’Istanbul et si, en présence de ces signes, les services des poursuites ont mené des enquêtes sans que la victime présumée ait porté plainte.

12.Louant l’État partie de ses efforts visant à intégrer les condamnés à la réclusion à perpétuité dans le système carcéral ordinaire, Mme Kleopas demande des renseignements supplémentaires sur les mesures prises pour tirer parti de l’expérience fructueuse de cette intégration de prisonniers après une période de cinq ans de réclusion, qui devrait être considérée comme la norme et renforcée par des mesures législatives.

13.Invoquant largement les conclusions et observations du Rapporteur spécial de l’ONU sur l’indépendance des juges et des avocats, à la suite de sa visite sur le territoire de l’État partie en mai 2011, Mme Kleopas souligne l’importance d’une réforme du système judiciaire pour en assurer l’indépendance, l’efficacité, la rationalisation et la cohérence.

14.Il ressort d’informations reçues d’organisations non gouvernementales que l’usage excessif de la force et des armes à feu par la police, dans l’État partie, suscite de vives préoccupations. Dans certains cas, les interventions des forces de l’ordre ont entraîné la mort des victimes; dans d’autres, des traitements inhumains ou dégradants ont été infligés. De nombreuses victimes sont jeunes et la communauté rom est touchée d’une manière disproportionnée. Entre 1998 et 2010, la Commission européenne des droits de l’homme s’est prononcée contre l’État partie dans 27 affaires de ce type. Aucun fonctionnaire de police n’a été poursuivi avant d’être déféré devant la Cour européenne. Des informations à jour sur ces personnes seront les bienvenues.

15.L’État partie affirme qu’il respecte les normes internationales en matière d’usage des armes à feu par la police; toutefois, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la loi relative au Ministère de l’intérieur est contraire aux normes internationales qui préservent les droits à la vie et à la protection contre les traitements inhumains ou dégradants. L’article 74 de la loi ne respecte pas l’article 9 des Principes de base sur l’usage de la force et des armes à feu par les agents des forces de l’ordre. Mme Kleopas demande si l’instruction mentionnée au paragraphe 109 des réponses écrites de l’État partie à la liste de points à traiter correspond à celle invoquée par la Cour européenne.

16.Eu égard à la protection des réfugiés et des demandeurs d’asile, Mme Kleopas se félicite du mémorandum d’accord signé en avril 2010 entre la police des frontières, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le Comité Helsinki de Bulgarie. Elle s’enquiert des mesures complémentaires prises par l’État partie pour offrir une protection internationale à ceux qui la nécessitent. L’État partie envisage-t-il d’adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides ou à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie? Des informations sont également souhaitées quant aux mesures prises en vue d’assurer que réfugiés et demandeurs d’asile ne soient pas sanctionnés pour leur entrée ou leur séjour clandestin dans le pays, que la détention s’applique en dernier ressort et le plus brièvement possible et que les garanties contre le refoulement s’appliquent pleinement. Mme Kleopas exhorte l’État partie à accélérer l’ouverture tant attendue du centre de transit à Pastrogor et demande s’il est prévu de modifier la disposition législative autorisant la détention de demandeurs d’asile au motif d’entrée clandestine, laquelle viole différents droits reconnus aux demandeurs d’asile. Le Ministère de l’intérieur pourra-t-il fournir des services d’interprétation dans les centres situés à la frontière, notamment ceux réservés spécialement à l’hébergement temporaire d’étrangers?

17.Des statistiques fournies par une association d’ONG contre la violence familiale révèlent que le problème est répandu dans l’État partie. Citant le paragraphe 12 des observations finales du Comité des droits de l’homme, formulées en août 2011 (CCPR/C/BGR/CO/3), Mme Kleopas rappelle que le Comité contre la torture estime que la violence familiale, notamment le viol conjugal, s’assimile à la torture et doit être traitée en tant que telle par l’État partie. L’État partie devrait proroger la validité des ordonnances de protection dans les cas de violence familiale au-delà de la durée actuelle d’un mois. Mme Kleopas se dit préoccupée par la pratique persistante des mariages précoces conclus au sein de la communauté rom, en particulier concernant les fillettes de moins de 14 ans, nonobstant l’âge légal fixé à 18 ans. L’État partie devrait adopter des mesures, notamment des stratégies de sensibilisation, sur les conséquences de ces mariages, ainsi que sur les droits et devoirs des parties intéressées. Les châtiments corporels infligés aux enfants sont illégaux en toute circonstance dans l’État partie, mais l’opinion publique demeure ambivalente et la pratique persiste. Mme Kleopas exhorte le Gouvernement à faire respecter les dispositions législatives pertinentes.

18.Enfin, Mme Kleopas s’enquiert des progrès réalisés concernant la demande du médiateur et de la Commission pour la protection contre la discrimination d’être désignés comme institutions nationales des droits de l’homme en vertu des principes de Paris, le Comité attachant une grande importance au rôle d’institutions nationales des droits de l’homme indépendantes dans l’application de la Convention.

19.M.  Wang Xuexian (Corapporteur pour la Bulgarie), se félicitant de la formation offerte aux agents des forces de l’ordre, demande si une méthode propre à évaluer les résultats de cette formation a déjà été élaborée. Il souhaite entendre les commentaires de l’État partie sur la critique sévère des conditions carcérales par le Comité Helsinki de Bulgarie. Les progrès accomplis quant à l’amélioration à long terme sont constructifs, mais il est urgent d’en faire davantage. Des détenus ont fait valoir leurs droits en justice et ont obtenu une indemnisation au motif de mauvaises conditions de détention; le Corapporteur demande combien de plaintes ont été déposées et combien ont été déférées aux tribunaux. Il souhaite être informé des 26 procédures pénales en cours relatives aux mauvaises conditions de détention invoquées à la question 26 c) de la liste de points à traiter, à laquelle l’État partie n’a pas fourni de réponse.

20.M. Wang Xuexian demande si, parmi le nombre important de décès survenus durant la garde à vue ces dernières années, certains étaient liés à la torture ou à de mauvais traitements et souhaite des statistiques ventilées par cause de décès. Face à la forte pénurie de personnel pénitentiaire – dont la proportion est parfois d’un gardien pour 300 détenus – et au manque de candidats aux postes vacants, une stratégie s’impose à l’État partie pour régler le problème. A-t-elle été conçue? La violence règne également dans les prisons: 567 cas ont été enregistrés au premier semestre de 2011 représentant une nette augmentation. Comment l’État partie compte-t-il réagir?

21.M. Wang Xuexian est très préoccupé par le décès de 238 enfants mentalement déficients ces deux dernières années; il demande combien de ces cas ont fait l’objet d’une enquête, si les enquêtes ont été closes ou déférées aux tribunaux et combien de responsables ont été inculpés.

22.Il a été recommandé à diverses reprises d’établir un mécanisme indépendant chargé de traiter les allégations de torture et de mauvais traitements. Comment l’État partie prévoit-il de répondre? Estime-t-il que l’organe actuel, qui fait partie du Ministère de l’intérieur, est suffisamment indépendant? M. Wang Xuexian s’enquiert de l’importante disproportion entre le nombre de plaintes déposées contre des fonctionnaires et celui des plaintes fondées et des mesures disciplinaires prises.

23.Dans ses constatations, formulées en 2008, concernant la communication no 257/2004, relative à l’affaire Keremedchievc. Bulgarie, le Comité a observé une violation de l’article 12 au motif que l’enquête n’a pas été menée d’une manière impartiale et une violation de l’article 16 due aux mauvais traitements infligés par la police. Il a exhorté l’État partie à offrir aux plaignants une réparation effective, notamment une indemnisation équitable et suffisante pour les souffrances infligées, ainsi que des services médicaux de réadaptation. M. Wang Xuexian souhaite savoir si les autorités ont donné suite à la demande du Comité.

24.Le Comité souhaiterait être informé d’affaires précises où des victimes ont été indemnisées et du montant exact de l’indemnisation versée. Selon la réponse à la liste de points à traiter, les indemnisations vont de 250 à 5 000 leva bulgares et peuvent être portées, au décès de la victime, à un maximum de 10 000 leva. Quels seraient les montants équivalents en dollars des États-Unis?

25.L’interprétation restrictive par les tribunaux de la violence familiale a fait l’objet de critiques. M. Wang Xuexian demande des détails supplémentaires quant à l’interprétation du concept. Le Comité a également appris que la question de la violence sexuelle n’est en général pas abordée, même dans les programmes de prévention du Gouvernement. De plus, le mariage précoce et forcé à l’âge de 11 ou 12 ans est contraire à la loi, mais demeure apparemment courant. La délégation est invitée à s’expliquer sur ces allégations.

26.Selon une enquête sur les châtiments corporels, menée en 2009, 34,8 % des personnes interrogées estiment que cette forme de châtiment ne doit pas être utilisée systématiquement, mais qu’elle peut se justifier dans certains cas. Quelque 10,9 % pensent qu’elle est admissible si les parents croient à son efficacité. Comment le Gouvernement envisage-t-il de sensibiliser à l’inopportunité des châtiments corporels?

27.L’assassinat d’un jeune homme par des Roms, le 23 septembre 2011, a suscité des manifestations, attaques, pillages et incendies de maisons dans tout le pays, parfois en présence d’agents de la force publique. La mort du jeune homme est certes très fâcheuse, mais les propos haineux, notamment de hauts fonctionnaires déclarant que les communautés roms constituent un élément délinquant de la société, sont intolérables. La Haut-Commissaire aux droits de l’homme a fait diffuser, par son porte-parole, une prise de position publique qui a exhorté les autorités bulgares à réaffirmer publiquement le principe de la responsabilité pénale individuelle, en ajoutant que les dirigeants politiques devront adopter une position stricte contre les propos haineux et veiller au déploiement de la police en effectifs suffisants pour protéger les quartiers roms des menaces de représailles et de harcèlement. Le porte-parole a demandé si les autorités ont répondu à ces exhortations. Des inculpations ont-elles été prononcées contre les responsables des actes criminels?

28.Le 13 octobre 2011, la voiture de Sasho Dikov, journaliste bulgare qui dirige le programme de la chaîne privée de télévision (Channel 3 TV), a été détruite par une explosion dans apparemment une tentative de meurtre. M. Wang Xuexian demande si une enquête a été ouverte. Une journaliste, Mirolyuba Benatova, de la chaîne de télévision privée BTV, a fait l’objet d’une campagne haineuse, au point de ne plus pouvoir travailler, à la suite d’un reportage sur les affrontements entre Roms et communautés bulgares dans le village de Katunitsa le 24 septembre 2011. Des poursuites ont-elles été engagées à cet égard? Enfin, quel est le nombre de cas signalés de traite des personnes, ainsi que de procédures et de condamnations depuis 2008?

29.M.  Bruni dit que, selon le paragraphe 135 des réponses de l’État partie à la liste de points à traiter, 977 demandes d’asile ont été présentées à l’Agence d’État pour les réfugiés entre janvier 2010 et juillet 2011. Il demande si certains des requérants ont argué qu’ils risqueraient d’être soumis à la torture s’ils retournaient dans leur pays d’origine et, en l’occurrence, quelles mesures les autorités compétentes ont-elles prises? Le Comité s’est enquis dans sa liste de points du sort de deux réfugiés palestiniens qui ont été expulsés vers le Liban en novembre 2010 et y auraient été torturés. L’État partie a répondu que le Ministère de l’intérieur ne suit pas la situation d’étrangers après leur renvoi vers le pays d’origine. M. Bruni souligne qu’au sens de l’article 3 de la Convention, les États parties sont tenus d’évaluer s’il y a des motifs sérieux de croire que les futurs rapatriés risquent d’être soumis à la torture. Il demande si une telle évaluation a été entreprise dans le cas des réfugiés palestiniens et si d’autres Palestiniens ont été, entre-temps, renvoyés vers le Liban. D’une manière générale, quelles sont les mesures prises pour s’assurer que les personnes ainsi exposées ne sont pas expulsées?

30.Le Comité européen pour la prévention de la torture a observé durant une visite effectuée en Bulgarie en septembre 2006 que la prison de Plovdiv est tout particulièrement surpeuplée. Des mesures ont-elles été prises pour y remédier?

31.Le paragraphe 176 des réponses à la liste de points à traiter renvoie aux plans de reconstruction de locaux de détention dans 45 commissariats de police entre 2010 et 2013. Les crédits nécessaires s’élevant à 2 444 280 euros doivent être prélevés sur le budget de l’État. M. Bruni demande si ces fonds ont été mis à disposition et si le projet a été lancé.

32.Concernant le placement de personnes en isolement cellulaire pour des violations du règlement pénitentiaire, M. Bruni note dans les réponses à la liste de points à traiter que la forme et la durée de ces sanctions disciplinaires varie. Il attire l’attention à cet égard sur la position adoptée en matière d’isolement cellulaire par le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans son rapport à l’Assemblée générale du 5 août 2011 (A/66/268). Au paragraphe 72 du rapport, le Rapporteur spécial déclare qu’utilisé aux fins de sanction, l’isolement cellulaire ne saurait se justifier sous aucun prétexte, précisément parce qu’il inflige une douleur et une souffrance psychique allant au-delà de toute sanction raisonnable d’un comportement délictueux et constitue par conséquent un acte tel que défini à l’article 1er ou à l’article 16 de la Convention contre la torture. Au paragraphe 84, le Rapporteur spécial engage vivement les États à interdire l’isolement cellulaire comme sanction, que ce soit au titre d’une peine ou d’une mesure disciplinaire. M. Bruni demande si l’État partie a pris des mesures pour appliquer cette recommandation.

33.M.  Mariño Menéndez s’associe à M. Wang Xuexian pour exhorter l’État partie à rendre compte de la suite donnée aux constatations du Comité concernant la communication no 257/2004 relative à l’affaire Keremedchiev c. Bulgarie.

34.M. Mariño Menéndez demande des détails sur le régime carcéral applicable aux détenus placés en isolement cellulaire, en particulier sur les motifs invoqués pour en fixer la durée et les règles, ainsi que sur les dispositions appliquées en matière de surveillance. Ces détenus sont-ils suspects de participation à des actes de terrorisme ou au crime organisé international?

35.M. Mariño Menéndez présume que si les autorités frontalières ont des doutes concernant le statut d’un demandeur d’asile donné, une procédure d’urgence s’ensuit. Comme membre de l’Union européenne, la Bulgarie est censée appliquer le régime harmonisé en matière d’asile. La procédure d’urgence suppose l’adoption d’une décision administrative quant à savoir si une demande d’asile est recevable. Si la demande est rejetée, le demandeur d’asile peut-il former un recours auprès d’un tribunal de droit commun et, dans ce cas, ce recours a‑t‑il un effet suspensif?

36.Diverses ONG ont signalé des allégations de corruption du pouvoir judiciaire. M. Mariño Menéndez s’enquiert du rôle et de l’indépendance du Conseil suprême de la magistrature. Comment sont nommés ses membres et exercent-ils un pouvoir disciplinaire sur les membres de l’appareil judiciaire?

37.M.  Gaye note que le rapport de l’État partie n’invoque pas l’article 2 de la Convention qui dispose qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ni l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peuvent être invoqués pour justifier la torture. Quelle est la situation par rapport à ces deux questions?

38.Selon l’article 15 de la Convention, aucune déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne peut être invoquée comme élément de preuve. Il est indiqué au paragraphe 61 du rapport que le verdict ne peut être uniquement fondé sur des aveux de l’accusé. Ce principe ne dispense toutefois pas d’une disposition législative qui déclare que des aveux obtenus par la torture sont irrecevables.

39.Selon le paragraphe 159 du rapport, 25 magistrats ont été reconnus coupables d’infractions pénales. M. Gaye se demande si, en Bulgarie, on fait la distinction entre magistrats et juges. Dans tous les cas, l’indépendance du pouvoir judiciaire est essentielle et l’impunité ne saurait être tolérée. M. Gaye s’enquiert de la procédure selon laquelle les magistrats en question ont été cités en justice.

40.Le paragraphe 74 du rapport cite le paragraphe 2 de l’article 3 de la loi relative à l’exécution des peines et à la détention, qui définit la torture ou les traitements cruels ou inhumains. Une distinction est normalement faite entre la torture, d’une part, et les traitements cruels ou inhumains, de l’autre. Le paragraphe 1 de l’article 3 dispose qu’un condamné ne peut être torturé ni faire l’objet de traitements cruels ou inhumains. Des fonctionnaires ont-ils été sanctionnés en application de cette disposition?

41.M. Gaye note une tendance à imposer des peines successives quand plusieurs infractions ont été commises. Dans le cas de plusieurs peines prononcées, se confondent-elles ou sont-elles d’ordinaire exécutées successivement? M. Gaye demande si les autorités judiciaires ont envisagé des peines de substitution à l’emprisonnement, tel que le bracelet électronique, afin d’agir sur le problème de surpeuplement carcéral.

42.Selon l’État partie, une action civile en réparation peut être intentée contre un fonctionnaire qui a commis une infraction. Cette disposition devrait s’appliquer à une action récursoire contre tout fonctionnaire qui a commis une infraction dont l’État doit répondre.

43.M me Sveaass se félicite des importants changements institutionnels annoncés par la délégation. Toutefois, l’adoption de ces changements est fréquemment une tâche de longue haleine qui exige un suivi scrupuleux. De plus, la désinstitutionalisation n’est pas toujours la meilleure solution dans les cas nécessitant une prise en charge de remplacement. Condition fondamentale applicable aux institutions et hôpitaux, ainsi qu’aux familles d’accueil, foyers ou soins communautaires, les prestataires de services doivent respecter les droits et la dignité des personnes qui leur sont confiées et toute violation de ce principe doit donner lieu à une enquête. S’agissant des informations relatives aux décès d’enfants depuis 2000 et aux 166 cas faisant l’objet d’une enquête, Mme Sveaass demande si les conditions dans les institutions dépeintes comme étant déplorables et les cas de mauvais traitements infligés aux enfants feront également l’objet d’enquêtes.

44.Quant au système de tutelle dans les établissements psychiatriques, des mesures sont prises en vertu de la Convention relative aux droits des personnes handicapées pour renforcer le droit à l’autonomie des personnes atteintes de diverses formes de troubles mentaux. Le système de tutelle en Bulgarie ne tient pas pleinement compte de cette perspective qui vise l’autonomie et le droit de recourir contre une hospitalisation imposée. Mme Sveaass croit comprendre que, parfois, les médecins agissent en qualité de tuteurs des patients hospitalisés. N’étant pas censés pouvoir rester indépendants, comment ces patients ou leur famille peuvent recourir contre leurs décisions?

45.Tout en félicitant l’État partie de l’exhaustivité des informations qu’il a fournies sur la traite des personnes en Bulgarie, le Comité demande néanmoins d’autres données sur les mesures de prévention adoptées en vue d’éviter aux femmes de devenir victimes de la traite et sur les conseils psychosociaux et psychologiques assurés à celles qui en ont été victimes.

46.Le Comité, n’ignorant pas que de graves crimes de haine ont été perpétrés contre des témoins de Jéhovah et des membres de la communauté rom, souhaite connaître les mesures prises par l’État partie en matière d’enquêtes et de lutte contre ces agressions. Il est préoccupé par le fait que de nombreux cas de violence familiale à l’égard de femmes et d’enfants sont traités comme des infractions non passibles de poursuites pénales; quelles sont à cet égard les dispositions prises pour renforcer la législation visant à lutter contre la violence familiale?

47.Selon le rapport de l’État partie, les parties lésées peuvent bénéficier d’une médiation dans le cadre d’une procédure pénale pour obtenir une juste indemnisation. Le Comité souhaite savoir si les parties au litige peuvent recourir à la médiation uniquement pour déterminer une indemnisation, ou si, dans les cas de torture, la médiation peut servir à fixer des peines de substitution imposables aux délinquants.

48.M me Belmir dit que, pour engager une réforme du système judiciaire, tout État partie doit veiller à respecter les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature et, à cet égard, demande un complément d’information sur les critères appliqués par l’État partie pour limiter l’immunité des magistrats ou les révoquer. Le Comité est préoccupé par le fait qu’à la suite d’une modification de la Constitution, un conseil suprême permanent de la magistrature a été établi pour coordonner la réforme judiciaire, ce type de conseil étant d’ordinaire constitué pour une brève durée.

49.L’État partie a déclaré que les mineurs âgés entre 14 et 18 ans peuvent dans certains cas être tenus pénalement responsables de leurs actes, ce qui contrevient à la Convention relative aux droits de l’enfant. La Bulgarie doit être louée de prendre des mesures pour rendre sa législation conforme à cette Convention, mais elle doit veiller qu’eu égard aux incidents dus au comportement asocial impliquant des mineurs, les enfants en conflit avec la loi soient traités comme il convient et ne comparaissent pas en justice.

50.L’État partie a reconnu que des barres de fer et des chaînes servent à immobiliser les détenus placés en garde à vue. Mme Belmir se félicite toutefois du fait que la Bulgarie a affirmé que des instructions ont été diffusées en vue d’abolir ces systèmes. Elle demande si des personnes ont subi des lésions pour avoir été enchaînées pendant de longues périodes, si elles ont reçu des soins médicaux et si des mineurs auraient été emprisonnés de cette manière. En application de la législation bulgare, les personnes condamnées à la réclusion à perpétuité subissent un traitement particulièrement sévère les premières années de leur détention. L’État partie a promis d’examiner la question; quelles mesures peuvent être prises dans l’immédiat pour soulager le sort de ces prisonniers?

51.Le Président, notant qu’un groupe de travail au Ministère de la justice réexamine le Code pénal, demande quels sont les progrès accomplis à cet égard. Il souhaite également en savoir davantage sur l’état d’avancement de la stratégie de réforme du système judiciaire bulgare et, en particulier, des plans de l’État partie visant à accroître et améliorer la possibilité pour des détenus placés en garde à vue de consulter des services juridiques de qualité.

52.La Bulgarie a dû répondre devant la Cour européenne des droits de l’homme de la longueur et la conduite des procédures pénales dans le pays et a admis que certains détenus attendent plus de six mois avant d’être inculpés. Le Président demande des renseignements complémentaires à ce sujet ainsi que le pourcentage des détenus placés sous le régime de mise à l’épreuve en remplacement d’une peine d’emprisonnement afin d’atténuer le surpeuplement carcéral. Le Comité souhaite également savoir comment l’État partie décide que des mineurs âgés entre 14 et 18 ans comprennent la signification et les conséquences de leurs actes et s’ils sont traités comme des adultes devant les tribunaux bulgares. Des informations sur les mesures prises pour appliquer les recommandations faites par le Bureau du médiateur et la façon dont la société bulgare considère le médiateur seront les bienvenues.

53.Selon l’État partie, il n’existe pas de statistiques détaillées sur la discrimination à l’égard de membres de la communauté rom, aucune donnée n’étant collectée sur l’ethnicité des victimes. Le Comité souhaite savoir si d’autres données peuvent servir à combattre ce phénomène, par exemple des statistiques sur les crimes de haine en général et sur le nombre d’agents des forces de l’ordre formés à cet effet. Le Président demande également si des poursuites ont été effectivement intentées contre des personnes accusées de discrimination, si une indemnisation a été accordée et si des campagnes de sensibilisation ont été menées pour lutter contre la discrimination dans la société.

54.Le Comité s’inquiète de l’interruption de programmes visant à assurer une aide juridictionnelle aux demandeurs d’asile. Il demande si elle est due à un manque de crédit et si d’autres mesures ont été mises en place pour permettre aux demandeurs d’asile d’obtenir des conseils juridiques. L’État partie a-t-il ouvert le centre de transit que construit l’Agence d’État pour les réfugiés?

55.Le Président demande quelles mesures prend l’État partie pour que les dispositions du Protocole d’Istanbul soient respectées par le personnel pénitentiaire et comment la Bulgarie s’assure du respect de ses obligations découlant de la Convention, en particulier eu égard aux détenus placés en isolement cellulaire. L’État partie est également invité à examiner les mesures prises pour lutter contre la violence dans les prisons et installer des caméras vidéo dans les locaux pénitentiaires pour prévenir les agressions. Le Président demande à la délégation de fournir des données sur l’incidence de la violence familiale ventilées par lien de parenté entre la victime et l’auteur de l’infraction, pour qu’une politique propre à combattre ce phénomène soit établie. Il souhaite également savoir si la violence familiale implique souvent des membres des minorités, telles que la communauté rom.

56.Le Comité s’informe de la manière dont les indemnisations sont accordées aux victimes de torture et si elles sont versées uniquement en cas de décès. La Bulgarie a déclaré qu’aucune donnée n’est disponible en matière d’exclusion de preuves obtenues par la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au motif qu’aucun fichier n’est conservé sur l’irrecevabilité des preuves. Le Comité invite la Bulgarie à fournir ces renseignements qui permettront d’évaluer le respect par l’État partie de la Convention. Enfin, le Président demande quelles sont les mesures prises pour placer les personnes mentalement déficientes dans des établissements de protection sociale.

57.M.  Tzantchev (Bulgarie) assure le Comité que la délégation s’attachera à répondre à toutes les questions posées par le Comité à la séance prévue le lendemain.

Le débat résumé prend fin à 12 h 5.